M. François Autain. Ça, c’est vrai ! Chaque système a ses effets pervers !

Mme Muguette Dini. Toutefois, et de nombreuses études empiriques le montrent, comparé au système de capitation britannique, le paiement à l’acte présente des avantages en termes d’amélioration de la qualité des soins.

Il n’est évidemment pas question de basculer dans un système basé sur des allocations forfaitaires qui seraient versées par les organismes payeurs pour chaque patient inscrit sur des listes. Mais il ne fait aucun doute que les rémunérations forfaitaires, notamment en matière de prise en charge des maladies chroniques, et les contrats d’amélioration des pratiques individuelles doivent être encouragés.

En ce qui concerne ces contrats, les premiers éléments issus des négociations conventionnelles sont encourageants. Les indicateurs retenus portent sur des objectifs de dépistage et de prévention, sur le suivi des pathologies chroniques et sur des actions d’efficience, comme le taux de prescription dans le répertoire des classes thérapeutiques coûteuses. Un niveau cible est fixé à trois ans pour chaque indicateur. La contrepartie est le versement par l’assurance maladie au médecin traitant ayant souscrit volontairement à ce contrat d’un complément de rémunération d’un montant annuel estimé entre 5 000 euros et 6 000 euros.

Il s’agit bien d’un système de primes au mérite qui fait entrer la médecine libérale française dans un schéma de rémunération « à la performance », comme cela se pratique avec succès depuis des années au Royaume-Uni.

En outre, les expérimentations de modes de rémunération forfaitaire se substituant au paiement à l’acte doivent également se développer, en lien avec les maladies chroniques.

En 2005, un rapport d’un groupe de travail au sein de la Haute Autorité de santé indiquait que, dans le cadre des réseaux de soins palliatifs, la forfaitisation des prises en charge des patients était envisagée comme une véritable solution de remplacement au paiement à l’acte.

Des expérimentations ont été menées à partir de trois niveaux de forfait, selon le stade du patient.

D’après les auteurs de ce rapport, « cette modalité de rémunération présente l’avantage de répartir différemment les rôles entre les réseaux et l’assurance maladie. Ainsi, à partir de montants et de types de forfaits définis au préalable, le réseau de soins transmet à l’assurance maladie l’activité réalisée par les médecins et ces derniers sont alors rémunérés au terme de la prise en charge par les caisses ».

J’aurai très certainement l’occasion de revenir plus en détail sur ce point lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, un texte qui, dans le prolongement du présent PLFSS, remet sur les rails, à plus d’un titre la maîtrise médicalisée des dépenses de soins.

Par conséquent, pour les membres du groupe Union centriste, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est, dans son ensemble, un bon texte. Les amendements que nous avons déposés visent simplement à apporter quelques améliorations, et nous espérons que nos propositions seront prises en compte. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry.

M. Denis Detcheverry. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de ma position sur la réforme de l’indemnité temporaire de retraite, l’ITR, dispositif qui existe en outre-mer depuis le début des années cinquante et dont la perception métropolitaine est bien souvent éloignée des réalités ultramarines.

En effet, si les retraites de la fonction publique sont majorées en outre-mer, c’est tout simplement parce que les salaires le sont également. Le choix a été fait voilà bien longtemps de compenser le coût élevé de la vie en majorant les salaires. Il s’agit donc d’une indexation des salaires et des retraites sur le coût de la vie. Même si ces deux majorations ont été établies différemment, elles servent aujourd’hui toutes deux à préserver le pouvoir d’achat des populations ultramarines par rapport à celles de la métropole.

Je vous l’avoue, j’aurais préféré qu’un effort soit réalisé pour abaisser le coût de la vie. Je pense, entre autres, à la mise en place d’aides à l’importation et à l’exportation, afin de donner une meilleure chance aux économies d’outre-mer d’être compétitives. Mais le système est ce qu’il est, et l’ITR fait partie intégrante de cette philosophie. Il faut donc que toute réforme s’inscrive dans une analyse globale.

Comme la grande majorité de mes collègues ultramarins, j’admets que le dispositif actuel présente certaines imperfections, voire des injustices. Ainsi, des personnes n’ayant jamais servi outre-mer viennent en profiter de manière totalement illégitime. En 2006, j’avais souhaité présenter un amendement visant à imposer une durée minimale d’exercice en outre-mer de dix ans pour y avoir droit. Malheureusement, le cabinet du ministre en charge de l’outre-mer de l’époque m’en avait dissuadé. Je pense aujourd'hui que j’ai eu tort de me laisser fléchir.

J’ai également écrit au Président de la République à la suite de son discours sur la révision générale des politiques publiques, dans lequel il annonçait la fin des abus, mais non la fin de l’ITR. Je lui ai apporté mon soutien. J’ai donc toujours fait preuve de pragmatisme et de bonne foi sur ce dossier. Comme vous le savez, je ne suis pas là pour défendre des privilèges injustifiés. Je suis seulement animé par un souci d’efficacité et d’équité.

Cela étant, je ne comprends pas pourquoi, à cause de quelques « tricheurs », il devrait être mis fin à tout un système qui, même s’il est imparfait, demeure légitime. Doit-on, par exemple, supprimer la sécurité sociale parce que certaines personnes en abusent ? Doit-on faire une croix sur l’assurance chômage à cause de quelques profiteurs ? Je ne le pense pas.

Le sens de l’équité nous ordonne, d’une part, d’améliorer et de mieux faire respecter les règles contre les abus et, d’autre part, de faire évoluer le système général en vue d’une plus grande efficience.

Nous pouvons atteindre ce deuxième objectif de deux manières : soit en modifiant certains aspects de la loi, soit en y substituant un meilleur dispositif. Dans tous les cas, cela ne peut se faire qu’après une étude sérieuse et concertée de la situation dans les territoires concernés et des incidences qu’y auraient les nouvelles dispositions.

C’est pourquoi, même si je tiens à soutenir dès aujourd’hui la première partie d’une telle réforme, qui est devenue urgente pour mettre fin à la spirale actuelle, j’aimerais que l’on se donne le temps de l’analyse pour la deuxième partie. Bien que le caractère progressif du dispositif proposé paraisse rassurant, la réalité humaine et économique des territoires concernés n’est pas suffisamment prise en compte. Nous n’avons pas de résultats concrets sur le coût de la vie dans chacune de ces collectivités. L’INSEE a déclaré pouvoir faire ce travail en dix-huit mois. Pourquoi s’en priver ? Un système de compensation a été mis en avant à maintes reprises, mais rien n’est proposé dans le texte actuel.

J’espère donc que vous accepterez le premier amendement que j’ai présenté et qui prévoit la présentation d’un rapport par le Gouvernement dans un délai d’un an pour la mise en place d’une retraite complémentaire.

Mes chers collègues, je tiens toutefois à vous mettre en garde : il serait regrettable que l’État prenne des mesures d’économies qui, à terme, lui coûteraient plus cher. En effet, si les économies locales se trouvent encore plus sinistrées, cela se traduira par de moindres rentrées fiscales pour les collectivités concernées, qui sont déjà financièrement très fragiles, et plus de dépenses sociales. Au final, nous aurons ainsi encore moins d’argent à consacrer au développement économique réel et durable. Comme l’a si bien souligné notre éminent collègue Jean-Paul Virapoullé, qui ne pouvait être présent aujourd'hui, l’économie réalisée sera largement dépassée par le coût du désastre.

Le texte actuel prévoit de réserver dès 2009 l’accès aux fonctionnaires ayant exercé quinze ans en outre-mer et de plafonner les montants pour éviter les augmentations indiciaires jusqu’en 2018. Il a donc été apporté une réponse efficace à la situation d’urgence avec ces deux mesures. Pourquoi se précipiter pour mettre fin à l’ITR dans sa globalité ? Ne pouvons-nous pas nous donner un à deux ans pour réaliser une étude globale et sincère des situations et évaluer les conséquences de cette modification sur les territoires ultramarins ? C’est à se demander si on ne veut pas faire de l’outre-mer un bouc émissaire !

Et que l’on ne vienne pas me dire qu’un travail approfondi a déjà été effectué sur le sujet dans plusieurs rapports !

En effet, même le député Jean-Pierre Brard, auteur d’un rapport sur la question, a dénoncé une démarche de suppression totale, actée immédiatement, sans approfondir le dossier. Certains trouveront sans doute cela normal venant d’un député d’opposition. Mais Jean-Pierre Brard a eu la sincérité de dénoncer de longue date les anomalies du système actuel, en ne faisant preuve d’aucune complaisance. D’après mes informations, il est le seul parlementaire à s’être déplacé en outre-mer pour mener à bien sa mission. Les autres rapports ont été réalisés depuis Paris, et leurs auteurs n’ont pris la peine ni de se rendre dans les territoires concernés ni de rencontrer les parlementaires ultramarins, même lorsqu’ils se trouvaient au Palais-Bourbon ou au palais du Luxembourg.

Croyez-moi, cela n’est pas la bonne manière de procéder ! Il en résulte bien souvent des décisions totalement inadaptées à la réalité du terrain. C’est ainsi que jadis, je le dis pour l’anecdote, nous avons hérité de canons à Saint-Pierre-et-Miquelon pour nous protéger contre une invasion russe pendant la guerre de Crimée ! (Sourires.)

J’en profite pour manifester mon étonnement. Certains collègues prônent une réforme qui serait encore plus draconienne. Mais pourquoi vouloir un tel bouleversement des règles, dont les conséquences sur les économies et les vies en outre-mer seraient très lourdes ?

Par ailleurs, je regrette l’absence de concertation, attitude qui pourrait être interprétée par nos concitoyens ultramarins comme un message de désintérêt, voire de désengagement. Ce serait dommage, car nous savons que l’outre-mer constitue une véritable chance pour la France. C’est notamment grâce à tous ces territoires présents sur les trois océans que notre pays se situe au deuxième rang mondial en termes de superficie maritime.

Quand je vois que certains députés cherchent déjà à profiter du projet de loi de finances pour récupérer l’argent de l’ITR, je suis perplexe. Les économies réalisées ne devraient-elles pas être réinvesties prioritairement en outre-mer ?

Soyons clairs : nous serions tous prêts à percevoir des salaires et des pensions de retraite identiques à celle de nos concitoyens métropolitains si les prix étaient les mêmes. Il serait logique, en particulier, de réduire le coût des transports pour assurer une vraie continuité territoriale. Ayons au moins la décence de réinjecter les économies réalisées sur le dos des populations ultramarines en outre-mer !

Comparer la progression de la réforme de l’ITR à celle de la réforme de 2003 n’a pas de sens. Dans un cas, on déclarait qu’il fallait travailler quatre ans de plus pour toucher la même retraite. Aujourd’hui, d’après ce que vous vous apprêtez à annoncer, quoi qu’il fasse, un fonctionnaire ayant fait le choix de servir et de vivre dans le Pacifique touchera dans vingt ans 43 % de moins que ce qui lui avait été promis.

Je suis à peu près sûr que, si un système de compensation n’est pas rapidement mis en place, bon nombre de ces retraités iront passer une grande partie de l’année en métropole, notamment afin d’éviter de dépenser entre 2 500 euros et 3 000 euros de fuel pour le chauffage d’une maison moyenne normalement isolée à Saint-Pierre-et-Miquelon !

Le système de l’ITR permet aux moins à ces retraités, qui représentent 5 % de la population totale à Saint-Pierre-et-Miquelon, de vivre, de consommer et d’acquitter des impôts sur place, donc de contribuer clairement à la santé économique et budgétaire de mon archipel.

Réformons ce qui doit l’être en outre-mer, mais n’ajoutons pas une crise à la crise en nous précipitant. Répondons à ce qui est urgent avec efficacité et discernement, et prenons le temps de l’analyse pour remplacer l’ITR par un système plus légitime.

Je forme le vœu que nous commencions, dans un avenir proche, à effectuer ensemble ce travail de concertation, de réflexion, ainsi que de pédagogie, auprès des nos concitoyens ultramarins. La réforme n’en sera que mieux adaptée et, surtout, mieux acceptée. (Mme Sylvie Desmarescaux applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’inquiétude est grande au moment d’entamer la discussion du PLFSS pour 2009, car ce texte a été préparé avant l’aggravation de la crise financière.

Il est certain que la crise du capitalisme financier aura des conséquences sur l’économie réelle, dont on commence, hélas ! à percevoir l’ampleur. Or le texte qui nous est présenté aujourd’hui est en total décalage par rapport à la situation économique et sociale !

M. François Autain. C’est vrai !

Mme Patricia Schillinger. II est loin de proposer les mesures structurelles nécessaires.

En 2004, M. Xavier Bertrand prévoyait le retour à l’équilibre pour 2007. Il est désormais reporté à 2012 ! Le temps où le régime général était excédentaire est bien loin ! C’était en 2001, sous Lionel Jospin. Aujourd’hui, la sécurité sociale est en situation de faillite et dans le domaine des retraites, que j’examinerai plus particulièrement, la situation est aussi effrayante.

Les comptes de l’assurance vieillesse, encore à l’équilibre en 2003, présenteront un déficit de plus de 5,6 milliards d’euros cette année alors que la réforme Fillon ne prévoyait qu’un déficit de 1 milliard d’euros en 2008. Aujourd’hui, on se rend compte du lourd échec de la loi Fillon, qui n’a apporté aucune solution durable au problème des retraites et n’a rien réglé sur le plan social. Environ 6 millions de retraités vivent avec une pension inférieure au SMIC.

Alors que le sujet des retraites aurait dû déboucher sur un projet de loi spécifique, vous vous contentez de saupoudrer quelques « mesurettes ». Nulle part dans ce texte n’est évoquée la question de la pénibilité, pas plus que celles de la défense du fonds de réserve des retraites ou celle des polypensionnés.

La négociation sur la pénibilité des métiers, quant à elle, est toujours au point mort, faute de volonté politique. Où en est-on, monsieur le ministre ? L’écart d’espérance de vie selon les métiers exercés atteint près de dix ans. L’allongement uniforme de la durée de cotisation que vous préconisez ne peut que conduire à des inégalités et à des injustices sociales.

Quant à la question de l’allongement de la durée de cotisation à quarante et un ans, elle ne s’intègre pas, elle non plus, dans cette loi. Vous préférez sûrement agir par décret, c’est-à-dire sans débat ! Aujourd’hui, le Gouvernement choisit d’augmenter la durée de cotisation, alors que depuis 2003, rien n’a été fait pour assurer la sauvegarde et la pérennité du système.

Par ailleurs, il est particulièrement choquant et provocateur de repousser l’âge limite du départ à la retraite. Les salariés qui le souhaitent pourront désormais travailler jusqu’à soixante-dix ans ! En fait, cela signifie que de moins en moins de salariés auront une retraite suffisante à soixante-cinq ans. Ils devront donc chercher à se maintenir au travail, voire à cumuler emploi et retraite.

II est clair que le Gouvernement utilise tous les moyens pour reculer l’âge des départs en retraite et amener les salariés à travailler le plus longtemps possible sous couvert de volontariat. C’est scandaleux !

La France est l’un des pays européens où les mesures les plus néfastes ont été prises en matière de retraite. De nombreux pays européens ont pris des dispositions pour équilibrer les régimes de retraites, mais, selon une étude de l’OCDE, c’est la France qui est allée le plus loin dans les sacrifices demandés aux salariés.

MM. Roland Courteau et Jean-Pierre Godefroy. Eh oui !

Mme Patricia Schillinger. Le Gouvernement souhaite donc nous faire travailler jusqu’à soixante-dix ans ! Et nous faire aussi travailler le dimanche ! On veut nous faire croire que c’est au salarié de choisir, que c’est un acte volontaire. Mais nous savons très bien qu’il n’en est rien : c’est la porte ouverte à toutes les dérives et, demain, on demandera à tout le monde de travailler jusqu’à soixante-dix ans !

M. François Autain. Et pourquoi pas jusqu’à quatre-vingts ans !

Mme Patricia Schillinger. Cette initiative intervient sans la moindre concertation ni le moindre dialogue avec les partenaires sociaux. Elle sonne surtout comme une provocation, compte tenu de la réalité sociale.

Henri Guaino a déclaré : « Ces questions-là méritent un vrai débat. Il faut prendre son temps, il faut réfléchir […] cela ne se fait pas comme ça, sur un coin de table.» Sur ce point, nous sommes parfaitement d’accord : il faut un vrai débat. (M. François Autain. acquiesce.)

Or ce n’est pas la voie que vous avez choisie, monsieur le ministre, en adoptant, une fois de plus sans concertation, la mesure qui permet aux personnels navigants de prolonger leur activité professionnelle jusqu’à soixante-cinq ans. De façon tout à fait prévisible, un préavis de grève a été déposé, ce qui a suscité cette réaction de votre part : « C’est franchement une grève qui peut être évitée ! » Qu’attendez-vous, monsieur le ministre ? La température sociale monte...

L’État entend inciter les seniors à continuer leur activité professionnelle avec la libéralisation du cumul emploi-retraite et l’augmentation du taux de surcote. Si les employeurs ne négocient pas un accord favorisant l’emploi des seniors avant la fin 2009, une pénalité de 1 % de la masse salariale est prévue en 2010. On souhaite donc mettre en œuvre rapidement des actions en faveur du maintien dans l’emploi ou du retour à l’emploi des salariés âgés.

Ainsi, on dit aux seniors qu’il faut rester dans l’entreprise, mais on ne donne pas vraiment aux entrepreneurs les moyens de les garder. Deux salariés sur trois sont littéralement éjectés de leur emploi avant même d’avoir acquis les droits à une retraite à taux plein.

Quant au dispositif de sanction, dont l’application sera incertaine, il ne changera rien. La sanction ne permettra pas de modifier les comportements.

Cette volonté d’allongement de la durée de cotisation est un contresens au moment où le rejet du marché du travail des plus de cinquante-cinq ans reste majoritaire, où les salariés les plus anciens sont les premières victimes de la recrudescence des plans sociaux. Malgré plusieurs initiatives de l’ANPE, telles que les clubs seniors, leur situation sur le marché du travail est catastrophique. En septembre encore, le taux de chômage des plus de cinquante ans a augmenté de 0,3 %, et de 1,5 % sur douze mois.

Cet allongement va aggraver la crise du pouvoir d’achat des futurs retraités, qui seront de moins en moins nombreux à accéder à une retraite à taux plein. Selon les études du Conseil d’orientation des retraites, le COR, il ne résoudra pas, non plus, le déficit de l’assurance vieillesse, soit 5 milliards d’euros, puisqu’il permettra de ne réaliser que 2,5 milliards d’économies en 2020.

Le taux d’activité décroît rapidement avec l’âge et ce, dès cinquante-quatre ans. Si 85 % des personnes sont encore actives à cinquante-trois ans, elles ne sont plus que 44 % après cinquante-neuf ans. Comment, dans ces conditions, évoquer la possibilité de faire travailler des salariés de plus de soixante-cinq ans ? Alors que le nombre de licenciements va augmenter avec la crise, vous continuez à vous acharner à faire travailler les plus de soixante-cinq ans. Vous proposez des mesures totalement incohérentes !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous préférez augmenter les prélèvements obligatoires ?

Mme Patricia Schillinger. Par ailleurs, tous les seniors ne sont pas égaux face à l’emploi. Les ouvriers non qualifiés sont beaucoup plus touchés que les autres salariés. Le 28 octobre, à Rethel, dans les Ardennes, le Président de la République vantait les effets de sa politique. Il déclarait : « Nous avons fait sauter les verrous qui entravaient l’activité des seniors ! » Malheureusement, il a été trop rapide dans ses affirmations, car les chiffres montrent le contraire, une fois de plus. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Ce projet de loi prévoit également de faire intervenir une revalorisation annuelle au 1er avril de chaque année, afin de mieux prendre en compte l’inflation réelle de l’année précédente. En effet, l’article 6 prévoit le coup de pouce donné aux retraites en 2008, à compter du 1er septembre. Après avoir été revalorisées de 1,1 % en vertu des dispositions de la précédente loi de financement de la sécurité sociale, les retraites ont bénéficié d’une revalorisation exceptionnelle de 0,8 % au 1er septembre de cette année.

Avec cette dernière hausse, le Gouvernement prétend que les retraités peuvent s’estimer satisfaits. Le 16 octobre dernier, ils ont très clairement fait savoir que le rattrapage du 1er septembre ne leur suffisait pas. Les revalorisations successives ne couvrent pas l’inflation, qui va atteindre 2,9 % en 2008. Le pouvoir d’achat des personnes retraitées baissera en moyenne de plus d’un point en 2008, c’est-à-dire que l’augmentation sera de 1,9 % pour au moins 2,9 % d’inflation annuelle ! Nous sommes donc très loin du compte.

Depuis 2002, les revalorisations ne compensent pas l’inflation de ces six ans : l’indice général des prix a progressé de 12,19 % tandis que les retraites n’augmentaient que de 10,82 %.

De plus, l’indice général des prix minimise le renchérissement des produits de première nécessité, dont les prix s’envolent depuis un an. Selon certains syndicats, pour garantir le pouvoir des retraités en 2009, il faudrait une hausse de 3,7 %. Une véritable augmentation serait nécessaire à la garantie du pouvoir d’achat des retraités.

On constate, ici, que le PLFSS ne tient pas compte de la réalité de la crise économique.

Quant à la hausse du minimum vieillesse annoncée pour le 1er avril 2009, elle est fixée à 6,9 %. Elle ne permettra pas de tenir les engagements présidentiels qui évoquaient la nécessité d’une progression de 25 %, en termes de pouvoir d’achat, pour les titulaires du minimum vieillesse. Jusqu’en avril prochain, le minimum vieillesse restera bloqué et, vous prévoyez ensuite de le porter à 676 euros. C’est toujours insuffisant, car il reste en deçà du seuil de pauvreté européen, à savoir 817 euros.

En résumé, le nombre de retraités pauvres augmentera encore. Et bien souvent, ce sont les femmes qui sont, une fois de plus, les plus touchées, puisque ce sont elles qui ont interrompu leur carrière pour se consacrer à leur famille.

Pour le minimum contributif, c’est la même chose : l’augmentation annoncée ne permettra pas aux personnes âgées qui touchent cette prestation de sortir réellement de leurs difficultés.

Quant au dispositif concernant les carrières longues, le texte durcit encore les conditions pour bénéficier d’un départ anticipé. Selon M. Denis Jacquat, rapporteur de l’Assemblée Nationale, ce dispositif des carrières longues est un élément central de l’accord du 15 mai 2003 entre les partenaires sociaux et le Gouvernement.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est sûr ! C’était pour faire plaisir à la CFDT et cela a coûté cher !

Mme Patricia Schillinger. C’est aussi une mesure d’équité envers des travailleurs qui ont commencé à travailler très jeunes et ont cotisé au moins quarante et un ou quarante-deux ans. Or, selon une lettre ministérielle du 7 juillet 2008 et une circulaire de la CNAV datée du 25 juillet, de nouvelles mesures pénalisent fortement les carrières longues. Par exemple, si vous êtes né en 1951, pour partir en retraite en 2008 à cinquante-six ans, il faut 168 trimestres ; mais, à partir de 2009, il en faudra 171 pour partir à cinquante-sept ans !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est normal.

M. Éric Woerth, ministre. Oui, c’est normal.

Mme Patricia Schillinger. Ainsi, à partir de 2009, on retarde le départ des personnes nées entre 1950 et 1952 alors qu’elles ont cotisé plus de quarante et une ou quarante-deux années ! Quelle injustice pour ces personnes par rapport à celles qui ont pu bénéficier du dispositif « carrières longues » avant 2009 avec moins de trimestres. La CFDT a d’ailleurs déposé un recours au Conseil d’État. Pourquoi durcir ce dispositif et pénaliser ceux qui sont nés entre 1950 et 1952, monsieur le ministre ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si l’on vit plus longtemps, il faut cotiser plus longtemps. Dura lex

Mme Patricia Schillinger. Où est l’équilibre entre l’allongement de la durée de cotisation et la prise en compte de la situation de ceux qui ont commencé à travailler jeunes, avec des carrières parfois difficiles ?

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Patricia Schillinger. Pour éviter la fraude, vous préférez augmenter le nombre de trimestres : curieuse manière de procéder !

Pour conclure, je formulerai trois regrets.

Je regrette vraiment l’absence d’un projet de loi spécifique sur les retraites alors que le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans va doubler d’ici à 2015.

Je regrette aussi que le problème du financement des retraites ne soit toujours pas résolu.

M. Éric Woerth, ministre. Où sont les propositions ?

Mme Patricia Schillinger. Je regrette enfin qu’on profite de la crise actuelle pour faire passer des amendements contre les acquis sociaux.

Arrêtons de culpabiliser les assurés, les malades, les chômeurs, les chômeurs âgés et les personnes en difficulté !

Face aux drames sociaux qui s’annoncent, il est important d’avoir une approche de solidarité et de protection sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Éric Woerth, ministre. Littérature !

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.

M. Dominique Leclerc. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons comme chaque année pour étudier et voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je voudrais tout d’abord rappeler ce que prévoit la loi constitutionnelle du 22 février 1996 : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

Cette année encore, notre objectif est de revenir à un déficit… acceptable. C’est là toute notre ambition ! N’étant pas parvenus à résoudre le problème des financements de l’assurance maladie et des retraites, nous nous sommes progressivement installés dans l’accoutumance aux déficits.

Diminuer le déficit de la sécurité sociale constitue pour nous une priorité, car notre dette est transmise aux générations futures par l’intermédiaire de la CADES. Cette solution a le mérite de la facilité. Aujourd’hui, nous pouvons nous soigner, assurer les pensions, et ce avec une gestion complaisante. Mais cela équivaut à demander aux générations futures de payer nos soins et nos pensions, à charge pour elles de se montrer courageuses et imaginatives pour payer les leurs le moment venu.

Oui, la santé coûte de plus en plus cher. On ne cesse de le déplorer, alors qu’il faudrait au contraire s’en réjouir : nous sommes beaucoup mieux soignés qu’auparavant ; nous vivons et demeurons productifs plus longtemps que jamais.

La santé coûte de plus en plus cher en raison de l’accroissement démographique, du développement de techniques médicales plus perfectionnées, de l’apparition de nouveaux médicaments plus performants issus de la recherche, des exigences légitimes de nos concitoyens en termes de diagnostic et de traitement et, surtout, en raison de l’augmentation de l’espérance de vie. Vivre mieux et en bonne santé a un coût qu’il nous faut accepter et qui doit nous conduire à adapter notre système de protection sociale à cette nouvelle donne.

Face à une réalité inéluctable, il nous faut prendre les mesures appropriées afin de maintenir la qualité de notre système de protection sociale sur l’ensemble du territoire. Surtout, il faudra assumer l’augmentation prévisible et incontournable de son coût.

Bien sûr, il convient de maîtriser les dépenses de santé et, d’abord, de réorganiser les soins.

Le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », que présentera Mme la ministre Roselyne Bachelot, devrait permettre de réaliser des avancées majeures en matière d’organisation du système de santé, de réorganisation des hôpitaux, de médecine ambulatoire et de permanence des soins.

À l’évidence, c’est l’ensemble de notre système de santé qui appelle des réformes structurelles importantes.

En ce qui concerne la branche maladie, je me permettrai de vous livrer quelques réflexions en me référant pour l’essentiel aux constats formulés par la Cour des comptes.

Il est difficile de comprendre que l’on souligne tous les ans les incohérences des systèmes informatiques des caisses, les frais inconsidérés de gestion de la CNAM, toujours évalués et rapportés dans une fourchette comprise entre 5 % et 6 % quelle que soit l’évolution des dépenses, alors même que les tâches répétitives sont maintenant assurées par l’informatique et confiées de plus en plus souvent aux professionnels de santé.

Je n’ose évoquer les frais de gestion des mutuelles, mutuelles qui seraient fragilisées, dit-on, par des placements boursiers à risques, bien sûr avec l’accord des adhérents !

Enfin, l’absence de transparence des conventions financières négociées entre la CNAM et les différentes mutuelles qui assurent la délégation de gestion des dossiers des patients ne devrait nullement nous satisfaire.

La France compte plus de cinq cent cinquante mutuelles, cent trente assureurs et soixante institutions de prévoyance.

Ma deuxième réflexion porte sur l’accès aux soins et, plus spécialement, sur un égal accès à une chirurgie de qualité.

Déjà l’an passé, en attendant la mise en place du secteur optionnel, nous nous étions prononcés en faveur de plus de transparence par un affichage et une information préalables sur les prix des soins, les tarifs de remboursement et, surtout, les dépassements d’honoraires demandés.

La situation actuelle est devenue insupportable. Nous voulons garder une chirurgie de qualité accessible à tous les Français.

On le sait mais on feint de l’ignorer, la nomenclature des actes arrêtée par la sécurité sociale ne correspond plus, et ce depuis longtemps, à la réalité des actes chirurgicaux, à leur technicité et aux responsabilités assumées par les chirurgiens.

Nous voulons, et c’est une nécessité, que les filières de la chirurgie, de l’anesthésie et de l’obstétrique restent attrayantes pour les étudiants en médecine, afin qu’il puisse être répondu aux besoins futurs. Les campagnes de dénigrement à l’égard des professionnels de ces filières n’ont que trop duré et ne doivent plus être acceptées.

II nous faut maintenir le niveau de qualité de la chirurgie conventionnée, seule capable d’offrir à tous les Français un égal accès à cette qualité de soins. II faut savoir que, depuis 1980, les partenaires conventionnels ont choisi de ne pas revaloriser le tarif de remboursement des actes de chirurgie, laissant les dépassements d’honoraires, ou plus exactement les compléments d’honoraires, se développer, et sans le moindre contrôle.

Selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, les compléments d’honoraires se concentrent sur certaines activités, dans un nombre réduit de spécialités, et s’appliquent de façon inégale suivant les régimes. En outre, les compléments d’honoraires devraient être pratiqués avec « tact et mesure ». Les caisses d’assurance maladie ont connaissance de ceux qui ne respectent pas leurs engagements. Largement minoritaires, ils proviennent souvent de l’hôpital public.

Il appartient aux partenaires sociaux d’assumer leurs responsabilités en sanctionnant les excès !

II nous faut apporter, dans les meilleurs délais, des réponses satisfaisantes pour l’ensemble des acteurs concernés afin de garantir l’accès à une chirurgie de qualité sur l’ensemble du territoire français, de favoriser cette qualité en permettant la reconnaissance et la revalorisation des exercices professionnels, et tout cela dans la transparence la plus complète.

Je livrerai une dernière réflexion concernant les sociétés d’exercice libéral pour les professionnels de santé.

La Commission européenne demande à la France d’ouvrir le capital social des sociétés d’exercice libéral, ou SEL, en application des principes d’établissement et de libre circulation des capitaux à travers l’Union européenne, conformément à l’article 43 du traité de Rome.

Actuellement, en France, les SEL de santé exigent que le capital soit majoritairement détenu par des professionnels diplômés et que ces derniers exercent personnellement leur profession au sein de ces structures.

Dans le domaine sanitaire, il nous faut prioritairement garantir la protection de la santé publique, la qualité du système de soins, la déontologie des exercices professionnels, la proximité des structures de santé et, surtout, l’égal accès aux soins pour les patients.

Les SEL de santé dans leur organisation actuelle répondent à toutes ces exigences.

De plus, l’article 152 du traité communautaire garantit le principe de subsidiarité dans l’organisation des services de santé des États membres.

Déjà, des professionnels libéraux exerçant en clinique privée s’inquiètent du renforcement du pouvoir financier, qui a gonflé ces dernières années, au rythme des regroupements. Les praticiens veulent être parties prenantes plutôt que les jouets de grands groupes financiers, comme le déclare le professeur Vallancien.

Les commissions médicales d’établissement, ou CME, veulent être en charge de la qualité des soins, définir le projet médical avec la direction et elles entendent être informées de l’état financier du groupe qui administre l’établissement.

Une telle financiarisation de la santé est préoccupante. La spéculation financière sur les services aux patients est insupportable et ne sera pas dépourvue de conséquences au regard de notre politique de santé, avec notamment la disparition de certaines professions dans des secteurs d’activité ou des zones économiquement moins attractives.

Que deviendra l’indépendance du professionnel de santé face à l’hégémonie et aux pouvoirs des groupes capitalistiques ? L’intérêt des patients sera-t-il toujours prioritaire ? L’exercice de type libéral porteur de certaines valeurs résistera-t-il au pouvoir de l’argent ? Ce sont les questions que je vous pose !