M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Effectivement, monsieur le ministre, on peut se poser des questions sur la Russie. Mais celle de savoir si elle est belliqueuse ne se pose pas : à l’évidence, je crois qu’elle l’est, au moins dans l’immédiat.

Malgré tout, dans la perspective de la paix en Europe, la reconnaissance par la Russie de l’indépendance de deux États, l’Abkhasie et l’Ossétie du Sud, constitue incontestablement un élément nouveau. Bien qu’elle soit unilatérale, cette démarche ouvre néanmoins une brèche sérieuse. Et peut-être a-t-elle été ouverte parce que, dans l’accord signé entre la Russie et la Géorgie sous les auspices du Président de la République française, il manquait l’idée, qui était essentielle, de respect de l’intégrité et de la souveraineté d’un pays. Je pense que les Russes ont utilisé cette défaillance pour, sans doute, aller trop loin.

M. le président. La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en décembre 2006, le ministère de la défense a annoncé la notification du contrat de réalisation de sous-marins nucléaires d’attaque de type Barracuda aux entreprises DCNS et Areva TA. Des livraisons de sous-marins nucléaires d’attaque – SNA – s’échelonneront donc entre 2016 et 2027.

Le programme Barracuda permettra le remplacement des six sous-marins d’attaque de type Rubis et répond au besoin primordial du renouvellement de notre escadre de sous-marins nucléaires d’attaque. J’ai pu personnellement en vérifier l’urgente nécessité en janvier dernier, lors d’un stage passionnant de soixante-douze heures en immersion en méditerranée à bord de l’Améthyste.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, les quatre cinquièmes du globe sont recouverts d’eau. Le trafic maritime s’intensifiant chaque jour un peu plus, il est capital que notre pays puisse assurer la sécurité de ses échanges tant économiques que stratégiques. Le SNA constitue donc une composante clé de notre capacité de dissuasion à différentes échelles.

Nous ne saurions prétendre à un statut de grande puissance, dans un espace aéromaritime globalisé où les menaces présentent désormais un visage transnational et non plus étatique, si notre marine nationale ne dispose pas de capacités opérationnelles réelles et effectives.

La sécurisation de nos approvisionnements et de nos ressortissants en mer est un défi majeur tant pour nos intérêts nationaux que pour nos ambitions au sein de la politique européenne de défense. Je rappelle d’ailleurs que l’Europe engagera bientôt des bâtiments dans le golfe d’Aden.

Le SNA a une vocation stratégique, mais joue aussi un rôle de base arrière de soutien essentiel pour nos troupes dans des opérations spéciales comme le largage ou la récupération de commandos. Il s’avère également indispensable pour accompagner les sous-marins nucléaires lance-engins, les SNLE.

De par sa conception, il constitue également un élément moteur de la politique de recherche et développement de la France, comme l’attestent les innovations acoustiques et écologiques importantes mises au point par le CEA avec le « passeport vert ». C’est aussi un élément moteur pour notre économie : rappelons que DCNS dépend pour plus de 70 % de son activité du budget français de la défense, et que plus de cent sous-traitants et PME sont impliqués dans le programme Barracuda. Outre sa traduction économique en milliers d’emplois sur plusieurs sites – Ruelle, Toulon, Indret, etc. –, ce programme est aussi un enjeu stratégique pour le maintien d’un savoir-faire français dans le domaine de la dissuasion nucléaire et de sa composante navale.

Monsieur le ministre, dans le cadre de la réforme des armées et dans l’optique de la future loi de programmation militaire, pouvez-vous nous confirmer que les crédits de la mission concernant le programme Barracuda seront maintenus et respectés et que ce programme, à l’impact stratégique et économique évident, sera mené à bien dans les délais prévus ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Vous avez fait, monsieur le ministre, une description complète du Barracuda et du rôle majeur joué par les SNA.

Ceux-ci constituent, selon le Livre blanc, une priorité stratégique. Des crédits extrêmement importants sont donc consacrés au programme Barracuda dans la loi de programmation militaire. Mes services viennent de notifier la tranche conditionnelle correspondant à la commande complète du premier SNA. L’année 2009 verra le lancement de la production du second. Le financement de la production d’un SNA tous les deux ans est programmé sur plus de deux lois de programmation militaire, pour un coût global de 8 milliards d’euros. En effet, dès 2016, le premier équipage de conduite pourra procéder aux essais du premier de la série, et la cadence de livraison sera ensuite de deux ans entre chaque SNA jusqu’en 2027.

Je peux donc vous rassurer, monsieur le sénateur : ce programme est inscrit dans la loi de programmation militaire, et il en constitue une priorité.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, ma question est d’ailleurs abordée dans le rapport sur le programme n° 146 « Équipement des forces ».

La question de la mobilité et de la projection de nos forces vers un théâtre d’opérations se pose, le Livre blanc nous faisant l’obligation d’être présents.

Les contrats opérationnels ainsi que nos retours d’expérience montrent aujourd’hui très clairement que nos capacités aériennes de projection sur un théâtre d’opérations sont tout à fait insuffisantes. On pallie donc comme on peut.

La loi de programmation militaire va évidemment mettre en avant le programme majeur A-400 M, élaboré en coopération avec six pays d’Europe. Ce programme devait aboutir à la première livraison d’un appareil en 2009 mais on voit bien que ce programme est pour le moins hésitant, et c’est le moins que l’on puisse dire. On recule en effet d’année en année la livraison du premier appareil. C’est pourtant un enjeu essentiel.

Je voudrais donc, monsieur le ministre, vous poser deux questions à ce sujet. Premièrement, où en est ce programme ? Deuxièmement, quelles mesures palliatives devons-nous prendre – la capacité opérationnelle est aujourd’hui satisfaite de manière autonome à 41 %, ce qui est tout à fait insuffisant – et en attendant une éventuelle flotte européenne de transport ? Vous évoquiez tout à l’heure les avancées de l’Europe de la défense, monsieur le ministre. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur cette flotte européenne de transport, qui pourrait être essentielle.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. J’ai oublié de le dire tout à l’heure, la création d’une capacité militaire européenne de transport figure parmi les projets arrêtés dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. Celle-ci prendrait comme base l’A-400 M, mais pourrait aussi être complétée par d’autres avions disponibles dans les forces armées européennes. L’idée est de posséder une capacité européenne de transport tactique qui nous permettrait de compléter les moyens dont nous disposons, en cas de besoin.

Vous connaissez tous les difficultés, très sérieuses, du programme A-400 M. Pour l’instant, l’industriel est incapable de nous donner une date. J’ai rencontré à plusieurs reprises le président Gallois. J’ai organisé, en marge d’une réunion des ministres européens de la défense, une réunion des ministres concernés par ce programme. En premier lieu, nous sommes convenus, sur mon initiative, que nous étions prêts à revoir certaines spécifications de l’avion. Il faut en effet préciser que cet avion contenait des spécifications en tout genre comme la capacité de charger et de décharger avec un seul homme la totalité de la cargaison d’un avion ou celle de pouvoir ravitailler un hélicoptère à basse altitude. En second lieu, nous avons également décidé que nous étions prêts à revoir une partie des sanctions financières qui pèsent sur le groupe EADS compte tenu des retards de programmes. Mais nous ne le ferons que lorsque ce groupe sera capable de nous fixer un calendrier et une date de livraison.

De leur côté, les délégués généraux pour l’armement travaillent aussi sur les spécifications avec les états-majors. On essaye de remettre le programme en ligne, si je puis m’exprimer ainsi. Il nous faudra, de toute façon, prendre une mesure transitoire. Plusieurs solutions sont possibles : l’affrètement ou l’acquisition d’A-330, ainsi que le recours à des CASA pour ce qu’on appelle le brouettage, c’est-à-dire le transport sur de petites distances. Ces différentes solutions sont actuellement à l’étude.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, chacun s’accorde à dire que ce projet de budget pour 2009 signe un retour à la réalité, qui vous a conduit à prendre des décisions. Certains programmes ont ainsi été étalés ou supprimés. Par exemple, pour la marine nationale, cela se traduit par l’abandon, pour l’instant, du second porte-avions et par la réduction et l’étalement du programme FREMM. Le maintien des six sous-marins Barracuda comme priorité constitue cependant un bon point, notre collègue Beaumont venant d’en parler. Je rappelle d’ailleurs que ces sous-marins sont construits à Cherbourg.

Ces décisions ne sont pas sans conséquences sur les entreprises industrielles qui fournissent ces équipements, parmi lesquelles DCNS.

Cela m’inquiète d’autant plus que l’on ne comprend pas quel avenir vous réservez à cette entreprise. En 2004, le Gouvernement avait choisi de concentrer l’industrie navale militaire française de défense, par le rapprochement entre DCN et Thalès. Cette opération, baptisée « Convergence », a été réalisée en 2006, non sans mal d’ailleurs, surtout sur le plan financier. Aussi, monsieur le ministre, quelle ne fut pas notre surprise – mais peut-être avez-vous été vous-même surpris… – lorsque nous avons entendu le Président de la République dire récemment qu’il était favorable à un rapprochement entre les Chantiers de l’Atlantique et DCNS, c’est-à-dire à un rapprochement entre construction navale civile et militaire ? Il faut bien l’avouer : personne, je suppose, n’a vraiment compris sur quelle synergie industrielle reposerait un tel rapprochement. En effet, le chiffre d’affaires de DCNS repose à 40 % sur les services, les équipements et la propulsion nucléaire ; le reste, c’est-à-dire la conception de navires armés, se décompose entre les sous-marins – 35 % – et les bâtiments de surface – 25%. Seul ce dernier segment pourrait profiter des moyens d’un chantier civil, et encore de manière incomplète puisque l’électronique y tient une part importante. À moins que l’objectif ne soit en réalité de sécuriser les activités cycliques – donc risquées – des chantiers de Saint-Nazaire en les rapprochant de celles, beaucoup plus stables, de DCNS…

Dès lors, quel est le lien entre cette annonce et la décision de remettre en cause l’unicité de DCNS en favorisant, via l’article 10 de la future loi de programmation militaire, la filialisation et la privatisation de l’entreprise ? Lors du changement de statut de DCN – que je n’ai pas voté –, l’État s’était engagé à préserver le statut de société de plein exercice de l’entreprise. Vous décidez aujourd’hui de rompre cet engagement en organisant « la vente à la découpe » de DCNS. Selon moi, vous ouvrez une véritable boite de Pandore, qui, en favorisant les transferts d’activités et de personnels, pourrait conduire à l’éclatement du groupe.

Ma question est donc à la fois simple et compliquée, monsieur le ministre : quels sont votre stratégie et votre projet industriel concernant DCNS ? Car toutes ces annonces, vous le comprenez bien, ont jeté le trouble parmi les personnels, qui souhaitent une réponse la plus précise possible. (M. Didier Boulaud applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. Monsieur le sénateur, je ne l’oublie pas, je suis normand, comme vous, et nous sommes, l’un et l’autre, attachés à la réunification de la Normandie, que nous pourrons effectuer bientôt, grâce à la réforme institutionnelle en cours.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Hervé Morin, ministre. Vous aurez noté comme moi que le Président de la République a lui-même, lors du Congrès des maires de France, indiqué que la réunification de la Haute-Normandie et de la Basse-Normandie s’imposait avec évidence.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Hervé Morin, ministre. Nous aurons donc, monsieur Godefroy, au moins un point de convergence ce soir. Notre sénatrice de l’Orne se joint également à nous ; elle aussi est favorable à ce retour à l’histoire, pour refaire de la Normandie cette grande et puissante région qu’elle a été.

Concernant DCNS, monsieur le sénateur, je formulerai deux remarques.

D’une part, vous n’êtes pas juste lorsque vous affirmez qu’il s’agit de privatiser DCNS. Ce n’est absolument pas l’objet des dispositions que nous inscrivons dans la loi de programmation militaire. Notre objectif est de permettre à DCNS de nouer des partenariats industriels en Europe pour renforcer l’entreprise.

Pour cela, nous avons une chance extraordinaire : grâce à l’effort d’équipement colossal que nous effectuons – M. Boulaud le juge pourtant insuffisant –, cette entreprise dispose d’un plan de charge garanti sur quinze à vingt ans, sans compter les succès à l’exportation que nous ne manquerons pas d’obtenir. C’est un atout considérable.

Je souhaite que DCNS puisse établir des partenariats industriels par le biais de filiales dans lesquelles l’entreprise n’est pas forcément majoritaire.

Aujourd’hui, la problématique est d’ordre statutaire : le personnel de DCNS ne peut pas travailler dans des filiales où l’entreprise n’est pas majoritaire. Or, lorsqu’on passe des accords pour réaliser, par exemple, un MBDA de la torpille, nos partenaires européens ne considèrent pas que dans la filiale créée à cet effet l’entreprise française doit être systématiquement majoritaire. Si on imposait une telle condition, on ne pourrait plus faire grand-chose !

Notre seul objectif est de permettre à des salariés de DCNS et à des ouvriers d’État de mettre leurs compétences extraordinaires – vous le savez bien, à Cherbourg, la compétence des ouvriers d’État sur les coques de sous-marins est unique en Europe – au service du développement de DCNS, qui pourra conclure des accords avec un certain nombre de partenaires européens.

Cette disposition ne change pas le statut du personnel, celui-ci peut revenir dans la maison mère quand il le souhaite. Nous sommes là dans une logique de bon sens.

Vous qui êtes en outre européen, monsieur Godefroy, vous devriez comprendre : compte tenu de son positionnement et de ses atouts, DCNS doit pouvoir s’ouvrir à des discussions avec des partenaires européens. Une incroyable guerre industrielle est menée en Europe, entre TKMS, Navantia et l’ensemble des chantiers navals de différents pays européens.

Mon objectif est que DCNS soit en mesure de conclure des partenariats industriels avec nos grands partenaires européens, afin que l’industrie européenne de défense – que vous appelez de vos vœux, tout comme moi, et qui doit se constituer – puisse trouver, dans le domaine naval, de nouvelles perspectives, avec ce magnifique fleuron industriel que représente DCNS.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Tout d’abord, je voudrais marquer mon adhésion totale à la réunification de la Normandie (Sourires), et c’est un point sur lequel nous serons toujours d’accord, monsieur le ministre. Je me réjouis d’ailleurs que le Président de la République en ait parlé publiquement au Congrès des maires, cela nous servira à convaincre nos collègues.

Mme Nathalie Goulet. C’est déjà bien avancé !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela étant, vous n’avez pas répondu à ma question portant sur les Chantiers de l’Atlantique. Nous souhaiterons savoir quelle est la raison de cette annonce concernant un rapprochement entre les Chantiers de l’Atlantique et DCNS. Mais passons.

Quant à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, au sujet de la compétence des ouvriers d’État et de la nécessité de s’allier pour conclure des marchés, je ne suis pas en désaccord avec vous.

Cependant, force est de constater que les ouvriers à statut d’État sont assez mal traités pour l’instant (M. le ministre est dubitatif), et je vais vous expliquer les raisons de leur inquiétude.

Il y a peu de temps, j’ai interrogé M. Xavier Bertrand concernant le décret, qui sera publié prochainement, sur la participation des entreprises et notamment des entreprises à statut particulier comme la SNCF. En commission, il m’avait répondu qu’il était tout à fait d’accord pour inclure dans le décret les ouvriers à statut particulier de DCNS. Or, en séance, le Gouvernement a fait marche arrière.

Je ne comprends pas pourquoi on refuse à ces salariés l’accès à la participation alors qu’on l’accorde aux salariés du privé. À moins qu’à travers tout cela il n’y ait la volonté de faire disparaître le plus vite possible le statut d’ouvrier d’État, qui dérange beaucoup. On aimerait sans doute passer outre, mais les ouvriers à statut d’État sont encore nombreux !

Nous ne sommes pas opposés aux partenariats, mais il faudrait que les ouvriers à statut d’État y trouvent leur compte. Ils contribuent en effet à la créativité et à la réussite de l’entreprise.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Au sein du projet de loi de finances, concernant la mission « Défense », nous discutons de la première annuité d’une loi qui n’existe pas : le projet de loi de programmation militaire, qui est certes déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, n’a été ni débattu ni voté !

Le projet de budget pour 2009 entérine des décisions concernant la gendarmerie et son rattachement – ou plutôt son annexion – au ministère de l’intérieur. Or le projet de loi sur la gendarmerie n’a été ni débattu, ni voté !

Sur le thème de la sécurité et donc de la gendarmerie, le projet de budget pour 2009 comprend d’ores et déjà des moyens qui seraient prévus dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation de la performance de la sécurité intérieure, LOPPSI. Or ce projet de loi n’a même pas été présenté en conseil des ministres. Il n’a donc été ni débattu, ni voté !

Ainsi, le Parlement se trouve dans la situation baroque qui consiste à discuter d’une première année budgétaire contenue dans des projets de loi virtuels, ou tout du moins ni débattus ni votés.

Cette situation, qui révèle une mauvaise méthode de gouvernement, est d’une grande désinvolture par rapport au Parlement et dénote le peu de cas que l’on fait des travaux parlementaires.

Quelle distance, monsieur le ministre, entre l’esprit de la révision constitutionnelle, vos beaux discours de l’époque et votre méthode de gouvernement qui, selon moi, déconsidère le Parlement !

Nous allons, l’année prochaine, si tout va bien, débattre d’une programmation militaire 2009-2014 purement franco-française.

Voici le message, que nous adressons à nos partenaires européens : après le Livre blanc franco-français, voici la programmation militaire franco-française !

À mon avis, le Gouvernement n’a pas profité suffisamment de la présidence européenne pour stimuler un nouvel essor de la défense européenne. Pourquoi ?

En réalité, le seul geste fort envoyé en direction de l’Europe a été l’intégration à l’OTAN voulue par le Président de la République. Tout un symbole de nos ambitions européennes !

C’est ça le contexte du projet de budget qui nous occupe aujourd’hui !

Nous ne voulons pas, nous ne pouvons pas, cautionner cette dérive qui ne correspond pas aux intérêts et aux ambitions internationales et européennes de la France.

Je vous poserai donc une seule question à deux niveaux, monsieur le ministre : quand allez vous changer de méthode ? Et quelle méthode sera celle du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. J’ai déjà eu l’occasion de répondre.

D’une part, ce n’est pas la première fois que les choses se déroulent ainsi.

M. Jean-Louis Carrère. Alors, c’était quand la première fois ?

M. Hervé Morin, ministre. Cela avait déjà eu lieu au moins en 1993.

M. Jean-Louis Carrère. C’est faux !

M. Hervé Morin, ministre. Et il y a 2002.

M. Jean-Louis Carrère. Les circonstances étaient différentes !

M. Hervé Morin, ministre. Je ne vois pas en quoi ! Là aussi, nous avons un nouveau Président de la République et un nouveau Gouvernement. Je ne vois pas de différence ! (M. Jean-Louis Carrère proteste.)

Par ailleurs, le projet de loi de programmation militaire a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale ; vous avez donc largement de quoi examiner ce budget. D’ailleurs, je vous le rappelle, il est non plus annuel mais triennal. En conséquence, il trace par lui-même la perspective de la loi de programmation militaire, sans se limiter à un exercice annuel comme auparavant.

Quant à l’Europe de la défense, nous avons fait des progrès considérables sur ce sujet-là. Nous avons un programme de travail qui va nous permettre d’avancer sur de nombreux points. Aujourd’hui, les Tchèques, les Suédois et les Espagnols, lorsqu’ils évoquent leur future présidence de l’Union, déclarent que, compte tenu des chantiers lancés par la présidence française, leur mission sera de mener à bien ces projets. C’est le plus bel hommage que l’on puisse rendre aux nombreux travaux qui ont été engagés durant la présidence française !

M. François Trucy, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. J’aurais pu commencer mon propos en vous soulignant les efforts faits par votre ministère pour l’équipement des troupes en Afghanistan. Vous le savez, nous y sommes très attachés. Ayant été en mission avec un collègue de la majorité sénatoriale, nous vous avions produit un rapport. Nous vous remercions de ce qui a été fait.

Néanmoins, s’agissant de la réponse à ma question, je vous demande de bien vouloir vérifier si cette situation, qui consiste à mettre la charrue avant les bœufs, c’est-à-dire voter une loi de finances avant d’avoir débattu d’une loi de programmation, avait déjà eu lieu.

Pour ma part, j’ai vérifié avant de vous poser la question. En 2002, les circonstances étaient différentes, monsieur le ministre : la loi de programmation a été initiée, puis il y a eu un changement de Gouvernement, ce qui a empêché la poursuite de l’examen du texte. Ce sont les circonstances qui ont empêché la poursuite des débats. Mais je vous laisse le soin de vérifier.

Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas le cas aujourd’hui. Vous auriez tout à fait pu mener d’abord le débat sur le projet de loi de programmation. En effet, le texte ayant été déposé, il aurait suffit qu’il soit inscrit à l’ordre du jour avant le projet de loi de finances. Il est regrettable que tel n’ait pas été le cas !

Cependant, je ne m’étendrai par sur ce point, d’une part, parce que je ne dispose que d’une minute pour m’exprimer et, d’autre part, parce que, lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, nous vous dirons ce que nous en pensons.

En revanche, au niveau européen, monsieur le ministre, vous m’avez donné un embryon de réponse à mes questionnements. Le Président de la République a, certes, été occupé sur d’autres fronts, mais je crains que les démarches entreprises ne soient pas celles que nous aurions souhaité voir accomplir pendant cette période pour enfin nous diriger vers un système de défense européen.

Vous les premiers, le laissez entendre, vous seriez favorables à un deuxième porte-avions qui pourrait être européen. Mais pourquoi ne pas avoir engagé ce processus vers une défense européenne pendant que le Président de la République française était le président de l’Europe ?

Défense
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 59 decies

M. le président. Ce court échange de questions-réponses est terminé. Il a été plus plaisant que l’habituel défilé des orateurs qui existait auparavant, n’est-ce pas, monsieur Godefroy ? (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.)

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense » figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Défense

47 772 877 897

37 368 616 039

Environnement et prospective de la politique de défense

1 856 250 916

1 735 925 916

Dont titre 2

520 842 893

520 842 893

Préparation et emploi des forces

22 397 004 052

21 844 655 984

Dont titre 2

15 503 227 489

15 503 227 489

Soutien de la politique de la défense

2 567 890 947

1 573 494 596

Dont titre 2

807 220 027

807 220 027

Équipement des forces

20 951 731 982

12 214 539 543

Dont titre 2

1 866 529 800

1 866 529 800

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° II-14 rectifié, présenté par MM. Trucy, Masseret et Guené, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

 

Modifier comme suit les crédits des programmes : 

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2

 

40.00040.000

 

40.00040.000

Préparation et emploi des forcesDont Titre 2

140.000140.000

 

140.000140.000

 

Soutien de la politique de la défenseDont Titre 2

 

50.000

50.000

 

50.000

50.000

Équipement des forcesDont Titre 2

 

50.00050.000

 

50.00050.000

TOTAL

140.000 

140.000

140.000 

140.000 

SOLDE

0

0

 

La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de modifier les crédits de programmes pour renforcer la sincérité en matière de prévision des dépenses liées aux opérations intérieures.

Comme vous vous en souvenez, à l’origine, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement n’ont pas été associés aux opérations intérieures. Aussi, votre commission avait déjà, en 2007 et en 2008, obtenu que la loi de finances puisse inscrire des crédits. Nous avions ainsi inscrit 90 000 euros en 2007 et nous avions porté l’estimation de ces crédits à 360 000 euros en 2008. Le présent projet de loi de finances retient une nouvelle fois cette somme de 360 000 euros.

Vos rapporteurs spéciaux vous proposent de porter cette somme à 500 000 euros, soit une augmentation de 140 000 euros.

Nous réduirions de 50 000 euros les crédits du titre 2 « Dépenses de personnel » de l’action 4 « Politique immobilière » du programme 212 « Soutien de la politique de la défense », de 50 000 euros les crédits du titre 2 de l’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement » du programme 146 « Équipement des forces » et de 40 000 euros les crédits de l’action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » du programme 144 « Environnement et perspective de la politique de défense », au profit de l’action 7 « Surcoûts liés aux opérations intérieures » du programme 178.