Sommaire

Présidence de M. Roland du Luart

Secrétaires :

MM. François Fortassin, Jean-Pierre Godefroy.

1. Procès-verbal

2. Candidatures à des organismes extraparlementaires

3. Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés. – Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Discussion générale commune : Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; MM. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois.

4. Rappels au règlement

MM. Bernard Frimat, Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le président, René Garrec.

Suspension et reprise de la séance

MM. le secrétaire d'État, le président, François Fortassin.

5. Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés. – Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Discussion générale commune (suite) : Mmes Josiane Mathon-Poinat, Catherine Troendle, MM. Bernard Frimat, Pierre Fauchon.

6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Paraguay

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

7. Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés. – Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d'urgence

Discussion générale commune (suite) : MM. Michel Magras, Richard Yung, Christophe-André Frassa, Jean-Pierre Leleux, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Michel Guerry.

Clôture de la discussion générale commune.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

8. Nomination de membres d’organismes extraparlementaires

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

9. Questions d'actualité au Gouvernement

plan de relance

MM. Alain Milon, Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

mode d'élection de l'assemblée territoriale de corse

M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

appui de l’état aux projets des collectivités territoriales

M. Claude Biwer, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

réforme de l'audiovisuel

M. David Assouline, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

plan de relance

Mme Odette Terrade, M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

profanation des tombes du cimetière militaire d'arras

Mmes Françoise Henneron, Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

plan de relance

MM. Pierre-Yves Collombat, Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

relance de l'aide aux plus défavorisés

MM. Bernard Fournier, Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

aide alimentaire en afrique et bilan de la coopération

Mme Christiane Kammermann, M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

protection de l'enfance

Mme Claire-Lise Campion, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

10. Fait personnel

MM. Jean Arthuis, le président.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

11. Rappel au règlement

Mmes Odette Terrade, la présidente.

12. Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés. – Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d'urgence

Mme la présidente.

projet de loi organique

Exception d’irrecevabilité

Motion n°12 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme  Alima Boumediene-Thiery, MM. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Bernard Frimat, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. François Fortassin, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. – Rejet par scrutin public.

Question préalable

Motion no 13 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Guy Fischer, Pierre Fauchon, le rapporteur, le secrétaire d'État, Robert del Picchia, Richard Yung. – Rejet par scrutin public.

Article 1er

MM. Bernard Frimat, le secrétaire d'État, le président de la commission.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 1er

Amendement n° 8 rectifié de Mme Josiane Mathon-Poinat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Bernard Frimat. – Rejet.

Article 2

Amendements nos 9 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 4 de M. Bernard Frimat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 3

Amendements nos 10 de Mme Josiane Mathon-Poinat, 5 de M. Bernard Frimat et 2 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Bernard Frimat, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l'article.

Article 4

Amendements nos 11 de Mme Josiane Mathon-Poinat, 6 de M. Bernard Frimat et 3 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l'article.

Article 4 bis. – Adoption

Article 5

Amendement n° 7 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 6. – Adoption

Article 7

Amendement n° 1 rectifié bis de M. Michel Magras. – MM. Michel Magras, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait.

Reprise de l’amendement no 1 rectifié ter par M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le président de la commission, Robert del Picchia. – Rejet par scrutin public.

Adoption de l'article.

Réserve du vote sur l’ensemble du projet de loi organique jusqu’après le vote de la loi ordinaire.

projet de loi

Article 1er

Amendement n° 2 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendements nos 3 et 4 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État, Pierre Fauchon, Richard Yung. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 21 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Bernard Frimat. – Rejet.

Amendements nos 5 de M. Bernard Frimat et 22 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – M. Bernard Frimat, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait de l’amendement no 5 ; rejet de l’amendement no 22.

Amendements nos 6 de M. Bernard Frimat et 23 de Mme Josiane Mathon-Poinat. – M. Bernard Frimat, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Richard Yung. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 7 de M. Bernard Frimat. – M. Bernard Frimat. – Retrait.

Amendement n° 8 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 9 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 10 de M. Bernard Frimat. – M. Bernard Frimat. – Retrait.

Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance

13. Décision du conseil constitutionnel

14. Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés. – Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d'urgence

Projet de loi (suite)

Article 2

MM. Michel Magras, Robert del Picchia, Christian Cointat.

Amendements identiques nos 11 de M. Bernard Frimat et 24 de Mme Josiane Mathon-Poinat ; amendements nos 12, 15 de M. Bernard Frimat, 13, 14 de M. Richard Yung et 1 rectifié bis de M. Michel Magras. – M. Bernard Frimat, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Richard Yung, Michel Magras, Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. – Retrait de l’amendement no 1 rectifié bis ; rejet des amendements nos 11 à 15 et 24.

Adoption de l’article.

Article 3

M Christian Cointat.

Amendements nos 16, 17 de M. Bernard Frimat, 18 et 19 de M. Richard Yung. – MM. Bernard Frimat, Richard Yung, le rapporteur, le secrétaire d’État, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Christian Cointat, Robert del Picchia. – Retrait de l’amendement n° 19 ; rejet des amendements nos 16, 17 et 18.

Adoption de l’article.

Article 4

Amendements nos 25 de Mme Josiane Mathon-Poinat et 20 de M. Bernard Frimat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Explications de votes

MM. Nicolas Alfonsi, Fauchon, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Richard Yung, Christian Cointat, Bernard Frimat.

Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi.

Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi organique.

M. le secrétaire d’État.

15. Dépôt d'une proposition de loi

16. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

17. Dépôt d'un rapport

18. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Jean-Pierre Godefroy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.

Les commissions des finances et des lois ont fait connaître leurs candidats.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

3

Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés

Discussion d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d'urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence. (nos 106, 105 et 120)

La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.

 
 
 

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, une démocratie plus représentative, plus transparente et plus efficace, tels sont les objectifs fixés par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 pour la rénovation de nos institutions. Les deux textes soumis à votre examen répondent à cette volonté.

Le premier objectif est de rendre notre démocratie plus représentative.

Tout d’abord, il s’agit d’assurer le rééquilibrage démographique des circonscriptions législatives.

Depuis le découpage électoral de 1986, qui était fondé sur le recensement général de 1982, des évolutions démographiques considérables se sont produites. Certaines circonscriptions ont vu leur population augmenter, d’autres diminuer. Deux recensements généraux de la population sont intervenus, en 1990 et en 1999, mais aucun ajustement n’a été réalisé en conséquence.

Aussi, des écarts très importants sont apparus, qui ont été dénoncés par le Conseil Constitutionnel. Cette juridiction a demandé à plusieurs reprises un rééquilibrage entre les circonscriptions.

Ensuite, il s’agit d’assurer la représentation à l’Assemblée nationale des Français établis hors de France.

Vous le savez, 1,4 million de nos compatriotes vivent à l’étranger, où ils défendent les intérêts de notre pays. Ils sont représentés dans votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs. Ils doivent pouvoir l’être également à l’Assemblée nationale.

C’était un engagement de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle. C’est désormais une disposition de l’article 24 de la Constitution.

De cette réforme, il découle logiquement que nous devons créer des sièges pour ces représentants, même si, bien entendu, nous devons respecter la limite maximale de 577 députés que l’Assemblée nationale a souhaité fixer.

Le deuxième objectif est de rendre notre démocratie plus transparente.

Il est important, vis-à-vis de nos concitoyens, qu’aucun soupçon ne pèse sur les conditions de mise en œuvre des obligations constitutionnelles.

C'est pourquoi le nouvel article 25 de la Constitution prévoit la création d’une commission indépendante chargée de donner un avis avant toute nouvelle délimitation des circonscriptions législatives ou toute modification de la répartition des sièges des députés ou des sénateurs. Dès lors que cet avis sera publié, il est clair que nous n’avons rien à cacher et que nous travaillons dans des conditions transparentes.

Le troisième objectif est de rendre notre démocratie plus efficace.

Aux termes de la Constitution révisée, les parlementaires nommés au Gouvernement sont remplacés temporairement par leurs suppléants et retrouvent leur siège au terme de leurs fonctions gouvernementales.

Tous ceux qui ont fait l’expérience d’élections partielles savent que celles-ci donnent lieu à une très forte abstention. D'ailleurs, un deuxième tour est souvent nécessaire uniquement parce que le seuil minimal de participation n’a pas été atteint. Et nos compatriotes nous disent, je le sais pour en avoir fait l’expérience : « On pensait que vous reveniez à l’Assemblée nationale automatiquement ! »

Cette mesure nous permet donc de traduire le sentiment de nos concitoyens et d’éviter de telles élections partielles, car un taux de participation de 20 % ou 25 % à peine n’améliore pas vraiment l’image de la démocratie !

Au-delà de la révision constitutionnelle, ces nouvelles dispositions nous obligent à adapter notre législation.

De plus, elles ouvriront le processus de révision de la délimitation des circonscriptions législatives, afin d’atteindre le premier objectif que j’ai évoqué tout à l'heure.

C'est pourquoi nous avons élaboré deux textes. Le débat que vous allez engager, mesdames, messieurs les sénateurs, portera à la fois sur le projet de loi organique et sur le projet de loi ordinaire, conformément à la hiérarchie des normes.

Je vous présenterai successivement et brièvement chacun de ces deux textes, avant de laisser à Alain Marleix le soin de détailler leurs dispositions et de répondre à toutes vos questions.

Le projet de loi organique applique les dispositions constitutionnelles relatives au nombre des députés, au remplacement temporaire des membres du Gouvernement et à la commission indépendante.

L’article 24 de la Constitution fixe un nombre maximum de députés et de sénateurs, puis renvoie à la loi organique le soin de déterminer l’effectif de chaque assemblée dans les limites de ce plafond.

Aujourd’hui, le code électoral prévoit l’existence de 579 sièges à l’Assemblée nationale. L’article 1er du projet de loi vise à le mettre en conformité avec la Constitution, en établissant à 577 le nombre total des députés. Par voie de conséquence, les dispositions qui déterminent actuellement l’effectif des députés élus dans les départements et les collectivités d’outre-mer sont abrogées.

La loi ordinaire, dorénavant compétente en la matière, précisera le nombre des députés qui sont élus dans les départements de métropole et dans les collectivités d’outre-mer ou qui représentent les Français établis hors de France.

L’article 23 de la Constitution rappelle la règle fondamentale d’incompatibilité des fonctions de membre de Gouvernement avec l’exercice de tout mandat parlementaire. Je rappelle que ce principe n’existe pas dans tous les pays. Il est donc utile de le réaffirmer dans le projet de loi organique.

Les parlementaires nommés au Gouvernement sont remplacés par leurs suppléants. Le présent projet de loi organique prévoit que ce remplacement temporaire s’achève à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions ministérielles du titulaire du siège.

Enfin, dans le projet de loi organique, deux dispositions concernent la commission indépendante qui est prévue à l’article 25 de la Constitution et qui sera amenée à donner son avis sur le découpage des circonscriptions électorales.

L’une précise les modalités de la désignation de son président par le Président de la République, conformément à l’article 13 de la Constitution. Cette nomination sera soumise à l’aval des deux commissions permanentes compétentes du Parlement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous serez donc appelés à vous prononcer, mesdames, messieurs les sénateurs.

L’autre disposition prévoit l’incompatibilité de l’exercice des fonctions de membre de la commission avec un mandat parlementaire, ce qui est logique.

J’en viens au projet de loi ordinaire, qui, lui aussi, comporte deux parties distinctes.

La première, qui correspond à l’article 1er de ce texte, porte sur la commission indépendante, dans le prolongement des dispositions que je viens de mentionner.

Ce texte entre davantage dans le détail, ce qui est logique puisqu’il s’agit d’un projet de loi ordinaire, en fixant la composition de la commission. Dans un souci d’équilibre, celle-ci sera constituée de trois magistrats et de trois personnalités qualifiées désignées respectivement par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Il s'agit d’une formule qui a déjà été adoptée pour la composition d’un certain nombre d’organismes.

Les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat seront obligatoirement consultées, ce qui est nouveau.

Par ailleurs, le projet de loi ordinaire fixe à six années la durée du mandat des membres de la commission, qui sera renouvelable par moitié tous les trois ans. Cette disposition à la fois assurera le renouvellement de cette instance et garantira la continuité de ses avis.

Les règles de fonctionnement de cette commission ainsi que les obligations et le devoir de confidentialité de ses membres sont clairement définis par le projet de loi ordinaire.

Il en est de même des conditions de travail de la commission, qui disposera de deux mois pour rendre son avis sur les textes qui lui sont soumis. Il ne faudrait pas qu’elle contribue à retarder leur adoption.

La deuxième partie du projet de loi ordinaire, c'est-à-dire les articles 2 et 3, contient pour l’essentiel les dispositions d’habilitation relatives à l’élection des députés et à la révision de la délimitation de leurs circonscriptions électorales.

Nous reprenons purement et simplement la méthode choisie lors du redécoupage de 1986, qui d'ailleurs n’a fait l’objet d’aucune contestation fondamentale, puisque quatre alternances politiques se sont succédé après son application sans qu’il soit remis en cause.

Ainsi, nous recourrons aux ordonnances pour délimiter les circonscriptions et respecterons les limites cantonales, sauf pour ce qui concerne les cantons qui sont peuplés de plus de 40 000 habitants ou dont le territoire est enclavé ou discontinu. Nous utiliserons la méthode dite de « la tranche », qui donne droit approximativement à un siège pour 125 000 habitants, et nous maintiendrons au moins deux sièges de député par département.

Les projets d’ordonnance seront tous soumis à la commission indépendante et le projet de loi de ratification devant le Parlement sera déposé dans les trois mois suivant la publication des ordonnances. Là aussi, l’idée est que le rythme d’examen au Parlement ne nous retarde pas, mais nous permette au contraire d’avancer rapidement.

Enfin, le dernier article de la loi ordinaire prévoit le remplacement temporaire des représentants au Parlement européen nommés au Gouvernement. Il s’agit simplement d’appliquer le parallélisme des formes aux députés européens en reprenant le dispositif mis en œuvre pour les parlementaires nationaux.

Je ne prolongerai pas davantage mon intervention puisque Alain Marleix vous apportera toutes les précisions nécessaires au cours du débat, afin que ce texte réponde le mieux possible aux exigences de la démocratie et que l’activité législative des deux assemblées soit mieux reconnue par nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui sont, comme vient de le rappeler Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités locales, les premiers textes d’application de l’importante réforme des institutions opérée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Ils mettent en œuvre, pour l’essentiel, les nouvelles dispositions de l’article 25 de la Constitution. C’est pour cette raison qu’ils vous ont été transmis simultanément et peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

Adoptés par l’Assemblée nationale le 20 novembre dernier, ils concernent la révision de la carte des circonscriptions d’élection des députés et le remplacement temporaire des parlementaires devenus ministres.

Les deux textes ont fait l’objet de débats approfondis à l’Assemblée nationale, particulièrement concernée, on en conviendra, par les dispositions relatives à l’élection de ses membres. Sept amendements au projet de loi organique ont été adoptés par les députés, et quinze sur le projet de loi ordinaire. Des améliorations rédactionnelles et des compléments utiles ont été ainsi apportés aux deux projets et trois amendements ont modifié sur le fond le projet de loi ordinaire. J’y reviendrai dans un instant.

Dans un premier temps, le remplacement temporaire des parlementaires nommés au Gouvernement – mis en œuvre par les articles 2, 3 et 4 du projet de loi organique – a été décidé lors de la révision constitutionnelle de juillet dernier. Cette innovation a été alors longuement débattue, tout particulièrement dans votre assemblée, tant sur le principe du caractère temporaire du remplacement que sur son entrée en vigueur. Il vous revient maintenant de la mettre en œuvre.

Tel est le simple objet de ces trois articles, qui en assurent la traduction dans la loi organique par la réécriture des articles L.O. 176, L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral ; le premier est relatif aux députés, les deux autres vous concernent plus spécialement.

D’abord, un sénateur devenant ministre sera remplacé, provisoirement, par son suppléant s’il a été élu au scrutin majoritaire, ou son suivant de liste s’il a été élu au scrutin proportionnel. Il retrouvera automatiquement son siège au plus tard un mois après la cessation de ses fonctions gouvernementales. S’il a été élu au scrutin majoritaire, il n’aura donc pas à solliciter la démission de son suppléant, de façon à provoquer une élection sénatoriale partielle, comme vous avez pu en connaître quelquefois dans votre assemblée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas tant que cela !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’ancien sénateur pourra toutefois renoncer à reprendre l’exercice de son mandat pendant ce délai d’un mois, auquel cas son remplacement deviendra définitif jusqu’au prochain renouvellement partiel de la série à laquelle il appartenait.

Dans cette hypothèse, nous nous retrouvons dans une situation voisine de celle que nous connaissons depuis 1958. Il n’y a aucune différence par rapport au droit actuel, où l’occupation du siège par le suppléant jusqu’à la fin du mandat restant à courir n’a jamais fait l’objet de contestation, car elle évite une élection partielle qui ne donne jamais lieu, on le sait bien, à une forte participation électorale.

Nous avons choisi cette solution, parce qu’il ne peut être exclu qu’un ministre ayant cessé d’appartenir au Gouvernement refuse de retrouver le siège de député ou de sénateur qu’il occupait auparavant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il peut avoir une autre fonction.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le cas peut se produire s’il quitte le Gouvernement pour occuper une autre fonction incompatible avec l’appartenance à l’une des assemblées, par exemple – le cas s’est produit – celle de membre du Conseil constitutionnel ou celle de membre de la Commission européenne.

Ensuite, au cas où plusieurs remplacements successifs, ayant des causes différentes, seraient intervenus sur une même liste sénatoriale, c’est le dernier arrivé qui devra céder son siège. Le candidat de la liste du titulaire initial du mandat qui est devenu sénateur le plus récemment en remplaçant soit le sénateur devenu ministre, soit un autre sénateur dont le siège était vacant, devra donc céder ce siège au parlementaire ayant cessé d’exercer ses fonctions gouvernementales.

La nouvelle rédaction de l’article L.O. 320 du code électoral proposée sur ce point par le Gouvernement a été réécrite par l’Assemblée nationale, afin de la rendre à la fois plus complète et plus lisible.

Votre rapporteur n’est pas étranger à cette réécriture, c’est le moins qu’on puisse dire ; je crois savoir qu’il en est même l’auteur !

Quoi de plus normal d’ailleurs, et conforme à la tradition républicaine, évoquée à plusieurs reprises dans son rapport par le sénateur Patrice Gélard, que l’assemblée dont les membres sont concernés au premier chef par une disposition prenne une part décisive à sa rédaction, et que l’autre assemblée s’abstienne de la remettre en cause ?

La nouvelle rédaction comporte un ajout utile, en précisant que le sénateur remplaçant temporaire qui a dû céder son siège reprend la première position de la liste, en tête des candidats non élus de celle-ci. Ainsi, il n’y a plus aucune ambiguïté sur le sort réservé à la personne ayant remplacé temporairement un sénateur élu au scrutin de liste et devenu ministre, lorsque ce dernier reprend son mandat.

Par ailleurs, conformément au texte de la réforme constitutionnelle, le nouveau système est applicable aux membres actuels du Gouvernement : le III de l’article 46 de la loi constitutionnelle du 23 juillet dernier énonce en effet qu’il s’applique aux députés et sénateurs ayant accepté des fonctions gouvernementales antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi organique prévue à l’article 25 – celle dont il est question aujourd’hui – « si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n’est pas encore expiré », ce qui, vous en conviendrez, est la logique même.

Il n’y a donc là aucune rétroactivité, j’y insiste, mais il y a une simple application aux situations en cours à la date à laquelle vous vous prononcez.

Enfin, le projet de loi ordinaire contient également une disposition technique semblable pour les députés européens qui deviennent membres du Gouvernement, dont la rédaction est calquée sur celle qui s’appliquera à ceux d’entre vous qui sont élus au scrutin proportionnel, en y incluant les améliorations que j’évoquais il y a un instant.

Comme le signale M. Gélard, dans son excellent rapport, une disposition spécifique de l’article 24 de la loi du 7 juillet 1977 qui régit l’élection de nos députés au Parlement européen permet déjà à un représentant ayant accepté une fonction de membre du Gouvernement ou du Conseil constitutionnel, ou la prolongation au-delà de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement, de reprendre l’exercice de son ancien mandat, lorsque ces fonctions ou missions ont cessé et que leur remplaçant est décédé ou a démissionné. Il dispose pour ce faire d’un délai d’un mois.

Ce retour au Parlement européen, qui restera applicable dans les cas autres que l’entrée au Gouvernement, est donc seulement étendu, dans cette dernière hypothèse, pour s’appliquer de droit, sans se limiter aux cas de démission ou de décès du remplaçant.

Le nouveau système n’entrera toutefois en vigueur qu’après le renouvellement du Parlement européen de juin prochain, parce qu’une simple loi ne peut prévoir son application aux situations en cours.

Dans un second temps, j’aborderai les autres dispositions des deux textes, qui portent essentiellement sur l’élection des députés, comme l’indique d’ailleurs le titre du projet de loi ordinaire. Permettez-moi cependant de vous en exposer rapidement le contenu.

La première disposition figure à l’article 1er  du projet de loi organique. C’est celle qui fixe, dans l’article L.O. 119 du code électoral, le nombre total des députés, qui correspond en fait au plafond retenu maintenant dans la Constitution, soit cinq cent soixante-dix-sept, qui est aussi, je vous le rappelle, le nombre des membres de l’Assemblée nationale depuis 1985.

Les dispositions organiques du code électoral fixant le nombre des députés élus respectivement dans les départements et dans les collectivités d’outre-mer sont en conséquence abrogées : c’est l’objet de l’article 7 du projet de loi organique. Il appartiendra dorénavant à la loi ordinaire d’arrêter leur nombre.

Certes, une distorsion se trouve ainsi introduite – et il en a été question mercredi dernier au sein de votre commission des lois – avec la fixation des effectifs de votre assemblée, qui résultent de l’addition de plusieurs dispositions fixant, dans le code électoral, les nombres respectifs de sénateurs élus dans les départements et dans chacune des collectivités d’outre-mer et, dans une loi organique spécifique, le nombre de ceux d’entre vous qui représentent les Français de l’étranger.

Mais les deux situations sont conformes à la Constitution, dont l’article 25 renvoie à la loi organique le soin de fixer le nombre des membres de chaque assemblée : il peut s’agir d’un nombre global ou de ce que j’appellerai une somme de « contingents ». Je vous répète toutefois qu’une harmonisation pourrait intervenir à l’occasion de la recodification du code électoral, qui est en cours d’élaboration. Et, pour ce qui est des dispositions organiques relatives au Sénat, leur modification ne se fera qu’avec votre accord.

Les autres dispositions qui figurent dans le projet de loi ordinaire constituent la première étape de l’ajustement de la carte des circonscriptions législatives. Je vous rappelle que cet ajustement est exigé depuis près de dix ans par le Conseil constitutionnel, compte tenu des disparités et des écarts très importants apparus dans leurs populations respectives.

N’oublions pas que la délimitation actuelle a été arrêtée en 1986 sur la base d’un recensement effectué en 1982. La France comptait alors 55 millions d’habitants, contre près de 64 millions aujourd’hui. Cette délimitation aurait dû être révisée au moins en 1999, à la suite des deux recensements généraux de la population intervenus en 1990 et en 1999, mais cela n’a pas été fait, pour toutes sortes de raisons. Nous ne pouvons plus, aujourd’hui, reporter cette réforme. (M. le président de la commission et M. le rapporteur approuvent.)

Comme le souligne d’ailleurs M. Patrice Gélard dans son rapport, qui cite plusieurs exemples éloquents à l’appui de son propos, il y a là une véritable « urgence démocratique », les écarts de population existant entre les circonscriptions rendant la représentativité de leurs députés respectifs très inégalitaire.

Afin d’adopter cette réforme, qui est nécessaire, le plus rapidement possible, le Gouvernement propose de recourir à la procédure des ordonnances. Ce fut la méthode utilisée en 1958, puis en 1986. C’est aussi celle qui paraît la plus adaptée au sujet. On imagine mal les députés discuter eux-mêmes dans le détail de la répartition des sièges et de la délimitation de leurs propres circonscriptions et déposer des amendements au résultat desquels ils seraient directement intéressés !

Toutefois, ce recours aux ordonnances ne supprime en aucune façon – le rapport établi au nom de votre commission des lois le souligne à juste titre – l’intervention du Parlement, ni en amont, parce que le projet de loi énonce, dans l’exposé des motifs ou dans l’article d’habilitation lui-même, les critères qui présideront à l’ajustement de la carte des circonscriptions législatives et dont les députés ont longuement débattu, ni en aval, parce que les deux assemblées pourront, lors de la ratification qui devra intervenir de manière expresse, conformément à la nouvelle rédaction de l’article 38 de notre Constitution, contrôler l’application de ces critères par le Gouvernement.

Les choix effectués par celui-ci seront d’ailleurs soumis à un contrôle juridictionnel rigoureux…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Eh oui !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … et même sans précédent de la part du Conseil d’État, s’il est saisi d’un recours administratif contre les ordonnances avant leur ratification, de la part du Conseil constitutionnel si la loi de ratification est soumise à son contrôle de constitutionnalité.

Le Président de la République et le Premier ministre m’ont chargé, pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel, d’adapter la délimitation des circonscriptions aux évolutions démographiques : il s’agit donc non pas d’élaborer une nouvelle carte électorale, ce qui avait été le cas en 1986, mais de se limiter aux stricts ajustements nécessaires.

Cette révision de la carte électorale comprendra la modification de la répartition des sièges, la fixation du nombre de députés représentant les Français de l’étranger, la création de nouvelles circonscriptions et l’ajustement des circonscriptions existantes. Ces différentes opérations seront soumises à une commission indépendante, avant d’être examinées par le Conseil d’État. C’est là que l’innovation est d’importance.

La création de cette commission a été prévue par l’article 25 de notre Constitution, révisée en juillet dernier ; elle constitue une grande nouveauté par rapport à la réforme électorale de 1985, où aucune commission n’avait pu contrôler ni les modalités du calcul du nombre des députés, ni la répartition des sièges.

Son inscription dans notre loi fondamentale permet d’assurer la pérennité de cette commission, ce qui n’était pas le cas de l’instance homologue mise en place lors du découpage de 1986, et lui donne une autorité à coup sûr plus forte.

La commission sera consultée à la fois sur les projets de texte et sur les propositions de loi « délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs » : elle sera donc, en particulier, saisie non seulement des futures ordonnances sur l’élection des députés, mais aussi, à l’avenir, de tout texte d’origine gouvernementale ou parlementaire ayant pour objet de modifier la répartition de vos sièges de sénateurs.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Exact !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En revanche, elle ne pourra pas se saisir elle-même d’une question entrant dans son champ de compétences ; elle ne sera pas non plus saisie d’éventuels redécoupages des cantons, qui se feront, le cas échéant, plus tard, mais qui relèvent de décrets.

Le rôle de la commission est consultatif : elle n’est donc pas chargée de choisir – la nuance est très importante, beaucoup de choses ayant été écrites à tort et à travers – les règles de répartition, ni de faire le découpage, mais de donner un avis sur les solutions proposées.

À l’avenir, aucune modification de la répartition des parlementaires ou des limites des circonscriptions législatives ne pourra donc intervenir sans qu’elle se soit prononcée.

Elle le fera par un avis rendu public, qu’il appartiendra aux auteurs du texte, qu’il s’agisse du Gouvernement ou de parlementaires, par le biais de propositions de loi, de suivre ou de ne pas suivre.

La composition et les règles d’organisation et de fonctionnement de la commission figurent à l’article 1er du projet de loi ordinaire : elles apportent des garanties suffisantes pour assurer son indépendance. Compte tenu des compétences de la commission, elles vous concernent directement.

Son indépendance est d’abord assurée par les membres qui la composeront : trois représentants des plus hautes juridictions, le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour des comptes, élus par leurs pairs, et trois personnalités, désignées par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président de votre assemblée.

Vous serez associés, mesdames, messieurs les sénateurs, comme le seront vos collègues de l’Assemblée nationale, à la désignation de ces personnalités. Calquant la procédure nouvelle prévue par l’article 13 de la Constitution pour la nomination des emplois ou fonctions les plus importants pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la nation, les nouveaux articles L. 567-1 et L.O. 567-9 du code électoral prévoient que ces désignations seront précédées de la consultation des commissions des lois des deux assemblées : les deux commissions pour le membre désigné par le Président de la République, qui sera président de la commission, comme nous l’a demandé le Conseil d’État, et la commission de l’assemblée concernée pour les deux autres membres.

En pratique, les deux commissions se prononceront, selon des modalités qu’elles définiront, sur les propositions faites par les autorités de désignation, qu’elles pourront récuser à la majorité des trois cinquièmes de leurs membres. L’opposition parlementaire sera ainsi associée aux choix effectués, ce qui constitue, comme l’a écrit votre rapporteur, « un signe fort de transparence ».

Plus précisément – il faut le souligner, parce qu’il s’agit d’une première constitutionnelle –, vingt-neuf d’entre vous pourront ainsi opposer leur veto sur le membre nommé par le président de votre assemblée, comme pourront le faire quarante-quatre députés pour celui qui est nommé par le président de l’Assemblée nationale et soixante-douze députés ou sénateurs pour le président de la commission.

Les nominations devraient ainsi être entourées d’un certain consensus. Il est d’ailleurs probable qu’une personnalité fortement contestée par l’opposition parlementaire ne sera pas nommée…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est évident !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … quand bien même le « veto » des trois cinquièmes des votes négatifs par rapport aux suffrages exprimés ne serait pas atteint.

L’indépendance de la commission est renforcée par l’incompatibilité existant entre la fonction de membre de la commission et tout mandat électif, l’affirmation de la liberté totale des membres dans leur tâche et les modalités de son renouvellement.

Il était impossible de prévoir, comme cela a été suggéré, la présence au sein de la commission de parlementaires issus de différents groupes des assemblées ou celle de représentants des partis politiques, car elle aurait été contraire au principe d’indépendance. C’est la même raison qui nous a conduits à exclure que des élus, nationaux ou locaux, puissent y siéger.

Le texte affirme également que, dans l’exercice de leurs attributions, les membres de la commission ne reçoivent d’instruction d’aucune autorité et qu’ils seront astreints à un devoir de réserve portant sur « le contenu des débats, votes et documents de travail internes » : ce devoir de réserve est indispensable au caractère collégial de la commission et à la sérénité de ses travaux.

L’autonomie de la commission est encore renforcée par les dispositions lui permettant de désigner des rapporteurs, de faire appel aux services compétents de l’État, de procéder à des consultations, et de gérer librement les crédits qui lui sont affectés.

Enfin, les membres de la commission seront nommés pour une durée de six ans non renouvelable et la commission sera renouvelée par moitié tous les trois ans.

Parallèlement aux opérations d’ajustement de la carte électorale, il nous faut, conformément à la nouvelle rédaction de l’article 24 de la Constitution, créer des sièges de députés pour représenter les Français de l’étranger.

Cette question, je le sais, intéresse ceux de vos collègues qui représentent déjà, dans votre assemblée, nos compatriotes établis hors de France.

MM. Robert del Picchia et Christian Cointat. Nous sommes là !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ils sont bien présents, comme je m’y attendais, ce qui est tout à leur honneur.

Pour fixer le nombre de ces nouveaux députés, nous ne disposons pas d’un recensement exhaustif de nos compatriotes installés à l’étranger, analogue à ceux qui sont effectués en métropole ou en outre-mer. Nous connaissons cependant le nombre de ceux qui sont immatriculés dans nos consulats, qui est de l’ordre de 1,4 million, mais ce chiffre ne sera que le point de départ de notre calcul.

Tout d’abord, il devra, en effet, être comparé à la population française recensée dans les départements d’une part, dans les collectivités d’outre-mer d’autre part, de façon à ce que soient répartis aussi équitablement que possible les 577 sièges de députés entre ces sous-ensembles, en tenant compte des contraintes spécifiques à chacun d’eux.

Par ailleurs, ce chiffre devra être corrigé à la baisse pour tenir compte des personnes qui restent inscrites dans une commune française pour les élections présidentielles et législatives et qui souhaitent, pour ne pas rompre tout lien avec la France, pouvoir continuer à le faire : il ne faut pas les comptabiliser deux fois.

La formule retenue dans le texte constitutionnel – « les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale » –, autorise d’ailleurs une certaine latitude.

Comme j’ai eu l’occasion de l’annoncer devant votre commission des lois, nous devrions ainsi aboutir, au vu des éléments dont nous disposons, à un nombre de députés se situant à huit ou à neuf : ceux-ci s’ajouteront à ceux d’entre vous qui représentent nos compatriotes établis à l’étranger, dont le nombre a été porté de six à neuf, puis à douze pour tenir compte de l’augmentation de leur nombre, à une époque où ils n’étaient pas représentés à l’Assemblée nationale.

L’élection de ces nouveaux députés se fera, comme pour les députés élus dans les départements et les collectivités d’outre-mer, au scrutin majoritaire. Le Gouvernement, qui n’est pas favorable à la représentation proportionnelle, a en effet souhaité que nos compatriotes de l’étranger puissent identifier le député qu’ils vont élire, à l’intérieur d’une circonscription délimitée à l’avance. Celle-ci ne ressemblera certes pas aux circonscriptions actuelles, notamment parce qu’elle sera inévitablement plus vaste, mais tout Français établi dans un pays étranger, si éloigné soit-il, aura un député qui le représente au sein de l’Assemblée nationale.

Les difficultés que soulèvera l’organisation à l’étranger d’une élection au scrutin majoritaire à deux tours seront prises en compte : le Gouvernement sollicite du Parlement une habilitation à procéder par ordonnance aux adaptations nécessaires des dispositions législatives du code électoral à la spécificité de cette élection.

Rien n’est insurmontable : ces adaptations pourront concerner les conditions de la campagne électorale, les règles de son financement, la période séparant les deux tours de scrutin et les modalités de vote, par internet, par voie électronique, ou par correspondance, après concertation avec les sénateurs représentant les Français de l’étranger et les associations représentatives.

MM. Robert del Picchia et Christian Cointat. Très bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’en viens maintenant aux règles que le Gouvernement devra respecter dans l’élaboration des ordonnances qui contiendront la nouvelle répartition des sièges de députés entre les départements et entre les collectivités d’outre-mer, et la révision de la délimitation de leurs circonscriptions.

Les critères qui présideront à ces deux opérations sont inscrits dans le texte même du projet de loi d’habilitation ou dans son exposé des motifs ; ce sont les mêmes que ceux qui ont été retenus pour le découpage effectué en 1986 et que le Conseil constitutionnel avait alors validés.

Le premier est celui de la règle traditionnelle assurant à tout département un minimum de deux députés, qui est une constante de notre République depuis l’apparition du scrutin majoritaire. Introduite au début de la IIIème République, elle a été conservée lors du passage au scrutin proportionnel en 1985, avec l’approbation de tous les groupes politiques, et devrait jouer en faveur de deux départements : la Lozère et, de justesse, la Creuse, contre quatre en 1986.

La règle du minimum d’un député par collectivité d’outre-mer figurait dans le projet du Gouvernement, et celui-ci y est toujours favorable. Elle n’a cependant pas été adoptée par l’Assemblée nationale, soucieuse de ne pas amplifier trop sensiblement les écarts de population.

Cette règle n’a pas la même ancienneté que celle relative aux départements : elle résulte plus de la tradition républicaine que d’une véritable obligation constitutionnelle. Si les députés ont voté un amendement la supprimant des obligations qui s’imposeront au Gouvernement dans l’élaboration des ordonnances, c’est parce qu’ils ne veulent pas, dans leur très grande majorité, d’une représentation de chacune des deux nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy, 8 255 habitants, et de Saint-Martin, 35 263 habitants, par un seul député. Ils avaient déjà exprimé très clairement, à deux reprises, cette position : lors de l’examen, début 2007, de la loi statutaire sur l’outre-mer, puis en plafonnant, dans le texte de la révision constitutionnelle, les effectifs de leur assemblée à 577 et non pas à 579, comme ils auraient dû le faire s’ils voulaient conserver ces deux sièges créés mais non pourvus.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. C’est ce que vous avez fait ici en retenant le plafond de 348 sénateurs, qui inclut les deux sièges créés pour deux collectivités, et pourvus depuis le renouvellement de septembre dernier.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous aussi, nous sommes sages !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Le Gouvernement a pris acte de la position de l’Assemblée nationale. Il devra, dans sa future ordonnance, fixer la représentation de chaque collectivité d’outre-mer à la lumière de ces positions et de celle que prendra, le cas échéant, le Conseil constitutionnel (M. le président de la commission des lois opine), en tenant compte de la population, de l’ancienneté mais aussi des spécificités géographiques de chacune d’elles. Sa décision sera, comme toutes les dispositions des futures ordonnances, soumise pour avis à la commission indépendante que la Constitution nous oblige aujourd’hui à mettre en place.

Le seul choix qui me paraît exclu à ce stade est celui du maintien de l’actuelle quatrième circonscription de la Guadeloupe, réunissant huit cantons de la Guadeloupe et les deux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, parce qu’elle ne respecte pas les limites départementales.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce serait manifestement inconstitutionnel !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. La troisième règle que le Gouvernement a proposé de maintenir est celle qui attribue automatiquement à chaque département un siège supplémentaire par tranche de population. Adoptée en 1885, époque où la tranche était de 75 000 habitants, cette procédure a été conservée en 1958, avec une tranche portée à 93 000 habitants, comme lors du passage au mode de scrutin proportionnel en 1985 – M. Fabius était alors Premier ministre et M. Joxe ministre de l’intérieur –, où la tranche a été fixée à 108 000 habitants.

Cette règle dite « de la tranche » est également celle qui régit le mode de répartition de vos sièges entre les départements.

Elle devrait, au vu des chiffres provisoires dont nous disposons, donner un député de plus pour 125 000 habitants supplémentaires et toucher seulement 40 départements sur 101 : ce sont 25 départements qui perdront un ou plusieurs sièges et 15 qui en gagneront un ou deux. Le choix de la répartition proportionnelle aurait un impact sur un nombre beaucoup plus important de départements, de l’ordre de 70 à 80, ce que le Gouvernement ne souhaitait pas.

La quatrième règle conservée est celle, essentielle, de l’écart maximal de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne départementale de la population de chaque circonscription d’un département, règle expressément validée par le Conseil constitutionnel en 1986. Elle nous obligera à réviser la délimitation de certaines circonscriptions, dans une dizaine des départements dont le nombre de sièges ne variera pas : c’est ce que j’appelle le « remodelage », à distinguer du « redécoupage » proprement dit.

La dernière règle conservée concerne la délimitation des circonscriptions, qui devront être constituées d’un territoire continu et respecter les limites cantonales : un amendement adopté par les députés précise quand il peut être fait abstraction de ces limites, notamment pour des cantons de plus de 40 000 habitants – il en existe 130 au total sur 4 000 cantons –, et pour réunifier des communes de moins de 5 000 habitants.

De la même façon, les nouvelles circonscriptions d’élection des députés représentant les Français de l’étranger, qui devraient être équitablement réparties entre l’Europe et le reste du monde, respecteront les limites des circonscriptions existant aujourd’hui pour l’élection des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Enfin, et c’est le troisième amendement de fond adopté par les députés, pourrait notamment figurer parmi les motifs d’intérêt général permettant des adaptations au seul critère démographique, « l’évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Comme l’ont précisé à la fois l’auteur de cet amendement adopté à l’unanimité, le député socialiste René Dosière, le rapporteur et le président de la commission des lois, son objet est de prendre en considération la situation démographique tout à fait particulière de Mayotte et, dans une moindre mesure, de la Guyane.

Mayotte connaît une très forte expansion démographique : 23 364 habitants au recensement de 1958, 67 205 à celui de 1985 – soit un triplement –, 131 320 à celui de 1997, et 186 452 habitants au 31 décembre 2007, soit une augmentation de 50 % en dix ans. Le problème spécifique que pose cette croissance vient de ce qu’elle est très largement due à la présence d’une importante population comorienne en situation illégale. Alors que les étrangers, même en situation irrégulière, ne sont pas exclus du recensement dans les autres parties du territoire national, avons-nous suffisamment d’éléments fiables pour le faire à Mayotte ? Je ne le crois pas.

Il appartiendra au Gouvernement, au vu de ce que dira, le cas échéant, le Conseil constitutionnel sur cette question délicate, de décider s’il doit ou non maintenir la représentation de cette collectivité d’outre-mer en forte croissance de population. Là encore, la commission indépendante émettra un avis sur sa décision.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions du « paquet électoral » que vous propose aujourd’hui le Gouvernement.

J’ai lu avec la plus grande attention les conclusions de votre commission des lois vous proposant d’adopter ces deux textes sans les modifier : votre commission a ainsi fait siennes les recommandations de votre rapporteur, qui s’est référé à « une tradition républicaine bien établie » ne permettant pas au Sénat de remettre en cause le choix des députés relatif à leur régime électoral et « à la nécessité d’adopter rapidement les textes examinés pour permettre le lancement effectif des opérations de redécoupage ».

Sachez que ce dossier est loin d’être bouclé, compte tenu de sa complexité. Le Gouvernement souhaite donc être habilité dès que possible à engager les différentes opérations qu’il comprend, et qui seront effectuées dans la plus grande transparence : le Premier ministre s’y est engagé lorsqu’il a reçu, le 16 septembre dernier, les responsables des groupes et des formations politiques représentés dans votre assemblée et à l’Assemblée nationale, et j’y veillerai attentivement.

Plus vite vous vous serez prononcés, plus vite nous pourrons mettre fin aux anomalies dénoncées à plusieurs reprises et à juste titre par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous vivons aujourd’hui une grande première puisque nous allons examiner le premier des sept projets de loi organique, ainsi que le premier projet de loi ordinaire, prévus en application de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

D’autres textes suivront donc, dans le détail desquels je n’entrerai pas. Je rappelle simplement que nous devrons examiner, dans un proche avenir, les projets de loi relatifs à la procédure parlementaire, au Conseil supérieur de la magistrature, au Conseil constitutionnel, ainsi qu’aux nominations aux postes les plus élevés en conseil des ministres ou par le Président de la République. Tel est le programme qui nous attend en 2009.

Mon intervention portera, à la fois, sur le projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution et sur le projet de loi ordinaire relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés. Ces deux textes sont interdépendants : la loi organique renvoie à la loi ordinaire, et vice versa. Cela pose d’ailleurs un problème juridique. Nous aurions dû examiner en premier lieu, et de façon indépendante, le projet de loi organique, puis, en second lieu, le projet de loi ordinaire. Mais ils sont tellement imbriqués l’un dans l’autre que nous ne pouvons procéder autrement.

J’examinerai en détail, tout d’abord, le projet de loi organique, puis le projet de loi ordinaire, en soulignant, à chaque fois, un certain nombre de problèmes soulevés soit par la commission, soit par les représentants des groupes politiques de notre assemblée. Je souhaite, en outre, attirer l’attention de M. le secrétaire d’État sur les difficultés qui l’attendent.

Tout d’abord, sur le projet de loi organique, je ferai quelques brèves observations.

L’article 1er du projet de loi fixe le nombre des députés à 577. Je rappelle qu’il s’agissait d’un effectif maximum. Par compromis, le Sénat avait également admis que le nombre des sénateurs soit inscrit dans la Constitution, bien que nous n’ayons guère été enthousiasmés par cette disposition, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Patrice Gélard, rapporteur. ... qui supprime toute liberté de manœuvre, notamment pour le Gouvernement et la commission indépendante, car il n’y aura plus de variable d’ajustement à l’Assemblée nationale.

Je n’ai pas d’autre remarque à formuler sur ce sujet, si ce n’est que je regrette que nous ayons inscrit ce chiffre dans la Constitution. Mais nous avons pour règle, au Sénat, de ne pas nous occuper de l’Assemblée nationale.

Les articles 2, 3 et 4 portent sur le retour des ministres, anciens parlementaires, dans leur assemblée d’origine.

Il s’agit là d’une nouveauté par rapport à la Constitution de 1958 et à la volonté du général de Gaulle, qui avait souhaité, à l’époque, séparer complètement les fonctions ministérielles et les fonctions parlementaires. On sait quelles difficultés cela avait entraîné : d’excellents politiques se retrouvaient sans mandat ou obtenaient la démission de leur suppléant, ce qui conduisait à l’organisation d’élections partielles. Ce système n’était pas satisfaisant.

Les ministres retrouveront donc leur siège d’origine, à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Ces nouvelles dispositions nous posent pourtant un problème, ...

M. Bernard Frimat. Vous avez mis du temps à vous en apercevoir !

M. Patrice Gélard, rapporteur. ... qu’il nous faudra résoudre.

Il y aura deux sortes de suppléants : ceux qui sont actuellement parlementaires, et ceux qui risquent de le devenir.

Qu’adviendra-t-il de ceux qui remplacent actuellement un ministre appelé à assez brève échéance à redevenir parlementaire ? Il y a là une responsabilité de l’État du fait de la loi puisqu’ils étaient nommés jusqu’au terme du mandat. Il reviendra donc à chaque assemblée de résoudre à la satisfaction générale la situation matérielle de ces suppléants renvoyés.

À l’avenir, il sera sans doute plus difficile de trouver des suppléants, car l’application de la règle du non-cumul des mandats les contraindra à abandonner un mandat local qu’ils ne pourront retrouver ensuite dans la mesure où les règles de remplacement ne pourront pas jouer… Bref, il y a là une difficulté qu’il faudra résoudre.

L’article 2 concerne les députés, l’article 3, les sénateurs élus au scrutin majoritaire et l’article 4, les sénateurs élus au scrutin proportionnel. M. le secrétaire d’État a parfaitement explicité les différentes situations. Je ne reviens pas sur la sorte de « commission mixte paritaire » que j’ai tenue avec mon homologue de l’Assemblée nationale pour rendre le texte de l’article 4 compréhensible par tous, notamment par les suppléants élus à la représentation proportionnelle.

L’article 5  tend à compléter le livre VIII du code électoral en vue de préciser la procédure de désignation de la personnalité qualifiée nommée par le Président de la République pour siéger à la commission indépendante prévue à l’article 25 de la Constitution. Cette personnalité serait désignée selon la procédure désormais fixée par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution pour certaines nominations. Elle devra se présenter devant la commission compétente de chaque assemblée parlementaire.

Quel type de personnalité le Président de la République, le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale pourront-ils choisir ? La question mérite d’être posée puisque cette commission doit être impartiale sur le plan politique.

À mon avis, mieux vaut ne pas choisir un parlementaire et puiser dans un autre vivier : pourquoi pas un journaliste spécialiste de ces questions, ou bien un responsable d’institut, tel que l’IFOP, la SOFRES ou autre connaissant parfaitement les questions électorales ? Le choix pourrait également se porter sur un universitaire spécialiste de ces questions, venant de l’Institut d’études politiques, par exemple. En ce qui concerne les représentants du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation, la cause est entendue puisqu’il reviendra à l’assemblée générale de ces trois instances de choisir son représentant.

L’article 6 étend les incompatibilités prévues par la loi électorale aux membres de la commission, et l’article 7  renvoie à la loi ordinaire pour la répartition des députés.

J’évoquerai maintenant mes quelques interrogations, en précisant qu’elles ne m’empêcheront pas de demander le vote conforme sur la loi organique.

Premier problème, deux régimes différents s’appliqueront au Sénat et à l’Assemblée nationale. Le nombre de sénateurs et leur répartition –  les représentants des Français de l’étranger, de l’outre-mer et de la métropole – sera fixé par la loi organique, tandis que, pour les députés, ce soin est renvoyé à la loi ordinaire. Voilà qui démontre, si besoin était encore, que nous sommes bien la Haute Assemblée ! (Sourires.)

Le deuxième problème tient à la responsabilité de l’État à l’égard de ceux qui sont actuellement suppléants d’un ministre susceptible de redevenir sénateur ou député. Ce problème devra à mon avis être réglé au sein de chacune des assemblées.

Le troisième problème a été soulevé par M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Je ne l’ai pas encore soulevé ! Je le ferai tout à l’heure !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Souffrez que je le soulève en amont ! (Sourires.)

M. Bernard Frimat. Quel hommage !

M. Pierre Fauchon. Précurseur !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce problème important est celui du parallélisme des formes. Si un parlementaire démissionne, son suppléant ne prend pas sa place et une élection partielle doit être organisée, alors qu’un ministre, quant à lui, récupérera son siège sans élection partielle.

Je tiens à souligner, monsieur Frimat, que les deux situations sont tout à fait différentes : il n’y a rien de commun entre la démission d’un parlementaire et le retour d’un ancien parlementaire à son siège de député ou de sénateur, cette dernière situation étant prévue par la Constitution. Dans ce cas, il y a non pas démission, mais cessation d’une fonction ministérielle et donc réintégration dans la fonction antérieure de parlementaire ! Ce qui est prévu par la loi organique est par conséquent parfaitement compatible avec les dispositions constitutionnelles.

M. Bernard Frimat. Vous ne croyez pas vous-même à votre argument !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Si, j’y crois parfaitement !

M. Bernard Frimat. En vous forçant !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas du tout, sur ce point ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

J’en viens maintenant à la loi ordinaire, qui prévoit la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante.

M. Richard Yung. Encore une…

M. Patrice Gélard, rapporteur. On en crée assez souvent – en moyenne, deux par an – pour qu’il me soit permis de suggérer à nouveau d’en réduire un jour le nombre !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est une commission ! Ce n’est pas tout à fait pareil !

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est tout de même une autorité, ne serait-ce que parce qu’elle aura son budget.

L’article 1er de la loi ordinaire traite de la commission indépendante qui donnera son avis sur le découpage électoral. Elle comprendra six membres, dont un est nommé par le Président de la République, un par le président de l’Assemblée nationale, un par le président du Sénat, les trois autres étant désignés par les assemblées générales des plus hautes juridictions.

Que cette composition puisse faire l’objet d’un certain nombre de remarques, je le conçois. Je pense, par exemple, à la présidence de la commission, qui reviendra au candidat proposé par le Président de la République. Encore faut-il souligner que cette nomination est assortie de toutes les garanties imposées par l’article 13 de la Constitution, avec un passage devant les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je précise, pour répondre à une question de M. Pierre Fauchon, que, le cas échéant, on additionnera les deux.

Que mes collègues se rassurent : il est prévu le rejet de la candidature si l’addition des votes négatifs dans chaque commission permanente compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Néanmoins, je n’imagine pas que la candidature proposée puisse aboutir en cas de majorité simple s’opposant à cette candidature dans l’une ou l’autre des commissions ! De quelle autorité pourrait bien bénéficier une personne qui se serait attirée contre elle la majorité, fût-elle simple, de l’une ou de l’autre des commissions ? A mon avis, soit ce candidat se retirera, soit l’autorité chargée de le nommer ne le désignera pas. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cointat. Absolument !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Dès lors, je crois qu’il y a lieu d’être pleinement rassuré sur l’indépendance et sur l’autonomie de chacune de ces personnalités. L’opposition pourra pleinement jouer son rôle à l’intérieur de chacune des commissions.

L’article 1er  de la loi ordinaire fixe également les incompatibilités. Il traite, entre autres, de la nomination des rapporteurs, du secret du délibéré, du quorum, de la saisine et du renouvellement par moitié tous les trois ans des membres de la commission.

L’article 2 prévoit une habilitation à recourir à l’article 38 de la Constitution : le Gouvernement se voit confier le soin de régler, par voie d’ordonnances, les questions relatives à la composition de l’Assemblée nationale. C’est une tradition. On ne peut pas faire autrement puisque la plupart des découpages ou des redécoupages se sont faits par voie d’ordonnances, à une exception près : je veux parler de la fois où le Président Mitterrand avait refusé de signer les ordonnances, contraignant le gouvernement de l’époque à revenir devant le Parlement.

L’article 2 fixe également le nombre des députés : 577. Là, un problème compliqué va se poser au Gouvernement. Ce dernier devra d’abord répartir les trois catégories de députés.

S’agissant des députés représentant les départements, la règle de deux députés par département s’impose. Comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé tout à l’heure, c’est une règle républicaine. Mais cela posera à terme des difficultés, car certains départements seront surreprésentés par rapport à d’autres, en raison du nombre de députés représentant les départements qui est appelé à se restreindre.

Il faudra ensuite fixer le nombre des députés représentant les collectivités d’outre-mer et, enfin, le nombre des députés représentant les Français établis hors de France.

Le Gouvernement a repris, pour l’article 2 du projet de loi ordinaire, des règles posées par le Conseil constitutionnel, que l’Assemblée nationale a approuvées : les bases démographiques, l’écart maximum de 20 % entre la population d’une circonscription et la population moyenne des circonscriptions du département, le territoire continu. S’agissant de ce dernier point, la rédaction de l’Assemblée nationale sur la dérogation au territoire continu n’est pas bonne.

M. Bernard Frimat. Déposez un amendement !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, il n’y aura pas d’amendement pour la simple raison que le Sénat ne se mêle pas de ce qui concerne l’Assemblée nationale ! Je ne vais pas le répéter dix fois : c’est la règle que nous avons toujours appliquée ! Il n’y a pas de raison de modifier nos comportements ! (Applaudissements sur certaines travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

S’agissant de la représentation des nouveaux territoires que sont Saint-Barthélemy et Saint-Martin, nous connaissons l’amendement voté par l’Assemblée nationale. La balle est dans le camp du Gouvernement, qui va fixer, dans l’ordonnance, le nombre de représentants de ces collectivités d’outre-mer. Combien seront-ils ? Mais ce n’est là qu’une des difficultés que le Gouvernement rencontrera sur le parcours faisant suite au vote de la loi ordinaire et de la loi organique.

Des difficultés sont également prévisibles, par exemple, pour la représentation des Français établis hors de France. Du moins est-il un point sur lequel le Gouvernement a très clairement précisé sa position : le scrutin majoritaire uninominal à deux tours continuera de s’appliquer tant aux députés représentant les Français établis hors de France qu’aux députés élus de métropole et d’outre-mer.

L’article 4 est consacré aux modalités de remplacement temporaire au Parlement européen des représentants français accédant à des fonctions gouvernementales. Le cas est rarissime : il n’arrive en effet pratiquement jamais qu’un député européen devienne ministre. Mais ne me faites pas dire que le Parlement européen est une voie de garage ; loin de moi cette idée ! Il s’agit surtout, ainsi que l’a indiqué tout à l’heure Mme la ministre, de respecter un parallélisme des formes.

Les difficultés qui attendent le Gouvernement tiennent à la complexité du processus qui va se dérouler. Ce processus commencera par le contrôle éventuel effectué par le Conseil constitutionnel à l’issue du vote de cette loi ordinaire, à la demande de soixante parlementaires, la saisine du Conseil étant automatique pour la loi organique.

La loi organique ne me paraît pas promise à de grandes difficultés. Quant à la loi ordinaire, le Conseil constitutionnel risque de vérifier de près si l’article 2 de la loi d’habilitation reprend bien toutes les conditions qu’il avait précédemment énoncées dans la jurisprudence à propos du découpage des circonscriptions électorales.

Puis, l’ordonnance sera transmise pour avis à la commission, et ensuite soumise au Conseil d'État.

Le Conseil d'État donnera son avis sur son contenu juridique et même, indirectement, sur sa constitutionnalité. Il est en effet juge en excès de pouvoir, et, tant qu’elle n’est pas ratifiée, l’ordonnance reste attaquable comme peut l’être un décret.

Le troisième obstacle sera celui de la ratification devant le Parlement, ce qui annonce vraisemblablement un beau débat, ici comme à l’Assemblée nationale. De nouveau, le Conseil constitutionnel pourra être saisi.

Cela signifie qu’il faudra prendre de grandes précautions. Ainsi, l’application du principe selon lequel il y a un député par collectivité territoriale quelle qu’elle soit sera certainement examinée à la loupe, tant au Conseil constitutionnel qu’au Conseil d'État. Nous aurons là un test grandeur nature quant à la façon dont il faut comprendre ce principe, que nous appliquons tout naturellement au Sénat alors que l’aspect démographique l’emporte à l’Assemblée nationale.

La question relative à Mayotte qu’a soulevée tout à l'heure M. le secrétaire d'État sera également examinée de près par les hautes juridictions.

Il ne faut pas oublier de surcroît qu’il y a outre-mer de considérables développements de la population, et je ne crois pas que l’on puisse y appliquer des règles différentes de celles qui s’appliquent en métropole, sauf à courir le risque de voir tel ou tel choix remis en cause par ces hautes juridictions.

Il en va de même en ce qui concerne les Français de l’étranger.

C’est donc dans un véritable parcours du combattant que le Gouvernement va s’engager à partir du moment où le texte que nous examinons aujourd'hui sera adopté et je préfère que ce parcours se déroule à l’échelon du Gouvernement plutôt qu’ici.

Je me demande en effet comment nous nous en serions sortis si nous avions dû énoncer dans la loi organique le nombre des députés métropolitains, des députés des départements d’outre-mer, des députés des collectivités d’outre-mer et des députés représentant les Français établis hors de France : il n’était pas possible que ce débat ait lieu ici, même si, sur le fond, nous n’aurions pas suivi d’autre voie que celle qu’aurait choisie l’Assemblée nationale.

La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, de voter conforme le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire en raison du principe, énoncé plusieurs fois dans mon rapport écrit, selon lequel le Sénat ne se préoccupe pas, sauf lorsqu’il est lui-même mis en cause, des modes de désignation des députés. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René Garrec. Principe de droit coutumier !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle longue intervention pour en arriver là !

 
 
 

4

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, j’interviens pour m’assurer que nous sommes bien « en phase » s’agissant du déroulement de nos travaux.

On me dit, mais j’attends que vous le confirmiez, que nous discuterions les amendements portant sur le projet de loi ordinaire et voterions celui-ci avant d’examiner le projet de loi organique.

Je m’interroge sur cet ordre sachant que l’Assemblée nationale, qui a examiné les mêmes textes – ces textes à propos desquels M. Gélard vient d’exprimer toute son admiration –, a voté d’abord le projet de loi organique, puis le projet de loi ordinaire.

Est-il normal que nous procédions autrement ? L’ordre naturel n’est-il pas celui qu’a observé l’Assemblée nationale ?

Je souhaiterais que ce point soit précisé dès maintenant pour permettre, à la séance comme à nos collaborateurs, de s’adapter si nous devions changer l’ordre.

Je suis d’accord pour reconnaître que les deux textes sont étroitement imbriqués, mais l’usage veut que la loi organique précède la loi ordinaire et je serais surpris si nous ne respections pas cet ordre.

M. le président. C’est un ordre qui a été choisi par le Gouvernement…

M. Jean-Pierre Michel. Ah bon ? Le Gouvernement décide ?...

M. René Garrec. Rien d’étonnant à cela : le Gouvernement détermine l’ordre du jour prioritaire…

M. le président. L’ordre a été décidé en conférence des présidents à la demande du Gouvernement, et je l’applique, mais peut-être M. le secrétaire d'État souhaite-t-il répondre à l’interrogation de M. Frimat ?...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement estime que la discussion du projet de loi organique doit précéder celle du projet de loi ordinaire, avant le vote final… (Exclamations amusées.)

M. le président. Voilà qui est assez curieux car, en conférence des présidents, le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement a dit exactement le contraire.

M. Jean-Pierre Michel (Simulant les mouvements de la brasse). Nous voilà bien avancés !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, la conférence des présidents s’étant prononcée, la commission des lois n’a pas son mot à dire et elle suivra la position de M. le secrétaire d'État.

M. René Garrec. C’est une question de hiérarchie des textes !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les deux textes sont liés mais, si le Gouvernement décide maintenant de commencer par l’examen du projet de loi organique, pourquoi pas !

C’est l’ordre qui a été suivi à l’Assemblée nationale et il paraît plus logique – en tout cas pour la discussion, car, pour les votes sur l’ensemble, il s’agit peut-être d’un autre problème. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La conférence des présidents a cependant reçu, monsieur le président de la commission, une lettre du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement indiquant très précisément que la loi ordinaire devait précéder la loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour le vote !

M. le président. Mon rôle étant d’appliquer une décision qui a été prise à la demande du Gouvernement, je pense qu’une suspension de séance serait nécessaire pour clarifier la situation…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !

M. le président. La parole est à M. René Garrec.

M. René Garrec. Nous nous trouvons devant un simple problème de procédure : inutile de se compliquer l’existence !

La loi ordinaire a pour objet de supprimer certaines dispositions afin de « nettoyer le terrain » pour permettre ensuite à la loi organique de s’installer. Il y a donc une vraie chronologie dans l’ordre d’examen de ces textes et c’est pourquoi je n’ai pas compris où était le problème.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pendant quelques instants pour accorder nos violons.

M. Bernard Frimat. Excusez-moi, monsieur le président, d’avoir suscité cette discussion !

M. le président. Mais non, mon cher collègue : vous avez soulevé une vraie question et je souhaite qu’elle soit réglée !

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à onze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La Constitution est claire. S’agissant du vote final, elle spécifie que le vote de la loi ordinaire doit précéder le vote de la loi organique. Quant à l’ordre de discussion, il est en quelque sorte la déclinaison de la hiérarchie traditionnelle : très logiquement, la loi organique précède la loi ordinaire.

M. le président. Je remercie M. Frimat d’avoir posé la question. Nous y voyons plus clair maintenant !

M. François Fortassin. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si la courtoisie sénatoriale nous impose de ne pas nous occuper des questions relatives à l’Assemblée nationale et d’émettre un vote conforme, je ne vois pas quel est l’intérêt de ce type de séance !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais c’est l’application du bicamérisme ! Les deux assemblées votent les lois !

M. François Fortassin. Nous faisons donc comme les sociétés savantes qui se réunissent simplement pour le plaisir de converser sur divers sujets !

Il est tout de même extraordinaire d’en arriver à une telle anomalie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

5

Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés

Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

 
 
 

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution.

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous vous en souvenez très certainement, nous avons combattu la réforme constitutionnelle. Nous la considérions en bien des points antidémocratique et taillée sur mesure pour le nouveau Président de la République.

Le Gouvernement nous avait alors rétorqué que nous nous trompions et que cette réforme renforcerait au contraire les pouvoirs du Parlement. Le débat ne fut pas simple et de nombreux sénateurs et députés, au-delà des clivages politiques d’ailleurs, s'y opposèrent. Malgré tout, à quelques marchandages politiques près, la réforme fut votée, mais de si peu, de si peu !...

À la suite de ce débat qui fut difficile pour la majorité, nous aurions attendu du Gouvernement qu’il cherche à réaffirmer la légitimité de cette révision constitutionnelle et nous soumette en priorité les mesures phares de cette réforme : l'organisation du référendum abrogatif ; la liste des emplois pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République est soumis à un avis préalable ; l'organisation de la délibération des projets de loi ; le droit d'amendement et l'exception d'inconstitutionnalité ; la pétition permettant la saisine du conseil économique, social et environnemental ; les compétences du défenseur des droits des citoyens. Or il n'en est rien !

Les deux premiers projets de loi relatifs à l'application de la réforme constitutionnelle ne sont qu'une basse manœuvre d'opportunisme politique au service du Gouvernement. Débattus avec beaucoup de discrétion et de hâte, ils doivent être efficients dès le prochain remaniement ministériel, qui s'annonce, il faut le dire, de plus en plus proche.

Le projet de loi organique que nous examinons vise à permettre aux ministres, en cas de démission, de retrouver leur siège de parlementaire sans se soumettre à nouveau au suffrage universel, comme c'était le cas depuis 1958 !

L'hypothèse d'un remaniement du Gouvernement dès janvier prochain explique sans aucun doute le dépôt en urgence de cette loi organique. Elle pourrait en effet profiter aux vingt-six ministres, dont le premier d’entre eux, détenteurs d’un mandat d’élu national.

Prouesse remarquable que cette construction juridique : non seulement prévue pour les députés ou les sénateurs qui deviendront ministres après le vote de la loi organique – ce que proposait le « comité Balladur » – cette disposition serait immédiatement applicable puisque cette loi bénéficierait d'un effet rétroactif ! La rétroactivité n’est habituellement pas tolérée car considérée comme anticonstitutionnelle, sauf exceptions de la plus haute importance... C’est sans doute le cas !

Mais quid des suppléants alors ? Seront-ils considérés comme des « sous-élus », des « faire-valoir » ? Ces parlementaires sont arrivés sous le régime d'une règle qui sera changée en cours de législature. Ils n'auront guère leur mot à dire si le ministre sortant désire regagner son siège.

Comment, et au nom de quel principe constitutionnel et démocratique, peut-on légitimer cette disposition ? La question reste sans réponse... En réalité, le Gouvernement se sert de la loi pour régler ses petites affaires personnelles au sein de sa propre famille politique, car le Président de la République veut éviter la fronde au sein de son parti et parmi des députés de la majorité. Ces derniers l'ont bien compris, et certains n'hésitent pas à le dire publiquement. Ainsi, selon votre collègue député UMP Jacques Myard, ce retour quasi automatique des ministres au Parlement consiste à « mettre les députés dans la main du Président de la République ». Un autre de vos confrères député, Jean-Pierre Grand, n'hésite pas à décrire cette réforme comme « la porte ouverte à l'instabilité gouvernementale en période de difficultés ». À ses yeux, « ce sera fatalement ressenti par l'opinion publique comme la mise en place par notre assemblée d'un « parachute politique doré » ».

Mme Josiane Mathon-Poinat. J’avoue que cela est fort bien dit ! En effet, en cette période de crise, grâce à cette loi, les ministres seront, eux, prémunis du chômage qui menace des centaines de milliers de travailleurs en 2009.

Au lieu de garantir le parcours professionnel des élus de la majorité et de se servir de cette loi pour régler vos démêlés familiaux, mesdames, messieurs de la majorité, il serait temps de créer un vrai statut de l'élu que nous appelons de nos vœux depuis tant et tant d'années et pour lequel nous avons déjà fait de nombreuses propositions. Les salariés élus ne sont pas tous des professionnels de la politique et ne retrouveront pas leur emploi à l'issue de leur mandat !

Abordons maintenant le projet de loi ordinaire

Il fixe les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission chargée de donner un avis sur les projets de loi et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.

À première vue, la création d'une telle commission paraît nécessaire. Elle permettrait en effet d'étudier le redécoupage des circonscriptions d'une manière plus juste et plus objective. La refonte de la carte électorale a en effet trop souvent été synonyme de manœuvres politiciennes obscures, comme ce fut le cas lors du dernier redécoupage des circonscriptions, décidé par notre collègue Charles Pasqua en 1986.

Toutefois, au vu de l'actualité, nous pouvons légitimement nous inquiéter de l'efficience du travail de cette commission. Il aurait d'ailleurs été souhaitable que nous ayons une discussion sur la personne en charge de la préparation de ce travail de découpage.

Le Président de la République en a décidé autrement et a nommé, « judicieusement », Alain Marleix chargé du secrétariat national aux élections de l'UMP depuis 2004,….

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est fini, madame !

Mme Josiane Mathon-Poinat. … qui avait déjà participé au redécoupage électoral de 1986, sous Charles Pasqua !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est une référence !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Afin d’éviter un conflit d'intérêts trop évident, M. Marleix a quitté la direction nationale de l'UMP le temps de sa mission, avant de la réintégrer à nouveau fin novembre. L'hypocrisie de cette manœuvre en dit tellement sur l'opacité du redécoupage à venir qu'il n'est pas la peine, à mon sens, d'en rajouter !

Nous ne sommes pas rassurés davantage par la mise en place d'une commission de contrôle prévue par la réforme constitutionnelle. D’une part, cette commission ne disposera que d'un pouvoir purement symbolique : rien n’obligera en effet le Gouvernement à suivre l’avis rendu ! D'autre part, il y a fort à parier que cette commission ne rendra que des avis conformes aux souhaits du Gouvernement, tant sa composition même manque de neutralité. En effet, cette nouvelle institution est censée être composée de trois hauts magistrats et de trois personnalités qualifiées, nommées conjointement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, c'est-à-dire uniquement par la majorité.

S’agissant d’une question institutionnelle aussi grave que le redécoupage électoral, où sont les droits de l'opposition que le Président de la République prétendait renforcer en modifiant la Constitution ? Pourtant, lorsque nous avions évoqué cette difficulté au cours de la discussion de la réforme constitutionnelle, Mme la garde des sceaux avait tenu à nous rassurer par ces mots : cette commission « sera composée d'experts. Ce seront des démographes, des statisticiens, des juristes et des experts en droit électoral ». Nous avons beau chercher, la promesse n'est pas tenue... hormis pour M. Marleix, expert en droit électoral, de l’UMP !

Peut-on parler de neutralité politique lorsque de telles désignations relèvent de personnalités issues du même terreau politique ? Intégrer à cette commission un membre désigné par chaque groupe parlementaire serait la moindre des choses. C’est d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements.

Selon le projet de loi, la personne désignée par le chef de l’État présidera cette commission, et ce à l'image du futur mode de nomination du président de France télévision. Bien qu'il s'en défende, cela devient une fâcheuse tendance de notre Président de nommer, car tel est son bon plaisir, des personnes à des postes clés. Il s'arroge ainsi un contrôle accru des institutions et une concentration des pouvoirs proprement scandaleuse.

De plus, vous demandez aujourd'hui au Parlement de cautionner un redécoupage de la carte électorale combinant suppression d'un certain nombre de circonscriptions et manœuvres politiques, et de donner entière liberté au Gouvernement via le système d'ordonnances.

Nous sommes et serons toujours opposés à ce que le Gouvernement légifère par ordonnances, particulièrement sur de tels sujets. Il est impensable que le Parlement soit privé de tout pouvoir de contrôle ! Si l'opposition ne peut se prononcer, le redécoupage se fera au seul profit de la majorité au pouvoir. En effet, un redécoupage électoral n'est jamais innocent ou neutre : il l'est encore moins lorsque le Parlement n'est pas consulté.

Lors de son audition à l’Assemblée nationale, M. Marleix justifiait le recours aux ordonnances par le fait que cela avait déjà été le cas en 1986. Mais cela est faux ! Le Président de la République de l'époque, François Mitterrand, avait refusé de signer les ordonnances qui avaient alors dû être transformées en projet loi.

Enfin, et pour conclure sur l'opacité de cette manœuvre, je rappelle que la prochaine réforme des collectivités territoriales pourrait supprimer le département – du moins c’est dans l’air ! – ou encore modifier le mode de scrutin pour les élections régionales. Nous débattons donc au final du redécoupage des circonscriptions sans rien savoir, ni de la future articulation entre les départements et la région, ni de l'évolution des modes de scrutin.

Bref, vous l'aurez compris, nous ne pouvons cautionner deux textes de lois aussi circonstanciels et subordonnés à la majorité gouvernementale. Lors de la réforme constitutionnelle, vous tentiez de prouver l'intérêt démocratique et respectueux de la pluralité politique de vos réformes, mais nous voyons mal de quelle façon vous pouvez continuer à le soutenir aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion de ces deux projets de loi ouvre la voie à la mise en œuvre de la révision constitutionnelle adoptée en juillet dernier, s’agissant notamment des dispositions de l'article 25.

Comme vient de le souligner Mme le ministre, ces deux textes – l'un organique, l'autre ordinaire – visent à rendre notre démocratie plus représentative, plus transparente et plus efficace.

Pour rendre notre démocratie plus représentative, ces projets de loi lancent la première étape de l’ajustement des circonscriptions législatives. Le rééquilibrage démographique des circonscriptions est en effet réclamé avec insistance par le Conseil constitutionnel, et ce depuis de nombreuses années.

La délimitation actuelle a été arrêtée en 1986, sur la base d'un recensement effectué en 1982. Depuis lors, malgré les recensements de 1990 et de 1999, il n'y a pas eu d'ajustement des circonscriptions, d'où des différences parfois importantes entre elles, et les demandes de plus en plus pressantes du Conseil constitutionnel.

Il était donc grand temps pour le législateur d'autoriser le Gouvernement à procéder à un ajustement de la carte des circonscriptions. Comme l'a indiqué .le rapporteur, Patrice Gélard, les deux projets de loi qui nous sont aujourd'hui soumis répondent à « une urgence démocratique » : adapter la répartition des sièges de députés.

J’observe que, à l’instar de ce qui s’est passé pour bien d'autres réformes, c'est grâce à l'action du Président de la République et à celle de son Gouvernement que l'exercice difficile du redécoupage des circonscriptions va être réalisé.

Cette adaptation est d'autant plus nécessaire aujourd’hui en raison de la création de nouveaux postes de députés chargés de représenter les Français établis hors de France.

Le redécoupage des circonscriptions législatives prendra en compte les évolutions démographiques de la population française depuis 1982. Ainsi, l'Assemblée nationale représentera plus justement l’ensemble de nos concitoyens.

Le deuxième objectif visé par ces deux projets de loi est la transparence.

C'est bien avec cette finalité que le nouvel article 25 de la Constitution prévoit la création d'une commission indépendante chargée de donner un avis public sur tout projet de texte ayant pour objet une nouvelle délimitation des circonscriptions législatives ou une modification de la répartition des sièges de sénateurs.

Si l’indépendance de cette commission est consacrée dans le code électoral, elle est également confortée par les dispositions amenées à en régir la composition et le fonctionnement.

Cette commission indépendante sera composée de trois magistrats issus de chacune des juridictions suprêmes et désignés par leurs pairs et de trois personnalités nommées respectivement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, après avis des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée.

À cet égard, je m’associe aux propos du rapporteur et souligne à mon tour que, conformément aux souhaits exprimés par les sénateurs lors de l’examen de la révision constitutionnelle, les commissions compétentes des deux assemblées se prononceront séparément sur la nomination des candidats, en vertu du principe d’autonomie des assemblées.

Signe fort de transparence, ces désignations seront précédées d’une audition des candidats par les commissions parlementaires et d’un avis public de ces dernières. L’opposition parlementaire sera donc associée à ces désignations et pourra s’exprimer sur la personnalité envisagée.

M. Bernard Frimat. Plaisanterie !

Mme Catherine Troendle. Je tiens également à souligner que ni la Constitution ni le présent projet de loi ordinaire ne confèrent à la commission indépendante un pouvoir normatif. C’est au législateur qu’il revient de fixer dès aujourd’hui, à la lumière des principes énoncés par le Conseil constitutionnel, les règles de forme et de fond auxquelles devra obéir le remodelage de la carte électorale. Dès lors, nous ne voyons pas de raison de faire de procès d’intention au Gouvernement quant à la méthode choisie.

Le groupe UMP se réjouit de l’étendue des garanties ainsi offertes à cette commission, en termes d’impartialité, de transparence et d’indépendance.

Le troisième objectif est l’efficacité. C’est au nom de celle-ci qu’a été décidée la mesure relative aux parlementaires nommés au Gouvernement. Le projet de loi organique organise en effet le remplacement temporaire des parlementaires nommés au Gouvernement.

Il faut rappeler que le Sénat n’a accepté ce dispositif qu’au terme d’un long débat, non sans marquer quelques réserves sur son opportunité. Si les modalités d’application de cette mesure nous ont paru d’emblée claires et cohérentes pour les parlementaires élus au scrutin majoritaire, la rédaction initiale des projets de loi relative au remplacement temporaire des parlementaires élus à au scrutin proportionnel manquait, à notre sens, de clarté.

Cette rédaction ne précisait pas le sort du suivant de liste devenu provisoirement sénateur ou député européen, une fois que l’ancien ministre retrouvait l’exercice de son mandat. La rédaction votée par l'Assemblée nationale a permis de lever ces ambiguïtés. La solution tendant à replacer l’ancien parlementaire « temporaire » en tête des suivants de liste non élus nous paraît satisfaisante.

Enfin, à l’instar du rapporteur, le groupe UMP souhaite que ne soit pas oubliée la situation de nos quatre collègues devenus sénateurs en remplacement des sénateurs devenus membres du Gouvernement depuis 2007, qui ont dû, pour certains, renoncer à un mandat local afin de respecter les règles de non-cumul des mandats ou fonctions.

Le recours aux ordonnances pour délimiter les circonscriptions législatives, prévu à l’article 2 du projet de loi ordinaire, constitue un autre sujet de préoccupation.

Cette procédure nous semble justifiée, car elle permet d’assurer une mise en œuvre rapide de la réforme. Par ailleurs, eu égard au caractère particulièrement technique et minutieux des opérations de redécoupage, le recours aux ordonnances nous semble également justifié sur un plan pratique.

En outre, nous ne sommes pas en terrain inconnu, puisque le législateur avait adopté en 1986 une loi relative à l'élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnances les circonscriptions électorales, déclarée conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel du 2 juillet 1986.

Enfin, cette procédure paraît acceptable, dès lors que les projets d’ordonnance seront soumis pour avis à la commission indépendante et au Conseil d’État et suivis du dépôt d’un projet de loi de ratification. Le recours aux ordonnances ne prive donc pas le Parlement d’un contrôle de l’opération tant en amont qu’en aval.

Mme Catherine Troendle. Il n’empêchera pas le législateur d’avoir le dernier mot pour fixer les orientations de cette nouvelle délimitation, en validant ou non les options choisies par le Gouvernement lors de la ratification des ordonnances.

Au total, le Gouvernement nous présente deux textes qui fixent des règles claires, transparentes et cohérentes. Pour l’ensemble de ces raisons et sous réserve de ces observations, le groupe UMP les adoptera. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat est appelé à délibérer aujourd'hui sur deux textes présentés par le Gouvernement. Ce sont les premiers qui sont soumis au Parlement depuis l’adoption de la révision constitutionnelle.

Quel paradoxe et, malheureusement, quel symbole, monsieur le rapporteur, de nous proposer un vote conforme pour adopter les deux premiers textes d’application d’une révision constitutionnelle censée développer les droits du Parlement !

Au demeurant, il nous faut constater en toute objectivité que, depuis l’ouverture de la session ordinaire, la pratique du Gouvernement est à l’opposé du discours qui accompagnait la révision constitutionnelle. L’essentiel, ce n’est pas de favoriser l’organisation d’un débat parlementaire fructueux qui améliore la loi, c’est d’aller vite et de faire fonctionner le plus souvent possible le Parlement comme une chambre d’enregistrement de l’agitation législative présidentielle.

Nous atteignons avec le débat de ce jour le stade de la caricature, puisque nous cumulons la déclaration d’urgence et le vote conforme, tout cela pour dessaisir le Parlement de son pouvoir en permettant le recours aux ordonnances !

Nous allons néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, faire notre travail de parlementaire, exposer dans la discussion générale notre point de vue sur les textes en discussion, défendre nos amendements, expliquer notre vote tant sur les différents amendements proposés que sur les deux textes. Le fait que la majorité de la commission des lois ait choisi un vote conforme ne peut avoir pour conséquence de nous réduire au silence, d’escamoter l’examen de ces projets de loi qui détermineront le niveau de démocratie effectif qui existera dans notre République.

Faute de pouvoir vous convaincre, mes chers collègues de la majorité ou, plus exactement, faute de vous amener à changer votre vote quand bien même vous partageriez nos remarques et nos analyses, nos propos auront pour destinataire essentiel le Conseil constitutionnel, qui, saisi automatiquement de la loi organique, le sera aussi par nos soins et par cohérence de la loi ordinaire, compte tenu des liens étroits existants entre les deux textes, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur.

J’aborderai successivement trois points : le parachute parlementaire des ministres en exercice, la commission prévue à l’article 25 de la Constitution, l’élection des députés.

La révision constitutionnelle instaure, contrairement à ce qui se pratiquait depuis l’origine de la Ve République, un droit de retour automatique des ministres antérieurement députés, sénateurs ou membres du Parlement européen dans l’assemblée où ils siégeaient à la date de leur nomination. Aux dires du rapporteur, la modalité en vigueur antérieurement, qui ne prévoyait pas un tel retour, n’était pas pratique. Il aura fallu cinquante ans pour s’en rendre compte !...

M. Robert del Picchia. Mieux vaut tard que jamais !

M. Bernard Frimat. Intellectuellement, il y a tout de même du ménage à faire !

Nous avons combattu cette proposition ; notre opinion sur son caractère néfaste n’a pas varié. Nous continuons à penser qu’il s’agit d’une mesure de confort qui vise un double but : d’une part, permettre au Président de la République de nommer et de congédier à sa guise des ministres, d’autre part, comme vous ne cessez de le répéter, d’éviter à tout prix les élections partielles.

L’application immédiate de cette disposition aux ministres actuellement en exercice, décidée elle aussi par l’article 46 de la loi de révision constitutionnelle, a commencé par rencontrer l’hostilité forte de la commission des lois du Sénat, vous l’avez justement rappelé, monsieur le rapporteur. Pour de nombreux sénateurs, par-delà leur appartenance politique, il ne semblait pas convenable que les ministres en fonction bénéficient de ce privilège ; il fallait réserver celui-ci aux parlementaires qui deviendraient ministres après l’adoption de la loi organique nécessaire.

Cette solution, qui respectait les suppléants devenus aujourd’hui parlementaires de plein exercice, n’a pas été retenue. En conséquence, certains de nos collègues parlementaires seront sans doute très prochainement démis d’office, victimes d’une injustice légale. Ils seront d’ailleurs très profondément lésés, et pas seulement par l’abandon de leur siège de parlementaire. Certains ont en effet été amenés, pour se mettre en conformité avec la loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux, à abandonner des mandats locaux, qu’ils ne retrouveront pas.

Quelle preuve de mépris à l’égard d’élus de la République que de considérer ces conséquences comme quantité négligeable par rapport à l’effet d’aubaine réservé aux ministres actuels ! Mais peu importe : pour le Président de la République, il faut impérativement que le projet de loi organique soit adopté afin qu’il puisse effectuer, en toute tranquillité, les divers remaniements annoncés tant au Gouvernement qu’à l’UMP.

Comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement a voulu ajouter à ce dispositif la possibilité pour les anciens ministres de renoncer à revenir au Parlement, ce qui entraînera, le cas échéant, le maintien du suppléant dans ses fonctions de parlementaire. Même si cette hypothèse, sans doute la moins vraisemblable, ne peut que satisfaire les collègues qui échapperaient ainsi au licenciement, à la guillotine, elle nous paraît incertaine – et c’est le moins ! – au regard du respect de la Constitution.

Antérieurement, les choses étaient simples : le député ou le sénateur devenu ministre perdait la qualité de parlementaire. Il devenait, vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, « ancien parlementaire ». Depuis la révision constitutionnelle, il ne perd plus cette qualité, celle-ci est simplement suspendue puisqu’il n’est plus remplacé que temporairement. Il est donc fondé d’affirmer que, dès la fin de sa fonction ministérielle, une fois écoulé le délai de convenance d’un mois, il retrouve son statut de parlementaire, qu’il ne peut quitter, comme c’est le cas de tout parlementaire, que par une démission, avec les conséquences que cela entraîne en termes d’élections partielles.

La solution qui est proposée par le Gouvernement et qui nous paraît contraire à la Constitution introduit donc une différence, non pas entre parlementaires en fonction et anciens parlementaires, mais entre parlementaires, car, si le ministre peut redevenir parlementaire, c’est bien qu’il en a conservé le statut.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non !

M. Bernard Frimat. Une telle différence ne nous paraît pas acceptable.

Le parachute parlementaire est-il doré ou non ? C’est une question que je ne trancherai pas : je vous laisse le soin de l’apprécier en ces temps de crise sociale et de lutte contre le chômage.

J’en viens maintenant à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et qualifiée – grande prudence ! – d’« indépendante ». Comme cela, au moins dans la lettre, elle le sera.

La loi ordinaire doit en fixer la composition ainsi que les règles d’organisation et de fonctionnement. Son rôle est, quant à lui, défini par la Constitution. La lecture des débats que nous avons eus sur ce point à l’occasion de la révision constitutionnelle montre clairement que la garantie d’indépendance de la commission chargée d’émettre un avis public sur la délimitation des circonscriptions et la répartition des sièges était un aspect essentiel, constitutif d’une réelle démocratie.

Où en sommes-nous aujourd’hui de la réalité de l’indépendance de cette commission dite « indépendante » ?

Le projet de loi ordinaire propose de la composer, vous l’avez rappelé, ma chère collègue, de trois magistrats élus appartenant au Conseil d’État, à la Cour de Cassation et à la Cour des Comptes et de trois personnalités qualifiées nommées par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. En quoi cette composition garantit-elle l’indépendance de la commission, puisque son président est nommé par le Président de la République et dispose – au diable l’avarice ! – d’une voix prépondérante ?

Nous sommes d’accord, je pense, pour constater que le Président de la République est un acteur très engagé dans le combat politique. Ce n’est pas lui faire injure de considérer qu’il est resté le chef du principal parti de la majorité, il le revendique. Dans ces conditions, comment considérer que la nomination du président de la commission indépendante par le Président de la République, patron de l’UMP, soit une garantie d’indépendance ? Faudrait-il admettre que, dès qu’une personne qualifiée est nommée par le Président de la République, elle devient de jure, par définition, indépendante ?

Quelles que soient les qualités personnelles des intéressés, comment une commission dont, compte tenu de la voix prépondérante du président, la majorité est nommée par trois membres de la même famille politique, en l’occurrence l’UMP, peut-elle prétendre à l’indépendance ?

La présence des magistrats, qui n’appelle pas d’opposition de notre part, n’est pas suffisante pour assurer l’indépendance de ladite commission. Le Gouvernement serait donc bien avisé de revenir sur la composition de la commission indépendante de façon que son caractère partisan soit gommé. Je suis cependant convaincu qu’il n’en fera rien.

Nous formulons plusieurs propositions en ce sens.

Pour respecter pleinement la séparation des pouvoirs et le pluralisme, également inscrit dans la Constitution, nous proposons que la commission ne comporte plus de personnes qualifiées nommées par le Président de la République et que son président soit élu par ses membres, et non plus nommé par le Président de la République.

Nous proposons également que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat nomment chacun deux personnalités qualifiées, dont l’une le serait sur proposition conjointe des groupes d’opposition,…

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce sera difficile !

M. Bernard Frimat. …qui peuvent, eux aussi, s’élever au-dessus des intérêts partisans. Une telle mesure assurerait effectivement un choix pluraliste, ce qui est, selon nous, la meilleure garantie de l’indépendance de cette commission si importante.

En revanche, à l’instar de la disposition figurant à l’article 13 de la Constitution, l’impossibilité de procéder à une nomination lorsque les votes négatifs dans chaque commission des lois représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés nous semble une garantie bien formelle. Il suffit de s’en tenir à une majorité simple dès que l’avis de la commission porte sur la proposition de double nomination par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Vous avez tous, mes chers collègues, reconnu ce fait. Alors présentez des amendements en ce sens !

S’il est important que la commission chargée de donner un avis soit réellement indépendante, il est plus encore fondamental que la répartition des sièges des députés et la délimitation des circonscriptions soient indiscutables. Si notre pays prétend au qualificatif de « démocratie irréprochable », pour reprendre les propos du Président de la République, il lui faut assurer, en tout premier lieu, l’élection d’une Assemblée nationale conforme à la volonté exprimée dans les urnes par les citoyens et donc privilégier une approche en termes essentiellement démographiques. En effet, pour respecter le principe constitutionnel de l’égalité du suffrage, il faut que, sauf exception dûment justifiée, la voix de chaque citoyen ait un poids comparable dans l’élection d’un député. C’est d’ailleurs parce que le découpage actuel ne respecte plus ce principe que le Conseil constitutionnel a exigé du Parlement la révision de la carte électorale.

Il n’y a donc de notre part aucune opposition, bien au contraire, monsieur le secrétaire d'État, à ce qu’une nouvelle délimitation des circonscriptions électorales soit effectuée afin d’arriver à une plus juste représentation de nos concitoyens.

Tout le monde s’accorde à reconnaître que le découpage électoral est un art complexe et qu’il échappe difficilement à la critique. Il donne lieu, lors des débats parlementaires – le récent débat qui s’est déroulé à l'Assemblée nationale le confirme –, à l’évocation de différentes activités professionnelles, toutes nobles : quelquefois le rémouleur, pour son talent à aiguiser les ciseaux, instrument symbolique du découpage ; plus souvent le charcutier, en raison du caractère habile mais brutal et sanglant de sa découpe ; et parfois le chirurgien, pour les opérations de découpage les plus sophistiquées.

En évoquant le découpage de 1986 effectué sous l’autorité de notre collègue Charles Pasqua, dans lequel vous avez joué, monsieur le secrétaire d'État, un rôle actif, il est de bon ton de le légitimer en disant qu’il n’a pas interdit l’alternance. C’est quand même le minimum ! Faudrait-il voir dans cette formulation le rêve inavoué, car inavouable, d’un découpage idéal, mettant une fois pour toutes la majorité actuelle à l’abri des choix du citoyen ? Je n’ose le penser !

Signalons que, si l’alternance a eu lieu, son amplitude est tout de même révélatrice de la spécificité du découpage. En effet, sur 577 circonscriptions, 247 – c’est-à-dire 43 % d’entre elles – n’ont jamais connu d’alternance.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sont les citoyens qui votent !

M. Bernard Frimat. La ventilation de ces 43 % n’est pas neutre. Les circonscriptions qui ont toujours élu un député de gauche correspondent à 10 % du total des circonscriptions, alors que le nombre de celles qui ont toujours élu un député de droite s’élève au tiers de ce total. On mesure ainsi plus clairement les contraintes différentes qui pèsent sur la droite et la gauche dans la conquête de la majorité de l’Assemblée nationale. Quand la gauche, pour assurer sa victoire, doit l’emporter dans plus de 40 % des circonscriptions flottantes, il suffit à la droite d’en conquérir nettement moins de 20 %.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est parce que la France est de droite !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous avez eu dix ans pour changer !

M. Bernard Frimat. Certes, on peut m’opposer les réalités sociologiques et la géographie contrastée des différents quartiers de nos agglomérations.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Bernard Frimat. Je n’en nie pas l’existence. Il sera, en effet, toujours plus facile pour Olivier Besancenot d’être facteur à Neuilly-sur-Seine que d’en être le député ! Je vous le concède. Mais la valeur de cette argumentation fondée sur les réalités sociologiques, économiques et démographiques ne peut suffire à expliquer cette différence. Il n’est pas admissible que les élections législatives s’apparentent, dans une « démocratie irréprochable », à une course hippique à handicap dans laquelle les concurrents auraient des poids différents.

Monsieur le secrétaire d'État, vous demandez au Parlement d’autoriser le Gouvernement à procéder à ces opérations, dont je viens de vous démontrer le caractère pour le moins délicat, par voie d’ordonnances. Nous ne pouvons vous suivre sur ce point pour plusieurs raisons.

La première raison qui nous conduit à rejeter la voie des ordonnances tient à l’histoire récente.

Pour valider le découpage actuellement en vigueur, le président François Mitterrand avait refusé de signer les ordonnances préparées par le gouvernement de l’époque car il estimait qu’il ne fallait pas dessaisir le Parlement du pouvoir de délibérer publiquement et complètement sur la délimitation des circonscriptions. En conséquence, le gouvernement de Jacques Chirac, ne pouvant franchir cet obstacle, avait utilisé la voie parlementaire normale et déposé un projet de loi.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il n’y avait pas eu de débat !

M. Bernard Frimat. La preuve a donc été faite qu’il était possible de procéder à une délimitation des circonscriptions sans recourir à la voie des ordonnances. Ce qui était possible hier doit l’être aujourd’hui.

La seconde raison qui nous amène à refuser la voie que vous proposez tient au champ couvert par la loi d’habilitation. Laisser en effet au Gouvernement le pouvoir de déterminer, par ordonnance, la répartition des députés entre départements, collectivités d’outre-mer et circonscriptions des Français résidant hors de France est une novation. Cette dernière nous paraît contraire à la tradition républicaine selon laquelle l’Assemblée nationale détermine elle-même les modalités de l’élection des députés.

On peut à la limite se demander si nous ne nous trouvons pas dans un cas d’incompétence négative. En effet, il me semble possible de soutenir que le législateur ne saurait, sans méconnaître sa compétence, habiliter le Gouvernement à déterminer le nombre de députés par département, collectivité d’outre-mer et pour les Français de l’étranger. En refusant au législateur de procéder lui-même à cette répartition, le projet de loi prive ce dernier de la compétence qu’il tire de l’article 34 de la Constitution.

Par ailleurs, si l’obligation de découpage est impérative et indiscutable, il n’y a aucun impératif d’urgence à voter, à la va-vite, une habilitation d’une telle ampleur. En effet, les prochaines élections n’auront lieu qu’au mois de mars 2012, sauf dissolution, peu probable, de l’Assemblée nationale.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. On ne peut écarter cette hypothèse !

M. Bernard Frimat. Les résultats définitifs du recensement ne sont pas encore connus : bagatelle ! Ils le seront très prochainement ; il était donc peu coûteux en temps d’attendre leur publication.

La commission indépendante n’est pas créée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est pour cela qu’il faut la créer tout de suite !

M. Bernard Frimat. Or, il était dans l’esprit de la révision constitutionnelle de lui permettre de jouer un rôle dès le début du processus en recueillant son avis sur le contenu de la loi d’habilitation. Cela ne pourra être le cas.

La démarche qui nous semblait s’imposer pour respecter les exigences de neutralité, de transparence et d’équité consistait d’abord à créer une commission véritablement indépendante, ensuite à soumettre au Parlement un projet de loi fixant le nombre de circonscriptions par département, par collectivité d’outre-mer et pour les Français établis hors de France, ainsi que les critères utilisés pour ce découpage. Vous avez préféré, en demandant l’habilitation la plus large jamais pratiquée, vous donner les mains libres pour concocter, dans la plus grande tranquillité et dans la plus faible transparence, un découpage qui sera forcément suspecté de grande partialité.

Enfin, il n’est pas convenable que le Gouvernement s’arroge le droit d’utiliser une méthode de répartition des sièges dans laquelle, commençant par déterminer à sa guise le nombre de députés représentant les Français établis hors de France, puis celui des députés représentant les collectivités d’outre-mer, il fasse du nombre de députés des départements métropolitains et d’outre-mer le solde de ces calculs antérieurs. Cela aboutira à la sous-représentation des départements les plus peuplés. Qu’en est-il alors du respect de l’égalité du suffrage ?

Nous nous opposerons donc, monsieur le secrétaire d'État, aux deux projets de loi que vous nous soumettez, qui ne sont pas conformes à l’idée que nous nous faisons d’une république exemplaire au regard de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, il ne me semble pas qu’une intervention solennelle à la tribune soit nécessaire pour formuler les quelques réflexions qui traduiront le soutien de mon groupe aux textes qui nous sont proposés.

M. Jean-Pierre Sueur. Grande modestie !

M. Pierre Fauchon. Mon cher collègue, il convient d’être modeste, sans toutefois en abuser ! À cet égard, aucun soupçon ne pèse sur vous ! (Sourires.)

Ne reprenons pas le débat que nous avons déjà eu l’année dernière, ce à quoi vous avez tendance, monsieur Frimat…

M. Bernard Frimat. C’est absolument faux !

M. Pierre Fauchon. Vous le faites avec la mesure qui caractérise vos propos et que nous apprécions toujours !

Quoi qu’il en soit, les membres du groupe de l’Union centriste approuvent les conclusions de la commission des lois et les suivront.

Monsieur Fortassin, s’agissant des règles constitutionnelles qui régissent l’organisation de l’Assemblée nationale, je n’affirmerai pas que nous ne devons pas nous en préoccuper – rien ne doit nous échapper –, mais nous ne devons pas nous en mêler d’une manière normative, respectant ainsi un bon usage. Ces questions intéressent tous les citoyens et, a fortiori, tous les parlementaires. Mais il est sage que nous ne prétendions pas intervenir de manière normative pour ce qui concerne l’organisation de l’autre assemblée, sous réserve, bien entendu, de réciprocité. (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Pierre Fauchon. Relevons quelques avancées, car il y en a tout de même, cher Bernard Frimat !

S’agissant de la commission indépendante, qui a déjà existé et qui est maintenant institutionnalisée, elle présente de véritables garanties. Certes, mon cher collègue, vous êtes sceptique, mais cette attitude est due à votre position.

La question des nominations, qui va relever d’un processus de type un peu américain est intéressante. L’année dernière, nous avons adopté sur ce point une mesure correspondant à une grande avancée de la démocratie. Mes chers collègues, je vous donne rendez-vous dans quelques années. Nous verrons alors de quelle manière se passent les nominations. À cet égard, les commissions des lois de chaque assemblée doivent donner leur avis sur la nomination de la personnalité qualifiée qu’il s’agit de désigner. Lesdites commissions font librement part de leurs interrogations, de leurs commentaires et se prononcent également en toute liberté.

M. Pierre Fauchon. Cet exercice n’est pas si facile. N’importe qui ne peut pas s’y soumettre. Cette façon de procéder permet d’éliminer tous les phénomènes de népotisme, de clientélisme. On est à peu près sûr que tous les candidats tiendront la route, si je puis dire.

Je salue cette avancée qui apparaîtra de plus en plus importante, comme je salue le fait que le recours aux ordonnances, que vous avez critiqué, est assez adapté à une question aussi complexe, qui comporte des aspects relevant plutôt du pittoresque. Dès lors que nous avons décidé que les ordonnances devraient être validées expressément, nous les avons réintégrées, en quelque sorte, dans un processus démocratique normal.

Toutes ces avancées méritent d’être saluées.

Un sujet m’embarrasse davantage. Il s’agit de la question de la récupération de leur siège de parlementaire par les membres du Gouvernement qui quittent leurs fonctions ministérielles.

M. Pierre Fauchon. Cette mesure éviterait des élections partielles. Cette préoccupation, certes assez légitime, n’est pas suffisante. Cette disposition correspond à une évolution de notre système.

Nous sommes là confrontés sinon à la banalisation de la fonction ministérielle, du moins à sa désacralisation en profondeur.

J’y ai souscrit parce que, comme mon groupe, j’ai d’une manière générale une préférence pour l’évolution vers un régime présidentiel : elle ne me choque pas, car nous sommes très loin aujourd’hui de la IIIe République et de la sacralisation qui la caractérisait, du jeu savant qui précédait la composition du Gouvernement par le choix des différentes personnalités appelées chacune à peser dans son sens et à tenir le rôle qu’elle entendait tenir, avec les arrière-plans que cela impliquait. Nous sommes désormais en présence d’une conception nouvelle du Gouvernement qui correspond à une évolution vers le régime présidentiel.

Au demeurant, cette évolution est en partie obérée par l’aspect inabouti de la réforme constitutionnelle de l’année dernière, je l’avais alors souligné. M. Balladur avait souhaité, à titre personnel, aller jusqu’au bout de la logique, et je partageais son point de vue. La mesure qui nous est ici proposée facilitera la transformation dans ce sens et, pour ma part, je n’y vois pas d’inconvénient : j’y vois même une bonne évolution.

Ce qui est fâcheux, néanmoins, c’est la part de rétroactivité, même si celle-ci n’est que partielle, qu’elle comporte : moi qui suis libre de mon propos, monsieur le rapporteur, je prononce le mot !

Certaines personnes se sont engagées comme suppléants et ont pris leurs dispositions pour pouvoir assumer leur mandat jusqu’à son terme dès lors que leur titulaire devenait ministre. Ils auront peut-être renoncé à des mandats, éventuellement à l’exercice de leur profession, ils pourront par exemple avoir transféré leur activité à des associés… Toutes les hypothèses peuvent être imaginées ! Ils seront victimes de cette mesure, et c’est franchement regrettable.

La disposition est votée, il n’est pas question de rouvrir le débat ; pour autant, ce vote est regrettable parce qu’il introduit le problème de la rétroactivité. Il ne me reste plus qu’à espérer vivement que les ministres qui seront concernés prendront les mesures qui s’imposent. Vous avez fait allusion, monsieur le rapporteur, à celles que pourront prendre les assemblées. Mais elles ne pourront pas résoudre toutes les difficultés qui surgiront !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Patrice Gélard, rapporteur. Si !

M. Pierre Fauchon. C’est donc aux ministres qu’il reviendra d’essayer, en conscience, de corriger autant que faire se peut les conséquences fâcheuses que pourra entraîner cette rétroactivité, qui est, en effet, tout à fait contraire à des principes infiniment respectables.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Un ministre qui est viré, il ne pourra plus rien faire !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’a plus de pouvoir !

M. Pierre Fauchon. Il est vrai cependant qu’elle ne constitue qu’un aspect très partiel et très ponctuel de l’ensemble et, puisqu’elle a été votée, nous ne reviendrons pas dessus : la démarche est essentiellement technique, il faut bien le reconnaître, et, en tant que telle, nous paraît raisonnable ; notre excellent rapporteur l’a d’ailleurs très bien expliquée.

C’est donc avec confiance que mon groupe apportera son soutien aux conclusions de la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

 
 
 

6

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Paraguay

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de députés du Paraguay, conduite par Mme Ramona Mendoza, présidente de la commission des affaires extérieures à la Chambre des députés, en visite en France à l’occasion de sa participation à la célébration du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui s’est déroulée à l’UNESCO. (M. le secrétaire d’État, mesdames et messieurs les sénateurs se lèvent.)

En tant que président du groupe sénatorial d’amitié France-Amérique du Sud et au nom du Sénat, je vous souhaite chaleureusement la bienvenue au sein de notre Haute Assemblée.

Je forme des vœux, madame la présidente, pour que votre visite contribue à renforcer nos relations interparlementaires, que je souhaite voir se développer davantage encore, et fortifie, s’il en est besoin, les liens qui unissent nos deux pays. (Applaudissements.)

Je tiens également à saluer la présence en tribune de notre ancienne collègue Mme Paulette Brisepierre, qui s’intéresse tout particulièrement à nos travaux. (Nouveaux applaudissements.)

(M. Guy Fischer remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

7

Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés

Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d'urgence

 
 
 

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « l’outre-mer constitue une chance et un atout pour la France » : cette phrase, qui revient régulièrement dans les propos de tous ceux qui connaissent réellement l’outre-mer, s’applique parfaitement à Saint-Barthélemy. Tous les étrangers, tous les métropolitains qui viennent sur notre île sont unanimes à le reconnaître : Saint-Barthélemy est l’une des plus belles vitrines de la République française.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est le mot !

M. Michel Magras. Si je rappelle cela, c’est tout simplement parce qu’un éminent parlementaire, s’adressant à moi récemment, m’a froidement affirmé que les deux nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin étaient une honte pour la France. (Marques d’étonnement sur toutes les travées.)

Pour quelqu’un qui est habitué à vivre sous les tropiques, cela fait l’effet d’une douche froide ! Il me sera difficile d’oublier une telle phrase, et je ne sais pas quelle thérapie appliquer.

J’aime mieux pour ma part penser que les parlementaires que vous êtes, mes chers collègues, qui avez créé ces deux collectivités, et la grande majorité des Français ne sont pas de cet avis. J’en veux pour preuve, et je préfère adhérer à cette idée, une autre phrase, prononcée par le Président Sarkozy s’adressant aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon en février 2007 : « La distance, pas plus que la dimension des territoires ou l’importance des populations ne sauraient constituer des critères de discriminations au sein de notre République. »

Le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale et son président ont clairement indiqué au Gouvernement que leur amendement n°7 avait pour objet de faire en sorte que Saint-Barthélemy et Saint Martin n’aient pas de député, mais que, à la rigueur, ils comprendraient que le Gouvernement veuille donner un député pour les deux îles.

En adoptant cet amendement, l’Assemblée nationale a voté une décision incohérente et totalement injuste. Un tel choix relève soit de l’ignorance totale des réalités qui sont les nôtres, soit de la mauvaise foi du législateur. L’image qui me vient à l’esprit est celle d’un enfant auxquels les parents, après lui avoir donné naissance, décideraient d’enlever un bras sous prétexte que les autres membres de la famille – les adultes – auraient besoin de ce bras. Que notre collectivité soit petite ou grande, elle a besoin, comme tout être humain qui se veut autonome, de ses deux bras !

Nous ne pouvons pas, chaque fois que l’occasion nous en est donnée, vanter l’intérêt et les mérites du bicamérisme, et tout faire pour priver une collectivité de sa représentation à l’Assemblée nationale. Comment expliquer à la population que l’on puisse poser comme principe fondamental de la loi que tout département est représenté par au moins deux députés, et s’opposer à l’idée qu’une collectivité de la République, qui jouit de surcroît d’un statut particulier, puisse avoir ne serait-ce qu’un seul député ?

Saint-Barthélemy, devenue collectivité d’outre-mer, assume seule les compétences d’une commune, d’un département, d’une région et, en partie, de l’État. Toutes ces compétences sont définies dans des lois votées par le Parlement et dans des règlements, décrets et autres ordonnances du Gouvernement. Pour la seule année 2008, c’est sur plus d’une centaine de textes que le Gouvernement a officiellement consulté notre collectivité. Et l’on voudrait nous faire croire qu’un élu de Saint-Barth n’aurait pas sa place à l’Assemblée nationale, où ces lois sont votées !

On nous oppose dans les débats que « les députés ne sont pas là pour représenter les collectivités […] Les députés sont d’abord là pour représenter la population ».

M. Jean-Pierre Sueur. Pour représenter la nation !

M. Michel Magras. C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit ! Les lois que votent les assemblées, mais aussi les règlements, les décrets, les ordonnances, c’est bien à la population qu’ils s’appliquent !

M. Jean-Pierre Sueur. À la nation !

M. Michel Magras. On nous objecte que nous pourrions être représentés par un député de la Guadeloupe ou par un député de Saint-Martin.

Les communes ont toutes le même statut dans la République ; il est donc normal qu’un même député puisse représenter plusieurs communes lorsqu’il s’agit de voter des textes de loi. Mais notre île n’est plus une commune : elle est une collectivité jouissant d’un statut unique, différent de celui de toutes les autres collectivités françaises.

Nos voisins de Saint-Martin et nous-mêmes n’avons pas la même histoire, la même population, la même culture. Nous n’avons pas fait non plus les mêmes choix de développement économique : ainsi, nous sommes depuis toujours opposés à la défiscalisation, nos voisins y sont très favorables. Nous ne bénéficions pas non plus des mêmes conditions de développement : Saint-Martin est directement relié au monde entier par sa plate-forme portuaire et aéroportuaire internationale, nous sommes victimes de la double insularité et de toutes ses conséquences.

Nous n’avons pas le même statut : les compétences choisies ne sont pas les mêmes et la manière de les assumer, définie dans les actes des deux collectivités, est différente.

Nous n’avons pas les mêmes options politiques. Ainsi, dans notre relation à l’Europe, nous souhaitons entrer dans la catégorie des PTOM, Saint-Martin veut rester région ultrapériphérique.

Je pourrais multiplier les exemples concrets qui témoignent de nos différences, y compris dans tous les domaines de la loi.

Dans ces conditions, comment expliquer qu’aujourd’hui on veuille nous priver de député et nous mettre sous la tutelle de Saint-Martin ? Une telle décision condamnerait tout simplement notre île à l’échec, alors qu’elle se veut un modèle pour l’outre-mer et pour la France.

Aujourd’hui, le statut de Saint-Barthélemy dans la République est tel que seul un électeur résident de l’île et parfaitement conscient des réalités économiques, sociales et culturelles, des choix politiques et du modèle de développement mis en place peut sérieusement les expliquer et les défendre.

J’ajoute enfin que, sans cette représentation, mon action personnelle au Sénat perdrait plus de la moitié de son efficacité – il ne me semble pas nécessaire de vous faire de dessin.

Mes chers collègues, dans l’outre-mer français, notre collectivité et sa population sont singulières à bien des égards, et c’est à ce titre qu’elle demande à être représentée à l’Assemblée nationale par un député issu de son corps électoral.

Cette affirmation est aussi valable pour chacune des autres îles. C’est, pour nous îliens, une telle évidence que nous nous interrogeons : pourquoi, à l’échelon national, se fait-on parfois un malin plaisir à ne pas vouloir le reconnaître ? Nous pensons y avoir droit, et nous sommes convaincus que cette représentation nous est indispensable pour réussir le projet de société que nous avons mis en place, en accord avec le Gouvernement et avec le Parlement.

Le revirement de situation d’aujourd’hui est totalement incohérent et pour le moins inexplicable.

Nous n’avons jamais cherché à prendre le siège de qui que ce soit à l’Assemblée nationale : nous avons demandé qu’il en soit créé un. Nous ne cherchons pas davantage à offrir un poste « à un copain ». À Saint-Barthélemy, nous, les élus, ne sommes pas considérés comme des hommes ou des femmes politiques, nous ne sommes pas des professionnels de la politique : nous consacrons une partie de notre vie au service de notre collectivité, avant que d’autres ne prennent le relai.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes sénateur non inscrit, c’est cela ?

M. Michel Magras. En nous battant pour ce siège, nous voulons simplement donner à Saint-Barthélemy les moyens de réussir son projet d’avenir.

Ce n’est pas faire injure à l’Assemblée nationale que de vous demander, mes chers collègues, d’appliquer ici le principe selon lequel toute collectivité de la République est représentée par au moins un député, principe voulu par le Gouvernement et conforme aux objectifs du Président de la République. Je ne comprendrais pas que vous puissiez vous opposer à cette demande !

Aujourd’hui, je ne sais plus à qui me confier. J’ai expliqué, et j’ai le sentiment de n’avoir été ni écouté ni entendu : les enjeux politiques de ce découpage électoral sont trop importants pour qu’une petite collectivité de 8 450 Français vienne perturber les calculs à l’échelle nationale…

Monsieur le secrétaire d’État, si je me fie aux déclarations publiques des différents ministres, je ne devrais pas avoir à douter du Gouvernement. Le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, M. Yves Jégo, intervenant dans la presse sur cette question, n’a cessé de confirmer que les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin auraient chacune un député : « Le Gouvernement ne change pas sa position, la Constitution est claire, il y aura un député pour Saint-Martin et un député pour Saint-Barthélemy car tout simplement c’est constitutionnel. » Il poursuivait : « Saint-Barth et Saint-Martin, c’est la position du Gouvernement et la Constitution de la France, auront un député et un sénateur, le Gouvernement restera sur la position constitutionnelle et on ne peut que respecter la Constitution, il n’y a pas d’interrogation dans cette approche. » Il l’a encore confirmé il y a une semaine à cette tribune même.

Mme le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, auditionnée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, et répondant à une question du député Didier Quentin – que je tiens ici à remercier publiquement de la fidélité de son engagement – a indiqué : « La loi organique du 21 février 2007 a créé un siège de député pour chacune de ces collectivités. J’écoute toujours votre commission avec respect et attention mais je suis très attachée à ce que l’État tienne ses engagements et je note que le traitement de Saint-Pierre-et-Miquelon ne donne pas lieu à contestation. »

La presse a également publié une déclaration du Premier ministre, M. François Fillon, qui, devant les députés UMP, indiquait que Saint-Barthélemy et Saint-Martin auraient chacun un député : « La Constitution ne permet pas autre chose. »

À travers vous, monsieur le secrétaire d’État, c’est donc à l’ensemble du Gouvernement que je m’adresse et que je demande de me donner de bonnes raisons de croire en la parole du Gouvernement.

Je sais que ces projets de loi doivent être votés conformes par notre assemblée : je respecte la tradition républicaine d’indépendance des deux assemblées, à laquelle j’adhère.

M. Richard Yung. Vous êtes coincé, alors !

M. Michel Magras. Je sais bien que je suis coincé !

M. Richard Yung. Mais content !

M. Michel Magras. Vous verrez, mon cher collègue, quel sera mon choix au moment du vote final !

J’ai néanmoins déposé deux amendements visant à garantir un siège de député pour Saint-Barthélemy. Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, seul un engagement fort et ferme du Gouvernement pourrait m’inciter à retirer ces amendements. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous allons élargir le champ… (Protestations sur diverses travées de l’UMP.)

M. Christian Cointat. Tous les Français doivent être traités de la même manière !

M. Jean-Pierre Sueur. Et tous les sénateurs ont le droit de s’exprimer !

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais consacrer mon intervention à l’examen des dispositions qui concernent plus particulièrement la représentation à l’Assemblée nationale des 2,5 millions de Français établis hors de France. Mes propos viendront en quelque sorte compléter les positions précédemment défendues par notre collègue Bernard Frimat sur le projet de loi organique.

Je ne me sens pas très concerné, ni très convaincu par l’argument qui voudrait que le Sénat ne puisse pas débattre de ce type de questions.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous n’avons pas dit cela !

M. Richard Yung. Non seulement parce que je ne voudrais pas être coincé, comme cela a été dit tout à l’heure, mais aussi parce qu’il me semble que nous avons une certaine connaissance des questions relatives aux Français de l’étranger et qu’il serait paradoxal que nous n’apportions pas cette expérience pour élaborer la meilleure loi possible sur l’élection de leurs députés.

Bien sûr, il ne s’agit pas d’entrer dans les détails du découpage des circonscriptions. Mais je crois que nous avons une contribution à offrir sur le plan des principes, des idées et de l’expérience. Preuve en est que nombre de nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France sont présents, aujourd’hui, dans l’hémicycle.

Les articles 2 et 3 du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés constituent la seconde étape de la mise en œuvre du principe énoncé à l’article 24 de la Constitution.

Je souhaiterais d’abord rappeler –  ce n’est pas inutile au vu des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale – que l’élection des députés représentant les Français établis hors de France n’est ni un gadget ni une lubie. Elle ne répond pas non plus aux intérêts d’un quelconque lobby. Il s’agit au contraire de parfaire notre démocratie en comblant le déficit de représentation parlementaire dont cette population pâtit, population qui représente pourtant, avec 863 000 inscrits, l’équivalent du dix-huitième département français en nombre d’inscrits sur les listes électorales.

Jusqu’à présent, nous étions en quelque sorte des semi-citoyens, ne bénéficiant que d’une demi-représentation parlementaire. Depuis de nombreuses années, sur les bancs de l’opposition comme sur les bancs de la majorité, nous militions tous pour parfaire cette citoyenneté.

Le 17 juin dernier, lors de l’examen en première lecture du projet de loi constitutionnelle, j’ai averti le Gouvernement des risques de dévoiement de cette nouvelle disposition constitutionnelle. Mes craintes portaient notamment sur le nombre de députés, le mode de scrutin retenu et le choix du découpage électoral.

Malheureusement, à la lecture du projet de loi ordinaire, je constate que je n’ai pas été entendu. Vous n’avez pas non plus tenu compte, monsieur le secrétaire d’État, des observations et des critiques formulées par mes collègues de la majorité et de l’opposition réunis, unanimes, et par les conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, puisque ces derniers ont pris position, à plusieurs reprises, sur ces questions.

Le projet de loi nous propose d’autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour fixer le nombre de députés et délimiter les circonscriptions dans lesquelles ces parlementaires seront élus. Il propose également de rendre applicable à l’élection des députés représentant les Français établis hors de France le scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Vous comprendrez que nous soyons rétifs à cette démarche qui permet au Gouvernement de dessaisir le Parlement de son pouvoir de légiférer. Comme d’autres, je pense qu’il eût mieux valu commencer par créer la commission dite indépendante afin que celle-ci puisse donner son avis sur la demande d’habilitation concernant la fixation du nombre de députés et le découpage électoral.

Vous justifiez le calendrier et la séquence retenue en invoquant les données statistiques qui ne seront pas arrêtées avant le début de l’année prochaine. J’estime que nous pouvions parfaitement attendre un peu, les prochaines élections législatives étant normalement prévues en 2012, ou bien limiter l’habilitation.

Par ailleurs, le paragraphe I de l’article 2 propose d’autoriser le Gouvernement à fixer par voie d’ordonnance le nombre des députés représentant les Français établis hors de France. Ces dispositions sont en contradiction avec les engagements qui ont été pris. Ainsi, le 20 juin dernier, lors de l’examen au Sénat du projet de loi constitutionnelle, M. Roger Karoutchi a affirmé : « Nous envisageons la création d’une douzaine de sièges de député représentant les Français de l’étranger. II appartiendra, bien sûr, au législateur organique de fixer précisément le nombre de ces sièges. »

Plus grave encore, ces dispositions sont contraires à l’article 25 de la Constitution, qui dispose qu’une loi organique fixe le nombre des membres de chaque assemblée. Selon l’interprétation que nous en faisons, cet article s’applique également à la fixation du nombre de députés représentant les Français de l’étranger.

Je tiens, d’ailleurs, à citer un extrait de la page 17 de l’excellent rapport de notre collègue Gélard : « De là, en principe, le nombre de ces députés – il s’agissait des députés représentants les Français de l’étranger – doit être fixé par une loi organique, la répartition des sièges étant prévue par une loi ordinaire. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est le droit en vigueur !

M. Richard Yung. Mais nous devons voter conforme, et probablement pas pour les raisons qui nous ont été données !

La demande d’habilitation, elle-même, n’est pas très claire non plus. Elle ne précise pas le mode de calcul de la base démographique permettant de déterminer le nombre de députés représentant les Français de l’étranger. Nous sommes donc hésitants – je dirai même opposés – à vous autoriser à légiférer par voie d’ordonnance, en nous contentant de vagues principes généraux et de simples déclarations.

La population des Français établis hors de France représente plus de 2 millions de personnes. Même si, en l’absence de véritable recensement, ce nombre est difficile à préciser, on avance tout de même un chiffre de 2,4 millions ou 2,5 millions de personnes. Ces Français devraient être représentés par autant de députés que les Français qui résident à Paris, par exemple, puisque les populations sont équivalentes.

C’est bien ce que le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par Édouard Balladur, avait admis en affirmant que la modification de la représentation parlementaire supposerait « l’élection d’une vingtaine de députés au moins ». Il en avait d’ailleurs tiré la conclusion qu’il ne fallait pas instaurer de députés représentant les Français de l’étranger.

Or, nous comprenons qu’il est envisagé de limiter le nombre de ces députés à 8 ou 9. Pour aboutir à un tel résultat, vous proposez de minorer le nombre de Français inscrits au registre mondial des Français établis hors de France du nombre de personnes restant inscrites sur des listes électorales en France, notamment pour les élections législatives. Cela reviendrait à retirer ces électeurs de la population inscrite sur les listes électorales consulaires, au motif que, étant inscrits sur des listes électorales en France, ils votent plutôt en France.

Pour moi, il s’agit d’un artifice permettant de diminuer la base démographique et d’atteindre un niveau de 8 ou 9 sièges. En effet, les Français qui sont inscrits sur une liste électorale en France – j’en ai fait partie – ont avant tout opté pour ce système car ils n’avaient pas la possibilité de voter à l’étranger à l’occasion des élections législatives.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Richard Yung. Si, à l’avenir, cette possibilité leur est offerte, ils voteront à l’étranger. D’ailleurs, je ne me serais pas opposé à obliger tous les électeurs inscrits sur des listes électorales consulaires à voter à l’étranger pour les élections législatives.

M. Richard Yung. Toutefois, certains d’entre nous gardent aussi un intérêt pour la vie locale de leur commune de naissance ou de la commune dans laquelle ils ont une maison. Ils souhaitent donc pouvoir participer aux élections communales, et une inscription sur les listes électorales de Vouvray, par exemple, pour ces élections n’implique pas qu’on doive être rayé de la liste électorale des Français de l’étranger.

Je pense donc que cet argument n’est pas valable. Vous avez cherché – vous en aviez sans doute besoin – un raisonnement qui permettait de minorer la base représentative, mais vous comprendrez que nous soyons opposés à cette démarche.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré à l’Assemblée nationale que le critère du nombre de Français immatriculés à l’étranger ne pouvait être retenu car « les mineurs et les personnes privées de droits civiques y figurent également ». Concernant ces dernières, eu égard à la qualité des Français de l’étranger que nous représentons, j’ose espérer qu’elles ne sont pas très nombreuses.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La proportion doit être la même que pour la population française.

M. Richard Yung. Quant au problème des mineurs, il se pose également en France métropolitaine et vous n’en tenez pas compte, monsieur le secrétaire d’État. Vous semblez donc appliquer deux poids, deux mesures.

Vous affirmez que le code électoral offre aux Français de l’étranger de nombreuses possibilités pour s’inscrire sur les listes électorales d’une commune française. C’est vrai, grâce aux mesures prises par le Sénat, il y a quelques années. Et vous avez déclaré qu’en choisissant l’une de ces options, – je vous cite – « nos compatriotes ne manifestent pas vraiment une volonté d’établissement durable hors de France ». Comme je l’ai indiqué, nous nous inscrivions sur ces listes électorales car, précisément, nous n’avions pas d’autres choix.

En tout état de cause, je ne pense pas qu’il soit légitime de minorer le nombre officiel de Français de l’étranger car, au final, il en résultera qu’une population de 2,5 millions de personnes sera représentée par 8 ou 9 députés. Cela pose tout de même un problème en termes de poids représentatif.

Pour ce qui est du mode de scrutin, vous avez fait le choix, choix que vous assumez, monsieur le secrétaire d’État, du scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Vous refusez que les députés représentant les Français de l’étranger soient élus selon un mode de scrutin différent de celui auquel sont soumis les autres députés. Une telle situation serait, d’après vous, « susceptible de dévaloriser ces nouveaux députés par rapport à leurs collègues de métropole et d’outre-mer ». Cet argument me paraît difficile à accepter.

Comme vous le savez, plus de la moitié de notre assemblée est désormais élue à la représentation proportionnelle. Or je n’ai jamais eu le sentiment que ceux d’entre nous qui ont été élus selon ce mode de scrutin pèsent moins que les autres.

L’argument de la proximité du député vis-à-vis de la population qui l’a élu n’est pas non plus pertinent. Vous imaginez bien que le député qui représentera les 40 ou 45 pays qui composent l’Afrique ne pourra faire valoir qu’une proximité relative entre Johannesburg et Alger, par exemple. Il en ira de même pour celui qui représentera l’Océanie et le Pacifique, de Tokyo aux Îles Tuvalu.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est également vrai pour les sénateurs !

M. Richard Yung. Je rappelle, d’ailleurs, que le Comité Balladur – qui était plein de sagesse – affirmait que l’élection des députés des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale « ne pourrait se concevoir que par le biais d’un scrutin de liste, appliqué à de vastes circonscriptions regroupant plusieurs régions du monde. »

M. Jean-Pierre Sueur. Vive Balladur !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Comité était contre la création de ces sièges !

M. Richard Yung. C’est une idée que nous avons défendue et que nous continuons à défendre, en dehors de l’idée selon laquelle c’était un moyen d’instiller une dose de représentation proportionnelle dans notre système de représentation politique.

Je comprends votre hostilité envers cet aspect politique des choses, mais l’Assemblée des Français de l’étranger et mes collègues ont attiré votre attention sur la difficulté d’organiser un scrutin majoritaire à deux tours dans huit ou neuf circonscriptions.

Imaginez la situation à l’issue du premier tour, le dimanche soir, dans la circonscription de l’Afrique, par exemple. Le candidat sera à Bangui – c’est un peu le centre du continent – et il devra prendre un certain nombre de décisions : désistement ou maintien, soutien ou non, et à qui ? Les électeurs devront ensuite être informés de ces décisions ; ce sera très difficile, même s’il est prévu quinze jours entre les deux tours.

Il y a donc un problème matériel grave, en dehors même de la question des découpages. Vous allez créer une véritable bombe à retardement qui risque d’engendrer un nombre de contentieux tout à fait considérable, ce que nous ne souhaitons pas.

J’en viens au découpage des circonscriptions.

Les critères évoqués sur la démographie ou la continuité des circonscriptions sont tout à fait respectables, mais nous sommes réticents à l’introduction de la clause d’exception. On peut la comprendre sur le principe, mais nous craignons qu’elle ne permette des découpages qui pourraient poser des problèmes et il sera très difficile de parvenir à un système convenable.

Monsieur le secrétaire d’État, nous pensons bien que vous chercherez naturellement à instaurer un découpage assurant une représentation juste et que nous n’aurons pas un député de gauche pour huit députés de droite.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce sont les électeurs qui décident !

M. Richard Yung. Mais la tentation peut être grande : selon que vous rattachez Israël aux pays du Maghreb ou à ceux du Moyen-Orient, la circonscription peut basculer.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous savez comment votent les électeurs ?

M. Richard Yung. Quant à l’Allemagne, vous pouvez peut-être la découper selon la règle du « brie »…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Yung !

M. Richard Yung. Nous éprouvons donc quelques craintes, à moins que la commission indépendante ne fasse son travail de façon efficace, ce dont je ne suis pas persuadé.

M. Bernard Frimat. Cela va être dur !

M. Richard Yung. Pour conclure, je répète que le bon mode de scrutin, c’est le scrutin proportionnel dans deux circonscriptions : une pour l’Europe et une pour le reste du monde.

Pour toutes ces raisons, bien évidemment, nous ne voterons pas ces projets de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, s’il est une chose dont nous pouvons tous être fiers, c’est que la représentation politique de nos compatriotes de l’étranger soit une préoccupation constante de la République française, et ce depuis 1789 avec les dix-sept députés d’outre-mer siégeant aux États Généraux.

En effet, nos expatriés constituent une composante à part entière de la nation et cette réalité a trouvé sa traduction par la création en 1946 des conseillers de la République représentant les Français de l’extérieur, futurs sénateurs représentant les Français établis hors de France et, en 1948, par la création du Conseil supérieur des Français de l’étranger, qui deviendra en 2004 l’Assemblée des Français de l’étranger.

Ainsi, il ne manquait plus à la collectivité des Français de l’étranger que sa représentation à l’Assemblée nationale. C’est la réforme constitutionnelle du 21 juillet dernier qui vient compléter ce dispositif en prévoyant l’élection, à compter de 2012, de députés des Français de l’étranger. En cela, je ne peux que me réjouir de la concrétisation de la promesse faite par le Président de la République, qui répond à une grande attente de nos compatriotes de l’étranger.

Même si nos usages républicains veulent que les sénateurs ne se mêlent pas de la vie des députés quant à leur régime électoral ou leur mode de fonctionnement interne, et vice versa, pour autant, ce texte intéresse au plus haut point – vous le comprendrez aisément – le représentant des Français établis hors de France que je suis.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, tout et son contraire a été dit sur ce sujet. Pour ma part, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais simplement vous faire part de quelques réflexions concernant le nombre de sièges proposé et le mode de scrutin retenu, puis évoquer quelques considérations pour l’avenir.

Tout d’abord, à propos du nombre de sièges, je serais heureux, monsieur le secrétaire d’État, que vous m’expliquiez pourquoi vous souhaitez retrancher du nombre des Français de l’étranger, qui était de 1 403 580 le 1er juillet 2008, ceux qui sont inscrits dans des communes en France pour les élections législatives, alors que ce sont aujourd’hui les seuls qui ont clairement fait le choix de continuer à participer à toute la vie politique de la nation.

Ne serait-il pas plus honnête de retrancher de ce nombre les seuls Français de l’étranger exerçant en France leur droit de vote pour l’élection du Président de la République ? Je serais heureux de connaître votre position sur ce point.

Je ne souhaite pas me livrer à un énième calcul, dont le résultat situerait plutôt à douze qu’à huit le nombre de sièges de députés qu’il faudrait créer, mais je tiens à dire que nous sommes très nombreux à considérer que le nombre minimum en dessous duquel le découpage deviendrait quasi-impossible est de neuf sièges.

En effet, outre les quatre sièges pour l’Europe, ce nombre permettrait de créer deux sièges pour l’Amérique, deux pour l’Afrique et le Moyen-Orient et, enfin, un pour l’Asie et l’Océanie. Sur ce point aussi, je souhaiterais connaître votre position.

J’en viens au mode de scrutin.

Le projet de loi prévoit que les députés représentant les Français de l’étranger seront élus, comme tous les autres, au scrutin uninominal majoritaire, soit.

Cela étant, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous preniez trois engagements devant la Haute Assemblée concernant le mode de scrutin.

Le premier a trait au nécessaire espacement entre les deux tours, qui devrait être au minimum de deux semaines.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Christophe-André Frassa. Le deuxième serait de dégager les moyens nécessaires à l’information des électeurs par le biais de TV5, France 24 et RFI, sur le plan tant de l’information civique que de la propagande électorale. Cette information permettrait à nos compatriotes d’être réellement impliqués dans une campagne électorale qui se déroulera au sein de circonscriptions dont la superficie représente parfois entre cinquante et deux cents fois celle de la France.

Le troisième engagement serait d’élargir le mode de scrutin au vote par correspondance par la voie postale ou électronique. Rapprocher l’urne de l’électeur n’est pas un vain mot pour les Français de l’étranger. Le vote par internet fonctionne déjà pour les élections à l’Assemblée des Français de l’étranger, il doit être possible de l’étendre aux législatives les concernant.

Enfin, je souhaiterais formuler quelques considérations pour l’avenir.

Tout d’abord, il faudra nécessairement revoir les règles de financement des campagnes électorales, puisque la règle actuelle retient le seul nombre des électeurs de la circonscription comme base de calcul. Des critères objectifs devront être définis pour tenir compte de la taille, des distances et des coûts de déplacement et d’acheminement des documents, par exemple. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous d’ores et déjà, nous apporter quelques informations sur ce sujet ?

Par ailleurs, quels critères prévaudront pour les futurs chefs-lieux de circonscriptions ? Ceux-ci seront lourds de significations et de conséquences politiques. Pour le député d’Afrique subsaharienne, par exemple, quelle capitale africaine sera désignée et sur quels critères autres que le nombre de Français y résidant vous appuierez-vous ?

Pour conclure, je me ferai l’interprète de nombre de mes collègues ainsi que des élus de l’Assemblée des Français de l’étranger pour vous dire que cette création des députés des Français de l’étranger nous laisse un peu sur notre faim...

Nous comptons beaucoup sur vous, monsieur le secrétaire d’État, d’une part, pour nous rassurer et, d’autre part, pour donner aux Français de l’étranger la garantie qu’ils auront des députés en mesure d’exercer leur mandat.

Sous ces quelques réserves, je voterai les projets de loi qui nous sont soumis. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais focaliser mon intervention sur un point précis du projet de loi relatif à l’application de l’article 25 de la Constitution aujourd’hui soumis à notre examen. Il s’agit de l’article 2, qui prévoit qu’un député nommé membre du Gouvernement est remplacé par son suppléant durant la durée de ses fonctions ministérielles et qu’il pourra désormais retrouver automatiquement son siège dès qu’il quittera le Gouvernement.

Ainsi, le dispositif prévu à l’article 2 permet au titulaire de conserver sa « légitimité électorale » pendant toute la durée de sa fonction ministérielle et de retrouver son siège.

J’évoquerai maintenant le cas des suppléants, qui a été abordé également par M. le rapporteur. En effet, il arrive souvent que le suppléant soit également maire et conseiller général. Le jour où il sera appelé à devenir député titulaire, il ne le sera plus qu’à titre provisoire et non à titre définitif. Dans ces conditions, il y a un double risque : d’une part, de voir un suppléant refuser d’occuper la fonction de député titulaire pour ne pas perdre une de ses fonctions locales importantes et, d’autre part, que le candidat titulaire qui chercherait dans sa circonscription un suppléant à l’ancrage local fort n’en trouve pas.

Nous devons donc poursuivre notre réflexion sur ce sujet. Il serait opportun, soit de prévoir une dérogation à la règle du cumul pendant la durée du remplacement, puisque le mandat pourrait désormais être qualifié de « temporaire », soit, ce qui est difficile aussi j’en conviens, de faire bénéficier les suppléants de la même disposition « en cascade » de retour automatique dans l’assemblée d’origine que celle qui protège les députés titulaires.

Il me semble en effet difficile qu’un suppléant devenu titulaire perde un mandat pour un remplacement à la durée « hypothétique ». Une telle incertitude risque de dissuader les intéressés et cela peut provoquer des difficultés.

Monsieur le secrétaire d’État, il serait intéressant que vous nous fassiez part de votre conception sur ce sujet, ne serait-ce que pour éclairer le choix des élus concernés. Je vous remercie par avance des réponses que vous nous apporterez. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi a pour objet de déterminer les modalités d’application des nouvelles dispositions de l’article 25 de la Constitution, qui renvoie à une loi organique le soin de fixer le nombre de députés ou de sénateurs.

À cet égard, ce projet de loi prévoit un certain nombre de règles, à savoir : les opérations doivent être conduites sur des bases essentiellement démographiques ; un minimum de deux sièges par département et d’un siège par collectivité d’outre-mer doit être accordé ; la délimitation des circonscriptions doit respecter les limites administratives ; aucune circonscription ne doit avoir un écart démographique supérieur à 20 % par rapport à la population moyenne des circonscriptions du département ou de la collectivité d’outre-mer.

Alors que le Gouvernement avait projeté la création d’une deuxième circonscription à Mayotte, la commission des lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale, sur intervention de M. René Dosière, a fermé cette voie.

Or, il est une règle traditionnellement admise selon laquelle chaque département doit être représenté par au moins deux députés. Je rappelle que, lors de la modification de la répartition du nombre de sénateurs en 2002, le Sénat a tenu compte uniquement des critères démographiques …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. … et a créé à Mayotte un deuxième siège de sénateur.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Il serait donc paradoxal que la représentation législative demeure inférieure à la représentation sénatoriale.

Monsieur le secrétaire d'État, vous savez que les arguments avancés pour fermer la porte à la création d’une deuxième circonscription législative à Mayotte sont, de mon point de vue, fallacieux et contraires à la Constitution, dans la mesure où cette dernière retient comme critère non point le nombre d’électeurs ou d’étrangers en situation irrégulière, mais le chiffre de la population, qui s’établissait à Mayotte à 186 452 habitants, au 31 juillet 2007.

S’il faut déroger au critère démographique applicable sur le territoire national, il faut le faire partout en métropole et outre-mer !

Sur ce point, je rejoins l’avis de notre collègue Jean-Jacques Hyest, qui a émis des réserves sur une application large et différenciée de l’amendement de M. René Dosière selon les départements et les collectivités d’outre-mer. La répartition des sièges de députés doit être fondée soit sur la population, soit sur le nombre d’électeurs inscrits. Si l’on choisit de se référer à la population, on ne peut envisager une modulation spécifique à certaines parties du territoire.

Par ailleurs, si l’on ne tient pas compte de la jeunesse de la population – 71 % de la population de Mayotte a moins de trente ans – et des difficultés que rencontrent certains de nos concitoyens pour s’inscrire sur les listes électorales en raison du retard apporté à la révision de l’état civil, on peut tout faire dire au texte, même des contrevérités pour ce qui concerne Mayotte.

Mes chers collègues, vous le savez, l’argumentaire de M. Dosière n’est pas valable au regard de notre belle Constitution ; d’ailleurs, notre cher collègue Bernard Frimat a souligné, en commission, l’impertinence de cet amendement.

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, comme vous l’avez dit, les débats et les éclairages de la Haute Assemblée seront essentiels pour les futures décisions du Conseil constitutionnel sur cette réforme. C’est pourquoi je vous demande de réparer cette injustice et d’ouvrir la possibilité de créer une deuxième circonscription législative à Mayotte.

Dès lors que le nombre de députés est fixé par la Constitution, je comprends évidemment les difficultés que pose un redécoupage des circonscriptions. Toutefois, au nom de la population de Mayotte, je vous dis que nous ne saurions servir de variable d’ajustement.

Sous ces réserves, je voterai votre projet de loi organique, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Guerry.

M. Michel Guerry. Monsieur le secrétaire d'État, réjouissons-nous de la tenue de ce débat, qui, dans le prolongement de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, modifiera certaines dispositions de la Constitution pour assurer une meilleure représentativité des Français au Parlement.

Avec ce projet de loi organique, il s’agit bien de renforcer la représentativité, tant réclamée, et ce depuis longtemps, de nos concitoyens établis hors de France : 63,8 millions de Français vivent à l’intérieur de nos frontières, et sont représentés par 577 députés et 331 sénateurs, alors que 2,5 millions de Français établis hors de France pour des raisons tout à fait légitimes ne sont représentés que par 12 sénateurs.

Je tiens à remercier le Gouvernement d’engager ce débat, qui permettra aux Français de l’étranger d’être enfin représentés au Parlement dans son intégralité, et ce au nom du respect d’un bicaméralisme républicain, pierre angulaire de notre système politique.

Je me permets de rappeler que les sénateurs représentant les Français établis hors de France n’étaient que 6 avant la loi organique du 17 juin 1983.

Compte tenu de cette réalité, de la longue expérience et de la sagesse de notre assemblée, le chiffre de 12 sénateurs est raisonnable. Il a fait ses preuves, et on devrait s’en inspirer pour la représentation de nos compatriotes de l’étranger à l’Assemblée nationale. Ainsi, les 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France que nous sommes ont bien conscience de représenter ici la totalité de la population des Français expatriés.

Dès lors, pourquoi ne pas tout simplement transposer à l’Assemblée nationale cette règle qui fonctionne bien au Sénat ? Un équilibre entre les deux chambres serait ainsi respecté, comme est respecté le mode de scrutin majoritaire à deux tours, que le Gouvernement entend conserver pour ne pas opposer deux catégories de députés. Si le Gouvernement souhaite respecter une stricte égalité entre les députés au regard du mode de scrutin majoritaire, pourquoi ne pas respecter un même ordre de grandeur entre ces nouveaux députés et les sénateurs des Français de l’étranger ?

En ce qui concerne le critère démographique, le projet de loi organique prévoit de fixer le nombre de nouveaux députés en fonction du nombre de nos compatriotes inscrits sur les listes électorales consulaires. C’est un point de vue que je ne partage pas complètement, car l’immatriculation sur les listes consulaires n’est pas obligatoire.

En l’état actuel de la législation, l’incitation à s’inscrire sur les listes consulaires n’est pas assez forte en dépit des campagnes de communication du ministère des affaires étrangères et européennes, du travail de l’Assemblée des Français de l’étranger, de la présence sur le terrain des 153 conseillers élus et du travail parlementaire des 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Monsieur le secrétaire d'État, si l’on se réfère à votre base de calcul établie à partir de la seule prise en compte des Français immatriculés à l’étranger, au nombre de 1,4 million au 1er juillet 2008, nous devrions élire 11 ou 12 députés. Or vous proposez de revoir ce chiffre à la baisse pour tenir compte du nombre de personnes inscrites en France et de ne prévoir l’élection que de 8 ou 9 députés ; ce n’est guère acceptable.

Je suis opposé à cette proposition, car cette évaluation ne correspond pas à la réalité du terrain. Nous le savons bien, ici même, comme au sein de notre administration consulaire, le chiffre de 1,4 million ne reflète pas la réalité, puisqu’il y a vraisemblablement 2,5 millions de Français vivant à l’étranger. D’ailleurs, le chiffre corrigé par les consulats est précisément de 2,5 millions de Français environ.

De plus, compte tenu de ce qui a été constaté depuis une dizaine d’années, ce chiffre tend régulièrement à s’accroître. L’absence d’une représentation à l’Assemblée nationale des Français de l’étranger contribue, il est vrai, au manque d’intérêt que nos compatriotes portent aux élections législatives. Nos compatriotes qui restent inscrits en France n’avaient pas jusqu’à présent la possibilité de voter de l’étranger aux législatives, leurs députés n’existant pas ! Une telle situation ne traduit pas, monsieur le secrétaire d'État, comme vous l’avez dit devant l’Assemblée nationale, le 19 novembre dernier, l’absence de manifestation d’« une volonté d’établissement durable hors de France ».

Je salue l’intention du Gouvernement d’attribuer automatiquement un siège supplémentaire par tranche de population – un député de plus pour 125 000 habitants supplémentaires. Si l’on applique le même calcul aux Français établis hors de France, on arrive à 20 députés. Nous n’en demandons pas tant !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous pouvez toujours demander ! Ce serait intéressant !

M. Michel Guerry. Toujours le 19 novembre dernier, vous avez employé le terme de « population » en parlant de l’intention du Gouvernement de conserver « l’attribution automatique d’un siège supplémentaire par tranche de population ». Vous avez d’ailleurs précisé : « J’ai bien dit “population”, et non pas “électeurs inscrits”, parce que chaque député représente la nation, les adultes comme les mineurs. »

Ce n’est pas, semble-t-il, le dispositif que vous voulez appliquer pour les Français de l’étranger !

On peut aussi s’interroger sur la correction qu’il conviendra d’apporter pour les élections législatives lorsque le nombre de Français inscrits en France diminuera au bénéfice du nombre d’inscrits à l’étranger. Qu’adviendra-t-il lorsque, comme cela est prévisible, nos compatriotes, dont le nombre ne cesse d’augmenter, voteront plus massivement de l’étranger pour ces nouveaux députés ?

Aujourd’hui, le temps semble venu de mettre fin à une certaine hypocrisie pour regarder la réalité en face et tenir compte d’une situation de fait qu’on ne peut plus occulter.

Pour finir, je souhaiterais m’exprimer sur les modalités de vote.

Bien que conscient de la nécessité urgente de trouver des moyens d’améliorer les conditions de vote de nos compatriotes, je reste très réservé sur le vote électronique. Plus que tout autre procédé, ce vote est sujet aux fraudes, ce qui ne saurait être satisfaisant pour des élections aussi importantes et symboliques que les élections législatives. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale commune est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. À l’issue de la discussion générale, je répondrai point par point aux questions précises qui m’ont été posées par l’ensemble des intervenants.

Madame Mathon-Poinat, vous affirmez que la création de la commission de contrôle est une basse manœuvre. Je me permets de vous rappeler qu’aucune instance n’existait auparavant. Une commission de sages, composée de magistrats, avait été créée en 1986 pour contrôler le découpage des circonscriptions, mais elle était circonstancielle puisqu’elle n’a vécu que trois mois. De plus, son avis était facultatif.

À la suite de la réforme constitutionnelle du 23 juillet dernier, cette commission de contrôle est devenue pérenne puisqu’elle est inscrite dans la Constitution. Elle jouera un rôle considérable dans le contrôle du découpage des circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.

Elle sera composée pour moitié des plus hauts magistrats français représentant les plus hautes juridictions de notre République, à savoir le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour des comptes, dont la désignation se fera en assemblée générale. Ce serait faire injure aux représentants des plus hauts corps de l’État que de considérer qu’ils ne sont pas indépendants ! De plus, la nomination des trois autres membres pourra être soumise au droit de veto exercé par les parlementaires de chacune des deux assemblées, ce qui est sans précédent.

De ce fait, je peux dire à tous ceux qui ont évoqué cette commission qu’il s’agit là, comme M. Fauchon l’a affirmé, d’une grande avancée démocratique dans notre pays. Il me semble, madame la sénatrice, que cette commission présente toutes les garanties.

Je rappelle que le conseil des ministres a adopté hier un deuxième projet de loi organique d’application de la réforme constitutionnelle concernant plus spécifiquement le rôle du Parlement. D’ici au 1er mars 2009, date d’entrée en vigueur de la réforme, d’autres projets de loi seront présentés.

Enfin, madame la sénatrice, vous avez évoqué un manque de transparence dans le découpage des circonscriptions. Je ne puis pas vous laisser dire cela !

En effet, nous avons eu de très longs débats tant à l'Assemblée nationale qu’au Sénat. Par ailleurs, j’ai reçu personnellement, au ministère de l’intérieur, l’ensemble des députés de la majorité et de l’opposition qui en ont fait la demande, Mme la secrétaire nationale de votre formation politique, Mme Marie-George Buffet, ainsi que le président de votre groupe parlementaire à l'Assemblée nationale. Durant des dizaines d’heures, j’ai expliqué aux députés de l’opposition la méthodologie retenue par le Gouvernement, qui a d’ailleurs été validée par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel à différentes reprises.

Le Premier ministre lui-même a reçu, pendant plus de deux heures, à l’hôtel Matignon, l’ensemble des présidents des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les chefs des formations politiques. La présidente de votre groupe, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, était donc invitée à Matignon, même si elle n’a pas pu s’y rendre.

Madame Catherine Troendle, au nom du groupe UMP, vous avez insisté à juste titre sur l’urgence qu’il y a à adapter la répartition des sièges de député. Vous avez eu raison de le souligner, c’est grâce au Président de la République et au Gouvernement que l’exercice difficile du redécoupage des circonscriptions va être réalisé. Voilà plus de dix ans qu’il aurait dû être entrepris, à l’issue des recensements de 1989 et de 1999. C’est parce qu’il n’a pas été réalisé que nous vivons toujours sur un découpage datant de 1986 et fondé sur le recensement de 1982. La France avait 55 millions d’habitants ; elle en compte aujourd’hui 64 millions !

La règle fondamentale qui s’applique à tous, la Constitution, la loi des lois, est donc bafouée en son article 3 depuis une bonne dizaine d’années. Il était légitime que le Conseil constitutionnel rappelle à maintes reprises la nécessité d’engager une telle réforme et procède à des injonctions répétées.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il l’avait rappelé au Sénat !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous avez évoqué la situation de vos quatre collègues qui, ayant remplacé depuis 2007 des sénateurs devenus membres du Gouvernement, ont dû renoncer à un mandat local pour respecter la règle limitant le cumul des mandats. C’est ce qui se produit avec le système actuel, quand l’ancien ministre demande à son remplaçant de démissionner pour récupérer le siège qu’il lui avait laissé en accédant au Gouvernement. Dans son intervention, M. Jean-Pierre Leleux a fait des suggestions intéressantes qui permettraient vraisemblablement de régler ce genre de situation. Je le dis à Mme Troendle et à M. Leleux, le Gouvernement est tout à fait ouvert à toute proposition qui pourrait émaner des assemblées, concernées au premier chef.

Monsieur Leleux, vous avez évoqué la possibilité de règles dérogatoires à propos du cumul des mandats locaux. Je le répète, le Gouvernement étudiera toutes les propositions émanant de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Monsieur Bernard Frimat, au nom du groupe socialiste, vous vous êtes exprimé sur la révision constitutionnelle, que vous n’avez pas votée et qui n’entrera vraiment en application qu’au 1er mars prochain.

Je ne peux pas accepter les termes que vous avez employés de « parachutage parlementaire » des ministres. Monsieur Frimat, les ministres qui étaient députés ont été élus au scrutin uninominal majoritaire, au suffrage universel direct. Je ne peux donc pas laisser sous-entendre qu’ils auraient été d’une quelconque façon « parachutés ». Les parlementaires devenus ministres sont remplacés temporairement par leur député ou leur sénateur suppléant. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage au rôle important joué par ces suppléants, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, mais il n’en reste pas moins que le véritable élu est le député ou le sénateur. Les suppléants sont, eux, dans une situation de « remplaçant ». On ne peut donc pas ainsi délégitimer des députés ou des sénateurs élus, à l’Assemblée nationale tous les cinq ans pour les premiers, au Sénat tous les six ans pour les seconds, pour refuser qu’ils retrouvent leur siège !

Vous vous êtes également préoccupé, monsieur le sénateur, de la situation matérielle de ces suppléants. Cela part d’un bon sentiment,...

M. Bernard Frimat. Je n’ai que de bons sentiments ! (Sourires.)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. ... mais le décalage est grand entre leur situation et les situations sociales incomparablement plus graves qui existent dans notre pays !

M. Bernard Frimat. Je parlais des ministres !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Par définition – c’est le jeu de la démocratie et c’est tout son mérite –, les mandats sont aléatoires. Un député est élu pour cinq ans, un sénateur l’est pour six ans. Le suffrage universel décide ! S’il est vrai, monsieur Frimat, qu’un certain nombre de députés ou de sénateurs se retrouvent dans des situations sociales difficiles lorsqu’ils ne sont pas réélus, que dire des situations engendrées par les dissolutions ? En 1981, la moitié des députés élus en 1978, donc à mi-mandat, se sont retrouvés dans une situation de battus, avec les problèmes que cela pose !

M. Bernard Frimat. C’est la règle du jeu !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Eh oui ! Il n’y a aucune sécurité de mandat. C’est vrai également pour les suppléants.

Cela dit, il est légitime que les assemblées gèrent les cas douloureux qui se présentent. C’est d’ailleurs ce que, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, le bureau a l’habitude de faire. Comme par le passé, elles continueront, j’en suis certain, à gérer ces cas-là.

J’ai bien noté que vous ne remettiez pas en cause la nécessité de procéder à un redécoupage. La méthode que nous avons choisie, validée en quelque sorte par le Conseil d’État, puis par le Conseil constitutionnel, ne touche que le plus petit nombre de circonscriptions.

Ce redécoupage, opéré avec une répartition des sièges par tranche et par fraction de tranche de population, n’aura une incidence que sur une quarantaine de départements sur cent. Une dizaine de départements seront concernés par un remodelage des limites des circonscriptions existantes pour éviter que ne subsistent, au sein de ces départements, des disparités démographiques supérieures à 20 %. C’est la règle. Nous avons donc choisi d’appliquer la loi, toute la loi, mais rien que la loi.

Je remercie M. Pierre Fauchon de sa remarquable intervention, au cours de laquelle il nous a apporté son soutien et a approuvé ces deux textes. Il a eu raison de souligner la sagesse de la Haute Assemblée de ne pas vouloir interférer dans les règles de l’élection des députés. Bien entendu, la réciproque est vraie.

S’agissant de la commission indépendante, il a effectivement eu raison de parler d’avancée considérable. Cette commission est véritablement un progrès.

Il a utilisé le terme de « rétroactivité » à propos du retour des ministres. À mon sens, on ne peut en aucune façon parler de rétroactivité en la matière. Le Conseil d’État, d’ailleurs, l’a bien précisé. En l’occurrence, il s’agit d’appliquer une disposition qui a été votée lors de la réforme de la Constitution du 23 juillet dernier.

Monsieur Magras, comme je le rappelais dans mon intervention liminaire sur ces deux textes, le Gouvernement avait prévu dans le projet de loi initial un député au minimum par collectivité d’outre-mer. Vous souhaitez réintroduire cette règle, qui a été supprimée à l’Assemblée nationale par le vote d’un grand nombre de députés, de la majorité comme de l’opposition, et à laquelle le Gouvernement est a priori toujours favorable ; le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, M. Yves Jégo, l’a rappelé.

Les députés étaient d’autant plus enclins à procéder à une telle modification s’agissant des collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin qu’ils avaient déjà écarté à deux reprises la représentation de chacune d’elles par un député : la première fois en 2007, en refusant que ces deux sièges soient pourvus dès les élections législatives suivantes, et une seconde fois lors de la révision constitutionnelle, en plafonnant les effectifs de l’Assemblée nationale à 577 et non à 579 députés.

Le Gouvernement n’a pu que prendre acte de la position ainsi exprimée très clairement par la représentation nationale. Toutefois, monsieur le sénateur, le débat est loin d’être clos.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On verra par ordonnance !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En effet, il n’est pas exclu que le Conseil constitutionnel, qui sera certainement aussi saisi de la loi ordinaire, se prononce sur cette question. Le Gouvernement devra bien entendu en tenir compte au moment de prendre position sur la représentation de chaque collectivité d’outre-mer dans la future ordonnance.

Comme pour toutes les dispositions des futures ordonnances, la décision qui sera prise sera soumise pour avis à la commission indépendante évoquée tout à l’heure. Par conséquent, monsieur le sénateur, les règles sont loin d’être figées, dans un sens ou dans un autre. Soyez certain que le Gouvernement reste très attentif aux préoccupations que vous avez exprimées à cette tribune.

Monsieur Yung, si je résume votre propos, il faut, selon vous, combler le déficit de représentation des Français de l’étranger. C’est exactement pour cette raison que nous choisissons le scrutin majoritaire, choix qui, pour une question de fond, d’éthique, est d’ailleurs intimement lié au bon fonctionnement et à la stabilité des institutions de la Ve République.

Nous avons toujours refusé la proportionnelle. Nous savons très bien que coexistent deux modes de scrutin pour l’élection des sénateurs : le scrutin majoritaire et la représentation proportionnelle. La majorité des sénateurs est maintenant élue au scrutin proportionnel ; c’est très bien. Mais, pour l’élection des députés, le Gouvernement ne veut pas introduire la moindre dose de représentation proportionnelle. Nous constatons les « poisons » de la proportionnelle dans un certain nombre d’États européens proches de nous, voire dans certaines formations politiques. Par conséquent, nous récusons le scrutin à la proportionnelle et nous assumons ce choix politique.

Les députés des Français de l’étranger seront, comme les autres députés, élus au scrutin majoritaire à deux tours. Bien entendu, des adaptations doivent être trouvées : un laps de temps entre les deux tours supérieur à celui qui prévaut sur le territoire national doit être prévu ; les conditions de financement des campagnes électorales devront tenir compte des spécificités des élections pour les Français de l’étranger. Tous ces points feront l’objet d’une concertation entre les organisations représentatives des Français de l’étranger.

Mesdames et messieurs les sénateurs représentant les Français établis hors de France, nous engagerons la plus grande concertation sur les modalités pratiques des campagnes électorales. Mais nous maintenons le choix du scrutin majoritaire, comme pour l’élection de l’Assemblée des Français de l’étranger, dans les circonscriptions électorales existantes, qui sont au nombre d’une cinquantaine, comme vous le savez parfaitement.

Monsieur Frassa, vous qui, comme M. Yung, représentez les Français établis hors de France, vous vous êtes tout spécialement intéressé aux dispositions qui pourraient être reprises.

Vous avez eu raison de souligner combien ce projet de création de sièges de députés des Français de l’étranger répond à une préoccupation ancienne. Les dispositions qui ont fait l’objet d’un engagement du Président de la République pendant sa campagne électorale et qui trouvent maintenant une traduction concrète, auraient dû être prises depuis longtemps. Je vous rappelle en effet que la désignation de députés des Français de l’étranger faisait déjà partie des 110 propositions du président François Mitterrand en 1981, du programme législatif de Lionel Jospin en 1997 et des propositions de Mme Royal aux dernières élections présidentielles !

M. Robert del Picchia. Tout à fait !

M. Bernard Frimat. Vous avez de bonnes lectures et je vous en félicite ! (Sourires.)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Parfaitement, monsieur le sénateur ! J’ai de bonnes lectures lorsqu’il le faut, et j’ai également de bonnes citations !

Nous répondons ainsi à une préoccupation légitime, une aspiration normale des Français de l’étranger à être représentés dans les deux assemblées. Ce sera chose faite si ces deux textes sont adoptés.

Monsieur le sénateur, dans le calcul du nombre de ces députés, nous tiendrons bien compte du nombre de nos compatriotes qui votent en France pour l’élection du Président de la République pour minorer le nombre des personnes immatriculées dans nos consulats.

J’ai pris bonne note du fait que neuf vous paraît être un nombre minimum pour ces députés. À vrai dire, compte tenu des chiffres établis par l’INSEE pour la métropole et l’outre-mer, je ne serais pas très étonné que ce chiffre soit retenu. J’ai moi-même esquissé, mercredi dernier, en commission des lois, un découpage en neuf circonscriptions, quatre se situant en Europe et cinq hors d’Europe, ce qui ne me semble pas très éloigné de celui que vous avez évoqué.

En ce qui concerne les modalités d’élection, l’ordonnance prévue dans la loi d’habilitation fixera les adaptations nécessaires. J’ai pris bonne note de vos propositions, que j’accueille avec un a priori favorable, s’agissant notamment de l’intervalle de deux semaines entre les deux tours de scrutin.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cette demande a été formulée par l’ensemble des sénateurs représentants les Français établis hors de France.

Vous avez également évoqué, monsieur Frassa, le recours aux médias les plus appropriés pour assurer l’information des électeurs – vous avez cité à juste titre TV5, France 24 et RFI – et le recours au vote par correspondance et au vote électronique. Le Gouvernement est favorable à ces propositions.

J’ai bien noté que certains d’entre vous sont opposés au vote électronique. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce mode de votation est actuellement utilisé pour l’élection des représentants d’autres Européens de l’étranger, puisque l’Italie, le Portugal et l’Espagne y ont recours.

M. Bernard Frimat. Et pour les prud’hommes !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est vrai, le vote électronique a été utilisé voilà quelques jours pour les élections prud’homales, même si cela n’a pas été un succès en termes de participation.

Monsieur Leleux, vous vous êtes félicité de la mise en place du remplacement temporaire des parlementaires devenus ministres. Je vous remercie d’avoir abordé cette question, qui n’a pas été beaucoup évoquée ce matin.

Vous avez envisagé, comme corollaire au caractère temporaire du remplacement, une dérogation à l’interdiction du cumul des mandats. On pourrait imaginer, dans certaines hypothèses, pour le mandat de conseiller général, pour lequel est désormais prévu un suppléant ou une suppléante, et pour celui de conseiller régional élu au scrutin de liste, un système de remplacement temporaire.

Cela dit, une telle disposition, relativement compliquée, paraît difficile à mettre en place. Au nom du Gouvernement, je m’engage à ce que ces propositions soient étudiées dans le cadre de la réforme en cours des règles relatives à l’interdiction du cumul des mandats. Bien entendu, le Gouvernement est ouvert à toute proposition qui émanerait du Parlement, les assemblées étant concernées au premier chef.

Monsieur Ibrahim Ramadani, vous avez affirmé que l’amendement adopté par l’Assemblée nationale sur l’initiative de M. René Dosière « fermait la porte à la création d’un second siège de député pour la collectivité de Mayotte ».

Cela ne me paraît pas tout à fait exact, l’auteur de l’amendement et ceux qui l’ont soutenu ayant seulement voulu mettre le doigt sur un vrai problème, que j’ai d’ailleurs exposé tout à l’heure dans mon intervention liminaire. Cela dit, vous avez eu raison de le souligner, comme l’a fait M. Hyest, cette disposition, si elle est validée par le Conseil constitutionnel, devrait s’appliquer de la même façon à Mayotte et sur le reste du territoire national, sans modulation spécifique à l’une de ses parties.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Pour aider le Gouvernement et éclairer le Parlement dans les choix qu’il aura à faire pour la représentation de Mayotte, je vous propose, monsieur le sénateur, de demander à M. le Premier ministre de désigner une mission chargée d’étudier sur place les différents aspects du recensement de la population et des listes électorales à Mayotte. Je suis certain qu’une telle mission nous permettrait d’avancer grandement sur cette délicate question.

Monsieur Guerry, en tenant compte du fait qu’un nombre non négligeable de Français de l’étranger continuent à voter en France, notamment lors de l’élection du Président de la République, alors qu’ils ont pourtant la possibilité de voter dans les consulats, nous obtenons un nombre de huit ou neuf députés représentant les Français établis hors de France, ce qui nous paraît correspondre à la notion de représentation à l’Assemblée nationale aujourd’hui inscrite dans notre Constitution.

Si, à l’avenir, le nombre de nos compatriotes installés à l’étranger augmentait considérablement, il appartiendrait au législateur de corriger cette représentation. Nous allons d’ailleurs procéder à une telle correction pour les autres députés, comme l’a exigé le Conseil constitutionnel. S’il le faut, nous le ferons donc également pour les députés représentant les Français de l’étranger, en concertation étroite avec les sénateurs représentant les Français de l’étranger et les associations les plus représentatives. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

 
 
 

8

Nomination de membres d’organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que les commissions des finances et des lois ont proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

9

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente. J’appelle les uns et les autres à respecter ce temps de parole.

plan de relance

M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Alain Milon. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

Monsieur le ministre, la crise est là et les Français en souffrent. Mais ils voient aussi qu’au plus haut niveau de l’État des réponses sont apportées au fur et à mesure que la situation évolue.

La maîtrise du temps et des moyens témoigne que le cap est tenu dans une période délicate de l’histoire économique de notre pays. Cette réalité est également perçue au-delà de nos frontières, et c’est précieux pour l’Europe.

Le plan de relance du 4 décembre, doté de 26 milliards d’euros, fait suite, rappelons-le, aux réformes déjà engagées depuis un an et demi et aux initiatives prises cet automne, notamment pour répondre à la crise financière. La Commission européenne vient d’ailleurs de donner son feu vert au plan français visant à recapitaliser les banques : elle a estimé que c’était « un moyen adéquat, nécessaire et proportionné ». De quoi renforcer encore la confiance dans l’action gouvernementale !

L’ambition du plan de relance est certaine. Ce plan soutient la comparaison avec ceux de nos voisins européens. Où en est d’ailleurs, monsieur le ministre, le projet d’une solution européenne à la crise ?

Ce plan comporte ainsi des mesures en faveur de l’emploi et du pouvoir d’achat, en faveur des plus modestes et de leur logement, en faveur de l’automobile, mais aussi de l’écologie et, bien sûr, en faveur des entreprises.

Il traduit avant tout une priorité donnée à l’investissement.

Les collectivités territoriales sont le premier investisseur national, et je ne rappellerai pas ce que cela représente en termes de masse financière ou d’emplois ; au sein de notre assemblée, nous connaissons tous ces chiffres.

Les collectivités territoriales pèsent très lourd par le développement économique qu’elles induisent. Elles ont, nous le savons tous, de nombreux projets à mettre en œuvre pour le mieux-vivre de la population.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser en quoi le plan de relance va-t-il aider les collectivités à concrétiser ces projets ? En quoi va-t-il également agir sur la dynamique des territoires par le biais des équipements structurants ? Si cela vous est possible, dites-nous aussi dans quels délais cette action sera menée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Monsieur le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, à l’heure où vous prenez ces fonctions difficiles, mais essentielles, nous vous adressons nos meilleurs vœux de réussite.

Vous avez la parole. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Patrick Devedjian, ministre. Merci de votre confiance, monsieur le président.

Monsieur Milon, vous avez raison, les collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer dans un plan de relance qui est principalement fondé sur l’investissement. En effet, 70 % des investissements publics sont le fait des collectivités territoriales. Notre objectif est de faire en sorte que 75 % des crédits alloués à ce plan soient engagés dès 2009. Je réponds ainsi, monsieur le sénateur, à la dernière question que vous avez soulevée.

Le principe est d’essayer d’obtenir un effet multiplicateur important, si possible de 3 : il faut cela pour que le plan ait un impact fort sur l’économie française. Face à la déprime engendrée par la crise économique, il s’agit d’engager une politique contracyclique. Or il est évident que, pour la mener à bien, les collectivités territoriales sont absolument incontournables.

Quelles mesures allons-nous prendre ?

Tout d’abord, sur le plan financier, nous allons accompagner les collectivités territoriales dans des projets parvenus à maturité, qui sont prêts à démarrer mais qui, sans le plan de relance, n’auraient pas vu le jour en 2009. Pour ce faire, nous activerons le Fonds de compensation pour la TVA. En effet, est prévu un dispositif dans lequel les projets nouveaux bénéficieront d’un remboursement anticipé de la TVA qui leur est due.

Ensuite, comme vous le savez sans doute, plusieurs mesures de simplification administrative ont été lancées. Elles visent, en premier lieu, le code des marchés publics, afin d’aligner notre réglementation sur le seuil fixé par l’Union européenne et, ainsi, de faciliter la passation des marchés. Elles visent, en second lieu, le code de l’urbanisme, afin de proroger les permis de construire pour une année supplémentaire et de permettre aux collectivités, dans les cas où la rentabilité de l’opération prévue n’était pas assurée, et si elles le souhaitent, d’augmenter de 20 % les droits à construire prévus initialement par les plans locaux d’urbanisme et dans les zones d’aménagement concerté.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce plan comporte de puissants outils. Je serai évidemment très présent auprès des collectivités territoriales. J’ai l’intention de me rendre dans chaque département.

M. Robert Hue. C’est un discours d’investiture !

M. Patrick Devedjian, ministre. Le Premier ministre convoque mardi prochain la Conférence nationale des exécutifs. Le Gouvernement compte très largement s’appuyer sur les collectivités territoriales pour mettre en œuvre ce plan. Aucun investissement ne se fera sans elles. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

mode d'élection de l'assemblée territoriale de corse

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE – M. Jean-Pierre Michel applaudit également.)

M. Nicolas Alfonsi. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Même si ma question, madame la ministre, n’est pas d’une actualité brûlante, elle peut utilement être posée aujourd’hui, car, à défaut de réponse de la part du Gouvernement, elle cessera définitivement de l’être dans quelques semaines.

Un rappel est nécessaire. En l’état des informations dont nous disposons à ce jour, les élections régionales auront lieu en mars 2010.

M. Guy Fischer. Elles vont être reportées !

M. Nicolas Alfonsi. De source officielle, nous savons qu’il n’y aura aucune modification du mode de scrutin. (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

Si rien n’interdit une modification du mode de scrutin spécifique à la Corse, la déontologie républicaine écarte toute modification d’un mode de scrutin dans l’année précédant celui-ci. En conséquence, il vous reste dix semaines utiles pour nous informer de vos intentions s’agissant de la réforme du scrutin applicable à la collectivité territoriale de Corse.

Une majorité d’entre vous, mes chers collègues, ignore sans doute le mode de scrutin surréaliste qui lui a été imposé, que tous les gouvernements, de droite ou de gauche, ont maintenu et qui permet, puisque aucun seuil de fusion n’est exigé, à des listes qui ont atteint des scores homéopathiques de fusionner à la suite de manœuvres obscures et de négocier leur présence au second tour.

On connaît l’origine de ce mode de scrutin : il fallait, voilà vingt ou trente ans, permettre à des sensibilités ultra-minoritaires de s’exprimer de manière démocratique. Cet argument n’a plus lieu d’être aujourd’hui, mais le maintien d’un dispositif aussi pervers interdit de dégager des majorités homogènes.

Ainsi, l’absence de majorité réelle a conduit, notamment depuis six ans, à des politiques sans lisibilité, recherchant en permanence le « consensus » et le « dialogue », autant de mots creux qui n’ont jamais servi à fonder une politique. (MM. Jean-Pierre Chevènement et Jean-Pierre Michel applaudissent.)

À l’occasion d’un congrès récent, M. le Premier ministre a manifesté beaucoup de sollicitude – je ne m’autoriserai pas à en mesurer le degré de sincérité ! – à l’égard d’une formation nationale,…

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. … appelant de ses vœux une opposition forte pour donner une vitalité démocratique puissante à nos institutions.

Je souhaiterais que vous partagiez la même sollicitude vis-à-vis de la Corse, madame la ministre.

Il vous reste deux mois pour réagir : soit vous reprenez la proposition de loi que j’avais déposée, et qui avait été adoptée par notre assemblée voilà dix-huit mois, soit vous proposez un autre dispositif – n’ayant pas de vanité d’auteur, je suis tout à fait prêt à en accepter un autre que celui que j’avais proposé ! –, soit vous « faites semblant », pour reprendre une formule célèbre !

J’attends votre réponse, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Jean-Pierre Michel applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Alfonsi, vous attendez ma réponse, la voici ! (Rires.)

Je connais votre proposition de loi. Elle a un objet tout à fait légitime : assurer des majorités claires et stables à l’Assemblée de Corse tout en permettant la représentation des oppositions.

Cependant, permettez-moi de vous rappeler que, s’agissant de l’examen de votre proposition de loi, comme de tout texte relatif aux institutions de la Corse, la loi du 22 janvier 2002 impose de recueillir préalablement l’avis de l’Assemblée de Corse. Or, que je sache, cette consultation n’a pas encore eu lieu.

Ensuite, il me paraît également utile d’attendre les conclusions du comité Balladur, qui est en train d’étudier l’ensemble de notre organisation territoriale, en particulier les rapports entre les départements et les régions. Je pense que les questions que vous avez soulevées concernant la Corse s’inscrivent tout naturellement dans le cadre de cette réflexion sur les structures de notre République.

Enfin, si nous devons engager la sixième réforme électorale relative à la Corse en vingt-cinq ans, je crois souhaitable – et sans doute partagez-vous mon avis, monsieur le sénateur – qu’elle soit issue du plus large consensus possible. C’est ce que j’ai rappelé quand je me suis rendue en Corse au mois de juin dernier. Je ne suis pas certaine, monsieur Alfonsi, qu’un tel consensus soit aujourd’hui réuni. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean-Pierre Chevènement s’exclame.)

appui de l’état aux projets des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer. (M. Gérard Longuet applaudit.)

M. Claude Biwer. Madame le ministre de l'intérieur, comme cela vient d’être rappelé par M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, les collectivités territoriales sont le moteur de l’investissement en France. Il faut donc essayer de leur faciliter la tâche car, si ce moteur venait à se gripper, la situation économique et sociale de notre pays deviendrait encore plus préoccupante en 2009.

Les freins à l’investissement des collectivités territoriales ont parfois pour cause la frilosité des banques lorsqu’il s’agit de les accompagner dans leurs projets. Mais il en est d’autres, qui se situent en amont et se font plus ou moins sentir selon les responsables des administrations en poste dans nos territoires : je veux parler du code des marchés publics, qui a souvent été réformé et, paraît-il, simplifié, ce que les élus des communes les plus modestes ne perçoivent malheureusement pas.

Les lenteurs administratives peuvent aussi retarder de plusieurs mois les mises en chantier. Je citerai les dispositions relatives à l’archéologie préventive – sans parler de leur coût –, le rôle très contesté des architectes des bâtiments de France, ainsi que la propension de chaque fonctionnaire des administrations décentralisées, désireux de montrer qu’il détient ou croit détenir une parcelle de pouvoir, à prolonger inutilement les délais d’instruction en prétextant des visites de terrain dont les maires ne sont parfois pas avertis et en réclamant des documents complémentaires à la dernière minute.

Il n’est pas possible d’obtenir un financement sans présenter un dossier, et aucun dossier ne peut aboutir sans financement. Et, à mesure que s’allongent les délais administratifs, souvent liés à la demande de nouvelles délibérations ou de documents pour l’instruction des dossiers, les intérêts des emprunts contractés par la collectivité commencent à courir avant que les travaux ne soient terminés, et, parfois, avant même qu’ils n’aient commencé.

C’est ainsi que, entre la conception d’un projet d’investissement et le début de sa réalisation, il peut s’écouler un ou deux ans !

Dans ces conditions, pourriez-vous nous dire, madame le ministre, quelles mesures concrètes et rapides vous comptez mettre en œuvre pour redonner aux élus locaux la possibilité d’investir et de contribuer au dynamisme économique de la France ? Pourriez-vous, par exemple, instaurer des dates limites non extensibles ?

De notre côté, pourrions-nous, comme le fait parfois le Gouvernement, « déclarer l’urgence » sur les délibérations des conseils municipaux ou des communautés de communes relatives à la réalisation d’investissements importants pour leur collectivité ?

Cet assouplissement, que j’appelle de mes vœux, contribuerait très certainement au plan de relance que le Gouvernement a décidé de mettre en place. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner que les collectivités locales sont le premier investisseur du pays. Face à la crise actuelle, si nous voulons réellement relancer l’activité et l’investissement, ce qui est l’objectif du plan gouvernemental, nous avons besoin d’elles.

Pour autant, je sais d’expérience que les collectivités locales se heurtent à un certain nombre de lourdeurs – vous en avez rappelé quelques-unes – ou de difficultés particulières.

Notre action s’inscrit dans trois domaines.

D’abord, nous voulons alléger certaines contraintes réglementaires qui ralentissent les projets. Il est tout de même paradoxal que la France applique les règlements européens d’une manière plus contraignante que ceux-ci ne l’exigent. Il faut que cela change ! C’est pourquoi le code des marchés publics, qui impose des procédures très longues, sera prochainement modifié. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.) Le seuil à partir duquel la procédure d’appel d’offres pour les marchés de travaux est obligatoire sera porté à 5,15 millions d’euros, conformément à la réglementation européenne, contre 206 000 euros aujourd’hui. Il s’agit là d’une modification profonde.

Ensuite, le recours aux procédures des marchés publics négociés sera simplifié. Un projet de loi, assorti de projets de décret, sera déposé dans les tout prochains jours.

Il faut aussi faciliter l’investissement des collectivités locales et leur épargner, autant que possible, des problèmes financiers. C’est pourquoi, sur la base d’un contrat que nous passerons avec elles, nous veillerons à ce que les remboursements de TVA leur soient versés plus rapidement pour tous les investissements nouveaux réalisés en 2009. Actuellement, ceux-ci leur sont reversés deux ans après. Les sommes en cause ne sont pas négligeables puisqu’elles pourraient représenter près de 2,5 milliards d’euros. En outre, toutes les collectivités sont concernées, les grandes comme les petites.

Enfin, l’État et les collectivités sont partenaires dans un certain nombre de grands chantiers publics. Ces chantiers seront accélérés, qu’il s’agisse d’infrastructures routières, ferroviaires – la liaison Lyon-Turin – ou fluviales – le canal Seine-Nord – ou de contrats de projets avec les régions, et cette liste n’est pas exhaustive.

Vous le voyez, nous avons pris conscience des contraintes qui pèsent sur les collectivités locales. Leur dynamisme ne doit pas être entravé et c’est pourquoi nous prendrons des mesures en ce sens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

réforme de l'audiovisuel

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le Premier ministre, alors, comme ça, vous allez vous attaquer à la liberté et mettre la télévision publique « à la botte » du Président ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

MM. Dominique Braye et Alain Gournac. Comme ça !

M. David Assouline. Non seulement vous torpillez l’équilibre économique de la télévision publique, mais encore vous allez consacrer une gigantesque régression démocratique en la replaçant sous la tutelle directe de l’État, puisque, désormais, le président de France Télévisions sera nommé et révoqué directement…

M. Alain Gournac. C’est déjà le cas !

M. David Assouline. … selon le bon vouloir de Nicolas Sarkozy. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Une telle mesure n’existe dans aucun autre pays démocratique. Quel déshonneur pour notre République, qui, jadis, montrait l’exemple quand il s’agissait de liberté ! (Rires et exclamations sur les mêmes travées.)

M. David Assouline. Qui peut croire que ce qui guide le Président, c’est d’en finir avec la dictature de l’audimat et de la publicité, qui empêcherait la réalisation de programmes de qualité quand, dans le même temps, il autorise une overdose de publicité pour ses amis de la télévision privée – deuxième coupure dans les films, relèvement du plafond horaire – et qu’il leur offre les 450 millions d’euros de publicité en provenance du service public.

Et vous voulez, en plus, qu’on se taise !

M. Alain Gournac. Aucune chance !

M. David Assouline. Après avoir amusé la galerie pendant des mois avec la commission Copé, sans guère tenir compte de ses travaux, vous décidez, en urgence – toujours l’urgence – de faire passer votre loi. Et, quand l’Assemblée nationale décide de vraiment débattre et l’opposition de s’opposer,…

M. Alain Gournac. De faire de l’obstruction !

M. David Assouline. … alors, vous dites que vous agirez par décret, avant même que notre assemblée commence la discussion !

Et vous voulez qu’on se taise !

M. David Assouline. Chaque fois que les valeurs fondamentales sont en cause, il se trouve, sur tous les bancs, des républicains et des démocrates pour réagir,…

M. David Assouline. … comme au moment des tests ADN. Ici même, grâce à une proposition socialiste, dont nous sommes fiers, et malgré l’avis contraire du Gouvernement, nous avons introduit cet été dans la Constitution les principes de liberté, de pluralisme et d’indépendance des médias.

Je vous appelle à méditer ce que déclarait Victor Hugo devant l’Assemblée nationale en 1848,…

M. Jean-Patrick Courtois. À propos de la télévision, ça ne va pas être facile !

M. David Assouline. … sous les mêmes quolibets qu’aujourd’hui, à propos de la liberté d’information : « Ne souffrez pas les empiètements du pouvoir, ne laissez pas se faire autour de vous cette espèce de calme faux qui n’est pas le calme, que vous prenez pour l’ordre et qui n’est pas l’ordre, faites attention à cette vérité […] : le silence autour des assemblées, c’est bientôt le silence dans les assemblées. »

M. Dominique Braye. Avec vous, nous sommes tranquilles !

M. David Assouline. Alors, monsieur le Premier ministre, je vous pose la question : irez-vous jusqu’au bout de votre dangereuse réforme de l’audiovisuel public ? Agirez-vous par décret dans les heures qui viennent, au mépris des principes affirmés par la Constitution ?

Si oui, sachez qu’on ne se taira pas, ni ici ni dehors. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le sénateur, je n’ai pas reconnu dans vos propos le projet de réforme claire et ambitieuse que je défends actuellement devant le Parlement, malgré un blocage absolu, revendiqué et théorisé, dont de nombreuses personnalités du monde de la culture, notamment Marin Karmitz …

Mme Christine Albanel, ministre. … ou Jacques Peskine, délégué général de l’Union syndicale de la production audiovisuelle, dénoncent les dangers qu’il fait courir à la télévision publique.

Cette réforme vise à proposer de nouveaux horaires au cours de la soirée – ce qui constituera un grand changement –, à offrir des programmes répondant davantage aux impératifs du service public et encore plus intéressants, à proposer plus de fictions, plus d’adaptations de grandes œuvres, plus de cinéma, plus de courts métrages,…

M. Jean-Pierre Michel. Arrêtez ! Personne n’y croit !

Mme Christine Albanel, ministre. … à accorder une place accrue à l’Europe, à donner une dimension nationale à l’information, à proposer plus de décrochages régionaux. Je vous renvoie aux propos qu’a tenus, voilà quelques jours, le président de France Télévisions.

M. Paul Raoult. Vous leur coupez les vivres !

Mme Christine Albanel, ministre. Il s’agit là, véritablement, d’une très grande ambition.

M. Paul Raoult. Avec quel argent !

Mme Christine Albanel, ministre. Ce grand projet culturel touchera l’ensemble de la France, et pas seulement les Parisiens, contrairement à beaucoup de ceux qui l’ont précédé.

Cette réforme est financée, puisque le principe d’une compensation des pertes en recettes publicitaires à hauteur de 450 millions d’euros de compensation a été voté dans le projet de loi de finances. Cette compensation sera pérennisée sur trois ans dans le projet de loi sur l’audiovisuel.

M. David Assouline. Répondez à la question !

Mme Christine Albanel, ministre. Je souhaite que le débat se poursuive. Je serai jour et nuit devant l’Assemblée nationale, puis devant le Sénat, pour y prendre la part qui me revient. Mais il est indispensable que cette réforme entre en vigueur dès le 5 janvier, comme prévu. Tout le monde est prêt, tant les dirigeants que les personnels ou les annonceurs.

Il serait tout à fait possible d’en passer par un décret, puisque les aménagements publicitaires relèvent du décret du 27 mars 1992.

M. Pierre-Yves Collombat. Dans ce cas, pourquoi l’avoir inscrit dans le projet de loi ?

M. David Assouline. La Constitution exige que ce soit dans la loi !

Mme Christine Albanel, ministre. L’enjeu en vaut la peine. C’est une réforme ambitieuse qu’apprécieront les Français et les téléspectateurs. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. –  M. Claude Biwer applaudit également.)

plan de relance

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.

Nos concitoyens, qu’ils soient travailleurs, retraités, jeunes, sont touchés de plein fouet par la crise économique. Cette crise, vous en portez l’entière responsabilité ! (Exclamations sur les travées de lUMP.) C’est l’échec du capitalisme mondialisé et de ce système que vous avez défendu et imposé par vos politiques dévastatrices.

Aujourd’hui, les licenciements économiques et les périodes de chômage technique se multiplient, emportant en cascade des pans entiers de l’économie, comme en témoigne le terrible exemple de l’industrie automobile.

Certains groupes profitent même de la situation pour licencier abusivement et délocaliser leurs activités rentables.

M. Guy Fischer. Scandaleux !

Mme Odette Terrade. Aucune des mesures avancées par le Gouvernement ne sanctionne ces délinquants sociaux, qui laissent des milliers de salariés sur le carreau pour rémunérer les actionnaires.

Face à cette situation économiquement désastreuse et socialement insoutenable, le Président de la République nous annonce pompeusement un « plan de relance », assorti d’un ministre d’affichage.

En fait de relance, on nous propose de simples mesures de trésorerie en faveur des entreprises et des incitations à l’endettement des ménages. Ces 26 milliards d’euros d’aide aux seules entreprises et ces mesures ne régleront pas la question prégnante de l’emploi ni celle, déterminante, du pouvoir d’achat.

En un mot, ce plan n’est pas à la hauteur des besoins.

Encore une fois, vous répondez par de nouvelles exonérations de cotisations sociales, sans contrepartie. Résultat : les salariés devront payer plus ou accepter un recul de leur protection sociale. Vos mesures censées relancer le pouvoir d’achat – doublement du prêt à taux zéro, prime à la casse – sont des mesurettes au regard des centaines de milliards accordés aux financiers.

Pas de revalorisation des salaires et des minima sociaux, à peine un rattrapage des retards cumulés pour les retraites, des aides au logement en berne, des franchises médicales et des déremboursements massifs, le maintien du prix du gaz à un niveau exorbitant et une prime de Noël qui est loin du compte : voilà vos actions !

La majorité parlementaire n’est pas en reste dans cette politique de régression sociale quand elle vote, ici même, l’imposition des indemnités d’accident du travail ou la suppression de la demi-part des parents isolés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C’est scandaleux !

Mme Odette Terrade. Vous avez même osé envisager la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et la déduction fiscale des pertes boursières !

Curieuse conception de la relance que celle qui se fait au seul profit des privilégiés et des détenteurs de richesses !

M. le président. Votre question…

Mme Odette Terrade. Monsieur le ministre, la France et son peuple ont besoin d’une véritable politique de relance en faveur du pouvoir d’achat et de la consommation et ils l’attendent. Quand allez-vous enfin prendre des mesures en ce sens ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

M. Jean-Pierre Sueur. La vitrine ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre. Madame le sénateur, décidément, les leçons de l’histoire ne servent à rien : le communisme s’est effondré, mais pas le capitalisme ! ((Exclamations d’approbation sur les travées de lUMP. – M. Alain Gournac applaudit.)

M. Guy Fischer. C’est votre credo ! Vous ne savez que dire cela !

M. Patrick Devedjian, ministre. Il subit une crise comme il en a déjà subi de multiples. Le capitalisme, sachez-le, madame Terrade, existe tout de même depuis le XIIIe siècle !

M. Jack Ralite. Il y en a qui ont fait la révolution !

M. Patrick Devedjian, ministre. Alors rendre le Président de la République ou le Gouvernement responsables d’une crise mondiale née aux États-Unis montre que vous n’avez pas bien compris !

M. Robert Hue. C’est votre échec !

M. Patrick Devedjian, ministre. Le plan de relance du Président de la République est absolument comparable à tous les plans de relance qui ont été lancés par les autres pays européens. Coordonnés, ils auront un impact sur l’économie.

Vous considérez que ce plan ne consacre pas une assez grande place à la consommation. Permettez-moi de vous rappeler que, lorsqu’on lance un plan de relance par l’investissement, c’est pour favoriser la réalisation de projets, que ces projets donnent du travail, permettent donc à des gens de percevoir des salaires. Or, quoi que vous puissiez dire, ces salaires vont induire de la consommation.

Par ailleurs, ce plan a une dimension sociale que vous voulez ignorer, mais qui n’en est pas moins d’une très grande importance. C’est ainsi que 800 millions d’euros permettront dès le premier trimestre de 2009, c’est-à-dire en anticipation du RSA, de verser une prime de 200 euros aux bénéficiaires du RMI, soit quatre millions de personnes.

M. Robert Hue. Et combien de millions pour le patronat ?

M. Patrick Devedjian, ministre. Par ailleurs, 500 millions d’euros sont consacrés aux contrats de transition professionnelle, …

M. Robert Hue. C’est epsilon !

M. Patrick Devedjian, ministre. … afin de permettre aux personnes licenciées de retrouver du travail avec une véritable formation.

En outre, 160 millions d’euros financeront la rénovation des centres d’hébergement.

Dans le domaine du logement, nous avons pris de nombreuses mesures que je n’ai pas le temps d’énumérer. Nous consacrerons, par exemple, 200 millions d’euros aux contrats ANRU – Agence nationale pour la rénovation urbaine.

M. Robert Hue. Moins 7 % sur ce budget !

M. Patrick Devedjian, ministre. Ce plan est équilibré. Il est coordonné avec les autres démocraties européennes. Toutes ont eu recours à des dispositifs similaires, à l’exception de la Grande-Bretagne, qui, contrairement à la France, n’a plus d’industrie. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Robert Hue. Vous préparez la Grèce !

M. Jean-Pierre Sueur. M. Devedjian n’a pas changé !

profanation des tombes du cimetière militaire d'arras

M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Françoise Henneron. Ma question s'adresse à Mme Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Madame le ministre, les tombes du carré musulman du cimetière militaire de Note-Dame-de-Lorette, situé à Ablain-Saint-Nazaire dans mon département, le Pas-de-Calais, ont à nouveau été profanées dans la nuit de dimanche à lundi. Plus de cinq cents sépultures musulmanes et une dizaine de stèles juives ont été souillées.

La date n’a pas été choisie au hasard puisque les profanateurs ont agi le jour de l’Aïd el-Kebir, fête la plus importante du calendrier islamique, ce qui renforce l’horreur de leur geste.

Ces faits, odieux par nature, sont unanimement condamnés. Il n’est pas de mots assez forts pour dénoncer de tels actes, ignobles, qui font appel aux plus bas instincts humains : le racisme et la haine.

Je n’en dirai pas plus, ce serait faire trop de cas des auteurs de ces actes.

À ma connaissance, l’enquête qui a été immédiatement diligentée n’a pas encore permis de procéder à des interpellations.

M. Jean Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, s’est rendu sur place dès lundi après-midi.

M. Charles Gautier. Nous sommes sauvés !

Mme Françoise Henneron. En vingt mois, la nécropole a été profanée à trois reprises : cinquante-deux tombes ont été souillées en avril 2007, cent quarante-huit en avril 2008, avant la profanation toute récente de dimanche.

Un plan d’action avait été lancé au mois d’avril, lors de la précédente profanation.

Alors que l’on insiste sur le devoir de mémoire des plus jeunes afin qu’ils n’oublient jamais le sacrifice de leurs ainés, on ne peut qu’être révolté de voir de tels agissements se reproduire quelques semaines après le quatre-vingt-dixième anniversaire du 11 novembre 1918.

Plusieurs sénateurs de l’UMP, ainsi que Mme Bernadette Bourzai. Très bien !

Mme Françoise Henneron. C’est un outrage inconcevable commis par une poignée de voyous qui ne représentent heureusement qu’une minorité.

M. Alain Gournac et Mme Bernadette Bourzai. Très bien !

Mme Françoise Henneron. L’image du département du Pas-de-Calais est à nouveau salie parce qu’on l’associe à de tels faits. C’est une raison de plus de les faire cesser.

M. le président. Votre question...

Mme Françoise Henneron. Madame la ministre, je vous remercie de nous indiquer, d’une part, l’état d’avancement de l’enquête, d’autre part, les mesures qui ont été prises pour sécuriser le site afin que l’on ne revoie plus jamais de tels agissements à Notre-Dame-de-Lorette, enfin les dispositions que vous envisagez pour traiter le phénomène sur le plan national. (Vifs applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Mme Bariza Khiari applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Henneron, la profanation de tombes, quelle que soit la religion visée, est un acte intolérable, une atteinte insupportable portée à la mémoire des morts, à leur famille.

En l’occurrence, il s’agissait d’hommes qui avaient combattu pour notre liberté, pour que la France puisse aujourd’hui être ce qu’elle est. C’est donc encore plus intolérable.

Comme vous l’avez indiqué à juste titre, c’est la troisième fois que ce cimetière est profané puisqu’il l’avait déjà été en avril 2007 et en avril 2008.

Pour autant, je puis vous assurer que l’image de votre département n’est pas atteinte. Ce n’est pas parce que quelques individus, qui doivent être identifiés, interpellés et déférés à la justice, commettent des actes inadmissibles que l’on va faire de telles assimilations, d’autant que ces actes ont été unanimement condamnés dans votre département.

Où en sommes-nous ? Dès que les faits ont été connus, j’ai immédiatement envoyé sur place les équipes de la police technique et scientifique afin de procéder à des prélèvements. Il faut en effet agir avec la plus grande efficacité possible. Les prélèvements ont été envoyés au laboratoire.

Par ailleurs, des interrogatoires sont en cours. Une information judiciaire venant d’être ouverte, les auditions se poursuivent donc sous la direction d’un juge.

Cette nécropole fait, depuis de nombreuses années, l’objet d’une surveillance particulière, rendue difficile du fait de sa superficie : dix-sept hectares. Nous avons renforcé le dispositif de surveillance et décidé, en liaison avec les collectivités locales, l’application de mesures complémentaires : installation de barrières sur les voies d’accès, renforcement des portails de la nécropole, mise en place d’un système de caméras, y compris de caméras thermiques ; en effet, de simples caméras ne permettent pas une identification par temps de brouillard, et la récente profanation a été perpétrée pendant une nuit où le brouillard était particulièrement épais.

Une consultation va être lancée pour la première tranche de travaux, afin que ceux-ci soient réalisés pour le mois d’avril prochain.

Madame le sénateur, soyez assurée que tout sera mis en œuvre pour protéger la nécropole contre d’éventuelles nouvelles tentatives de profanation, et surtout, parce que cela a aussi un rôle dissuasif, pour identifier, interpeller, déférer à la justice et, je l’espère, sanctionner très sévèrement les délinquants. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

plan de relance

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre de la crise, voilà huit jours, le Président de la République nous livrait son plan de relance. La Marseillaise de fin sonnait très bien ! Ce qui la précédait, j’avoue ne pas l’avoir vraiment compris. Et aujourd'hui, vous m’en voyez désolé, je n’ai pas été totalement convaincu par les explications que vous avez données tout à l’heure.

Diagnostic de Nicolas Sarkozy : « La crise que nous traversons n’est pas une crise passagère, […] une simple crise conjoncturelle [mais une crise] structurelle [… qui] va transformer pour longtemps l’économie, la société, la politique. »

À cet infarctus économique sévère, il répond pourtant par les tisanes d’ordinaire administrées aux refroidissements passagers de la croissance. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Pour l’investissement : pas un euro de plus. Nicolas Sarkozy a été clair : « Il ne s’agit pas de dépenser plus dans la durée, mais de dépenser plus vite ce qui aurait dû être étalé sur de nombreuses années. Ce qui signifie que les dépenses ne pèseront pas sur le déficit après 2010 et que nous n’abandonnons pas l’objectif d’assainir le plus vite possible nos finances publiques. »

Fort bien ! Mais permettez-moi de revenir sur la situation des collectivités locales. Très franchement, monsieur le ministre, croyez-vous que ces collectivités, qui boucleront difficilement leur budget pour 2009, dans l’incertitude totale de leur avenir financier, vont accélérer leurs investissements parce qu’elles pourront percevoir par avance ce qui leur est dû ou passer plus rapidement leurs marchés.

Payer tout de suite ce que l’État doit ou devra de toute façon payer : curieuse relance ! Maigrelette relance de 4 milliards d’euros par an, puisqu’il faudra bien quatre ans pour mobiliser la totalité des crédits des grands projets en cours.

Pour la consommation : en théorie, 4 milliards d’euros, ce qui fait seulement 1 milliard d’euros par an sur quatre ans.

En réalité, il y aura 800 millions d’euros d’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, non pas au titre de la solidarité, d’ailleurs, mais à celui de la relance. Une solidarité de misère d’ailleurs !

M. le président. Votre question, monsieur Collombat. Pensez à votre collègue Mme Campion !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce qui importe avant tout, c’est le revenu des ménages. Pourquoi les entreprises investiraient-elles si, faute de pouvoir d’achat, elles savent que leurs produits ne trouveront pas acquéreur ?

À quoi bon refinancer le crédit si les ménages restent insolvables ?

Je vous pose donc deux questions, monsieur le ministre. D’une part, où sont les mesures structurelles qui doivent répondre à la crise structurelle diagnostiquée par le Président de la République ? D’autre part, puisque, de par vos fonctions, vous ne pouvez pas ne pas les trouver; quand produiront-elles leurs effets sur les courbes descendante de la croissance et ascendante du chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

M. Patrick Devedjian, ministre. Monsieur Collombat, la crise est mondiale et elle est d’une telle ampleur que chacun d’entre nous devrait plutôt être porté à la réflexion afin de trouver ensemble, au-delà des clivages politiques, les moyens qui permettront à notre pays de faire face le mieux possible à cette situation. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Charles Gautier. Avec quel argent ?

M. Patrick Devedjian, ministre. Lorsque la France est en crise, elle a mieux à faire que se renfermer sur ces querelles partisanes.

M. Dominique Braye. Voilà ! Il faut avoir le sens de l’intérêt général !

M. Jean-Pierre Sueur. Décidément, M. Devedjian n’a pas changé !

M. Patrick Devedjian, ministre. Lorsque le Gouvernement décide de faire appel aux collectivités locales, qui sont un puissant investisseur public, il s’adresse évidemment à toute la palette politique, sans aucun parti pris.

Où est l’argent, demandez-vous. Je vous réponds : ce sont 26 milliards d’euros qui doivent être dépensés à raison de 75 % au moins pour l’année 2009 afin d’avoir un effet contra-cyclique.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce sont des avances !

M. Patrick Devedjian, ministre. Nous privilégierons les projets qui offriront un coefficient multiplicateur de 3, ce qui donnera un impact de 100 milliards d’euros sur deux ans.

M. Pierre-Yves Collombat. Où sont les mesures structurelles ?

M. Patrick Devedjian, ministre. Ce plan est coordonné avec ceux de nos voisins. Il devrait en résulter, à l’échelon européen, un véritable impact financier capable de créer un mouvement contraire à celui de la dépression.

M. Pierre-Yves Collombat. Où sont les mesures structurelles ?

M. Patrick Devedjian, ministre. Vous me demandez où sont les investissements.

Tout d’abord, l’État consacrera 4 milliards d’euros à des investissements stratégiques. Il y aura une somme équivalente de la part des entreprises nationales. S’y ajouteront 2,5 milliards d’euros en avance du FCTVA…

M. Pierre-Yves Collombat. Ce ne sont pas des mesures structurelles.

M. Patrick Devedjian, ministre. Si, parce qu’il s’agit de déclencher, dès 2009, des projets qui, sans ce soutien, n’auraient pas vu le jour, car ils n’auraient pas été prêts ou n’auraient pas été financés.

M. Pierre-Yves Collombat. Ils auraient été prêts en 2010.

M. Patrick Devedjian, ministre. Dans le même temps, les mesures de simplification administrative permettront d’actualiser des projets qui étaient dans les cartons et qui n’en seraient pas sortis en 2009.

Toutes ces mesures ont donc un effet structurel. Essayez de le comprendre de bonne foi et d’y coopérer, car il y va de l’intérêt du pays. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

relance de l'aide aux plus défavorisés

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Bernard Fournier. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

Mme Odette Terrade. Qu’est-ce qu’on aurait fait sans lui ?

M. Bernard Fournier. Aujourd’hui, en France, des gens souffrent de la faim et du froid, d’autres sont très inquiets pour leur proche avenir.

Le 3 décembre dernier, à Compiègne, chez notre collègue Philippe Marini, et le 4 décembre, à Douai, le Président de la République a annoncé des mesures pour la relance de la France, dont certaines visaient en particulier les personnes les plus démunies et des salariés modestes.

Le Gouvernement en a déjà pris de nombreuses, destinées aux publics les plus fragiles : l’augmentation du minimum vieillesse sur cinq ans en faveur des retraités, une majoration de 200 euros ayant déjà été servie dès 2008 ; une garantie de pouvoir d’achat, via l’évolution des pensions en fonction de la variation des prix ; l’application d’une même indexation aux prestations qui sont servies aux familles ; et, ne l’oublions pas, en direction des locataires, la revalorisation des aides au logement.

À l’heure où les effets de la crise se font durement sentir dans la population, le chef de l’État a choisi d’accorder un temps particulier pour évoquer les questions de la grande pauvreté et de la précarité.

Il a également souhaité que des propositions soient formulées afin d’améliorer la situation des salariés modestes, qui éprouvent naturellement les effets de la crise. C’est là une question de pure justice !

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles propositions ont été formulées à Compiègne et à Douai et nous dire en quoi elles permettront, d'une part, de lutter contre la grande pauvreté, d'autre part, d’aider les salariés modestes à traverser cette grave crise ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

M. Patrick Devedjian, ministre. Tout d'abord, je vois dans les nombreuses questions qui sont posées sur la dépression économique…

M. Paul Raoult. M. Fournier vous a tendu la perche !

M. Patrick Devedjian, ministre. … le signe que le Sénat est parfaitement conscient de la gravité de la situation et que ses membres, quelle que soit leur sensibilité politique d'ailleurs, souhaitent que la solidarité nationale permette d’en limiter les effets.

Monsieur Fournier, vous avez parfaitement raison : la crise aura des répercussions sociales importantes,…

M. Jean-Pierre Godefroy. Elle en a déjà !

M. Patrick Devedjian, ministre. … et c'est pourquoi le plan de relance économique comporte deux dimensions, l’une centrée sur les investissements, que nous avons déjà évoquée, l’autre sociale.

J’ai indiqué tout à l'heure que la partie du plan consacrée aux investissements, qui consiste à injecter de l’argent dans l’économie, était essentielle pour remettre l’économie en marche, mais qu’elle aurait aussi, nécessairement, des conséquences sociales : je le répète, les travaux qui seront lancés en matière d’infrastructures se traduiront par le versement de salaires, lesquels auront évidemment un effet sur la situation sociale des ménages.

Toutefois, le plan de relance comprend en outre, de façon explicite, des volets consacrés au logement, à l’emploi et à la solidarité.

S'agissant de la solidarité, à laquelle vous avez fait allusion, monsieur Fournier, une prime de 200 euros sera versée aux personnes éligibles au RSA.

En ce qui concerne l’emploi, qui constitue une question cruciale, plusieurs mesures ont déjà été prises.

Premièrement, les très petites entreprises seront exonérées dès le début de l’année 2009 des charges patronales liées à leurs nouvelles embauches.

Deuxièmement, des crédits d’un montant de 500 millions d'euros sont prévus pour améliorer la situation de l’emploi grâce à des contrats aidés, notamment les contrats de transition professionnelle, le problème du reclassement étant évidemment central.

Enfin, un effort très important sera accompli dans le domaine du logement, auquel près de 3 milliards d'euros seront consacrés. Nous lancerons, d'une part, un programme de construction de 100 000 logements sur deux ans,…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Patrick Devedjian, ministre. … qui participera également à la relance de l’investissement, et, d'autre part, un programme doté de 160 millions d'euros au profit des centres d’hébergement et de 200 millions d'euros destinés aux contrats ANRU. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

aide alimentaire en afrique et bilan de la coopération

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme Christiane Kammermann. Ma question s’adresse à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

Monsieur le secrétaire d'État, alors que la crise financière et économique sévit dans les pays occidentaux, il est impératif de prendre en compte, dans le contexte de mondialisation que nous connaissons, les impacts de ces difficultés sur les pays du Sud, notamment en Afrique.

D’ailleurs, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont récemment et officiellement mis en garde les pays en développement contre les graves conséquences de la crise financière internationale.

En effet, alors que les pays en développement ne sont aucunement responsables des difficultés actuelles, ils pourraient en payer les conséquences. Je pense, notamment, à la raréfaction globale du crédit, au ralentissement des flux d’investissements directs étrangers et à la baisse du cours des matières premières.

Certes, il est prévu que la croissance de l’Afrique se poursuivra en 2009 à un rythme de 4 % à 5 %, mais ce taux représente une baisse de deux points par rapport à 2008. Or chaque point de croissance perdu constitue un recul majeur dans la lutte contre la pauvreté et une catastrophe humaine pour les pays du Sud.

À court terme, ces pays auront également besoin, comme les États plus développés, de plans de relance. Mais contrairement à nous, ils disposent d’une marge d’action budgétaire plus réduite.

S’il est clair que les pays du Sud doivent assumer leur part de responsabilité dans le développement, à commencer par la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des fonds publics, les pays développés, plus que jamais, ne peuvent se dérober à leurs devoirs en matière d’aide publique au développement.

Il est crucial de mettre l’accent sur le soutien à la croissance durable, à la réduction de la pauvreté et à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.

M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue.

Mme Christiane Kammermann. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, les pays donateurs, en particulier la France, changeront-ils d’attitude sous prétexte que la priorité est désormais donnée à la situation intérieure ? Quelles mesures la France compte-t-elle adopter afin d’aider les pays du Sud, en particulier l’Afrique ? (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous avez raison, l’Afrique est inquiète, très inquiète. Elle craint fort de connaître des difficultés encore plus importantes à cause de cette crise.

Dans ces conditions, que fait la France ? Elle agit à trois niveaux, essentiellement grâce à l’action et au rayonnement du Président de la République et du Gouvernement.

Tout d'abord, à l'échelle mondiale, le G20 de Washington a retenu pour la première fois parmi ses priorités la question du développement, ce qui n’était pas acquis.

Nous ne nous contenterons pas de réformer nos institutions financières pour que tout recommence comme avant. Nous agirons en prenant en compte la question centrale du rééquilibrage entre le Nord et le Sud. Ce point figure explicitement dans les conclusions du G20, et je vous renvoie notamment à l’article 14 de la déclaration publiée à l’issue de ce sommet.

À l'échelle européenne, dans le cadre de la présidence française, une unanimité s’est dégagée pour relancer dans les années à venir l’agriculture vivrière et l’agriculture de rente, particulièrement en Afrique.

Sur l’initiative de la France, l’Union européenne a décidé de consacrer un milliard d’euros supplémentaires afin de financer en Afrique subsaharienne les projets publics et privés qui sont nécessaires, notamment pour relancer durablement l’agriculture.

Nous entendons non pas seulement subventionner, mais aussi investir afin que se développe progressivement une agriculture compétitive. Ainsi fera-t-on d’une pierre deux coups : on relancera l’économie et on luttera contre la crise alimentaire.

Enfin, à l'échelle nationale, nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet avec le Sénat, notamment sa commission des affaires étrangères et sa commission des finances, et je m’en réjouis.

Notre aide publique sera maintenue l’année prochaine. Le budget de la mission « Aide publique au développement » augmentera de 2,46 %, avec plus de 3 milliards d'euros de crédits de paiement.

En outre, pour soutenir le développement économique – car, au fond, c’est cela qui fera reculer la pauvreté –, et à la demande du Président de la République, nous mettons en place deux fonds dotés chacun de 250 millions d'euros afin de financer toutes les créations d’entreprises en Afrique, notamment celles qui sont portées par les jeunes Africains diplômés, et ils sont nombreux, qui manquent de moyens. Je le répète, c’est la meilleure façon de lutter dans la durée contre la pauvreté.

Enfin, sachez que nous encourageons tous les financements innovants. La France est pionnière en la matière avec la taxe sur les billets d’avion destinée à lutter contre le sida, qui constitue une initiative particulièrement efficace.

Vous le voyez, madame la sénatrice, à l'échelle mondiale ou européenne, dans un cadre multilatéral ou bilatéral, la France se trouve au cœur de cette action. Nous sommes persuadés que le rééquilibrage Nord-Sud correspond à l’intérêt général et qu’il sera favorable à l’Afrique comme à la France.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État !

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. De toute façon, les enjeux sont tels que nous avons le devoir d’agir. La raison nous y incite, mais aussi le cœur, ce qui est plus enthousiasmant ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Un sénateur de l’UMP. Ça, c’est clair !

protection de l'enfance

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Ma question s'adressait à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.

À l'occasion de l’examen de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », je l’ai interrogée sur la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

Elle nous a alors annoncé la publication d’un deuxième décret relatif à la création des observatoires départementaux de la protection de l’enfance, ce dont je me réjouis, qui sera prochainement suivi d’un troisième décret, concernant la formation des intervenants. Toutefois, ces textes ne suffisent pas !

Mes interrogations portaient également sur le financement de cette réforme, et je regrette le silence de Mme la secrétaire d'État à ce sujet.

En effet, l’article 27 de la loi que j’ai citée prévoit de créer un Fonds national de financement de la protection de l’enfance. Or, à ce jour, le décret instituant ce dispositif n’a pas été publié et les fonds y afférents n’ont pas été mis en place. Pour mémoire, le montant des seules mesures nouvelles était évalué à 150 millions d'euros.

Aujourd'hui, et pour 2009, le soutien apporté par l’État à la protection de l’enfance en danger est marginal puisqu’il ne représente que 6 millions d'euros.

Certes, la prévention et la lutte contre la maltraitance des enfants relèvent principalement de la responsabilité des départements, qui assument l’essentiel de la dépense correspondante. Toutefois, le Fonds doit compenser l’ensemble des mesures nouvelles mises à leur charge.

Il ne suffit pas de légiférer ! Le Gouvernement doit publier les décrets d’application et inscrire dans le budget de l’État les financements nécessaires. Sinon, c’est la loi elle-même qui est compromise, et nous tombons dans des situations qui ne sont plus compréhensibles pour nos concitoyens et qui discréditent le pouvoir législatif en particulier et le politique en général.

M. Dominique Braye. La question !

Mme Claire-Lise Campion. Ainsi, vous l’avez compris, je regrette l’absence de publication du décret portant création du Fonds, mais je m’interroge surtout sur la volonté du Gouvernement en la matière. (Marques d’impatience sur les travées de lUMP.)

En effet, un projet a été soumis au Comité des finances locales, qui a rendu un avis le 5 février dernier, voilà donc maintenant dix mois. Pourquoi tant de retard ? De plus, 30 millions d'euros prélevés sur la Caisse nationale des allocations familiales devaient être affectés au Fonds national de financement de la protection de l’enfance en 2007.

M. le président. Votre question...

Mme Claire-Lise Campion. Mais, puisque le Gouvernement n’a pas publié le décret d’application, ces 30 millions d’euros ont été répartis autrement en 2008 !

Perte de temps, perte d’argent ! Or, mes chers collègues, derrière ces chiffres et ces textes, il y a des enfants en danger, des enfants en souffrance. (La question ! sur les travées de lUMP.)

L’État n’a été au rendez-vous ni en 2007 ni en 2008, et il n’y sera pas davantage en 2009. Qu’en sera-t-il de 2010 ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

MM. Guy Fischer et Simon Sutour. M. le secrétaire général de l’UMP !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous vous souvenez toutes et tous dans quel esprit et de quelle manière a été votée la loi du 5 mars 2007 : cette loi réformant la protection de l’enfance a été votée à l’unanimité.

M. Guy Fischer. Raison de plus pour l’appliquer !

M. David Assouline. Oui, appliquez-la !

M. Xavier Bertrand, ministre. Sur un sujet comme celui-là, nous avons donc su nous rassembler.

Je voudrais aussi vous dire que j’ai bien compris que vous faisiez preuve, sur toutes les travées de cet hémicycle, d’une grande vigilance sur la manière dont est appliqué ce texte.

Il reste, en effet, deux décrets à publier. Ils font actuellement l’objet d’arbitrages interministériels. L’un est relatif au Fonds national de financement de la protection de l’enfance, l’autre à la médecine scolaire.

Vous n’avez pas dit, en revanche, madame Campion, que deux décrets étaient en cours de publication : celui qui est relatif à la transmission des données entre les observatoires départementaux et l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED, et celui qui est relatif à la formation de tous les professionnels travaillant avec des enfants.

Mme Claire-Lise Campion. Mais je l’ai dit !

M. Jean-Pierre Bel. Il faut écouter ce qu’on vous dit, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce dernier décret a fait l’objet de travaux conjoints entre six ministères. Nous voulons vérifier que les décrets d’application correspondront bien aux réalités et aux besoins sur le terrain. (Mme Michèle André et M. Serge Lagauche manifestent leur scepticisme.)

Sur chacun de ces textes, a eu lieu un travail de concertation important avec les conseils généraux, les services de l’État, mais aussi les associations.

Nadine Morano vous a confirmé sa grande vigilance quant à l’application de l’ensemble de ces textes.

Cela étant, même si la loi du 5 mars 2007 attend encore la publication de deux décrets, elle est globalement d’application immédiate.

Mme Claire-Lise Campion. Oui, pour l’essentiel.

M. Xavier Bertrand, ministre. En ce qui concerne l’État, il est au rendez-vous des engagements pris, à travers la mise en œuvre des dispositifs relevant de sa compétence. Je pense notamment au financement des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, que vous connaissez, mais aussi au groupement d’intérêt public « Enfance en danger », qui traite entre autres les appels au 119, le service national d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée. Celui-ci nous fournit d’ailleurs, en plus de sa mission, une réelle expertise sur l’évolution des pratiques en matière de protection de l’enfance.

Enfin, le ministère de l’éducation nationale est totalement mobilisé sur ce sujet. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Oh là là !

M. Charles Gautier. Ce n’est pas rassurant…

M. Xavier Bertrand, ministre. Bref, le Fonds national de financement de la protection de l’enfance n’est pas le seul instrument d’intervention en la matière.

En tout cas, la loi du 5 mars 2007, votée à l’unanimité, sera bien appliquée, et ce pour une raison simple et évidente : vous le savez bien, peu de choses sont aussi importantes que la protection de nos enfants. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

10

Fait personnel

M. le président. En application de l’article 36, alinéa 3, du règlement, bien que ce ne soit pas la fin de la séance, et donc à titre exceptionnel, je donne la parole à M. Jean Arthuis, pour un fait personnel.

M. Jean Arthuis. Je voudrais réagir à l’intervention de Mme Terrade qui a tenté, il y a quelques minutes, d’accréditer l’idée selon laquelle nous aurions, lundi après-midi, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2009, sur les articles non rattachés de la seconde partie, voulu supprimer l’ISF.

Je souhaiterais que, lorsque vous évoquez ce sujet, madame Terrade, vous n’omettiez jamais de préciser que notre première préoccupation était d’abroger le bouclier fiscal, car nous considérons que son application est injuste, et que, corrélativement, nous proposions en effet de supprimer l’ISF,…

M. Dominique Braye. Eh oui ! Il faut être objectif !

M. Jean Arthuis. … mais aussi, afin de compenser la perte de ressources résultant de cette suppression, d’instituer une cinquième tranche dans le barème de l’impôt sur le revenu. Il s’agissait d’un triptyque dont chacun des volets était indissociable des deux autres. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Guy Fischer. Mais votre premier amendement portait sur l’ISF !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

11

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour un rappel au règlement.

Mme Odette Terrade. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36, alinéa 3, de celui-ci.

Tout à l’heure, à l’issue des questions d’actualité au Gouvernement, M. le président du Sénat, qui dirigeait nos travaux, a autorisé M. Jean Arthuis à intervenir au sujet d’une question que j’avais posée au Gouvernement.

C’est là une première dans cet hémicycle : pour autant que je me souvienne, jamais, depuis que je suis sénatrice, je n’ai vu un sénateur intervenir ainsi alors que la séance de questions d’actualité est achevée et que l’orateur mis en cause ne peut plus répondre.

J’ai en main l’amendement n° II-309, visant à insérer un article additionnel avant l’article 42 du projet de loi de finances pour 2009, présenté par M. Arthuis et les membres du groupe Union centriste, dont l’objet débute ainsi : « Le présent amendement prévoit l’abrogation de l’impôt de solidarité sur la fortune à compter de la campagne 2010. En conséquence, le bouclier fiscal serait supprimé. »

M. Arthuis avait également présenté un amendement n° II-387, de « même inspiration » que celui que je viens d’évoquer.

Selon le compte rendu intégral de la séance du lundi 8 décembre dernier, il expliquait : « Par ces deux amendements, nous vous proposons un dispositif en trois volets, dont le premier est l’abrogation du bouclier fiscal. Puisque celui-ci constitue la tentative de rectification des excès de l’ISF, nous proposons également – c’est le deuxième volet – d’abroger l’impôt de solidarité sur la fortune. »

M. Jean-Jacques Hyest. C’est exactement ce que M. Arthuis a expliqué tout à l'heure !

Mme Odette Terrade. Je tenais donc à rectifier les propos de M. Jean Arthuis et à faire figurer dans le procès-verbal que, tout à l’heure, notre groupe, en posant sa question, n’a pas manqué à la vérité.

M. Guy Fischer. Absolument !

M. Jean-Pierre Fourcade. Vous occultez le troisième volet du dispositif, celui qui porte augmentation de l’impôt pour les revenus les plus élevés ! Lisez jusqu’au bout !

Mme Odette Terrade. Je peux encore le faire !

Mme la présidente. Madame Terrade, je vous donne acte de votre rappel au règlement, que vous aviez parfaitement le droit de faire.

12

Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés

Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d'urgence

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution et du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence.

La discussion générale commune de ces deux projets de loi a été close.

Conformément aux indications de M. le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, nous allons examiner d’abord le projet de loi organique, puis le projet de loi ordinaire.

Le vote sur l’ensemble du projet de loi organique sera toutefois réservé afin que le vote sur l’ensemble du projet de loi ordinaire intervienne en premier.

projet de loi organique

Exception d’irrecevabilité

 
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Question préalable

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, d'une motion n° 12.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant application de l'article 25 de la Constitution (n° 105, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la motion.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où s’instaure une réflexion en profondeur sur la réforme du règlement du Sénat et sur les moyens de valoriser les droits de l’opposition, nous voici donc réunis pour débattre d’un projet de loi organique tendant à transposer les règles issues de la révision constitutionnelle du 23 juillet dernier, dont nous savons tous, néanmoins, qu’il sera adopté conforme.

En effet, ce texte ne sera pas modifié. Il nous arrive verrouillé, prêt à être voté sans modification, afin de servir la volonté du Président de la République d’opérer au plus vite un remaniement ministériel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Non ! C’est la Constitution !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Voici donc le premier geste issu de cette révision constitutionnelle : réduire le Sénat à n’être qu’une chambre d’enregistrement de la volonté gouvernementale.

Nous aurions souhaité discuter d’abord de ce qui nous anime tous, et non pas adopter, dans l’urgence, une disposition circonstancielle, propre à contenter quelques ministres en place.

Soyons honnêtes : l’objet de ce projet de loi organique est bien, en effet, d’organiser le retour automatique au Parlement des ministres actuellement en place.

Permettez-moi de revenir un instant sur les circonstances qui ont amené le Sénat à adopter cette disposition et, surtout, sur son caractère rétroactif.

Vous me direz que cette dernière question est aujourd’hui réglée par le paragraphe III de l’article 46 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.

D’ailleurs, toute tentative de limiter l’application de cette loi dans le temps serait vaine puisque le Gouvernement a fait en sorte que l’injustice engendrée par cette réforme soit gravée dans le marbre de la Constitution.

Nous avions farouchement combattu l’application rétroactive de cette disposition, et il me semble que nous avions acquis à notre cause la commission des lois du Sénat : ses membres étaient, dans leur grande majorité, favorables à notre amendement qui tendait à limiter l’application du dispositif aux ministres acceptant des fonctions gouvernementales après l’entrée en vigueur de la présente loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai, mais ce n’est pas la Constitution !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cette proposition, conforme au principe de non-rétroactivité, a tout simplement été rejetée en séance plénière par la majorité sénatoriale, sous la pression du Gouvernement, qui voulait assurer un « parachute doré » aux ministres en place.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’est pas doré du tout !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous condamnez les parachutes, mesdames, messieurs de la majorité, sauf quand ils sont offerts à un membre du Gouvernement !

Aujourd’hui, siègent dans l’une ou l’autre chambre des personnes qui ont accepté de remplacer un parlementaire entré au Gouvernement en ayant, à ce moment-là, la certitude de siéger jusqu’au renouvellement suivant. Ces personnes ont fait ce choix en ayant à l’esprit ce paramètre important : le caractère définitif du remplacement.

Comme d’autres collègues, siégeant sur nos travées ou sur d’autres, l’ont déjà dit, ces « remplaçants » ont quelquefois abandonné des mandats locaux, pour se conformer à la loi, ou démissionné de leur poste ou de leur emploi. Ils ont embauché des salariés pour remplir la mission qui leur a été confiée. Ils ont pris cette décision dans un cadre juridique connu.

Que doit-on leur dire aujourd’hui ? Que les conditions qui ont prévalu à cette époque ne sont plus les mêmes ? Que le droit a changé, pour l’avenir comme pour le passé ?

Permettez-moi de vous faire remarquer qu’il s’agit non pas d’une application immédiate, mais bien d’une application rétroactive.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Appelons un chat, un chat !

« Une loi est immédiatement applicable si elle s’applique pour les situations juridiques qui naîtront dans l’avenir immédiat. »

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce n’est pas la loi, c’est la Constitution !

Mme Alima Boumediene-Thiery. « Elle est rétroactive si elle revient sur les effets passés d’une situation juridiquement constituée, notamment sur des droits acquis. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’y a pas de droits acquis dans ce domaine !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce n’est pas la même chose ! Il ne faudrait pas oublier certains des principes qui régissent notre droit !

II en est ainsi pour les ministres déjà entrés au Gouvernement, qui ne disposaient pas, dans le droit en vigueur à l’époque, de leur parachute et qui vont, grâce au présent texte, en bénéficier.

En effet, il s’appliquera non pas seulement pour une future entrée dans un gouvernement, mais bien pour une entrée qui a déjà eu lieu : il y a donc bien rétroactivité !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela a été tranché !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ainsi, après l’adoption de ce projet de loi organique, les parlementaires qui accepteront un poste au Gouvernement pourront retrouver leur siège mais, dès à présent, ceux qui ont accepté une telle mission avant l’entrée en vigueur de cette loi pourront également retrouver leur siège, de manière rétroactive.

J’ai tendance à penser que cette confusion, qui me semble entretenue volontairement, entre application immédiate et application rétroactive permet au Gouvernement de masquer la réalité de l’injustice qu’il nous demande aujourd’hui d’avaliser.

Il s’agit là d’une démarche qui n’est pas nouvelle de sa part : Mme la garde des sceaux avait déjà utilisé, lors de l’examen du projet de loi sur la rétention de sûreté, le même stratagème pour nous faire avaler ce qui n’était rien d’autre qu’une rétroactivité du dispositif. Le Conseil constitutionnel n’avait d’ailleurs pas manqué de sanctionner cette interprétation.

J’en reviens aux parlementaires victimes de ce retour automatique.

Ces personnes, qui jouissent aujourd'hui d’un droit acquis, en seront désormais dépossédées, non pas pour une raison d’intérêt général, mais simplement pour contenter ceux qu’ils ont remplacés.

Je le répète : il s’agit là d’une disposition injuste, et cette injustice est institutionnalisée.

Concernant le principe même du retour automatique des ministres, plusieurs commentaires s’imposent.

Il est censé éviter le recours à une élection partielle pour le remplacement définitif d’un parlementaire ayant accepté des fonctions ministérielles. En d’autres termes, ce dispositif prive les citoyens du choix de leurs représentants, en organisant un jeu de chaises musicales.

De plus, la possibilité offerte à un ministre de retrouver son siège sans repasser devant les électeurs est en complète contradiction avec le principe de solidarité gouvernementale. En effet, les ministres disposant d’un parachute permanent, impossible à remettre en cause, les mettant totalement à l’abri des aléas de la vie politique, il leur sera à tout moment loisible de se désolidariser de l’action gouvernementale.

Autrement dit, cette assurance de trouver une porte de sortie nuit à la cohésion gouvernementale. Mais elle constitue également un handicap sérieux à l’exercice du mandat parlementaire.

En effet, le parlementaire amené à remplacer temporairement un ministre ne peut s’engager dans son mandat avec la sérénité nécessaire. À tout moment, il peut perdre son siège : son sort est à la merci du bon vouloir du ministre – sinon de celui du Président de la République –, le ministre pouvant choisir ou non de reprendre son siège. À y réfléchir de plus près, il s’agit d’un cumul masqué de fonctions, l’une exécutive, l’autre législative, en violation du principe de séparation des pouvoirs.

Le deuxième motif d’irrecevabilité concerne le sort réservé aux parlementaires remplaçants.

M. Fauchon a d’ailleurs lui-même évoqué lors de la discussion générale les inquiétudes que cette question inspirait au groupe Union centriste.

Le dispositif ne prévoit rien pour le parlementaire sortant : aucun délai raisonnable pour se retourner ; aucune indemnité compensatoire spécifique ; aucun moyen d’action ; aucune porte de sortie pour ses salariés.

En outre, le délai d’un mois prévu pour le retour du ministre à son siège est trop bref. Pensez-vous qu’un mois suffise pour congédier ses salariés et s’assurer une reconversion ? Qui, dans ces conditions, pourra remplir sa mission avec sérénité ? Quel parlementaire acceptera de s’engager sérieusement compte tenu de cette précarité ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Ceux qui sont fonctionnaires !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous avons eu quelques échanges en commission des lois, et il m’a semblé que des propositions allaient être faites pour limiter les effets d’une telle précarité, notamment en prévoyant dans le règlement une soupape de sécurité pour le remplaçant.

Cela nous semble néanmoins insuffisant.

Les conséquences d’une telle loi organique, dont les effets sont immédiats, n’ont pas été évaluées à leur juste mesure. Pourquoi ne pas avoir prévu, parallèlement, une proposition de résolution visant à garantir au parlementaire intérimaire un parachute – celui-ci serait plus justifié ! – qui lui garantirait que son propre départ se passera dans de bonnes conditions ?

Le dernier motif d’irrecevabilité que j’invoquerai concerne encore les conséquences pratiques de cette loi organique.

Loin de tout prévoir, celle-ci n’envisage pas le cas, très simple, d’un parlementaire remplaçant qui accepterait, lui aussi, un poste au Gouvernement. Prenons l’exemple de notre collègue député Frédéric Lefebvre, suppléant de M. Santini, actuellement secrétaire d’État : que se passerait-il s’il entrait au Gouvernement alors que M. Santini y serait maintenu ? Qui remplacerait M. Lefebvre, puisqu’il n’y a pas de suppléant de suppléant ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il y aura une élection partielle !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Sans doute une élection partielle sera-t-elle organisée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cela me paraît aller de soi !

Cependant, si une élection est organisée et que M. Santini décide de retrouver son siège, pourra-t-il se prévaloir de la Constitution pour estimer que son remplacement est anticonstitutionnel, dans la mesure où son mandat n’est pas arrivé à son terme normal et qu’il peut revendiquer un retour automatique au Parlement ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est peut-être pourquoi M. Lefebvre ne sera pas nommé au Gouvernement ! (Sourires.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cette question n’a rien d’absurde et mérite même que l’on s’y intéresse. Nulle part il n’est dit que, lorsque le suppléant accepte des fonctions gouvernementales, une élection partielle est organisée automatiquement : on se trouve donc devant un vide juridique.

Il ne sert à rien de graver dans le marbre un principe si toutes les conséquences de sa mise en œuvre ne sont pas évaluées.

Pour tous ces motifs, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cette motion tendant à déclarer irrecevable le projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je trouve toujours que, dans la défense des motions et des amendements qu’elle présente, Mme Boumediene-Thiery fait preuve d’une grande ingéniosité. (Mme Alima Boumediene-Thiery sourit.)

Cela étant dit, la commission des lois n’ayant pas eu le temps d’examiner cette motion déposée tardivement, je m’exprimerai ici à titre personnel, mais, bien entendu, tout en tenant compte de l’esprit qui s’est dégagé de ses travaux.

Une exception d’irrecevabilité se justifie pleinement lorsqu’un projet est contraire à la Constitution ou heurte des principes de valeur constitutionnelle. Or le dispositif essentiel de ce projet de loi organique, à savoir le remplacement temporaire au Parlement des députés et des sénateurs devenus membres du Gouvernement, n’est que l’application du nouvel article 25 de la Constitution.

Par conséquent, il n’y a pas d’irrecevabilité constitutionnelle à prononcer ici. Nous ne faisons effectivement qu’appliquer l’article 25 de la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Même si l’on peut le regretter !

M. Patrice Gélard, rapporteur. On peut en effet le regretter. Il ne faut pas oublier que, lors de la révision constitutionnelle, nous avons débattu de cette question et que nous nous sommes interrogés. En première lecture, nous vous avions suivi, madame Boumediene-Thiery, mais, en seconde lecture, il a fallu faire des concessions à l’Assemblée nationale, et nous n’avons pas obtenu gain de cause à ce propos. Par conséquent, le texte qui a été adopté sur ce point n’était pas celui que nous avions initialement voulu : le principe majoritaire et la volonté de parvenir à un consensus l’ont emporté.

Quoi qu'il en soit, parlementaires et suppléants sauront très bien, à l’avenir, à quoi s’en tenir.

S’agissant de ceux de nos collègues qui remplacent actuellement des ministres au Parlement, nous en avons longuement parlé ce matin. M. Leleux a fait des propositions intéressantes, et il conviendra peut-être de les examiner en profondeur, mais la question du régime futur des suppléants qui perdront leur siège n’a pas sa place dans la loi. C’est à la conférence des présidents et aux questeurs qu’il appartient de régler un problème que l’on pourrait presque assimiler à un conflit de droit du travail, même si, en l’espèce, celui-ci n’est pas en cause.

En revanche, la situation des assistants parlementaires pose, elle, un problème de droit du travail. Vous avez soulevé là une très bonne question. Les assistants parlementaires peuvent être licenciés à tout moment, mais cette situation leur échappe un peu et on ne sait jamais ce qu’il peut se passer avec les assistants parlementaires, par ailleurs beaucoup plus organisés à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Cela dit, encore une fois, il appartient selon moi à la conférence des présidents et aux questeurs de résoudre ces problèmes, si toutefois ils se posent, car nous ne connaissons pas les intentions des quatre ministres qui étaient sénateurs. Désirent-ils rester ministres ? Souhaitent-ils quitter leurs fonctions ? Veulent-ils retrouver leur siège ? Nous ne le savons pas !

Par conséquent, je suis obligé d’émettre un avis défavorable sur cette motion, quelle qu’en soit l’ingéniosité.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement suit l’avis de M. le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Il me paraît intéressant que notre collègue Alima Boumediene-Thiery ait déposé cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

J’ai dit ce matin que, connaissant à la fois le nom de l’assassin et le dénouement du film, nous allions parler pour le Conseil constitutionnel, qui ne s’exprimera pas ici mais sera sans doute attentif à nos travaux.

Mme Boumediene-Thiery soulève de vrais problèmes. Ce qui ressort de la révision constitutionnelle est déjà tranché. Demeure quand même une interrogation forte sur la question de la rétroactivité ainsi que sur cette autre, que notre collègue a également évoquée, relative à l’ambiguïté des statuts : je suis député, je suis nommé ministre, je ne suis plus député, mais je le reste quand même un peu ; je suis suppléant, je deviens député, mais je ne le suis pas vraiment, etc. Tout cela sent l’impréparation et ne vise qu’à accorder le maximum de confort aux ministres en place, avec un effet d’aubaine tout à fait fantastique.

Je trouve un peu facile d’affirmer que les problèmes soulevés par notre collègue Boumediene-Thiery, notamment à propos des parlementaires qui seraient en quelque sorte chassés, licenciés ou démis d’office, doivent être réglés par les questeurs.

Cher collègue Gélard, selon une vieille maxime de droit civil, attribuée, me semble-t-il, au juriste Loisel, « qui fait l’enfant doit le nourrir ». En l’occurrence, je ne sais pas très bien qui est la mère, mais le père de ce projet de loi organique est assurément le Gouvernement ! (Sourires.) C’est donc à lui qu’il revient de prévoir les conséquences de ce qui est tout de même une vilénie à l’égard de nos collègues actuellement en place.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je ne peux, madame la présidente, laisser dire de telles choses.

Comme le relève la motion, c’est la même révision constitutionnelle qui a prévu, dans son article 46,…

M. Bernard Frimat. Au III de l’article 46 !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … que le caractère temporaire du remplacement des parlementaires devenus ministres s’appliquait « aux députés et sénateurs ayant accepté de telles fonctions antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi organique […] si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n’est pas encore expiré ». Les choses ne peuvent pas être plus claires !

Comme M. le rapporteur l’a fait observer, et contrairement à ce qui vient d’être soutenu, il n’y a là aucune rétroactivité. Ce n’est qu’une simple application aux situations en cours, décidée par le Constituant en juillet dernier.

Le projet de loi organique n’a même pas besoin d’un article pour le préciser : cette disposition se suffit à elle-même. Il ne pourrait d’ailleurs en être question qu’en répétant les termes de la révision constitutionnelle.

Les auteurs de la motion affirment que le projet de loi organique ne présente pas de garanties suffisantes, telles des mesures de reconversion ou un dispositif spécifique pour les parlementaires qui ont été appelés à remplacer les membres actuels du Gouvernement. Il n’y a là aucun motif d’inconstitutionnalité, qui justifierait le vote de l’exception d’irrecevabilité, dès lors que la date d’entrée en vigueur du nouveau système a été fixée au niveau constitutionnel lui-même. C’est bien entendu au bureau de chaque assemblée qu’il appartiendra, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires pour tenir compte de la situation particulière dans laquelle pourront se trouver ces parlementaires s’ils devaient céder leur siège à celui ou celle qui leur a permis de l’obtenir. De telles mesures ont d’ailleurs déjà été décidées dans chaque assemblée pour les parlementaires non renouvelés dans leur mandat.

Vous me permettrez tout de même de m’étonner, madame Boumediene-Thiery, monsieur Frimat, sachant quelle est actuellement la situation de beaucoup de nos concitoyens, que l’on puisse parler, à propos de parlementaires, de victimes qui auraient besoin de mesures de reconversion. Ce n’est pas sérieux !

Qu’auriez-vous dit pour les députés siégeant au moment des dissolutions de l’Assemblée nationale, dissolutions qu’ils n’avaient évidemment pas prévues, notamment en 1981 ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Vous l’avez bien voulue, cette dissolution !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En 1997, vous n’y étiez pour rien, mais, en 1981, vous y étiez quand même pour quelque chose !

M. Guy Fischer. Vous avez la mémoire sélective !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Sur tous les points évoqués par la motion, nous ne faisons que mettre en œuvre la loi fondamentale telle qu’elle a été modifiée par la révision constitutionnelle. Le débat a eu lieu lors de l’examen de cette révision et les questions soulevées ont alors été tranchées au niveau constitutionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je voudrais ajouter deux précisions.

Tout d’abord, le principe de non-rétroactivité ne peut être invoqué à l’encontre d’une disposition de valeur constitutionnelle : la Constitution s’impose à nous tous et, lorsqu’elle change, la règle du jeu est modifiée pour tout le monde.

Ensuite, je constate que le débat que M. Frimat appelait de ses vœux au cours de son intervention de ce matin a bien lieu. Nous discutons bien de tous les problèmes soulevés lors du vote de la révision constitutionnelle, mais aussi des questions des députés représentant les Français de l’étranger, des députés représentant l’outre-mer et des différents problèmes liés à ces questions. Je suis heureux que ce débat ait lieu maintenant. Ainsi, le Conseil constitutionnel et, le cas échéant, le Conseil d’État pourront s’appuyer sur nos travaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je soutiendrai la motion de ma collègue Mme Boumediene-Thiery, car elle soulève deux problèmes que j’ai évoqués lors de la discussion générale et qui me semblent effectivement faire obstacle à l’adoption de ce texte : la rétroactivité – quoi qu’en dise la droite ! – et le statut de l’élu.

Depuis très longtemps, au sein de tous les groupes politiques, y compris à droite, le statut de l’élu fait l’objet d’un débat. En effet, nous étions tous convaincus qu’il était nécessaire de mettre en place un véritable statut de l’élu. Il s’agit d’une demande forte, qu’il conviendrait enfin de satisfaire, par exemple au cours de l’année à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le problème n’est pas de savoir si ce texte est irrecevable d’un point de vue constitutionnel.

En réalité, ce projet de loi souffre d’un certain nombre de vices inacceptables à mes yeux, en particulier son absence de cohérence.

Je prendrai un exemple tout à fait éclairant

De 1880 à 2000, le département que je représente s’est régulièrement dépeuplé. Depuis l’an 2000, il a gagné 10 000 habitants.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On en tient compte !

M. François Fortassin. En 1986, ce qui n’est pas si ancien, le nombre de nos députés est passé, du fait de la proportionnelle, de deux à trois. Lorsque la droite est revenue au pouvoir, elle a considéré qu’il fallait rétablir le scrutin majoritaire. Mais le fait que nous ayons trois députés a été en quelque sorte entériné et nous les avons conservés. Comment, dans ces conditions, expliquer aujourd’hui sur le terrain que le département va perdre un député alors que la population a augmenté ? Après tout, 1986 n’est pas si loin !

J’ajoute que vous allez fabriquer des députés et des sénateurs de seconde zone.

M. Jean-Pierre Fourcade. Disons « au rabais » ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. François Fortassin. Une fois désignés comme suppléants, ils deviendront députés ou sénateurs lorsque le titulaire du siège sera nommé ministre. Mais ils ne sauront pas pendant combien de temps ils seront appelés à siéger ! Un mois ? Six mois ? Un an ? Deux ans ? Etc.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est la Constitution !

M. François Fortassin. Quel peut-être l’état d’esprit de ces suppléants, qui seront en quelque sorte des travailleurs temporaires, ne bénéficiant de surcroît d’aucune garantie quant au temps d’embauche ! (Murmures d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

MM. Jean-Pierre Michel et Guy Fischer. Ce seront des CDD ! (Sourires sur les mêmes travées.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Et même plutôt des intérimaires !

M. François Fortassin. Effectivement, et c’est inacceptable !

Par ailleurs, comme je l’ai dit ce matin, ce débat est totalement dénué de sens puisque vous nous avez annoncé que, quoi que nous fassions, vous voteriez le texte conforme !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous n’avons pas dit ça !

M. François Fortassin. Que l’on adopte une telle attitude par courtoisie républicaine, c’est une chose, mais qu’on l’annonce d’emblée, cela revient à considérer que la Haute Assemblée ne sert à rien ! Cela aussi est inacceptable !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous n’avons pas dit ça ! C’est ça qui est inacceptable !

M. François Fortassin. Pour ma part, je ne participerai pas à cette mascarade. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, chaque fois que nous vous avons interrogé, vos réponses ont été pour le moins embarrassées.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non ! Elles étaient très complètes !

M. François Fortassin. Cet embarras est tellement manifeste, monsieur le rapporteur, que vous vous croyez obligé de voler au secours de M. le secrétaire d’État ! (Sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il n’a pas besoin de moi !

M. François Fortassin. Alors, n’intervenez pas !

Le fond du problème est que ce débat, qui intéresse les Français, est totalement faussé.

Quant à cette commission censément indépendante, dès lors que son président est choisi par le Président de la République, son indépendance est toute relative !

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. François Fortassin. Cette instance « indépendante » sera en fait complètement sous tutelle ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je remercie M. Fortassin de poursuivre la discussion générale !

Nous examinons une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi organique, texte que vous avez tout à fait le droit de critiquer, monsieur Fortassin. Mais à partir du moment où la Constitution a été modifiée, nous ne faisons qu’appliquer les nouvelles dispositions constitutionnelles.

Vous pouvez répéter que, comme cela avait été proposé sur de nombreuses travées, ...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Y compris à l’UMP !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ... les ministres ne doivent pas revenir au Parlement. J’ai souvent entendu dire, en effet, qu’il était normal que les ministres élus députés soient remplacés, une fois qu’ils ont été nommés au Gouvernement, par leur suppléant. Les termes corrects pour désigner ce suppléant sont d’ailleurs : « remplaçant éventuel ».

Le Sénat s’est simplement interrogé sur l’opportunité d’appliquer cette disposition aux ministres actuellement en poste, au motif que les suppléants qui siègent n’ont pas accepté cette charge de remplaçant d’un député ou d’un sénateur dans la perspective d’un départ prématuré.

Mais le Constituant a tranché. Pour ma part, j’aime bien les exceptions. Votre raisonnement est subtil et ingénieux, mais il ne tient pas !

Monsieur Fortassin, votre intervention était, comme d’habitude, remarquable et pleine de bon sens…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … mais la discussion générale est close !

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 12, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 57 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 324
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l’adoption 138
Contre 186

Le Sénat n’a pas adopté.

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d’une motion n° 13, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant application de l'article 25 de la Constitution (n° 105, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.

M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la motion que je défends porte à la fois sur le projet de loi organique et sur le projet de loi ordinaire, les deux étant étroitement liés. Et comme cette motion tend à opposer la question préalable, je soulèverai une interrogation préalable relative au rôle du Parlement.

La révision constitutionnelle que nous avons combattue, et que vous avez fait voter à l’arraché, à une voix près, a été présentée à l’époque par le Gouvernement comme un « très grand progrès » pour la revalorisation du rôle du Parlement. Or, dès qu’il s’agit de la mettre en œuvre, le Gouvernement montre ce qu’il en est réellement.

Le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire dont nous débattons aujourd’hui ont été déclarés d’urgence et prévoient le recours aux ordonnances sur des dispositions ayant précisément trait au fonctionnement du Parlement.

Bel exemple de revalorisation du rôle du Parlement !

Un projet de loi organique portant sur « les pouvoirs, les droits du Parlement et les nouveaux modes de travail entre le Gouvernement et le Parlement » a été présenté hier en conseil des ministres, alors que les groupes de travail qui se réunissent à l’Assemblée nationale et au Sénat sur cette question depuis la rentrée n’ont même pas achevé leur travail de réflexion ! Le président Larcher nous a annoncé que les travaux de notre commission devraient être terminés pour le 14 janvier. (M. le président de la commission des lois le conteste.)

L’Élysée n’a pas jugé utile d’attendre la fin de ces travaux, alors que ce projet prévoit très concrètement de limiter le droit d’amendement des parlementaires. Encore un bel exemple de revalorisation du Parlement !

J’en viens aux textes examinés aujourd’hui. Pour être de « circonstance », ils n’en sont pas moins particulièrement inquiétants. Le projet de loi organique a principalement pour objet de garantir aux membres du Gouvernement qui étaient députés ou sénateurs leur retour automatique à l’Assemblée nationale ou au Sénat après cessation de leurs fonctions gouvernementales.

C’est au nom de l’efficacité que le Gouvernement défend ce système. Aujourd'hui, les parlementaires nommés au Gouvernement sont remplacés par leurs suppléants et, dans l’éventualité où cessent leurs fonctions gouvernementales, ils doivent revenir devant leurs électeurs pour retourner siéger dans leur assemblée d’origine. Je ne vois dans cette procédure que respect vis-à-vis des électeurs, lesquels, par l’exercice de la démocratie, peuvent porter un jugement sur l’action de leur parlementaire devenu ministre.

Votre proposition traduit donc une défiance inopportune à l’égard des électeurs.

Par ailleurs, les électeurs, lors des élections législatives, votent en toute connaissance de cause pour un député et son suppléant. Ils savent que, si leur député démissionne ou devient membre du Gouvernement, c’est son suppléant qui siégera à sa place.

Au-delà de l’atteinte à ce principe démocratique, la nouvelle disposition consacre la présence autour du Président de la République, non pas d’un gouvernement, mais d’un « super-cabinet » composé de ministres sur lesquels il aura tout pouvoir et dont il pourra disposer à sa guise : soit au Gouvernement, dont il est le chef, soit dans la majorité parlementaire, dont il est aussi le chef, soit au parti UMP, dont il est encore le chef.

M. Pierre Fauchon. Et c’est très bien !

M. Guy Fischer. Quel est, dans le système proposé, le sens de la responsabilité du Gouvernement ? Les ministres « renversés » retrouveront-ils automatiquement leur siège de parlementaire ? À notre avis, la motion de censure perd également tout son sens. Elle perd son caractère de sanction d’une politique menée par un gouvernement issu d’une majorité.

Ainsi, les électeurs n’auront pas les moyens de contrôler et de sanctionner l’action du Gouvernement, ce qui est pourtant l’un des fondements de notre démocratie.

Votre réforme pose un autre problème. Elle revient, en fait, au cumul entre une fonction gouvernementale et un mandat parlementaire. Elle est ainsi en totale contradiction avec l’article 23 de la Constitution, qui prévoit précisément l’interdiction du cumul d’une fonction gouvernementale et d’un mandat parlementaire.

En effet, le suppléant, par définition éphémère, sera le représentant direct du parlementaire devenu ministre et appelé à revenir au Parlement dès lors qu’il ne sera plus ministre. Il continuera donc d’être parlementaire pendant qu’il occupera ses fonctions gouvernementales.

Bref, si le projet de loi organique présente l’avantage de l’efficacité, c’est uniquement en faveur de l’hégémonie présidentielle. Le Président de la République aura, à portée de main, des ministres collaborateurs, irresponsables devant le Parlement et les électeurs.

Le petit chassé-croisé de ministres et dirigeants de l’UMP auquel nous assistons aujourd’hui nous conforte dans notre critique. L’expérience nous a prouvé que la démocratie était certes difficile, mais indispensable.

J’ajoute que vouloir appliquer ces dispositions au suppléant devenu député ou sénateur à la faveur de la formation du gouvernement actuel, autrement dit en cours de mandat, n’est pas acceptable. Ils sont parlementaires à part entière en vertu des dispositions en vigueur jusqu’ici. Ils ne pourraient plus l’être que s’ils démissionnaient et si les ministres concernés retournaient devant les électeurs.

J’en viens maintenant au projet de loi ordinaire, qui prévoit la mise en place de la commission chargée de rendre un avis public sur les projets de textes délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. Il prévoit également d’habiliter le Gouvernement à procéder au redécoupage des circonscriptions électorales par ordonnance.

En réalité, admettez-le, cette commission n’a d’autre raison d’exister que de servir de caution au prochain redécoupage des circonscriptions électorales qui, quoique vous en disiez et quel que soit l’avis de cette commission, sera fait sur mesure ! Peut-être ce redécoupage des circonscriptions interviendra-t-il à un moment où votre réforme des collectivités locales se mettra, elle aussi, en place. Auriez-vous un autre dessein, celui d’avoir des collectivités taillées sur mesure ?

Je trouve cavalier de la part du Gouvernement de nous présenter en même temps, dans le projet de loi ordinaire, un article 1er qui prévoit l’organisation et le fonctionnement de la commission théoriquement saisie des projets de loi et ordonnances relatifs aux circonscriptions électorales et, immédiatement après, un article 2 d’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions de mise à jour de la délimitation des circonscriptions électorales.

C’est cette précipitation qui vous a sans aucun doute conduit, monsieur le secrétaire d'État, à prévoir que la commission devrait être saisie également des projets d’ordonnance. Cela révèle à quel point l’arbitrage sur le prochain découpage des circonscriptions électorales est déjà rendu !

Tout cela est bien hypocrite puisque, le 12 septembre, vous révéliez, monsieur le secrétaire d’État, dans un article paru dans Libération, qu’au total une dizaine de circonscriptions devraient disparaître, dont deux à Paris, deux dans le Nord et le Pas-de-Calais, une dans l’Allier, en Corrèze, la Seine-Maritime et dans le Tarn, entre autres...

Je n’insisterai pas plus sur cette commission, ma collègue Josiane Mathon-Poinat en ayant relevé tous les travers dans la discussion générale.

S’agissant du recours à l’article 38 de la Constitution, vous le savez, le groupe CRC-SPG est historiquement hostile à l’utilisation des ordonnances puisqu’elles permettent au Gouvernement de dessaisir le Parlement de son pouvoir législatif.

Si nous y sommes aussi hostiles, c’est parce que nous considérons que le recours aux ordonnances traduit un profond mépris de l’institution parlementaire. Rappelons-le, cette pratique vise à signer un chèque en blanc au Gouvernement qui, en dehors de toute confrontation pluraliste des différentes propositions, décidera seul du contenu des réformes envisagées.

Et c’est d’autant plus inquiétant que la commission chargée de donner son avis, qui n’est qu’un avis simple, ne sera pas indépendante et, en raison de sa composition, ne garantira en aucun cas le pluralisme.

La banalisation du recours aux ordonnances est dangereuse. Aujourd’hui, le Gouvernement est maître de l’ordre du jour, il dispose de la majorité dans les deux chambres : aucune raison ne justifie le recours aux ordonnances, qui doit, théoriquement, correspondre à une situation d’urgence. Or les prochaines élections législatives n’auront lieu, sauf si le Président de la République en décide autrement, qu’en 2012.

Certes, le redécoupage des circonscriptions électorales est nécessaire : le Conseil constitutionnel l’a rappelé à la suite des élections législatives de 2002, cette recommandation ayant été renouvelée en 2005 et en 2007. Nous avons nous-mêmes souhaité un redécoupage, mais sur des bases démocratiques bien établies par le débat parlementaire.

Par ailleurs, le fait d’avoir inscrit ad vitam aeternam dans la Constitution le nombre de 577 députés, ce contre quoi nous nous sommes prononcés, n’autorise plus aucune souplesse dans l’ajustement du nombre de députés par habitant.

À cela vient s’ajouter la création de sièges de députés élus par les Français de l’étranger. Or la création de ces sièges doit s’insérer dans le plafond des 577 députés. Étant donné qu’il est question de créer une douzaine de sièges de députés – selon M. le secrétaire d’État, ce serait plutôt de sept à neuf –d’autres circonscriptions devront être privées d’un nombre équivalent de sièges.

Enfin, le Gouvernement propose de reprendre les critères traditionnels pour arrêter la nouvelle répartition des sièges de députés, à commencer par la règle assurant à tout département un minimum de deux députés.

Le deuxième critère que le Gouvernement entend conserver est celui de l’attribution automatique d’un siège supplémentaire par tranche de population, désormais fixée à 125 000 habitants. Or cette dernière règle conduira à avoir au plus un député pour 125 000 habitants, contre un pour 108 000 actuellement.

À l’inverse, quelques circonscriptions ultramarines bien définies compteront un nombre beaucoup moins important d’électeurs.

La question de la représentation ne ferait certainement pas l’objet d’aussi vives critiques si le Gouvernement avait accueilli favorablement notre proposition d’élire les députés au scrutin proportionnel, et non plus au scrutin majoritaire, scrutin par ailleurs responsable de la bipolarisation du paysage politique de notre pays.

Ces dispositions vont, hélas, à l’encontre de l’aspiration populaire d’un rapprochement entre les élus et les citoyens.

Pour ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, contre la motion.

M. Pierre Fauchon. Je suis, en effet, contre cette motion, et même archi-contre !

J’ai déjà expliqué que je n’étais nullement choqué par cette mesure. L’évolution vers un régime de type présidentiel me paraît aller dans le sens de la clarification de la démocratie, d’une bonne répartition des responsabilités dans la séparation des pouvoirs telle que Montesquieu nous l’a enseignée et d’une meilleure efficacité de l’appareil public.

Une fois de plus, vous voulez à tout prix sacraliser les ministres ! Je l’ai dit et répété, je crois que cela n’a pas de sens dans le contexte actuel et que c’est même profondément faux.

Je vous invite à réfléchir à la signification du mot « ministre ». Comme je ne veux pas être pris pour un donneur de leçon, j’ai pris la précaution de me munir d’un dictionnaire. À la rubrique « Ministre », je lis : « Celui qui est chargé d’une fonction, d’un office, celui qu’on utilise pour l’accomplissement de quelque chose. » Ou encore : « Instrument, serviteur. »

Et voici la citation, qui va vous étonner : «  Voilà quelle est, dans l’État, la raison du Gouvernement, confondu mal à propos avec le souverain, dont il n’est que le ministre.» L’auteur ? Jean-Jacques Rousseau. Ça vous dit quelque chose ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. La motion tendant à opposer la question préalable déposée par nos collègues du groupe CRC-SPG ne m’étonne pas : je m’y attendais.

Comme la commission l’a reçue aujourd’hui, elle n’a pas eu plus le temps de l’examiner, pas plus qu’elle n’avait eu le loisir de se pencher sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. Néanmoins, je vais donner mon avis personnel, mais il reflétera naturellement les travaux de la commission.

Je tiens, monsieur Fischer, à saluer la cohérence de votre groupe qui, après avoir refusé de voter la révision constitutionnelle en juillet dernier, en conteste maintenant les modalités d’application. Le dépôt de la question préalable est une conséquence de ce précédent vote négatif.

Cela étant, il me revient d’expliquer que les textes dont nous débattons aujourd’hui sont nécessaires. On ne peut pas renvoyer indéfiniment à plus tard la discussion de ce projet de loi organique et du projet de loi ordinaire qui lui est étroitement lié.

Quant à la commission indépendante, on ne va pas encore attendre indéfiniment pour la mettre en place puisqu’elle doit donner son avis sur les projets de loi ou d’ordonnance et les propositions de loi délimitant les circonscriptions ! La loi d’habilitation va permettre de légiférer par voie d’ordonnance en vue de délimiter les circonscriptions : celles-ci seront délimitées par l’ordonnance elle-même, laquelle sera soumise à la commission indépendante.

Cette commission est une avancée, car, pour la première fois, une instance indépendante donnera un avis public sur les projets de redécoupage électoral, et M Fauchon a souligné ce matin tout l’intérêt de sa mise en place au regard de la démocratie.

Le mode de désignation des personnalités qualifiées qui y siégeront donnera en plus l’occasion au Parlement, et à l’opposition en particulier, de s’exprimer le cas échéant sur ces personnalités, voire de repousser leur nomination. Il s’agit, là encore, d’une avancée très importante en termes de transparence et d’indépendance.

Enfin, monsieur Fischer, je ne suis pas du tout d’accord avec vous en ce qui concerne les ordonnances.

J’estime au contraire nécessaire d’y recourir pour un travail aussi complexe que le redécoupage électoral. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elles ont déjà été utilisées à cette fin dans le passé.

Par ailleurs, les ordonnances ne constituent pas un dessaisissement du Parlement puisque c’est celui-ci qui vote l’habilitation du Gouvernement. Le Parlement a donc la plénitude du choix d’accorder ou non au Gouvernement le droit de légiférer par voie d’ordonnance.

M. Bernard Frimat. Mais non !

M. Patrice Gélard, rapporteur. J’ajoute qu’en application de notre Constitution révisée les ordonnances seront obligatoirement soumises à ratification, étant précisé qu’il devra s’agir d’une ratification expresse, et non plus d’une ratification tacite ou implicite, comme c’était auparavant le cas.

Nous aurons donc, quoi qu’il arrive, un débat sur la ratification de l’ordonnance, et le vote par lequel ce débat se terminera pourra faire l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel.

Les pouvoirs du Parlement sont donc, au contraire, renforcés par cette procédure dans le cadre de la révision constitutionnelle que nous avons adoptée le 23 juillet dernier.

Enfin, permettez-moi de formuler deux remarques, monsieur Fischer. D’une part, ce n’est pas à une mais à deux voix que la révision constitutionnelle a été adoptée.

M. Alain Gournac. Deux voix !

M. Guy Fischer. D’accord !

M. Patrice Gélard, rapporteur. D’autre part, mais il s’agissait vraisemblablement d’un lapsus, vous avez dit qu’un député démissionnaire était remplacé par son suppléant ; or, en cas de démission d’un député, il y a une élection partielle.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Patrice Gélard, rapporteur. En conclusion, n’oublions pas que l’objet de nos travaux présents est d’appliquer le nouvel article 25 de la Constitution, dont l’article 23 n’est, du même coup, plus opérant dans cette affaire.

Pour toutes ces raisons, je suis amené, à titre personnel, je le répète, à émettre un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

M. Alain Gournac. Tout à fait défavorable !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cette motion s’appuie, en particulier, sur la prétendue absence de garanties d’indépendance de la commission constitutionnelle de contrôle ; c’est un sujet dont nous avons longuement débattu dans la discussion générale.

Monsieur Fischer, comme beaucoup de vos collègues sénateurs et députés, je considère qu’il s’agit au contraire d’une avancée démocratique forte, selon la formule employée par plusieurs députés de gauche lors du débat à l’Assemblée nationale, et d’ailleurs reprise ce matin dans cet hémicycle.

Pour ce qui est du recours aux ordonnances de l’article 38, il n’est pas du tout exclu en matière électorale, ainsi que le Conseil constitutionnel lui-même l’a affirmé précisément en 1986, à l’occasion de l’examen de la précédente loi d’habilitation en la matière, qu’il a alors déclarée conforme à la Constitution.

Plus largement, monsieur Fischer, compte tenu des rappels à l’ordre, pour employer l’expression qui convient, du Conseil constitutionnel sur la nécessité d’actualiser la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions aux évolutions de la démographie en fonction des derniers recensements, nous ne pouvons plus attendre !

Si la question préalable que vous avez défendue était adoptée, que répondriez-vous au Conseil constitutionnel, qui a dit qu’il vous fallait modifier le découpage ?

Si la question préalable était adoptée, que répondriez-vous à notre juridiction suprême, qui vous a demandé de le faire « aussitôt après » les élections législatives de 2007, alors que celles-ci ont eu lieu il y a déjà plus de dix-huit mois ?

Si la question préalable était adoptée, que répondriez-vous au juge constitutionnel, qui a affirmé voilà six mois – ce qui démontre d’ailleurs l’absence de toute précipitation de la part du Gouvernement – qu’il était désormais « impératif » de procéder à ce découpage ?

Si la question préalable était adoptée, que répondriez-vous aux citoyens qui sont de plus en plus nombreux à fonder des recours contre les élections des députés, notamment à l’occasion des élections partielles, sur les disparités démographiques affectant les circonscriptions et sur le non-respect de la Constitution, notamment de son article 3 ?

Vous ne pouvez pas prendre le risque de prolonger une « carence » que le Conseil constitutionnel a déplorée en employant à dessein ce mot dans sa réponse à une de ces requêtes.

Vous ne pouvez donc pas attendre, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que près de dix ans se sont écoulés depuis le dernier recensement, lequel aurait déjà dû vous conduire à intervenir pour procéder à un redécoupage

C’est la raison pour laquelle je demande au Sénat de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Je veux simplement ajouter à ce qu’a dit Pierre Fauchon qu’il y a des parlementaires en mission et qu’un ministre pourrait fort bien être considéré comme un parlementaire en mission dont la durée peut excéder six mois.

M. Bernard Frimat. Est-ce une offre de services ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Nous nous retrouvons dans une grande partie des arguments qui ont été développés par notre collègue Guy Fischer.

Monsieur le secrétaire d'État, s’agissant, premièrement, des problèmes de calendrier et de temps, reconnaissez que les résultats du recensement sont connus depuis relativement longtemps et que nous aurions déjà pu commencer à les exploiter.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Non !

M. Richard Yung. De toute façon, ils seront publics au début de l’année prochaine, c'est-à-dire dans à peine un mois, alors qu’il est prévu que les prochaines élections se tiendront en 2012, donc dans plus de trois ans. Nous avions tout le temps de légiférer en bonne harmonie et dans de bonnes conditions !

La précipitation ne se justifie donc pas, sauf à nourrir quelques idées sur d’autres dispositions de la loi organique, par exemple celles qui concernent ce que l’on appelle les « parachutes dorés »…

Deuxièmement, à écouter M. le rapporteur, les ordonnances d’aujourd'hui n’auraient plus rien à voir avec celle d’hier, d’abord parce que c’est le Parlement qui donne habilitation au Gouvernement, ensuite parce que c’est lui qui les ratifie et qui les ratifie, ô merveilleux progrès, de façon non plus tacite, voire secrète, mais expresse !

Monsieur le secrétaire d'État, nous savons tous ce que cela signifie. L’habilitation, c’est un débat de deux ou trois heures. Quant à la ratification, elle sera expédiée en un quart d’heure !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas forcément !

M. Richard Yung. En réalité, le droit du Parlement à débattre de questions aussi importantes que celle qui nous occupe est vidé de son contenu.

Troisièmement, sans reprendre tout le débat, je dois dire que la commission que nous nous avions en tête devait refléter l’ensemble des parties prenantes de la société civile et donc ne pas être composée seulement de fonctionnaires et de magistrats.

J’ai le plus grand respect pour les magistrats de la Cour des comptes, mais en quoi sont-ils compétents pour les découpages électoraux ?

J’ai le plus grand respect pour les magistrats de la Cour de cassation, mais leur rôle est de dire le droit, ce qui ne leur donne pas de compétences particulières dans le domaine du droit électoral.

Cette réflexion ne s’applique évidemment pas aux conseillers d'État, qui sont des spécialistes, mais nous aurions souhaité que siègent aussi au sein de cette commission des personnalités qualifiées représentant les géographes, les urbanistes, les historiens…

Par ailleurs, la commission à laquelle nous songions aurait elle-même été à l’origine des propositions de redécoupage – propositions qui auraient ensuite été, ou non, ratifiées –, comme en Grande-Bretagne, où c’est, non le Gouvernement, mais une commission indépendante qui est chargée de procéder automatiquement, tous les dix ans, à ce travail et qui fait ensuite des propositions au Parlement, lequel les vote ou non. Alors, nous aurions pu parler d’une commission véritablement indépendante !

Ce sont là trois raisons de voter pour la motion.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 13, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 58 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l’adoption 139
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Alain Gournac. Quelle perte de temps !

Mme Bernadette Dupont. Oui !

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

I. - À la fin de l'intitulé du livre Ier du code électoral, les mots : « des départements » sont supprimés.

II. - L'article L.O. 119 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 119. - Le nombre des députés est de cinq cent soixante-dix-sept. »

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.

M. Bernard Frimat. Si l'article 24 de la Constitution fixe le nombre maximal des membres composant chaque assemblée parlementaire, l'article 25 prévoit qu’une loi organique en détermine le nombre. Ainsi, l'article 1er de ce projet de loi organique précise que l'Assemblée nationale est composée de 577 députés.

Ce qui me choque, ce n’est pas cette disposition, mais les conséquences qu’elle entraîne. En effet, par coordination sont abrogés à l'article 7 plusieurs articles du code électoral relatifs au nombre de députés dans les collectivités d’outre-mer.

Cela crée une distorsion entre les deux assemblées.

En effet, si une loi organique fixe à 577 le nombre de députés, c’est une loi ordinaire qui fixe le nombre de députés d’outre-mer. On peut d’ailleurs supposer que le Gouvernement procédera par voie d’ordonnance.

En revanche, une loi organique est nécessaire pour fixer la répartition des sièges de sénateurs.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Bernard Frimat. En effet, si l'article 24 de la Constitution fixe également le nombre maximal de sénateurs, ce qui ne me semble pas une disposition très heureuse, la répartition des sénateurs est précisée dans une loi organique sous la forme de deux tableaux,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Bernard Frimat. ...l’un consacrant les départements, l’autre, les collectivités d’outre-mer.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Et les Français établis hors de France !

M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement, qui, parfois, a le souci de la cohérence, a-t-il l’intention de prendre une quelconque initiative en la matière ?

Il est d’ailleurs surprenant que ce ne soit pas déjà le cas et que le Gouvernement n’ait pas fait en sorte que les deux assemblées soient régies par des dispositions de même nature, en rendant à la loi organique ce qui appartient à la loi organique et à la loi ordinaire ce qui appartient à la loi ordinaire.

Vous semble-t-il normal que les dispositions ayant trait à l'Assemblée nationale relèvent à la fois de la loi organique et de la loi ordinaire, alors que celles qui concernent le Sénat ne peuvent figurer que dans une loi organique ?

Je m’étonne que le Gouvernement n’ait pas encore cherché à gommer une telle différence et à prévoir un parallélisme des formes s’agissant des deux assemblées.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j’ai évoqué ce sujet ce matin lors de la discussion générale commune : les deux systèmes sont tout à fait cohérents.

L'article 1er du projet de loi organique rédige l'article L.O. 119 du code électoral, qui fixe le nombre total de députés, soit 577. Celui-ci correspond au plafond retenu désormais dans la Constitution, c'est-à-dire à la composition de l'Assemblée nationale depuis 1985.

M. Bernard Frimat. Je suis d’accord avec vous, mais ce n’est pas ma question !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Par conséquent, les dispositions organiques du code électoral précisant le nombre des députés élus respectivement dans les départements et dans les collectivités d'outre-mer sont abrogées. C’est l’objet de l'article 7 du projet de loi organique.

M. Bernard Frimat. Ce n’est toujours pas ma question !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il appartiendra dorénavant à la loi ordinaire d’arrêter le nombre de députés issus de ces circonscriptions.

Il est vrai que, en procédant ainsi, une distorsion est introduite. Il en a été question, mercredi dernier, lors de mon audition par la commission des lois du Sénat.

La fixation du nombre de membres de la Haute Assemblée à 348 résulte de l’addition de plusieurs dispositions établissant, dans le code électoral, le nombre respectif de sénateurs élus dans les départements d'outre-mer et dans chacune des collectivités d’outre-mer ainsi que, dans une loi organique spécifique, le nombre de sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Les deux situations sont donc conformes à la Constitution : l'article 25 renvoie à la loi organique le soin de fixer le nombre des membres de chaque assemblée. Il peut s’agir d’un nombre global ou ce que l’on appelle une somme de contingents.

Toutefois, je répète l’argumentation que j’ai développée ce matin : une harmonisation pourrait intervenir à l’occasion de la recodification du code électoral, qui est d’ailleurs en cours d’élaboration. S’agissant des dispositions organiques relatives au Sénat, toute modification ne se fera, bien entendu, qu’avec l’accord de la Haute Assemblée.

Je pense avoir répondu à votre interrogation concernant l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si les députés acceptent aujourd'hui de déclasser des dispositions organiques, c’est leur problème ! Mais, pour ce qui concerne le Sénat, toutes les dispositions relèvent de la loi organique et aucune modification ne pourra être introduite sans l’autorisation de la Haute Assemblée.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Oui !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas une codification qui le permettrait. Quand bien même celle-ci lui serait soumise, je le dis avec force, le Sénat ne l’accepterait pas ! Il n’y a aucune raison !

S’agissant des collectivités d’outre-mer comme des départements, nous avons fixé des dispositions qui sont de nature organique, car nous trouvons ce système bien meilleur.

C’est parce que le nombre maximal de députés est resté le même depuis 1985 qu’il est aujourd'hui nécessaire de déclasser les dispositions arrêtant le nombre des députés des départements et collectivités d’outre-mer. C’est de là que vient tout le problème.

Lorsque a eu lieu le débat sur la révision constitutionnelle et qu’a été fixé le nombre maximal de députés, nous avions alerté l'Assemblée nationale sur ce problème. Cela a été voté. Les députés doivent en tirer les conséquences.

Le Sénat n’est pas du tout dans la même situation : il n’est pas question pour nous de changer de système sous prétexte que l'Assemblée nationale a changé le sien. Je le rappelle : les dispositions concernant le Sénat relèvent de la loi organique et ne peuvent être modifiées qu’avec son accord.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Nous voterons l'article 1er, qui fixe à 577 le nombre de députés, puisque cela correspond au nombre maximal autorisé.

Pour prolonger cette discussion, puisque nous parlons pour le Conseil constitutionnel, si j’entends bien ce que vient d’avancer M. le président de la commission des lois, je lui fais remarquer que, si d’aventure, une collectivité d’outre-mer supplémentaire était créée, dans la mesure où le Sénat ne peut compter plus de 348 membres,...

M. Patrice Gélard, rapporteur. On a une variable d’ajustement !

M. Bernard Frimat. ...nous serions confrontés au même blocage.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non !

M. Bernard Frimat. Ce sujet m’intéresse beaucoup. C'est la raison pour laquelle je vous ai interrogé, monsieur le secrétaire d'État, même si vous n’avez que partiellement répondu à ma question.

Je souhaite savoir – peut-être le Conseil constitutionnel le dira-t-il – s’il est normal que subsiste de manière pérenne une telle distorsion entre les deux assemblées, puisque l’une fixe la répartition de ses membres à la fois par une loi organique et par une loi ordinaire, et l’autre, par la seule loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et alors ? C’est comme cela !

M. Bernard Frimat. M. le président de la commission des lois vient de démontrer de façon magistrale que fixer un nombre maximal de membres aux assemblées était une erreur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On l’a dit !

M. Bernard Frimat. Je suis content qu’il partage, au moins par la pensée, le vote contre que j’ai émis sur cette mesure lors de l’examen de la révision constitutionnelle.

M. Pierre Fauchon. C’est le principal !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La révision constitutionnelle forme un ensemble !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Article 2

Article additionnel après l'article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles L.O. 479, L.O. 500, L.O. 506 et L.O. 527 du code électoral sont abrogés.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. La loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a créé un siège de député et un siège de sénateur à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, circonscriptions comptant respectivement 8 450 habitants et 29 112 habitants.

Or la pertinence de la création de ces sièges est plus que discutable, tant la nature du corps électoral chargé de les pourvoir est critiquable, et ce d’autant plus que le nombre de 577 députés a été inscrit dans le marbre de la Constitution, nombre qui vient d’être confirmé avec l’adoption de l'article 1er.

Dans ces conditions, quand est créé un poste de député, il faut en récupérer un autre ailleurs, en métropole ou en outre-mer, ce qui peut conduire à des déséquilibres, comme c’est le cas avec Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Lors de la séance du 20 novembre dernier, le rapporteur de l’Assemblée nationale sur ce texte, M. de la Verpillière, a fait adopter un amendement supprimant l’obligation de représentation de chaque collectivité d’outre-mer par un député au minimum.

Les députés ont ainsi exprimé leur refus de l’élection d’un député à Saint-Barthélemy et d’un député à Saint-Martin, contre l’avis du Gouvernement. Immédiatement après, Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, s’est empressé d’indiquer dans un communiqué qu’« il y aura un député pour Saint-Martin et un député pour Saint-Barth ». Le débat n’est donc pas clos, mais pourrait l’être définitivement avec l’adoption de notre amendement.

Le cas des sénateurs de ces deux collectivités d’outre-mer est lui aussi symptomatique.

Le conseil territorial de Saint-Barthélemy comprend dix-neuf membres. Or le sénateur de Saint-Barthélemy sera élu par un collège électoral composé du député et des membres du conseil territorial, soit vingt personnes. En d’autres termes, il lui suffit d’obtenir seulement onze voix pour être élu.

À Saint-Martin, la situation est sensiblement identique. Le sénateur est lui aussi élu par un collège électoral, composé du député de Saint-Martin et des vingt-trois membres qui forment le conseil territorial, soit vingt-quatre personnes.

Cette situation est plus qu’anormale et, dans ces conditions, Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne peuvent être considérées comme des collectivités comme les autres.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons d’adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission a examiné la version initiale de cet amendement, qui ne visait que la création d’un siège de député à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

Cet amendement était alors formellement satisfait par l’article 7 du projet de loi organique, qui supprime tous les articles organiques du code électoral fixant le nombre de députés des collectivités d’outre-mer, pour que celui-ci soit désormais fixé par la loi ordinaire.

M. Bernard Frimat. C’est facile !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Dans sa version rectifiée, cet amendement tend à abroger les articles L.O. 500 et L.O. 527 du code électoral, qui prévoient la représentation de ces deux collectivités d’outre-mer au Sénat, j’émets tout de suite, non seulement à titre personnel mais également au nom de la commission des lois, un avis totalement défavorable.

Que le Sénat ne représente pas toutes les collectivités territoriales est inenvisageable : ce serait contraire à l’article 24 de la Constitution. Par conséquent, il est impossible de supprimer la représentation d’un territoire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Ah, ces communistes !

M. Patrice Gélard, rapporteur. L’examen de cet amendement me permet de revenir sur la question des députés de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

La loi organique du 21 février 2007 a prévu, sur l’initiative de l’Assemblée nationale, la création d’un siège de député à Saint-Barthélemy et d’un autre à Saint-Martin,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est exact !

M. Patrice Gélard, rapporteur. ...laquelle a reporté cette création au prochain renouvellement de l’Assemblée nationale, afin que puisse entre-temps avoir lieu l’actualisation des circonscriptions législatives.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Exact !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cependant, l’Assemblée nationale, par la voix du président de sa commission des lois, notre collègue Jean-Luc Warsmann, a depuis indiqué à plusieurs reprises son souhait de revenir sur la création de ces deux sièges.

C’est pourquoi les députés ont supprimé le principe inscrit dans le projet de loi ordinaire selon lequel au moins un député est élu dans chaque collectivité d’outre-mer. Les députés doivent être élus sur des bases essentiellement démographiques. Certains impératifs d’intérêt général peuvent atténuer l’application de cette règle, mais dans une mesure limitée.

On peut considérer que, parmi ces impératifs d’intérêt général, le législateur a toujours veillé à ce que des députés soient élus dans les territoires et collectivités d’outre-mer éloignés de la métropole. On imagine mal par exemple que les électeurs de Wallis-et-Futuna votent pour un député de la Nouvelle-Calédonie. Par ailleurs, quelle solution trouverait-on pour les électeurs de Saint-Pierre-et-Miquelon ?

Il revient au Gouvernement de trancher ce point en élaborant les projets d’ordonnances.

Lors de son audition devant la commission des lois, M. le secrétaire d’État Alain Marleix a souligné qu’il refuserait que les deux nouvelles collectivités d’outre-mer continuent à élire le député de la 4è circonscription de Guadeloupe, parce que ce ne serait pas constitutionnel.

Ce matin il a réaffirmé son attachement au principe selon lequel un député, au moins, devait être élu dans chaque collectivité d’outre-mer.

De son côté, – et je tiens à rappeler ses propos – M. Yves Jégo déclarait devant notre commission la semaine dernière : « Le Gouvernement considère qu’une collectivité d’outre-mer doit être représentée au Sénat et à l’Assemblée nationale. Saint-Martin et Saint-Barthélemy doivent donc avoir chacune un sénateur – c’est fait – (M. Michel Magras applaudit) mais aussi un député. Il n’y a aucune raison qu’une collectivité soit représentée par une autre. Personne n’imaginerait une telle possibilité en métropole. Je ne vois donc pas pourquoi on devrait l’accepter pour l’outre-mer. Le fait, pour une collectivité, d’être très petite et très éloignée de la métropole ne lui donne pas moins de droits ; au contraire, elle doit lui en donner plus au titre de la représentation. Nous vous accompagnerons sur ce sujet ».

La rédaction actuelle du projet de loi ordinaire n’empêchera pas le Gouvernement de prévoir ces deux sièges dans les projets d’ordonnances. J’ajouterai, à titre personnel, que s’ils n’y sont pas prévus, les ordonnances risquent d’être profondément anticonstitutionnelles.

Sous le bénéfice de ces observations, j’émets un avis défavorable sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Avis défavorable pour les excellentes raisons avancées par M. le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. C’est un sujet important, qu’il ne faut pas traiter à la légère. J’ai participé au débat sur la loi relative à l’outre-mer qui a créé ces collectivités et sur la mise à jour du tableau. Or, je tiens à le rappeler, nous n’avons jamais approuvé la création de ces postes.

Je souhaite que le Gouvernement adopte une position et arrête – même si l’exercice physique est toujours admirable ! – de se cacher derrière son petit doigt.

M. Jégo, avec l’assurance qui est la sienne sur tout sujet, déclare : « Je suis pour cette mesure et je m’engage, au nom du Gouvernement pour qu’il y ait un député pour Saint-Martin et un député pour Saint-Barthélemy ! » Que le Gouvernement l’assume, qu’il ait le courage de ses opinions !

L’Assemblée nationale à l’unanimité, sur présentation du président de la commission des lois, M. Warsmann, membre du groupe UMP, et avec l’appui du rapporteur, lui aussi membre du groupe UMP, est contre cette mesure. Aussi, après le vote de ce texte par l’Assemblée nationale, si le Gouvernement a une cohérence, il doit déposer un amendement pour rétablir la disposition supprimée par l’Assemblée nationale. Certes, le Gouvernement a cette cohérence mais il ne veut pas déposer d’amendement parce que, s’il le faisait, le vote conforme ne serait plus possible.

Notre collègue Magras – et je ne suis pas d’accord avec lui, mais on se doit de dire la vérité dans cet hémicycle, au moins de temps en temps – va déposer un amendement ; M. le rapporteur, qui vient de dire qu’il était favorable à la création d’un siège de député, va, quant à lui, proposer de voter contre, parce que le texte doit être voté conforme.

De qui se moque-t-on ? Nous ne participerons pas à cette pantalonnade et nous ne voterons pas sur cet amendement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Article 3

Article 2

I. - L'article L.O. 176 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 176. - Les députés dont le siège devient vacant pour cause de décès, d'acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement sont remplacés jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet.

« Les députés qui acceptent des fonctions gouvernementales sont remplacés, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions, par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet. Toutefois, dans le cas où ils renoncent à reprendre l'exercice de leur mandat avant l'expiration de ce délai, leur remplacement devient définitif jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale. La renonciation est adressée par l'intéressé au Bureau de l'Assemblée nationale. »

II. - À l'article L.O. 135 du même code, la référence : « L.O. 176-1 » est remplacée par la référence : « L.O. 176 ».

III. - Au premier alinéa de l'article L.O. 178 du même code, les mots : « L.O. 176-1 ou lorsque les dispositions des articles L.O. 176 et L.O. 176-1 » sont remplacés par les mots : « L.O. 176 ou lorsque les dispositions de cet article ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 9, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 2 relatif au remplacement temporaire à l’Assemblée nationale des députés ayant accepté des fonctions gouvernementales leur permet par le caractère temporaire du remplacement de retrouver automatiquement ce fauteuil à la cessation de ces fonctions.

En conséquence, ils n’auraient plus besoin de contraindre leurs suppléants à démissionner, provoquant ainsi des élections législatives partielles. Selon vous, les élections législatives partielles, en raison du faible taux de participation, comme le rappelait hier Mme Alliot-Marie, sont quasiment inutiles et incompréhensibles pour les électeurs, puisque, dites-vous, ils ont élu un député pour cinq ans et n’ont nul besoin de voter une nouvelle fois, même si celui-ci a accepté entre-temps d’intégrer le Gouvernement.

Pourtant, la confrontation avec les électeurs n’est jamais inutile, au contraire. C’est d’ailleurs peut-être ce qui fait vivre la démocratie et ce qui l’anime. Et si cette confrontation n’est pas comprise, il revient peut-être d’ailleurs à la classe politique de faire en sorte que les citoyens se sentent concernés par ces élections partielles.

Par ailleurs, lorsqu’un député accepte de participer à un gouvernement, il fait le choix de ne pas exercer le mandat que lui ont donné les citoyens. S’il veut revenir à l’Assemblée, il prend alors le risque de retourner devant les électeurs et de confronter son bilan. En retour, les électeurs ont la possibilité d’avaliser ou de sanctionner.

Ce n’est ni plus ni moins que l’exercice de la démocratie.

La solution consistant à permettre aux députés de garder un pied à l’Assemblée nationale tout en ayant l’autre pied au Gouvernement, puisque le remplacement serait temporaire, est, me semble-t-il, contraire à l’interdiction du cumul des fonctions gouvernementales et d’un mandat parlementaire prévue par l’article 23 de la Constitution.

Se pose également le problème de la responsabilité des ministres devant le Parlement, pièce maîtresse d’un régime parlementaire. Nous en avons la preuve, le régime voulu par le Président de la République et façonné par la révision constitutionnelle de juillet dernier est un système hyper-présidentiel. Le Président veut en effet réduire ses ministres au statut de collaborateurs, comme l’évoquait tout à l’heure mon collègue Guy Fischer.

L’urgence déclarée sur ce projet de loi cache mal l’empressement du Gouvernement à faire adopter cet article relatif au retour automatique à l’Assemblée nationale et au Sénat pour les parlementaires ayant accepté ces fonctions.

En conséquence, nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer les deux dernières phrases du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L.O. 176 du code électoral.

 

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Je ne reviendrai pas, monsieur le secrétaire d’État, sur la révision constitutionnelle : on en pense ce que l’on veut, c’est derrière nous.

Mon propos portera uniquement sur ce qui n’a jamais été évoqué – je parle sous le contrôle de ceux qui étaient alors présents – pendant le débat sur la révision constitutionnelle.

Il n’a jamais été question – montrez-moi le compte rendu du débat si je me trompe – d’offrir aux ministres la possibilité de la renonciation. Cet aspect est tout à fait nouveau et n’est pas dans l’esprit de la révision constitutionnelle. Vous nous avez dit : vous avez mis cinquante ans à vous apercevoir que ce n’était pas bien. Chacun chemine à la vitesse qu’il peut ! Vous ajoutez que les élections partielles vous fatiguent et que vous voulez les éviter. Soit !

Si le ministre conserve son siège, temporairement occupé par une personne serviable qui supplée à son absence, nous le comprenons. C’est ce que prévoit la Constitution, et à cet égard je ne reprendrai pas les propos du président Hyest.

En revanche, rien dans la Constitution ne précise qu’au moment prévu pour son retour le député peut décider de ne pas revenir et permettre ainsi à son suppléant de rester. On quitte dans ce cas le droit constitutionnel pour entrer dans les petits arrangements entre amis. Cela n’a pas sa place dans cette discussion !

Vous avez évoqué le cas d’un ministre qui entre au Conseil constitutionnel : c’est un autre problème. À ce moment-là, le ministre ne reprend pas son poste de député et une élection partielle a lieu. Ou alors réformons la Constitution afin d’y préciser que, lorsqu’un ministre devient membre du Conseil constitutionnel, le suppléant reste en place. Vous ne vous êtes pas gêné pour surcharger la Constitution de dispositions inutiles.

Rien dans la révision ne prévoyait le cas précis que je viens d’évoquer concernant le Conseil constitutionnel. Si le ministre et parlementaire revient dans son assemblée d’origine, dont acte, cela relève de la Constitution ; s’il veut y rester, il le peut ; s’il veut la quitter pour se livrer à d’autres activités éminemment louables, il en démissionne. C’est clair et simple ! Et nous évitons ainsi tout ce discours qui n’a qu’un seul but : éviter les élections partielles !

Et si l’on vous force un peu, vous finirez même par nous dire que les élections partielles ne sont pas démocratiques ! Il n’est pourtant pas de meilleur moyen que la consultation du peuple pour faire vivre la démocratie. (M. Christian Cointat s’entretient avec M. le secrétaire d’État.) Je regrette de troubler vos conciliabules, monsieur Cointat, et je vais donc terminer pour que vous puissiez les continuer en toute quiétude.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n°  9, je suis contraint d’émettre un avis défavorable. En effet, cet amendement, tel qu’il a été proposé, est totalement contraire à la Constitution.

Il n’en va pas de même de l’amendement n° 4, présenté par M. Frimat. Aussi, je dois aborder la question différemment. L’amendement de nos collègues du groupe socialiste tend à supprimer la possibilité d’un remplacement automatique au motif que le renoncement de l’ancien ministre doit être considéré comme une démission entraînant une élection partielle pour son remplacement au Parlement.

Nous sommes là dans la logique même de la rédaction de l’article 25 de la Constitution. Celui-ci indique que la loi organique « fixe également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu’au renouvellement général ou partiel de l’assemblée à laquelle ils appartenaient ou leur remplacement temporaire en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales. »

Deux éléments parallèles mais distincts se dégagent de cet article : d’une part, le remplacement en cas de décès ou de démission, qui est prévu dans le code électoral ; d’autre part, une nouvelle catégorie, prévue par l’article 25, qui concerne le retour des anciens ministres dans leur assemblée d’origine.

Nous sommes dans une situation différente de celle que nous présente notre collègue Frimat. C’est pourquoi j’émets également un avis défavorable sur cet amendement.

Et pour gagner du temps, je vous indique dès à présent qu’il en sera de même pour les amendements similaires proposés aux articles 3 et 4 du présent texte ainsi qu’à l’article 4 du projet de loi ordinaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.

M. Bernard Frimat. Je souhaite répondre non pas à l’argumentation du secrétaire d’État, qui était fort brève, mais à l’absence d’argumentation de mon collègue Gélard.

Selon lui, puisque la nouvelle rédaction de l’article 25 de la Constitution dispose que la loi organique « fixe », nous partons sur un terrain entièrement nouveau. Je n’en suis pas convaincu.

Je n’ai pas abordé la première partie du texte, pour laquelle la loi organique ne change rien et ne reprend que l’état existant de la législation.

Le seul point qui m’intéresse est de savoir – mais nous n’allons pas le trancher ici par notre vote ; c’est le Conseil constitutionnel qui se prononcera puisqu’il sera automatiquement saisi de la loi organique – s’il est possible qu’existent deux situations différentes pour les députés : dans un cas, la démission entraîne une élection partielle et, dans l’autre, le retour de la qualité de parlementaire peut, en cas de renonciation, ne pas l’entraîner.

Pour ne pas prolonger le débat, je n’ai pas imaginé les cas limite mais qui peuvent toutefois se produire. Par exemple, si un suppléant décède pendant que son ministre est en fonctions, il y aura une élection partielle. Vous me rétorquerez que le ministre peut se représenter avec un autre suppléant et être réélu. Mais dans le cas où il ne se représenterait pas, que se passe-t-il ? Certains ministres pourraient revenir en poste grâce à la bonne santé de leurs suppléants ; d’autres ne le pourraient pas parce que leurs suppléants auraient une santé plus fragile ou seraient victimes d’un accident.

Je n’ose imaginer le cas de ce parlementaire – dont j’oublie toujours le nom –, que l’on dit de talent – mais nous ne l’avons pas vu dans cet exercice puisqu’il occupait d’autres fonctions dans cette assemblée où il faisait preuve de beaucoup d’activité –, qui est devenu député à la suite de la nomination comme ministre de M. Santini.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est Frédéric Lefebvre !

M. Bernard Frimat. Si demain, par hasard, il devenait ministre…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne sera pas ministre !

M. Bernard Frimat. …et si M. Santini ne revenait pas dans son assemblée d’origine, que se passerait-il ? Y aurait-t-il une élection partielle ? Et dans ce cas, puisqu’il est ministre, lorsqu’il souhaitera revenir à l’Assemblée nationale, le suppléant qu’il était ne pourra plus retrouver son siège !

Vous constatez la limpidité de la position gouvernementale. Je pense que le Conseil constitutionnel l’appréciera dans toute sa finesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Article 4

Article 3

L'article L.O. 319 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.O. 319. - Les sénateurs élus au scrutin majoritaire dont le siège devient vacant pour cause de décès, d'acceptation des fonctions de membre du Conseil constitutionnel ou de prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement sont remplacés par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet.

« Les sénateurs élus au scrutin majoritaire qui acceptent des fonctions gouvernementales sont remplacés, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions, par les personnes élues en même temps qu'eux à cet effet. Toutefois, dans le cas où ils renoncent à reprendre l'exercice de leur mandat avant l'expiration de ce délai, leur remplacement devient définitif jusqu'au renouvellement partiel correspondant à leur série. La renonciation est adressée par l'intéressé au Bureau du Sénat. »

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 10, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des Sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer les deux dernières phrases du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 319 du code électoral.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. C’est dans un souci de cohérence que nous avons déposé cet amendement. Il est évident que notre argumentation relative aux députés n’est pas différente de celle que nous développons à l’égard des sénateurs. Cet amendement a donc été défendu.

Vous pouvez le constater, mes chers collègues, en raison du nombre d’amendements que nous avons déposés et de la manière dont nous les défendons, nous essayons de faire vivre le débat parlementaire pendant qu’il existe encore, avant que la nouvelle loi organique nous en prive définitivement !

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 319 du code électoral par un alinéa ainsi rédigé :

« Les sénateurs élus au scrutin majoritaire qui, dans les autres cas que ceux visés dans les précédents alinéas, se trouvent dans l'impossibilité de remplir les obligations de leur fonction, sont remplacés pour un délai maximum de six mois par leur suppléant. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 3 qui vise le même cas de figure.

Puisque dorénavant nous parlons de parlementaires temporaires, ces amendements visent à instaurer une procédure de remplacement temporaire des parlementaires en cas de vacance de siège d’une durée d’au moins six mois.

Ils sont inspirés par l’expérience de nos amis néerlandais dont la loi reconnaît la possibilité pour un parlementaire en congé de maternité d’être remplacé à titre temporaire par son suppléant pour une durée déterminée.

Nous avons souhaité que cette possibilité soit introduite dans la législation française. En effet, des causes d’empêchement temporaire existent ; elles sont variées, qu’il s’agisse de la maladie, de la maternité, de missions de courte durée, et sont d’ailleurs reconnues par la loi.

Pour des raisons évidentes, il est nécessaire qu’un parlementaire puisse se faire remplacer, à titre temporaire, sans perdre son siège. Le suppléant ou le suivant de liste peut assumer cette mission, garantissant ainsi au parlementaire absent un suivi et une représentation continue qui n’affecte ni son pouvoir de vote ni son implication dans le travail législatif. Dans ce cas de figure, il sait dès le départ que le remplacement est temporaire.

Je vous propose donc de créer un régime d’intérim pour des cas de force majeure, sans aucune remise en cause du mandat parlementaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. J’ai déjà donné l’avis de la commission sur les amendements nos 10 et 5.

Concernant l’amendement n° 2, une fois de plus, je tiens à saluer l’ingéniosité de Mme Boumediene-Thiery, qui, de surcroît, a de la suite dans les idées.

M. Patrice Gélard, rapporteur. En effet, un amendement semblable a déjà été présenté au moment de la révision constitutionnelle.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J’ai de la cohérence,… et beaucoup d’ironie !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ma chère collègue, il aurait fallu aller plus loin et prévoir la même disposition pour les conseillers municipaux, généraux, régionaux et pour les députés européens. Dans l’état actuel des choses, le bouleversement serait tel que je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Article 4 bis

Article 4

L'article L.O. 320 du code électoral est ainsi rédigé:

« Art. L.O. 320. - Le sénateur élu à la représentation proportionnelle dont le siège devient vacant pour toute autre cause que l'acceptation de fonctions gouvernementales est remplacé par le candidat figurant sur la même liste immédiatement après le dernier candidat devenu sénateur conformément à l'ordre de cette liste.

« Le sénateur élu à la représentation proportionnelle qui accepte des fonctions gouvernementales est remplacé, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions, par le candidat figurant sur la même liste immédiatement après le dernier candidat devenu sénateur conformément à l'ordre de la liste. À l'expiration du délai d'un mois, le sénateur reprend l'exercice de son mandat. Le caractère temporaire du remplacement pour cause d'acceptation de fonctions gouvernementales s'applique au dernier candidat devenu sénateur conformément à l'ordre de la liste. Celui-ci est replacé en tête des candidats non élus de cette liste.

« Si le sénateur qui a accepté des fonctions gouvernementales renonce à reprendre l'exercice de son mandat avant l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa, son remplacement devient définitif jusqu'au renouvellement partiel correspondant à sa série. La renonciation est adressée par l'intéressé au Bureau du Sénat. »

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 11, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 6, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.O. 320 du code électoral.

 

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 3, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L.O. 320 du code électoral par un alinéa ainsi rédigé :

« Les sénateurs élus à la représentation proportionnelle qui, dans les autres cas que ceux visés dans les alinéas précédents, se trouvent empêchés de remplir les obligations de leur fonction sont remplacés pour un délai maximum de six mois par les candidats venus sur la même liste qu'eux immédiatement après le dernier candidat élu. »

Cet amendement a déjà été défendu.

La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés sur ces trois amendements.

Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Article 5

Article 4 bis

À l'article L.O. 323 du code électoral, les références : « aux articles L.O. 319, L.O. 320 et L.O. 322 » sont remplacées par les références : « au premier alinéa des articles L.O. 319 et L.O. 320 et à l'article L.O. 322 ». – (Adopté.)

Article 4 bis
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Article 6

Article 5

Le livre VIII du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi n°         du                  relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés, est complété par un article L.O. 567-9 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 567-9. - Est désignée selon la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution la personnalité mentionnée au 1° de l'article L. 567-1. Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente est celle chargée des lois électorales. »

Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Nous proposons la suppression de cet article, par coordination avec l’amendement n° 2, que les membres de mon groupe et moi-même avons déposé à l’article 1er du projet de loi ordinaire. Ce dernier article tend à donner au Président de la République le privilège de nommer le président de la commission indépendante. À nos yeux, ce n’est pas une bonne idée, et nous développerons notre point de vue tout à l’heure.

Par conséquent, les questions de majorité ne se posent pas, puisque nous proposons la suppression de la nomination.

Cela étant dit, je m’étonne, une fois encore, de la différence entre le discours et la pratique. En l’occurrence, la personnalité en cause ne peut être désignée si l’addition des votes négatifs dans chaque commission permanente représente au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés, selon la Constitution qu’il n’est pas de notre pouvoir de changer. Or on ne cesse de nous dire que la majorité simple serait suffisante. On aurait peut-être pu y penser avant. Mais nous reviendrons sur ce sujet pour ce qui concerne les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, tout en sachant que nous sommes tenus par la Constitution.

Point n’est besoin d’insister puisque nous aborderons de nouveau ce sujet lors de l’examen du projet de loi ordinaire.

Je serais surpris que le rapporteur émette un avis favorable avec enthousiasme sur l’amendement n° 7, puisqu’il est condamné, quel que soit le fond de sa pensée, à émettre des avis défavorables à répétition. En l’occurrence, il n’aura pas à se forcer ! (M. Jean-Pierre Godefroy sourit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement doit être étudié avec l’ensemble des autres amendements présentés par les membres du groupe socialiste, qui proposent, en particulier dans le projet de loi ordinaire, de supprimer le principe de la nomination du président de la commission indépendante prévue à l’article 25 de la Constitution.

Le présent amendement tend à supprimer l’article 5 du projet de loi organique aux termes duquel le Président de la République nomme le président de la commission indépendante selon la nouvelle procédure de l’article 13 de la Constitution. Or cette procédure constitue une avancée notable de la révision constitutionnelle.

M. Patrice Gélard, rapporteur. En effet, elle implique – ce qui ne s’est jamais vu auparavant ! – un avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée sur les nominations les plus sensibles.

Il paraît très important que le Parlement puisse s’exprimer sur le choix de la personnalité envisagée pour présider la commission.

Aux termes du projet de loi, le Président de la République ne pourra procéder à la nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Selon moi, il suffira que des avis défavorables aient été émis dans l’une ou l’autre commission pour que le Président de la République n’aille pas au-delà. Cette procédure assurera la transparence de la nomination de la personnalité concernée et permettra, en outre, à l’opposition parlementaire de s’exprimer.

De plus, dans la pratique, – et nous le savons – il sera impossible de nommer une personnalité à la commission indépendante si sa candidature a été rejetée par la commission permanente, ne serait-ce qu’à la majorité relative.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est défavorable pour une raison de forme et une raison de fond.

Tout d’abord, concernant la forme, la procédure encadrant le pouvoir de nomination du Président de la République ne peut relever que de la loi organique.

Ensuite, sur le fond, nous avons voulu que la composition de la commission soit équilibrée, ce qui lui garantit un certain pluralisme. Monsieur le sénateur, je me permets de vous faire remarquer que, lors de la révision constitutionnelle, des amendements visaient à préciser que la commission indépendante serait composée selon les règles fixées par le nouvel article 13 de la Constitution ou selon des règles calquées sur cet article, de manière à assurer sa réelle indépendance. Les auteurs de ces amendements étaient notamment MM. Montebourg, Frimat, Badinter, Bel, Collomb, Dreyfus-Schmidt, Mauroy, Yung, Peyronnet et Sueur.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Article 7 (début)

Article 6

L'article L.O. 142 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est applicable aux fonctions de membre de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution. » – (Adopté.)

Article 6
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Article 7 (fin)

Article 7

I. - Les articles L.O. 176-1, L.O. 393-1, L.O. 455, L.O. 479, L.O. 506 et L.O. 533 du code électoral sont abrogés.

II. - À l'article L.O. 394-1 du même code, les mots : «, à l'exception de l'article L.O. 119, » sont supprimés.

Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Magras et Virapoullé, Mme Michaux-Chevry et MM. Detcheverry et Fleming, est ainsi libellé :

Supprimer le I de cet article.

La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Pour étayer cet amendement, je souhaite rappeler un point de procédure et un point de fond.

Tout d’abord, concernant la procédure, le projet de loi organique tend à supprimer l’article L.O. 479 du code électoral. Or aux termes de l’article L.O. 6213-3 du code général des collectivités territoriales, le conseil territorial est consulté sur tous les textes qui « introduisent, modifient ou suppriment des dispositions particulières à Saint-Barthélemy ». Je suis vice-président de cette collectivité : à cet instant, nous n’avons jamais été consultés sur la volonté du Gouvernement de modifier l’article précité.

Sur le fond, l’article L.O. 6211-2 du même code prévoit que « Saint-Barthélemy est représentée au Parlement […] dans les conditions définies par les lois organiques. » Si nous supprimons l’article L.O. 479, la représentation de ma collectivité à l’Assemblée nationale ne figurera plus dans aucune loi organique.

Dans les deux cas, cela signifie que le Gouvernement a commis une double faute d’inattention : d’une part, il n’a pas consulté la collectivité, d’autre part, il fait une proposition qui s’inscrit en faux contre la loi votée par le Parlement voilà peu de temps.

Que le Gouvernement fasse deux fautes d’inattention, soit, nul n’est parfait. Mais en notre qualité de parlementaires, il est de notre rôle de veiller à corriger ses éventuels oublis. À l’Assemblée nationale, l’un des premiers amendements déposés par la commission des lois était similaire à celui que je défends aujourd’hui. Ladite commission soutenait que les dispositions organiques dont il s’agit devaient être maintenues dans la loi. Mais cet amendement a été retiré.

Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait qu’il s’agit de dispositions organiques qui doivent être maintenues dans la loi. Nous ne pouvons pas les ignorer.

Nous aurions pu passer sous silence la décision du Gouvernement puisque ce dernier a inscrit dans le projet de loi ordinaire que nous allons examiner tout à l’heure le principe selon lequel toute collectivité est représentée par un député. Par conséquent, ce que nous perdions d’un côté, nous le gagnions de l’autre.

Il se trouve qu’aujourd’hui l’Assemblée nationale a supprimé cette disposition, si bien que la double erreur demeure mais que la contrepartie n’existe plus.

À ce stade du débat, mes chers collègues, je voudrais savoir si, conscients de cette réalité, et dans le souci d’émettre un vote conforme, nous allons respecter les décisions déjà prises ou si, au contraire, vous soutiendrez mon amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je crois avoir indiqué de façon suffisamment claire et nette, lorsque j’ai donné mon avis sur l’amendement no 8 rectifié du groupe CRC-SPG, que la commission est persuadée de la nécessité d’avoir un député à Saint-Martin et un autre à Saint-Barthélemy.

J’ajoute que, à titre personnel, je suis convaincu de l’inconstitutionnalité dont serait frappée une décision qui ne respecterait pas la représentation de chaque collectivité territoriale ; naturellement, cela ne pourra se vérifier qu’au terme d’un long processus.

Je ne reviendrai pas sur le problème de la consultation de la collectivité territoriale, car je considère qu’elle devrait intervenir non pas à ce stade, mais après l’adoption de la loi ordinaire, au moment de l’élaboration de l’ordonnance. (M. le secrétaire d’État opine.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur Magras, je comprends parfaitement votre argumentation et votre objectif, mais je ne suis pas certain que vous ayez choisi la bonne stratégie. Je crains qu’au contraire vous ne couriez le risque d’un vote négatif du Sénat et de l’Assemblée nationale, ce qui serait la pire des choses : le Gouvernement pourrait ensuite en tirer argument pour ne pas tenir compte de votre amendement.

Aussi, mon cher collègue, je vous suggérerai plutôt de retirer cet amendement mais, par la suite, d’agir systématiquement auprès du ministre pour que cette représentation soit acquise à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Vous aurez alors tout notre soutien, et nous sommes prêts à envoyer des pétitions ou autres – nous savons le faire ! Chaque fois qu’il sera possible, au cours de la procédure qui suivra, de saisir une instance – le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État… –, nous le ferons avec vous.

Par conséquent, mon cher collègue, je le répète, je vous demande de retirer votre amendement ; sinon, compte tenu de tout ce que j’ai indiqué auparavant, je serai malheureusement obligé d’émettre, à titre personnel et au nom de la commission, un avis défavorable. Soyez cependant assuré que je le regrette et le déplore, parce que je comprends parfaitement vos arguments, qui sont ceux que le Sénat a toujours défendus.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Avant de m’exprimer, je souhaiterais entendre quelle suite M. Magras donne à la demande de M. le rapporteur.

Mme la présidente. Monsieur Magras, accédez-vous à la demande de retrait de l’amendement no 1 rectifié bis formulée par M. le rapporteur ?

M. Michel Magras. Avant de prendre ma décision, madame la présidente, il me plairait d’entendre l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, j’ai longuement indiqué ce matin, à l’issue de la discussion générale, pourquoi l’avis du Gouvernement, présentement, est défavorable.

En application de l’article 25 de la Constitution, il appartient au Parlement, en sa qualité de législateur, de fixer le nombre des membres de chaque assemblée, dans le respect du plafond, décidé lors de la révision constitutionnelle de juillet dernier, de 577 pour l’Assemblée nationale et de 348 pour le Sénat.

Le Gouvernement vous a proposé à l’article 1er du projet de loi organique de retenir ce chiffre plafond de 577 que vous venez d’adopter. Il vous est maintenant demandé d’en tirer logiquement la conséquence en abrogeant les articles organiques du code électoral qui fixent actuellement le nombre des députés élus en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à Wallis-et-Futuna ainsi que dans les autres collectivités d’outre-mer.

Avec le nouveau dispositif, la loi organique fixera uniquement le nombre total de députés, et ce au maximum autorisé depuis la réforme constitutionnelle, soit 577, la répartition des sièges étant renvoyée à la loi ordinaire.

À cette raison juridique de notre opposition à l’amendement s’ajoutent d’autres considérations.

La première est que la décision de maintenir les effectifs actuels de députés des collectivités d’outre-mer reviendrait en réalité à les fixer alors même que, à ce stade, il n’est pas possible de le faire pour les départements, faute de connaître leur population exacte. (M. Bernard Frimat s’exclame.) Or il est impossible, dans le cadre de l’ajustement de la carte électorale qui vous est proposé pour mettre fin à des déséquilibres démographiques affectant l’ensemble des circonscriptions, de fixer le nombre des députés dans une partie du territoire national sans le faire dans l’autre partie.

Ce que le Conseil constitutionnel nous demande dans les rappels à l’ordre qu’il nous a adressés à plusieurs reprises ces derniers mois, c’est d’actualiser la totalité de la carte électorale et non pas celle des seuls départements. J’en veux pour preuve que, dans sa décision du 15 février 2007 sur la loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, il a rappelé qu’il fallait corriger les disparités démographiques affectant actuellement « l’ensemble des circonscriptions législatives au plan national ».

La deuxième considération importante est liée à la mise en place de la commission indépendante, prévue par la Constitution, chargée de donner un avis sur la répartition des sièges de députés et de sénateurs et sur la délimitation de leurs circonscriptions d’élection. Vous ne pouvez, sans prendre un risque sérieux sur le plan juridique, faire en quelque sorte une partie de ce travail de répartition avant que la commission ne soit installée et à même de se prononcer sur les choix qui seront retenus pour cette répartition. (M. Bernard Frimat s’exclame.)

J’ajoute enfin que le nouveau dispositif n’est pas contradictoire avec le renvoi organique contenu dans l’article L. O. 6211-2 du code général des collectivités territoriales dès lors que l’article L. O. 119 du code électoral, qui est une disposition organique, est applicable à Saint-Barthélemy, et qu’il renvoie lui-même à la loi ordinaire pour la répartition des 577 députés.

Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le sénateur, je vous demande moi aussi de bien vouloir retirer l’amendement no 1 rectifié bis, faute de quoi je serai contraint de demander au Sénat de le rejeter et, compte tenu de l’importance de la question, je demande un scrutin public.

Mme la présidente. Monsieur Magras, l’amendement no 1 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Magras. Croyez-moi, madame la présidente, je ne cherche pas à mettre le Sénat en difficulté !

Monsieur le rapporteur, j’ai énormément apprécié la teneur et la rigueur de votre propos, de même que la limite des engagements qui sont les vôtres aujourd’hui, et j’ai bien compris que c’est le soutien de l’ensemble du groupe auquel j’appartiens qui m’est accordé.

Monsieur le secrétaire d’État, je comprends votre position : la situation est incertaine et, à cette heure, nous ne disposons pas des éléments nécessaires pour anticiper sur ce que sera la suite.

Monsieur Frimat, j’aurais souhaité, moi aussi, que le Gouvernement se prononce clairement, formellement. Mais je comprends, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne puissiez pas le dire, aller jusqu’au bout.

Néanmoins, tout ce qui a été exprimé cet après-midi me donne le sentiment que la cause que je défends a été entendue, sinon totalement, du moins en grande partie. Aussi, compte tenu des arguments que j’ai exposés, compte tenu aussi du respect dû à la tradition républicaine d’indépendance des deux assemblées à laquelle je me référais ce matin, et en espérant que la population que je représente saura le comprendre, j’accepte, mes chers collègues, de retirer mon amendement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme la présidente. L’amendement no 1 rectifié bis est retiré.

M. Bernard Frimat. Je le reprends, madame la présidente !

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement no 1 rectifié ter, présenté par M. Frimat, et qui est ainsi libellé :

Supprimer le I de cet article.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Frimat.

M. Bernard Frimat. J’ai repris cet amendement, madame la présidente, parce que je ne pense pas que l’on ait le droit d’empêcher le Sénat de se prononcer, surtout après la demande ô combien judicieuse du secrétaire d’État qu’il soit procédé à un scrutin public.

Pour ma part, mon cher collègue, je souhaite que le groupe UMP puisse, loin des faux-fuyants, exprimer la réalité de sa pensée.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Ma demande de scrutin public portait sur l’amendement no 1 rectifié bis, non sur le no 1 rectifié ter !

M. Bernard Frimat. J’en demanderai un moi-même !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il fut une époque où le Sénat, par des votes à une forte majorité, a créé des collectivités nouvelles ; celles-ci furent donc représentées à l’Assemblée nationale et au Sénat. M. Frimat affirme que les socialistes ont toujours été contre, ce n’est pas vrai de tous !

Monsieur le secrétaire d’État, la difficulté provient assurément de ce que nous avons fixé a priori le nombre maximal des députés. Je voudrais néanmoins vous rendre sensible au fait que, si 577 députés sont élus, chacun représentera deux millièmes de la population : la création de deux circonscriptions supplémentaires ne changerait pas substantiellement la donne puisque le seuil de représentation augmenterait de 250 habitants. Il ne faut donc pas exagérer le problème, et il est certainement possible de trouver une solution qui permettra à ces deux nouvelles collectivités d’être représentées, comme cela avait été prévu initialement.

J’ajoute, cher collègue Magras, que le Parlement, par son vote, a décidé que les deux collectivités qu’il créait éliraient chacune un député et un sénateur. Nous n’avons pas pour habitude de revenir sur les décisions prises par l’Assemblée nationale et confirmées par le Sénat ; cependant, je crois que c’est au moment de la discussion du projet de loi d’habilitation, puis de la ratification de l’ordonnance, qu’il nous sera effectivement possible, comme l’a indiqué M. Gélard, de faire respecter la parole donnée. Alors, n’en déplaise à M. Frimat, nous serons à vos côtés.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Mes chers collègues, le choix exprimé par l’Assemblée nationale de supprimer l’obligation – pourtant instaurée sur son initiative en 2007 – d’élire au moins un député dans chaque collectivité d’outre-mer tend donc à revenir sur la création qui avait été prévue d’un siège de député à Saint-Barthélemy et d’un autre à Saint-Martin.

Ce choix, mes chers collègues, remet en cause un principe qui, pour n’avoir jamais été formulé, n’en était pas moins, dans le passé, reconnu par le législateur lors des opérations de redéfinition des circonscriptions électorales des députés. En l’état actuel du droit, chaque collectivité d’outre-mer, quelle que soit sa démographie, élit un député.

Mes collègues du groupe UMP et moi-même comprenons très bien la position tout à fait légitime exprimée par notre ami Michel Magras, et nous aurions pu voter en faveur de son amendement. Cependant, – M. Magras, fort élégamment, l’a lui-même rappelé – cette question concernant le régime électoral de nos collègues députés, le Sénat, conformément à une tradition républicaine bien établie, se devait de ne pas remettre en cause le choix de l’Assemblée nationale.

Vous avez eu, mon cher collègue, l’élégance de retirer votre amendement. Nous vous en remercions. Il a été repris par M. Frimat : nous voterons donc contre – non pas contre l’amendement de M. Magras, mais contre l’amendement repris par le groupe socialiste.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 1 rectifié ter.

Je suis saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 59 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 185
Majorité absolue des suffrages exprimés 93
Pour l’adoption 1
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, conformément au souhait de M. le secrétaire d’État, le Sénat a décidé de réserver le vote sur l’ensemble du projet de loi organique jusqu’après le vote du projet de loi ordinaire.

projet de loi

Article 7 (début)
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
 

Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés.

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. - Le livre VIII du code électoral devient le livre IX et il est inséré dans ce code un livre VIII intitulé : « Commission prévue par l'article 25 de la Constitution », comprenant les articles L. 567-1 à L. 567-8 ainsi rédigés :

« Art. L. 567-1. - La commission prévue au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution comprend :

« 1° Une personnalité qualifiée nommée par le Président de la République ;

« 2° Une personnalité qualifiée nommée par le Président de l'Assemblée nationale ;

« 3° Une personnalité qualifiée nommée par le Président du Sénat ;

« 4° Un membre du Conseil d'État, d'un grade au moins égal à celui de conseiller d'État, élu par l'assemblée générale du Conseil d'État ;

« 5° Un membre de la Cour de cassation, d'un grade au moins égal à celui de conseiller, élu par l'assemblée générale de la Cour de cassation ;

« 6° Un membre de la Cour des comptes, d'un grade au moins égal à celui de conseiller-maître, élu par la chambre du conseil de la Cour des comptes.

« Les personnalités mentionnées aux 2° et 3° sont désignées par le président de chaque assemblée après avis de la commission permanente chargée des lois électorales de l'assemblée concernée. La désignation ne peut intervenir lorsque les votes négatifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de ladite commission.

« La commission est présidée par la personnalité qualifiée nommée par le Président de la République.

« Art. L. 567-2. - Les membres de la commission sont nommés pour une durée de six ans non renouvelable. Ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans.

« La commission peut suspendre le mandat d'un des membres ou y mettre fin si elle constate, à l'unanimité des autres membres, qu'il se trouve dans une situation d'incompatibilité, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué à ses obligations.

« En cas de décès, de démission ou de cessation du mandat d'un membre pour l'un des motifs précédents, il est pourvu à son remplacement pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à un an, le mandat est renouvelable.

« Art. L. 567-3. - Les fonctions de membre de la commission sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat électif régi par le présent code.

« Dans l'exercice de leurs attributions, les membres de la commission ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité.

« Art. L. 567-4. - La commission peut désigner en qualité de rapporteur des fonctionnaires de l'État ou des magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire, en activité ou retraités.

« Elle peut entendre ou consulter toute personne ayant une compétence utile à ses travaux.

« Elle fait appel, pour l'exercice de ses fonctions, aux services compétents de l'État.

« Art. L. 567-5. - Les membres de la commission s'abstiennent de révéler le contenu des débats, votes et documents de travail internes. Il en est de même de ses collaborateurs et des personnes invitées à prendre part à ses travaux.

« Les membres de la commission ne prennent, à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de la commission.

« Art. L. 567-6. - La commission ne peut délibérer que si quatre au moins de ses membres sont présents.

« Elle délibère à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

« Art. L. 567-7. - La commission est saisie par le Premier ministre des projets de loi ou d'ordonnance ayant l'objet mentionné au dernier alinéa de l'article 25 de la Constitution. Elle est saisie par le président de l'assemblée parlementaire dont elles émanent des propositions de loi ayant le même objet.

« La commission se prononce, dans un délai de deux mois après sa saisine, par un avis publié au Journal officiel. Faute pour la commission de s'être prononcée dans ce délai, l'avis est réputé émis.

« Art. L. 567-8. - Le président de la commission est ordonnateur de ses crédits. La commission n'est pas soumise à la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées. »

II. - Par dérogation à l'article L. 567-2 du code électoral, la première commission prévue à l'article 25 de la Constitution comprend trois membres, autres que son président, dont le mandat est de trois ans non renouvelable. Ils sont tirés au sort par la commission lors de l'installation de celle-ci.

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais revenir sur vos déclarations : J’attache beaucoup de prix à la vérité ; j’assume mes propos ; je ne les assume pas quand ils sont travestis.

Lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle, nous avons en effet déposé un amendement visant à créer une commission indépendante et ainsi rédigé : « Cette commission indépendante est composée de magistrats et de personnalités qualifiées non parlementaires, dont la nomination est soumise à l’avis d’une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes et statuant à la majorité des trois cinquièmes. ».

« La loi précise les modalités de désignation de membres de cette commission, ses règles d’organisation […] ».

Si nous sommes partisans d’une commission indépendante, nous sommes très loin de la pseudo-indépendance de la commission que vous créez, et c’est là que nous divergeons. Aussi, ne nous dites pas que nous avons déposé des amendements dont le contenu est différent ou alors j’ai mal entendu, vous en trouverez un, et je battrai ma coulpe. Mais j’ai repris le compte rendu analytique de la séance concernée pour améliorer ma mémoire.

Nous demandons la suppression de la nomination d’un membre par le Président de la République, d’autant plus que – cerise sur le gâteau – il nomme le président de cette commission.

Le Président de la République, par définition, représente l’exécutif et il n’y a jamais eu, me semble-t-il, plus exécutif que le président que nous avons aujourd'hui.

Nous sommes attachés à la séparation du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Tout le monde comprend bien l’importance du découpage des circonscriptions et de la rigueur avec laquelle il doit être réalisé, et, dans ce domaine, je souhaite plus de rigueur que d’habileté.

Or le Président de la République, qui aujourd’hui est non pas l’arbitre, mais le chef d’un camp, n’est pas dans sa fonction quand il désigne une commission qui doit être indépendante.

Voilà pourquoi nous demandons que ce point soit supprimé.

Si ma mémoire m’a fait défaut, on va opposer nos amendements. Mais l’esprit de ce que nous avons défendu était bien celui-là.

Nous avons salué la création d’une commission indépendante, parce que c’est un progrès, et nous nous réjouissons qu’elle figure dans la Constitution. Encore faut-il que cette commission soit réellement indépendante et qu’il ne s’agisse pas d’une commission dont toute l’indépendance réside dans le nom. Pour cela, les critères qui président à la nomination de ses membres doivent faire l’objet d’un consensus. Or nous n’en prenons pas aujourd'hui le chemin.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement, qui nous semble particulièrement important eu égard au sujet évoqué.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement est parfaitement cohérent avec la position exprimée par les membres du groupe socialiste sur le projet de loi organique. Cependant, nous avons adopté l’article 5 de ce texte, qui prévoit cette nomination. Aussi, cet amendement n’a plus lieu d’être : avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Toutefois, je souhaite revenir sur la citation que vous avez faite tout à l’heure, monsieur Frimat. Même si c’est un petit point d’histoire, il convient que les choses soient claires.

À l’article 10 du projet de loi constitutionnelle, M. Arnaud Montebourg et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ont déposé un amendement qui n’a pas été adopté et qui était ainsi rédigé : « Cette commission indépendante est composée et fonctionne dans les mêmes conditions que celles fixées par l’article 13 de la Constitution ». C’est exactement ce que nous faisons aujourd'hui.

Comme je l’ai indiqué lors de l’examen de l’amendement n° 7 du projet de loi organique, nous avons voulu une composition équilibrée, garantissant un certain pluralisme. La nomination par le Président de la République prévue pour beaucoup de hautes autorités juridictionnelles et administratives ne remet pas en cause la séparation des pouvoirs et ne peut nuire à l’indépendance et à la neutralité de ladite commission. En effet, la personnalité désignée par le chef de l’État ne pourra l’être si une majorité qualifiée des membres des deux commissions des lois s’y oppose et, une fois nommée, elle ne pourra être renouvelée et ne pourra recevoir aucune instruction.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, je ne suis pas responsable des paroles de M. Montebourg, même si elles sont souvent très fondées et si j’ai beaucoup d’amitié pour lui,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’amitié au parti socialiste, on sait ce que c’est !

M. Bernard Frimat. …et je pense que nos apparences physiques nous dispensent de toute confusion.

Sur le fond, monsieur le secrétaire d’État, je comprends que vous mainteniez votre opposition. L’argumentation du rapporteur est une pirouette et je salue le talent de l’acrobate.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Avec vous, c’est l’acrobatie inverse !

M. Bernard Frimat. Mais, tout à l’heure, lors de l’examen du projet de loi organique, quand j’ai présenté ce point, à savoir la nomination par le président de la République d’une personnalité qualifiée, j’ai dit que nous en débattrions. Quoi qu’il en soit, on connaît déjà le résultat, le texte sera voté conforme, et le talent et la fougue avec lesquels s’expriment les sénateurs présents dans l’hémicycle depuis le début de l’après-midi nous montrent bien la qualité de ce débat.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Sur toutes les travées !

M. Bernard Frimat. Si nous maintenons notre amendement, c’est bien parce que nous sommes attachés à l’indépendance de la commission.

Quant à l’argument des trois cinquièmes, vous savez comme moi, monsieur le secrétaire d'État, que c’est un faux nez.

Étant donné les confidences que nous recueillons sur l’enthousiasme avec lequel les membres de la majorité UMP du Sénat votent conforme, comment imaginer un seul instant que l’on puisse réunir les trois cinquièmes des suffrages exprimés ou même une majorité simple pour s’opposer à une nomination du Président de la République ? La crainte révérencielle, qui nous évoque d’autres disciplines, existe à un tel point dans cette assemblée qu’elle met le Président de la République à l’abri de tout danger. Dès qu’il s’exprime, vous tombez bras en croix, genoux en terre et dites : « Dieu le veut ! ». Il n’y a plus qu’à tirer l’échelle ! Telle n’est pas notre conception de l’indépendance.

Sans doute faudra-t-il demander aux académiciens qui travaillent sur le dictionnaire de revoir leur définition car nous avons une nouvelle définition de l’indépendance : « Est indépendant en France qui est nommé par le Président Sarkozy ». C’est une innovation lexicale intéressante.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est facile !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est une pirouette !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« 2° Deux personnalités qualifiées nommées par le président de l'Assemblée nationale dont une sur proposition conjointe des groupes d'opposition ;

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Madame la présidente, si vous le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 4.

Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 4, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« 3° Deux personnalités qualifiées nommées par le président du Sénat dont une sur proposition conjointe des groupes d'opposition ;

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Bernard Frimat. Nous allons continuer à décliner le même sujet, puisque, sur le premier point, la composition pseudo-indépendante de la commission a été confirmée. Je plaide coupable car la qualité de mes arguments est sans doute d’une telle médiocrité qu’elle n’arrive pas à convaincre mes collègues de la majorité (Sourires), qui, pourtant, sont d’une attention à mon égard que je salue et d’une patience pour laquelle je ne peux que leur rendre hommage, d’autant qu’elle va devoir se poursuivre.

Que demandons-nous ?

Dans ses discours, M. le président du Sénat fait de la transparence et du pluralisme une profession de foi : nous lui offrons la possibilité de mettre ses actes en conformité avec ses paroles.

Le Président de la République nomme une personnalité qualifiée, c’est acquis – je m’incline. Mais nous pouvons faire mieux. C’est pourquoi nous proposons que le président de chaque assemblée nomme deux personnalités qualifiées, l’une sur proposition de qui il voudra – même par transmission de pensée de l’Élysée –, l’autre sur proposition conjointe des groupes d’opposition.

Je sais bien que cela posera un problème à notre assemblée, qui a la spécificité d’avoir des groupes minoritaires…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Bernard Frimat. …mais je pense que l’on sera parfaitement capable de les définir ; nous avons une vague idée de qui appartient à l’opposition. (M. Pierre Fauchon s’exclame.)

Dès lors, nous aurons fait un petit progrès sur le caractère pluraliste, qui figure aussi dans la Constitution. Et que l’on ne vienne pas me dire que le pluralisme s’oppose à l’indépendance : le pluralisme conforte l’indépendance.

Quant à l’argument selon lequel il s’agirait d’une nomination partisane, je vous rappelle que le président de l’Assemblée nationale nommerait sur proposition. Vous êtes suffisamment habiles pour savoir que les propositions que les groupes d’opposition pourraient être conduits à formuler répondraient au souci de l’intérêt général, ce qui ne manquerait pas d’être souligné.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Les amendements nos 3 et 4 prévoient la nomination, respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, de deux personnalités qualifiées pour siéger au sein de la commission indépendante, dont une sur proposition conjointe des groupes d’opposition.

M. Frimat s’est bien rendu compte qu’il y a un petit problème avec les groupes minoritaires,…

M. Bernard Frimat. Non ! Il n’y a aucun problème !

M. Patrice Gélard, rapporteur. …mais je n’insiste pas sur ce point.

Le dispositif proposé dans le projet de loi est équilibré, dans la mesure où il prévoit la nomination d’une personnalité qualifiée par le président de chaque assemblée. De surcroît, il est plus conforme aux usages républicains répandus dans de nombreuses autorités administratives indépendantes, qui, à ma connaissance, n’ont jamais fait preuve d’un « partisanisme » quelconque. On ne peut pas accuser le Conseil constitutionnel, dont les membres sont nommés par le Président de la République et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, d’être partisan.

MM. Bernard Frimat et Jean-Pierre Godefroy. Si !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ni d’autres autorités administratives indépendantes, d’ailleurs.

Quand on est membre d’une autorité administrative indépendante, on est totalement libre, car on n’est soumis à personne. On le voit bien dans les décisions prises, qui peuvent parfois surprendre, tant elles montrent que l’indépendance de ceux qui les prennent n’a pas de limite.

Par ailleurs, l’opposition parlementaire pourra s’exprimer dans le choix des personnalités retenues par le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat.

Comme je l’ai déjà dit et répété, il suffit que court la rumeur, dans les couloirs, un peu à l’américaine, que telle ou telle personnalité ne sera pas acceptée au sein de la commission pour que la candidature soit retirée. Je n’avancerai pas les hypothèses qui sont connues de tous, mais il n’empêche que nous avons là un véritable pouvoir. Il faut faire confiance à la commission compétente, en l’occurrence la commission des lois, qui exercera sa mission avec précision et attention, comme elle l’a fait pour le contrôleur général des prisons. Je fais donc confiance au dispositif prévu dans le projet de loi.

En conséquence, la commission est défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il est vrai que cette idée pourrait paraître intéressante,…

M. Bernard Frimat. Elle l’est, d’ailleurs !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. …mais, comme je l’ai indiqué ce matin dans mon intervention liminaire, monsieur le sénateur, il est impossible de prévoir la présence de personnalités représentant des groupes ou des partis politiques au sein d’une telle commission.

M. Bernard Frimat. Je ne l’ai pas demandé !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Si !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce serait contraire au principe d’indépendance…

M. Bernard Frimat. Je ne l’ai pas demandé ! Ce n’est pas ce que prévoient mes amendements !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Mais si ! Peut-être s’agit-il d’un autre amendement, mais votre argumentation a porté sur ce point !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Bon, j’y reviendrai sans doute tout à l'heure pour préciser la position du Gouvernement sur un autre amendement…

M. Bernard Frimat. Volontiers, si cela peut vous faire plaisir !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Pour l’heure, je suis défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Lors de la discussion générale, j’ai souligné les mérites de ce mode de nomination, assorti, il faut bien le dire, d’une comparution devant les commissions parlementaires. Il s’agit là d’un excellent processus.

Tout à l'heure, j’ai été tenté, monsieur Frimat, de voter votre amendement – j’ai failli me décider à le faire –, car je suis partisan, vous le savez, de donner des gages concrets, beaucoup plus concrets, de pluralisme. C’est essentiel, notamment pour l’avenir de notre assemblée.

Mais, après avoir entendu M. le rapporteur, je me suis dit qu’il fallait effectivement faire confiance aux hommes, car ils n’accèdent à cette fonction, qui requiert un esprit d’indépendance, qu’après avoir franchi le barrage de la comparution devant les commissions.

Le système que vous proposez, mon cher collègue, risquerait de favoriser une bipolarisation et présenterait l’inconvénient de laisser penser que l’une des deux personnalités serait chargée de défendre les intérêts de la majorité, tandis que l’autre défendrait ceux de l’opposition.

Bien loin de faire preuve d’un esprit d’indépendance – l’avenir n’appartient naturellement à personne et tout dépend de la qualité des hommes ! –, chaque membre pourrait se sentir responsable d’un camp plutôt que d’un autre, ce qui, au total, ne constituerait pas un progrès.

Dans ces conditions, il me semble préférable de nous en tenir au système proposé.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Nous aussi, nous faisons confiance aux hommes ; d’ailleurs, nous avons de nombreux exemples de personnalités ayant réalisé un bon travail. Mais si l’on veut que la composition de cette commission se fasse hors du champ du combat politique,…

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est le cas !

M. Richard Yung. …il fallait envisager un autre mode de désignation des candidats, à savoir, comme je l’ai dit tout à l'heure, des représentants de la société civile, des universitaires, etc. Il ne fallait pas prévoir la nomination de ses membres par les trois autorités aussi éminemment politiques que sont le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

Mais dès lors que ce choix a été fait, les amendements proposés visent à améliorer l’expression de la démocratie. Sans doute pensez-vous, dans votre for intérieur, chers collègues de la majorité, que nous essayons de nous placer car nous pensons que les personnes nommées appartiendront à la majorité actuelle. Or, les majorités changent ! Par conséquent, la proposition que nous faisons aujourd'hui est une garantie de pluralisme autant pour nous aujourd'hui que pour vous demain ! Pensez-y ! C’est un progrès dans l’expression de la démocratie. (Mme Claudine Lepage et M. Jean-Pierre Godefroy applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je veux revenir sur l’amendement n° 3.

Monsieur Frimat, si je relis votre amendement, vous proposez que la commission comprenne « deux personnalités qualifiées nommées par le président de l'Assemblée nationale dont une sur proposition conjointe des groupes d’opposition ».

M. Bernard Frimat. Absolument !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Les groupes d’opposition sont des groupes politiques, vous en conviendrez !

M. Bernard Frimat. Absolument !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ils sont l’émanation des groupes politiques.

Or, selon l’avis constant du Conseil d’État, la notion d’indépendance est en contradiction avec l’appartenance à un groupe politique. Les personnalités indépendantes qui doivent être nommées ne doivent pas représenter des groupes ou des partis politiques. À tort ou à raison, le Conseil d’État estime qu’il ne peut y avoir de mandat impératif. Il l’a dit sur ce texte, comme sur d’autres en de nombreuses occasions.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. En toute sérénité, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous dire que votre argumentation est extraordinaire.

Nous sommes d’accord avec le fait que les personnalités qualifiées ne doivent pas avoir de mandat électif. Mais pourquoi penser que les groupes d’opposition feraient forcément des propositions partisanes ? Pourquoi leur dénier le souci de l’intérêt général ?

Par ailleurs, il ne s’agit là que de propositions puisque la nomination des membres reviendra au président du Sénat et au président de l'Assemblée nationale.

Pensez-vous que des groupes d’opposition ne puissent pas proposer, dans notre pays, des hommes et des femmes tout simplement connus pour leur indépendance d’esprit ? Point n’est besoin de chercher des missi dominici ou des rémouleurs chirurgiens ! Nous avons besoin de personnes qui aient une hauteur de vue et une indépendance reconnue au-delà de toute appartenance politique. Mais vous, vous nous privez de ce pouvoir.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce n’est pas le Gouvernement ! C’est la position du Conseil d’État !

M. Bernard Frimat. Nous ne demandons pas la possibilité de faire une proposition partisane ; nous demandons tout simplement qu’il nous soit possible de faire une proposition.

Par quel extraordinaire phénomène les personnalités proposées par les trois autorités appartenant à la même famille politique, en l’occurrence l’UMP,…

M. Pierre Fauchon. Pour le moment !

M. Bernard Frimat. …seraient frappées du sceau de l’indépendance, alors que celles qui seraient proposées conjointement par les groupes d’opposition incarneraient l’horreur partisane ?

Personnellement, j’ai une grande amitié pour Pierre Fauchon – il le sait d’ailleurs – et, sur de nombreux sujets, j’attache beaucoup d’importance à ses avis, mais nous ne sommes pas là dans une démarche partisane.

Nous sommes favorables à un plus grand pluralisme. Un système monocolore a tendance à étouffer la démocratie. Il faut prévoir des fenêtres de respiration. Et pourquoi ne pas le faire au sein de cette commission ? Sinon quel spectacle allons-nous donner ?

À aucun moment, vous l’aurez remarqué, je n’ai mis en cause les magistrats.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ah !

M. Bernard Frimat. J’ai simplement dit que nous pourrions peut-être avoir une démarche plus conforme au débat que nous avions eu lors de la révision constitutionnelle. Nous voulons une commission dont on ne puisse pas dire qu’elle n’est composée que de femmes de César, puisqu’on ne soupçonne pas la femme de César…

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’ai compris que vous êtes pour l’ouverture !

M. Bernard Frimat. Moi, je n’ai pas voté la réforme constitutionnelle ! Je ne m’appelle pas Jack Lang !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 3° bis Une personnalité qualifiée nommée par chaque groupe parlementaire ;

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. La réforme constitutionnelle a créé cette commission afin de conférer plus de transparence aux opérations de redécoupage des circonscriptions. Nous avions alors exprimé des doutes sur cet énoncé de principe, doutes que nous nourrissons encore aujourd'hui.

Mme le garde des sceaux avait tenu à nous rassurer, en affirmant que cette commission serait composée d’experts en la matière, autrement dit des démographes, des statisticiens, des juristes et des géographes.

Aujourd'hui, tout a fondamentalement changé ! Désormais, la commission sera composée de trois magistrats issus du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation et de trois personnalités nommées respectivement par le Président de la République, par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat. Qui plus est, la personne désignée par le Président de la République présidera cette commission.

Les personnalités qualifiées seront donc nommées par le Président de la République, qui appartient, que je sache, à l’UMP,…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ça peut changer !

Mme Josiane Mathon-Poinat. …par le président de l'Assemblée nationale, qui est également membre de l’UMP,…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ça peut également changer !

Mme Josiane Mathon-Poinat. …et par le président du Sénat, qui l’est, lui aussi !

En quoi peut-on donc dire que cette commission est indépendante ou neutre ? C’est faux, au vu de l’appartenance politique de ceux qui désigneront les personnalités qualifiées !

Même si je sais que mon amendement sera rejeté, je vous propose, mes chers collègues, d’ajouter une touche de pluralisme dans la composition des membres de cette commission, en prévoyant qu’une personnalité qualifiée sera nommée par chaque groupe parlementaire, et donc notamment par le groupe CRC-SPG et par le groupe socialiste, pour constituer le pendant des personnalités nommées, en l’occurrence, par des membres appartenant à l’UMP.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement déposé par nos collègues du groupe CRC-SPG aggrave le caractère politique de cette commission.

Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est un problème d’équilibre !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce n’est pas un problème d’équilibre, c’est un problème d’aggravation du caractère politique !

« Une personnalité qualifiée nommée par chaque groupe parlementaire ». De quels groupes s’agit-il ? Ceux de l’Assemblée nationale ? Ceux du Sénat ? Ce ne sont pas les mêmes. Faut-il prévoir une multitude de groupes ? Les six personnalités présentes vont être complètement noyées dans la masse des groupes représentés.

De plus, qui nous dit que les trois magistrats ne seront pas des experts ? Qui nous dit que les trois personnalités choisies respectivement par le chef de l’État, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ne seront pas non plus des experts ? Elles le seront forcément, sinon elles seraient bien évidemment réfutées par la commission compétente.

Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement qui renforce le caractère politique de la commission, alors que celle-ci doit être impartiale et indépendante.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est conforme à celui de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Nous ne voterons pas l’amendement de Mme Josiane Mathon-Poinat.

M. Bernard Frimat. Nous ne sommes pas en désaccord avec la démarche qui consiste à assurer l’indépendance de la commission. Mais, si l’on suivait votre proposition d’amendement, chère collègue, le critère étant « chaque groupe parlementaire », on se heurterait dans chaque assemblée, après le problème de la composition de ces groupes, à un problème de pondération. On saura, surtout si sont également représentés les groupes politiques de l’Assemblée nationale, qui émet un avis excessivement lié à des intérêts légitimes qui transcendent les partis politiques et qui ont une dimension particulière à propos de laquelle vous avez, dit-on, monsieur le secrétaire d’État, beaucoup rassuré ces derniers temps, ce qui ne manque pas de m’inquiéter.

Nous nous abstiendrons sur votre amendement par amitié, chère collègue, mais, au-delà de cela, nous ne pouvons pas accepter une telle proposition.

La perspective que nous avions ouverte –  l’amendement de Josiane Mathon-Poinat nous permet bien de mesurer la différence – était beaucoup plus respectueuse d’un souci d’ouverture, non d’une ouverture débauchage comme cela peut se pratiquer, mais d’une ouverture d’esprit, monsieur le secrétaire d’État. Il est vrai que nous nous attendions plus à une fermeture qu’à une ouverture d’esprit dans ce débat et, sur ce point, vous ne nous avez pas déçus !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Avec cet article, et je parle sous le contrôle du rapporteur car mes idées deviennent quelque peu confuses, ce dont je vous prie de m’excuser, le Gouvernement nous propose un décalque de l’article 13 de la Constitution. C’est une façon de reprendre ce faux nez du vote négatif des trois cinquièmes sur la nomination faite par le président de la République pour l’appliquer aux nominations faites respectivement par le président du Sénat et par le président de l’Assemblée nationale.

Nous l’avons dit à de multiples reprises lors de l’examen de la réforme constitutionnelle, réunir ces « trois cinquièmes négatifs » est une illusion ; cela ne fonctionnera pas ! À chaque fois, on nous a répondu – et encore cet après-midi – que ce n’était pas un problème. Il suffirait que la commission émette un avis négatif pour que la personne susceptible d’être nommée soit disqualifiée. M. Patrice Gélard a évoqué ce sujet dans une américanisation du propos et même la rumeur qui courait les couloirs du Sénat sur tel ou tel élément. Je sais parfaitement, étant attaché, si ce n’est à la défense des droits, du moins à la défense des libertés, que les souvenirs qu’il avait étaient les miens. On peut les avoir en aimant le roller ! Tout le monde avait compris de qui et dans quelles conditions il voulait en parler.

Madame la présidente, je vais retirer mon amendement car il a une cohérence avec une double nomination. Et dans une double nomination, il nous semblait qu’il n’y avait pas de nécessité d’émettre un avis autrement qu’à la majorité simple.

Selon moi, il aurait été sain – vous en avez encore la possibilité, monsieur le président Hyest, mais cela briserait le rêve du vote conforme ! – que la commission des lois du Sénat s’exprime à une majorité simple sur la nomination du président du Sénat. Cet élément aurait été suffisant pour éviter ce carcan.

Quoi qu’il en soit, un tel amendement n’ayant de sens que pour une double nomination, je le retire.

Mme la présidente. L'amendement n° 5 est retiré.

L'amendement n° 22, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

La désignation ne peut intervenir que si les votes positifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de ladite commission.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement porte sur la seule garantie de pluralisme de cette commission contenue dans ce texte. Mais cette garantie est à notre sens bien trop faible pour avoir un quelconque impact.

En effet, selon le projet de loi, les personnalités désignées par le président de chaque assemblée le sont après avis de la commission permanente chargée des lois électorales de l’assemblée concernée. Or la désignation ne peut intervenir lorsque les votes négatifs représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de ladite commission.

D’un point de vue purement institutionnel, cette procédure prévoit donc la possibilité pour les parlementaires d’exprimer leur désaccord. Mais, dans les faits, ce droit n’aura aucune conséquence, tant les freins à l’expression démocratique sont nombreux.

Tout d’abord, les commissions permanentes chargées des lois électorales ne reflètent pas le pluralisme des couleurs politiques de chaque assemblée, à l’avantage de la majorité et au détriment des petites forces politiques.

Ensuite, il faudra réunir les trois cinquièmes de ces commissions pour se prononcer contre ces nominations, ce qui constitue un deuxième filtre assurant aux présidents des assemblées la liberté de nommer qui bon leur semble.

Afin d’instaurer une once de démocratie, nous proposons donc que les nominations au sein de la commission par les présidents des assemblées soient adoptées par les trois cinquièmes des suffrages exprimés, ce qui impliquerait a minima d’associer l’opposition aux nominations.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

Tout d’abord, il existe une cohérence dans le dispositif qui est prévu dans le projet de loi et qui est le calque de l’article 13 de la Constitution.

Mais, surtout, le système proposé par le groupe CRC-SPG aboutirait à établir éventuellement des droits de veto pour le choix des candidats aux différentes fonctions, notamment pour les choix du président de l’Assemblée nationale et du président du Sénat, ce que nous ne pouvons accepter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable, que je souhaite expliciter, madame la présidente.

À propos de cette avancée que constitue le droit de veto potentiel, permettez-moi de rappeler d’où l’on vient.

En 1985, dans la plus totale opacité et la plus grande discrétion, le Président de la République d’alors avait augmenté de plusieurs dizaines les nominations à sa discrétion, sans que cela suscite le moindre débat, au Parlement ou ailleurs.

La réforme constitutionnelle du 23 juillet – que vous n’avez pas votée, mais qui a été adoptée par le Parlement réuni en Congrès à Versailles – constitue une grande avancée démocratique. La commission, en qui il faut avoir confiance, se met en place. Elle sera composée, comme il en a toujours été question, de trois représentants des plus hautes juridictions de notre pays – le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour des comptes – et de trois personnalités qualifiées.

Selon le dispositif voté, 29 sénateurs pourront opposer leur veto à la nomination de la personnalité désignée par le président du Sénat, tandis que 44 députés pourront faire de même pour la nomination de la personnalité choisie par le président de l’Assemblée nationale et 72 députés ou sénateurs pour la nomination par le Président de la République du président de la commission.

Si la majorité n’est pas atteinte, il sera difficile, que ce soit pour le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, de maintenir la nomination de la personnalité qualifiée qui aura été proposée et soumise à une telle appréciation, personnalité dont la candidature, de plus, pourra sans doute être difficilement présentée une nouvelle fois.

Il est important que cette grande avancée démocratique soit très claire. Or la disposition que vous proposez, et que nous avions envisagée, comporte une impossibilité juridique qui justifie l’avis défavorable du Gouvernement.

En effet, la procédure encadrant le pouvoir de nomination du Président de la République par la consultation de commissions parlementaires ne peut être introduite si elle n’est pas prévue par la Constitution. Or l’article 13, tel qu’il a été rédigé dans la loi constitutionnelle de juillet, comporte un veto négatif, et non un vote positif, à la même majorité qualifiée des trois cinquièmes. (Mme Josiane Mathon-Poinat s’exclame.) Mais cela change tout, madame le sénateur !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous avions déjà tenté de changer le processus lors de l’examen de loi constitutionnelle !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« La commission élit son président en son sein.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. L’avancée de la loi ordinaire fait que la commission pseudo-indépendante est maintenant constituée. Mais son indépendance ne réside que dans la formulation de l’article 25 de la Constitution. Et, cerise sur le gâteau, elle est tellement indépendante que son président est nommé, par le Président de la République !

Pour qu’un petit vent de liberté vienne caresser cette commission et lui donne un léger soupçon d’indépendance, il conviendrait qu’elle puisse élire son président en son sein. Ce serait, selon nous, un signe intéressant et sans doute pas très coûteux...

Mais, dans votre vision, le président aura voix prépondérante, ce qui vient parfaire le verrouillage de la commission après les nominations politiques de l’Élysée, du Palais du Luxembourg et du Palais-Bourbon ! Certes, les magistrats, élus, échappent à cette critique. Mais les membres issus des nominations politiques auront, de fait, la majorité au sein de cette commission avec la voix prépondérante du président.

Circulez, y’a rien à voir ! Nous savions depuis le début qu’il n’y aurait sans doute pas grand-chose à voir. Telle n’est pas notre conception de la transparence, et c’est parce que nous souhaitions que la commission ait le droit d’élire son président que nous avons déposé cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-1 du code électoral :

« La commission est présidée par un de ses membres élu en son sein.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, M. Sarkozy s’était présenté comme un candidat en rupture avec les pratiques les plus archaïques du pouvoir. Il avait ainsi affirmé qu’il voulait que « les nominations aux fonctions les plus importantes de l’État se fassent sur des critères de compétences et de hauteur de vue, et non pas sur des critères de proximité avec le pouvoir politique en place ». Il avait ajouté : « Les candidats à ces nominations seront auditionnés publiquement par le Parlement et celui-ci pourra mettre son veto à leur nomination. » Comme vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, je me contente d’agir conformément aux souhaits de M. le Président de la République !

En guise de rupture, les nominations personnelles, unilatérales et opaques se multiplient, à l’image de la nomination du président-directeur général de France Télévisions, qui sera désormais désigné par le Président de la République lui-même, et non plus par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, renouant ainsi avec les vieilles pratiques de l’ORTF.

En prétendant rompre avec les méthodes archaïques, le Président de la République fait donc pire que ses prédécesseurs. Cela laisse un goût amer !

Toujours par souci de garantir une certaine indépendance à cette commission, nous proposons donc, comme nos collègues du groupe socialiste, qu’elle élise en son sein son président.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La solution proposée tant par le groupe socialiste que par le groupe CRC-SPG était envisageable. Il s’agit en effet de poser le principe selon lequel la commission indépendante élit son président en son sein. Ce principe ayant été adopté pour d’autres organismes, il est donc défendable.

Cependant, le Gouvernement a choisi une autre voie, qui est celle de la nomination par le Président de la République, accompagnée de l’ensemble des garanties liées à l’intervention des commissions parlementaires compétentes et que j’ai déjà rappelées.

La majorité de la commission s’étant ralliée à la proposition gouvernementale, j’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Monsieur Frimat, je vais vous faire plaisir !

M. Bernard Frimat. Le pire n’est pas exclu ! (Sourires.)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous allez voir ! Nous avions effectivement prévu, dans le texte initial, une élection au sein de la commission. Cette disposition figurait d’ailleurs dans le texte que nous avions présenté au Conseil d’État, qui l’a rejetée, estimant qu’il existait un risque d’affrontement interne au moment de l’élection du président, ce qui serait préjudiciable au bon fonctionnement ultérieur de ladite commission.

Le Conseil d’État, à tort ou à raison, mais il a toujours raison, a adopté cette position, évoquant à cette occasion le précédent de la CNCL, la Commission nationale de la communication et des libertés, mise en place en 1986, pour laquelle l’élection interne du président avait empêché le bon déroulement des travaux ultérieurs.

Madame Mathon-Poinat, monsieur Frimat, nous avons failli vous donner satisfaction. Mais, au final, nous avons naturellement suivi l’avis du Conseil d’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.

M. Bernard Frimat. Je ne peux rester indifférent à votre explication, dont je vous donne acte, monsieur le secrétaire d’État. Cependant, en vous voyant prendre la parole, je me disais que le pire n’était pas exclu !

Je vous suis d’autant plus reconnaissant que nous avions souhaité que les avis du Conseil d’État soient publics, parce qu’ils nous semblaient constituer des éléments de nature à améliorer notre compréhension. Je vous remercie donc de lever le voile sur ce point.

Si je tente de me figurer – vous savez que l’imagination peut quelquefois fonctionner de manière très efficace ! – le rapporteur qui s’est prononcé sur ce texte, il me vient à l’esprit un proverbe kabyle : « quand on veut, on cherche un moyen ; quand on ne veut pas, on cherche une excuse » ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de nous avoir donné la raison pour laquelle le Conseil d’État a émis un avis défavorable ou une recommandation défavorable sur ce point, en se fondant sur un argument qui paraît un peu limite. Mais nous n’avons pas à juger les décisions du Conseil d’État.

Cela étant, vu de l’extérieur, au regard de l’indépendance de cette commission et de sa capacité à prendre des décisions de son propre chef, c’est un curieux message que vous envoyez ! En effet, cette commission sera présidée par une personnalité nommée par le Président de la République, et non pas par une personne élue en son sein.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Remplacer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-2 du code électoral par deux phrases ainsi rédigées :

Ils sont réunis en deux collèges, l'un composé par les magistrats et l'autre par les personnes qualifiées, élus dans les conditions prévues à l'article L. 567-1 du code électoral. Les membres de cette commission sont renouvelés par collège tous les trois ans, sous réserve des dispositions du paragraphe II de l'article 1er.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Madame la présidente, je vais retirer cet amendement, que nous avions déposé par cohérence avec les amendements précédents.

Si, dans un moment de sagesse et d’intelligence décuplées, nos collègues nous avaient suivis (M. Pierre Fauchon s’exclame), nous aurions créé une commission composée de sept membres, c'est-à-dire en nombre impair. Il aurait alors fallu régler le problème de la réélection. C’est pour cette raison que nous avions réuni en deux collèges les membres de cette commission, l’un composé par les magistrats et l’autre par les personnalités qualifiées. Les membres de la commission auraient été renouvelés par collège tous les trois ans. Par respect pour les personnalités qualifiées, nous proposions de renouveler d’abord le collège des magistrats, puisqu’ils étaient issus d’une élection.

Or cette présentation en collèges n’a plus grand sens, puisque l’indépendance de la commission sera encore réduite par le fait que son président, qui sera nommé par le Président de la République, occupera cette place pendant six ans. Cessons donc d’essayer d’améliorer les conditions de fonctionnement de cette commission et d’introduire de l’indépendance là où existe la dépendance !

Dans ces conditions, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.

L'amendement n° 8, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Après le mot :

si

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-6 du code électoral :

la totalité de ses membres sont présents sauf cas de force majeure.

II. - Rédiger comme suit le second alinéa du même texte :

Elle délibère à la majorité absolue de ses membres.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement repose sur l’idée que cette commission sera de taille réduite et qu’elle se réunira vraisemblablement de façon peu fréquente. Pour la première révision électorale, elle va jouer, en quelque sorte, les carabiniers, parce qu’elle interviendra après toute une série d’événements.

Il nous semblait donc important que, sauf cas de force majeure – je ne parle pas de ceux que nous pratiquons au sein des commissions sénatoriales ! –, la totalité de ses membres soit présente et qu’elle délibère à la majorité absolue de ses membres. En effet, les opérations de redécoupage constituent un sujet tellement sensible qu’il ne nous semble pas choquant que, sauf cas de force majeur, la commission délibère au complet.

Je pense, monsieur le secrétaire d’État, que vous auriez pu accepter cet amendement, mais le texte doit être adopté conforme ! Le Président de la République attend ! M. Xavier Bertrand veut pouvoir retrouver son siège à l’Assemblée nationale, avant de retourner à l’UMP prendre les fonctions définitives de secrétaire général. Nous comprenons bien toutes vos contraintes ! Je disais à midi, sous forme de boutade, que nous nous sentions en quelque sorte les défenseurs de M. Copé en faisant retarder l’adoption du texte. Au demeurant, chacun a ses querelles ! Nous avons les nôtres, elles sont suffisamment publiques. Chacun son tour !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne peut pas atteindre les sommets auxquels vous êtes parvenus !

M. Bernard Frimat. Ne préjugez de rien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, parce que cet amendement prévoit des contraintes excessives pour une instance amenée à rendre des avis sur des sujets complexes dans les deux mois suivant sa saisine. Il paraît irréaliste d’imposer de telles contraintes.

Par conséquent, nous proposons d’en rester à la rédaction actuelle du projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après la première phrase du second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 567-7 du code électoral, insérer une phrase ainsi rédigée :

Cet avis relate les positions divergentes éventuellement émises au sein de la commission.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cette commission, à l’indépendance proclamée par la Constitution, doit travailler sur une matière très délicate, car éminemment politique.

Cela ne l’empêchera peut-être pas de faire preuve d’un esprit d’indépendance et de neutralité, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, laquelle prévoit que l’Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques.

Selon nous, il n’y a donc pas d’avantages à ce que l’avis public de cette commission soit bridé. Il y aura un débat et, si jamais nous allons ce soir jusqu’au vote sur l’ensemble du projet de loi, ce qui semble assez vraisemblable, j’aurai l’occasion d’interroger tout à l’heure M. le secrétaire d’État sur les conditions de ce débat.

Il nous semble que l’avis public de la commission sera plus riche s’il présente les problématiques soulevées en son sein. Nous ne réclamons pas un procès-verbal qui consignerait les propos tenus par chacun. Les obligations de réserve qui incombent aux membres de cette commission ne nous choquent pas, à condition qu’elles s’appliquent à tous et que nous n’ayons pas, d’un côté, la communication et, de l’autre, le silence.

Si des avis divergents argumentés se sont exprimés au sein de la commission, il serait décent que la représentation nationale en soit avertie. Sans vouloir rompre la confidentialité des débats, je pense que ces opinions divergentes devraient figurer dans l’avis public.

De la même manière, peut-être nous orienterons-nous vers la publication des positions divergentes dans les avis émis par les commissions de notre assemblée. Je pense que nous ferions ainsi un progrès en termes de transparence et de démocratie.

Je noterais donc simplement, si d’aventure vous étiez défavorable à cette proposition, monsieur le secrétaire d’État, que vous refusez la transparence. Mais serait-ce vraiment une découverte ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Une fois encore, notre collègue Frimat propose une fausse bonne solution. Cet amendement, qui a pour objet de publier les positions divergentes tenues au sein de la commission indépendante, ne paraît pas utile, pour deux raisons.

Premièrement, la publication des opinions divergentes ne constitue pas une tradition française mais une tradition anglo-saxonne, utilisée à la Cour internationale de justice de La Haye ou à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Mais, franchement, il y a à boire et à manger dans ces opinions divergentes, et cela nuit grandement à la clarté des décisions de justice. On peut certes les admettre, mais elles requièrent une culture particulière qui n’est pas dans notre tradition.

Je prendrai l’exemple récent du rapport Balladur sur la révision de la Constitution, au sein duquel figuraient des opinions divergentes. Bizarrement, celles-ci n’avaient aucun rapport avec le sujet principal abordé par le comité Balladur, leur vocation étant d’élargir le débat. Je pense notamment à l’opinion divergente de M. Mazeaud.

Deuxièmement, si l’on veut éviter tout risque de dérive, la commission doit parler d’une seule voix. Il ne saurait y avoir des interprétations divergentes qui, par exemple, critiqueraient le découpage effectué dans tel ou tel département. Ce serait la porte ouverte à des contentieux interminables.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il est également défavorable. La commission est un organisme collégial auquel la Constitution confie le soin d’exprimer un avis, celui-ci devant obligatoirement être rendu public. Cet avis ne peut donc pas contenir d’opinions divergentes minoritaires, conformément à la tradition juridique nationale et à ce qui se passe au Conseil d'État ou au Conseil constitutionnel.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Voilà !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cela étant dit, l’avis public collectif, voire collégial, émis par la commission pourra être très circonstancié et très argumenté. C’est un point très important. C’est en effet l’existence même de la commission qui se joue au travers de cet avis, et celle-ci aura tout le loisir de lui donner un maximum de publicité.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. - Pour la première commission prévue à l'article 25 de la Constitution et par dérogation à l'article L. 567-2 du code électoral, le collège des magistrats effectue un mandat de trois ans non renouvelable.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Je retire cet amendement, pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure.

Mme la présidente. L'amendement n° 10 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés
Article 2

13

Décision du conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date de ce jour, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Acte est donné de cette décision.

Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des Lois et décrets.

14

Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés

Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d’urgence

Mme la présidente. Nous reprenons l’examen du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, adopté par l’Assemblée nationale.

Projet de loi (suite)

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2.

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés
Article 3

Article 2

I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé par ordonnances, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi :

1° À fixer le nombre total de députés élus par les Français établis hors de France ; à mettre à jour le tableau annexé à la loi n° 86-825 du 11 juillet 1986 relative à l'élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales, répartissant les sièges de députés élus dans les départements ; à mettre à jour la répartition des sièges de députés élus dans le ressort de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution ; 

2° À mettre à jour la délimitation des circonscriptions législatives dans chaque département et en conséquence le tableau n° 1 annexé au code électoral en application de l'article L. 125 du même code, dans sa rédaction issue de la présente loi ;

3° À mettre à jour la délimitation des circonscriptions législatives en Nouvelle-Calédonie et dans chaque collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution et en conséquence le tableau n° 1 bis annexé au code électoral en application de l'article L. 125 du même code, dans sa rédaction issue de la présente loi ;

4° À délimiter les circonscriptions législatives des Français établis hors de France et à arrêter le tableau n° 1 ter annexé au code électoral en application de l'article L. 125 du même code, dans sa rédaction issue de la présente loi.

II. - Les opérations conduites en vertu du I se conforment aux règles suivantes :

1° Elles sont mises en œuvre sur des bases essentiellement démographiques, sous réserve des adaptations justifiées par des motifs d'intérêt général en fonction notamment de l'évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales.

Le nombre de députés ne peut être inférieur à deux pour chaque département.

Sauf exception justifiée par des raisons géographiques ou démographiques, les circonscriptions sont constituées par un territoire continu. Sont entièrement compris dans la même circonscription pour l'élection d'un député d'un département toute commune dont la population est inférieure à 5 000 habitants ainsi que tout canton constitué par un territoire continu, dont la population est inférieure à 40 000 habitants et qui est extérieur aux circonscriptions des villes de Paris, Lyon et Marseille. Est entièrement comprise dans la même circonscription pour l'élection d'un député élu par les Français établis hors de France toute circonscription électorale figurant au tableau n° 2 annexé à l'article 3 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger, dès lors que cette circonscription électorale ne comprend pas de territoires très éloignés les uns des autres.

Les écarts de population entre les circonscriptions ont pour objet de permettre la prise en compte d'impératifs d'intérêt général ; en aucun cas la population d'une circonscription ne peut s'écarter de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département, de la collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution ou de la Nouvelle-Calédonie ;

2° La population des départements est celle authentifiée par le premier décret publié en application du VIII de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ;

3° L'évaluation de la population de la Nouvelle-Calédonie et des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution se fonde sur le dernier recensement réalisé en application des articles 156 à 158 de la même loi ;

4° L'évaluation du nombre de Français établis dans chaque pays étranger prend en compte les données inscrites au registre des Français établis hors de France dans chaque circonscription consulaire.

III. – Supprimé.

IV. - Les dispositions prises par ordonnance sur le fondement du présent article prennent effet lors du premier renouvellement général de l'Assemblée nationale suivant la publication de la présente loi.

V. - Le projet de loi portant ratification des ordonnances est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant celui de leur publication.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, sur l'article.

M. Michel Magras. Dès le début de ce débat, il est apparu que nous étions tous d’accord pour considérer que chacune de nos interventions n’avait d’autre objet que de permettre au Conseil constitutionnel d’apprécier la constitutionnalité de ce projet de loi. À cette fin, je souhaite apporter quelques arguments complémentaires concernant l’article 2.

Il convient en premier lieu de rappeler que le principe de proportionnalité entre la représentation à l’Assemblée nationale et la réalité démographique est susceptible de connaître des dérogations pour des motifs d’intérêt général, à condition, toutefois, qu’une telle dérogation à cette « règle fondamentale » n’intervienne que « dans une mesure limitée ».

La jurisprudence du Conseil constitutionnel admet ainsi que chaque département puisse, quelle que soit sa population, élire deux députés à l’Assemblée nationale, afin « d’assurer un lien étroit entre l’élu d’une circonscription et l’électeur. »

Toutefois, les inégalités de représentation qui résultent de ce dispositif dérogatoire ne doivent pas conduire à accroître « sensiblement » les inégalités de représentation « au sein d’un même département ». Il faut rappeler ici que Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne sont ni un département ni un archipel.

Ces règles générales doivent en outre être appréciées au regard d’un certain nombre de précédents.

Le Conseil constitutionnel a déjà admis la représentation par un siège de député à l’Assemblée nationale de collectivités d’outre-mer faiblement peuplées : les îles de Wallis et Futuna, peuplées aujourd’hui de 15 000 habitants, n’en comptaient que 8 000 à la date de leur accession au statut de territoire d’outre-mer ; Saint-Pierre-et-Miquelon est représenté à l’Assemblée nationale, ainsi que Mayotte.

La loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a créé deux nouveaux sièges de député pour les deux nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Le Conseil constitutionnel n’a pas condamné cette création, ce qu’il aurait pu faire, en théorie, en se fondant sur la faible population de Saint-Barthélemy ; il l’a simplement différée dans l’attente d’un remodelage général des circonscriptions législatives, ce sur quoi nous débattons aujourd’hui.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel n’admet les écarts de représentation que « dans une mesure limitée ». Or les trois sièges des trois « petites » collectivités représentent au total 0,51 % des 577 sièges de députés. Le président Jean-Jacques Hyest l’a rappelé tout à l’heure en prenant le cas de Saint-Barthélemy.

À l’occasion de la réforme de la composition du Sénat, le Conseil constitutionnel a expressément admis le maintien, au profit de la Creuse et de Paris, d’inégalités démographiques à caractère exceptionnel et portant sur un nombre limité de sièges – 4 sur 346 : « en conservant aux départements de la Creuse et de Paris leur représentation antérieure, le législateur a apporté une dérogation au mode de calcul qu’il avait lui-même retenu ; que, toutefois, pour regrettable qu’elle soit, cette dérogation, qui intéresse quatre sièges, ne porte pas au principe d’égalité devant le suffrage une atteinte telle qu’elle entacherait d’inconstitutionnalité la loi déférée ». Or la proportion de 4 sur 346, soit 1,15 %, est bien supérieure à celle de 3 sur 577, soit 0,51 %.

Aussi, si l’on extrapole, fusionner les circonscriptions de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin reviendrait à accepter le principe de circonscriptions « interdépartementales ». Cette évolution devrait alors conduire, en métropole, à la création de circonscriptions englobant deux départements – ou un département et une partie d’un autre – faiblement peuplés.

Mes chers collègues, je m’apprête à présenter un deuxième amendement s’inscrivant dans la suite logique de ma démarche initiale consistant à rétablir dans la loi le principe selon lequel toute collectivité est représentée par au moins un député.

J’ai écouté les avis des uns et des autres. Monsieur le rapporteur, votre message a été très clair et très précis. Monsieur le président de la commission, j’ai apprécié la force de votre engagement. Monsieur le secrétaire d'État, je comprends que, à ce stade de l’examen de ce projet de loi, il vous soit difficile d’apporter des réponses plus concrètes à mes interrogations. Néanmoins, votre propos témoigne, me semble-t-il, d’un engagement du Gouvernement, lequel a été réitéré par plusieurs ministres ces derniers temps. Dans ces conditions, il est fort probable que je retire l’amendement que j’ai déposé. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, sur l'article.

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, si vous le permettez, j’interviendrai à la fois sur les articles 2 et 3.

Je n’ai pas l’intention de contrevenir au principe de courtoisie parlementaire ; il ne m’appartient pas de contester, dans cette chambre, ce qu’une autre a décidé pour elle-même. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas souhaité déposer d’amendement. Je voterai d’ailleurs ces deux projets de loi, monsieur le secrétaire d'État.

Je suis élu depuis 1988 pour représenter les Français de l’étranger. Si cette disposition législative concerne l’Assemblée nationale, elle intéresse aussi tous les Français établis hors de France et qui ne sont jusqu’à présent défendus que dans cette assemblée.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il me semble que je peux apporter dans ce débat sinon mon expertise, du moins mon expérience.

Les élus de l’Assemblée des Français de l’étranger apprécient l’engagement du Président de la République de tenir ses promesses relatives aux députés des Français de l’étranger.

L’article 2 du présent texte prévoit que la population française à l’étranger qui sera prise en compte, soit environ 1,4 million de personnes, serait diminuée du nombre de Français inscrits sur les listes électorales en France, en tout cas pour l’élection présidentielle.

Permettez-moi de me faire l’écho de l’Assemblée des Français de l’étranger. Pendant des décennies, on a reproché leur départ aux Français de l’étranger. Puis, on leur a dit qu’ils devaient s’inscrire sur les listes électorales. Beaucoup l’ont fait, et c’est très bien !

Or, aujourd’hui, c’est cet attachement à la France qui conduit à amputer leur représentation au Parlement. S’ils se sont inscrits sur les listes électorales afin de pouvoir participer aux élections municipales, cantonales, législatives, c’est parce qu’ils sont attachés à la France. Maintenant, cette possibilité existe à l’étranger et on va donc les rayer des listes électorales.

Monsieur le secrétaire d’État, nous pourrions peut-être améliorer la situation en séparant les élections législatives des autres élections.

Si les Français de l’étranger s’inscrivent sur les listes électorales afin de participer aux élections municipales ou cantonales, leur inscription vaudra également pour les législatives. En distinguant les législatives des autres élections, les Français établis hors de France pourraient voter à l’étranger pour les législatives tout en gardant la possibilité de voter en France pour les élections municipales.

Monsieur le secrétaire d’État, le nombre des députés qui représenteront les Français de l’étranger fait l’objet d’un âpre débat. L’Assemblée des Français de l’étranger souhaite douze sièges de député. Néanmoins, cela ne peut pas être le cas pour les raisons que vous avez fort bien expliquées.

Vous avez laissé entendre, en réponse à une intervention de M. Christophe-André Frassa, que l’on pourrait espérer neuf députés. Certes, les Français de l’étranger en auraient préféré douze, mais ils se satisferaient de neuf.

Cela permettrait d’avoir quatre députés pour l’Europe – tout le monde est d’accord sur ce point –.et cinq pour le reste du monde : deux députés pour l’Amérique, dont un pour le Canada et les États-Unis et un pour le Mexique, l’Amérique centrale et l’Amérique du sud –  cela correspond à peu près au nombre de Français qui résident dans ces régions ; deux pour l’Afrique, dont un pour les pays du Maghreb et du Machrek – Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie et Égypte, donc tout le nord de l’Afrique – et un pour l’Afrique subsaharienne, l’Afrique noire ; enfin, un pour l’Asie avec l’Iran et la péninsule arabique : le nombre de Français serait un peu moins élevé, mais l’étendue de la circonscription devrait permettre au Conseil constitutionnel d’accepter ce découpage.

Les sénateurs représentant les Français établis hors de France et les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger sont prêts à donner leur avis ; je sais que vous en tiendrez compte, monsieur le secrétaire d’État !

Le scrutin majoritaire à deux tours a été retenu, avec un délai de quinze jours entre les deux tours ; je vous propose de réfléchir à l’instauration d’un délai de trois semaines, monsieur le secrétaire d’État. En effet, en raison du décalage horaire et des délais nécessaires à la transmission des résultats, qui ne sont officiels à Paris que quarante-huit heures après l’élection, il faut attendre trois jours avant d’avoir les résultats à l’étranger. Nous en avons eu l’expérience pour l’élection présidentielle et même pour l’élection de l’Assemblée des Français de l’étranger. Il faut également tenir compte des week-ends, qui sont différents dans les pays islamiques.

Par ailleurs, je ne suis pas hostile à un vote anticipé des Français de l’étranger.

Je tiens également au vote par internet : il devrait contribuer à limiter l’abstention, qui risque d’être importante pour ce genre d’élections. En outre, l’utilisation d’internet faciliterait la propagande des candidats à travers le monde.

Monsieur le secrétaire d’État, l’art de la politique, c’est l’art du possible. Si vous faites tout ce qui est possible, nous vous soutiendrons. Et si vous avez besoin de conseils, nous serons là pour vous aider. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, sur l'article.

M. Christian Cointat. Je tenais à intervenir dans l’intimité pourpre et chaleureuse de cet hémicycle afin de rendre un vibrant hommage à Nicolas Sarkozy. Sans lui, nous ne débattrions pas de la création de sièges de députés pour représenter les Français établis hors de France.

Le candidat à la présidence de la République n’avait fait que deux promesses aux Français établis hors de France : la gratuité de l’enseignement dans les classes de lycées et la création de sièges de députés. Devenu Président de la République, il a tenu ces deux promesses, en dépit de nombreuses vicissitudes et actions négatives. (M. Robert del Picchia applaudit.) D’aucuns ont en effet cherché, y compris dans cet hémicycle, à remettre en cause les promesses du Président de la République. Voilà deux jours, le Gouvernement, et je l’en remercie, a été obligé de demander une seconde délibération sur le projet de loi de finances afin que la promesse de gratuité de l’enseignement dans les classes de lycées puisse être tenue.

Donc, même dans notre hémicycle, certains ont cru devoir aller à l’encontre de la position du Président de la République. Je suis heureux de constater que Nicolas Sarkozy est resté ferme.

Il en est de même pour l’élection de députés représentant les Français établis hors de France.

On nous avait annoncé un traitement égal de tous les Français, qu’ils vivent en France métropolitaine ou outre-mer. Or je constate que l’on cherche tous les artifices pour essayer de réduire la représentation des Français de l’étranger.

Effectivement, lorsqu’on ne peut pas agrandir le gâteau, on doit réduire la taille des parts ! Malheureusement, les députés métropolitains sont bien plus nombreux que ceux d’outre-mer et, demain, que ceux qui représenteront les Français établis hors de France. Cela explique le débat auquel nous assistons, et ce n’est ni M. Magras ni les sénateurs de Mayotte qui me contrediront : tout ce qui peut réduire la part des autres augmentera celle des métropolitains.

Je tiens à le dire : je suis choqué par une approche si peu soucieuse de l’intérêt général, de l’équité et de l’égalité entre tous les Français.

Je tiens à rendre hommage à M. Marleix. Je le connais depuis fort longtemps et j’ai toujours été fasciné par son intelligence et par son habileté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Christian Cointat. Il a réussi à nous sauver la face, tout en réduisant le nombre de députés auxquels nous pouvons prétendre.

On compte 1 430 000 citoyens inscrits volontairement sur le registre des Français établis hors de France, sans qu’une démarche officielle de l’État ait été nécessaire. Ce nombre est donc nettement en dessous de la réalité, et il est porteur en lui-même d’un nombre de députés. Eh bien ! monsieur le secrétaire d’État, vous êtes parvenu  –et je vous en félicite, tout en le regrettant – à réduire le nombre de députés auxquels nous pouvions prétendre. J’espère que nous aurons neuf députés, car, en dessous, votre habileté deviendrait malhabile : neuf, c’est l’équilibre de l’habileté !

Tous les Français établis hors de France qui sont inscrits sur les listes électorales d’une commune de métropole ou d’outre-mer veulent, par définition, remplir leur devoir civique. Ils ne doivent donc pas être pénalisés.

M. del Picchia, M. Frassa et moi-même sommes inscrits sur la liste électorale d’une commune de France, mais nous ne sommes pas comptabilisés pour l’élection des députés ! C’est le cas de la plupart des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Alors, laissez-nous au moins la possibilité de participer à la détermination du nombre de députés, car eux peuvent voter pour nous.

Respectons la volonté du Président de la République, mais dans l’équité et dans l’égalité.

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez sauvé la face. En nous donnant neuf députés, vous nous permettrez de continuer à travailler, mais sachez que ce chiffre est très inférieur à ce qu’il devrait être.

Comme l’a souligné M. Yung, le nombre des Français de l’étranger est légèrement supérieur à la population de la ville de Paris : Paris compte douze sénateurs, les Français de l’étranger également ; Paris a vingt et un députés – je ne sais pas combien ils en auront demain, mais nous devrions en avoir autant.

Madame la présidente, permettez-moi, en conclusion, de renouveler le vibrant hommage que j’ai adressé au début de mon propos à Nicolas Sarkozy : il s’est attaché à ce que les deux promesses qu’il avait faites aux Français de l’étranger soient tenues. Il a démontré, comme le disait Vaclav Havel, que l’espérance est non pas au bout d’une prévision, mais au cœur de la volonté. Il a su faire preuve de volonté ; mes collègues et moi-même lui en sommes très reconnaissants. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 11 est présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 24 est présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement no 11.

M. Bernard Frimat. Je salue le vibrant plaidoyer de M. Cointat. Il est toujours émouvant de voir quelqu’un déployer tout son talent pour soutenir des personnes en difficulté. (Sourires.) Je ne peux qu’admirer sa vaillance.

Je tiens néanmoins à souligner que la représentation parlementaire à l’Assemblée nationale ne saurait être comparée à un gâteau que l’on se partage : on ne se partage pas les sièges de députés, mon cher collègue !

M. Christian Cointat. C’est malheureusement ce que je ressens !

M. Bernard Frimat. Parce que vous vous livrez à une sorte de marchandage ! Tout cela n’est pas très sérieux !

Le principe, c’est un homme, une voix.

M. Christian Cointat. Eh bien ! 1 430 000 divisé par 125 000, cela fait 12 !

M. Bernard Frimat. Le département du Nord compte onze sénateurs pour 2 500 000 d’habitants.

M. Christian Cointat. Nous en aurions un de plus !

M. Bernard Frimat. Mon cher collègue, cessons ce dialogue qui ne présente aucun intérêt, du moins pour moi !

Monsieur le secrétaire d’État, la détermination du nombre de députés est un sujet très important.

Si je vous ai bien compris, la révision constitutionnelle a pour objet de développer les droits du Parlement. Vous ne le faites pas, mais vous n’avez pas abandonné pour autant le discours. Lorsque vous réduirez le droit d’amendements, ce sera sans doute aussi pour développer les droits du Parlement…

L’amendement no 11 a le mérite de la clarté et de la simplicité : il vise à supprimer le recours à la loi d’habilitation. J’ai exposé, dans la discussion générale, les raisons qui m’ont conduit à déposer cet amendement.

Tout d’abord, il est possible de présenter un projet de loi ; ce n’est pas déshonorant. Le découpage actuel en est issu !

Ensuite, il revient au Parlement, et peut-être surtout à l’Assemblée nationale, de déterminer le nombre des députés.

Votre démarche est réductrice ! Lorsque le marchandage sera terminé avec vos amis représentant les Français de l’étranger – huit, neuf ou dix sièges – et que vous aurez pris en compte les collectivités d’outre-mer, il restera un solde. On dira alors qu’il faut raisonner par tranches afin de satisfaire la métropole. Et quand on mesurera in fine le poids de chaque circonscription, on constatera de très fortes inégalités.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Bernard Frimat. Il nous semble préférable de procéder dans l’ordre.

D’abord, on crée la commission indépendante. Cette commission ne sera pas consultée sur le contenu de la loi d’habilitation.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si !

M. Bernard Frimat. Pourtant, c’est ce qui avait été évoqué au cours du débat parlementaire.

La commission n’est pas chargée de faire la loi : elle doit donner un avis sur les critères !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, sur le découpage !

M. Bernard Frimat. Une fois que cette commission est créée, et en supposant qu’elle soit indépendante, elle peut émettre des avis.

Pour nous, la voie que vous suivez conduit à dessaisir le Parlement, à en faire une simple chambre d’enregistrement. C’est d'ailleurs ce qui se passe pour la majorité des textes, puisque, en général, vous trouvez que les débats sont trop longs.

Supprimons donc la loi d’habilitation : cela aura au moins le mérite de la clarté ! Revenons au projet de loi. Ainsi la réforme sera-t-elle menée de manière correcte, et dans l’ordre.

Si vous le voulez bien, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 12.

Mme la présidente. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. Bernard Frimat. Il s'agit simplement d’un amendement de repli.

Au travers de l’amendement n° 11, nous proposons que la loi d’habilitation dans son ensemble soit supprimée. Si, d’aventure, cet amendement ne soulevait pas l’enthousiasme du Sénat (Sourires.), nous pourrions en proposer une version plus réduite, qui consisterait à limiter l’habilitation à la seconde partie de la réforme, c'est-à-dire au découpage fin des circonscriptions.

Je crois, en effet, que nous pouvons distinguer deux éléments : d'une part, la délimitation des circonscriptions, et, d'autre part, la répartition des sièges de député entre les différentes catégories, qui, elle, ne devrait pas pouvoir échapper à un débat parlementaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 24.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous avons déjà longuement abordé la question du recours aux ordonnances pour fixer le nombre des députés des départements, des collectivités d’outre-mer et des Français de l’étranger, mais aussi pour délimiter les circonscriptions législatives.

L’argument qui légitime le recours aux ordonnances par le précédent de 1986 est trompeur. En effet, à l’époque, je le rappelle, le Président de la République, François Mitterrand, avait refusé de signer les ordonnances et le Gouvernement avait bien dû passer par la loi. C’est ce qui devrait se produire aujourd'hui. Je crois que seul le Parlement est légitime pour débattre, publiquement, de la question de la délimitation des circonscriptions électorales. Nous ne nous faisons pas trop d’illusions sur les conditions dans lesquelles sera effectué ce redécoupage.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne puis m’empêcher de rappeler que vous êtes en charge du redécoupage des circonscriptions électorales au sein du Gouvernement après avoir été le secrétaire national aux élections de l’UMP…

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce n’est pas une tare !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’a rien à voir !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous êtes, en quelque sorte, juge et partie. Vous avez d'ailleurs annoncé, dès le mois de septembre dernier, les circonscriptions qui seraient concernées.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 2.

Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa (1°) du I de cet article.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 13, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, M. Frimat, Mme Boumediene-Thiery, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le cinquième alinéa (4°) du I de cet article, après le mot :

les

insérer le mot :

deux

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Le présent amendement tend à encadrer l'habilitation donnée au Gouvernement pour délimiter les circonscriptions législatives.

Concrètement, nous proposons d’élire les députés représentant les Français établis hors de France dans le cadre de deux circonscriptions : l’une couvrirait l’Europe et l’autre regrouperait les territoires situés hors de ce continent.

Une telle répartition se trouve actuellement en vigueur au Portugal, où deux députés représentent les Portugais d’Europe et deux autres les Portugais établis hors de l’Europe.

Il s'agit évidemment d’un amendement de cohérence avec l’amendement qui vise à établir le scrutin proportionnel.

Ce choix a le mérite de la simplicité : chacune des deux circonscriptions regrouperait la moitié des Français de l’étranger, puisque à peu près 50 % de ces derniers sont inscrits sur le registre des Français de l’étranger résidant hors d’Europe. Il aurait en outre l’avantage de faciliter grandement le travail de M. le secrétaire d'État pour ce qui est de la détermination des circonscriptions. (Sourires.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Magras et Virapoullé, Mme Michaux-Chevry et MM. Detcheverry et Fleming, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du 1° du II de cet article, après les mots :

deux pour chaque département

insérer les mots :

et à un pour chaque collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution.

La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 14, présenté par M. Yung et Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le huitième alinéa (4°) du II de cet article :

L'évaluation du nombre de Français établis hors de France est établie sans minoration du nombre de personnes inscrites au registre des Français établis hors de France.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Comme l’amendement n° 13, celui-ci tend à encadrer l'habilitation donnée au Gouvernement pour fixer le nombre de députés représentant les Français établis hors de France. Nous nous efforçons en effet d’apporter notre aide à l’élaboration des ordonnances ! (Sourires.)

J’ai déjà longuement évoqué ce problème, notamment lors de la discussion générale, et nos collègues ont fait de même dans leurs interventions sur l’article. Je condense donc mon argumentation.

Nous aurions pu penser que l’effectif des députés représentant les Français de l’étranger serait calculé tout simplement en appliquant la méthode de la répartition par tranche, puisque celle-ci est utilisée pour la France métropolitaine, en prenant pour base le nombre des inscrits au registre des Français de l’étranger, c'est-à-dire 1,4 million de personnes.

D’un côté, on nous dit qu’il faut appliquer aux Français de l’étranger le même mode de scrutin que celui qui est employé en France métropolitaine, c'est-à-dire le scrutin majoritaire. De l’autre, on utilise une méthode différente pour déterminer le nombre de députés. Avouez qu’il y a là un manque de cohérence !

Nous estimons que le mode de calcul proposé, même s’il ne nous est indiqué qu’oralement, n’est pas le bon. Je rappelle en effet qu’il aboutit, pour l’essentiel, à prendre en considération non pas le nombre des Français qui vivent à l’étranger, mais celui des électeurs. C’est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui considère que les calculs des circonscriptions électorales doivent reposer sur des bases essentiellement démographiques.

Je rappelle également, à la suite de notre collègue Christian Cointat, les différentes résolutions de l’Assemblée des Français de l’étranger, qui souhaite que le nombre et le mode de désignation des députés soient déterminés selon les méthodes qui sont appliquées en France métropolitaine.

Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le V de cet article, après le mot :

Parlement

insérer le mot :

et fait l'objet d'un examen spécifique,

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement a pour objet de préciser la « ratification expresse » des ordonnances dont il est question ici. S’il était adopté, celles-ci feraient l’objet d’un examen spécifique.

En effet, que devons-nous entendre par « ratification expresse » ? Ces ordonnances seront-elles soumises à notre examen de manière isolée, dans un projet de loi spécifique, ou bien nous seront-elles présentées en bloc avec d’autres ?

Nous souhaitons, pour notre part, que cette ratification expresse fasse l’objet d’un texte spécifique, conformément d'ailleurs, me semble-t-il, aux engagements qui ont été pris lors de l’explicitation de la ratification expresse, afin de donner au débat sur ces ordonnances toute son ampleur et toute sa richesse.

Tel est l’objet de cet amendement. Je verrai quel sort lui réserver en fonction des réponses qui seront apportées et des engagements pris éventuellement par M. le secrétaire d'État.

J’attends en effet une réponse précise et une définition aussi claire que possible de la « ratification expresse », car cette expression peut donner lieu à plusieurs interprétations.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. En ce qui concerne les amendements identiques nos 11 et 24, qui tendent à supprimer l’article 2 du projet de loi ordinaire, je dois avouer que nous avons déjà longuement discuté de ce problème. Il est donc inutile que je développe de nouveau des arguments qui ont déjà été exposés…

M. Bernard Frimat. C’est parce que vos arguments ne sont pas bons !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ils sont bien meilleurs que certains autres qui sont développés ces temps-ci ! Et je les ai déjà détaillés au moins trois ou quatre fois.

M. Bernard Frimat. Ils ne se sont pas améliorés en chemin ! (Sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. Par conséquent, nos collègues de l’opposition ne seront pas étonnés que j’émette un avis défavorable à l’encontre de ces deux amendements de suppression.

S'agissant de l’amendement n° 12, qui a pour objet de supprimer l’habilitation autorisant le Gouvernement à fixer le nombre des députés, j’émets un avis défavorable, par souci de cohérence avec les propos que je viens de tenir.

De toute façon, je rappelle que la position de la commission est de ne pas intervenir dans la désignation des députés. Or, en fin de compte, cette série d’amendements a pour objet de remettre en cause le système adopté par l’Assemblée nationale pour la désignation de ses membres.

Pour ce qui est de l’amendement n° 13, le groupe socialiste veut fixer à deux le nombre des circonscriptions pour l’élection des députés. Nous comprenons bien que derrière cette mesure se profile le scrutin proportionnel, auquel sont hostiles la commission et le Gouvernement. J’émets par conséquent un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 14, qui a pour objet l’évaluation du nombre des Français établis hors de France, nous sommes d'accord avec le point de départ du raisonnement qui est suivi ici, mais nous estimons, avec le Gouvernement, que cet effectif, une fois évalué, doit être diminué afin de tenir compte des Français établis hors de France qui votent aussi en France pour certaines élections et qui ne doivent pas être comptés deux fois pour la répartition des sièges des députés.

Toutefois, une fois encore, je tiens à préciser que le Sénat n’a pas à intervenir dans les modes de désignation des députés.

Enfin, l’amendement n° 15 tend à préciser que les ordonnances procédant au redécoupage des circonscriptions devront faire l’objet d’un examen spécifique au Parlement. Nous sommes bien d'accord, monsieur Frimat : toute ratification expresse fera l’objet, en fin de compte, d’un examen spécifique, même si l’ordonnance figure dans un train de textes qu’il nous faut ratifier en même temps.

Cet examen dépendra de nous, et je vous fais confiance, monsieur Frimat, pour dégager cette ordonnance du lot des ordonnances secondaires, car elle est suffisamment importante pour que nous menions un débat à son sujet.

M. Bernard Frimat. Vous devriez alors être favorable à cette disposition…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est inutile de l’inscrire dans le projet de loi !

M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les raisons que je vais détailler.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 11 et 24, premièrement, le recours aux ordonnances de l’article 38 n’a jamais été exclu en matière électorale. La précédente loi d’habilitation de 1986 avait d'ailleurs été validée expressément par le Conseil constitutionnel, qui s’était prononcé très clairement sur ce point.

Deuxièmement, le Parlement, en particulier l’Assemblée nationale, n’est pas dessaisi : il en débat en amont, au stade du projet de loi d’habilitation, et en aval, au moment de la discussion de la loi de ratification, qui interviendra au terme du délai d’un an qui est laissé au Gouvernement pour mener à bien cette réforme.

Cette ratification doit, je vous le rappelle, intervenir de manière expresse, conformément à la rédaction de l’article 38 de la Constitution issue de la dernière révision constitutionnelle.

Troisièmement, c’est le Conseil constitutionnel qui a souhaité qu’il soit procédé aux ajustements de la carte des circonscriptions. Dans ses observations précédant les dernières élections législatives, il avait même précisé que le redécoupage devait être réalisé au lendemain de celles-ci.

Enfin, quatrièmement, la commission mise en place par le projet de loi ordinaire sera bien saisie de toutes les questions pour lesquelles elle est compétente de façon consultative, à savoir la répartition des sièges entre, d'une part, les départements, et, d'autre part, les collectivités d’outre-mer, la fixation du nombre des députés représentant les Français de l’étranger et la délimitation de l’ensemble des circonscriptions. La commission aura deux mois pour donner un avis.

D'ailleurs, en 1985, lors du passage au scrutin proportionnel, aucune commission n’avait été saisie des modalités de calcul du nombre des sièges retenus et de leur répartition entre les départements.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Bernard Frimat. On peut toujours s’améliorer ! (Sourires.)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il faut tout de même conserver quelques souvenirs de l’histoire parlementaire !

Le Gouvernement a veillé à n’inscrire dans le texte proposé que le minimum de règles, l’essentiel ayant été reporté dans l’exposé des motifs, afin de permettre à la commission de se prononcer sur chacune d’elles.

Toutefois, dans un souci de transparence vis-à-vis des députés et eu égard au caractère très sensible de la matière, les critères du découpage des circonscriptions ont été annoncés, alors que le Gouvernement n’y était nullement obligé juridiquement dans le cadre de la loi d’habilitation : il aurait pu mentionner seulement l’objet de l’habilitation et le domaine sur lequel elle portait. C’était d’ailleurs la position de départ du Conseil d’État.

En fait, le Gouvernement reprend le tableau de répartition élaboré en 1985, à l’époque du gouvernement de M. Fabius, M. Joxe étant alors ministre de l’intérieur et de la décentralisation. Il reprend également les critères de 1986 pour le découpage de cette année-là, en fonction, bien sûr, de ceux qui ont été validés par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel.

Sur l’amendement n° 12, il n’est évidemment pas possible de fixer dès à présent le nombre de sièges des députés dans les départements et collectivités d’outre-mer et celui des députés représentant les Français de l’étranger, car les chiffres du recensement « glissant » – il s’agit d’une nouvelle sorte de recensement – commencé en 2004 ne sont toujours pas connus officiellement. La parution du décret qui certifiera ces résultats est attendue seulement pour la fin de l’année.

Nous ne sommes pas du tout dans la situation de 1986, où les opérations de découpage sur lesquelles portait la demande d’habilitation figurant dans la loi du 11 juillet 1986 devaient être faites sur la base d’un recensement qui datait de 1982, soit de quatre ans.

Le tableau de répartition des sièges entre les départements pouvait donc être inscrit dans cette loi d’habilitation. C’était d’ailleurs, je viens de le rappeler, le même que celui qui avait été retenu en 1985 par le gouvernement socialiste au moment du passage à la proportionnelle !

Dans le cas présent, attendre la publication des chiffres du recensement reviendrait à retarder le lancement de la réforme électorale que le Conseil constitutionnel demande avec insistance depuis plusieurs années et qui aurait dû être réalisée depuis plus de douze ans, notamment par des gouvernements que vous souteniez alors.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. L’amendement n° 13 présente une contradiction majeure avec le précédent. Nous sommes en plein paradoxe, puisque cet amendement encourt le reproche que viennent de nous faire ses auteurs en défendant l’amendement n° 12 !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Comment pourrait-on décider dès à présent que les députés représentant les Français de l’étranger n’auraient droit qu’à deux circonscriptions, sans consulter au préalable la commission qui doit obligatoirement être saisie de la question, et alors même que le nombre de ces députés n’est pas fixé et qu’il est prévu, pour leur élection, de recourir au scrutin majoritaire uninominal, et non plurinominal ?

Je l’ai déjà dit ce matin dans la discussion générale : les nouvelles circonscriptions d’élection des députés représentant les Français de l’étranger devraient être équitablement réparties entre l’Europe et le reste du monde, mais il ne peut être question, bien entendu, d’inscrire ce principe dans une loi d’habilitation.

L’amendement n° 14, pour sa part, est contraire à l’article 3 de la Constitution. Vous proposez en effet de fixer le nombre de députés représentant les Français de l’étranger à partir d’une évaluation de leur nombre dont les modalités restent très imprécises, monsieur le sénateur. Du reste, on ne voit pas du tout en quoi elle consisterait ! Les immatriculations dans les consulats constituent aujourd’hui la seule donnée objective permettant de connaître le nombre des personnes qui constitueront la base de calcul du nombre de députés.

Enfin, l’avis du Gouvernement est également défavorable sur l’amendement n° 15.

La disposition proposée est sans portée dans la mesure où l’article 38 de la Constitution exige maintenant une ratification « expresse » des ordonnances par le Parlement. Par conséquent, un débat sur la ratification des ordonnances interviendra au Parlement dans le délai d’un an fixé par la loi, ordonnances qui devront auparavant avoir été examinées et adoptées en Conseil des ministres.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 24.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés
Article 4

Article 3

I. - Au code électoral, il est rétabli un livre III ainsi rédigé :

« LIVRE III

« DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES RELATIVES À LA REPRÉSENTATION DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE

« Art. L. 328. - Le chapitre II du titre II du livre Ier du présent code est applicable à l'élection des députés représentant les Français établis hors de France. »

II. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, les autres dispositions nécessaires à l'élection des députés représentant les Français établis hors de France.

Le projet de loi portant ratification des ordonnances est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant celui de leur publication.

III. - L'article L. 125 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 125. - Les circonscriptions sont déterminées conformément aux tableaux n° 1 pour les départements, n° 1 bis pour la Nouvelle-Calédonie et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et n° 1 ter pour les Français établis hors de France annexés au présent code. »

IV. - L'article L. 394 du même code est abrogé.

IV bis - À l'article L. 395 du même code, les mots : « du deuxième alinéa de l'article L. 125 et » sont supprimés.

V. - Les I, III, IV et IV bis du présent article, ainsi que les dispositions prises par ordonnance sur le fondement du  II, prennent effet lors du premier renouvellement général de l'Assemblée nationale suivant la publication de la présente loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, sur l'article.

M. Christian Cointat. Je serai bref, l’essentiel ayant déjà été dit. Je souhaite simplement attirer l’attention du Gouvernement sur les modalités d’exercice du vote des Français établis hors de France.

En effet, j’ai compris, en entendant M. le secrétaire d’État, que la question du vote au scrutin majoritaire n’était pas négociable. Or l’Assemblée des Français de l’étranger s’est exprimée en faveur d’un vote à la proportionnelle pour tenir compte de l’immensité du territoire d’élection des représentants des Français de l’étranger : il s’étend au monde entier !

À partir du moment où le mode de scrutin n’est pas négociable, il faut en tirer les conséquences : les représentants des Français établis hors de France ne bénéficieront pas d’une élection semblable à celle des autres députés, en raison des difficultés de communication, de la superficie immense de leur circonscription, parfois aussi des déficiences postales. Donc, certaines mesures d’information des électeurs – sans même parler de propagande politique – devront être prises.

Trop souvent, on nous répond que nous avons déjà l’expérience de l’élection présidentielle, pour laquelle le vote a lieu dans les consulats, avec un délai de quinze jours entre les deux tours. Mais il y a tout de même une nuance : l’élection présidentielle est couverte par tous les médias français et nos compatriotes ont accès à TV5 Monde, à RFI, ou encore aux journaux nationaux. Bref, ils disposent d’une information aussi complète que possible pour faire leur choix.

Pour l’élection des députés des Français établis hors de France, les circonscriptions seront immenses, avec des candidats qui ne seront pas connus de tout le monde. Par conséquent, il faut véritablement prendre des mesures pour rapprocher l’électeur du centre de vote ; certains amendements me semblent aller dans ce sens, mais vous avez déjà fait preuve d’une très grande d’ouverture, monsieur le secrétaire d’État. Il importe également de permettre que les candidats soient connus de l’électeur. Si ces conditions ne sont pas réunies, il n’y a pas de véritable démocratie. Tel était le message que je voulais faire passer. Il s’agit d’une élection complexe !

On prend comme référence la Polynésie française, que Bernard Frimat et moi-même avons eu le privilège de connaître d’un plus près. (Sourires.) Mais si la Polynésie est constituée d’îles qui sont éparpillées sur une surface comparable à celle de l’Europe, il s’agit d’une toute petite circonscription par rapport à la circonscription que sera l’Asie-Océanie pour les Français établis hors de France, et ce avec un seul député, contre deux en Polynésie.

Il est donc nécessaire de changer d’approche intellectuelle pour aborder ce dossier et d’essayer de trouver des réponses qui correspondent véritablement à l’attente des Français de l’étranger. Je ne voudrais pas que, par suite de mauvaises dispositions pratiques, le manque de participation soit tel que l’élection se trouve dénaturée, ce qui reviendrait à mettre les Français de l’étranger dans l’impossibilité de s’exprimer. En outre, le fort taux d’abstention aboutirait à conforter l’idée selon laquelle leur attribuer des sièges de députés est une erreur.

Il faut leur donner la possibilité de s’exprimer ! Vous verrez alors qu’ils s’exprimeront, monsieur le secrétaire d’État, et j’espère qu’ils s’exprimeront bien.

M. Bernard Frimat. Dans quel sens faut-il l’entendre ? (Sourires.)

M. Christian Cointat. Je veux dire, naturellement, qu’ils voteront en masse ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 16, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Il est défendu, madame la présidente : il s‘agit toujours de la suppression de l’habilitation. Cette fois-ci, M. le secrétaire d’État va peut-être créer la surprise en changeant d’avis. (Sourires.)

Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 328 du code électoral, après le mot :

code

insérer les mots :

à l'exception de l'article L. 123

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement tend à substituer le scrutin à la proportionnelle au scrutin majoritaire. Je sais, pour en avoir débattu à plusieurs reprises, qu’il s’agit là d’un point d’achoppement, mais je considère aussi qu’il est de notre devoir de maintenir notre position sur ce point. Nous parlons en quelque sorte pour l’avenir, peut-être pour l’histoire ! (Sourires.)

Les raisons de cette proposition ont déjà été expliquées : la mise en œuvre du scrutin majoritaire serait extrêmement difficile en raison de l’étendue des circonscriptions, de l’éloignement géographique et de la difficulté à faire parvenir le matériel électoral dans les circonscriptions, y compris dans les chefs-lieux.

Le scrutin proportionnel, prévu sur un seul dimanche, permettrait de faire face à ces difficultés, et d’organiser un scrutin sans discussion possible. L’adoption de ce mode de scrutin permettrait également de réduire le taux d’abstention, ce qui est l’un de nos objectifs essentiels en ce qui concerne les Français de l’étranger. Je rappelle que l’Assemblée des Français de l’étranger a demandé à plusieurs reprises la mise en œuvre de ce mode de scrutin.

Nous voulons éviter que figurent dans cette loi des éléments susceptibles de poser problème dans leur application concrète, ce qui risquerait de donner lieu à des contentieux, donc de jeter le trouble – je n’irai pas jusqu’à dire l’opprobre – sur les résultats du scrutin.

Notre proposition est la plus raisonnable pour éviter tous ces désagréments. Je m’étonne du blocage idéologique, de la poursuite dans l’erreur que vous manifestez sur ce sujet.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Le blocage psychologique est aussi de votre côté !

Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, M. Frimat, Mme Boumediene-Thiery, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le paragraphe II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Il autorise le vote par correspondance sous pli fermé et le vote par voie électronique. Il introduit des dérogations aux articles L. 55, L. 56 et L. 173 du code électoral.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Le présent amendement tend, lui aussi, à encadrer l’habilitation demandée par le Gouvernement, en précisant certaines dispositions nécessaires à l’élection des députés représentant les Français établis hors de France.

Nous vous proposons d’habiliter le Gouvernement à adapter le droit électoral à la situation particulière dans laquelle se trouvent les Français résidant à l’étranger.

Concrètement, il s’agit d’autoriser nos compatriotes à voter par correspondance sous pli fermé, ou par voie électronique. Cela permettrait de réduire l’abstention. En effet, le principal obstacle à l’expression du suffrage des Français de l’étranger, nous le savons, c’est la distance souvent très importante qui les sépare du bureau de vote. Nous pourrions vous fournir en la matière un grand nombre d’exemples.

Or, à cet égard, le scrutin par correspondance sous pli fermé et le vote électronique sont les solutions de l’avenir. Nous les avons expérimentés pour ce qui est des Français de l’étranger, mais seulement dans le cas de l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. Nous considérons que l’expérience est probante, même si ses résultats n’ont pas été tout à fait à la hauteur des espérances. Mais il faut du temps, et il est certain que ces solutions seront de plus en plus utilisées à l’avenir.

Nous rejoignons ainsi la Suisse, modèle de démocratie, qui pratique l’ouverture des bureaux de vote plusieurs jours – quatre, voire cinq jours – avant le samedi ou le dimanche, avec la possibilité de voter en personne, par procuration, par correspondance, ou encore de recourir au vote électronique. C’est dans cette voie que nous devons aller en ce qui concerne les Français de l’étranger.

Mme la présidente. L'amendement n° 19, présenté par M. Yung et Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, est ainsi libellé :

Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Il autorise le vote par correspondance sous pli fermé et le vote par voie électronique. Il adapte les dispositions des articles L. 55 et L. 56 du code électoral.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 19 est retiré.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. M. Frimat a considéré tout à l’heure que son amendement n° 16 était défendu. Pour ma part, j’estime que j’ai déjà exprimé mon point de vue sur cet amendement : l’avis est défavorable.

L’amendement n° 17 vise, je le rappelle, à substituer le mode de scrutin proportionnel au scrutin majoritaire prévu par le projet de loi pour l’élection des députés des Français établis hors de France.

L’Assemblée nationale a exprimé clairement son point de vue. Comme nous avons pour principe, sur ce sujet, de ne pas remettre en cause ses choix, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 18, ce n’est pas dans le présent texte qu’il convient d’insérer des dispositions relatives au vote par correspondance, qui a d’ailleurs très mauvaise réputation. Il ne faut pas oublier que c’est M. Joxe qui l’avait supprimé alors qu’il était ministre de l’intérieur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait ! À juste titre !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il faut tenir compte de ce qui avait été fait avec juste raison à cette époque : dans plusieurs départements métropolitains, le vote par correspondance avait donné lieu à des fraudes.

Cela dit, il conviendra de préciser par voie d’ordonnance les modalités concernant le vote par correspondance et le vote électronique. L’Assemblée des Français de l’étranger sera associée à l’élaboration de ces dispositions, comme l’a affirmé tout à l’heure M. le secrétaire d'État.

Dans ces conditions, je demanderai à ses auteurs de bien vouloir retirer l’amendement n° 18, sinon j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il est dommage que vous ayez retiré l’amendement n° 19, monsieur Yung, car, personnellement, je n’étais pas opposé au vote par voie électronique !

En ce qui concerne l’amendement n° 17, il ne s’agit en aucune façon d’un blocage idéologique, même s’il est vrai que, par principe, le Gouvernement n’est pas favorable au mode de scrutin proportionnel.

Le mode de scrutin majoritaire est inhérent à la Ve République et à ses institutions, il a permis la stabilité politique que connaît notre pays depuis des années.

Le mode de scrutin proportionnel peut certes présenter un certain nombre d’avantages, mais le Gouvernement ne considère pas qu’ils soient supérieurs à ses inconvénients. D’ailleurs, l’histoire récente, y compris celle des partis politiques, lui donne raison !

Nous avons donc écarté, s’agissant de l’élection des députés représentant les Français de l’étranger, ce mode de scrutin, d’autant que le retenir aurait risqué de singulariser quelque peu ces nouveaux députés parmi leurs collègues.

Certes, les sénateurs sont élus selon deux modes de scrutin différents, la proportionnelle étant d'ailleurs désormais le mode d’élection le plus répandu au Sénat. Cependant, nous y sommes hostiles pour l’élection des députés devant représenter les Français établis hors de France. Le scrutin majoritaire permettra à ces derniers de désigner des députés en qui ils puissent se reconnaître et à qui ils puissent s’adresser.

Sur cette question, le Gouvernement est animé par un souci de pragmatisme et de réalisme, mais, j’y insiste, il n’y a aucun blocage idéologique.

En ce qui concerne l’amendement n° 18, l’habilitation demandée par le Gouvernement au travers de l’article 3 a pour objet de lui permettre de prendre par ordonnances, dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, les dispositions nécessaires pour adapter les modalités de vote aux spécificités que présente l’élection des députés représentant les Français établis hors de France.

Adopter l’amendement n° 18, et donc préciser dès à présent quelques-unes des solutions à retenir, reviendrait à anticiper sur la rédaction de ces ordonnances, en n’abordant d'ailleurs que certaines des questions qu’elles devront traiter.

Je me suis engagé à élaborer ces ordonnances en concertation avec l’ensemble des sénateurs représentant les Français de l’étranger et avec l’Assemblée des Français de l’étranger. Une réunion est d'ailleurs prévue dès le 19 décembre sur ce sujet. Je n’ai bien sûr nullement l’intention de renier cet engagement.

Comme l’ont souligné plusieurs membres de la Haute Assemblée, en particulier Mme Garriaud-Maylam, l’élection de représentants des Français de l’étranger n’est pas une élection comme les autres.

Sur tous les problèmes spécifiques, qu’il s’agisse du financement des campagnes, de leurs modalités d’organisation, du délai entre les deux tours de scrutin, du recours à internet et au vote par voie électronique, des campagnes audiovisuelles, le Gouvernement est ouvert à la discussion avec l’ensemble des sénateurs, les organisations représentatives des Français de l’étranger et, bien entendu, l’Assemblée des Français de l’étranger.

Un premier rendez-vous est pris pour le 19 décembre. Je proposerai, si ces deux projets de loi sont adoptés, naturellement, qu’une première réunion de travail sur ces ordonnances se tienne au mois de janvier, avec toutes les parties concernées.

Un certain nombre de dispositions spécifiques doivent être prises. Je suis certain que nous pouvons parvenir à un consensus républicain sur les modalités d’organisation des opérations de vote considérées. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je tiens à faire part de mon plus total soutien à l’amendement n° 18, qui a été présenté par M. Yung.

Après avoir entendu les explications de la commission et du Gouvernement, je demeure très inquiète.

Je sais, monsieur le rapporteur, que le vote par correspondance suscite de nombreuses réticences, voire des suspicions ; je sais, bien sûr, qu’il a été supprimé, des fraudes s’étant produites.

Cependant, je tiens à le redire, il s’agit ici de circonscriptions tout à fait particulières.

Le législateur avait déjà estimé, lors de l’examen d’un texte relatif à une collectivité territoriale très éloignée de la métropole, que ce particularisme justifiait des amendements au principe d’égalité.

Cela est extrêmement important. Compte tenu des distances, le grand obstacle du scrutin pour l’élection des députés représentant les Français établis hors de France sera l’abstention : il est de notre devoir de tout mettre en œuvre pour lutter contre elle, non seulement en ouvrant des bureaux de vote, mais aussi en autorisant le vote par correspondance et le vote par voie électronique.

Je souhaite également aborder, à la suite d’autres intervenants, le sujet de la campagne d’information des électeurs.

Je rappelle que, au début de l’année 2005, un texte visant à réformer la loi de 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l’étranger nous avait été soumis. J’avais alors accepté de retirer un amendement tendant précisément à instaurer une obligation d’information civique et politique des électeurs vivant hors de France.

Le Gouvernement s’était engagé à ce qu’une réflexion soit menée en vue de mettre en place de telles campagnes d’information à destination des Français de l’étranger, lesquelles sont absolument indispensables si nous voulons pouvoir espérer que les taux de participation atteignent des niveaux suffisants. C’est notre légitimité et celle des futurs députés qui est ici en cause.

Je ne sais pas si M. Yung maintiendra son amendement,…

M. Bernard Frimat. Si, rassurez-vous !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … mais je vous exhorte, monsieur le secrétaire d'État, à prendre l’engagement de définir les modalités d’organisation du scrutin pour l’élection des députés représentant les Français de l’étranger en tenant compte de ces observations, quelles que soient les réticences au sein de l’administration.

Je rappelle que, dans quasiment tous les pays européens, le vote par correspondance est accepté. Il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement en France. Je ne puis admettre l’idée selon laquelle les Français seraient plus fraudeurs que les autres, comme on me l’a un jour affirmé. Ce n’est pas vrai ! Le vote par correspondance a déjà été expérimenté pour l’élection à l’Assemblée des Français de l’étranger. Il faut absolument l’étendre à toutes les élections.

Je suis d’autant plus à l’aise pour en parler que j’ai déjà déposé une proposition de loi, qui avait été signée par la majorité de mes collègues, visant à instituer le vote par correspondance pour toutes les élections nationales. (M. Christian Cointat applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ma chère collègue, je vous rappellerai deux choses.

En premier lieu, M. le secrétaire d'État s’est engagé tout à l’heure…

M. Patrice Gélard, rapporteur. … à associer les Français de l’étranger à l’élaboration des ordonnances devant être prises en vertu du présent article 3.

En second lieu, comme je l’ai dit au moins une dizaine de fois depuis le début de ce débat, le Sénat n’intervient pas dans la définition du mode de désignation des députés : il ne lui appartient donc pas de modifier les dispositions que les députés ont adoptées en ce qui concerne le mode de désignation des futurs représentants à l’Assemblée nationale des Français établis hors de France.

Pour ce qui est de l’information des électeurs, vous avez parfaitement raison, ma chère collègue, mais il faut considérer cette question selon une perspective plus large, car elle concerne aussi les scrutins organisés sur le territoire national. Des campagnes d’information sont faites à la télévision ou à la radio, mais cela demeure sans doute insuffisant.

Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne l’élection des députés représentant les Français établis hors de France, le problème de l’information des électeurs sera lui aussi abordé dans le cadre des concertations que M. le secrétaire d'État s’est engagé tout à l’heure à mener. (M. le secrétaire d'État acquiesce.)

L’amendement n° 18 n’a donc plus de raison d’être. C'est la raison pour laquelle j’en ai demandé le retrait, sinon je serai obligé, compte tenu de tout ce que j’ai dit auparavant, de donner un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je confirme les propos de M. le rapporteur, et je maintiens l’avis défavorable que j’ai déjà exprimé sur l’amendement n° 18

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur l’amendement n° 18.

M. Christian Cointat. Compte tenu de ce qui a été dit, je lance un appel à M. Yung pour qu’il retire son amendement (Sourires sur les travées du groupe socialiste) : il serait en effet dommage que nous soyons contraints de voter contre, alors que nous sommes favorables à la disposition présentée !

M. Christian Cointat. Le Gouvernement nous a affirmé qu’il ferait le nécessaire. Nous avons donc satisfaction, et il serait un peu dommage, je le répète, que nous votions contre un amendement dont nous approuvons la teneur.

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est tout simple : votez pour !

M. Christian Cointat. Je prie donc instamment mon excellent collègue de retirer son amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Je ne suis pas directement interpellé, mais je ne saurais rester insensible à cet appel que M. Cointat lance comme une bouée à la mer !

Je voudrais lui rappeler qu’il n’existe pas de mandat impératif et que tout parlementaire est donc libre de son vote.

La simplicité est la meilleure règle de conduite.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ça va ! Ne recommencez pas !

M. Bernard Frimat. Pour ma part, quand je suis pour un amendement, je vote pour ; quand je suis contre, je vote contre !

Je vous invite à faire de même. Il est extrêmement satisfaisant, quand on est favorable à un amendement, de voter pour.

On nous a maintes fois expliqué, au cours de cette discussion, que telle proposition était bonne, mais qu’il ne fallait pas, pour autant, l’adopter.

M. Pierre Fauchon. Vous êtes vous-mêmes spécialistes de ce genre d’exercice !

M. Bernard Frimat. Cela manque de simplicité. Mes chers collègues, si vous êtes pour, votez pour !

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Chacun d’entre nous est libre de penser comme il veut et de voter comme il l’entend. Pour ma part, je n’ai pas honte de dire que je voterai contre cet amendement. Cela ne me pose aucune difficulté. Les Français de l’étranger comprendront très bien pourquoi j’ai voté contre,…

M. Bernard Frimat. Parce que vous êtes pour !

M. Robert del Picchia. … parce qu’ils savent exactement quelles mesures l’Assemblée des Français de l’étranger et nous-mêmes souhaitons voir prises.

M. le secrétaire d'État s’étant engagé à élaborer les textes en étroite concertation avec l’ensemble des parties concernées, je n’ai aucune raison de ne pas voter contre cet amendement. Je le répète, tous les Français de l’étranger le comprendront !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis pour, donc je vote contre !

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s’est déjà exprimé plusieurs fois !

M. Richard Yung. J’avoue que j’ai un peu de mal à saisir l’enjeu du présent débat !

En effet, si je comprends bien, il n’y a pas d’opposition entre les propos de M. le secrétaire d'État et les propositions,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si !

M. Richard Yung. … au demeurant très modestes, que nous formulons au travers de cet amendement.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il veut faire capoter le texte !

M. Richard Yung. D’autres mesures que celles qui concernent le vote par correspondance et le vote par voie électronique figureront dans les ordonnances. Je n’ai aucune objection à ce que nous y travaillions ensemble, comme vous l’avez annoncé, monsieur le secrétaire d'État.

À mon avis, il n’y a donc aucune opposition entre nous : nous allons dans le même sens, et les Français établis à l’étranger le comprendront très bien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. J’ai indiqué tout à l’heure que je soutenais l’amendement de mon collègue Richard Yung. J’en approuve effectivement totalement l’esprit.

N’ayant pas eu l’occasion de m’exprimer dans la discussion générale, je tenais à insister sur l’importance de l’information des électeurs et du vote par correspondance, thèmes sur lesquels je travaille depuis de longues années.

M. le secrétaire d’État a été très clair, et je lui fais entièrement confiance : je sais que s’il prend un engagement moral, il le tiendra. Je souhaiterais qu’il puisse réaffirmer son engagement de tenir compte de nos observations, afin que nos collègues socialistes puissent peut-être retirer cet amendement.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous êtes crédule !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’avais cité le nom de Mme Garriaud-Maylam avant même qu’elle ne s’exprime. C’est dire combien nos préoccupations se rejoignent !

Je réitère mon engagement : l’examen de toutes ces questions qui font la spécificité de l’élection considérée fera l’objet d’une étroite concertation avec l’ensemble des sénateurs représentant les Français établis hors de France, l’Assemblée des Français de l’étranger et les organisations représentatives. Tous les sujets seront évoqués sans tabou en vue d’élaborer le texte des ordonnances prévues à l’article 3.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés
Explications de vote sur l'ensemble des deux projets de loi (début)

Article 4

L'article 24 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le représentant dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit est remplacé par le candidat figurant sur la même liste immédiatement après le dernier candidat devenu représentant conformément à l'ordre de cette liste. » ;

2° Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« En cas de décès ou de démission d'un représentant l'ayant remplacé, tout représentant ayant accepté les fonctions ou la prolongation de missions mentionnées aux articles L. O. 176 et L. O. 319 du code électoral et autres que des fonctions gouvernementales peut, lorsque ces fonctions ou missions ont cessé, reprendre l'exercice de son mandat. Il dispose pour user de cette faculté d'un délai d'un mois.

« En cas d'acceptation par un représentant de fonctions gouvernementales, son remplacement est effectué, conformément au premier alinéa, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation de ces fonctions. À l'expiration du délai d'un mois, le représentant reprend l'exercice de son mandat. Le caractère temporaire du remplacement pour cause d'acceptation de fonctions gouvernementales s'applique au dernier candidat devenu représentant conformément à l'ordre de la liste. Celui-ci est replacé en tête des candidats non élus de cette liste.

« Si le représentant qui a accepté des fonctions gouvernementales renonce à reprendre l'exercice de son mandat avant l'expiration du délai mentionné au cinquième alinéa, son remplacement devient définitif jusqu'à la date mentionnée au quatrième alinéa. L'intéressé adresse sa renonciation au ministre de l'intérieur. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 25, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par MM. Frimat et Yung, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Mermaz, Michel, Miquel, Collombat, Peyronnet, Sueur, Bérit-Débat et Bodin, Mmes Bricq, Lepage et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa de cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. L’examen de cet amendement nous permet de revenir sur le débat que nous avons eu à propos du remplacement temporaire au Parlement européen des représentants français accédant à des fonctions gouvernementales.

Je ferai simplement remarquer qu’il n’avait jamais été question des membres du Parlement européen lors de la révision constitutionnelle, seuls les cas des députés et des sénateurs ayant été évoqués.

Il nous est maintenant proposé de prévoir la possibilité, pour un membre du Gouvernement précédemment représentant au Parlement européen, de retrouver son mandat au terme de ses fonctions.

Je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit ce matin Patrice Gélard à propos des membres du Parlement européen, mais nous ne changeons pas de position, la notion de « parachute » étant utilisée ici non pas en son sens électoral classique, mais plutôt en son sens patronal d’indemnité dorée perçue lorsque l’on quitte une fonction, sans y avoir forcément brillé…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. L’avis est naturellement défavorable, par coordination avec la position que nous avions exprimée lors de la discussion des articles 2, 3 et 4 du projet de loi organique. Il n’y a rien à ajouter.

Nous émettons donc un avis défavorable sur les deux amendements nos 25 et 20.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement est du même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Explications de votes

Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés
Explications de vote sur l'ensemble des deux projets de loi (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi et du projet de loi organique, je donne la parole à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

M. Nicolas Alfonsi. Je rappellerai d’abord que le groupe du RDSE avait majoritairement voté en faveur de l’adoption de la révision constitutionnelle. Seule une minorité, au nom de laquelle je m’étais alors exprimé, avait voté contre.

S’agissant des deux textes examinés aujourd’hui, le plus important me paraît être le projet de loi ordinaire, l’autre étant un texte de circonstance, de convenance.

J’aurais pu approuver, à titre personnel, bien des arguments développés par M. Frimat à propos de ce projet de loi ordinaire, s’agissant notamment de la composition de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution, de la nomination, par le Président de la République, d’une personnalité qualifiée amenée à la présider ou de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances.

Je crois cependant qu’il faut rester mesuré, et admettre que l’institution de cette commission constituera un progrès. C’est pourquoi je voterai en faveur de l’adoption du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, à l’instar de la majorité des membres de mon groupe.

Il fut un temps où l’on critiquait le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel, mais aujourd’hui, paradoxalement, c’est lui qui enjoint de créer une commission pour modifier la carte électorale.

On peut penser a priori que cette commission se dotera de ses propres règles, élaborera sa déontologie et, en un mot, accédera à une existence propre. Il s’agit donc à mon sens, je le redis, d’un progrès considérable.

En ce qui concerne le projet de loi organique, si mon groupe votera majoritairement en faveur de son adoption, je voterai contre pour ma part.

J’ai toujours pensé que nous nous éloignions de plus en plus du parlementarisme rationalisé auquel j’étais attaché. Il est inutile de revenir sur des arguments que j’ai déjà développés en d’autres occasions. Il s’agit ici d’un texte de convenance, participant d’une présidentialisation rampante et d’un accroissement des pouvoirs du Président de la République.

Le général de Gaulle avait établi une séparation très claire entre mandat parlementaire et fonction ministérielle. Lorsque l’on devenait ministre de la République, on se mettait au service de l’État. Qui se serait préoccupé de savoir s’il redeviendrait député ou sénateur dès la cessation de ses fonctions gouvernementales n’aurait plus, de ce fait même, mérité d’être ministre.

Ces raisons me suffisent pour voter contre le projet de loi organique. Cela étant, la majorité du groupe du RDSE votera en faveur de l’adoption de ce texte.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Je reprendrai un mot que je crois d’ailleurs avoir soufflé à M. Alfonsi : nous sommes en présence d’un progrès, et quel progrès !

Arrêtons-nous à l’innovation essentielle que constitue la création de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution. Elle est d’une assez grande portée politique. En effet, rappelons-nous ce que nous avons connu – sans d’ailleurs savoir clairement ce qui se passait dans les officines du ministère de l’intérieur – en matière de modification de la carte électorale ! Rappelons-nous d’où nous venons !

Je regrette que M. Pasqua ou notre nouveau collègue de Belfort ne soient pas là… Ils pourraient sans doute nous en dire beaucoup sur ce sujet, pour avoir vécu ces choses d’assez près. Il paraît que c’était tout de même assez pittoresque ! On a évoqué l’utilisation d’instruments de chirurgie, sans doute y avait-il aussi des anesthésistes ! (Sourires.) Il se passait en tout cas toutes sortes de choses dont le souvenir ne nous remplit pas de fierté.

Cela étant, chers collègues socialistes, l’instauration de cette commission représente-t-elle oui ou non un progrès ? Vous émettez des doutes. Vous auriez préféré, parce qu’il faut bien que vous disiez quelque chose, que telle ou telle de ses caractéristiques soit différente. Il n’en reste pas moins que le progrès est certain ! Seule la suite des événements nous permettra de savoir si vous aviez raison de suggérer telle ou telle variante. L’expérience nous éclairera à ce propos.

Nous sommes en tout cas certains, en créant cette commission, d’introduire de la transparence dans un domaine jusqu’alors complètement opaque et marqué, hélas ! par de redoutables manipulations. Or, en matière de démocratie, la transparence est, à elle seule, source d’une extraordinaire efficacité. Elle décourage les mauvais procédés, elle permet à la presse et à la critique de jouer leur rôle, elle assainit à elle seule la situation et engendre un véritable progrès démocratique.

Pouvez-vous dire « non » à un tel progrès ? Vous nous le disiez tout à l’heure : quand on est pour, il faut voter pour ! Vous ne pouvez être véritablement contre le progrès que constitue l’instauration de cette commission. Il n’arrive pas tous les jours, en politique, que l’on ait la certitude de progresser et d’améliorer la situation : il ne faut donc pas hésiter à saisir l’occasion quand elle se présente !

Cette réforme constitutionnelle est accueillie avec scepticisme, mais les avancées qu’elle permet se révèlent les unes après les autres, au fil de l’élaboration des lois organiques. Finalement, lorsque l’on constatera, dans cinq ou dix ans, que la République est devenue beaucoup plus démocratique, les plus critiques d’entre nous diront avec fierté, chose amusante, que c’est grâce à eux ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Non, monsieur Fauchon, je ne crois pas que nous assistions aujourd’hui à un progrès. Nous nous acheminons bel et bien, à mon sens – cela confirme notre analyse de la réforme constitutionnelle –, vers un régime présidentiel, s’il n’est pas déjà institué. Les membres de mon groupe refusent ce système et prônent plutôt un régime parlementariste.

M. Pierre Fauchon. Et les régimes communistes ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je ne vous parle pas des régimes communistes, monsieur Fauchon ! Nous ne vivons pas sous un tel régime ! Je n’ai d’ailleurs jamais soutenu un système communiste au sens où vous l’entendez ! Il faudrait peut-être cesser vos litanies à ce sujet ! C’est insupportable ! Pour ma part, je ne vous reproche pas sans fin la tiédeur prêtée aux centristes !

M. Pierre Fauchon. La tiédeur est déjà une certaine chaleur !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Pour moi, ces textes ne marquent pas un progrès.

Le retour automatique des ministres précédemment parlementaires à l’Assemblée nationale ou au Sénat après cessation de leurs fonctions gouvernementales fragilisera le Parlement face à un pouvoir exécutif, surtout présidentiel, que l’on peut qualifier d’hégémonique. Les membres du Gouvernement deviennent quelque peu irresponsables devant le Parlement et le mandat parlementaire s’en trouve dévalorisé. Quant aux citoyens, ils n’auront même plus leur mot à dire !

S’agissant de la commission, son indépendance n’est guère assurée. Il est de nouveau recouru aux ordonnances, procédure tout de même antidémocratique, tandis que le découpage électoral conservera une certaine opacité : la commission, dont le rôle n’est que consultatif, ne pourra pas y changer grand-chose.

Le Gouvernement a, en outre, déclaré l’urgence, et ainsi cadenassé de fait la discussion. L’opposition n’a pu modifier les textes, et, chaque fois qu’une évolution semblait envisageable, le groupe de l’UMP se retirait sur la pointe des pieds !

Nous ne pouvons que constater une certaine dérive par rapport à ce qui avait été prévu. Il reste à craindre, hélas ! que nous ne nous trouvions dans une situation encore pire à l’issue de l’examen des prochains textes.

Le groupe CRC-SPG votera donc contre ces deux projets de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Au terme de ces intéressants débats, j’éprouve tout de même une certaine déception.

Certes, nous avons longuement discuté, nous avons fait le tour des principales questions, mais le débat était d’emblée vidé de son sens, eu égard à la nécessité d’un vote conforme, procédant elle-même de la contrainte d’un calendrier marqué par un rythme très rapide, dont les raisons nous échappent. En effet, il nous semble que nous avions le temps d’un débat serein d’ici aux prochaines échéances électorales concernées par les deux textes qui nous occupent.

Cette discussion a néanmoins eu le mérite de permettre aux uns et aux autres de faire un peu de pédagogie et d’échanger des arguments. J’espère que M. le secrétaire d’État aura entendu certaines de nos observations et qu’il en sera tenu compte lors des concertations annoncées. Nous nous sommes également adressés au Conseil constitutionnel et pris date pour l’avenir.

En tout état de cause, nous avons buté sur le rocher des 577 députés ! Je n’ai toujours pas compris pourquoi ce chiffre était intangible. Une partie de nos difficultés viennent de là, mais n’y revenons pas : il est désormais gravé dans le marbre de la Constitution !

Nous avons également buté sur le rocher du mode de scrutin. En effet, pour des raisons a priori idéologiques, le Gouvernement a émis un oukase contre le mode de scrutin proportionnel, qui aurait pourtant permis de régler de nombreux problèmes.

Nous avons buté, enfin, sur le rocher du recours aux ordonnances pour la définition des modalités de scrutin, comme nous avons pu le voir à l’occasion de la discussion du dernier amendement. J’espère néanmoins que nous aurons tout de même fait œuvre utile et que, comme l’a prédit Pierre Fauchon, nous pourrons nous en féliciter dans quelques années.

M. Pierre Fauchon. Nous n’avons pas fait assez !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. À force de buter sur des rochers, nous sommes obligés de nous hisser à des hauteurs où l’on respire beaucoup mieux ! (Sourires.)

Nous voici parvenus au terme de l’examen du « paquet électoral » que constituent ces deux premiers textes d’application de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Ces textes ont un objet particulier puisqu’ils permettent d’engager l’important travail d’ajustement des circonscriptions législatives. Ils répondent ainsi à une urgence démocratique, dans la mesure où le rééquilibrage démographique des circonscriptions est réclamé avec insistance, depuis de nombreuses années, par le Conseil constitutionnel.

C’est la raison pour laquelle je tiens, au nom du groupe de l’UMP, à féliciter le Gouvernement d’avoir eu le courage d’entreprendre l’exercice difficile du redécoupage des circonscriptions. Cela relève presque de la quadrature du cercle, mais nous savons que la réussite sera au bout.

Le groupe de l’UMP soutient le Gouvernement avec confiance, car il apporte des garanties sur l’impartialité de la commission indépendante chargée d’accompagner la nécessaire réforme dont nous débattons.

Le Gouvernement va être habilité à légiférer par voie d’ordonnances, ce qui ne nous empêchera pas d’avoir le dernier mot dans la définition des orientations de cette nouvelle délimitation, en validant ou pas, lors de la ratification des ordonnances, les options retenues par le Gouvernement. En effet, nous ne devons pas l’oublier, mes chers collègues, les ordonnances doivent être ratifiées !

En outre, nous considérons que le caractère désormais provisoire de la suppléance d’un parlementaire accédant à des fonctions gouvernementales est une mesure empreinte de bon sens, compte tenu de la pratique qui s’est développée depuis de très longues années.

Il ne faut pas oublier que, à l’époque du général de Gaulle, la situation n’était pas du tout la même : nous sortions de la IVe République, et les pratiques en vigueur n’avaient rien à voir avec celles que nous connaissons aujourd’hui.

Le Gouvernement nous a présenté deux projets de loi fixant des règles claires, transparentes et cohérentes. Pour l’ensemble des raisons que je viens d’exposer, et sous réserve des observations qu’il a formulées, le groupe de l’UMP votera ces deux textes.

En conclusion, je souhaite remercier, au nom du groupe de l’UMP, M. le secrétaire d’État, qui a fait preuve de beaucoup de compréhension, d’ouverture d’esprit, de sens du dialogue et de disponibilité. Cela laisse présager que les ordonnances à venir seront parfaitement ciselées et correspondront à notre attente. Je forme donc le vœu que nous puissions bientôt les ratifier dans l’enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. En fin de débat, il est de tradition de remercier le représentant du Gouvernement, mais je ne pourrai le faire pour l’esprit d’ouverture qu’il a manifesté, puisque M. le secrétaire d’État a refusé tous nos amendements ! (Sourires.)

M. Robert del Picchia. Ils n’étaient pas bons !

M. Bernard Frimat. Je ne puis le remercier que d’avoir manifesté sa fermeture sous des dehors sympathiques… (Nouveaux sourires.) Je ne saurais donc faire preuve du même enthousiasme que notre collègue Christian Cointat.

Nous allons bien entendu voter contre ces deux textes. Le fait qu’aucun des amendements que nous avons présentés n’ait été adopté n’était pas de nature à entraîner notre adhésion.

Pierre Fauchon a parlé de progrès, mais il n’avait déposé aucun amendement : c’est donc qu’il se reconnaissait d’emblée dans ces textes !

M. Pierre Fauchon. J’en ai voté !

M. Bernard Frimat. Quand nous déposons des amendements, l’acceptation d’un certain nombre d’entre eux au moins conditionne notre vote. En l’espèce, il n’y avait cependant guère de suspense, car nous savions que, des ordres étant tombés d’en haut, ces textes devaient être votés conformes.

Monsieur Cointat, je suis prêt à parier avec vous que le groupe de l’UMP, dans sa majorité, ratifiera les ordonnances avec enthousiasme, quel que soit leur contenu !

Pour notre part, nous les examinerons, et s’il apparaît que nous avons fait à M. le secrétaire d’État des procès d’intention et que l’exemplarité du découpage force notre admiration, nous le reconnaîtrons.

J’ai dit ce matin, lors de la discussion générale, sous forme de boutade, que l’exercice du découpage électoral évoque divers métiers artisanaux, sans autre précision. Pierre Fauchon a convoqué pour sa part la fonction d’anesthésiste, qui est plutôt celle des acolytes ! (Sourires.)

Pour nous, ces textes ne marquent pas de progrès.

Nous avions dit, lors du débat sur la révision constitutionnelle, notre attachement à l’instauration d’une commission indépendante. Elle va désormais exister. Il lui reviendra de nous prouver que nous nourrissions des préventions à son égard, mais nous considérons qu’elle ne naît pas sous les meilleurs auspices.

Nous avons suffisamment parlé du retour des membres du Gouvernement au Parlement à la cessation de leurs fonctions. La question est tranchée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est la Constitution !

M. Bernard Frimat. Je le reconnais ! En revanche, celle du droit de renonciation à la reprise du mandat ne l’est pas. C’est donc le Conseil constitutionnel qui se prononcera sur ce point.

S’agissant de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances, nous restons opposés à cette procédure et nous doutons de l’indépendance de la future commission.

Nous ne trouvons donc pas matière à satisfaction dans le contenu de ces deux textes.

Chers collègues de la majorité, vous avez dû vous livrer à des contorsions pour expliquer pourquoi vous votiez contre des dispositions dont vous proclamez pourtant la nécessité. Par nos amendements, nous avons simplement voulu vous permettre de vous exprimer publiquement, afin de vous mettre à l’aise… (M. Christian Cointat sourit.)

Nous sommes en désaccord avec votre approche. La première séance de travaux pratiques consécutive à la révision constitutionnelle se solde par un échec. La deuxième, avec la mise en œuvre de la loi organique, s’annonce pleine de dangers. La rédaction actuelle du texte ne permettra pas les débats fructueux et les joutes verbales qui font l’honneur d’un Parlement. Peut-être une lueur d’espoir apparaîtra-t-elle avec la présentation du quinzième texte d’application de la révision constitutionnelle, mais tout cela nous semble bien mal parti !

Nous voterons donc contre ces deux projets de loi, avec une grande sérénité mais sans aucun enthousiasme, car il est toujours désolant de voir reculer la démocratie ! (Protestations au banc de la commission.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est excessif !

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés.

Je suis saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe de l’UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 60 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 196
Contre 141

Le Sénat a adopté définitivement.

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 61 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 192
Contre 143

Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi qu’au banc de la commission.)

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je voudrais remercier la présidence, la commission des lois, en particulier son président, Jean-Jacques Hyest, et son rapporteur, Patrice Gélard, ainsi que l’ensemble des intervenants.

Ce long débat a été un enrichissement pour le Gouvernement. Je ne manquerai pas, bien entendu, de prendre en considération certains des arguments qui ont été exposés.

Une part importante de la discussion a été consacrée, très normalement, à la future représentation à l’Assemblée nationale des Français établis hors de France. La création de ces sièges est en effet une nouveauté institutionnelle importante et l’une des traductions de la réforme institutionnelle. Je tiens à remercier, à cet instant, l’ensemble des sénateurs représentant les Français de l’étranger d’avoir très largement participé à ce débat. Je renouvelle bien entendu mon engagement de les associer étroitement à l’élaboration des ordonnances, s’agissant notamment de l’organisation matérielle du scrutin.

J’ai aussi une pensée toute particulière pour les représentants des collectivités d’outre-mer, dont la contribution a permis d’améliorer nos textes. Leurs observations sur les points intéressant les collectivités territoriales d’outre-mer ont retenu toute notre attention. Je les remercie vivement de leur engagement et de leur participation très fructueuse à ce débat.

Le Sénat a l’habitude d’enrichir les textes qui lui sont soumis. Je ne suis donc pas surpris de la grande qualité de ce débat, qui s’est déroulé dans un esprit parfaitement républicain. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi qu’au banc de la commission.)

Explications de vote sur l'ensemble des deux projets de loi (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés
 

15

Dépôt d'une proposition de loi

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de MM. Jean-Léonce Dupont, Jean-Paul Amoudry, Michel Bécot, Jacques Blanc, Paul Blanc, Dominique Braye, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Christian Demuynck, Jean-Pierre Fourcade, Antoine Lefèvre, Jean-Pierre Leleux et Jean-Pierre Vial une proposition de loi relative aux sociétés publiques locales.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 133, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

16

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Position commune du Conseil modifiant la position commune 2006/318/PESC renouvelant les mesures restrictives à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4166 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Décision du Conseil concernant la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et la république de Somalie relatif au statut des forces placées sous la direction de l’Union européenne en république de Somalie, dans le cadre de l’opération militaire de l’Union européenne Atalanta.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4167 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil sur la participation de la Communauté à un programme européen de recherche en métrologie entrepris par plusieurs États membres.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4168 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres (Refonte).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4169 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (CE) [établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride] (Refonte).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4170 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1080/2006 sur le Fonds européen de développement régional et portant sur l’éligibilité des investissements en efficacité énergétique et énergies renouvelables liées au logement.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4171 et distribué.

17

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu un rapport déposé par M. Jean-Claude Etienne Premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l’apport de la recherche à l’évaluation des ressources halieutiques et à la gestion des pêches, établi par M. Marcel-Pierre Cléach, sénateur, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le rapport sera imprimé sous le n° 132 et distribué.

18

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 16 décembre 2008 :

À dix heures :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe.)

À seize heures :

2. Discussion des projets de loi :

- (n° 464, 2007-2008) autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;

- (n° 465, 2007-2008) autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ;

- (n° 68, 2008-2009) autorisant l’approbation de l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant ;

- (n° 69, 2008 2009) autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne.

Rapport (n° 129, 2008-2009) de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

3. Discussion du projet de loi (n° 37, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République du Tadjikistan, d’autre part.

Rapport (n° 126, 2008-2009) de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

4. Discussion du projet de loi (n° 122, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation d’un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces.

Rapport (n° 128, 2008-2009) de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

5. Discussion des projets de loi (n° 89, 2008-2009) autorisant l’approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d’exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais et (n° 90, 2008-2009) autorisant l’approbation du protocole portant amendement de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais.

Rapport (n° 127, 2008-2009) de M. Xavier Pintat, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

6. Discussion du projet de loi (n° 35, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou.

Rapport (n° 124, 2008-2009) de M. Jean-Louis Carrère, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

7. Discussion du projet de loi (n° 36, 2008-2009), adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe.

Rapport (n° 125, 2008-2009) de M. René Beaumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

À dix-sept heures et le soir :

8. Discussion du projet de loi (n°499, 2007-2008) portant diverses dispositions relatives à la gendarmerie nationale (Urgence déclarée).

Rapport (n° 66, 2008-2009) de M. Jean Faure, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Avis (n° 67, 2008-2009) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

À partir de dix-huit heures :

Désignation des vingt-cinq membres de l’Observatoire de la décentralisation.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD