M. Gérard César. Le ministère de l'agriculture et de la pêche a homologué, par arrêté, le classement des vins de Saint-Émilion établi sous l'égide de l'INAO, l’Institut national de l’origine et de la qualité, le 12 décembre 2006, lequel a été annulé le 1er juillet 2008 par le tribunal administratif de Bordeaux.

Le Gouvernement a fait adopter dans le courant de l'été dernier une loi permettant de rétablir le classement antérieur datant de 1996, mais a omis de statuer sur le sort des huit propriétés qui avaient été promues en 2006. Or ces exploitations viticoles se sont conformées à ce classement pour se prévaloir de la mention « grand cru classé » et « premier grand cru classé », alors que, plus de dix-huit mois plus tard, interdiction leur était faite de faire figurer une telle mention.

D’après les pièces disponibles, les chefs de préjudice qui peuvent être établis sont les suivants.

Les différentes propriétés ont réalisé des investissements pour se hisser au rang de « grand cru classé » et de « premier grand cru classé », qui se révèlent avoir été faits en pure perte, et ce pour un montant total de 10 millions d'euros.

La valeur d'une bouteille « grand cru classé » est 30 % supérieure à celle d’un « grand cru ». Or les acheteurs du millésime 2006 ont payé pour un grand cru classé, qui, au final, n’en est pas un. Ils demandent donc aujourd'hui le remboursement des sommes indues. La production globale est de 500 000 bouteilles par millésime, ce qui représente, pour un prix théorique de 25 euros l'unité, un préjudice de plus de 4 millions d'euros.

Des frais de régularisation s’ensuivent, car il s’agit de faire disparaître toute mention « grand cru classé » sur les bouteilles, retirer les bouchons, enlever les étiquettes à la vapeur, détruire les cartons, les caisses en bois et autre affichage, réimprimer des emballages dénués de toute mention « grand cru classé » et réembouteiller les bouteilles. À ce jour, le montant de ces frais supplémentaires n’est pas estimé, mais il devrait être significatif, car ce sont, je le répète, 500 000 bouteilles par millésime qui sont concernées.

De plus, cette situation inédite entraîne une perte en termes de notoriété et d'image tant pour les huit crus concernés que pour l'ensemble des crus de Saint-Émilion en raison de la tempête médiatique qui a dévalorisé leur image. Il importe donc d’y remédier, car ces exploitations ont réalisé d'importants efforts au niveau tant financier que qualitatif. L'annulation, non définitive, de l'arrêté ministériel non seulement ruine leurs efforts, mais porte surtout atteinte à l'économie d'une région et à l'image des vins français à l'étranger.

Il importe donc d'élargir le dispositif instauré par la loi de modernisation de l’économie en permettant aux huit châteaux nouvellement classés « grands crus classés » ou « premiers grands crus classés » d'utiliser, dans l'attente d'un nouveau classement, ces mentions à des fins commerciales.

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Après l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

I. - Au premier alinéa du 2° de l'article 438 du code général des impôts, le montant : « 3,40 € » est remplacé par le montant : « 3,60 € ».

II. - Pour les vins issus des récoltes 2006 à 2009 et à défaut d'intervention d'un nouveau classement applicable à certaines de ces récoltes, l'utilisation des mentions « grand cru classé » et « premier grand cru classé » est autorisée pour les exploitations viticoles ayant fait l'objet du classement officiel homologué par l'arrêté du 12 décembre 2006 relatif au classement des crus des vins à appellation d'origine contrôlée « Saint-Émilion Grand Cru », mais non comprises dans le classement aujourd'hui en vigueur.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. J’attends la réponse de M. le ministre pour savoir si je maintiens cet amendement ou non.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La question est délicate.

Le ministère de l’agriculture a homologué, par arrêté, le classement des vins de Saint-Émilion le 12 décembre 2006, lequel arrêté a été annulé, le 1er juillet 2008, par le tribunal administratif de Bordeaux.

Lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, le Sénat a adopté un amendement gouvernemental visant à rétablir le classement antérieur datant de 1996. En revanche, il n’a pas traité le cas des huit propriétés qui avaient été promues en 2006 et qui se retrouvent, en l’état, « déclassées ».

Ces deux amendements visent à élargir le dispositif instauré par la loi de modernisation de l’économie, en permettant à ces huit châteaux nouvellement classés « grands crus classés » ou « premiers grands crus classés » d’utiliser ces mentions à des fins commerciales, dans l’attente d’un nouveau classement pour les vins issus des récoltes 2006 à 2009.

Mes chers collègues, on demande ainsi au législateur de prendre des décisions essentielles, qui auraient exigé que nous disposions d’un minimum d’éléments…

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, pardonnez-moi de vous le dire, mais, pour apprécier cette question, il aurait fallu suspendre la séance ! Comment confirmer un classement sans … dégustation ? (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Il est un peu tôt ! (Nouveaux sourires.)

M. Gérard César. Tous à Saint-Émilion !

M. Denis Badré. Excellente suggestion !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Toutefois, ma demande n’est pas strictement conforme aux usages…

M. Philippe Dominati. Il faut suspendre la séance !

M. Gérard César. Tournée générale !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout en exprimant ce regret, je fais confiance aux excellents connaisseurs qui siègent ici, notamment notre collègue Gérard César.

Cela dit, deux amendements nous sont proposés : une version « pur César » et une version Dominati.

L’amendement n° 56 de M. César exonère l’État de toute responsabilité vis-à-vis de demandes de réparation de préjudices subis émanant des exploitations viticoles concernées, tandis que l’amendement n° 95 vise, en plus, à relever le tarif du droit de circulation sur les vins pour faire face à un éventuel dédommagement des propriétés concernées.

Par prudence, vous le comprendrez, mes chers collègues, la commission des finances préfère l’amendement « pur César » !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur César, je souscris totalement à l’explication que vous a donnée M. le rapporteur général.

L’amendement n° 56 vise à permettre aux châteaux qui ont été promus en 2006 « grand cru classé » et « premier grand cru classé » d’utiliser ces mentions malgré l’annulation par le tribunal administratif de Bordeaux de l’arrêté pris par le ministère de l’agriculture, le12 décembre 2006.

Au travers de cet amendement, vous souhaitez corriger une situation qui n’est pas satisfaisante pour un certain nombre de châteaux ; le Gouvernement partage ce souci. Cette mesure permettrait de limiter les conséquences économiques pour les châteaux promus en 2006, qui se sont retrouvés dans l’obligation de modifier la présentation de leur vin du fait de la décision tardive du tribunal administratif de Bordeaux, le 1er juillet 2008, c'est-à-dire après la mise en bouteille des vins des récoltes de 2006 et 2007.

Quoi qu’il en soit, je pense que la qualité de ces vins n’en a pas été affectée …

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je me rallie à la suggestion de M. le rapporteur général de pouvoir apprécier la question en toute connaissance de cause ! (Sourires.)

J’attire toutefois votre attention, monsieur César, sur le fait que cet amendement pourrait être considéré comme un cavalier budgétaire. Au demeurant, le Gouvernement y est favorable ; il le préfère, lui aussi, à l’amendement n° 95.

En effet, ce dernier prévoit d’augmenter le tarif du droit de circulation du vin et de créer un fonds destiné à indemniser les entreprises. Il ne me semble pas qu’il faille aller aussi loin, dans la mesure où la décision du tribunal administratif a fait l’objet d’un appel. N’anticipons pas !

C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur Dominati, de bien vouloir retirer l’amendement n° 95 au profit de l’amendement n° 56, que vous avez, du reste, cosigné.

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° 95 est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Je rejoins l’analyse de M. le secrétaire d’État et de M. le rapporteur général et préfère également l’amendement n° 56, que j’ai cosigné avec M. César.

L’amendement n° 95 était un amendement de repli, visant à prévoir un fonds destiné à dédommager les exploitations viticoles. En effet, s’il n’avait pas été possible de stopper cette absurdité économique, car c’est bien de cela qu’il s’agit, il aurait fallu prévoir un dispositif financier pour que l'État dispose des fonds nécessaires.

À partir du moment où le gouvernement apporte son soutien à l’amendement n° 56, je retire bien volontiers l’amendement n° 95.

M. Gérard César. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 95 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 42.

Monsieur César, vous aurez noté que M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur général vous ont demandé d’apprécier in vivo la qualité de ces crus ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Les droits de l’opposition doivent aussi être respectés ! (Nouveaux sourires.)

M. Gérard César. J’invite tous les sénateurs présents, qui participent depuis hier à ce débat à me rejoindre à la suspension de séance ! (Même mouvement.)

M. le président. Je vous communiquerai la liste de tous les participants à ce débat…

M. Gérard César. Tournée générale à la buvette, à l’issue de la séance !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien ! Voilà une maison civilisée…

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par MM. Bizet, Doublet, Laurent et Revet, est ainsi libellé :

Après l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 732 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les actes constatant la cession de gré à gré d'un navire de pêche artisanale et du matériel servant à son exploitation sont enregistrés au droit fixe de 125 euros. »

II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Pour l'imposition de la cession de navire aux droits d'enregistrement, l'administration fiscale se fonde sur l'application des dispositions de l'article 720 du code général des impôts. Cette position de l'administration rend toutes cessions de navires réalisées au cours des dix dernières années, délai de reprise de l'administration fiscale en matière de droit d'enregistrement, potentiellement imposables aux droits d'enregistrement, contrairement aux pratiques antérieures.

Dans la conjoncture financière difficile que traversent les armements à la pêche, cela ne pourra qu’aggraver leur situation, car beaucoup d'entre eux n'auront même pas les moyens de s'acquitter de ces droits d'enregistrement.

Cet amendement a donc pour objet d'éviter l'application des dispositions de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a le sentiment que cet amendement va dans le sens d’une plus grande sécurité juridique. Mais elle souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement sur ce point pour s’y conformer.

Au demeurant, nous ne connaissons pas le chiffrage de cette mesure. Quel est l’écart entre le droit proportionnel et le droit fixe ? Bien entendu, tout dépend de la bonne marche de la profession, mais, si cette proposition est juridiquement et budgétairement acceptable, il serait souhaitable, dans la période actuelle, de l’accepter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous souhaitez que les cessions de navires de pêche artisanale soient enregistrées au droit fixe de 125 euros. Le Gouvernement partage votre souci de favoriser la reprise de telles activités. L’adoption de cet amendement permettra de régler de nombreux contentieux en cours. En conséquence, le Gouvernement y est favorable.

J’ajoute que la loi de modernisation de l’économie a créé les articles 732 bis et 732 ter, et que la mesure dont nous discutons figurera à l’article 732 quater du code général des impôts.

Monsieur le rapporteur général, je vous indique que la dépense serait de l’ordre de 2 millions à 3 millions d’euros au maximum.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit donc d’une aide de 3 millions d’euros au secteur de la pêche.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut le dire !

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, acceptez-vous de lever le gage ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 101 rectifié.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis très heureux de la position que vient de prendre M. le secrétaire d’État.

J’avais préparé une intervention pour venir en aide à mon collègue Jean Bizet. Mais je ne vais pas prolonger davantage mon propos, puisque le Gouvernement a émis un avis favorable.

Le groupe socialiste votera cet amendement, qui est très important pour la survie de la pêche dans nos départements. Il est certain en effet, et nous connaissons tous des exemples, que les armateurs ne parviendront plus à exploiter leur navire. Or, pour un pêcheur, un navire est aussi important que le cheptel pour les agriculteurs. Il convient par conséquent de traiter les pêcheurs et les agriculteurs de la même façon.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement est adopté à l'unanimité des présents.

Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 42.

Articles additionnels après l'article 42
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2008
Article 42 ter

Article 42 bis 

I. - Le d du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est complété par les mots : «, y compris celles dont le contribuable est nu-propriétaire et dont l'usufruit appartient à un organisme d'habitations à loyer modéré mentionné à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ».

II. - Le I s'applique à compter de l'imposition des revenus de 2006.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 20, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 42 bis qui a été introduit à l’Assemblée nationale.

Cet article précise la possibilité pour les investisseurs particuliers de déduire de leurs revenus fonciers les charges financières supportées dans la construction ou la réparation d'immeubles destinés au logement social et prévoit une application rétroactive à compter de l'imposition des revenus de 2006, afin d'inclure les opérations d'investissement déjà engagées.

Le caractère rétroactif de cet article est inhabituel. En effet, la rétroactivité applicable aux revenus de 2006 conduirait à « récompenser » des contribuables qui n'auraient pas forcément pris leur décision d'investissement en fonction de cet avantage particulier.

M. le président. L'amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Vanlerenberghe, Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

I. – Compléter le I de cet article par les mots :

, à une société d'économie mixte ou à un organisme disposant de l'agrément prévu à l'article L. 365-1 du code de la construction et de l'habitation

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État de la clarification du dispositif d'usufruit locatif social pour les sociétés d'économie mixte et pour les organismes concourant aux objectifs de la politique d'aide au logement est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Cet amendement deviendrait sans objet si celui de la commission était adopté, ce que je souhaite bien évidemment.

Toutefois, il me donne l’occasion de souligner l’engagement de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, l’auteur de cet amendement, en faveur d’un soutien au logement social compatible avec l’équilibre des finances locales.

Afin de favoriser la construction de logements sociaux, voilà quelques années a été offerte une possibilité nouvelle reposant sur l'acquisition par des investisseurs privés de la nue-propriété de logements dont ils confient l'usufruit pour dix à vingt ans à un bailleur social. L'acquéreur ne paie donc qu'une fraction du prix du logement dont il récupère la pleine propriété au terme de la période d'usufruit.

Cet amendement a pour objet de couvrir l'ensemble des bailleurs sociaux susceptibles d'être les usufruitiers de ce type de logement, en élargissant le dispositif aux sociétés d'économie mixte, les SEM, et aux organismes concourant aux objectifs de la politique d'aide au logement définis à l'article L. 365-2 du code de la construction et de l'habitation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans le cadre de l’usufruit locatif social, qui est une méthode d’une simplicité extrême, le particulier investisseur nu-propriétaire bénéficiait d’un mode d’accession à la propriété très avantageux.

L’usufruit locatif social consiste en un démembrement temporaire du droit de propriété : la nue-propriété appartient à des investisseurs privés qui financent la construction sans prêt aidé de l’État ; l’usufruit est acquis par un bailleur social qui perçoit l’intégralité des loyers et assure l’entretien de l’immeuble. La convention d’usufruit doit être établie pour une durée minimale de quinze ans. Au terme de ces quinze années, le particulier investisseur récupère la pleine propriété du bien.

L’intérêt de l’opération pour l’investisseur privé qui détient ou qui désire se constituer un patrimoine immobilier consiste en l’acquisition de la nue-propriété d’un appartement avec une mise de fonds réduite, de l’ordre de 50 % à 60 % de la valeur réelle du bien, en fonction de la convention conclue avec le bailleur. La question est de savoir ce que vaut le bien qu’il récupère au bout de quinze ans...

La commission des finances a proposé la suppression de l’article 42 bis, au motif que cette disposition vise à introduire une nouvelle niche fiscale dont l’effet incitatif paraît mineur au regard du gain escompté au terme de la convention d’usufruit. Je ne reviens pas sur l’application rétroactive aux revenus de l’année 2006.

L’amendement n° 97 rectifié, qui étend au contraire le champ d’application de l’article 42 bis, va à l’opposé des préoccupations émises par la commission des finances. C’est la raison pour laquelle celle-ci en souhaite le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je ne suis pas tout à fait de l’avis du rapporteur général, qui souhaite supprimer cet article. Certes, je comprends son souci de limiter la création de niches fiscales, mais il faut voir au-delà.

Cet article a pour objet de favoriser le logement social. On ne peut pas à la fois affirmer que ce domaine doit faire l’objet d’une priorité, compte tenu des besoins avérés, et refuser d’ajouter un avantage à un dispositif qui est déjà à l’origine de la construction de 3 000 logements : la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU !

C’est M. Gilles Carrez, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui a fait adopter la possibilité pour les nus-propriétaires de déduire les intérêts d’emprunts contractés en vue d’acquérir des logements dont l’usufruit est temporairement détenu par un organisme d’habitations à loyer modéré, ce qui va accroître encore l’intérêt d’une telle mesure.

Néanmoins, je suis sensible à l’argument du rapporteur général relatif aux modalités d’entrée en vigueur de cette disposition. Il reviendra à la commission mixte paritaire de trancher la question de la déductibilité rétroactive des intérêts à compter de l’imposition des revenus de 2006.

Par conséquent, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 20.

Toutefois, si le dispositif tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale perdurait, je serais favorable à l’amendement n° 97 rectifié, qui a pour objet d’élargir la mesure aux sociétés d’économie mixte et aux organismes disposant de l’agrément prévu.

En conclusion, il conviendra de revoir en commission mixte paritaire cette mesure qui me semble bonne, même si l’on peut discuter des modalités d’application et de l’opportunité de créer une niche fiscale supplémentaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je propose de maintenir la suppression de l’article, non pour abolir cette mesure qui peut être utile dans certains cas de figure, mais pour la contenir de manière plus équitable.

Ainsi, nous permettrons à la commission mixte paritaire de rédiger un texte qui réponde à nos préoccupations et à celle du Gouvernement, en revenant sur la rétroactivité et peut-être en rectifiant d’autres éléments du dispositif.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. En milieu urbain dense, lorsque peu de terrains sont disponibles, ce système de séparation entre la nue-propriété et l’usufruit permet de construire un certain nombre de logements sociaux, ce que nous avons fait dans certaines communes très fortement peuplées et très denses.

Je reconnais, avec le rapporteur général, qu’il est quelque peu choquant de permettre une déduction rétroactive des intérêts, car cela revient à faire un cadeau supplémentaire à des gens qui se sont engagés dans ce type d’opération.

Cela dit, si l’amendement de suppression de l’article est adopté, l’amendement de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, présenté par M. Denis Badré, deviendra sans objet. Or cet amendement est excellent, car il permet de mettre à égalité l’ensemble des bailleurs sociaux : les offices, les sociétés d’économie mixte, etc.

M. Philippe Marini, rapporteur général. On y reviendra en commission mixte paritaire !

M. Jean-Pierre Fourcade. Effectivement, il reviendra à la commission mixte paritaire de trouver une solution.

Personnellement, je souhaite que l’on garde en mémoire l’amendement n° 97 rectifié, car, si l’on crée cette faculté, mieux vaut l’étendre à tous ceux qui contribuent à développer le logement social.

M. le président. La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. En tant que membre de la commission des finances, je suis évidemment très sensible aux arguments développés par le rapporteur général.

Toutefois, et je souhaite que ce dernier ne m’en veuille pas, mon excellent collègue Jean-Marie Vanlerenberghe m’ayant prié de soutenir son amendement, qui me paraît également intéressant, par égard pour lui je ne voterai pas celui de la commission, même si, au fond de moi-même, j’en aurais envie.

De plus, comme l’a dit Jean-Pierre Fourcade, cela permettra de nourrir le débat en commission mixte paritaire, idée que je trouve également intéressante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 42 bis est supprimé et l’amendement n° 97 rectifié n’a plus d’objet.