M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour défendre l'amendement n° 358.

M. Claude Bérit-Débat. Le 2 bis de l’article 18 est sans doute l’une des dispositions les plus insidieuses de ce projet de loi, car il introduit un impératif d’équilibre d’exploitation qui présage du redécoupage futur du périmètre du secteur de l’audiovisuel public.

En effet, il n’a pas été possible, aux termes de l’article 1er de ce texte, d’inscrire nommément dans la loi les chaînes du groupe France Télévisions. Mieux, les chaînes que nous connaissons aujourd’hui vont devenir de simples services de l’entreprise globale France Télévisions !

Alors, introduire un impératif d’équilibre du résultat d’exploitation de France Télévisions revient, en fin de compte, à faire peser sur l’existence de ces services une logique mercantile, qui risque d’entraîner, à terme, la disparition des moins rentables d’entre eux. Cette disparition semble même être programmée puisque la pérennité du financement de France Télévisions n’est pas, quoi qu’en dise le Gouvernement, assurée.

Dit autrement, ce serait une manière d’élaguer l’arbre France Télévisions de ses supposées branches mortes, qui auraient fourni la preuve de leur inutilité puisqu’elles plombent les résultats d’exploitation du groupe.

D’ailleurs cette disposition ne vise-t-elle pas en premier lieu France 3 ? Avec ses décrochages locaux et son maillage du territoire, cette chaîne ne rentre assurément pas dans les clous d’une rentabilité financière stricte.

En d’autres termes, exiger que les comptes d’exploitation des COM soient équilibrés, c’est en définitive donner sans le dire, en se parant des arguments du bon père de famille, libre cours à la logique mercantile qui va ronger le secteur audiovisuel public.

On voit poindre là la menace de privatisation des chaînes du service public, ce qui constitue, en réalité, la cerise sur le gâteau que le Gouvernement offre aux opérateurs privés.

Nous rejetons fermement le risque de dépeçage de l’audiovisuel public, dépeçage méthodiquement organisé au travers de ce projet de loi.

L’ensemble des dispositions du texte font système : des chaînes deviennent des services, des services sont soumis à un impératif d’équilibre ; si l’équilibre n’est pas atteint, supprimons alors les services qui ne marchent pas.

Nous refusons cette logique ! France Télévisions doit être une entreprise efficace, une entreprise à laquelle on donne surtout les moyens d’être efficace, une entreprise à laquelle on donne réellement les moyens de remplir les missions qui sont les siennes. Ce n’est pas le cas, bien au contraire.

Garantissons vraiment et réellement l’équilibre financier de France Télévisions ; garantissons vraiment et réellement que ses missions pourront être remplies. Alors, nous pourrons parler d’équilibre d’exploitation des COM.

De telles garanties n’existent pas à l’heure actuelle. Dans ces conditions, ne bouclons pas la boucle qui va étrangler France Télévisions. Laissons au contraire cette entreprise devenir, à partir de ce qui fait sa force aujourd’hui, ce grand média de demain que nous attendons tous.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 142 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 233 est présenté par M. Maurey et les membres du groupe Union centriste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

À la fin du deuxième alinéa du 3° de cet article, supprimer les mots :

et en valeur absolue

La parole est à M. Jack Ralite, pour présenter l'amendement n° 142.

M. Jack Ralite. Cet amendement allait de pair avec notre amendement n° 144, qui a subi les foudres de l’article 40 : celui-ci tendait à insérer après les mots : « compensation financière » les mots : « intégrale et pérenne ».

C’est à nous législateur qu’il revient de préciser la compensation financière de l’État et, surtout, de la garantir, car sans cette garantie, comment imposer à France Télévisions les obligations introduites à l’Assemblée nationale par l’amendement n° 634 ? C’est la question que nous soulevons au travers de notre amendement n° 142.

Nous défendons depuis toujours, et avec passion, la création. Le bouleversement de l’équilibre financier de France Télévisions engendré par la suppression de la publicité inquiète légitimement les producteurs, les réalisateurs des œuvres audiovisuelles et cinématographiques, les auteurs, les artistes et les techniciens. Ils souhaitent voir garanti dans le COM de France Télévisions, au moyen de cette loi, un montant minimal d’investissement en pourcentages des recettes de ce groupe et « en valeur absolue ». Mais comment ne voient-ils pas qu’ils demandent à France Télévisions de leur assurer un financement pérenne, alors que ce groupe ne dispose pas pour lui-même de cette garantie ?

C’est tout le paradoxe de ce projet de loi où se mêlent et s’entrechoquent des aspirations et intérêts qui peuvent devenir divergents et où chacun, au final, lutte pour éviter le pire.

C’est cette pratique gouvernementale consciente que nous voulions démontrer et dénoncer avec cet amendement. Pardi, le Gouvernement est plus fort quand il réussit à diviser ses partenaires, qu’ils soient internes ou externes !

La politique de Nicolas Sarkozy exacerbe les contradictions. C’est vrai dans le secteur de la culture et de la création, et un peu plus chaque jour dans notre société.

On nous demande donc d’arbitrer entre les réalisateurs, les producteurs et France Télévisions, et ses personnels.

Pendant ce temps, les chaînes privées comptent les points en leur faveur. TF1 comme M6, lors de leurs négociations, ont réussi pour la première fois, pour l’une, à faire baisser ses obligations de productions, pour l’autre, à élargir la définition des œuvres patrimoniales qui entrent en ligne de compte pour ce calcul.

Je le dis sans acrimonie, pour ces discussions-là, personne ne nous a demandé d’être médiateurs.

Nous abordons un problème fondamental. Il y a deux moyens de s’entendre : le contrat et la loi. L’un et l’autre sont le résultat de rapports de force qui ne sont pas pérennes. La différence, c’est que le contrat dure moins longtemps que la loi. Le contrat, plus particulier, peut même déboucher sur le corporatisme ; la loi, plus générale, doit prendre en compte l’intérêt général. Aujourd'hui, la tendance est de privilégier le premier sur la seconde, c'est-à-dire le présent sur la durée.

Nous sommes pour l’existence des contrats, mais la loi ne peut en être la synthèse. La loi est au-dessus, ce qui s’entend non pas dans un sens autoritaire, mais « comme un ciel étoilé au-dessus de nous », selon les mots de Kant. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

D’ailleurs, nous en avons l’expérience, et les producteurs qui emploient essentiellement des intermittents le savent bien. (Marques d’impatience sur les travées de lUMP.) Pendant la bataille des intermittents, au début de l’année 2007, M. Sarkozy, alors ministre, et surtout président de l’UMP, dans le cadre de l’une des assises de son parti consacrée à la culture, avait déclaré, je cite de mémoire : « je préfère, quant à moi, une entente des partenaires sociaux au recours à la loi, mais si ces accords n’interviennent pas, eh bien ! je suis d’accord, il faudra recourir à la loi ».

S’était alors créé un comité de suivi de la lutte des intermittents, dans lequel se trouvaient des députés et des sénateurs de toutes les sensibilités représentées au Parlement, ainsi que des syndicalistes, ouvriers et patronaux, qui refusaient le coup porté, sur l’initiative du MEDEF, à l’intermittence. Ce comité a élaboré un projet de loi sur cette question, qui a reçu l’aval de la majorité des députés de l'Assemblée nationale. (Nouvelles marques d’impatience sur les travées de l’UMP.) Arrêtez donc de meugler ! La courtoisie, ça existe !

M. le président. Monsieur Ralite, respectez votre temps de parole avant de donner des leçons aux autres !

M. Jack Ralite. Vous dites toujours cela, monsieur le président !

M. le président. Vous êtes le seul à dépasser votre temps de parole !

M. Jack Ralite. Le texte de ce projet a été ratifié par la majorité des parlementaires de l’Assemblée nationale.

M. Alain Gournac. Rien à voir !

M. Jack Ralite. Le président Debré a revendiqué en être le premier signataire. Une niche parlementaire s’est présentée à l’assemblée, et le matin où le texte devait être examiné avec un autre sur l’Arménie, on a constaté une large absence de l’UMP. D’abord a été voté le texte sur les Arméniens, et c’est tant mieux (Exclamations sur certaines travées de lUMP), puis, quand le texte en faveur des intermittents est venu en discussion, M. Accoyer a requis le quorum, lequel, bien sûr, n’y était pas, et le texte n’a pas été « démocratiquement » examiné.

Le rapport entre contrat et loi, on le voit, est complexe. Aujourd’hui, les ASSEDIC ne sont toujours pas arrivées à un contrat et, en février, unilatéralement, elles veulent réexaminer la situation des intermittents, avec l’intention déclarée de blesser.

Je le dis avec une certaine solennité aux producteurs, aux réalisateurs, aux hommes du cinéma, à tous les personnels qui travaillent à la télévision : rencontrez-vous et tentez d’établir une responsabilité publique qui ne vous opposera pas !

M. le président. Terminez, mon cher collègue !

M. Jack Ralite. J’ai presque fini, monsieur le président ! (Vives exclamations sur les travées de lUMP.) Puisque vous réagissez ainsi, je préfère m’arrêter là ! Je vous laisse à votre goujaterie ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Monsieur Ralite, vos propos sont inadmissibles ! Je suis là pour présider la séance et faire respecter les temps de parole. Avec vous, à chaque fois, cela dérape. Je regrette, ce n’est pas normal !

M. David Assouline. Deux poids, deux mesures !

M. le président. Il n’y a pas deux poids, deux mesures dans cette assemblée !

M. Jack Ralite. Cela ne m’arrive jamais avec d’autres présidents !

M. le président. Je procède de la même façon pour tous les orateurs !

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour présenter l'amendement n° 233.

M. Yves Pozzo di Borgo. Il s’agit avant tout d’un amendement d’appel. Il a pour objet non pas de diminuer les engagements de France Télévisions dans la création, mais bien au contraire de s’assurer que France Télévisions aura toujours les moyens d’être le soutien majeur du financement de la création cinématographique.

En effet, madame la ministre, vous vous êtes engagée, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, à ce que l’État compense la perte de recettes publicitaires de France Télévisions, estimée à 450 millions d’euros, pour les années 2009, 2010 et 2011. Cette compensation prendra fin avec l’arrêt définitif de la publicité sur France Télévisions. Il y a donc une véritable incertitude sur le financement de France Télévisions après 2011.

Les nouvelles taxes instaurées par ce texte ne permettront ni de compenser intégralement l’arrêt complet de la publicité ni de financer le développement de l’entreprise, qui est lié à la généralisation de la haute définition, à la .mise en place du média global et à l’émergence de nouveaux services.

Dans un tel contexte, nous proposons de supprimer la référence à des engagements en valeur absolue de France Télévisions dans la production. Nous entendons surtout souligner le risque, à terme, que France Télévisions ne puisse plus faire face à ses engagements en la matière. Ce serait alors l’ensemble de la filière qui en pâtirait.

Assurer à France Télévisions des ressources pérennes, indépendantes et de nature à permettre son développement est une condition sine qua non pour soutenir la création d’œuvres cinématographiques françaises et européennes, ainsi que la création d’œuvres audiovisuelles.

M. le président. L'amendement n° 291 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque France Télévisions contribue à une production, la répartition des droits d'exploitation avec le producteur privé, est effectuée proportionnellement aux apports.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous avons, à plusieurs reprises, longuement plaidé pour que la création en interne puisse exister et pour qu’elle soit mentionnée. Vous nous avez garanti oralement cette possibilité, madame la ministre, mais vous ne voulez pas l’inscrire dans la loi. En revanche, vous avez refusé, hier, que le mot « commande » disparaisse du texte. C’est dire que vous tenez beaucoup à cette activité qui, il est vrai – du moins c’est ce qui devrait être –, nourrit la création et les producteurs, dans toute leur diversité.

France Télévisions se retrouve donc en situation non seulement de commande et de diffusion, mais aussi parfois de financement important de la production, quand elle ne prête pas en plus du matériel pour la réaliser.

Dans le rapport sénatorial sur la loi DADVSI, il est longuement expliqué la nature du droit d’auteur, auquel nous ne voulons pas toucher, ainsi que le droit d’exploitation, qui se partage. Il nous semble donc logique et déontologique qu’il y ait non pas cession du droit d’auteur, car celui-ci est inaliénable, mais partage des droits d’exploitation au prorata des contributions de France Télévisions et du producteur privé, afin que France Télévisions ne se retrouve pas spoliée de la possibilité de diffusion d’une œuvre qu’elle a largement financée et qu’elle retrouve parfois diffusée sur une autre chaîne, et ce sans compensation.

Monsieur le président, vous l’aurez remarqué, je n’ai pas utilisé tout mon temps de parole. Nous respectons totalement votre rigueur dans la gestion du temps, mais il faut quand même reconnaître qu’il y a ceux qui sont brefs et ceux qui développent, qu’il y a ceux qui lassent et ceux qui passionnent. M. Ralite est de ces derniers ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. C’est mieux dit avec le sourire que de façon agressive. Merci, madame Blandin !

L'amendement n° 367, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le 3° bis de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le cinquième alinéa du I est ainsi rédigé :

« - le montant du produit de la redevance audiovisuelle ainsi que des autres ressources publiques devant lui être affectées, en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ; ».

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Je vais essayer de faire partie de ceux qui passionnent. (Sourires.)

Comme nous l’avons amplement démontré durant ce débat, l’indépendance des organismes participant au service public de l’audiovisuel vis-à-vis du pouvoir exécutif et des puissances économiques ne sera réelle qu’à la condition que deux critères soient vérifiés, tous deux nécessaires mais insuffisants l’un sans l’autre. En effet, si l’autonomie de gestion n’a aucun sens sans indépendance politique, inversement, l’indépendance politique serait vidée de sa substance si elle était placée sous tutelle financière.

En nous appuyant notamment sur les exemples allemand ou britannique, nous sommes nombreux sur les travées de cette assemblée à considérer, à l’instar de la commission des affaires culturelles depuis longtemps, que le produit de la redevance constitue la ressource la plus adaptée pour assurer au service public de l’audiovisuel un financement sûr, pérenne, dynamique et adapté à ses besoins.

En effet, la redevance doit être vue non pas comme un impôt, mais comme une contribution au financement d’un service public, comme le sont d’autres prélèvements de ce type dont le produit est affecté au financement de services publics locaux bien connus dans cet hémicycle, ce qui incite justement la commission des affaires culturelles à proposer de modifier la dénomination de notre redevance audiovisuelle.

Cette forme de financement répond parfaitement au besoin des dirigeants des entreprises publiques du secteur qui nous intéresse de disposer d’une visibilité pluriannuelle sur l’évolution de leurs ressources, ce qui leur garantit par ailleurs une réelle autonomie dans leurs choix de gestion, au moins pour la durée de leurs fonctions.

La loi d’août 2000 avait introduit une innovation allant tout à fait dans cette direction, en instituant une forme de contractualisation entre, d’une part, l’État et, d’autre part, pris individuellement, France Télévisions, Radio France, Radio France Internationale, ARTE-France et l’Institut national de l’audiovisuel.

Aux termes des actuelles dispositions de l’article 53 de la loi de 1986, les contrats d’objectifs et de moyens sont ainsi négociés pour trois à cinq ans et déterminent, pour cette durée, le montant des ressources publiques devant être affectées à chacun des organismes précités.

Alors que le Gouvernement a imposé à France Télévisions de supprimer, dès avant le terme de ce débat, la publicité de ses écrans entre vingt heures et six heures et a donc bouleversé toute l’économie du paysage audiovisuel français d’un trait de plume, la responsabilité du législateur est d’apporter à notre radio et à notre télévision publiques, ainsi qu’à l’INA, l’assurance de bénéficier d’une ressource publique pérenne et sûre pour l’avenir.

L’adoption par le Sénat de notre amendement n° 314, qui vise à reconnaître légalement que le produit de la redevance constitue la principale ressource financière de France Télévisions, va dans ce sens. En cohérence avec cette mesure, le Sénat devrait aussi approuver notre présente proposition, qui vise à ce que les contrats d’objectifs et de moyens précisent expressément, parmi l’ensemble des ressources publiques devant être affectées à chacun des organismes qu’ils couvrent, le montant du produit de la redevance, et ce pour la durée de leur exécution.

Mes chers collègues, notre assemblée doit à la constance de sa commission des affaires culturelles, soutenue si longtemps par deux de nos anciens collègues le président Jacques Valade et Louis de Broissia, de faire bloc face aux adversaires irréductibles de la redevance, peu présents il est vrai sur nos travées, mais beaucoup plus nombreux sur les bancs de l’UMP de l’Assemblée nationale. Notre amendement vise à offrir cette opportunité au Sénat. Ne la laissons pas passer !

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Après la deuxième phrase du second alinéa du b) du 5° de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

En ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, cet avis est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat. 

La parole est à M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis.

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, je ne vais certainement pas vous passionner, mais peut-être vais-je vous faire plaisir.

L’amendement n° 34 rectifié présenté par la commission des affaires culturelles vise à proposer une réécriture complète de l’article 18. Cette nouvelle rédaction rend donc sans objet l’amendement n° 88, que je retire.

M. le président. L’amendement n° 88 est retiré.

L'amendement n° 89, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 7° bis de cet article, après les mots :

devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances 

insérer les mots :

ainsi que, en ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, devant les commissions chargées des affaires étrangères

La parole est à M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis.

M. Robert del Picchia, rapporteur pour avis. Cet amendement, qui a pour objet d’associer les commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat à l’audition du président de la société en charge de l’audiovisuelle, a également été pris en compte par l’amendement n° 34 rectifié présenté par la commission des affaires culturelles. Je tiens d’ailleurs à en remercier les rapporteurs.

En conséquence, je me rallie à cet amendement et je retire celui de la commission des affaires étrangères.

M. le président. Nous vous remercions de votre concision !

L’amendement n° 89 est retiré.

Les amendements nos 143 et 359 sont identiques.

L'amendement n° 143 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 359 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 9° de cet article.

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 143.

Mme Annie David. L’article 18, plus précisément le paragraphe dont nous demandons la suppression, organise le sous-financement de France Télévisions. En effet, c’est avec cet article que le Gouvernement entend supprimer la publicité.

Je dis « entend », car la logique voudrait, dans le respect de la séparation des pouvoirs et du débat parlementaire, que la loi ne s’applique qu’une fois promulguée. Or, ici, et il est crucial de le dénoncer une nouvelle fois avec force, notre discussion est entachée de nullité, car la disposition phare de ce projet de loi est déjà entrée en vigueur.

Fait unique dans notre Ve République, une disposition – la suppression de la publicité sur France Télévisions – non discutée au Sénat, inscrite dans un projet de loi non voté, est déjà effective ! Et ce grâce à un coup de baguette magique que vous avez donné, madame la ministre, à savoir la lettre adressée le 15 décembre dernier au PDG de France Télévisions, Patrick de Carolis.

Après notre collègue Jack Ralite, je voudrais à mon tour citer une phrase de cette lettre, notamment la première : « Vous m’avez saisie de votre préoccupation concernant la programmation des messages publicitaires sur les antennes des chaînes de votre groupe à compter du 5 janvier 2009 en raison du délai d’examen par le Parlement du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ». À vous lire, le délai d’examen du texte par le Parlement serait la préoccupation du président de France Télévisions, préoccupation que vous partagez !

Il paraît étonnant de voir une ministre et un PDG d’entreprise publique remettre ainsi en cause le droit du Parlement à débattre d’un projet de loi. Voilà pour la forme !

Sur le fond, la suppression de la publicité se révèle très préoccupante s’agissant des compensations.

Le projet de loi, après avoir évoqué la suppression de la publicité, affirme que sa mise en œuvre donnera lieu à une « compensation financière de l’État ». Or, juridiquement, cette expression ne signifie rien et n’a aucune portée contraignante. À cet égard, je m’associe aux protestations de Jack Ralite et de David Assouline à propos de l’amendement qui a été retoqué en vertu de l’article 40 de la Constitution.

En revanche, ce qui est bien réel, c’est l’état de sous-financement déjà existant de la télévision publique auquel va s’ajouter le coût des programmes remplaçant la diminution, puis la disparition totale de la publicité.

Pour exister et pour se développer, alors que l’on évoque la notion de « global média » regroupant tous les supports, la télévision publique a besoin d’un financement pérenne et dynamique. Or, avec ce projet de loi, elle va hériter d’un financement qui pourra être remis en cause chaque année.

Elle a besoin d’une vision géométrique et dynamique. À l’inverse, votre projet de loi la cantonne dans une vision arithmétique et comptable, une vision étroite et étriquée, antinomique avec l’essence même de l’audiovisuel et, plus largement, des médias, qui sont des corps en mouvement, en perpétuel inachèvement, qu’il s’agit surtout de ne pas figer.

C’est pourquoi nous considérons que seule la redevance constitue une recette pérenne et dynamique qui rejoint l’impératif de financement d’un grand service public de la télévision. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter notre amendement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 359.

M. David Assouline. La suppression de la publicité sur les chaînes publiques est le fait du prince. Ce coup de poker, ce coup de pub dirais-je, puisque tout le monde en a parlé, est pour le moins irresponsable, car il « chamboule » toute l’économie d’un secteur sans qu’aucune étude ou concertation ait été menée au préalable.

L’annonce de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, nous l’avons dit, a surpris tout le monde, y compris vous-même, madame la ministre, comme on peut le constater en visionnant cette annonce. L’idée était simple : offrir les parts de marché du service public aux amis propriétaires de chaînes privées, dont l’un souffre des conséquences de son manque de perspicacité au sujet de la TNT, cheval sur lequel il n’avait pas misé.

Toujours est-il que l’on supprime ainsi 549,6 millions d’euros à France Télévisions. En 2008, les prévisions s’établissaient à 809,6 millions d’euros, celles pour 2009 s’élevant à 260 millions d’euros de recettes réalisées sur la tranche de six heures à vingt heures.

Les estimations établissant la compensation à France Télévisions à 450 millions d’euros et à Radio France à 23 millions d’euros pour 2009 – ce sont leurs propres estimations – sont donc déjà très en deçà des 550 millions d’euros de pertes. En 2009, il manquera 100 millions d’euros à France Télévisions au seul titre des recettes publicitaires perdues non compensées. Or, en 2008, 260 millions d’euros de recettes publicitaires ont déjà fait défaut à France Télévisions du fait de l’annonce de la réforme, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les annonceurs, ne sachant qu’attendre de la réforme, se sont montrés frileux. C’est aussi la raison pour laquelle nous protestons sur la méthode de l’annonce, qui a déstabilisé tout le secteur pendant un an, jusqu’à la mise en place de la réforme.

Ensuite, les opérateurs privés, estimant qu’ils bénéficiaient de parts supplémentaires, ont cassé les prix afin d’être concurrentiels. Ils ont dit aux annonceurs : « Venez chez nous après vingt heures – d’ailleurs, il n’y aura bientôt plus que chez nous où vous pourrez aller –, et nous vous ferons des prix dans la journée ». Qui sait donc si France Télévisions pourra retrouver le niveau de recettes publicitaires qu’elle avait avant vingt heures ?

Enfin, une grande partie du marché est en train de muter naturellement vers internet et, dans une moindre mesure, vers les chaînes émergentes de la TNT.

Par ailleurs, il est pour le moins scandaleux que l’Assemblée nationale ait étendu la disposition supprimant la publicité à RFO, cédant ainsi à un lobbying. Pourtant, j’avais en tête que la loi devait servir l’intérêt général, non des intérêts privés. En l’occurrence, la loi est élaborée pour quelques personnes ou groupes précis, dont on peut déterminer les noms au travers du paragraphe 9 de cet article ; je ne les citerai pas !

Selon des études récentes, M6 devrait ne capter que 25 % des parts de marché publicitaires libérées. Le grand gagnant sera une fois encore TF1, qui, sur les quelque 250 millions ou 260 millions d’euros de recettes migrantes, devrait en capter 70 %.

En tant que législateur, je ne peux cautionner cette disposition qui vise uniquement à satisfaire quelques intérêts privés au détriment des téléspectateurs, qui pourront désormais être abreuvés de tunnels publicitaires interminables du fait de la réforme autorisant davantage de publicité pour les opérateurs privés ; nous aurons l’occasion d’y revenir.

Deuxième coupure, diffusion de neuf minutes de publicité par heure contre six minutes actuellement, passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge : on est loin de la suppression de la publicité quand il s’agit des grands opérateurs privés !

Cette réforme mettra en péril tout le secteur public audiovisuel en supprimant le quart de son financement annuellement garanti.