M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. Nombre d’arguments ont déjà été avancés, je serai donc bref, mais je tiens à indiquer, au début de la discussion de cet article 20, qu’après avoir décidé la fin de la publicité après 20 heures, on ne pourra pas remettre en cause ce dogme.

Si nous avons participé au début des travaux de la commission Copé, c’est parce que nous pensions qu’une commission travaillant de façon approfondie se rendrait compte qu’il n’y avait aucun moyen juste et pérenne de financer l’audiovisuel en supprimant la publicité. Mais, à partir du moment où la suppression était devenue un dogme, il fallait à tout prix trouver un autre système et peu importait qu’il fût juste et pérenne.

Les taxes que vous proposez ne sont ni très cohérentes, ni très justes et nous pourrons étayer nos arguments sur chaque amendement.

L’article 20, qui insère deux nouveaux articles dans le code général des impôts, institue une taxe sur les recettes publicitaires de l’ensemble des opérateurs de télévisions privées mais, situation ubuesque s’il en est, sur celles des chaînes publiques également. On oublie de le dire, France Télévisions va aussi payer cette taxe, taxe qu’elle ne percevra pas directement puisqu’elle sera versée au budget de l’État, qui, chaque année, décidera de la réaffecter ou pas.

Si l’on a décidé de prélever des recettes publicitaires sur les chaînes du service public, c’est sans doute pour des motifs d’ordre constitutionnel, afin d’éviter une censure pour rupture d’égalité devant les charges publiques. Mais ce système de vases communicants, ce serpent qui se mord la queue, mis en place pour financer l’audiovisuel, est vraiment cocasse.

L'Assemblée nationale, sur proposition de Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale, a prévu un système de taxe modulable : un taux de 1,5 % du chiffre d’affaires pour les opérateurs dont le chiffre d’affaires n’augmente pas et un taux se situant entre 1,5 % et 3 % pour les autres.

Dans les faits, ce sont encore TF1 et M6, dont le chiffre d’affaires augmente peu ou prou en ce moment, qui se trouveront favorisés, avec une taxation minimale de 1,5 %, au détriment de la TNT ou des nouveaux entrants, qui connaissent forcément une expansion. Cette taxe est dure et injuste, car ce sont les plus innovants, ceux qui proposent la plus grande diversité des programmes et représentent, d’une certaine façon, la nouvelle économie, qui en supporteront le plus la charge et non pas les opérateurs qui en ont les moyens et bénéficient le plus de la manne publicitaire. Voilà une double injustice.

Cette modulation fait potentiellement perdre entre 40 millions et 60 millions d’euros, le rendement de cette taxe ayant initialement été estimé à 80 millions d’euros. De plus, le financement indirect se réduira comme peau de chagrin, car il se fondera dans la masse budgétaire de l’État. Au demeurant, que représentent 40 millions d’euros au regard des 500 millions d’euros de perte de recettes publicitaires de France Télévisions ?

Les grandes idées du Président de la République font parfois beaucoup de bruit pour presque rien.

Je rappelle que la commission Copé n’avait pas souhaité instaurer une telle taxe pour compenser la perte des recettes publicitaires. Cette taxe avait été prévue pour compenser la perte de la part de la redevance préalablement attribuée à l’INA, l’Institut national de l’audiovisuel, et désormais allouée à France Télévisions, solution aussi contestable. Toutefois, je tiens à noter que les conclusions de la commission Copé, dont on loue le travail, sont en réalité peu suivies.

Considérant le caractère inéquitable de cette mesure fiscale et son faible rendement mais, surtout, pour des raisons de principe, nous souhaitons la suppression de l’article 20.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Je rappelle que la taxe sur le chiffre d’affaires s’inscrit dans une logique forte, une logique de transfert.

La publicité disparaît partiellement des chaînes publiques et va, nous l’espérons, être transférée vers les chaînes privées, la TNT, la radio, voire la presse. Je préfère cette solution à un transfert des ressources vers le hors-média. Il est donc logique que ces transferts, qui représentent un plus, soient taxés. Toutefois, il fallait moduler la taxe, car il n’aurait pas été judicieux de taxer des déficits. J’ajoute que l’on tient compte des différents médias puisque les chaînes de la TNT sont soumises à une taxe plus faible. (M. David Assouline fait un signe de dénégation.)

Comme je l’ai déjà indiqué, je ne pense pas que cette disposition soit inconstitutionnelle, car la taxe n’est pas affectée. De plus, il n’est pas extraordinaire que France Télévisions y soit assujettie, car il y va du respect de la règle de l’égalité devant l’impôt. Par exemple, lorsque l’État engage des travaux dans des monuments historiques, il paie la TVA. Le principe est donc le même.

Enfin, je dirai à M. Sueur que je n’ai pas le sentiment de déshonorer ma fonction en portant une réforme qui vise à supprimer la publicité sur nos chaînes publiques pour faire en sorte que celles-ci répondent davantage à une ambition de service public.

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai pas parlé d’honneur, madame la ministre, j’ai dit qu’il y avait une rupture. André Malraux nous regarde ! (Sourires.)

M. le président. Je rappelle, mes chers collègues, que, pour la clarté de nos débats, nous avons décidé d’examiner séparément les amendements identiques de suppression nos 244 et 374, puis les amendements nos 149 rectifié et 272, qui procèdent à une réécriture totale ou partielle de l’article 302 bis KG du code général des impôts.

Je suis donc saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 244 est présenté par M. Maurey.

L'amendement n° 374 est présenté par MM. Antoinette, Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel, Fichet et Gillot, Mme Khiari, MM. S. Larcher et Lagauche, Mme Lepage, MM. Lise, Patient et Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l’amendement n° 244.

M. Hervé Maurey. Même si j’appartiens à une majorité qui s’est prononcée contre ou pour la diminution des taxes qui freinent la création d’emploi, ce n’est pas par dogmatisme que je vous propose, mes chers collègues, de supprimer la taxe sur la publicité, comme je proposerai tout à l'heure de supprimer la taxe prévue à l’article 21 du projet de loi.

Dans le droit-fil de notre logique, nous pensons que la redevance constitue le seul moyen d’assurer un financement autonome et pérenne de l’audiovisuel public, ce qui n’est pas le cas des taxes proposées ici.

Vous le savez très bien, ces taxes ne sont pas affectées et se retrouveront dans le budget global de l’État. Ainsi, le président de France Télévisions, quel qu’il soit, sera tenu de demander, chaque année, au Gouvernement les crédits dont il aura besoin pour faire vivre ses chaînes. Cette logique ne sert pas un service public autonome, fort et indépendant et ne donne pas à l’audiovisuel public les moyens de ses ambitions.

Je ne retracerai pas ici tout l’historique de la fiscalité française – je n’en serai d’ailleurs pas capable –, mais on a vu, dans le passé, ce qu’a donné la vignette automobile, initialement créée pour aider les personnes âgées, ou encore, plus récemment, la TACA, la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, qui rapporte, chaque année, au commerce et à l’artisanat 80 millions seulement sur les 600 millions d’euros collectés. Nous ne sommes donc pas rassurés sur la pérennité du financement, d’autant que le projet de loi n’apporte une garantie que pour trois ans.

Mme la ministre a indiqué qu’il n’y avait pas de problème de constitutionnalité. Je l’espère, mais toujours est-il qu’un certain nombre de constitutionnalistes s’interrogent.

J’ajoute qu’il est étonnant, pour ne pas dire cocasse, que le financement du service public repose demain sur le succès des chaînes privées.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Hervé Maurey. C’est la première fois que le financement d’un secteur d’activité dépend du succès de son concurrent.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est pervers !

M. Hervé Maurey. Cela n’existe, à ma connaissance, dans aucun autre système fiscal !

Par ailleurs, je rappelle que la publicité à la télévision et à la radio est déjà taxée aujourd'hui à hauteur de 6,28 %.

Enfin, j’aimerais, une fois pour toutes, démystifier l’idée selon laquelle certaines taxes seraient neutres. On n’a pas voulu augmenter la redevance parce que les Français n’étaient pas en capacité de supporter une telle augmentation. Mais que l’on cesse d’infantiliser ces derniers en prétendant que certaines taxes sont neutres. Ça n’existe pas ! Les taxes sont toujours répercutées sur les consommateurs ! Nous pourrons vérifier cette assertion lors de l’examen de l’article 21, car la commission des affaires économiques a réalisé un travail de grande qualité en quantifiant l’effet de la taxe sur le consommateur.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 374.

M. David Assouline. Lors du débat relatif à l’article 18, nous avons dit notre totale opposition à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, mise en œuvre sans étude ni concertation préalables et compensée, de manière inacceptable, par des taxes inégalitaires dans leur mode d’application, à la productivité douteuse et dont le produit ne sera pas directement réinjecté dans le secteur audiovisuel public.

Ces taxes appliquées de façon arbitraire à certaines sociétés ne présentent pas de garanties constitutionnelles suffisantes au regard du principe de non-rupture de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

Je ne reprendrai pas l’argumentation que j’ai développée tout à l'heure sur l’ensemble de l’article 20. Je me bornerai à réaffirmer le point de vue des socialistes sur ce problème.

Nous sommes tous face à une situation relativement difficile. Dès lors que le Sénat a voté ce matin la suppression des recettes publicitaires, nous devons maintenant débattre des compensations. On pourrait nous reprocher de ne pas chercher d’autres recettes. Mais, dans la mesure où nous nous sommes opposés au dispositif depuis le début, parce que nous l’estimons injuste, nous ne portons pas la responsabilité de cette situation.

De toute façon, si la Haute Assemblée en vient à s’opposer à cette taxe, nous devrons bien évidemment débattre de nouveau de l’ensemble du texte.

Je tiens à cet égard à vous démontrer la cohérence de notre position. Nous étions contre la suppression précipitée de la publicité, car nous estimions, je le répète, que les taxes proposées étaient injustes. En outre, il nous semblait difficile de compenser le manque à gagner dans l’économie de l’audiovisuel d’aujourd'hui. Dès lors que la publicité est supprimée, s’opposer à cette taxe est, d’une certaine façon, une autre manière de s’opposer au texte.

Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Comme la commission va être amenée à émettre plusieurs avis défavorables sur un certain nombre d’amendements qui visent tous, d’une manière ou d’une autre, soit à supprimer l’article 20, soit à l’amender de telle façon que la commission ne peut les accepter, j’exposerai de manière plus détaillée son argumentation.

Compte tenu des engagements pris, nous devions prévoir des moyens financiers pour assurer la marche de l’entreprise publique. Ce financement est donc assuré : par la redevance ; par ce qui reste du financement lié à la publicité et aux services payants de France Télévisions ; par les deux taxes prévues pour financer dans le budget de l’État, à hauteur de 450 millions d’euros, le manque à gagner de la perte de publicité.

Nous avons estimé raisonnable et responsable de nous en tenir à la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, car les deux taxes ont été amendées de telle manière qu’elles intègrent les données liées à la conjoncture, notamment pour ce qui concerne la publicité sur les chaînes de télévision. On sait malheureusement que les recettes publicitaires se sont fortement dégradées du fait de la crise actuelle, et l'Assemblée nationale en a tenu compte. C’est pourquoi nous rejoignons ses propositions.

Concernant la taxe sur les fournisseurs d’accès, le curseur fixé par l'Assemblée nationale nous semble placé au bon endroit pour lancer la nouvelle entreprise publique.

Toutefois, vous le savez, nous avons décidé – et le Sénat a voté cette disposition – que le CSA donnerait chaque année son avis sur les moyens dont l’audiovisuel public a besoin pour fonctionner. Ainsi, le Parlement pourra décider en toute connaissance de cause des moyens financiers à prévoir. Il pourra réexaminer chaque année les crédits alloués par l’État, et donc le montant des taxes qui permettent de compenser le budget de l’État.

C'est la raison pour laquelle il nous semble aujourd'hui difficile, pour ne pas dire impossible, de déstabiliser le socle tel qu’il a été édifié. Toutefois, dans le monde mouvant que nous connaissons, dans une conjoncture très évolutive, notre philosophie de la taxation n’est pas définitive ; en fonction de la conjoncture et du bilan de l’année en cours nous verrons comme faire évoluer ces taxes.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 244 et 374.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Je souhaite simplement dire à Hervé Maurey que le mot « taxe » ne sonne pas non plus très bien à mes oreilles dans un pays qui détient déjà un record en matière de prélèvements obligatoires.

En fait, comme Mme la ministre l’a très bien indiqué, la décision d’assujettir les chaînes à cette taxe sur leur chiffre d’affaires publicitaire est consubstantielle à un effet de transferts. En effet, parallèlement, les chaînes privées bénéficieront d’une deuxième coupure et de la possibilité de diffuser neuf minutes de coupure publicitaire par heure d’antenne, sachant que l’on passe du décompte par heure glissante au décompte par heure d’horloge.

Par conséquent, autant je serai tout à l’heure réservé sur d’autres taxes, autant je trouve une vraie logique dans l’instauration de celle-ci, dont le fondement économique est absolument avéré.

Par conséquent, je suggère de façon très amicale à l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer et de se concentrer sur ce qui est susceptible d’être amélioré par notre assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Comme vient de le rappeler pertinemment M. Retailleau, il existe une vraie logique entre les transferts qui vont s’opérer et la taxation non seulement sur ces transferts, mais aussi sur les nouvelles fenêtres qui vont être ouvertes dans le cadre de la transposition de la directive SMA. Nous n’allons d’ailleurs pas au bout des possibilités, puisque la directive permettrait d’aller jusqu’à douze minutes alors que nous n’autorisons que neuf minutes.

Cette taxation n’a rien d’extraordinaire, puisque les chaînes dans leur globalité contribueront également, sur l’ensemble de leur chiffre d’affaires cette fois-ci, au soutien au cinéma, à la création audiovisuelle. Dans le cas qui nous occupe, elles soutiennent, par une taxation sur le chiffre publicitaire, un service public.

En outre, les 450 millions d’euros budgétés pour 2009 dans la mission « Médias » de la loi de finances sont bien garantis par l’État quoi qu’il advienne aux taxes. Il est important qu’il y ait un engagement de l’État dynamique sur les trois prochaines années, car cela permet une visibilité financière la plus grande possible.

M. le président. Monsieur Maurey, maintenez-vous l'amendement n° 244 ?

M. Hervé Maurey. Je vais bien sûr le retirer. Je ne voudrais pas déstabiliser tout le système, comme le redoute M. le rapporteur.

Effectivement, cette taxe est peut-être moins illogique que celle dont nous aurons à débattre tout à l’heure !

M. le président. L’amendement n° 244 est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote sur l’amendement n° 374.

M. Jean-Pierre Plancade. Les critiques sur cette taxe ont été émises, je n’y reviens donc pas. Pour l’essentiel, je les fais miennes ; je l’ai dit lors de la discussion générale.

La difficulté est évidemment que cette taxe ne soit pas affectée. De plus, comme l’ont dit d’autres orateurs, c’est le succès du privé qui financera le public. Tout cela n’est pas franchement très sain, même si toutes les chaînes sont, pour des raisons d’équilibre, assujetties à la taxe.

Au demeurant, il est vrai que l’on ne peut pas supprimer la recette publicitaire sans la compenser.

Dans ces conditions, le système proposé ne leur convenant pas, les membres du RDSE s’abstiendront.

M. le président. La parole est à M. Roland du Luart, pour explication de vote.

M. Roland du Luart. J’ai bien entendu toutes les voix qui se sont exprimées sur ce sujet, mais je pense que l’on part d’un malentendu fondamental.

Voilà plusieurs mois, lorsque nous avons travaillé sur ce texte, l’économie était prospère et la publicité florissante. Mais aujourd’hui, tout le monde en convient, la publicité s’effondre.

L’analyse consistant à dire que les chaînes qui bénéficieront des modifications de plages horaires auront davantage de publicité me semble pour le moins spécieuse. En effet, l’industriel à l’origine de spots publicitaires sur la chaîne X, dont il connaît l’audience grâce à Médiamétrie, ne verra pas des millions d’auditeurs de la chaîne Y se reporter pour autant sur la chaîne sur laquelle est diffusée sa publicité !

Selon moi, le Gouvernement fait une erreur d’analyse en pensant que la suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures du matin sur les chaînes publiques aura automatiquement pour conséquence un transfert à un moment où l’on assiste à un effondrement de la publicité.

Heureusement qu’une clause de revoyure nous permettra de nous faire une idée sur le fonctionnement du système car, si la thèse que je défends est juste et si l’analyse du Gouvernement est fausse, ce dernier se heurtera à de grandes difficultés d’équilibre.

Heureusement aussi que le Sénat a voté tout à l’heure une progression de la redevance, laquelle est quand même la meilleure des recettes.

En tout cas, pour ma part, je suis très réservé sur cet article.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Je comprends bien le raisonnement que vient de développer M. du Luart. Il est vrai que l’on ne connaît pas exactement les transferts qui auront lieu des chaînes publiques vers les chaînes privées sur fond de marché publicitaire assez déprimé.

Toutefois, de nouvelles fenêtres ont été ouvertes : le passage du décompte par heure glissante au décompte par heure d’horloge, la deuxième coupure, l’augmentation de la possibilité de diffuser de la publicité. Évidemment, vous me rétorquerez que, s’il n’y a pas de marché publicitaire...

Mais c’est précisément pourquoi la taxe qui, au départ, était de 3 % est limitée à 1,5 %. Nous verrons par la suite s’il y a ou non des surplus. De toute façon, la modulation introduite permettra de ne taxer que le plus.

Enfin, avec la clause de revoyure qu’évoquait M. Thiollière, le système qui vous est proposé est, je crois, équilibré.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 374.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 149 rectifié, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'intitulé du chapitre VII septies du code général des impôts :

« Taxe sur les investissements publicitaires bruts et les chiffres d'affaires des opérateurs de communications électroniques

II. - Rédiger comme le texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du même code :

« Art. 302 bis KG. - Il est institué une taxe de 1 % sur les investissements publicitaires bruts et les chiffres d'affaires des opérateurs de communications électroniques. Sont exonérés la presse écrite quotidienne, ainsi que les sociétés mentionnées à l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le cinéma, l'édition et les sociétés de spectacle vivant. »

III. - Supprimer les II et III de cet article.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Nous abordons, avec cet article 20, le chapitre important des taxes sur les services de télévision et les opérateurs de télécommunications.

Cet amendement est conforme à ce que nous disions depuis longtemps, à savoir que l’on ne doit pas se contenter d’une taxe sur les recettes publicitaires des télévisions privées, mais qu’il faut également taxer le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications.

L’assiette que nous proposons va donc beaucoup plus loin que les 3 % appliqués aux seules recettes publicitaires prévues dans le projet de loi.

Si nous voulons un service public de qualité susceptible de satisfaire les exigences des téléspectateurs et les missions de celui-ci, il faut augmenter la redevance.

Cette solution, source de l’indépendance de l’audiovisuel public, bien plus sûrement que ne peut l’être le schéma choisi avec l’usine à gaz financière dont nous débattons, n’a pas rencontré, dans le cadre de ce débat, de mise en œuvre satisfaisante.

Ce qui se produit, c’est le choix du délestage, du moindre coût, et ce seront de toute façon les téléspectateurs qui paieront en raison de l’augmentation prévisible des abonnements aux services de télécommunications. Cela reviendra donc au même, même si le principe est différent.

Les propositions que nous défendons, quant à nous, depuis longtemps reposent sur deux piliers.

Nous proposons d’abord l’augmentation de la redevance, pour que notre pays se rapproche de ce que l’on observe en Europe.

Nous proposons également – c’est l’objet du présent amendement – une taxe de 1 % dont l’assiette est beaucoup plus large que les recettes publicitaires, car elle porte également sur le chiffre d’affaires.

Cet amendement pourrait recueillir l’unanimité de notre assemblée, car une taxe d’assiette élargie permettrait un rattrapage pour le financement de l’audiovisuel public, qui a été très fragilisé par le système choisi par le Gouvernement, il convient de le rappeler.

Il s’est évidemment trouvé de bonnes âmes pour ajuster à la baisse les taxes prévues par les articles 20 et 21, en reprenant, dans la forme et le fond, des textes rédigés par le service juridique de TF1, véritable « pauvre petite fille riche » qu’on semble bien souhaiter rendre plus présentable pour de nouvelles noces à venir.

C’est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement. À défaut, il nous semble que le Sénat dévaluerait sensiblement son rôle législatif en adoptant un dispositif financier qui tend, en réalité, à régler la question de la manière la plus conforme aux intérêts du seul secteur audiovisuel privé.

M. le président. L'amendement n° 272, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit l'intitulé proposé par le I de cet article pour le chapitre VII septies du code général des impôts :

« Taxe sur les investissements publicitaires bruts et les chiffres d'affaires des opérateurs de communications

II. - Rédiger comme suit le I du texte proposé par le même I pour l'article 302 bis KG du code général des impôts :

« I. - Il est institué une taxe de 1 % sur les investissements publicitaires bruts et les chiffres d'affaires des opérateurs de communications. Sont exonérés la presse écrite, les sociétés mentionnées à l'article 44 de la loi n°  86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Je n’entrerai pas dans le détail ; je me limiterai à l’esprit de cet amendement.

Je tire les conséquences du refus par le Sénat d’adopter l’amendement proposé par le groupe socialiste et tendant à supprimer ce système de taxation pour en revenir à un système plus digne, recentré sur la redevance.

Puisque vous êtes décidés à instaurer cette « boîte à taxes » complexe que nous réprouvons, puisque l’audiovisuel public manque visiblement d’argent et que le privé prouve par son standing qu’il a les moyens, je choisis, avec mes amis du groupe des Verts, une taxe sur les investissements publicitaires bruts.

Cet amendement vise donc à modifier l’assiette de la taxe et à en préciser le taux : 1% sur tous les investissements publicitaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements pour des raisons d’équilibre général.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, d’autant que cette modification pourrait entraîner une délocalisation des régies publicitaires sur internet des opérateurs de télécommunications.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 272.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 152, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 302 bis KG du code général des impôts, après le mot :

éditeur

insérer le mot :

privé

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Le Gouvernement a unilatéralement décidé de supprimer la publicité sur le service public, ce qui, nous le savons, représentera pour ce dernier un manque à gagner très important, conduira à modifier les programmes et les grilles, et affectera les marchés publicitaires.

On sait aussi que cette décision particulièrement importante, qui revenait sur une disposition qu’on justifia par le passé – en l’occurrence voilà quarante ans – par le fait qu’elle permettrait le développement du secteur audiovisuel alors exclusivement public, a été mise en œuvre à la suite d’une injonction au conseil d’administration de France Télévisions, qui, peu de temps avant Noël, a accepté de faire ce « cadeau » au commanditaire de l’ensemble du projet de loi, c’est-à-dire le Président de la République.

Il est regrettable que nous soyons placés devant le fait accompli et qu’il nous soit, en quelque sorte, simplement demandé de sauver les apparences, en éloignant de l’esprit de nos concitoyens cette détestable impression de coup de force.

Nous pouvons craindre cependant que les chaînes privées n’augmentent très fortement le prix des écrans publicitaires diffusés dans la plage horaire concernée par cette suppression, tout en pratiquant, le reste de la journée, une forme de dumping publicitaire consistant à proposer des écrans moins chers que ceux du service public.

La position quasi monopolistique de ces chaînes sur le marché publicitaire aux heures de grande écoute permettra, sans la moindre équivoque, ce genre de pratique. Il fera beau voir qu’elles aient à subir les conséquences de l’instauration de ces taxes, qui ont d’ores et déjà été réduites !

De fait, le financement du service public sera fragilisé par une telle situation. Voilà pourquoi il nous paraît pénalisant de taxer au même titre les recettes publicitaires des chaînes publiques et des chaînes privées. L’argument selon lequel le principe d’égalité serait ainsi rompu, invoqué de-ci de-là, ne tient pas.

Les apparences, qui pourraient nous laisser croire que les deux situations sont identiques, sont trompeuses. Restons-en à l’essentiel et protégeons le service public.