M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Monsieur le président, messieurs les ministres, dans les quelques minutes dont je dispose, je n’évoquerai qu’un seul point, qui me tient à cœur et qui, me semble-t-il, devrait tout naturellement trouver sa place dans le cadre du plan de relance que le Président de la République et le Gouvernement nous proposent et auquel je souscris pleinement.

Au préalable, et s’agissant du titre Ier du projet de loi, qui propose des mesures visant à faciliter la construction de logements, je me bornerai à indiquer, pour être honnête, que je ne suis pas tout à fait convaincu que les dispositions proposées soient suffisantes pour permettre un vrai développement.

M. Thierry Repentin. Nous non plus !

M. Charles Revet. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements que j’ai déposés et que plusieurs de nos collègues ont cosignés.

J’évoquerai plus longuement le titre II, « Faciliter les programmes d’investissement », dans lequel le développement de nos grands ports maritimes devrait pouvoir s’inscrire.

En adoptant, à la fin du printemps 2008, le projet de loi de réforme portuaire dont j’étais le rapporteur et qui a été publié au Journal officiel le 5 juillet 2008, le Parlement a manifesté sa volonté de redonner à la France sa vraie place dans le domaine de l’activité maritime.

Le Gouvernement a pris dans les semaines suivantes les décrets prévus par cette loi, montrant ainsi sa volonté de faire en sorte que nos grands ports maritimes puissent être en mesure de connaître un nouveau développement

Faut-il rappeler que la France dispose, autour de l’hexagone et des départements et territoires d’outre-mer, de la troisième zone économique du monde ?

Notre pays, qui occupait encore dans les années quatre-vingt le troisième ou quatrième rang dans le domaine maritime, se situe aujourd’hui en vingt-neuvième position.

Avec la mondialisation de l’économie, 85 % du commerce mondial se fait par mer et la première destination au monde est l’Europe. Or, si de grands ports du nord et du sud de l’Europe ont su s’adapter rapidement, notamment en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Espagne et en Italie, la France a pris un retard considérable. Elle dispose pourtant des meilleurs atouts.

Tandis qu’Anvers affiche 8 millions à 9 millions de containers par an et doit porter sa capacité à 14 millions ou 15 millions de boîtes d’ici à cinq ans, que la capacité d’Hambourg est actuellement de 9 millions à 10 millions de containers et doit être portée à 18 millions ou 20 millions de boîtes dans les mêmes délais, pour ne pas parler d’autres ports dans la même situation, tels Rotterdam et Zeebrugge, Le Havre n’affiche que 2,5 millions de containers et envisage de doubler ce trafic dans les années à venir. La situation est encore plus critique à Marseille, qui n’affiche qu’un million de containers, alors que Gênes et Barcelone connaissent un développement rapide et important.

Cette situation est d’autant plus regrettable et inacceptable que nos ports jouissent d’une situation géographique et stratégique privilégiée. Parmi les activités susceptibles de redonner un élan à notre économie, le commerce maritime peut être un moteur exceptionnel et durable.

Si, dans le domaine industriel, nous sommes confrontés, comme les autres pays occidentaux, à une concurrence exacerbée, en particulier des pays du Sud asiatique, ce qui entraîne des délocalisations et, par conséquent, des fermetures d’entreprises et des pertes d’emplois, a contrario, les ports de ces mêmes pays ne sont pas des concurrents mais, au contraire, de vrais partenaires potentiels.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Charles Revet. Sans doute l’activité maritime connaît-elle actuellement un net recul du fait d’un contexte mondial marqué par la crise financière, mais cette situation est conjoncturelle. Tôt ou tard, et le plus rapidement possible, l’activité maritime retrouvera sa place et ne pourra que s’amplifier. Compte tenu de l’enjeu que cela représente pour notre économie, la France se doit d’être présente à ce rendez-vous. Ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui peuvent en découler. M. le Président de la République l’avait d’ailleurs souligné lorsqu’il s’était rendu au Havre à l’automne dernier.

À un moment où l’accent est mis sur le développement durable, il me paraît important de souligner que l’activité maritime en est probablement le meilleur exemple. Outre le volume d’activité que peuvent engendrer tous les travaux d’aménagements nécessaires au développement portuaire, l’activité du port, celle des zones logistiques et le transport – ferroviaire, routier ou fluvial – en amont ou en aval du port sont effectivement sources d’emplois pérennes.

L’enjeu que cela représente pour chacune des régions concernées justifie une mobilisation de tous les acteurs, collectivités et organismes, en liaison avec l’État. En effet, par-delà les travaux d’aménagements, de la responsabilité du grand port maritime lui-même – quais, terre-pleins, zones logistiques, etc. –, il faut bien sûr prévoir en parallèle la réalisation d’aménagements routiers, ferroviaires et fluviaux et, en amont, la maîtrise des emprises foncières.

Il s’agit là d’être cohérents pour ne pas nous retrouver dans la situation constatée à l’issue de la première tranche de Port 2000 : si le port était en mesure de travailler en tant que structure portuaire, il ne pouvait être pleinement opérationnel, les travaux de raccordement aux réseaux ferroviaire et fluvial n’étant pas engagés. La mise en place d’une structure de coordination de type syndicat mixte regroupant l’ensemble des acteurs permettrait d’éviter de telles aberrations.

Compte tenu de l’important retard cumulé que nos grands ports maritimes ont pris par rapport aux autres ports européens et, si nous considérons que la France a vocation à retrouver toute sa place dans le domaine de l’activité maritime – j’en suis pour ma part convaincu –, ce développement ne peut être couronné de succès que si nos ports ont réussi à mener à bien les travaux d’aménagement et d’équipement dans les délais les plus rapides possibles.

Cela justifie que ce type de travaux s’inscrive dans le cadre du plan de relance qui est l’objet du présent projet de loi, au titre, d’une part, du financement et, d’autre part, des systèmes dérogatoires qu’il prévoit. C’est dans cet esprit que j’ai déposé des amendements à ce texte. Je souhaite que nous profitions, dans le cadre de ce plan de relance, de l’atout formidable que peut constituer le commerce maritime pour notre pays et que nous en fassions un élément clef de notre développement économique et de la création d’emplois.

Le Gouvernement a prévu d’allouer un montant de 26 milliards d’euros à ce plan de relance. C’est important mais, pour que le plan se révèle efficace, monsieur le ministre, il faut impérativement simplifier les procédures qui, de plus en plus lourdes, font perdre un temps précieux, notamment aux collectivités, lorsqu’il s’agit de réaliser des travaux. (M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance opine.)

Je reprendrai en partie ce que disait tout à l’heure François Fortassin. Des contrôles sont bien sûr nécessaires. Cela dit, pourquoi ne pas faire passer ce message à notre administration, partout, pour qu’elle soit avant tout, lorsqu’elle doit intervenir, une administration de conseil, qu’elle cherche à faciliter plutôt qu’à bloquer, quand bien même – je m’empresse de le dire car j’en suis convaincu – les blocages ne sont pas volontaires ? Ils résultent même quelquefois des textes que nous avons votés ou des réglementations en vigueur.

M. Patrick Devedjian, ministre. … voire de vos amendements !

M. Charles Revet. Je suis convaincu, monsieur le ministre, que nous aurons fait un grand pas lorsque nous serons parvenus à alléger ainsi les procédures. Le plan de relance que vous nous proposez et que je vais bien entendu voter aura alors les meilleures chances de réussir. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en matière de soutien à l’activité économique, les annonces se sont multipliées depuis quelques semaines, sinon quelques mois. On ne peut pas dire qu’elles aient permis de dégager une cohérence d’ensemble, malgré un plan de communication tout à fait au point, comme l’a déjà souligné tout à l’heure notre collègue Nicole Bricq. Même mises bout à bout, ces annonces ne font pas, selon nous, une politique de relance efficace.

Elles ne sont pas à la hauteur des enjeux du point de vue de l’ampleur des moyens « engagés » – j’insiste sur ce mot car ils ne seront sans doute pas tous utilisés –, limités à 1,3 % du PIB, de l’orientation générale donnée à cette politique ou des instruments de correction et de régulation économique que chacun, sur toutes les travées de notre hémicycle, appelle de ses vœux – je salue à cet égard l’évolution de certains, notre chapelle accueillant tout à fait les repentants. (Sourires.)

S’agissant tout d’abord des mesures du projet de loi de finances rectificative, rappelons que nous avions dénoncé l’insincérité du projet de budget pour 2009 lors de son examen, l’automne dernier. Nous le savions tous, ce projet de budget était déjà caduc. Malheureusement, messieurs les ministres, votre plan de relance, lui aussi, est déjà caduc. Il n’est pas à la hauteur des besoins.

Vous le savez bien, compte tenu de son montant, ce plan de soutien à l’activité en appellera forcément d’autres. Le cas du secteur automobile a été évoqué, mais nous pourrions aborder également ceux de l’agriculture ou des industries agro-alimentaires. Par comparaison avec nos partenaires européens ou américains, nous sommes bien loin du compte.

Cela dit, c’est surtout l’orientation générale que vous avez voulu donner à votre plan qui ne nous convient pas et que de nombreux économistes, préconisant actuellement un soutien de la demande, de la consommation et du pouvoir d’achat, critiquent. Le chèque de 200 euros pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA, est ainsi bien trop faible comparé aux milliards injectés pour soutenir les organismes bancaires.

Nous pensons qu’il faudrait au contraire, en cette période, mener une véritable politique contra-cyclique de soutien au pouvoir d’achat et à la consommation.

Or quelles sont, dans les textes que vous présentez aujourd’hui, les mesures en faveur des salaires, des petites retraites, des chômeurs ? Comment espérer faire redémarrer la machine économique en n’utilisant que le levier de la politique de l’offre ?

Dans un tel contexte, vous savez bien que la politique économique doit marcher sur deux pieds : le soutien aux entreprises, mais aussi le soutien à la consommation. À quoi servirait donc une offre en l’absence de toute demande ?

Si, comme nous le pensons, cette crise est systémique, elle impose de revoir l’ensemble des mécanismes de régulation et de gouvernance des organismes qui ont largement failli au cours des dernières années. Comment assurer effectivement la mise en œuvre et le contrôle du soutien de l’État aux banques sans participer à leurs instances de direction ?

Au lendemain de l’intronisation du président Obama, je vous conseille de relire très attentivement les déclarations du président Jefferson à propos du comportement des banques.

Mme Nicole Bricq. Bonne référence !

M. Daniel Raoul. Je vous assure qu’il est entièrement d’actualité. Il n’y a pas un seul mot à y retrancher.

En vous concentrant sur certains secteurs –  l’automobile, le bâtiment –, vous en négligez d’autres qui méritaient également un soutien de la puissance publique. Je pense particulièrement au secteur agricole et aux industries agroalimentaires. Considérez simplement l’augmentation du nombre d’usagers des institutions caritatives. Cela vous donnera une idée de la réalité des simples besoins primaires de nourriture qui ne sont pas satisfaits.

Mme Nicole Bricq. C’est clair !

M. Daniel Raoul. Le soutien aux collectivités locales est un autre sujet de préoccupation. Ce n’est pas le remboursement anticipé du fonds de compensation de la TVA qui y changera grand-chose – il ne procure qu’une facilité de trésorerie –, surtout s’il est inclus dans l’enveloppe fermée de l’aide de l’État aux collectivités, ce qui aurait d’ailleurs pour conséquence de diminuer d’autant les autres dotations.

Soutenir non seulement l’investissement des collectivités locales mais aussi leur fonctionnement aurait été nécessaire. De nombreuses collectivités ont elles-mêmes choisi, en cette période économique difficile, de soutenir le pouvoir d’achat des familles, soit en bloquant les tarifs des services municipaux en euros constants, soit par leur politique fiscale. Permettez-moi de citer l’exemple de ma ville d’Angers : nous y avons bloqué les tarifs municipaux. Cela représente un manque à gagner de 200 000 euros, mais je crois qu’il faut agir ainsi pour que les plus démunis de nos concitoyens accèdent aux services municipaux.

Et pourquoi, monsieur le ministre, ne pas baisser le taux de la TVA sur les produits de première nécessité et, plus particulièrement, tous les produits alimentaires ?

Vous avez choisi de rattacher au projet de loi de finances rectificative le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés. Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a loin de l’intitulé de ce projet de loi à son contenu. Il nous renvoie à la fable du corbeau et du renard ou, autrement dit, à la différence entre le ramage et le plumage.

Voilà quelques années les textes de ce type étaient encore appelés « diverses dispositions d’ordre économique et financier ». Malgré les titres ronflants qu’on leur donne aujourd’hui, la réalité demeure la même. Ce projet de loi est donc un ensemble de mesures fort disparates, comme l’a souligné M. le rapporteur. Il concerne différents secteurs n’entretenant guère de rapports entre eux et comporte des dispositions qui sont de purs « cavaliers », parmi lesquels figure même un amendement du Gouvernement.

Les mesures que vous proposez dans ce texte, je le reconnais, ont tout de même une cohérence : elles s’inscrivent presque exclusivement dans votre volonté constante, malgré la crise, de « libérer les contraintes » et de favoriser certains grands groupes.

On se souvient des ritournelles que nous avons entendues au printemps 2007. Il s’agissait de « travailler plus pour gagner plus » : on assiste aujourd’hui au retour du chômage et à la panne du pouvoir d’achat. Il était question de « créer une France de propriétaires » : on constate aujourd’hui que de nombreux programmes immobiliers défiscalisés ne trouvent pas preneur, si bien que l’on tente de débloquer certaines situations en recourant aux ventes en état futur d’achèvement, les VEFA. Vous vouliez « aller chercher la croissance avec les dents » : la France doit souffrir d’une pénurie de dentistes, car, malheureusement, elle a peu de chances d’échapper à la déflation puisque la récession est déjà installée ! (Sourires.)

Certes, les responsabilités de la crise sont à chercher à plusieurs niveaux. S’il est inexact et injuste d’affirmer que la politique que vous menez depuis plusieurs mois en a créé à elle seule les conditions, il est tout aussi inexact de prétendre qu’elle a permis d’en atténuer les effets.

Surtout, cette loi à laquelle vous tenez tant, la fameuse loi TEPA, a limité les capacités budgétaires dont l’État aurait eu besoin au moment du retournement de conjoncture. Elle met en œuvre des mesures qui sont antiproductives, en particulier en matière de lutte contre le chômage puisqu’elles favorisent les heures supplémentaires.

Ce qui nous est proposé, malheureusement, c’est de continuer d’appliquer une politique économique décidée avant la crise, une politique dogmatique et inspirée d’une pensée libérale aujourd’hui mise à l’amende par tout le monde, une politique à contretemps et, surtout, inadaptée pour venir en aide à nos concitoyens confrontés au chômage technique, aux plans sociaux et aux difficultés de pouvoir d’achat.

Aussi, messieurs les ministres, vous ne serez pas surpris, pour les deux projets de loi qui nous sont aujourd’hui soumis, d’avoir beaucoup de difficulté à recueillir notre adhésion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord adresser mes remerciements aux présidents des commissions et aux commissaires pour la diligence avec laquelle ils se sont saisis de ces textes, et exprimer aux rapporteurs ma gratitude pour la qualité de leur analyse, de leur travail, de nos discussions. Les débats ont bien mis en lumière la philosophie du plan de relance.

Sans entrer dans le détail des mesures, puisque nous reviendrons sur chacune d’elles au cours de l’examen des articles, je répondrai aux arguments d’ordre général qu’ont avancés les divers intervenants.

Je me tournerai d’abord vers l’opposition, que je veux remercier de la courtoisie avec laquelle elle a exprimé ses critiques. Son rôle est assurément de s’opposer, mais elle l’a fait sur un ton et avec une courtoisie fort agréables.

M. Thierry Repentin. C’est normal, nous sommes républicains !

M. Patrick Devedjian, ministre. Selon l’argument le plus souvent repris, en particulier par Mme Bricq, M. Rebsamen, M. Botrel et, à l’instant, M. Raoul, la loi TEPA, la « fameuse loi TEPA » nous aurait en fin de compte handicapés. La plupart d’entre vous ont cependant été assez honnêtes pour reconnaître que le Gouvernement n’était pas responsable de la crise,…

Mme Nicole Bricq. Pas tout seul !

M. Patrick Devedjian, ministre. … tout en considérant que, du fait de la loi TEPA, nous étions moins bien placés pour y faire face.

Mme Nicole Bricq. Pas seulement !

M. Patrick Devedjian, ministre. Vous estimez, madame Bricq, que nous l’avons aggravée ?

Mme Nicole Bricq. Des dégâts avaient été constatés avant !

M. Patrick Devedjian, ministre. J’essaierai de répondre aussi sur ce point, madame.

J’observe d’abord que, parmi les mesures de la loi TEPA, les orateurs se sont focalisés sur le bouclier fiscal. Or celui-ci porte, en année pleine, sur 400 millions d’euros, à rapporter aux 13 milliards d’euros qui sont aujourd’hui en jeu. Ce n’est évidemment pas le même niveau !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ne cessons de le dire, mais ils ne nous écoutent pas ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Devedjian, ministre. Nous le répétons donc !

Je note ensuite que vous protestez contre les mesures concernant les heures supplémentaires. Or elles ont au moins eu le mérite de distribuer du pouvoir d’achat à des salariés ! Dans la logique de vos réclamations récurrentes, cela devrait être pour vous un motif de satisfaction ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Bricq. Elles n’ont pas créé d’emplois !

M. Michel Sergent. Combien d’intérimaires ?

M. Patrick Devedjian, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous ai écoutés avec beaucoup de patience, beaucoup d’intérêt,…

Plusieurs sénateurs socialistes. C’est vrai !

M. Patrick Devedjian, ministre. … et je vous écouterai certainement encore me répliquer tout à l’heure, comme il est normal que vous le fassiez. Pour l’heure, soyez gentils de me laisser répondre à ce que j’ai cru comprendre de vos propos !

Vous vous êtes également élevés contre le coût de la déduction des intérêts dans l’immobilier. On sait pourtant que la crise tire son origine de la crise de l’immobilier américain !

M. Pierre-Yves Collombat. Comment cela a-t-il pu s’étendre pareillement ?

M. Patrick Devedjian, ministre. C’est évidemment l’excès de crédits dispensés sans contrôle, sans régulation, sans ratio entre capitaux propres et capitaux prêtés, qui a entraîné le renversement du marché immobilier américain et a conduit à la catastrophe que l’on sait.

Or, grâce à la vision, que l’on peut qualifier d’avant-garde, du Président de la République, notre pays a anticipé les difficultés en soutenant son secteur immobilier par les mesures que vous dénoncez. Elles ont été réellement bienvenues et ont permis, autant que faire se pouvait, d’amortir la crise.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Fort juste !

M. Patrick Devedjian, ministre. De la même façon, les mesures autorisant les donations anticipées aux enfants ou aux petits-enfants ont favorisé la consommation. Cela aussi devrait vous satisfaire !

En fin de compte, si vous rendez cette loi TEPA responsable de tous les drames, c’est, je crois, que vous n’en avez pas compris l’essence. Au contraire, si nous avons obtenu en 2007 et en 2008 de bien meilleurs résultats que ceux qu’avaient prédits tous les prévisionnistes, tous les conjoncturistes, c’est bien grâce à elle.

Enfin, vous avez développé la théorie keynésienne. J’apprécie, d’ailleurs, que la gauche se réfère à Lord John Maynard Keynes, c’est vraiment très chic ! Il faut néanmoins le lire jusqu’au bout ! Christine Lagarde a cité tout à l’heure une phrase de cet auteur, que vous semblez n’avoir pas entendue alors qu’elle mérite toute votre réflexion. Je la rappellerai donc : « La seule alternative théorique serait une vaste augmentation de la consommation des ménages » – vous voilà exaucés ! – « aux dépens de leur épargne, extravagance collective qui, au moment où chacun est nerveux et hésitant, a peu de chance de se produire. » Voilà l’opinion de Keynes sur la relance par la consommation ! Quand on le cite, il faut le faire à juste propos !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Les socialistes sont extravagants, nous le savons !

M. Patrick Devedjian, ministre. Le parti socialiste vient de rendre public son contre-plan.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !

M. Patrick Devedjian, ministre. M. Rebsamen a estimé, avec raison, que ce document ne présente « aucune grande idée novatrice » et que l’« on peut s’interroger sur l’opportunité d’élaborer » un tel « contre-plan ».

M. François Rebsamen. Il faut citer tout mon propos !

M. Patrick Devedjian, ministre. Je ne voudrais en aucun cas dénaturer votre pensée ! Je constate seulement que votre conclusion me convient : « Seul un pacte d’union et de confiance pour la relance entre l’État et les collectivités locales serait à la hauteur de l’enjeu. » Je suis d’accord avec vous !

C’est bien ce à quoi nous voulons nous efforcer, à travers, bien sûr, la discussion sur le FCTVA – nous aurons l’occasion d’y revenir assez longuement tout à l’heure –, mais aussi à travers le débat sur les projets.

Sur ce dernier point, je veux répondre, en même temps qu’à l’appel de M. Rebsamen, à l’interrogation tout à fait judicieuse de Mme Goulet sur les critères selon lesquels les projets seront retenus.

Premier critère : le projet envisagé devra évidemment, au-delà de son effet conjoncturel, présenter un caractère d’utilité durable et pérenne.

Deuxième critère : au moins 75 % de la dépense devra impérativement pouvoir être engagée en 2009, dès cette année.

Troisième critère, non négligeable : le projet devra avoir un effet multiplicateur. C’est la raison pour laquelle nous recherchons les partenariats, les tours de table générateurs de projets.

Quatrième critère, qui va presque de soi : le projet devra créer des emplois. Le plan de relance vise un effet anticrise ; là où la crise engendre du chômage, il a vocation, à travers l’engagement de ses financements, à être générateur d’emploi.

Cinquième critère : l’équité territoriale. L’inventaire que nous font remonter les élus – tous les élus, de tous les territoires – ne recense déjà pas moins de mille projets. Et ce n’est pas une galéjade : cela ne représente jamais que dix projets pour chacun des cent départements !

Enfin, parce que la relance a aussi une dimension psychologique, nous voulons créer une dynamique, encourager nos entrepreneurs à ne pas subir la crise, à être actifs. L’effort que consent le pays en développant ces projets doit donc être visible.

Nous voulons associer de très près les élus – ils ne seront pas seuls ! – au choix, mais aussi au suivi et au contrôle des projets retenus. Au demeurant, nous posons une règle de « dégagement d’office ». En d’autres termes, les projets qu’il est prévu de lancer en 2009 et auxquels, pour des raisons même indépendantes de leurs auteurs, il ne pourra être donné suite seront, après écoulement d’un délai raisonnable, dégagés d’office et les crédits qui leur avaient été affectés reportés sur les projets suivants.

Vous constatez donc, monsieur Rebsamen, que nous sommes tout à fait d’accord pour sceller ce pacte d’union et de confiance. Le Premier ministre a d’ailleurs réuni le Conseil national des exécutifs ; comme nous avons perdu beaucoup d’élections locales, ses membres étaient plutôt de vos amis ! (Sourires.) Cela a été pour nous l’occasion de prendre des obligations et de souscrire des accords.

Tous les projets du plan de relance, plus d’un millier, je l’ai dit, seront bien conduits en coopération avec les élus locaux et sous leur contrôle. Vous devriez donc être satisfaits sur ce point.

Il me reste bien évidemment à remercier les orateurs de la majorité. Ils nous ont tous apporté leur soutien, parfois en l’accompagnant de nuances, de critiques, d’observations, de suggestions, parfois aussi en montrant une claire volonté.

À l’instant, Charles Revet nous a fait partager son idée, que dis-je, sa passion pour l’avenir des ports maritimes. Je peux d’ailleurs l’assurer qu’il dispose au sein de mon cabinet d’un relais certain pour les intérêts de la Haute-Normandie…

Pour être retenus, monsieur le sénateur, les projets doivent obéir aux critères que j’ai énumérés. Or, si l’utilité de celui que vous nous avez présenté est évidente, son engagement en 2009 n’est pas garanti. Encore une fois, le premier objet du plan de relance est de contrer la crise !

La question de M. Serge Dassault s’adressait plus directement à Éric Woerth, qui aura l’occasion d’y revenir pendant la discussion des articles. Je peux d’ores et déjà vous indiquer, monsieur le sénateur, que la charge de la dette sera de 43 milliards d’euros en 2009 et de 44,7 milliards d’euros en 2010.

Par ailleurs, j’ai bien entendu la proposition de Jean-Pierre Fourcade sur les bons du Trésor à cinq ans. Cette solution est peut-être aujourd’hui plus coûteuse que le marché, cela peut ne pas durer, c’est une suggestion que nous devons garder à l’esprit, j’en conviens volontiers.

L’enthousiasme de Marie-Hélène des Esgaulx pour les partenariats public-privé est partagé par le Gouvernement, parce que, dans la recherche de l’effet multiplicateur, le partenariat avec les entreprises privées est tout à fait indispensable et, par conséquent, toutes les mesures qui iront dans ce sens seront bienvenues.

Monsieur de Montgolfier, nous aurons ultérieurement un débat sur la TVA.

Monsieur Jégou, je vous remercie de votre soutien et je considère comme vous que la priorité sera de rétablir les comptes. Elle l’est déjà car, Eric Woerth le répète souvent, l’objectif du plan de relance, dont l’investissement est l’une des priorités, ne se réduit pas à celui-ci. Parallèlement, le Gouvernement doit poursuivre sa politique de rigueur à l’égard des dépenses ordinaires et essayer de réduire le train de vie de l’État pour préparer ce nécessaire rétablissement des comptes qui préoccupe tout le monde.

C’est la leçon de la crise de 1929, qui n’a pas été gérée convenablement par les gouvernements. En effet, l’erreur économique, que Keynes a d’ailleurs parfaitement analysée, a été de réduire la dépense, ce qui a aggravé la crise. Aujourd’hui, on sait traiter ce type de problème et il faut bien avoir cet exemple à l’esprit quand on élabore un plan de relance.

Monsieur Raoul, nous avons eu raison, me semble-t-il, de ne pas abaisser le taux de la TVA. La Grande-Bretagne a procédé à cette mesure et la consommation continue de s’effondrer, alors qu’elle était déjà tombée bien bas. L’abaissement du taux de la TVA n’a donc absolument eu aucun effet.

Par ailleurs, la situation de la Grande-Bretagne est très différente de celle de la France car ce pays a depuis longtemps fait le choix des services plutôt que de l’industrie. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous avons choisi l’investissement : nous voulons préserver l’outil de travail de la France que constitue son industrie, qui doit demeurer pérenne et qui est productrice de croissance dans la durée. La France n’est donc pas dans la situation de la Grande-Bretagne, qui est essentiellement un pays de services.

Je remercie M. Collin de son soutien « responsable ». J’ai bien entendu les quelques critiques qu’il était libre de formuler, mais l’essentiel de son message consistait à dire que, quelle que fût l’appréciation que l’on pouvait porter sur le plan de relance, il était nécessaire d’en avoir un, que lui-même ne pratiquait pas la politique du pire, qu’il prenait ce qui venait, même s’il avait certaines observations à formuler. Je les ai entendues, monsieur le sénateur, j’estime qu’elles sont parfaitement légitimes et je salue votre sens des responsabilités.

Nous allons maintenant aborder l’examen des articles et des amendements. Ce sera l’occasion pour chacun, non seulement de s’exprimer, mais aussi d’enrichir le texte. Le Gouvernement est très ouvert au débat, je sais que de nombreux points ont déjà été examinés en commission, la discussion va se poursuivre et je m’en réjouis. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)