compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

Mme Anne-Marie Payet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels avant l’article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Articles additionnels avant l'article 1er

Loi de finances rectificative pour 2009

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 154 et 162).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 40, tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Article 1er (début)

Articles additionnels avant l'article 1er (suite)

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, article qui avait pour objet d’exonérer les heures supplémentaires de cotisations sociales. Je vais m’en expliquer.

D’abord, au vu de la mise en œuvre de cette mesure depuis la fin 2007, il apparaît, même sans avoir forcément le recul économique nécessaire, que les entreprises ont, bien avant la crise que nous vivons, privilégié le maintien des heures supplémentaires et supprimé en priorité les contrats à durée déterminée et les contrats intérimaires. Comme ces contrats précaires ont beaucoup augmenté au cours des quinze dernières années, ils ont finalement servi de marge d’ajustement aux entreprises. C’est mon premier argument.

Ensuite, j’ai trouvé mon deuxième argument en lisant hier un journal économique très sérieux qui faisait le point sur les heures supplémentaires. Après avoir supprimé les contrats à durée déterminée, les emplois temporaires et intérimaires, on attaque aussi les heures supplémentaires, légèrement en baisse selon les dernières statistiques.

Un chef d’entreprise d’Île-de-France confirme ce que nous avons dit toutes les fois que cette mesure a été évoquée dans cette enceinte : il avoue qu’il est parfois plus intéressant de recourir à des heures supplémentaires que de recruter, même des intérimaires.

Cet exemple montre que la mesure en question va à l’encontre de la création d’emplois, ce que confirment les statistiques du chômage. Quand il atteint un tel niveau, franchement, cela devient absurde ! Pour moi, c’est une machine infernale qui provoque un large effet d’aubaine et dissuade d’embaucher.

En pleine période de montée du chômage, cela coûte quand même au budget de l’État – vous me rectifierez si vous avez des éléments plus précis, monsieur le ministre – 3 milliards d’euros. Peut-être cette somme serait-elle plus utile pour donner de la consistance au plan dont nous débattons, ne serait-ce que pour financer le revenu de solidarité active, le RSA, dont le bouclage et le financement sont encore problématiques et pour lequel il faudra bien trouver une solution compte tenu de la montée du chômage !

Je pense que cette mesure, qui tue l’emploi, est une erreur grave. À un moment ou à un autre, peut-être ne voulez-vous pas le faire maintenant, il faudra la supprimer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission est évidemment d’un avis totalement opposé à celui qui vient d’être exprimé.

Notre collègue Nicole Bricq argumente à partir d’un article de presse et de statistiques qui comportent des éléments saisonniers. Elle en tire des conséquences d’ordre général qui ne sont pas de mise.

En outre, avec la réduction des carnets de commandes, il serait bien surprenant qu’un grand nombre d’entreprises ne contractent pas tous les éléments variables qui entrent dans la définition de leur activité, heures supplémentaires, comme recours à l’intérim. Je serais fort étonné que, dans ce contexte, les entreprises, dont les perspectives peuvent évoluer à la baisse dans certaines branches, ne recherchent pas tous les éléments de flexibilité et d’ajustement des charges aux besoins qui résultent notamment de la visibilité des marchés.

Ce n’est certainement pas aujourd’hui que l’on est en mesure de faire une analyse aussi définitive et catégorique que celle de notre collègue Nicole Bricq. Cela me laisse à penser qu’elle est quand même quelque peu partisane ! Or la commission des finances ne voudrait pas inciter à des démarches partisanes lorsqu’il s’agit de la relance, qui doit être l’affaire de tous !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Le dispositif contenu dans l’article 1er conserve toute son importance, même pendant la crise. Il ne faut pas le supprimer, bien au contraire !

On voit d’ailleurs que le nombre d’heures supplémentaires augmente très régulièrement. C’est la première fois qu’on crée un dispositif de défiscalisation et de suppression des cotisations sociales sur les salaires de cette ampleur.

Il est assez curieux de revenir sur un avantage dont bénéficient les salariés. Bien évidemment, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le rapporteur général, la question n’est pas de savoir si nous sommes ou non partisans. Ce qui est en cause, c’est une différence d’analyse. Vous pensez que la dynamique économique et la reprise vont dépendre d’un marché du travail fluide et d’une baisse maximale du coût du travail, alors que, selon nous, la reprise dépendra de l’investissement, que ce plan est précisément censé favoriser.

Laisser accroire que, globalement, moins on paie les salariés et moins on distribue de revenus du travail, plus on dynamise l’économie nous paraît être le contraire de ce qu’il faut faire !

Ce n’est pas nouveau. Cette politique, vous l’avez menée depuis des années et vous n’avez d’ailleurs pas été les seuls. Je vous en donne acte, me contentant de rappeler que telle n’est pas notre façon de voir les choses.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Puisque nous sommes appelés à dialoguer tout au long de cette séance, je voudrais dire à notre collègue Pierre-Yves Collombat que, s’il est, bien entendu, pleinement libre dans l’expression de sa pensée, il ne lui revient pas d’exprimer celle des autres !

Vous caricaturez les positions de la majorité. Pour exprimer les arguments de la majorité, encore faudrait-il être à notre place ! Moi, je ne me mets pas à la vôtre ! Et, vous sachant de par votre formation attaché au concept de la dialectique, ce qui enrichit nos débats, je me permets de vous dire, mon cher collègue : « Attention ! Ne vous appropriez pas les positions des autres et ne faites pas les demandes et les réponses ! »

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est attribué en 2009 aux foyers qui ont droit à la prime pour l'emploi prévue par l'article 200 sexies du code général des impôts à raison de leurs revenus de l'année 2008, un complément de 50 % égal au montant de cette prime.

II. - Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Dans un souci de concision, je présenterai les argumentaires pour les trois amendements nos 42, 43 et 44, qui participent d’une même logique. Ils concernent la prime pour l’emploi et l’utilisation qu’on peut en faire dans un plan de relance digne de ce nom.

Du reste, je ne comprends pas pourquoi M. le rapporteur général nous accuse de si bon matin d’avoir une démarche partisane !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut bien se mettre en jambes ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Ces sujets, qu’il s’agisse des heures supplémentaires ou de la prime à l’emploi, vous ne les découvrez pas à la lecture du contre-plan présenté hier par le parti socialiste ! Vous les connaissez, ne serait-ce que parce que nous en avons longuement débattu depuis 2007, lors de la discussion des lois de finances et de textes importants.

Monsieur le rapporteur général, vous avez parlé de concept. Moi, je vais vous parler de chiffres, dénominateurs communs de ces trois amendements.

Monsieur le ministre du budget, vous nous avez répété en boucle hier que, dans cette phase, les stabilisateurs automatiques et les transferts sociaux permettaient d’amortir le choc de la crise, notamment en ce qui concerne le pouvoir d’achat et la consommation.

Sans allonger le débat, je voudrais dire que l’examen des transferts sociaux sur lesquels vous vous appuyez fait apparaître une augmentation moyenne et automatique, chaque année, de 2,4 % en volume ; et vous suivez ce rythme, y compris en cette année exceptionnelle qu’est 2009, en période de crise. Donc, vous ne faites pas plus que ce qui est habituel !

Si l’on se réfère à la crise de 1993, qui était, de mon point de vue, beaucoup plus grave, on constate qu’il avait été décidé d’augmenter de 4 % en volume les transferts sociaux, pour faire en sorte que le choc soit moins dur. Aujourd'hui, avec 2,4 % en volume, nous en sommes loin ! C'est la raison pour laquelle il faut accélérer la mise en place de dispositifs spécifiques destinés aux plus modestes.

Quand l’État distribue un euro aux 10 % des plus pauvres de la population, 80 centimes d’euro sont immédiatement réinjectés dans le circuit économique. Ces chiffres sont difficilement contestables !

L'amendement n° 42 vise donc à doubler la prime pour l’emploi, mesure que nous avons déjà présentée à plusieurs reprises et dont l’effet massif nous semble encore plus justifié en cette période.

L'amendement n° 43 est un amendement de repli, qui tend à majorer de 50 % les seuils et barèmes de la prime pour l'emploi. Ce dispositif a un coût deux fois moins important que celui qui est prévu à l'amendement n° 42, de l’ordre de 2 milliards d'euros.

L'amendement n° 44 a pour objet de rétablir l’indexation des seuils et barèmes de la prime pour l'emploi. Vous avez supprimé cette mesure dans la loi de finances pour 2009, pour essayer de boucler le financement du revenu de solidarité active, ce à quoi vous n’êtes d’ailleurs pas encore parvenu.

Par cette décision, vous avez amputé la prime pour l'emploi d’environ 400 millions d'euros, puisque vous n’avez pas répercuté l’inflation pour 2008, dont le montant définitif, 2,8 %, a été annoncé hier, ce qui est loin d’être négligeable !

J’ai eu l’occasion de rappeler que l’impôt de solidarité sur la fortune avait été indexé voilà deux ans, ce qui témoigne, là aussi, d’une démarche partisane et idéologique.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 43, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le A du II de l'article 200 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa du 1°, le taux : « 7,7 % » est remplacé par le taux : « 11,5 % » ;

2° Dans le second alinéa du 1°, le taux : « 19,3 % » est remplacé par le taux : « 28,95 % » ;

3° Au c du 3°, le taux : « 5,1 % » est remplacé par le taux : « 7,7 % ».

II. - Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 44, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le IV de l'article 200 sexies du code général des impôts, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV bis. - Les montants prévus aux I, II, III et IV sont actualisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondis à la dizaine d'euros la plus proche. »

II. - Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 42, 43 et 44 ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements, pour trois raisons.

Premièrement, les mesures que ces amendements visent à instaurer ne sont pas conformes au plan de relance, puisqu’elles ne sont pas réversibles et ont un caractère permanent. Or la réversibilité et le caractère temporaire figurent parmi les critères importants qui définissent les actions du plan de relance.

Deuxièmement, les amendements dont il s’agit ont été déjà présentés, mis en discussion, débattus et repoussés lors de l’examen de la loi de finances pour 2009. Je rappelle que nous avons pour principe de ne pas accepter le recyclage d’amendements qui n’auraient pas prospéré au cours des dernières discussions budgétaires.

M. Michel Charasse. Sauf correction d’une erreur matérielle !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien entendu, monsieur le sénateur ! Vous avez raison de souligner que toute règle comporte ses exceptions, sinon ce ne serait pas une règle et nous ne serions pas dans notre beau pays. (Sourires.)

Troisièmement, si le barème de la prime pour l'emploi n’est pas indexé en 2009, c’est parce que la majorité a créé le revenu de solidarité active !

Vous qui ne cessez de manifester votre sollicitude intéressée envers les plus défavorisés, vous devriez porter à notre crédit cette réforme, dont le surcoût s’élève à 1,3 milliard d'euros. La non-indexation de la prime pour l'emploi, qui ne représente que 400 millions d'euros, y contribue. En année pleine sur 2009, le revenu de solidarité active représente 900 millions d'euros de transferts supplémentaires en direction des personnes les plus défavorisées.

Toutes les conditions sont donc réunies pour que nous trouvions un accord susceptible d’assurer la réussite du plan de relance. Pour ce faire, évidemment, il faut d’abord rejeter ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Je partage l’avis de la commission des finances.

Ce débat a déjà eu lieu.

Mme Nicole Bricq. Pas vraiment !

M. Éric Woerth, ministre. Si le Gouvernement n’avait rien fait, je comprendrais qu’on réclamât une réévaluation de la prime pour l’emploi. Or il a modifié le dispositif dans son ensemble, en créant le revenu de solidarité active, que je ne décrirai pas de nouveau. C’est un élément très fort. Or vous agissez comme si cela n’existait pas.

Mme Nicole Bricq. Mais si !

M. Éric Woerth, ministre. C’est incroyable !

Il en est de même pour les prestations sociales. Vous prétendez qu’elles ont toujours augmenté. C’est vrai, mais, en période de crise, elles continuent d’augmenter au moins aussi vite, voire plus vite, car, avec l’inflation, le delta est très important.

Mme Nicole Bricq. Non, pas si vite !

M. Éric Woerth, ministre. Cette augmentation sera de l’ordre de 3 % environ, puisque, sur les 4,5 % prévus, l’inflation représente à peu près 1,5 point.

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Woerth, ministre. En outre, l’inflation sera probablement moindre l’année prochaine.

Le niveau d’augmentation des prestations sociales est très important aujourd'hui. Là encore, vous faites comme si vous étiez face à une page blanche !

Ce n’est pas le cas ; certains dispositifs d’accompagnement du plan de relance sont extraordinairement puissants. Il faut en avoir conscience, sinon il est impossible d’avoir une vision panoramique de l’ensemble de l’action et des initiatives du Gouvernement.

C'est la raison pour laquelle on ne peut dissocier la prime pour l'emploi du revenu de solidarité active !

Mme Nicole Bricq. J’en ai parlé !

M. Éric Woerth, ministre. Je confirme le chiffre avancé par le rapporteur général : en 2009, grâce au revenu de solidarité active, qui sera mis en place au mois de juillet prochain, 900 millions d'euros de transferts supplémentaires seront destinés à des publics considérés comme des travailleurs pauvres. Il s’agit donc bien d’une mesure de justice sociale très importante.

En outre, le plan de relance de 26 milliards d'euros prévoit une anticipation du revenu de solidarité active, puisqu’une prime de 200 euros sera versée aux bénéficiaires de ce dispositif dès le 31 mars. Ce versement anticipé était techniquement très difficile, mais il nous a paru nécessaire au regard de la situation économique.

Il est impossible aujourd'hui d’analyser la prime pour l'emploi sans l’intégrer au dispositif exceptionnel et très novateur qu’est le revenu de solidarité active. Ne le considérez pas pour rien. On a l’impression que cela n’existe pas, que les dispositifs votés sont invisibles, qu’on part toujours de zéro. Il n’en est rien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Michel Charasse. Très bonne argumentation !

Mme Isabelle Debré. Si Michel Charasse le dit... (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Cette explication de vote vaut pour les trois amendements que je viens de présenter.

Monsieur le ministre, vous prétendez que nous ne tenons pas compte du revenu de solidarité active. J’en ai parlé. Le problème, et tout le monde le sait, vos services mieux que quiconque, c’est que vous n’avez pas encore trouvé le moyen de le financer. Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire.

Quand il a été décidé de créer le revenu de solidarité active, votre premier mouvement a été de vouloir le financer par la prime pour l'emploi. Selon vous, les deux dispositifs ne pouvaient coexister, il fallait que la prime pour l'emploi disparût. C’est parce que l’opposition s’est mobilisée, suivie par l’opinion publique, que votre gouvernement y a renoncé et a inventé la taxe sur certains revenus de l’épargne et du capital.

Des stabilisateurs automatiques et des transferts sociaux existent, j’en prends acte, mais ils sont moins forts aujourd'hui qu’ils ne l’étaient au moment de la crise de 1993.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, vous invoquez la réversibilité, mais vous n’ignorez pas que nous débattons d’un projet de loi de finances rectificative. Ce qu’une loi de finances fait, une autre loi de finances peut le défaire ; c’est pour cela que ces lois sont annuelles.

Enfin, nous n’avons pas la même approche de la crise. La majorité fait le pari d’une crise brutale, mais brève, alors que nous estimons que la crise sera profonde et durable. C'est la raison pour laquelle mes propos valent non seulement pour 2009, mais aussi pour  2010 et peut-être pour 2011.

Nous ne sommes d’accord ni sur l’analyse ni sur les remèdes à apporter. Tel est l’objet du débat qui nous occupe.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je rappelle que le revenu de solidarité active est financé. Il est même « surfinancé » en 2009, puisque la taxe qu’il a été nécessaire de créer est recouvrée à partir du 1er janvier, alors que le dispositif entre en vigueur au second semestre et que l’équilibre est prévu sur deux ans.

Une telle situation est suffisamment rare dans notre budget pour être relevée ! Il me semble donc difficile de soutenir que le revenu de solidarité active ne sera pas financé en 2009.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini, Botrel, Raoul, Repentin et Guillaume, Mme Herviaux, MM. Muller, Patriat, Teston, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le troisième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... . Les taux fixés au présent article sont diminués d'un dixième lorsqu'une fraction du bénéfice imposable au moins égale à 60 % est mise en réserve ou incorporée au capital au sens de l'article 109, à l'exclusion des sommes visées au 6° de l'article 112. Ils sont majorés d'un dixième lorsqu'une fraction du bénéfice imposable inférieure à 40 % est ainsi affectée. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du même code.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je devine déjà la réponse du rapporteur général, qui n’est pas favorable au recyclage des mesures refusées lors de l’examen des lois de finances antérieures.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ne me faites pas parler avant que je me sois exprimé !

Mme Nicole Bricq. Tous les calculs établis dans la loi de finances pour 2009 sont révisés de mois en mois et nous examinerons prochainement un amendement du Gouvernement visant à prendre en compte l’état actuel du déficit budgétaire. L’hypothèse économique à partir de laquelle a été élaborée la loi de finances pour 2009 est complètement déconnectée de la réalité : les effets de la crise n’ont pas été anticipés. À l’inverse, tous les amendements que nous présentons sont pertinents au regard de la conjoncture.

Ainsi, l'amendement n° 45 vise à moduler les taux de l'impôt sur les sociétés en fonction de l'affectation du bénéfice réalisé, en prévoyant une minoration d’un dixième des taux, soit 3,33 points pour le taux normal ou 1,5 point pour le principal taux réduit, en cas de réinvestissement des bénéfices à hauteur de 60 %. Il s’agit d’encourager la production plutôt que la distribution de dividendes aux actionnaires ou le rachat d’actions, qui sont souvent à visée spéculative. Parallèlement, ces taux sont majorés d’un dixième lorsque moins de 40 % du bénéfice imposable sont réinvestis. Entre ces deux situations, le barème reste inchangé par rapport à l’existant.

Puisque vous vous dites très attaché à l’investissement et soucieux de sortir la machine économique de l’ornière, vous ne sauriez être défavorable à cette mesure souple, efficace et révisable, qui peut être mise en œuvre dans cette période difficile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mme Bricq a anticipé avec une grande justesse – il faut dire que nous avons déjà eu un dialogue cordial sur ce sujet en commission des finances – les arguments que j’allais lui opposer.

En plus de ceux qu’elle a cités, j’ajouterai que l’économie a besoin d’actionnaires. Il ne faut pas croire que, quand il n’y en a pas, les risques sont plus faibles pour la continuité de l’activité et pour le respect du corps social de l’entreprise.

Je ne citerai pas d’exemples, mais je suis sûr que vous avez en mémoire, tout comme moi, de nombreux cas d’organismes qui n’ont pas d’actionnaires – au sens du capitalisme où on l’entend habituellement –, tels les organismes coopératifs et mutualistes, dans lesquels ont pu être commises de graves erreurs de gestion !

Ne diabolisez donc pas l’actionnaire : vous en avez besoin ! Je dirai même que l’État en a d’autant plus besoin qu’il ne peut pas se substituer à tout.

Par conséquent, il est logique et normal de laisser, au moins dans une très large mesure, les assemblées générales allouer les résultats, quand il y en a, de façon que les actionnaires en prennent – ni plus ni moins – la juste part qui leur revient.

Pour toutes ces raisons, je ne peux m’associer à la philosophie de l’amendement n° 45, non plus qu’à tous ceux qui seraient de même inspiration.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. En réalité, on a déjà essayé de moduler de cette façon l’impôt sur les sociétés.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, y compris sous Jospin !

M. Éric Woerth, ministre. C’est Alain Juppé qui avait mis en œuvre un tel dispositif. C’est le parti socialiste qui l’a ensuite supprimé en l’an 2000 ! Il ressort des débats parlementaires que j’ai relus attentivement deux raisons.

D’une part, la majorité de l’époque considérait qu’il s’agissait d’une véritable usine à gaz. Il est en réalité impossible de suivre l’affectation d’un résultat sur une longue période. On peut le faire pendant une année. Au-delà cela devient très difficile.

D’autre part, les entreprises ne se précipitaient pas – c’est le moins que l’on puisse dire – pour mettre en œuvre ce type de dispositif.

Je pense donc que ce système est à remiser définitivement au rayon des fausses bonnes idées. Mais, bien sûr, il est toujours possible d’en discuter !

Sur le plan technique – on est dans le réel et non dans le virtuel ! –, c’est complexe à réaliser !

Par ailleurs, nous pratiquons déjà d’importantes modulations de l’impôt sur les sociétés. Je pense, par exemple, au crédit d’impôt recherche, pour ne citer que le dispositif le plus récent.

Il s’agit d’une modulation très forte de l’impôt sur les sociétés, qui consiste à rembourser une partie de cet impôt en fonction de la manière dont les entreprises affectent leurs profits. Selon qu’une société décide d’orienter ses charges vers tel ou tel dispositif – en l’occurrence, pour bénéficier du mécanisme en question, la recherche – le montant qu’elle verse au titre de l’impôt sur les sociétés peut se trouver fortement minoré. Il s’agit là d’une mesure plus utile et plus efficace que celle que vous proposez.