M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais simplement remercier tous les intervenants dans ce débat, qui devait s’achever plus tôt.

Ces remerciements s’adressent particulièrement à vous, messieurs les ministres, ainsi qu’à vos collaborateurs.

Je remercie également la présidence de sa grande bienveillance, alors que nous avons un peu trop fait durer la discussion.

Je remercie enfin le personnel du service de la séance et celui des services des comptes rendus.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je joindrai ma voix à celle du président Arthuis pour remercier, en particulier, les ministres de leur écoute et me féliciter du climat de nos discussions, qui ont été très libres.

Il ne s’agit, en quelque sorte, que de la fin du premier épisode, puisque le second commencera un peu plus tard dans la soirée,…

M. Thierry Repentin. Et il continuera demain !

M. Philippe Marini, rapporteur général. … la commission des affaires économiques prenant le relais !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Devedjian, ministre. Au nom du Gouvernement, je souhaite remercier l’ensemble des sénateurs de leur participation à ce débat, et le groupe UMP de son soutien.

Je remercie M. le rapporteur général, qui a été brillant dans ses explications, toujours pédagogiques, ainsi que M. le président de la commission des finances. Je salue l’esprit de compromis qui les a animés tous les deux sur quelques points difficiles.

Je tiens aussi à remercier l’opposition, qui a été déterminée mais courtoise.

M. Éric Doligé. Nous ne sommes pas à l’Assemblée nationale !

M. Patrick Devedjian, ministre. Je tiens enfin à vous féliciter, monsieur le président, pour la maestria avec laquelle vous avez dirigé cette séance.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 94 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 198
Contre 141

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Devedjian, ministre. Je remercie la majorité sénatoriale qui, sur ce vote, comprend le groupe de l’Union centriste, ainsi que le groupe du RDSE presque unanime.

C’est un très beau résultat. Le Gouvernement remercie tous ceux qui ont compris que le plan de relance était une grande exigence nationale.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-trois heures vingt-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures vingt-cinq,

est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
 

5

 
Dossier législatif : projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés
Demande de priorité

Accélération des programmes de construction et d'investissement

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés (nos 157, 167, 163 et 164).

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Demande de priorité

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés
Question préalable

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission des affaires économiques.

M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission des affaires économiques. La commission souhaite l’examen par priorité de l’amendement n° 75 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l’article 5 ter, et, par conséquent, du sous-amendement n° 143.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La priorité est de droit.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par Mme Terrade, MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 127, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés (n° 157, 2008-2009) adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence. »

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la motion.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi, une fois encore, la relance de l’activité économique dans notre pays passerait par des mesures de soutien à l’offre.

Il est tout de même assez surprenant que le Gouvernement ait décidé, pour relancer l’activité et échapper à la récession – ou du moins la ralentir –, de recourir à une intense sollicitation de l’investissement public et privé.

Une première raison qui pourrait nous permettre de motiver cette question préalable tient d’ailleurs à ce constat.

Aucune mesure législative précise n’est prise en faveur du pouvoir d’achat des ménages, en tout cas de manière directe, dans le cadre de ce plan de relance. Tout au plus nous promet-on qu’une prime de 200 euros sera versée au 1er avril –n’y voyons surtout pas malice ! – aux personnes qui se seront engagées dans le parcours du revenu de solidarité active… La revalorisation des retraites attendra aussi le 1er avril, tandis que celle des prestations familiales s’avère insuffisante au regard de l’évolution des charges.

Pourtant, il aurait été simple, sans même voter une loi de finances rectificative ni arrêter le moindre plan de relance, de répondre à l’attente des ménages en matière de pouvoir d’achat, par exemple en décidant, par voie réglementaire, de revaloriser le SMIC au-delà de ce que prévoit le code du travail. De même, exiger des entreprises qu’elles fassent un effort en matière de rémunération de leurs salariés et de négociations annuelles sur les salaires ne nécessitait rien d’autre que l’action déterminée du ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité auprès des partenaires sociaux.

À l’inverse, le mal nommé secrétaire d'État chargé de l'emploi nous indique que, faute d’un accord majoritaire sur la nouvelle convention de l’assurance chômage, qui se traduit par une réduction du niveau des allocations servies aux personnes privées d’emploi, le Gouvernement serait prêt à « prendre toutes ses responsabilités », c’est-à-dire à imposer par la loi la réduction de la couverture des sans-emploi !

Devons-nous rappeler que les sociétés du CAC 40, malgré la chute de leur valorisation boursière, comptent distribuer près de 45 milliards d’euros de dividendes, c’est-à-dire près de la moitié de leurs 99 milliards d’euros de profits annoncés ? Les mêmes entreprises, comme le rappelait opportunément notre collègue Jean Arthuis il y a peu, ont consacré l’an dernier 19 milliards d’euros au rachat de leurs propres actions pour les détruire et accroître la valeur de celles qui restent en circulation ! Si l’on ajoute 45 milliards à 19 milliards, cela fait déjà plus du double du montant prévu pour le plan de relance !

Au-delà de ce rappel et de l’évocation des mesures que l’on aurait pu prendre en faveur du pouvoir d’achat des ménages, que trouvons-nous dans ce texte ? Des dispositifs destinés à soutenir l’offre. Le Président Obama a annoncé une remise d’impôt de 1 000 dollars pour 95 % des ménages américains, mais ce n’est pas la voie qui est suivie dans le plan de relance.

Le plan gouvernemental comprend les mesures suivantes.

En premier lieu, il prévoit un accroissement de 4 milliards d’euros des investissements des grandes entreprises publiques dans les domaines ferroviaire, énergétique et postal.

En deuxième lieu, a été décidée une augmentation de 4 milliards d’euros des investissements directs de l’État dans des domaines dits stratégiques : le développement durable, l’enseignement supérieur et la recherche, les industries de défense.

En troisième lieu, l’État apportera son soutien à l’investissement des collectivités locales, via le remboursement anticipé et définitif du Fonds de compensation de la TVA à celles des collectivités territoriales qui accepteront d’investir davantage. Ce versement est estimé à 2,5 milliards d’euros.

En quatrième lieu, le remboursement par l’État de 11,5 milliards d’euros au titre du crédit d’impôt recherche sera accéléré.

En cinquième lieu, une exonération de cotisations sociales patronales sera accordée en 2009 pour toutes les embauches de salariés au niveau du SMIC par les entreprises de moins de dix salariés.

Enfin, une dotation de 500 millions d’euros supplémentaires a été inscrite dans le collectif budgétaire que nous venons d’examiner, au titre du financement des « politiques actives » de l’emploi.

Il apparaît clairement nécessaire, au vu de l’ensemble des mesures ainsi annoncées, de faire d’autres choix politiques que ceux qui ont été arrêtés par le pouvoir.

La caractéristique de ce plan est de ne pas traiter les causes profondes de la crise. Ne remettant pas en cause les critères de gestion et de financement qui sont à l’origine de la financiarisation de l’économie, il crée les conditions de l’apparition de nouvelles crises semblables dans le futur.

La première urgence est de sécuriser, de protéger les salaires et l’emploi contre des actionnaires qui veulent faire payer tout le prix de la crise au monde du travail, en procédant à des licenciements et en écrasant le pouvoir d’achat. Or ce n’est pas aux salariés de payer pour la crise des marchés financiers !

C’est pourquoi le Gouvernement se doit d’agir sans attendre.

Il doit tout d’abord obtenir la suspension immédiate de tous les projets de suppressions d’emplois.

Il doit, là où des problèmes se posent, provoquer la convocation de tables rondes quadripartites réunissant les directions d’entreprise, l’État, les élus et les syndicats, pour examiner des solutions de remplacement aux suppressions d’emplois ou au recours au chômage technique. Les contre-propositions issues de ces tables rondes devraient être étudiées prioritairement par les banques et les pouvoirs publics en vue de l’utilisation des sommes dégagées au nom de la relance.

Il doit mettre à contribution les profits et les dividendes versés aux actionnaires, dans l’esprit de la proposition de loi récemment déposée par M. Alain Bocquet et visant à affecter prioritairement les sommes distribuables sous forme de dividendes aux actionnaires à la garantie des rémunérations des salariés affectés par une réduction d’activité de leur entreprise.

Il doit, avant toute autre mesure, obtenir une diminution des taux d’intérêt pratiqués par les banques.

Il doit promouvoir le recours à des prêts à taux nul pour les PME en cas de difficultés de trésorerie, sous condition de renoncement aux suppressions d’emplois.

Enfin, pour lutter contre les politiques de délocalisation, il doit mettre en place des mesures de taxation dissuasive et de conditionnement des aides.

La deuxième urgence est l’élaboration d’un plan de relance massive des salaires et du pouvoir d’achat populaire, qui constituerait un soutien efficace de la demande. Un tel plan pourrait notamment comporter trois mesures d’application immédiate : le relèvement du SMIC, des traitements de la fonction publique, du minimum vieillesse et des minima sociaux ; la convocation, au cours du premier trimestre de 2009, d’une conférence nationale sur les salaires et le pouvoir d’achat, qui donnerait le signal de négociations généralisées sur la revalorisation des salaires et des qualifications ; une baisse significative de la TVA sur les produits de première nécessité et sur les transports.

La troisième urgence est une relance massive des investissements publics, des dépenses publiques et sociales. Elle permettrait tout à la fois de répondre à des besoins criants et de créer les conditions d’une relance intérieure saine. Cela passe d’abord par l’annulation des programmes de suppressions d’emplois publics, notamment dans les secteurs de la santé ou de l’éducation, qui devraient, au contraire, être prioritaires en temps de crise, ainsi que par l’annonce par la France d’une rupture définitive avec les critères du pacte de stabilité et de croissance et d’une demande de négociation d’un pacte européen pour l’emploi et la croissance.

La relance que j’évoquais pourrait également s’appuyer sur le lancement d’un plan national d’investissement dans la santé. La situation hospitalière montre que c’est là une urgence absolue : pour employer une formule lapidaire, je dirai qu’il y a urgence pour les urgences !

Par ailleurs, un plan pluriannuel de construction de logements sociaux, au rythme de 180 000 par an pendant cinq ans, pourrait être mis en œuvre afin de résorber le déficit accumulé par rapport aux besoins.

Il faudrait également moderniser le transport ferroviaire, en particulier en lançant un plan ambitieux pour le développement du fret, indispensable sur le plan économique comme sur le plan écologique, ou en mettant à niveau le transport de voyageurs, notamment en banlieue parisienne. Vous le savez bien, monsieur le ministre, sur certaines lignes du réseau SNCF francilien, un train par heure, en moyenne, enregistre un retard important ! Les salariés-contribuables-voyageurs attendent autre chose que du mépris !

Enfin, la relance d’une grande politique publique de la recherche, au rebours du démantèlement actuel, est nécessaire.

Cette mobilisation publique suppose l’adoption de premières mesures fortes de réorientation de la fiscalité.

Il faudrait notamment annuler le « paquet fiscal » inscrit dans la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. On ne peut d’ailleurs que souligner que cette collection de cadeaux fiscaux divers n’a pas eu d’incidence sur la croissance de l’activité. Au contraire, l’application de cette même loi explique sans doute dans une large mesure la recrudescence du chômage constatée en 2008, les taux élevés des crédits immobiliers et le maintien à un haut niveau des prix des logements !

Il faudrait en outre moduler sans attendre l’impôt sur les sociétés, pour pénaliser les entreprises qui continueraient à donner la priorité aux rendements financiers plutôt qu’à la préservation et à la création d’emplois.

Il faudrait enfin baisser la TVA sur les produits de première nécessité.

La quatrième urgence est l’élaboration d’un plan d’aide exceptionnelle aux collectivités locales, dont l’activité est un élément essentiel du dynamisme de l’économie nationale et dont l’asphyxie serait une catastrophe.

Ce plan pourrait notamment comporter le remboursement immédiat de la TVA sur les investissements, la compensation des transferts de charges et une réforme de la taxe professionnelle, plutôt que sa suppression, afin de doter les collectivités de ressources nouvelles.

La cinquième urgence est une relance forte de l’activité industrielle et de services.

Nous proposons, en particulier, une mobilisation nationale en faveur de la filière automobile, le développement, parallèlement à l’effort de création de logements sociaux, de toute la filière de la construction et du bâtiment, ainsi qu’un plan de soutien aux PME, leur ouvrant notamment la possibilité de bénéficier de prêts à taux zéro en cas de difficultés de trésorerie, à condition qu’elles renoncent aux suppressions d’emplois.

La sixième urgence est la mobilisation, la réorientation et le contrôle du crédit bancaire.

Des pouvoirs d’intervention nouveaux pour les salariés, les syndicats, les élus et les populations doivent être exigés à tous les niveaux. Pourquoi ne pas créer, dans les départements ou les bassins d’emplois, des commissions transparentes dont le rôle, bien plus étendu que celui, au demeurant parfaitement louable, du médiateur du crédit, serait de contrôler l’utilisation des milliards d’euros mobilisés au titre du plan de relance ?

Les mesures que je viens d’énoncer pourraient constituer un réel plan de relance de l’activité combinant intervention des populations – lesquelles sont sensibles à la situation parce qu’elles en souffrent et souhaitent prendre part à l’action contre la crise –, mesures volontaristes et pertinentes de l’État et renforcement de l’autorité politique.

Au lieu de cela, le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés vise surtout à accélérer le démantèlement du service public ! Il tend ainsi à encourager la passation de contrats de partenariat public-privé, contrats dont la Cour des comptes a pourtant montré, dans un rapport récent, qu’ils étaient loin de constituer une panacée en matière d’investissement public.

On constate une autre accélération : celle du démantèlement du droit des sociétés en ce qu’il responsabilise les entreprises privées.

Nous sommes particulièrement frappés de constater qu’à l’issue de sa discussion à l’Assemblée nationale, le projet de loi se trouve accru de moult mesures de dépénalisation du droit des sociétés, facilitant la passation de marchés publics selon la procédure de gré à gré, revenant sur les règles d’enquête publique, rendant responsables les archéologues ou les architectes des Bâtiments de France de la baisse de l’activité dans le secteur de la construction et des travaux publics… Comme si, dans notre pays, les origines de la crise étaient exclusivement liées à de prétendues rigidités administratives et juridiques qui décourageraient l’initiative et l’investissement !

Étrange conception de la relance que celle-ci, étrange conception des investissements, particulièrement en un temps où l’on se répand volontiers en professions de foi écologiques…

Que devient le Grenelle de l’environnement ? À quoi rime le nouveau projet de loi, sans doute tissé de bonnes intentions, portant engagement national pour l’environnement quand on laisse à ce point les mains libres aux bétonneurs et aux affairistes, sous prétexte d’un allégement des contraintes de procédure ?

Je ne peux donc que vous inviter, chers collègues, à adopter cette motion tendant à opposer la question préalable à un projet de loi qui ne correspond aucunement aux attentes du moment. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission des affaires économiques. La commission émet bien sûr un avis défavorable sur cette motion.

En effet, nombre des dispositions du présent texte sont essentielles en vue d’aider l’économie française à surmonter la crise et à se relancer en 2009 et en 2010.

Si l’on peut discuter du détail des mesures contenues dans ce projet de loi, ce que nous allons d’ailleurs faire longuement, je pense, en respectant les règles du débat démocratique, on ne peut certainement pas contester leur bien-fondé.

Étant donné la situation dans laquelle se trouve notre pays, il est urgent d’agir. À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de la rapidité et de la pertinence de la réaction du Gouvernement, laquelle est conforme aux perspectives tracées par le Président de la République. (M. Laurent Béteille, rapporteur pour avis, applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre. En écoutant attentivement Mme Terrade, j’ai eu le sentiment que ses observations portaient beaucoup plus sur le collectif budgétaire qui vient d’être voté par le Sénat que sur le présent projet de loi.

Cela étant, les observations de Mme le rapporteur sont tout à fait pertinentes, et le Gouvernement est lui aussi défavorable à cette motion.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 127, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 95 :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 202
Majorité absolue des suffrages exprimés 102
Pour l’adoption 23
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés
Article additionnel après l'article 5 ter (priorité)

M. le président. Je suis saisi, par M. Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 28, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires économiques le projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissements publics et privés (n° 157, 2008-2009). »

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la motion.

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens à mon tour pour défendre une motion de procédure sur le putatif plan de relance du Gouvernement.

Monsieur le ministre, le 5 décembre dernier, vous avez été nommé par le Président de la République ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance. L’attribution de cette mission, qui se veut stratégique, est une réponse légitime à une crise aiguë, inédite par son ampleur, à la durée inconnue et aux conséquences redoutées.

Plutôt que de vous atteler à la rédaction en urgence d’un projet de loi, vous avez entamé votre mission par d’imprudentes prédictions, assez irréalistes sur le plan économique. Vous avez ainsi déclaré, en décembre, que « le plan de relance de 26 milliards d’euros doit permettre de créer 150 000 emplois en 2009 et avoir 100 milliards d’impact économique en deux ans » via un « effet multiplicateur », c’est-à-dire que lorsque « l’État engage un euro, il veut entraîner trois euros, soit des collectivités locales, des entreprises publiques ou des entreprises privées. […] Si on réussit, ça fait 100 milliards d’impact économique. »

À l’évidence, monsieur le ministre, vous maniez les concepts économiques de façon approximative lorsque vous faites ainsi référence à l’effet multiplicateur keynésien. Dans cette perspective, en situation de sous-emploi, un euro de dépense publique supplémentaire produit des effets en cascade dont l’incidence sur la demande globale est finalement supérieure à ce que permet en principe la dépense initiale.

Vous avez d’ailleurs été immédiatement contredit par vos collègues du Gouvernement, Mme Lagarde et M. Woerth, qui tablent plutôt, pour leur part, sur la création de 100 000 emplois.

Entre la date de votre nomination et le dépôt du présent projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale, quinze jours se sont écoulés. Je vous concède qu’un délai aussi court rend difficile la rédaction d’un texte de qualité, mais cela ne justifie pas que vous nous présentiez un projet de loi dont le contenu même trahit la promesse contenue dans son titre : il n’est nullement question, ici, d’accélérer quoi que ce soit.

Il s’agit non de l’expression d’un scepticisme partisan, quelque peu prévisible, mais d’une question de fond : à quoi sert ce projet de loi ?

À vrai dire, nous sommes un peu perdus. Quiconque a écouté votre discours introductif s’attend à un projet de loi volontariste et riche en propositions. Mais après avoir parcouru le famélique exposé des motifs de ce projet de loi et en avoir étudié les articles, je me frotte les yeux et je me demande si nous parlons bien de la même relance, ou de la même crise… Il est d’usage qu’un parlementaire regrette qu’un texte ne soit pas à la hauteur des enjeux, mais encore faut-il que le projet de loi présenté entretienne quelques liens, fussent-ils ténus, avec l’objectif annoncé d’une relance de la construction.

Or, que nous soumet-on ? Des dispositions examinées antérieurement, lors de la discussion d’un projet de loi relatif au logement, des mesures urbanistiques à la portée assez anecdotique, comme l’a souligné à cette tribune M. Revet voilà quelques jours, un article relatif aux établissements de santé, au lien plus que ténu avec le texte que nous étudions, et des dispositions précédemment censurées par le Conseil constitutionnel, qui refont surface de façon impromptue.

Pour accélérer, monsieur le ministre, il faut propulser, soutenir, encourager. Je crains, au fond, que vous n’ayez retenu du mot « accélération » que son acception la plus littérale. Le catalogue de mesures adoptées ne vise qu’à économiser un jour, une semaine, un mois peut-être. En somme, vous répondez à une crise systémique par des mesures exclusivement techniques qui manquent singulièrement d’imagination !

Jugez-en plutôt, mes chers collègues.

La seule mesure de ce projet de loi censée accélérer la construction de logements consiste en la simplification des règles de mitoyenneté sans recourir à la procédure de l’enquête publique, dont le délai ne peut excéder deux mois. Quel intérêt y a-t-il à raccourcir certains délais lorsque, en fait, c’est la machine économique qui est grippée ? À quoi bon supprimer une procédure d’enquête publique lorsque les mises en chantier sont au point mort ? À titre personnel, je me suis d’ailleurs demandé si cet article n’était pas destiné à résoudre un problème local particulier, rencontré par une commune ou un promoteur immobilier. La portée de la disposition paraît si faible que l’on ne peut que s’interroger !

Cependant, il y a sans doute plus grave : ce projet de loi semble être devenu, au fil de son élaboration puis de son examen à l’Assemblée nationale, un réceptacle de dispositions diverses, sans lien apparent avec son objet. Manifestement, au vu du nombre d’amendements déposés tendant à insérer des articles additionnels, ce processus n’est pas terminé, tant s’en faut, et nous irons de surprise en surprise, y compris ce soir !

Je vous fais grâce d’un inventaire à la Prévert, monsieur le ministre, pour évoquer maintenant ce qu’aurait pu être ce plan de relance, si toutefois vous aviez accepté d’y travailler quelques semaines de plus. Entendons-nous bien : les mesures budgétaires devaient être prises rapidement, mais ce projet de loi pour l’accélération de la construction ne présentait pas le même caractère d’urgence.

Des mesures plus ambitieuses auraient pu être mises en œuvre. Je me permets de vous rappeler que, le 28 mars dernier, lors du comité interministériel pour le développement de l’offre de logements, le Gouvernement a lancé un ambitieux programme de cession de terrains publics pour favoriser la mise en chantier de logements, notamment sociaux. La barre a été fixée à 11 000 logements en 2009 ; elle aurait d’ailleurs pu l’être à 16 000 logements, à la hauteur de l’objectif de 2008, afin de marquer le volontarisme du Gouvernement. Que faites-vous de la promesse du Président de la République de simplifier les conditions de cession des terrains publics aux communes ? Rien. C’est dommage !

Alors que l’immobilier privé est en difficulté, que nous traversons une crise financière asséchant les liquidités des banques et engendrant une restriction de la distribution de prêts pour l’acquisition de logements, il aurait fallu réfléchir à des solutions s’appuyant sur le rôle contra-cyclique des investissements des collectivités territoriales et des organismes de logements sociaux. Ces derniers ont renforcé leur capacité de construire eux-mêmes et d’acquérir des logements. Vous devriez encourager leur activité de construction. Pour cela, certaines mesures mériteraient un examen plus approfondi.

Alors que les organismes d’HLM jouent l’un de leurs rôles traditionnels en prenant la relève d’un secteur privé aujourd’hui à la peine, vous fermez le robinet des financements. En outre, le texte de Mme Boutin prévoit de ponctionner leur trésorerie. Pis encore, la plupart d’entre eux n’ont toujours pas, à ce jour, reçu notification de leurs subventions pour l’année 2009 et attendent donc pour mettre en œuvre des projets qui devraient être lancés dès maintenant !

Pourquoi ne pas avoir envisagé des mesures tendant précisément à mobiliser cette trésorerie au profit de projets qui peinent à sortir de terre ? Pourquoi ne pas avoir consacré une part des 340 millions d’euros supplémentaires du plan de relance à la réhabilitation du parc existant, plutôt que de concentrer les aides uniquement sur la construction neuve ? Vous le savez aussi bien que moi, dans le climat économique actuel, le nombre des constructions neuves ne sera pas à la hauteur des annonces en 2009 !

C’est ainsi que l’on pourra, sans aggraver la dépense publique, mais en la réorientant vers l’efficacité sociale et économique, conjuguer soutien à l’activité dans le secteur immobilier, satisfaction des besoins et défense du pouvoir d’achat. Il s’agit de jouer de la complémentarité des professions pour une plus grande efficacité.

Enfin, et cette dernière remarque n’est pas la moindre, ce plan de relance aurait pu être davantage compatible avec les objectifs du Grenelle de l’environnement. En effet, vous ne réussirez pas à nous faire croire que quatre nouvelles lignes de TGV vont sortir de terre dans les quatre ans ! En revanche, à l’instar du réseau d’associations France nature environnement, nous pensons que des propositions exceptionnelles auraient pu être faites, combinant aide à la consommation de produits locaux et effet multiplicateur : « De manière générale, il faut adapter l’existant : rénover le réseau ferroviaire et relancer le fret, rénover les outils industriels pour fabriquer des produits éco-conçus, rénover le bâtiment existant dans un contexte de chute du nombre des mises en construction. »

Il va de soi que ce texte ne nous semble pas présentable en l’état. C’est un plan de rattrapage, comme vous avez d’ailleurs admis, devant les commissions sénatoriales réunies, rattraper le retard des contrats de projet État-région, les CPER. Nous aurons donc dû attendre la relance pour que le Gouvernement consente à rattraper le retard qu’il a accumulé en matière d’investissement dans les territoires ! Quelle ironie !

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à renvoyer ce texte à la commission, où il sera, j’en suis sûr, amélioré avec toute la diligence nécessaire pour qu’un nouveau débat puisse se tenir dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)