M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales soutient sans réserve la politique de simplification du droit et d’allégement des procédures menée depuis 2002, et la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui en constitue une étape importante.

Je rappelle que la commission s’était déjà saisie, en 2003 et en 2004, des textes de simplification que le Parlement avait alors examinés. En 2007, la commission a également approuvé la recodification du code du travail, à droit constant, qui a permis d’améliorer la lisibilité de ce texte et d’en faciliter l’accès pour ses utilisateurs.

Cependant, beaucoup reste à faire pour simplifier la vie de nos concitoyens - qu’ils soient salariés, chefs d’entreprise ou assurés sociaux - régulièrement confrontés à un droit social complexe et soumis à de fréquentes modifications. Gardons à l’esprit la recommandation de Montaigne, qui soulignait à juste titre dans ses Essais que les lois « les plus désirables, ce sont les plus rares, simples et générales ».

Je remercie la commission des lois, en particulier son rapporteur Bernard Saugey, d’avoir fait confiance aux commissions saisies pour avis pour examiner les dispositions qui entrent directement dans leur champ de compétences.

En l’occurrence, une dizaine d’articles de la proposition de loi touchent au domaine social ; ceux-ci apportent des modifications ponctuelles en matière de droit du travail, de santé ou encore de sécurité sociale. S’y ajoutent plusieurs ordonnances qu’il nous est suggéré de ratifier.

En matière de droit du travail, il est d’abord proposé d’autoriser la remise du bulletin de paie aux salariés sous forme électronique. Cette faculté serait subordonnée à l’accord du salarié concerné et devrait présenter toutes les garanties techniques de nature à assurer la préservation des données.

Il est ensuite prévu de remplacer l’obligation faite aux entreprises de transmettre à l’inspection du travail le rapport annuel sur leur situation économique et financière par une simple obligation de tenir ce rapport à la disposition de l’inspection du travail.

Lors de l’examen du texte en commission, plusieurs de nos collègues se sont demandé si cette mesure ne risquait pas de priver l’administration d’informations précieuses sur la situation économique locale. Peut-être pourrez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous apporter un éclaircissement sur ce point au cours du débat ?

En matière de santé, outre la suppression d’une disposition obsolète, il est d’abord proposé de donner une base légale à un décret relatif à la reconnaissance du titre d’ostéopathe ou de chiropracteur.

Il est également prévu de soumettre à une simple obligation de déclaration préalable les modifications « non substantielles » apportées à un médicament vétérinaire ayant déjà obtenu une autorisation de mise sur le marché.

Enfin, il est proposé de renforcer les prérogatives de la Commission nationale des accidents médicaux.

Deux articles allègent les procédures applicables dans le domaine de la protection sociale, notamment pour les employeurs agricoles, ou clarifient certaines compétences contentieuses.

Une dernière mesure, plus isolée, consiste à rendre insaisissable la majoration de pension dont bénéficient les fonctionnaires frappés d’invalidité afin qu’ils puissent employer une personne à domicile. Cette mesure permettra d’aligner le régime juridique de cette majoration sur celui qui est applicable aux assurés du régime général.

Comme je l’ai indiqué il y a quelques instants, la commission s’est également penchée sur la dizaine d’ordonnances à caractère social dont la ratification est demandée. Elle vous propose de les ratifier, considérant, d’une part, que ces ordonnances ont été prises dans le respect des habilitations données par le législateur, et, d’autre part, qu’elles ont apporté des modifications utiles, notamment en matière d’organisation des établissements hospitaliers, de protection sociale agricole ou encore concernant le régime des mines.

Je signale cependant que les deux ordonnances de 2005 relatives aux établissements hospitaliers vont être largement remaniées par le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », dont l’examen va débuter au Sénat dans quelques semaines. Leur ratification n’est cependant pas totalement dénuée d’intérêt puisque certaines de leurs dispositions vont subsister.

En conclusion, soucieuse d’améliorer la qualité de notre législation, la commission des affaires sociales vous invite, mes chers collègues, à approuver les articles de la proposition de loi dont elle s’est saisie pour avis, sous réserve des amendements qu’elle vous présentera. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels, rapporteur pour avis.

M. Bernard Angels, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, rien n’est moins simple qu’un texte de simplification. En effet, cette dernière s’avère complexe à mettre en œuvre. La technicité des dispositions à adapter et l’hétérogénéité des sujets à traiter en sont la preuve.

Pour autant, l’adoption d’un tel texte est nécessaire. La complexité du droit a été maintes fois dénoncée par le Conseil d’État comme par nos concitoyens. Elle porte atteinte aux droits des administrés ainsi qu’à l’efficience de l’action administrative.

La commission des finances s’est donc saisie de six articles.

Il s’agit, d’abord, d’articles tendant à clarifier le droit par un allègement des procédures fiscales et douanières.

Une autre disposition consiste en une demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de tirer les conséquences de la création de la nouvelle direction générale des finances publiques.

Enfin, la proposition de loi prévoit de ratifier plusieurs ordonnances, notamment dans les domaines de la fiscalité et du budget des collectivités territoriales.

La première série de mesures de simplification concerne le code des douanes. La proposition de loi prévoit deux mesures d’allègement des procédures douanières.

La première, qui est relative à la profession de commissionnaire en douane, vise à supprimer l’agrément pour les personnes physiques habilitées à représenter le commissionnaire en douane quand celui-ci est une société. Le régime actuel de double agrément, délivré à la société et à la personne physique qui la représente, est en effet inutile. Les garanties apportées par la société lors de l’obtention de son propre agrément sont suffisantes.

La seconde mesure d’allégement prévoit une modification de la composition de la commission de conciliation et d’expertise douanière. Cette commission joue un rôle précontentieux essentiel : elle rend un avis lorsqu’une contestation apparaît entre le déclarant en douane et l’administration. Il est ainsi prévu de nommer un second magistrat du siège qui pourra suppléer le président de la commission. Une telle disposition devrait permettre un raccourcissement des délais d’examen.

Outre ces mesures qui peuvent être adoptées sans modification, je vous proposerai d’insérer trois articles additionnels ayant pour objet d’améliorer la lisibilité du code des douanes. En effet, l’Union douanière a supprimé les barrières qui entravaient la circulation des marchandises. Cependant, la complexité de ce droit en a érigé d’autres entre les administrés et les textes.

Le droit des douanes est particulièrement complexe et son application requiert l’articulation de deux sources normatives : le droit communautaire et le droit national.

Le code des douanes communautaire est constitué d’un règlement du Conseil du 12 octobre 1992 et de ses mesures d’application. Il regroupe l’ensemble des dispositions douanières applicables à l’importation et à l’exportation.

Le code des douanes national concerne principalement les aspects contentieux. Ses articles s’inscrivent dans le dispositif pénal général défini par la Chancellerie.

En attendant l’entrée en vigueur du nouveau code des douanes communautaire modernisé qui est prévue entre 2009 et 2013, j’ai jugé important d’améliorer l’articulation de notre code national avec le code communautaire en vigueur. Il est en effet nécessaire, dans le cadre de cette clarification, d’abroger les articles du code des douanes dont les dispositions ne sont plus conformes aux mesures communautaires, ou sont devenues caduques, ou encore sont inutiles, car redondantes.

Les dispositions que je vous proposerai tendent également à renforcer les droits des contribuables, ce qui me tient particulièrement à cœur.

Outre ces mesures de simplification, la commission des finances s’est saisie de l’article tendant à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de tirer les conséquences de la création de la nouvelle direction générale des finances publiques. Cette dernière a été instituée par un décret du 3 avril 2008 ; elle est issue de la fusion entre les anciennes direction générale des impôts et direction générale de la comptabilité publique. Je me félicite de l’aboutissement de cette réforme. Dès 2000, j’avais préconisé un tel regroupement dans le cadre de mon rapport d’information intitulé Les missions fiscales de la direction générale des impôts.

Après ce rapprochement au niveau central, la mise en œuvre à l’échelon local constitue la prochaine étape. Les directions des services fiscaux et le réseau du Trésor public seront fusionnés en une direction départementale des finances publiques qui sera dirigée par un administrateur général des finances publiques.

La présente habilitation n’a pour objet ni de remettre en cause ce nouveau réseau fiscal unique ni de modifier les droits des contribuables. Elle doit permettre au Gouvernement d’harmoniser les textes fiscaux faisant référence aux anciennes dénominations de direction générale des impôts, direction générale de la comptabilité publique, trésorier-payeur général, directeur des services fiscaux, et j’en passe.

Plus de sept cents textes législatifs ont été recensés comme devant être modifiés pour tenir compte de la nouvelle organisation et quarante-cinq codes sont concernés. Cependant, cette mise en cohérence ne pourra se réduire à un simple remplacement des termes. Les procédures et les organes sont également en cause. Par exemple, chacun des réseaux possède ses propres procédures de recouvrement. Cette tâche d’harmonisation sera complexe. Il s’agit d’effacer dans les textes la logique organisationnelle du double réseau au profit d’un réseau unique.

D’après les informations qui m’ont été fournies, il est impossible de déterminer à ce jour si cette simplification conduira à la suppression d’une procédure au profit de l’autre ou à la création d’une nouvelle procédure.

La commission des finances sera donc vigilante lors de l’examen de la ratification de l’ordonnance. Pour l’heure, je vous proposerai d’adopter cet article sans modification, à charge pour nous d’exercer ultérieurement notre contrôle sur le résultat obtenu.

Enfin, la commission s’est saisie du nouvel article 66 bis relatif à la ratification des ordonnances. Il s’agit, en particulier, de l’ordonnance du 7 décembre 2005, dite « ordonnance pénalités fiscales », et de celle du 26 août 2005 relative à la simplification et à l’amélioration des règles budgétaires et comptables applicables aux collectivités territoriales.

L’ordonnance du 7 décembre 2005, qui s’inscrit dans une démarche continue de modernisation des textes fiscaux entreprise depuis 2003, constitue une avancée majeure. Elle a notamment pour objet de distinguer clairement les intérêts de retard des sanctions fiscales.

La proposition de loi prévoit également la ratification de l’ordonnance du 26 août 2005 relative à la simplification et à l’amélioration des règles budgétaires et comptables applicables aux collectivités territoriales. Cette ratification est conforme à la démarche de modernisation de la comptabilité des collectivités territoriales entreprise il y a une dizaine d’années. Elle fait également suite aux propositions du groupe de travail, présidé par notre collègue Jean-Claude Frécon, dans le cadre du comité des finances locales.

La commission des finances, sur l’initiative de son président, a souhaité amender cet article afin d’y inclure la ratification de neuf ordonnances supplémentaires qui modernisent le droit financier.

En conclusion, la clé de la simplification réside bien dans la cohérence, la lisibilité des normes et l’efficience de l’action administrative. Tel est l’objet de ce texte et des amendements de la commission des finances.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu’elle vous proposera, la commission des finances est favorable à l’adoption des articles de la proposition de loi dont elle s’est saisie.

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une nouvelle loi de simplification du droit et d’allégement des procédures, voilà un objectif optimiste pour ceux qui sont convaincus que plus il existe de règles, moins on les applique, et que le retour de la codification, donc de l’esprit de synthèse, doit redevenir un objectif primordial de notre travail et de celui de l’exécutif ; je dis cela avec l’humilité qui doit caractériser un jeune parlementaire, mais aussi en tant que praticien du droit durant quelques dizaines d’années.

Le titre de la proposition de loi – la cinquième sur ce thème – est en lui-même un certain aveu d’échec collectif, car il représente la constatation d’un travail législatif et réglementaire effectué dans l’urgence et en réponse à la pression médiatique, ce qui enlève le temps de la réflexion, la cohérence et la précision indispensables.

Pour Montesquieu, « Aussi, lorsqu’un homme se rend plus absolu, songe-t-il d’abord à simplifier les lois. »

L’urgence est, certes, de simplifier et d’alléger les lois adoptées ces dernières années, mais la plus grande urgence n’est-elle pas, dans l’œuvre législative d’aujourd’hui et de demain, de faire en sorte que la loi ne soit plus le creuset d’une multitude future de lois de simplification et d’allégement ? En prenons-nous réellement le chemin quand l’embouteillage législatif est de plus en plus grand à l’entrée des assemblées ?

Faudra-t-il l’équivalent d’un article 40 pour bloquer tout nouveau texte sans contrepartie d’une abrogation ?

Alléger, selon le Littré, c’est « soulager d’une partie d’un fardeau ».

Le législateur est-il bien raisonnable lorsqu’il légifère à répétition sur les mêmes sujets ou lorsqu’il utilise la loi pour régler des cas spécifiques ? Je soutiendrai, par exemple, un amendement concernant l’article L. 221 du code électoral issu de la loi du 26 février 2008, qui visait à répondre dans l’urgence à la résolution d’un cas particulier.

À force de légiférer, de réglementer et d’arrêter, les pouvoirs normatifs ont engendré des monstres juridiques qui ne parviennent plus à s’autoréguler tant leur complexité s’est accrue, tandis que leur durée de vie diminuait. Donnant tort à Portalis, pour qui « la loi permet, ordonne ou interdit », la loi est devenue « bavarde, précaire et banalisée », pour reprendre les termes de Renaud Denoix de Saint Marc. Comme le relevait le Conseil d’État dans son rapport public de 2006, la complexité et le foisonnement des normes portent atteinte au principe de sécurité juridique.

Comment, avec en moyenne plus de soixante-dix lois, cinquante ordonnances et deux mille décrets nouveaux chaque année, assurer la prévisibilité du droit ? Comment préserver l’autorité de la loi lorsque celle-ci devient un outil déclaratoire, voire un simple instrument de communication médiatique faisant la part belle à l’émotion et non plus à la raison ?

Ce texte procède ainsi à d’utiles simplifications et clarifications telles que la suppression d’une centaine de rapports devant être remis au Parlement par le Gouvernement, l’assouplissement des délégations de signature des maires, ou la suppression de certaines commissions administratives. J’ai entendu avec intérêt les orateurs précédents intervenant au nom des commissions brosser le tableau des nombreux domaines visés par ce texte de simplification.

Mais l’aspect « fourre-tout » de cette proposition de loi constitue, bien évidemment, l’essence même de ce type de texte. Je m’interroge toutefois sur le terme « simplification » lorsqu’on découvre, au détour d’un article – c’est le danger de telles propositions de loi –, une disposition que l’on ne saurait qualifier de simple adaptation : il s’agit bien de réforme ou de changement de régime juridique. Sauf à manier l’art de la litote, il paraît plutôt inconvenant de procéder ainsi sous couvert d’améliorer la légistique et de simplifier la vie de nos compatriotes.

Dans cette proposition de loi, ce sont des dizaines de codes qui sont revisités, sans compter les lois spécifiques. Le danger d’une utilisation large de tel texte, c’est qu’il ne devienne une voiture-balai…

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Jacques Mézard. …où montent toutes les propositions, tous les amendements recalés des débats antérieurs,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien le cas !

M. Jacques Mézard. …voire plus si de nouveaux véhicules législatifs s’insèrent dans la file, dans la discrétion engendrée par l’accumulation de dispositions de nature disparate.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est tout à fait cela !

M. Jacques Mézard. Mes chers collègues, la définition du braconnage, c’est « pas vu, pas pris » ! Ce n’est pas le cas de l’amendement sur les pôles d’instruction dont nous aurons le plaisir de discuter demain en commission des lois ! Je ne sais pas quelle sera l’issue de la capture, mais même si, sur la forme, eu égard à la révision constitutionnelle, le Gouvernement peut tout à fait présenter un tel amendement, il est regrettable qu’il l’ait fait à ce moment-là et dans ces conditions.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un très gros gibier ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. C’est la démonstration, monsieur Sueur, de l’évolution des lois concernant, en particulier, la procédure pénale : le texte date de 2007, cet amendement a été déposé, et des réformes nous sont annoncées à grands renforts d’effets médiatiques.

Je concentrerai mon propos sur quelques articles, sur lesquels j’ai d’ailleurs déposé des amendements de suppression.

L’article 4 figurant dans le texte initial de la proposition de loi prévoit de réformer en profondeur le régime des biens indivis en permettant leur vente à la majorité des deux tiers des droits. Cette mesure paraît de prime abord fondée, puisqu’elle donne la possibilité de résoudre des situations bloquées, en raison de l’unanimité, par la volonté d’un seul.

Mais, à bien y regarder, cet article est dépourvu de consistance dans la mesure où la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités avait déjà introduit des remèdes aux effets négatifs de l’unanimité identifiés par la pratique. Je citerai ainsi la possibilité de mettre en demeure l’héritier taisant de prendre parti, l’obligation de représentation, y compris par mandat forcé, de l’héritier taisant. De surcroît, la loi de 2006 avait déjà prévu que les ayants droit puissent saisir le juge judiciaire, gardien de la propriété privée, pour autoriser l’aliénation malgré le refus de l’un des héritiers, pour surseoir au partage ou pour procéder à une attribution éliminatoire.

Or tous ces garde-fous, qui ont fait leur preuve, sont rayés d’un trait de plume par l’article 4. Cet article risque de faire ressurgir des contentieux là où le législateur de 2006 s’était efforcé d’en amoindrir la possibilité.

Monsieur le secrétaire d’État, cette disposition, qui a déjà été examinée lors de la discussion de la loi de 2006, et qui a d’ailleurs fait l’objet d’un débat lorsque vous l’avez présentée à l'Assemblée nationale, permet une inédite expropriation pour cause d’utilité privée.

Nous proposerons donc la suppression de cet article.

Tout aussi peu simplificatrice est la modification de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC, opérée par l’article 63 du texte. Je salue l’heureuse initiative de la commission, qui a d’ores et déjà supprimé la possibilité pour le juge du siège de revenir sur le quantum de la peine. Je l’invite néanmoins à aller plus loin et à supprimer l’ensemble de cet article, dont les dispositions restantes constituent une atteinte injustifiée au principe de la présomption d’innocence.

Il est en effet pour le moins étonnant que cet article puisse permettre la mise en œuvre concomitante par le parquet de la CRPC et d’une convocation devant le tribunal correctionnel lorsque l’on sait que cette pratique a précisément été prohibée par un arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2006. Contrairement à notre excellent rapporteur, qui voit dans cette validation d’une circulaire de la Chancellerie du 2 octobre 2004 a contrario de la jurisprudence un élément de souplesse à la disposition du parquet, je qualifierais plutôt cette mesure d’encouragement au rendement de la CRPC au détriment des droits des justiciables.

En l’espèce, le ministère public pourrait donc saisir en même temps deux instances de jugement à raison des mêmes faits, des mêmes causes et des mêmes parties. Pourquoi ne pas simplifier encore la vie du parquet en l’autorisant, s’il hésite sur la qualification pénale des faits, à saisir simultanément le tribunal de police et le tribunal correctionnel ?

Mais c’est surtout au regard de la pression potentiellement exercée sur le prévenu que cette disposition est contestable. Nous souhaitons donc la suppression de l’article 63.

Ces quelques développements montrent comment le diable peut parfois se cacher dans les détails. J’aurais pu illustrer ce propos avec d’autres dispositions, comme la répartition des blocs de contentieux sans concertation, s’inspirant partiellement des conclusions de la commission Guinchard, l’article 15 relatif à la dématérialisation des bulletins de paie, ou encore l’article 65, qui qualifie de délit « le fait de se soustraire à l’exécution d’un décret d’extradition ». De tels exemples sont révélateurs du danger de ce type de proposition de loi, qui n’en demeure pas moins utile, car, globalement, une série de dispositions vont dans le bon sens et sont indispensables. Mais il ne faut surtout pas utiliser ces textes pour y glisser un certain nombre de mesures qui justifieraient d’autres débats.

Pour l’ensemble des raisons que je viens de développer, et malgré l’intérêt de nombreuses dispositions, la majorité du groupe RDSE est réservée à l’égard de cette proposition de loi et attendra la suite de la discussion pour adopter une position définitive. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement – Et les mots pour le dire arrivent aisément. » : qui ne souscrirait à ces vers magnifiques, d’une simplicité extrême, de Nicolas Boileau ?

Comment refuser l’effort qui nous est proposé pour aller vers une législation plus simple, plus claire, plus intelligible et plus accessible à chacune et à chacun ?

Simplifier, clarifier : quel beau dessein !

Toutefois, comme cela vient d’être dit excellemment par notre collègue M. Mézard, ce texte prolifique est un agrégat inconstitué de dispositions disparates. Dans ce vaste ensemble qui ne cesse d’enfler, de proliférer et qui sera peut-être complété par les lectures à venir, on trouve bien sûr quelques pépites.

Nous devons remercier le rapporteur de la commission des lois, M. Bernard Saugey, qui a accepté d’enrichir le texte par des propositions utiles émanant des divers groupes. Cela permettra d’améliorer diverses dispositions relatives au droit du travail, sur lesquelles notre collègue M. Godefroy interviendra, ou encore de faciliter la vie des collectivités locales. Nous soutiendrons bien entendu les mesures qui vont dans le bon sens.

Ainsi, la disposition relative au PACS, le Pacte civil de solidarité, adoptée par la commission des lois permettra d’apporter des solutions, notamment en ce qui concerne la situation difficile de nos compatriotes pacsés avec des partenaires étrangers ou à l’étranger. Notre collègue Richard Yung en parlera puisqu’il suit tout particulièrement cette question délicate sur laquelle le Médiateur de la République s’est également penché.

Certains points sont donc assurément positifs, mais nous avons quelques réserves. Avant de les présenter, je reviendrai, monsieur le secrétaire d’État, sur un sujet important, significatif de l’idée que votre gouvernement se fait du Parlement.

Vous vous en souvenez, une loi a été adoptée à l’unanimité par le Sénat et l’Assemblée nationale en décembre dernier. Cette loi, bien connue de M. Jean-Jacques Hyest qui a beaucoup contribué à son adoption, comportait deux articles relatifs aux contrats obsèques. À l’initiative, non pas du Sénat…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et pour cause !

M. Jean-Pierre Sueur. …mais de l’Assemblée nationale, ces articles ont été inscrits dans la loi avec l’accord du Gouvernement.

La première disposition prévoyait la mise en place d’un fichier des contrats obsèques permettant de savoir si le défunt avait prévu ou non un système de financement de ses obsèques.

La deuxième disposition prévoyait quant à elle une revalorisation du capital versé par les personnes concernées au taux légal chaque année. Il se trouve que cette mesure a été contestée par tel secteur d’activité ou par telle partie du monde de l’assurance. Que les assureurs, ou certains d’entre eux, soient mécontents de cette mesure, on peut le comprendre.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle est inapplicable !

M. Jean-Pierre Sueur. Qu’ils souhaitent nous rencontrer pour en parler, pourquoi pas ! En revanche, la manière dont cette affaire a été provisoirement réglée – je dis bien « provisoirement », car elle n’est pas réglée, et heureusement ! – est beaucoup plus choquante.

En effet, le Gouvernement, par une ordonnance en date du 30 janvier 2009, a annulé ces deux articles de loi qui avaient été promulgués par le Président de la République le 19 décembre 2008.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas beau !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez pris cette ordonnance, monsieur le secrétaire d’État, en vertu d’une loi d’habilitation promulguée le 8 août 2008 !

M. Bernard Saugey, rapporteur. Antérieurement à la loi !

M. Jean-Pierre Sueur. Il est clair qu’au moment où le Parlement a décidé d’habiliter le Gouvernement à prendre une telle ordonnance, il ne pouvait absolument pas penser à demander au Gouvernement de supprimer, d’annuler ou de soustraire deux articles de loi qui n’avaient pas encore été votés ! D’ailleurs, le Parlement ne savait pas encore qu’il les adopterait puisque l’idée d’inscrire ces articles est apparue au mois de novembre à l’Assemblée nationale.

Cette ordonnance est un déni de droit à l’égard du Parlement.

De surcroît, la loi du 8 août 2008 n’habilitait pas le Gouvernement à supprimer ces deux articles. En effet, l’habilitation à adapter la législation au droit communautaire vise la transposition de directives datant de 2005 et de 2007, et non celle de la directive n° 2002/83/CE du 5 novembre 2002 concernant l’assurance directe sur la vie à laquelle le rapport de présentation de l’ordonnance au Président de la République fait référence. En conséquence, la non-conformité de l’article 8 de la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire à l’article 20 de cette directive n’est aucunement établie.

Dans cette affaire, rien ne tient debout ! Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouviez pas agir en vertu de cette loi d’habilitation, et ce en raison de la date à laquelle elle a été votée mais aussi de son objet.

Il est positif que la commission des lois ait unanimement accepté de revenir au texte que nous avions voté en décembre dernier et qui avait été remis en cause par cette méthode véritablement inacceptable.