M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de lUMP ainsi qu’au banc des commissions.)

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de débattre avec vous, dans le cadre des missions de contrôle étendues du Parlement, d’un sujet sur lequel le Gouvernement est pleinement mobilisé.

Je me réjouis également de la présence de Jean-Paul Monchau, qui a été nommé ambassadeur en mission pour l’adoption internationale, et qui s’investit déjà beaucoup sur le terrain, aux côtés de ma collègue Rama Yade.

Ce débat démontre que, au-delà de nos clivages politiques, nous sommes tous guidés par l’intérêt supérieur de l’enfant. Ainsi que l’ont rappelé nombre d’orateurs, nous avons fait le constat suivant : alors que 28 000 familles disposent d’un agrément, moins de 4 000 adoptions ont eu lieu dans notre pays, et 80 % des adoptions se font au niveau international. Par ailleurs, comme vous avez été très nombreux à le souligner, nous devons avant tout chercher à donner une famille à un enfant, et non l’inverse.

Vous avez longuement évoqué l’Agence française de l’adoption, à qui l’on devrait donner une seconde chance, selon le titre du rapport des sénateurs Paul Blanc, Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier. C’est aussi l’objectif que le Président de la République nous a assigné, et que nous nous sommes fixé avec Rama Yade.

Vous l’avez rappelé : le temps administratif n’est pas le temps de l’enfant. Au-delà de l’Agence française de l’adoption, nous sommes particulièrement mobilisés sur les enfants qui vivent dans notre pays. Le texte que nous allons proposer à l’examen de la Haute Assemblée lors de la prochaine rentrée parlementaire ne comprendra que six articles, mais traitera de ce sujet essentiel, à travers un plan global d’action qui détaillera également les mesures ne relevant pas du domaine législatif.

Nous pouvons déjà commencer à travailler. Pas plus tard que cet après-midi, on me demandait si le Gouvernement comptait avancer vite sur le dossier de l’adoption et s’il entendait apporter une réponse aux 28 000 parents qui disposent d’un agrément.

Il faut tout d’abord rappeler que nous n’avons pas une visibilité correcte en la matière. En effet, lorsque certains départements effectuent un tri dans les listes d’agréments, un tiers de ces derniers deviennent sans objet, soit parce que les familles ont renoncé à leur projet d’adoption, soit parce qu’elles se sont séparées, soit encore parce qu’elles ont eu entre-temps un enfant par voie naturelle.

Nous devons tenir un discours de vérité aux familles et nous devons également connaître le nombre des agréments qui peuvent réellement déboucher sur une adoption.

Au-delà de ce problème spécifique, nous nous attachons dès à présent à mettre en place des dispositifs clairs. Je pense en particulier aux consultations médicales d’orientation et de conseil à l’adoption, les COCA, que nous pouvons déployer sans l’autorisation du Parlement. On en dénombre actuellement quinze et nous souhaitons que chacune des régions de France dispose d’une consultation de ce type, voire même de deux pour les régions dont le territoire est particulièrement étendu. Nous sommes en train d’avancer dans la mise en place de ce dispositif, afin de mieux accompagner les familles qui ont besoin d’être conseillées, que ce soit avant l’arrivée de l’enfant, lorsque l’enfant est là ou plus tard dans la vie de la famille, notamment lors des moments difficiles que constituent la préadolescence et l’adolescence.

Je pense aussi au système d’information pour l’adoption des pupilles de l’État, le SIAPE. Nous n’avons pas besoin de passer par la loi pour améliorer ce dispositif et, ainsi, faciliter la mise en relation des familles en attente d’enfants, qui disposent d’un agrément valable, et des pupilles de l’État qui pourraient être adoptés. Plutôt que de parler d’enfants « à particularité » à propos de ces derniers, je préfère d’ailleurs parler d’enfants « à besoins particuliers », soit parce qu’ils sont plus âgés que les autres, soit parce qu’ils vivent dans une fratrie, soit encore parce qu’ils ont une maladie ou un léger handicap.

Pourtant, des parents seraient candidats pour adopter ces enfants, mais le système d’information n’est pas suffisamment performant pour les mettre directement en relation. C’est pourquoi nous avons l’ambition, avec les départements, de transformer celui-ci, notamment afin d’améliorer les conditions d’adoption des pupilles de l’État.

Tous ces dispositifs entrent très globalement dans le cadre du plan d’action que nous sommes en train de mettre en œuvre. Le site internet d’information sur l’adoption, que nous avons lancé, avec Rama Yade, le 1er avril, est opérationnel et beaucoup de familles le consultent.

Messieurs les rapporteurs, pour en revenir au débat que vous avez souhaité organiser aujourd’hui dans votre assemblée, j’ai bien compris que vous auriez pu, dans votre rapport, vous contenter d’examiner le bilan de l’AFA, mais vous avez eu la perspicacité d’élargir votre champ d’investigation à l’environnement international dans lequel intervient l’AFA en abordant la question de ses relations avec le Quai d’Orsay et de la cohérence d’action avec les organismes agréés pour l’adoption.

Vous avez également remis en perspective l’action de l’AFA sur le plan de l’adoption nationale, en traitant notamment de l’information des candidats à l’agrément ou du délaissement parental.

Le Président de la République a très tôt compris les marges de progrès qui pouvaient exister dans notre dispositif de l’adoption. Il a commandé un rapport, qui fait référence, et dont vous avez beaucoup parlé, rendu voilà un peu plus d’un an par Jean-Marie Colombani.

Le Gouvernement s’en est très largement inspiré pour définir un plan d’action réaliste, mais ambitieux, que Rama Yade et moi-même avons présenté au conseil des ministres du 27 août dernier.

Ce plan d’action a commencé à produire ses effets. Nous aurons l’occasion de vous en préciser l’état d’avancement tout au long de nos interventions respectives.

Avant d’aborder la Gouvernance de l’AFA et la réforme de l’adoption sur le plan national, je voudrais vous préciser le nouveau cadre d’intervention des ministères chargés de ce dossier.

Le rapport Colombani reprochait un éparpillement des compétences. Il insistait à juste titre sur la nécessité d’adopter une vision globale de l’adoption et citait l’exemple de l’Italie, où le dispositif de l’adoption est intégré. Il fallait donc un pilote dans l’avion, et c’est la raison pour laquelle j’ai proposé qu’un comité interministériel pour l’adoption soit créé, sous l’autorité du Premier ministre et animé par le ministre chargé de la famille.

Ce comité interministériel, instauré par un décret du 30 janvier 2009, s’est tenu pour la première fois le 6 février dernier. Il a vocation à réunir régulièrement autour d’une table les ministres concernés par cette politique publique aux ramifications très vastes, qui intéresse les ministères des affaires étrangères et de la famille, mais aussi ceux de la santé, de la justice, de l’intérieur, voire du budget.

Il s’agit non pas de créer une énième commission administrative, mais de nous doter d’une structure de coordination très souple, également chargée du suivi et de l’évaluation de la réforme. Ce comité se réunira en tant que de besoin sur des sujets supposant une unité d’analyse ou une coopération renforcée.

Le Comité interministériel pour l’adoption rendra des comptes au Parlement sous la forme d’un rapport triennal présentant les orientations de la politique gouvernementale en matière d’adoption et le bilan d’application de leur mise en œuvre.

Par ailleurs, nous pouvons aussi compter sur le dynamique Conseil supérieur de l’adoption, ou CSA, au sein duquel le Sénat et l’Assemblée nationale sont représentés. Cette instance consultative, composée de représentants d’associations de parents et d’enfants adoptés, d’administrations, de magistrats et de représentants des départements, remplit deux missions essentielles : elle se prononce sur les projets de textes pris dans son champ de compétence et elle assure une mission prospective. Le CSA – notre CSA, serais-je tentée de dire – est un partenaire indispensable dans la conduite de cette réforme, à la fois conseil et vigie. J’ambitionne de lui donner plus de visibilité et de l’associer encore plus étroitement à nos travaux.

Je souhaite vous livrer maintenant l’analyse que je fais du rapport de votre mission d’information en ce qui concerne plus spécifiquement l’AFA, et les enseignements que j’en tire.

Vous l’avez rappelé, messieurs les rapporteurs, cet opérateur public de l’adoption est jeune : créé par la loi du 5 juillet 2005, il a commencé de fonctionner à partir de mai 2006. Ce délai de latence était justifié par l’élaboration et l’approbation de la convention constitutive et la mise en place opérationnelle de l’Agence. C’est d’ailleurs ce qui nous conduit à apporter quelques nuances au réquisitoire dressé contre cet organisme, ainsi d’ailleurs que le fait Jean-Marie Colombani lui-même dans son rapport.

J’ai moi-même passé beaucoup de temps dans cette agence pour étudier la manière dont elle travaille. Si je conviens que certains points doivent être améliorés, je tiens cependant à souligner que ses techniciens sont extrêmement performants.

Vous l’avez également signalé, messieurs les rapporteurs, comme tout organisme intermédiaire pour l’adoption, l’AFA est dépendante des évolutions de l’adoption internationale, qui a accusé une tendance générale à la baisse au cours de l’année 2006, baisse qui s’est confirmée en 2007, avant une stabilisation en 2008.

Il faut en outre compter avec les conditions posées par les pays, telles que la fréquence et le nombre pour l’envoi de dossiers, ainsi qu’avec la durée des procédures d’adoption qui, variant d’un pays à l’autre, se situe entre un et trois ans.

Aujourd’hui, l’AFA est active dans vingt-cinq pays d’origine des enfants adoptés, dont la Chine, la Colombie et le Vietnam. Au 31 décembre 2008, 10 803 dossiers étaient suivis par l’AFA. Durant l’année 2008, 582 enfants ont pu être accueillis chez leurs parents.

Néanmoins, le bilan de ces trois premières années de fonctionnement n’est pas idéal et, dans ce contexte, des marges de progrès existent indéniablement. Nous entendons qu’elles soient exploitées.

L’une des premières mesures décidées par le Gouvernement est le renforcement de la tutelle de l’État sur l’Agence. Je vise non seulement la tutelle financière, mais également l’implication des représentants de l’État au conseil d’administration de ce groupement d’intérêt public.

Vous avez constaté la sous-consommation des crédits alloués à l’AFA par la loi de finances, en regrettant que son budget soit maintenu chaque année à hauteur de 4 millions d’euros. Je tiens néanmoins à souligner que la limitation des crédits en 2007 et en 2008 à hauteur de 2,9 millions d’euros, imposée par l’État, a permis que le fonds de roulement, prioritairement issu de la surdotation en 2006, n’enfle pas. L’attention du conseil d’administration a d’ailleurs été appelée sur l’ampleur de ce fonds de roulement, de sorte qu’il n’excède pas les stricts besoins provisionnels destinés à pallier tout retard dans le versement de la subvention par l’État. Sachez à cet égard qu’une première tranche de 2 millions d’euros sera versée très prochainement.

Les crédits alloués par la loi de finances initiale n’étaient pas, comme j’ai pu le lire dans votre rapport, messieurs les rapporteurs, une mesure d’affichage. Dans un contexte de montée en charge progressive, ils apparaissaient nécessaires pour permettre à l’AFA d’assurer ses missions sans rupture en cours d’exercice. Un examen rétrospectif accrédite aujourd’hui l’idée que les besoins étaient surestimés, du fait de l’absence de réelle vision prospective de l’activité de l’Agence.

Le Gouvernement a désormais engagé avec l’AFA un dialogue de gestion identique à ceux qui sont menés avec les autres opérateurs publics dans le champ social.

À cet effet, une convention d’objectifs et de gestion triennale sera conclue dans les prochaines semaines. Le contenu de la COG détaille les objectifs, les actions déclinant ces objectifs avec les indicateurs de résultat associés, les ressources budgétaires et les modalités de suivi et d’évaluation de la convention.

Le projet de convention, sur le point d’être finalisé, assigne quatre objectifs à l’Agence.

Le premier, c’est la définition d’une stratégie d’action dans les pays d’origine et l’amélioration du suivi des procédures d’adoption. La convention précise notamment la nécessaire articulation entre le Quai d’Orsay et l’AFA pour s’assurer d’une parfaite cohérence entre la stratégie arrêtée par l’autorité centrale et celle de l’opérateur. Rama Yade y reviendra.

Le deuxième objectif, c’est l’optimisation de l’information et de la communication sur l’adoption internationale. Cet objectif vise en particulier à assurer la complémentarité et la cohérence entre les informations délivrées par l’État et celles que délivre l’AFA, et à renforcer la connaissance qu’ont les adoptants de l’avancement de leur dossier.

Le troisième objectif, c’est le renforcement de l’accompagnement des adoptants en France et à l’étranger. Il s’agit notamment d’améliorer le suivi, par les correspondants locaux à l’étranger, des différentes phases de la procédure d’adoption conformément au droit en vigueur dans les pays d’origine.

Le quatrième objectif, c’est le renforcement de l’accompagnement des correspondants départementaux et des correspondants locaux à l’étranger. La professionnalisation des correspondants de l’AFA doit s’améliorer : cela passe par plus de formation, par la conception et la mise à disposition des outils pratiques dont ils peuvent avoir besoin.

Pour faciliter l’accomplissement de ses missions, comme vous le suggérez, messieurs les rapporteurs, l’AFA sera prochainement dotée de la capacité de financer sur son budget propre des microprojets de coopération avec les orphelinats, ce qu’attendent certains pays d’origine. Cela est prévu dans le projet de loi que le Parlement sera amené à examiner prochainement. Dans ce cadre également, l’habilitation de l’AFA sera par ailleurs étendue aux pays non signataires de la convention de La Haye.

Rama Yade vous exposera comment la France va se doter d’un dispositif concerté de l’adoption à l’international, incluant l’AFA et les OAA.

En outre, les services de l’État réfléchissent actuellement aux modalités d’intermédiation financière que pourrait assurer l’AFA entre les parents adoptifs et les opérateurs dans le pays d’origine. C’est un objectif que nous nous assignons, que nous devons concilier avec les contraintes de la comptabilité publique, puisque c’est le choix qui a été fait lors de la création de l’AFA. Une expertise est en cours pour examiner, au cas par cas, pays par pays, quels sont les besoins, la nature des opérations à couvrir, les modalités de paiement. Sachez par exemple que certains orphelinats n’ont pas de comptes bancaires ! Ce travail fin d’analyse nous permettra d’exposer très clairement nos besoins au ministère chargé de la comptabilité publique, pour établir des règles de fonctionnement. L’on ne peut se prononcer à ce stade sur le caractère « empêchant » du caractère public de la comptabilité appliquée par l’AFA.

Vous soulignez la nécessité de maîtriser l’évolution des effectifs de l’AFA et de respecter les plafonds d’emplois assignés à cet opérateur. La COG intégrera naturellement ces paramètres et le projet de loi prévoit d’inclure dans ce décompte les correspondants locaux à l’étranger dès 2011.

En ce qui concerne la cohérence de l’information délivrée aux familles, l’AFA est naturellement associée à la réalisation du portail internet gouvernemental sur l’adoption, www.adoption.gouv.fr, que nous avons lancé le 1er avril dernier. Ce site regroupe à une même adresse toutes les informations relatives à l’adoption nationale et internationale, avec toutes les garanties de cohérence et de fiabilité. Il a été visité plus de 20 000 fois depuis son ouverture.

Enfin, s’agissant du renouvellement de la direction de l’AFA, je regrette que l’on ait résumé les difficultés de fonctionnement de cet opérateur à une simple question de personnes. Il convient également de préciser que l’AFA est un groupement d’intérêt public dans lequel l’État a certes une voix prépondérante, mais dont le conseil d’administration est autonome dans ses choix.

Néanmoins, Rama Yade et moi-même avons obtenu, par le biais de nos représentants au bureau de l’AFA, qu’un recrutement ouvert soit effectué au terme du mandat de la précédente directrice générale de l’Agence. Afin de satisfaire aux critères de transparence exigés par un tel exercice, les candidats au poste de directeur général ont été auditionnés. Le conseil d’administration de l’Agence a désigné Mme Béatrice Biondi lors de sa séance du 11 février dernier.

La nouvelle directrice générale, dont le profil et le parcours professionnels présentent toutes les qualités requises, a pris ses fonctions le 1er avril.

Je voudrais aborder maintenant les questions ayant plus largement trait au dispositif de l’adoption en France.

Je veux tout d’abord insister sur un point éthique qui m’apparaît essentiel. Nous devons dire la vérité aux candidats à l’adoption ; nous ne pouvons promettre à chaque titulaire d’un agrément que son projet d’adoption va se concrétiser rapidement.

L’agrément n’est pas un permis pour adopter ; il ne confère pas non plus de droit à l’enfant pour ses titulaires. Gardons-nous bien d’entrer dans une logique consumériste de satisfaction coûte que coûte du désir d’adoption. C’est la meilleure façon de nous prémunir contre les dérives que l’on constate parfois à l’étranger et auxquelles nous pourrions nous-mêmes être confrontés dans notre pays si nous ne prenions pas un minimum de précautions, fussent-elles oratoires. Nous avons non pas une obligation de résultats chiffrés, mais une obligation de moyens pour que notre dispositif soit le plus efficient possible.

Je comprends évidemment le désir d’enfant et je sais que l’adoption est souvent l’ultime recours pour devenir parent, pour transmettre à un enfant des valeurs, un nom et avant tout l’amour et la sécurité dont il a besoin.

Oui, monsieur de Legge, c’est parce que nous ne devons pas entretenir de faux espoirs dévastateurs pour les personnes qu’il nous faut au plus tôt dire la vérité aux candidats, tant sur la situation de l’adoption en France qu’au niveau international.

Cette vérité, nous vous la devons à vous aussi, représentants de la nation, pour vous permettre de mieux répondre aux nombreuses sollicitations dont vous faites l’objet de la part de candidats désespérés par une trop longue attente.

Une fois ce constat posé, que faire ? J’ai comme vous identifié plusieurs leviers pour améliorer notre dispositif : l’information tout d’abord, les modifications touchant au dispositif de l’agrément ensuite, l’accélération des procédures judiciaires d’abandon, mais également une véritable révolution culturelle concernant l’adoption simple, que nombre d’entre vous ont évoquée ce soir.

Votre mission d’information, soutenue par Mlle Joissains, propose la généralisation progressive à l’ensemble des départements des réunions collectives préalables à la confirmation de la demande d’agrément.

Nous convenons tous de l’intérêt du caractère collectif de ces réunions, qui permettent une meilleure prise de conscience de la réalité de l’adoption. En 2007, 2 800 candidats à l’agrément ont abandonné leur projet à la suite d’une réunion d’information.

Pour ne rien vous cacher, l’avant-projet de loi relatif à l’adoption comportait une disposition rendant obligatoire une réunion d’information collective avant la confirmation de l’agrément, avec toutefois une marge de souplesse alternative pour les petits départements, consistant en un entretien individuel. Le Conseil d’État a estimé que ces dispositions n’étaient pas d’ordre législatif. C’est pourquoi elles ne figurent plus dans le projet de loi qui a été déposé le 2 avril sur le bureau de votre assemblée. C’est aussi une raison supplémentaire pour faire passer cet élément crucial du plan d’action par la voie réglementaire ! Un projet de décret en ce sens devrait être présenté lors de la prochaine réunion du Conseil supérieur de l’adoption.

Parallèlement, je souhaite accompagner les départements dans leur mission d’information. J’ai reçu à plusieurs reprises des représentants de l’Assemblée des départements de France afin de travailler avec eux à l’élaboration d’outils de référence déclinant les différents items de l’information préalable définis dans le code de l’action sociale et des familles.

Nous travaillons donc naturellement en étroite collaboration avec l’Assemblée des départements de France et je compte sur vous, monsieur Daudigny, en qualité de président de la commission des politiques sociales et familiales de cette assemblée, pour nous aboutissions avant l’été sur ce projet.

En ce qui concerne l’agrément, selon les dernières statistiques révélées par l’ONED, on dénombre 28 000 agréments en stock au 31 décembre 2007, 11 000 demandes nouvelles en 2007, 8 500 agréments délivrés et près de 900 refus.

Faut-il rendre plus difficile l’obtention d’un agrément, en posant des critères plus sélectifs ? Je n’en vois pas l’intérêt, dès lors que tous les candidats à l’adoption seront informés des difficultés qu’ils sont susceptibles de rencontrer dans l’aboutissement de leur projet, que nous ne pouvons garantir.

Le Gouvernement a clairement écarté l’introduction d’une limite d’âge ou d’un écart d’âge maximal. Nous ne souhaitons pas entrer dans ces considérations discriminatoires et par trop arithmétiques.

Tout d’abord, il ne semble pas que les demandes d’adoption émanant de personnes âgées soient bien nombreuses, les statistiques le démontrent. Ensuite, il revient au président du conseil général d’apprécier, en fonction du projet d’adoption exprimé, si l’agrément peut être délivré à un senior.

En outre, je m’interroge : quelle limite devrions-nous poser dans le cas d’un couple avec une importante différence d’âge ? Devrions-nous priver des enfants grands de l’expérience de la vie qu’auraient certains seniors ?

Par ailleurs, j’exclus que nous définissions par la loi les critères d’agrément ou de refus d’agrément, comme on a pu me le suggérer. L’agrément n’est pas un permis d’adopter, l’évaluation des candidats n’est pas l’épreuve du code de la route !

Cette définition, si tant est qu’elle puisse être suffisamment exhaustive, présenterait le risque d’enfermer les travailleurs sociaux et les élus dans une analyse trop factuelle et d’encourager une attitude stéréotypée des candidats, alors que le projet d’adoption doit aussi se mûrir dans toute sa subjectivité.

En revanche, il est nécessaire de rappeler que la décision administrative d’agrément obéit aux principes fondamentaux de notre République, en particulier aux principes d’égalité et de non-discrimination. Une information technique sera prochainement diffusée aux conseils généraux pour leur préciser ce point de droit, ainsi que nous y incitent la Cour européenne des droits de l’homme et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE.

En outre, je travaille avec les départements et les professionnels concernés à l’élaboration d’un guide, d’un référentiel sur l’agrément, sur lequel pourraient s’appuyer les travailleurs sociaux. Nous répondrions ainsi de façon positive au besoin d’harmonisation des pratiques, même s’il ne faut pas perdre de vue que l’agrément est une décision prise au cas par cas, car chaque situation est différente.

Vous avez suggéré qu’un fichier national des agréments et des refus d’agréments soit créé. J’en comprends bien l’objectif principal, qui est d’éviter que des candidats refoulés dans un département ne s’adressent à un autre département, alors que le refus d’agrément leur interdit de faire toute nouvelle demande dans un délai de trente mois.

Il faut que nous en discutions préalablement avec l’Assemblée des départements de France, que nous en examinions l’opportunité ainsi que les conditions matérielles et financières de faisabilité. Chaque département a ses propres fichiers et il faut étudier si l’investissement nécessaire afin d’harmoniser les systèmes d’information est justifié au regard du nombre de cas.

Enfin, vous suggérez que nous vérifiions de façon plus rigoureuse la validité des agréments. Je le souhaite également et à cet effet le projet de loi relatif à l’adoption prévoit une mesure de caducité avec mise en demeure préalable pour tous les agréments que leurs titulaires ne confirmeront pas chaque année, comme ils en ont l’obligation. Ainsi, nous serons assurés d’avoir des agréments actifs, à l’exclusion des titulaires ayant abandonné leur projet.

Nous établirons avec les départements les modalités de mise en demeure préalable, que je souhaite les plus simples possibles à mettre en œuvre, dans le respect des droits des titulaires.

Vous souhaitez, enfin, messieurs les rapporteurs, un débat sur l’adaptation de la réglementation de l’adoption aux nouvelles évolutions familiales.

Madame Rozier, le Gouvernement n’entend pas revenir sur le cadre actuel, c’est-à-dire sur l’adoption par des couples mariés ou par une personne célibataire. Néanmoins, un débat pourrait effectivement être organisé au sein du Conseil supérieur de l’adoption.

Mesdames, messieurs les sénateurs, votre mission d’information suggère de faciliter l’adoption nationale en raccourcissant et en simplifiant les procédures judiciaires d’abandon.

Je tiens tout d’abord à rappeler mon très grand attachement au droit de l’enfant à vivre avec sa famille de naissance et donc à notre devoir, nous acteurs publics de la protection de l’enfance, d’aider les parents à exercer leur autorité parentale dans l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est depuis longtemps tout l’enjeu de notre dispositif de protection de l’enfance, conforté par la loi du 5 mars 2007, dont j’ai signé récemment plusieurs décrets d’application. En 2007, 200 000 enfants ont fait l’objet d’une mesure de protection de l’enfance, allant de l’assistance éducative au placement en famille d’accueil.

Mais il est des cas, que l’on ne peut nier, où les parents se désintéressent complètement de l’enfant, qui se retrouve ballotté de famille d’accueil en famille d’accueil. Dans ces cas, l’article 350 du code civil prévoit une procédure judiciaire de déclaration d’abandon après un an de désintérêt manifeste qui permet de conférer à l’enfant le statut protecteur de pupille de l’État. Ce statut assure à l’enfant une prise en charge renforcée grâce à une tutelle exercée par le préfet. Il permet aussi qu’un projet de vie soit défini pour l’enfant, et, dans la mesure du possible, un projet d’adoption dans les meilleurs délais.

L’abandon est lourd d’implications pour être initié dans la précipitation et je vous rappelle que notre principe d’action demeure le maintien de l’enfant dans sa famille.

Monsieur de Legge, nous ne devons en effet pas faire de fausses promesses aux candidats à l’adoption. Nous ne pouvons pas considérer que nous disposons d’un réservoir d’enfants à adopter parmi ceux qui sont confiés à l’aide sociale à l’enfance.

Monsieur Barbier, je vous remercie de soutenir notre réforme. Nous le voyons bien, elle dépasse les clivages politiques et l’intérêt supérieur de l’enfant émerge de vos réflexions.

Au surplus, il faut bien garder à l’esprit que les pupilles de l’État ayant acquis ce statut par le biais de l’article 350 du code civil présentent des caractéristiques d’âge et de psychologie peu en rapport avec les attentes de la majorité des candidats à l’adoption. Cela nécessite une préparation spécifique des adoptants, notamment dans le cadre de l’information préalable à l’agrément.

Néanmoins, nous devons améliorer les conditions d’application de la procédure judiciaire d’abandon. C’est pourquoi je propose, avec Rachida Dati, de faciliter une détection plus précoce des situations d’abandon et d’accélérer les procédures.

Pour détecter plus précocement les situations d’abandon, le projet de loi relatif à l’adoption prévoit qu’un avis soit rendu sur l’éventualité d’un désintérêt manifeste et durable de l’enfant par ses parents, dans le rapport annuel sur la situation de l’enfant.

Il pourra s’agir de l’enfant accueilli hors du domicile familial dans le cadre d’une prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance, de l’enfant confié à l’Aide sociale à l’enfance, l’ASE, par décision judiciaire, de l’enfant remis provisoirement à un centre d’accueil ou d’observation, de l’enfant pour qui l’exercice de l’autorité parentale a été délégué à l’ASE.

Ainsi, un examen particulier de la situation de l’enfant au regard du délaissement parental sera fait chaque année, dès la première année du placement.

Parallèlement, je viens de charger l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, d’évaluer les pratiques sur le terrain et de jeter les bases d’un outil d’aide à l’analyse du délaissement parental, qu’un groupe de travail pluridisciplinaire finalisera à la rentrée prochaine.

La construction de cet outil s’appuiera également sur l’analyse comparative des dispositifs étrangers que va réaliser l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED. Il s’agit de mutualiser les expériences de terrain des travailleurs sociaux afin de sécuriser leur analyse et de faciliter, là encore, l’harmonisation des procédures.

Monsieur Daudigny, mesdames Rozier et Bout, nous sommes tous d’accord pour dire qu’un coup de fil deux fois par an ou une carte postale ne peuvent suffire à attester le maintien du lien parental. M. Daudigny a insisté sur la nécessité de se préoccuper du lien avec la famille et sur le fait qu’il ne fallait pas se précipiter.

Pour donner plus de chances à l’enfant de bénéficier du statut protecteur de pupille de l’État, nous envisageons, dans le projet de loi relatif à l’adoption, de modifier l’article 350 du code civil pour permettre au ministère public, qui n’a pas cette compétence de principe, de saisir le tribunal de grande instance d’une procédure judiciaire d’abandon en cas de carence des services ou des personnes habilités à engager une telle procédure.

Enfin, le ministère de la justice a pris des mesures internes pour améliorer le traitement des demandes en déclaration judiciaire d’abandon.

En premier lieu, une circulaire du 28 octobre 2008 relative à l’amélioration des conditions de mise en œuvre de l’article 350 du code civil enjoint aux juges d’examiner les demandes de déclaration judiciaire d’abandon dans un délai de trois mois lorsque le dossier ne présente pas de difficulté particulière.

En second lieu, un décret du 10 avril 2009 vise à améliorer la communication de pièces entre le juge aux affaires familiales, le juge des enfants et le juge des tutelles qui tous peuvent être amenés à connaître de la situation d’un même mineur. Le manque de communication peut en effet nuire à la prise en charge de l’enfant, notamment dans la perspective de la construction d’un projet d’adoption. Une circulaire d’application devrait sensibiliser les magistrats sur la nécessité de veiller à l’application des dispositions.

Tel est le plan d’action du Gouvernement pour améliorer la mise en œuvre de l’article 350 du code civil.

Votre mission d’information propose qu’une réflexion soit engagée sur l’adoption simple, que vous avez été nombreux à évoquer ce soir.

Le Conseil supérieur de l’adoption me paraît être l’instance ad hoc pour mener cette réflexion. Je vais donc lui confier une mission pour qu’il analyse les conditions dans lesquelles la promotion de l’adoption simple pourrait être réalisée.

À mon sens, le dispositif juridique n’est pas à modifier : ce sont les esprits qu’il faut faire évoluer ; c’est même une révolution culturelle dans notre pays si attaché à la filiation plénière. Rien n’empêche l’adoption simple, ce sont les candidats à l’adoption qui choisissent l’adoption plénière. Dans 95 % des cas, l’adoption simple résulte d’une adoption intrafamiliale.

Nous devrons donc actionner tous les leviers pour favoriser l’adoption simple : lors de l’information des candidats à l’agrément, par la sensibilisation des travailleurs sociaux, par un travail sur le consentement à l’adoption des parents de naissance.

Madame Bout, monsieur Barbier, je souhaite vous répondre précisément sur la question de l’adoption des pupilles de l’État.

Selon les chiffres de l’ONED, les pupilles de l’État étaient 2 312 au 31 décembre 2007 et cette même année, 775 d’entre eux ont été placés en vue d’une adoption.

Il y a donc un différentiel de 1 473 pupilles de l’État non placés. Pourquoi ne sont-ils pas placés ? Pour 500 d’entre eux, le tuteur et le conseil de famille considèrent que l’adoption ne convient pas, notamment parce que l’enfant s’épanouit dans sa famille d’accueil. Par ailleurs, 800 pupilles ont un projet d’adoption qui ne se concrétise pas, en raison de besoins particuliers liés à leur âge, au fait qu’ils soient membres d’une fratrie et, surtout, à la maladie ou au handicap. On estime en réalité que seuls 400 d’entre eux sont adoptables.

Je viens de mettre à la disposition des DDASS et des conseils généraux un système d’information pour l’adoption des pupilles de l’État, ou SIAPE, qui devrait permettre le rapprochement des familles et de ces enfants.

Je travaille afin que le SIAPE devienne la colonne vertébrale d’un espace professionnel d’échanges entre le ministère, les DDASS, les conseils généraux, mais également entre les acteurs de terrain eux-mêmes.

Je réunirai à l’automne prochain une journée technique nationale sur l’adoption des pupilles de l’État, pour entretenir cette dynamique positive.

Pour conclure, j’aborderai brièvement l’accompagnement post-adoption.

Madame Rozier, vous soulignez la nécessité de cet accompagnement. Au-delà du suivi des enfants imposé par les pays d’origine, je souhaite développer, comme je l’ai dit en préambule, les consultations médicales. Nous y travaillons avec Roselyne Bachelot-Narquin, et je souhaite que, d’ici à la fin de 2009, nous ayons pu installer ces services médicaux d’accompagnement dans les vingt-deux régions de notre pays, sans oublier les départements d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)