M. Dominique Leclerc. N’importe quoi !

M. Yves Daudigny. Nous tenterons de vous convaincre, mes chers collègues, de modifier le projet de loi sur divers points, mais, s’agissant du maintien de la garantie de tarifs opposables, même ceux qui ne sont pas encore persuadés de la nécessité des modifications que nous proposons devraient voter unanimement.

Gardons bien en tête que la finalité est la garantie de l’égal accès à des soins de qualité, donc à un hôpital performant, pour toute personne, quels que soient sa situation sociale, ses revenus, son âge ou son lieu d’habitation.

Cette garantie repose, bien sûr, sur un service public qui constitue un des fondements de notre République. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. L’article 1er du projet de loi inventorie très strictement les missions de service public.

Il donne la possibilité aux établissements de santé publics mais aussi aux établissements privés à but commercial de les assurer en totalité ou en partie.

Nous étions en droit d’espérer, et c’est ce que les Français attendaient du Gouvernement, un projet de loi qui améliore l’offre de soins dans notre pays ainsi que la mise en place de mesures adéquates afin que les hôpitaux publics voient leur position renforcée et que les fermetures de services entiers, notamment de maternités de proximité, soient stoppées.

Il n’en est rien. Pis, comme le disait hier soir notre collègue Bernard Cazeau, le scénario que nous entrevoyons est prévisible : acte I, on organise les carences du service public ; acte II, on conclut à son absence de fiabilité ; acte III, on réoriente les décisions et les financements vers le privé. Le tour est joué !

Parmi tant d’autres exemples criants sur le territoire national, je retiendrai celui de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge, dans mon département de l’Essonne, où le conseil d’administration avait décidé de fermer les services de chirurgie et de maternité sans aucune justification – financière, sanitaire, sécuritaire ou démographique – valable.

Cette décision, qui vient d’être annulée par le tribunal administratif de Versailles comme vous en avez-vous sans doute, mes chers collègues, été informés, voilà quelques jours à peine, par tous les médias nationaux, avait été prise sous la pression de l’ARH, l’agence régionale de l’hospitalisation, et donc, indirectement, des services du ministère.

Fondée sur des éléments approximatifs, voire erronés, cette décision fait la part belle aux nombreuses cliniques privées du périmètre, ravies de pouvoir exploiter ces activités, en laissant les autres à la charge des hôpitaux publics. À croire que les arguments financiers qui avaient été avancés pour la fermeture des deux services n’effraient pas trop les grands groupes privés, qui ont déjà fait des offres de reprise de l’activité de l’établissement public…

Par ailleurs, cette décision met évidemment en difficulté le service des urgences, qui sert un bassin de plus de 200 000 habitants et qui est contraint de fonctionner en étant amputé de son plateau technique de chirurgie.

Si l’on retient vos critères, madame la ministre, les jours de ce service sont dorénavant comptés puisque vous lui ôtez la possibilité de continuer d’assurer sa mission avec la même qualité des soins.

En raisonnant ainsi, vous condamnez à mort le service public hospitalier ; vous renoncez à ces conceptions d’égalité de qualité et d’intérêt général auxquels nous sommes attachés. Nous ne l’acceptons pas. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous aurions pu espérer autre chose d’un projet de loi visant à redéfinir la place et le rôle de l’hôpital public au sein de notre système de santé.

Nos concitoyens le savent et l’affirment régulièrement : le système de soins français et le dévouement des personnels représentent, ou, dois-je dire, représentaient, des garanties exceptionnelles. Ils le font pourtant en exprimant de plus en plus souvent des inquiétudes vis-à-vis de ce qu’il faut appeler une dégradation sérieuse de l’offre de soins et de l’accessibilité à ces mêmes soins.

C’est pourquoi l’article 1er de ce projet de loi aurait pu et dû prendre appui sur les difficultés constatées de notre système hospitalier, afin d’apporter de meilleures réponses et de marquer ainsi l’ambition légitime et attendue d’une réforme positive en termes d’exigence de qualité et d’égalité d’accès de tous aux soins.

Tel n’est pas le cas, madame la ministre.

En effet, vous avez fait le choix de travestir le besoin de changement, que vous reconnaissez, en des réponses souvent technocratiques, financières, organisationnelles et de gouvernance plus qu’inquiétantes.

Vous continuez de refuser d’écouter les colères, les constats, les propositions des professionnels, des praticiens, des associations et des élus, dont certains sont de votre majorité, et optez pour un texte qui, malgré vos affirmations, n’est issu d’aucune concertation véritable.

Pis, une nouvelle fois, le Président de la République a manifesté son mépris à l’égard du Parlement en imposant de modifier un texte déjà débattu par les commissions parlementaires. L’excès de pouvoir est patent.

Alors que l’article 1er du projet de loi aurait dû avoir vocation à dessiner et à réaffirmer le rôle structurant et incontournable des établissements publics hospitaliers, le Gouvernement a pour objectif d’atténuer et d’effacer l’apport de ces structures à notre système de santé.

Vous le faites au nom de la cohérence, dont a effectivement besoin notre système de santé, mais en tentant de diluer la place respective de l’hôpital public et des établissements privés dans ce dispositif. En effet, prétendre confier des missions de service public en instituant la notion fourre-tout d’« établissements de santé », en mélangeant ainsi secteur privé et secteur public sans définir les responsabilités véritables de chacun, est révélateur d’une rupture. Certes, celle-ci n’est pas soudaine, mais vous souhaitez aujourd’hui l’inscrire dans la loi.

En permettant aux établissements privés de remplir, non sans compensation, des missions de service public, sans que leur incombent les mêmes responsabilités en termes d’accueil et de prises en charge, notamment des populations les plus défavorisées, vous portez un coup à l’hôpital public et à ses populations.

La réalité de notre système hospitalier est que les cliniques privées, notamment en Île-de-France, ont pendant longtemps côtoyé en bonne intelligence les hôpitaux publics. Il a d’ailleurs fallu constater que nombre d’entre elles, qui effectuaient un travail de proximité intéressant, avaient fermé au nom de regroupements imposés par les grands groupes de santé privés, dans l’attente de ce projet de loi.

Ces réorganisations traduisent aussi une évolution de la carte hospitalière, qui se réalise au détriment du secteur public. Le niveau de l’activité chirurgicale pratiquée aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public est révélateur de ce phénomène, certains de mes collègues l’ont déjà souligné. Aujourd’hui, si plus de 65 % de la chirurgie est réalisée dans le secteur privé, ce n’est sans doute pas par philanthropie !

Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple concret, celui de mon département. Dans le Val-d’Oise, une clinique équipée de plateaux ultramodernes est construite à quelques centaines de mètres de l’hôpital public de Pontoise, établissement qui, lui, se débat pour résorber un déficit cumulé de 12 millions d’euros. Pour ce faire, il doit procéder à la suppression de 200 emplois et à la réduction de services rendus à la population de l’agglomération de Cergy-Pontoise. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

Cette situation n’est malheureusement pas isolée. Le déficit de l’hôpital d’Argenteuil atteint 35 millions d’euros : là encore, la suppression de plus de 200 emplois est annoncée.

Il est même question de fermer l’hôpital de Montmorency en 2012. C’est inacceptable ! Cet établissement a pourtant déjà rempli les engagements demandés par l’Agence régionale de l’hospitalisation au moment de la fusion avec l’hôpital d’Eaubonne. Tout l’investissement apporté autour d’un pôle mère-enfant pour faire avaliser cette fusion administrative serait ainsi perdu et gâché !

Telle est l’évolution d’un service public soumis à des règles financières et à une tarification à l’activité inopérante et mortifère, si nous persistons dans la voie d’une marchandisation accélérée de la santé publique, avec des critères de gestion dramatiquement tournés vers la seule rentabilité.

C’est pourquoi nous considérons que l’inflexion même donnée dès cet article 1er est contraire aux profondes réformes dont notre pays a urgemment besoin en matière de santé publique.

Puissions-nous, madame la ministre, empêcher la fuite en avant d’une rentabilité égoïste, au profit de la solidarité sociale et humaine qu’appelle une politique de santé publique fidèle à notre histoire et à l’histoire de notre système de soins ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet article, nous nous engageons vers la privatisation de services entiers de l’hôpital public. Sous couvert de favoriser des partenariats avec le secteur privé, cet article permettra de privatiser les urgences de jour, véritable aspirateur à patients pour les établissements privés. Au-delà, ce sont d’autres unités très rentables qui sont visées.

J’illustrerai mon propos en évoquant le cas du service de radiologie de l’hôpital de Lagny–Marne-la-Vallée, en Seine-et-Marne.

Aux prises avec un déficit de 5 millions d’euros, obligée de mettre en œuvre un plan de retour à l’équilibre, la direction de cet hôpital économise tous azimuts : suppression de 27 postes administratifs et de cadres en 2007, externalisation de fonctions...

La crise de la démographie médicale alourdit un peu plus le climat. Ainsi, le service de radiologie a perdu la moitié de ses effectifs de médecins en quelques années – de 12 postes à 6 postes – et compte actuellement deux postes budgétés, mais vacants. Victime de l’attractivité du privé où les rémunérations sont nettement supérieures à celles qui sont pratiquées dans le secteur public, l’hôpital peine à recruter des radiologues.

À cela s’ajoutent désormais les conséquences de la tarification à l’activité, que nombre de mes collègues ont déjà évoquées. Cette réforme pousse les hôpitaux à privilégier les soins « rémunérateurs » au détriment de leurs missions de service public et conduit les médecins à mener « une course à l’activité ».

Or, dans ce contexte d’asphyxie financière, la direction de l’établissement a dévoilé son intention de privatiser en grande partie l’activité de radiologie. En effet, pour répondre aux besoins du bassin de Lagny–Marne-la-Vallée, en pleine expansion démographique, l’hôpital doit s’agrandir. D’ici à 2011, un nouvel établissement doit être construit dans la commune voisine de Jossigny. Vous vous y êtes d’ailleurs rendue le 17 octobre dernier, madame la ministre, pour y poser la première pierre. Sans doute vous en souvenez-vous, si j’en juge par le titre du quotidien le Parisien : « Jossigny : Roselyne Bachelot huée par des agents hospitaliers »...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et acclamée par d’autres !

M. Michel Billout. Comme vous le savez, la plupart des activités seront transférées dans ce nouvel établissement. Bien qu’il soit en grandes difficultés financières, l’hôpital de Lagny–Marne-la-Vallée est sommé de participer au financement du projet. Pour réduire encore les coûts, la direction envisage donc de permettre aux « investisseurs libéraux » d’acheter des matériels coûteux de diagnostic, notamment les appareils d’imagerie à résonnance magnétique et les scanners, et, bien entendu, de tirer bénéfice de leur fonctionnement.

Des discussions ont démarré avec l’un des plus puissants cabinets privés de la région, qui a décidé de construire, à 400 mètres du futur hôpital, un immense cabinet d’une capacité de seize salles d’examen. Ce chantier est perçu par les personnels hospitaliers comme une provocation. En effet, comment concilier les missions de service public avec des objectifs de rentabilité, qui conduiront à privilégier les examens rapides pour des patients sélectionnés sur leur solvabilité ?

Nous pouvons nous attendre à une utilisation inégalitaire des équipements, qui réservera aux médecins libéraux les examens les plus intéressants et rémunérateurs, laissant aux personnels hospitaliers publics les examens peu rentables et les épuisantes gardes de nuit et de week-end. Cette perspective est de nature à accélérer encore la fuite des radiologues vers le privé, d’autant que la plupart des radiologues libéraux exercent en secteur II à honoraires libres.

Quand on sait qu’une IRM pratiquée par un médecin de secteur II à dépassements d’honoraires, non remboursés par la sécurité sociale, est tarifée entre 114 euros et 150 euros en Seine-et-Marne, contre 69 euros dans le secteur public, on peut être inquiet pour la prise en charge universelle des patients !

Cette question concerne également les assurés sociaux, la majorité des médecins libéraux pratiquant des dépassements d’honoraires, qui sont financés, dans le meilleur des cas, par les mutuelles ou les assurances privées. Ce projet de loi entraînera donc une nouvelle hausse de cotisations ou des contrats assurant des remboursements différenciés selon la richesse des familles. Il creusera donc encore l’inégalité devant les soins.

En réalité, madame la ministre, à l’opposé d’une véritable politique de « modernisation des établissements de santé », dont vous tentez avec difficultés de vous draper, c’est bien la remise en cause du financement public et solidaire de la santé que vous organisez, au seul bénéfice d’une vision commerciale et spéculative de celle-ci.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le rapporteur, aux questions pertinentes que René Teulade a posées en présentant la motion tendant à opposer la question préalable, vous avez apporté une réponse frappée au coin du bon sens : « un texte ne suffira pas à résoudre tous les problèmes » auxquels le système de santé est aujourd'hui confronté.

Certes. Encore faut-il se demander à quoi sert une loi qui, loin de régler les problèmes qui existent bel et bien – difficultés d’accès aux soins et de permanence des soins dans les quartiers et dans les zones rurales, pratique presque systématique dans certains départements et certaines villes de dépassements d’honoraires sans tact ni mesure, refus opposé aux ayants droit de la CMU par certains praticiens qui ont oublié avoir un jour prononcé le serment d’Hippocrate, saturation des urgences le soir, le week-end ou pendant les vacances d’été, difficultés à trouver des lits de suite, dégradation des conditions de travail du personnel, confronté à des usagers chez lesquels les problèmes de santé et les problèmes sociaux sont parfois très étroitement intriqués –, menace les équilibres existants.

Pourquoi imposer une réforme de plus, après tant d’autres, alors qu’au fil du temps un équilibre a été trouvé au sein des conseils d’administration, les élus locaux, notamment les maires, les usagers, les médecins choisis, issus de la commission médicale d’établissement, les personnels, soignants ou non, dialoguant avec l’administration, avec les représentants de l’Agence régionale de l’hospitalisation, qui sera demain l’Agence régionale de santé et de l’autonomie ?

Pensez-vous sérieusement qu’au sein des conseils d’administration coexisteraient des gestionnaires rigoureux et des idéalistes inconséquents ? Pensez-vous que les membres des conseils d’administration n’ont pas compris depuis longtemps qu’il ne fallait pas confondre rationalisation et rationnement, équilibre budgétaire et logique de profit ?

C’est par la confrontation des points de vue au sein des conseils d’administration qu’ont pu être rapidement mis en évidence les effets pervers de la tarification à l’activité, qui avait pourtant été présentée comme une panacée. Vous en êtes d’ailleurs convenue, madame la ministre, et le financement des missions d’intérêt général, comme le report de la convergence des tarifs entre l’hôpital public et les cliniques privées, en témoigne.

Aucun système n’est bon ou mauvais en soi ; il faut du temps pour mesurer les effets pervers. Cela a été le cas pour la dotation globale, qui constituait des effets de rente pour les établissements les moins innovants et les moins créatifs,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tout à fait !

Mme Dominique Voynet. ... sans rémunérer les efforts d’établissements qui entendaient apporter des réponses adaptées aux connaissances et à la complexité des besoins sanitaires des populations.

Aujourd'hui, on refuse de voir les effets pervers de la tarification à l’activité.

D’abord, les établissements privés et l’hôpital public ne pratiquent pas la même médecine. Ce ne sont pas les mêmes actes, ce ne sont pas les mêmes patients, ce n’est pas la même organisation. Ce n’est pas la même chose d’accueillir, sur la base d’une chirurgie réglée, un patient en bonne santé pour une opération de la myopie et un patient en urgence pour un décollement de rétine au cours d’un week-end estival, quand les effectifs sont réduits.

Il est vrai qu’il est bien plus facile d’atteindre l’équilibre budgétaire, voire de dégager des bénéfices, quand on gère un établissement spécialisé équipé pour réaliser quarante ou cinquante actes, toujours les mêmes, avec une équipe aux compétences ciblées, une clientèle triée sur le volet, que lorsqu’on accueille tous les patients, sans exception, en offrant une diversité de compétences, de matériels biomédicaux, de produits pharmaceutiques, une permanence des soins, souvent très spécialisés, et non la prise en charge d’une seule pathologie ou le traitement d’un seul organe.

Ensuite, l’effet inflationniste de la T2A doit être souligné. Même si l’on n’ose pas le dire dans cet hémicycle, la tentation sera grande de multiplier les examens et les actes invasifs, mieux pris en compte que les soins de nursing ou les conseils hygiéno-diététiques.

Je suis peut-être en décalage avec certains de mes collègues sur ce point, mais force est de constater que, depuis bien longtemps, des missions de service public sont assurées par des établissements de santé privés, sur la base de référentiels précis relatifs à la qualification des personnels et à la qualité des soins. Les coopérations entre établissements publics et privés sont devenues la règle dans bien des domaines. Toutes ne sont pas mues par la seule logique du profit ; certaines sont fondées sur une logique citoyenne, voire militante, et résultent du travail d’associations qui ont fait évoluer les pratiques du monde hospitalier ; je pense à l’accompagnement de la naissance ou à la prise en charge des patients atteints de maladies de longue durée, comme le diabète ou le VIH.

Je ne suis pas hostile à l’idée d’un contrat précisant les obligations des uns et des autres et la façon dont ils devront prendre part aux missions de service public à l’échelle d’un territoire de santé. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les questions posées n’ont reçu aucune réponse. Qui fait quoi ? Dans quelles conditions ? Comment éviter les abus ? Le texte n’est pas « bavard » en la matière ! Et le fait que l’on n’ose même pas demander à un établissement privé d’avoir un volume suffisant d’activités au tarif conventionnel du secteur 1 sans dépassement n’est pas de bon augure pour ce qui concerne le rapport de force et le niveau d’exigence que l’on pourrait avoir à l’égard de tous les établissements privés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon un certain nombre des orateurs qui viennent d’intervenir, l’hôpital accueillerait très mal les patients qui s’y présentent.

M. Guy Fischer. Personne n’a dit cela !

M. François Autain. Vous caricaturez nos propos !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je veux en cet instant répéter ce que nous avons dit hier : l’hôpital n’a pas à s’excuser d’être ce qu’il est, à savoir l’un des plus hauts lieux de la médecine. Il accueille celles et ceux que l’on ne veut pas ailleurs ! Il suffirait que la séance de ce soir ait lieu aux urgences de l’hôpital Lariboisière pour le constater.

M. François Autain. Ce n’est pas acceptable !

Mme Marie-Thérèse Hermange. M. Hue doit savoir que, sans une politique de dialogue et de restructuration, la maternité des Bluets, située à Paris, n’aurait jamais été sauvée.

Cependant, la désertification des territoires engendre effectivement des difficultés d’accès aux soins. L’objet du présent projet de loi est justement de coordonner tous les secteurs et tous les acteurs, afin d’optimiser au mieux les services rendus et de toujours mieux assurer les missions des établissements de santé. Madame la ministre, nous vous faisons confiance.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Nous faisons également confiance aux débats qui vont se dérouler pour améliorer le projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord vous rappeler le sens de l’article 1er, afin de répondre avec précision à vos nombreuses interventions. J’évoquerai ensuite le cas de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge, puisque celui-ci a été abordé.

L’article 1er, extrêmement important, concerne les missions des établissements de santé et tend à les définir. Il était primordial qu’un seul article du code de la santé publique réunisse l’ensemble des dispositions relatives à ces missions. Ces dernières sont étendues pour prendre en compte la complexité du parcours de soins assurant une bonne prise en charge des patients.

Il faut également reconnaître la diversité des modalités de cette prise en charge. Ainsi, l’hospitalisation à domicile sera désormais considérée non plus comme une alternative à l’hospitalisation, mais comme une hospitalisation au sens strict, à laquelle s’imposent toutes les obligations des établissements de santé.

Certains modes de prise en charge, comme la chirurgie ambulatoire, traitant de cas extrêmement lourds dans un temps très court, la durée du séjour ne sera plus un critère d’appréciation significatif.

Enfin, la prise en charge des patients ne s’arrête pas à l’hôpital : les établissements de santé devront s’impliquer encore mieux et encore plus dans la coordination des soins, sous la responsabilité des agences régionales de santé.

Par ailleurs, et c’est un point également fondamental, les missions de service public peuvent être partagées par tous les établissements. La définition de ces missions est clarifiée. Ce sont les besoins de la population qui devront déterminer leur attribution, et non le statut de l’établissement.

Je vous citerai la courte liste des obligations de service public : la permanence des soins, l’accueil des urgences, la formation, la recherche, l’accueil des personnes en situation de précarité, la prise en charge des soins palliatifs. Par définition, les établissements publics et les établissements de santé privés d’intérêt collectif – les anciens établissements PSPH – exercent et continueront d’exercer ces missions.

Mais si vous l’acceptez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces missions de service public seront désormais attribuées sur la base de l’organisation territoriale définie par l’ARS, dans le cadre du schéma régional de l’organisation des soins. Par exemple, en cas d’absence d’offre publique ou s’il est pertinent de mobiliser, dans l’intérêt des patients, une compétence d’excellence, pour une activité donnée, qui n’existe sur le territoire que dans un établissement privé, cette activité pourra être confiée à cet établissement par l’agence régionale de santé.

Cette mesure a pour objet d’offrir à la population, sur l’ensemble du territoire, un accès à des soins hospitaliers, ainsi que la permanence des soins dans les activités qui le nécessitent, quels que soient le statut des établissements et l’historique de leur répartition.

Certains d’entre vous ont vu dans cette disposition le démantèlement du service public. Pour ma part, je n’y vois que le renforcement des droits des citoyens à bénéficier d’un véritable service public de santé.

Bien évidemment, les missions de service public sont assorties de contreparties. Elles sont identifiées dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu entre l’ARS et l’établissement et font l’objet d’un encadrement renforcé. Elles sont assorties d’obligations particulières, notamment pour les établissements privés : une obligation d’accueil et d’orientation de tous les patients, l’application de tarifs conventionnés sans dépassement pour l’ensemble de la prise en charge des patients accueillis en urgence ou au titre de l’une de ces missions de service public. Ces dernières peuvent aussi donner lieu à une rémunération spécifique, qui en est la juste contrepartie.

Les missions d’enseignement et de recherche qui pourraient être confiées à un établissement privé le seraient sous le contrôle des centres hospitaliers et universitaires, dans le cadre d’une convention spécifique.

La définition des missions des établissements de santé esquisse le nouveau paysage, à savoir une offre de soins complète, mobilisant toutes les compétences au service de la population dans un territoire.

Il est créé, dans le projet de loi, une qualification d’« établissement de santé privé d’intérêt collectif », ou ESPIC ; comme j’ai pu le constater lors d’un congrès, l’ensemble du secteur s’est approprié cette nouvelle dénomination.

M. François Autain. Ce n’est pas grâce à vous !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les établissements privés qui assurent déjà des missions de service public et remplissent les obligations qui leur sont attachées ont toute leur place et pourront continuer à exercer ces missions ; je pense particulièrement aux centres de lutte contre le cancer. Ces établissements seront tenus de respecter les obligations d’accueil et d’orientation de tous les patients, ainsi que d’appliquer des tarifs conventionnés.

Toujours dans l’optique de garantir l’accès aux soins le plus juste, l’article 1er vise à redéfinir la place des centres de santé – il en existe 1 457 en France –, qui contribuent à l’offre de soins de proximité, très souvent en milieu urbain, dans le cadre d’un exercice en majorité pluridisciplinaire et salarié.

Le cadre juridique des centres de santé était obsolète. Le projet de loi tend à réaffirmer la place de ceux-ci dans l’offre de soins de proximité et à moderniser leur mode de fonctionnement. Bien entendu, toutes ces mesures ont été élaborées en coordination avec les acteurs de ces centres de santé.

Les travaux de la commission ont été très fructueux et ont donné à l’article 1er une clarté rédactionnelle. D’une manière générale, les précisions apportées recueillent l’assentiment du Gouvernement.

Les missions de service public mentionnées dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens d’un établissement privé s’imposent également aux professionnels libéraux qui y exercent leurs compétences. À l’évidence, ces missions ne pourraient être assurées sans l’assentiment et le concours des praticiens. C’est pourquoi j’ai proposé un amendement, qui a recueilli l’avis favorable de la commission.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les précisions que je voulais vous apporter sur ce très important article 1er, afin de répondre, de façon complète, à un certain nombre d’interrogations.

Je souhaite maintenant revenir plus précisément sur le cas de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge. La délibération du conseil d’administration de cet établissement sur le projet médical a été annulée par le tribunal administratif pour une question non pas de fond, la date de fermeture des services ayant été acceptée, mais de forme, le maire s’étant fait remplacer lors de la délibération.

Je souhaite revenir sur le fond de la décision. L’hôpital de Juvisy-sur-Orge dessert une population fragile. Il joue donc un rôle social important. J’ai voulu renforcer le service des urgences, l’offre de soins en médecine et en soins de suite. Une restructuration était nécessaire : elle comprend la fermeture des activités de chirurgie et de maternité et l’augmentation de la capacité d’intervention dans les secteurs précités.

Cela résulte d’un choix non pas de l’administration sanitaire, mais de la communauté médicale de l’établissement concerné, j’y insiste. Vous avez-vous-même indiqué que la communauté médicale devait participer au projet médical de l’établissement. C’est chose faite !

Pourquoi la communauté médicale a-t-elle pris cette décision ? Tout simplement parce que l’hôpital de Juvisy-sur-Orge n’a accueilli, en 2007, que 3,3 % des séjours de plus de quarante-huit heures des patients résidant sur son territoire de santé. De plus, 80 % des parturientes de cette commune et des villes situées à proximité, notamment de Grigny, recourent aux services des autres établissements publics proches : l’hôpital de Longjumeau, le centre hospitalier sud francilien, l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges.

Très sagement, la communauté médicale a préféré se concentrer sur des activités pour lesquelles elle offre un service de qualité aux patients, les moyens étant, de surcroît, renforcés. Elle a donc jugé préférable de réorganiser l’offre de soins. Les habitants de Juvisy-sur-Orge avaient depuis longtemps fait leur choix et avaient, si je puis dire, voté avec leurs pieds !