Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi de M. Daniel Raoul relative au développement des sociétés publiques locales n’est pas la seule initiative parlementaire qui traite de ce sujet puisque votre collègue M. Jean-Léonce Dupont et M. Jean-Pierre Schosteck, député, ont également déposé des propositions de loi rédigées en termes comparables.

Cette convergence d’initiatives entre les deux assemblées et entre différents groupes politiques, appartenant à la majorité à l’opposition, démontre s’il en est besoin la volonté du Parlement de proposer des outils nouveaux aux collectivités locales. Le Gouvernement ne peut évidemment que s’en réjouir.

Les collectivités assurant plus des deux tiers de l’investissement public dans notre pays, elles jouent évidemment, particulièrement dans la période de crise que nous traversons, un rôle majeur. Il est donc essentiel de soutenir leur action et de leur permettre d’agir dans un cadre juridique sûr et efficace.

L’adoption de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a permis, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de créer des sociétés publiques locales d’aménagement dont ils détiennent l’intégralité du capital.

Ces sociétés sont compétentes pour conduire des opérations d’aménagement, au sens du code de l’urbanisme. À ce jour, selon mes sources, six de ces sociétés ont été créées et une dizaine est en cours de constitution. J’ai bien entendu, monsieur le rapporteur, que vous faisiez état de sept SPLA créées : c’est sans doute que l’une de celles qui était en cours de constitution a été formée entre le moment où j’ai recueilli des informations et celui où vous vous avez établi votre rapport.

Les différentes initiatives parlementaires tendent à aller plus loin, d’une part, en pérennisant les sociétés publiques locales d’aménagement, et surtout, d’autre part, en créant des sociétés publiques locales, aux compétences élargies.

Dans cet esprit, le Gouvernement est favorable aux simplifications et allégements de procédures ainsi qu’au développement de l’économie mixte, mais il doit aussi – j’ai cru comprendre que tel était aussi le sentiment de l’auteur de cette proposition de loi – s’assurer de la fiabilité du cadre juridique proposé aux collectivités. C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, je défendrai plusieurs amendements en ce sens.

Différents textes adoptés récemment tendent à alléger les procédures et à simplifier le cadre juridique dans lequel évoluent les collectivités locales.

Ainsi, la création des contrats de partenariat entre le public et le privé permet de faire émerger les projets des collectivités et de trouver les financements nécessaires à leur réalisation.

Les décrets du 19 décembre 2008 visant à relever les seuils des procédures formalisées pour les marchés de travaux ainsi que ceux qui sont relatifs aux dispenses de publicité et de mise en concurrence offrent plus de réactivité et de souplesse aux élus locaux, dans le respect des normes européennes.

Enfin, l’adoption de la loi du 17 février dernier sur l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés permet au conseil municipal, par exemple, d’accorder une délégation au maire concernant les marchés quel qu’en soit le montant.

Toutes ces mesures de simplification vont dans le bon sens.

Je ne veux pas dresser ici un catalogue exhaustif, mais personne ne peut nier que, dans bon nombre de domaines, le recours à des montages juridiques associant initiatives publiques et initiatives privées permet de réaliser des opérations de grande envergure. Je pourrais donner l’exemple, pour en être l’un des praticiens, de la rénovation urbaine, indispensable à nos villes et à leurs habitants, qui fait appel à des fonds publics, mais aussi à des interventions privées.

De la même manière, la réalisation et la gestion d’un nombre non négligeable de services publics à caractère industriel et commercial sont possibles grâce à l’intervention combinée des collectivités territoriales et de la sphère privée.

Il ne fait aucun doute que, demain, le recours à des systèmes mixtes sera très utile pour mettre en œuvre la grande ambition du Grenelle de l’environnement, qui doit amener un certain nombre de collectivités à prendre des décisions d’ampleur.

Il est important que les collectivités puissent recourir, selon leurs besoins et selon leurs moyens, à des procédures et à des opérateurs différents : délégation de service public, régie, société d’économie mixte, société publique locale d’aménagement et, demain, société publique locale. La palette doit être large, clarifiée et aussi simple que possible d’utilisation, pour permettre à chacun d’y trouver l’instrument dont il a besoin.

Nous devons évidemment offrir un cadre juridique fiable aux collectivités locales ; à défaut, ce sont leurs procédures qui risqueraient d’être annulées par le juge, avec toutes les conséquences tant financières qu’humaines qui en découlent.

Je ne voudrais pas être un oiseau de mauvais augure en refaisant l’historique du dossier concernant les concessions d’aménagement, mais il constitue une bonne illustration de ce qu’il convient désormais d’éviter. Tous, vous savez les fragilités juridiques de cette procédure. De nombreuses conventions antérieures à la loi du 30 juillet 2005 pourraient être requalifiées en marchés publics de travaux par le juge administratif à la suite de la question préjudicielle transmise à la Cour de justice des communautés européennes.

Le Gouvernement a donc déposé plusieurs amendements permettant d’éviter ces écueils, de simplifier les dispositifs et surtout de s’assurer de la compatibilité de la proposition de loi avec les exigences communautaires.

À l’instar des sociétés publiques locales d’aménagement, les futures SPL doivent bien entendu exercer leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires. Cela a été dit et est, semble-t-il, accepté par tous. Le Gouvernement a déposé un amendement de précision en ce sens.

Par ailleurs, ainsi que vous le savez, la jurisprudence communautaire exige que le contrôle opéré par l’autorité publique soit analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services. À défaut, le juge communautaire estime que le lien de type in house entre la personne publique et la société est rompu.

Je vous proposerai donc d’adopter un amendement qui vise à offrir la possibilité aux seules collectivités et à leurs groupements de créer des SPL mais à exclure la présence d’établissements publics parmi les actionnaires de la société. Je remercie M. le rapporteur de son ouverture sur cette question : cette attitude amènera sans doute le Gouvernement à faire preuve lui-même d’ouverture en ce qui concerne l’amendement n° 3, sur lequel nous divergeons. Pour que la coproduction soit parfaite, nous essaierons chacun de faire un pas vers l’autre, de manière que les souhaits de la commission et de l’auteur de la proposition de loi soient satisfaits.

Par ailleurs, je suis conduit à appeler l’attention de la Haute Assemblée sur une ouverture trop large du champ de compétences des SPL. La loi n’empêchera pas que des contentieux soient introduits par des sociétés privées aujourd’hui prestataires des collectivités territoriales après publicité et mise en concurrence. Il serait donc hasardeux de ne pas limiter le champ d’intervention des SPL, si ce n’est aux seules missions des services publics à caractère industriel et commercial et aux activités d’intérêt général.

L’absence de soumission aux règles de publicité et de concurrence, dans le cadre du in house, n’est jamais qu’une dérogation, et le juge administratif, s’il est saisi, devra se prononcer au cas par cas sur la qualité des actionnaires et le champ d’intervention de la société.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage votre ambition : aider nos collectivités territoriales à réaliser dans les meilleures conditions de rapidité, de simplicité et de transparence leurs projets, au bénéfice non seulement de leurs habitants, mais aussi de toute l’économie de notre pays. Le Gouvernement est donc soucieux de supprimer procédures et formalismes inutiles.

Toutefois, il nous appartient aussi de donner des repères et de nous assurer de la fiabilité du cadre juridique sur lequel seront fondés les projets locaux.

C’est ainsi que, j’en suis sûr, nous saurons concilier, au cours du débat qui va s’ouvrir, le dynamisme et l’innovation dont savent faire preuve les élus locaux, la confiance que nous avons dans nos collectivités territoriales, mais aussi la sécurité juridique que nous leur devons. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, grâce à la contribution brillante des orateurs précédents, chacun connaît désormais le contexte.

En premier lieu, la Commission européenne a remis en cause les conventions publiques d’aménagement, ce qui nous a conduits à adopter la loi du 20 juillet 2005 – dont j’ai d’ailleurs eu l’honneur d’être le rapporteur ici même – relative aux concessions d’aménagement organisant une procédure de mise en concurrence de ces contrats.

En second lieu, le fameux arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005, déjà cité, définit bien ce qu’est une entité in house.

Les sociétés d’économie mixte sont exclues du dispositif in house justement parce qu’elles ont des actionnaires privés ; d’où la nécessité d’apporter une réponse.

Une première réponse a été apportée avec la création, par la loi du 13 juillet 2006, des sociétés publiques locales d’aménagement, les SPLA.

Aujourd’hui, M. Daniel Raoul a l’excellente idée de nous proposer un nouvel outil, qui va s’ajouter aux SPLA, et nous tenons à l’en remercier.

M. Roland Courteau. Et à le féliciter !

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

Je lui ai demandé voilà un instant s’il n’aurait pas été possible de fusionner les deux outils. Il m’a répondu, à juste titre, qu’il était préférable, d’un point de vue pragmatique, de conserver les deux. En effet, les SPLA répondent à des besoins et plusieurs sont en cours de création. Le champ des SPLA va, par la présente proposition de loi, être élargi à tout ce qui concerne l’aménagement de manière exhaustive, y compris les acquisitions, de sorte qu’elles seront le « bras séculier », si je puis dire, des collectivités locales, un prolongement d’elles-mêmes, un outil qu’elles se sont donné à elles-mêmes dans le respect de leur identité.

On peut considérer que, avec ces dispositifs, nous offrons à nos collectivités des instruments diversifiés, souples et adaptés, conformément à leur attente.

Je veux maintenant dire en quelques mots notre profond attachement au principe de la concurrence.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué les partenariats public-privé. Vous le savez, en cette matière, nous avons toujours exercé une grande vigilance, non que nous soyons contre ces partenariats – nous pensons même qu’il est bon que cet outil existe –, mais parce que nous sommes très respectueux des décisions du Conseil constitutionnel. Et celles-ci s’appliquent à toutes les autorités publiques, aussi bien au Gouvernement, qu’au Parlement ou aux collectivités locales.

Le recours au partenariat public-privé doit avoir lieu dans des circonstances précises, exceptionnelles, liées à l’urgence ou la complexité d’un projet. Nous sommes donc opposés à sa généralisation, car, comme l’a d’ailleurs affirmé le Conseil constitutionnel, cela porterait atteinte à l’égal accès à la commande publique. On voit bien ce que ce principe emporte comme conséquences pour les PME, les artisans du bâtiment ou les entreprises de second œuvre de notre pays.

M. Jean-Pierre Sueur. Si l’on veut qu’il y ait en France trois ou quatre grands groupes dominants et, à côté, de petites entreprises obligées de passer sous leurs fourches caudines, généralisons les PPP ! En revanche, si l’on veut respecter la concurrence, conservons la grande pluralité de nos procédures et les règles de passation des marchés publics, qui sont extrêmement précieuses.

Je tenais à apporter ces précisions pour montrer que, s’il est favorable à cette proposition de loi, notre groupe ne cherche pas pour autant à restreindre la concurrence. Celle-ci est nécessaire dans une société ouverte et démocratique, dans une société dynamique et innovante.

À cet égard, le rapport de M. Mézard est excellent et nous apprend beaucoup. La liste qu’il a établie permet de constater que la plupart des pays européens autorisent les collectivités locales à détenir en totalité des sociétés in house, ce qui leur permet d’agir sans concurrence. Dans ce contexte européen, refuser de se doter d’un outil de ce genre reviendrait à désavantager la France et nos entreprises.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes donc favorables à la création de ces sociétés, à condition qu’elles exercent leur activité dans le strict prolongement de l’action des collectivités locales. Cela n’enlève donc rien au fait que nous restons attachés à une concurrence juste et équitable.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Enfin, je voudrais émettre un vœu.

Je souhaite ardemment que les deux outils offerts aux collectivités locales, en plus des SEM et des autres procédures existantes, apportent plus de souplesse et d’efficacité à ce qu’on appelle la politique de la ville, qui, pour nous, est indissociable de la politique du développement urbain.

On sait combien il est nécessaire de « refaire » des villes, de réhabiliter des quartiers, et on sait aussi à quel point c’est difficile. L’expérience nous montre que, si l’on veut mettre fin à la ville de la discrimination, à la ville marquée par les quartiers en difficulté, il faut rompre avec l’illusion selon laquelle on doit se contenter d’agir sur ces quartiers-là. C’est la ville dans son ensemble qu’il faut repenser, avec des opérations d’aménagement promouvant à la fois la mixité sociale et la mixité fonctionnelle.

Dans le même ordre d’idée, je voudrais évoquer un autre problème très délicat, celui des entrées de ville.

Toutes nos villes sont magnifiques. Or, si l’on cherchait jadis à magnifier les portes de la cité, pendant quatre ou cinq décennies, on a laissé faire n’importe quoi à l’orée des villes. Les routes nationales sont ainsi « agrémentées », dirai-je par dérision, de collections de pancartes et de parallélépipèdes, de blocs, de cubes mêlant tôles ondulées et plastiques aux couleurs criardes, et qui ont pour caractéristique d’être partout les mêmes, de Dunkerque à Perpignan, de Quimper à Strasbourg, en passant par Boulogne-Billancourt. Cette uniformité désolante, affligeante même, n’est bonne ni pour l’image de notre pays ni pour l’attachement que devraient éprouver ses habitants pour les paysages, tous les paysages qui les environnent.

Si nous voulons que cette situation change, nous devons y consacrer beaucoup de moyens et nous servir d’outils d’urbanisme adaptés à l’activité et au paysage. En fait, nous avons besoin que soient menées des opérations d’aménagement au sens plein et entier du terme.

J’émets donc le vœu que les SPL et les SPLA, enfin créées ou rénovées grâce à cette proposition de loi, nous permettent d’aller dans le sens d’un urbanisme plus conforme aux espoirs que nous plaçons en notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.

M. Jean-Léonce Dupont. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, historiquement, la réalisation d’infrastructures publiques dans le cadre d’un partenariat entre autorités publiques et personnes privées a eu cours dès l’Ancien régime. C’est ainsi, par exemple, que fut construit, au xviie siècle, le canal du Midi. Mais c’est au xxe siècle, notamment avec les lois de décentralisation, que la création de nouvelles formes de coopération entre les personnes publiques et les personnes privées connut un véritable essor.

Désormais, les partenariats public-privé recouvrent une gamme de solutions juridiques visant à faciliter cette coopération. Cependant, en raison de la raréfaction du crédit, mais également de la complexité juridique de ces montages, ceux-ci peinent à se développer.

Les sociétés d’économie mixte pourraient constituer un levier puissant de développement des PPP, puisque la loi fait obligation aux collectivités territoriales de s’associer en leur sein à des partenaires privés. Cependant, les conditions particulièrement restrictives qu’elle impose à cette coopération freinent leur lancement. Je reviendrai ultérieurement sur ce sujet en formulant une proposition pour lever ces freins.

Dans ce contexte, les collectivités locales, dont la libre administration et l’autonomie financière sont reconnues comme ayant valeur constitutionnelle, doivent disposer en contrepartie de tous les outils – je dis bien : « tous » les outils – adéquats à la réalisation de leurs missions pour leur permettre de faire face à leurs besoins toujours croissants.

C’est dans cet état d’esprit qu’un premier pas a été franchi en 2006 : le Parlement a prévu la création, à titre expérimental, des sociétés publiques locales d’aménagement, nouveau dispositif permettant de résoudre les difficultés liées à la jurisprudence communautaire quant aux limites du in house.

Une SPLA peut donc être constituée par les collectivités territoriales et leurs groupements, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, lesdites collectivités détenant la totalité du capital. Aujourd’hui, sept SPLA ont été créées et une quarantaine de projets sont étudiés ou en cours de constitution. Cependant, il semble que nos statistiques sur ce point ne soient pas toutes identiques, mes chers collègues. Mais on sait qu’il existe deux types de mensonges : les mensonges et les statistiques. (Sourires.)

Ces sociétés ne sont compétentes que pour réaliser des opérations d’aménagement. Il est évident que la gestion d’un service public sous la forme d’une société anonyme détenue par les collectivités territoriales offrirait à celles-ci des avantages indéniables en termes d’efficacité, de réactivité et de sécurité, avantages dont les solutions juridiques disponibles, établissement public ou association du type loi de 1901, sont dépourvues.

Or il est des domaines d’activités autres que l’aménagement où l’existence de sociétés à 100 % publiques présenterait le même intérêt que les SPLA. En effet, nombre de sociétés d’économie mixte ne travaillent que pour leurs collectivités actionnaires, pour le compte desquelles elles exploitent un service ou un équipement public. Il convient donc d’étendre ce dispositif à d’autres domaines d’activités que l’aménagement afin que les élus locaux puissent avoir à leur disposition, dans tous les domaines de compétence visés par la loi, l’outil leur permettant d’appliquer pleinement le droit communautaire ainsi que le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Tel est l’objet de la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui, ainsi que de celle que j’avais déposée avec un certain nombre de mes collègues en décembre dernier, comme l’a rappelé M. le rapporteur. Voter ce texte constituera donc un second pas dans la diversification des moyens à la disposition des collectivités.

Dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales ne viendront cependant pas se substituer aux sociétés d’économie mixte, dont le statut conservera toute son attractivité dès lors que des collectivités territoriales veulent s’associer à des partenaires privés pour entreprendre en commun des projets d’intérêt général.

Il convient de souligner que les sociétés publiques locales seront assujetties aux règles du code général des collectivités territoriales propres aux SEM, qu’il s’agisse des contrôles auxquelles celles-ci sont soumises – et ils sont nombreux : chambre régionale des comptes, commissariat aux comptes… – ou des dispositions visant à assurer la sécurité juridique des élus administrateurs de SEM, notamment au regard de leur responsabilité civile.

Je ne peux donc que vous inciter, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi, en espérant que l’Assemblée nationale fera de même dans les meilleurs délais.

Outre cette proposition de loi, que je considère comme une avancée certaine, je voudrais dès aujourd’hui soumettre à votre réflexion la possibilité de créer à terme des SEM à capitaux publics minoritaires.

En 1926, les décrets-lois Poincaré ont autorisé les collectivités territoriales à constituer des SEM, tout en limitant leur participation à 40 % dans le but de préserver l’épargne publique. Ce texte fondateur a donné naissance à des partenariats public-privé fructueux et durables en favorisant une implication réelle du partenaire privé dans le management des SEM.

Dans le sillage des premières lois de décentralisation, la loi du 7 juillet 1983, tout en alignant les SEM sur le droit des sociétés commerciales, a établi la prééminence des collectivités territoriales dans leur gestion en les obligeant à être majoritaires au capital des SEM nouvellement créées, la participation des autres actionnaires étant au minimum de 20 %. Mais cette répartition du capital ne répond à aucune justification économique.

Aujourd’hui, le contexte a profondément évolué. L’intégration européenne a mis en lumière, cher collègue Jean-Pierre Sueur, le fait que, dans la quasi-totalité des pays de l’Union européenne, la composition du capital des SEM n’est soumise à d’autres contraintes que celles du droit des sociétés. Dans toute l’Europe, le co-investissement public-privé apparaît comme un levier pour répondre à un large éventail de besoins collectifs.

La crise économique presse les acteurs publics et privés de rechercher des voies nouvelles et sûres, permettant de créer des partenariats de long terme au service de l’intérêt général.

Dès lors, il semble opportun de réfléchir à un assouplissement des règles de répartition du capital entre actionnaires publics et privés dans les SEM.

Une telle réforme devrait être mise en œuvre dans l’optique d’un retour aux sources de l’économie mixte et, par conséquent, à l’esprit de la loi de 1983, dont l’exposé des motifs, rappelons-le, posait un principe essentiel : « S’agissant de sociétés auxquelles les collectivités confient des tâches de leur compétence dans le respect de l’intérêt général, il est normal qu’elles soient à même d’exercer un contrôle de la gestion et qu’elles veillent au respect de l’objet initial. » Ce principe doit être sauvegardé.

Dans cet esprit, la proposition de loi que je compte déposer visera à maintenir la prééminence des collectivités territoriales, garantes de l’intérêt général, en leur assurant dans tous les cas, par la minorité de blocage, le contrôle effectif des décisions relevant de l’assemblée générale extraordinaire, en particulier toute modification de l’objet social.

Les SEM à capitaux publics minoritaires resteront naturellement soumises aux obligations de communication spécialement imposées aux SEM, de même qu’au double contrôle du préfet et de la chambre régionale des comptes.

Cette liberté d’action offerte, et non imposée – ce sont les acteurs territoriaux qui décideront –, aux collectivités territoriales permettra une accélération rapide et durable des programmes d’investissement locaux.

Un tel assouplissement, assorti de garanties de contrôle public, dotera les collectivités territoriales de moyens d’action renforcés pour développer les territoires.

D’abord, cela stimulera les co-investissements dans des domaines où des besoins collectifs ont émergé ces dernières années, comme les énergies renouvelables, la valorisation des déchets ou les infrastructures numériques.

Ensuite, cela facilitera les opérations d’aménagement et de renouvellement urbain, de réalisation d’équipements en mandat ou à l’aide de montages complexes – baux emphytéotiques administratifs, ou BEA, et contrats de partenariat – ou de construction d’immobilier d’entreprise.

Enfin, cela encouragera la participation des SEM immobilières à la relance de la production de logements sociaux et intermédiaires.

Je conclurai en rappelant un chiffre. En 2008, dans leur ensemble, les collectivités territoriales ont réalisé près de 73 % de l’investissement public. Aussi, dans le contexte de la crise économique, donner aux élus locaux les moyens d’accélérer leurs programmes d’investissement revêt une importance décisive. Toute mesure en ce sens est donc, me semble-t-il, à encourager. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, de lUMP et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est pas la première tentative pour mettre nos pratiques d’aménagement en conformité avec la jurisprudence européenne.

Par le passé, nos collègues communistes et socialistes de l’Assemblée nationale ont déjà tenté de rétablir le droit pour les collectivités locales de bénéficier du régime « in house », qui prévalait autrefois dans les projets d’aménagement.

En effet, depuis le début des années 2000, la Commission européenne a remis en cause les contrats de mandat passés entre les personnes publiques et les sociétés d’économie mixte, en critiquant la loi du 12 juillet 1985 relative à la maitrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée et en déclarant contraire aux directives communautaires certaines de ses dispositions. Selon la Commission, ces contrats de mandat devaient respecter une procédure préalable de publicité et de mise en concurrence, étant assimilés à des prestations de service de droit commun.

Toujours prompte à appliquer les sacro-saintes règles de la concurrence partout où elle le peut, la Commission européenne a, de fait, limité considérablement le champ des possibles pour les collectivités locales, désormais obligées de passer par les règles du marché et de l’appel d’offres, quand bien même elles disposeraient d’une SEM au sein de laquelle elles seraient supra-majoritaires et qui ne travaillerait que pour les collectivités actionnaires.

C’est donc pour se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne qu’ont été créées les sociétés locales publiques d’aménagement, les SPLA, par loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement. Force est de le constater, trois ans plus tard, le résultat est plus que mitigé. Du fait de la complexité de leurs règles de création et de leur champ d’action très limité, ces SPLA n’ont pas su occuper la place laissée vacante par les SEM.

Désormais, les élus locaux souhaitent donc de nouveaux outils pour développer leurs territoires. En effet, il est des domaines d’activités autres que l’aménagement où l’existence de sociétés 100 % publiques présenterait le même intérêt que les SPLA. Nombre de sociétés d’économie mixte ne travaillent que pour leurs collectivités actionnaires, pour le compte desquelles elles exploitent un service ou un équipement publics. Il en va ainsi dans les domaines de la construction et de la gestion de logements, de l’eau et de l’assainissement, du stationnement ou des transports. Il convient de noter que le règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route définit la notion d’« opérateur interne » de la manière suivante : « une entité juridiquement distincte sur laquelle l’autorité locale compétente ou, dans le cas d’un groupement d’autorités, au moins une autorité locale compétente, exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services ».

De nombreuses SEM agissant dans ces secteurs correspondent bien à une telle définition.

Il convient donc d’étendre le dispositif à d’autres domaines d’activités que l’aménagement, afin que les élus locaux puissent avoir à leur disposition, dans tous les domaines de compétence visés par la loi, l’outil leur permettant d’appliquer pleinement le droit communautaire et le principe de libre administration des collectivités territoriales.

À cela, il faut ajouter que la gestion d’un service public sous la forme d’une société anonyme détenue par les collectivités territoriales offrirait à celles-ci des avantages indéniables en termes d’efficacité, de réactivité et de sécurité, avantages dont les solutions juridiques disponibles, comme la création d’un établissement public ou d’une association loi 1901, sont dépourvues.

Enfin, le texte proposé tire les enseignements pratiques de l’expérimentation des sociétés publiques locales dans le domaine de l’aménagement, en permettant aux collectivités territoriales de déroger au code de commerce qui impose, s’agissant des sociétés anonymes, un minimum de sept actionnaires. Cette obligation peut se heurter à des difficultés réelles lorsque la société a pour objet la réalisation d’un projet ou la gestion d’un équipement intéressant un nombre inférieur de partenaires publics.

Cependant, même si elles sont dotées de compétences élargies et renforcées, les sociétés publiques locales ne viendront pas se substituer aux sociétés d’économie mixte, dont le statut conservera toute son attractivité dès lors que des collectivités territoriales voudront s’associer à des partenaires privés pour entreprendre en commun des projets d’intérêt général.

En somme, cette proposition de loi a pour objet d’adapter les SEM à la législation européenne pour qu’elles puissent continuer leur activité comme elles le faisaient auparavant. Cela permettra d’offrir à nouveau aux collectivités locales la possibilité de mener à bien leurs politiques d’aménagement.

Dès lors, nous ne pouvons qu’accorder notre crédit à cette proposition de loi. Nous avons donc décidé de voter en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)