installation de défibrillateurs

M. le président. La parole est à M. Alex Türk.

M. Alex Türk. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.

Depuis trois ans, avec ma collègue Sylvie Desmarescaux, nous avons pris l’initiative de développer, dans le département du Nord, un projet d’installation de défibrillateurs cardiaques dans les communes. Nous menons ce projet en liaison avec les maires, et nous fêterons dans quelques jours l’installation du millième appareil, dans un territoire qui compte un peu moins de 400 communes.

Vous connaissez cette initiative, madame la ministre, puisque vous êtes venue dans notre département, voilà un an et demi environ, pour lancer le plan de développement de ces appareils dans le milieu sportif.

Si tout se passe bien dans l’ensemble, nous rencontrons cependant deux difficultés.

Tout d’abord, l’article 1er du décret du 4 mai 2007, qui libéralise l’usage du défibrillateur, n’est pas encore totalement appliqué, notamment s’agissant de deux dispositions très importantes.

La première concerne la localisation en amont des appareils, qui permet aux pompiers et aux services de secours du SAMU, dans les situations d’urgence, de gagner un temps précieux en se rendant directement sur les lieux.

La seconde mesure concerne la collecte des informations sur la survenance de ce type d’accidents et l’usage de l’appareil, ce qui doit permettre aux chercheurs de développer des études épidémiologiques afin de mieux comprendre les causes de cette affection, la défibrillation cardiaque, et favoriser la mise en place d’une véritable politique de prévention.

Aujourd’hui, comme vous le savez, nous nous heurtons à une vraie difficulté puisque le dispositif n’est pas encore en place. Ce sont à la fois la bonne volonté du SAMU et de nos permanences parlementaires, celle de Sylvie Desmarescaux et la mienne, qui permettent d’assurer la centralisation de manière artisanale. Il est donc urgent de mettre en application ce dispositif.

Se pose ensuite le problème de la signalisation. Alors que, dans une situation d’urgence, chacun peut facilement reconnaître un extincteur, car cet appareil bénéficie d’une signalétique uniforme, ce n’est pas le cas pour les défibrillateurs cardiaques qui, dans notre département, arborent des couleurs – rouge, vert, jaune, etc – et des symboles divers.

Il faut donc absolument uniformiser cette signalétique, probablement sur le plan européen, afin de faire naître des réflexes civiques. Je vous rappelle que, grâce à ce dispositif, nous avons déjà sauvé plusieurs personnes dans le Nord. Il serait intéressant de réfléchir à une généralisation du système. (Applaudissements sur plusieurs travées.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Je sais que vous êtes un militant du défibrillateur, monsieur Türk ! Je me souviens qu’à l’occasion d’une visite, comme président de la Commission nationale informatique et libertés, vous m’en aviez fait une démonstration. (Rires.) Le fait que je sois toujours au Gouvernement prouve combien ces appareils sont efficaces ! (Nouveaux rires.)

Effectivement, le taux de survie, limité à 2 % en cas de fibrillation ventriculaire, monte à 30 % si des défibrillateurs sont utilisés. C’est donc entre 2 500 à 3 500 vies que ces appareils permettent de sauver.

Nous pouvons constater, hélas ! plus de 500 décès au cours d’un exercice sportif, dont 45 % survenant sur les lieux mêmes. Nous en avons tiré les conséquences en mettant en œuvre une politique très ambitieuse d’installation de défibrillateurs.

L’année dernière, j’ai consacré 2 millions d’euros à l’équipement d’un certain nombre d’institutions. Les collectivités territoriales et des établissements publics se sont joints à cet effort ; c’est ainsi que la SNCF a équipé en défibrillateurs cent cinquante gares et toutes ses rames de TGV. Un certain nombre d’opérateurs privés, par exemple des grandes surfaces ou des galeries marchandes, ont également installé des défibrillateurs.

Un décret a été publié en mai 2007, mais un arrêté reste à prendre sur l’harmonisation et le recueil de données. Nous allons très prochainement disposer d’une fiche uniformisée de recueil de données, ce qui nous permettra d’assurer un suivi beaucoup plus fin.

Quant à la géolocalisation, il n’est évidemment pas obligatoire de déclarer les défibrillateurs, mais mes services sont en train de rédiger un arrêté sur ce point. Je compte beaucoup sur les Agences régionales de santé (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) pour lancer un recensement de ces appareils afin de connaître précisément leur localisation.

J’en termine en évoquant la signalétique. L ’ILCOR, qui est le Comité international de liaison de la réanimation – le terme scientifique exact est resuscitation –, a proposé un logo avec un cœur blanc sur fond vert, un éclair vert et une petite croix blanche sur le côté. Bien sûr, il ne s’agit que d’une préconisation, mais nous demandons à l’ensemble des opérateurs d’utiliser ce logo, qui sera bientôt connu par tous nos concitoyens.

J’étudie la meilleure façon de généraliser cette signalétique et de la rendre obligatoire. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

Fonctionnement du pôle emploi

Discussion d'une question orale avec débat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 43 de M. André Vantomme à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le fonctionnement des Pôles emploi.

Cette question est ainsi libellée :

« M. André Vantomme demande à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi de bien vouloir l'informer sur la situation de la nouvelle entité issue de la fusion ANPE-ASSEDIC, Pôle emploi, dans le cadre du nouveau service public de l'emploi. En effet, de nombreux dysfonctionnements sont apparus en raison de la précipitation avec laquelle cette opération a été conduite. Tout particulièrement, les métiers des agents de l'ANPE et des salariés des ASSEDIC ne peuvent être confondus et les compétences respectives ne sont pas interchangeables. De plus, la question des deux statuts différents n'est pas réglée.

« Ces graves difficultés internes portent préjudice aux demandeurs d'emploi déjà inscrits, ainsi qu'aux 300 000 chômeurs supplémentaires que compte notre pays depuis le début 2009. Les plates-formes téléphoniques sont totalement saturées, les rendez-vous ne peuvent être assurés par des agents submergés, les entretiens mensuels personnalisés annoncés comme un nouveau service de Pôle emploi ne peuvent avoir lieu. On compte aujourd'hui jusqu'à 200 demandeurs d'emploi par conseiller, alors que le Gouvernement s'engageait à diminuer le nombre déjà excessif de 120 demandeurs d'emploi en moyenne par conseiller à 60.

« L'hypothèse d'un million de demandeurs d'emploi nouveaux en 2009, désormais crédible, conduit à s'interroger sur l'annonce du Président de la République de 1 840 agents supplémentaires qui seraient embauchés fin juin, sans que l'on sache exactement sous quel type de contrat ils seront embauchés, à quelles tâches ils seront affectés et quelle formation ils auront préalablement suivie. Cette annonce, si elle devait être suivie d'effet, ne serait manifestement pas à la hauteur d'une situation aussi grave.

« En conséquence, il la prie de lui indiquer ce qu'elle envisage de faire pour mettre un terme à cette situation, et pour que les demandeurs d'emploi, victimes des licenciements et de la précarité, trouvent auprès de Pôle emploi le service auquel ils ont droit dans le cadre du respect qui leur est dû. »

La parole est à M. André Vantomme, auteur de la question.

M. André Vantomme. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, le Pôle emploi est-il vraiment une réponse efficiente et suffisante à la question inquiétante de la progression du chômage à laquelle nous sommes actuellement confrontés ? Avant de répondre à cette question, il me paraît essentiel d’évoquer la problématique de l’augmentation du chômage, qui nous touche cruellement depuis le début de l’année.

Voilà quelques semaines, un grand quotidien national titrait : « L’emploi salarié s’est effondré au premier trimestre 2009 », et la situation n’évolue pas favorablement. Aucun secteur n’est épargné, la France ayant perdu 187 800 emplois salariés au cours des trois premiers mois de l’année, selon l’INSEE. C’est la plus forte perte nette d’emplois depuis 1945 ! Tout laisse à penser que la barre des 10% de chômeurs devrait être franchie avant la fin de l’année.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous donner votre vision de la situation de l’emploi dans notre pays dans un proche avenir ? Après avoir entendu votre réponse, nous aurons à nous mettre à la place de nos concitoyens qui connaissent ou connaîtront la perte de leur emploi, le chômage partiel, total, voire la fin de leurs droits.

Sachez que nous aurons à cœur de relayer nos administrés, touchés de plein fouet par la crise actuelle : ils vivent des situations d’anxiété, de détresse et de désespoir. Ayez bien en tête, monsieur le secrétaire d'État, les conséquences terribles de cette crise sur leur vie personnelle, familiale et sociale ! Nous partagerons, n’en doutez pas, ces inquiétudes, ces craintes, ces angoisses, qui ont souvent pour corollaires la dégradation de la santé ainsi que celle des rapports sociaux et familiaux, et les drames qui en sont bien trop souvent l’écho.

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des divergences politiques qui nous séparent, nous avons l’espoir, cet après-midi, que les valeurs républicaines et humanistes que nous partageons vont nous permettre d’avancer. Parvenons à faire de ce moment un temps de lucidité et d’introspection s’agissant des réponses institutionnelles à apporter à nos concitoyens, qui sont de plus en plus nombreux à être concernés par les affres du chômage.

Je pense aussi à notre jeunesse, qui, à l’issue d’une scolarité plus ou moins longue et réussie, éprouve de nombreuses difficultés pour accéder à un emploi.

Bien sûr, le Gouvernement n’est pas l’unique responsable de la situation. La crise actuelle est internationale, nous ne sommes pas les seuls touchés. Mais, monsieur le secrétaire d'État, je tiens tout de même à souligner que les excès du capitalisme financier qui nous ont menés là où nous sommes aujourd’hui n’ont pu être possibles que grâce à l’idéologie et à la politique ultralibérales prônées sans discernement ni scrupules par nombre de vos amis.

La cupidité sans limite de certains a complètement dérégulé l’économie mondiale, qui était déjà, par bien des aspects, tellement inégalitaire. Cette réalité, croyez bien que nos concitoyens en ont pris conscience !

S’il est bien un domaine où le Gouvernement et la majorité qui le soutient sont pleinement responsables, c’est le choix des questions sur lesquelles ils entendent légiférer et je vais précisément pointer du doigt aujourd’hui la réforme du service public de l’emploi. Cette réforme, annoncée à maintes reprises par le Président de la République durant la campagne présidentielle, était sous-tendue par un objectif majeur : l’amélioration des conditions de prise en charge des demandeurs d’emploi.

Il avait ainsi été annoncé que la fusion ANPE-ASSEDIC serait un facteur de simplification et d’économies qui permettraient de dégager des moyens supplémentaires pour l’amélioration du suivi des demandeurs d’emploi. Pièce maîtresse d’un projet électoral sur lequel il avait été élu, le Président entendait coûte que coûte voir mener à bien cette réforme et déclarait l’urgence pour son projet de loi relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi. Sa volonté s’est ainsi concrétisée dans la loi du 13 février 2008.

Or, si une opération de fusion est toujours un exercice délicat, celle-ci est encore plus complexe du fait de la différence opposant les deux institutions qui ont fusionné. En effet, d’un côté, nous avions les ASSEDIC et ses salariés de droit privé, familiers de la partie indemnisation, de l’autre, l’ANPE et ses agents de droit public, qui s’occupaient du suivi des chômeurs. Avec la fusion, ce sont deux métiers et deux statuts distincts qui se retrouvent sous un même pôle, avec toutes les problématiques qu’engendrent deux grilles de salaires affichant un différentiel d’environ 30 %.

Le personnel du Pôle emploi va donc être confronté, dans les mois qui viennent, à la négociation d’une convention collective, ce que beaucoup redoutent

Concernant la polyvalence des agents, comment acquérir les réflexes et apprendre un métier nouveau en quelques jours de formation seulement ?

S’y ajoutent les problèmes de locaux et de systèmes informatiques, la réalisation des 956 sites mixtes qui devaient être sur pied pour fin septembre ayant pris du retard.

De même, se pose la question des inégalités territoriales qu’entraînera cette mise en place.

Cette réforme ne doit en aucun cas, et j’insiste sur ce point, servir de prétexte à un nouveau desserrement du maillage territorial de l’institution dans les zones rurales.

N’oublions pas, monsieur le secrétaire d’État, que la question du déplacement est cruciale. Comment un demandeur d’emploi peut-il se rendre à une convocation obligatoire s’il habite à 30 kilomètres de son Pôle emploi ? La possession d’un véhicule n’est pas une condition de l’inscription, rappelons-le, et il faut donc que les sites soient accessibles par tous et partout sur nos territoires.

De plus, cette fusion s’opère malheureusement sur fond de crise économique et sociale, alors qu’elle avait été conçue sur la base d’une baisse du chômage, avec un objectif de plein emploi pour 2012.

Il va sans dire que plus personne ne croit à ce schéma.

Selon ses dernières prévisions, l’UNEDIC envisage, pour l’année 2009, 640 000 chômeurs de plus, dont beaucoup de jeunes. Les perspectives les plus pessimistes tablent sur 1 million de chômeurs supplémentaires ! Ainsi, pour les seuls trois premiers mois de l’année, Pôle emploi a enregistré 250 000 inscriptions nouvelles.

Les 45 000 salariés de Pôle emploi sont donc débordés, désorganisés. Insuffisamment formés, ils doivent apprendre leurs nouvelles missions tout en s’occupant d’au moins 120 demandeurs d’emploi chacun, voire 200 sur certains sites ! Les 1 840 embauches prévues ne sauraient suffire pour améliorer des conditions de travail devenues extrêmement difficiles. Il en résulte une démobilisation et une lassitude du personnel, qui ne peut plus effectuer correctement ses missions ni honorer les rendez-vous mensuels avec les inscrits, et ne s’occupe finalement plus que du suivi des chômeurs indemnisés.

Effectifs insuffisants, manque de temps, formations inadéquates, croissance exponentielle du nombre de dossiers à traiter : Pôle emploi n’est absolument pas opérationnel, et ce quels que soient les efforts de l’agence de communication que, avec vos faibles moyens, vous avez engagée pour tenter de faire accroire le contraire ! Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous préciser le coût de cette communication ?

De surcroît, est intervenue, depuis le 1er juin, la mise en application généralisée du revenu de solidarité active, le RSA. Selon M. Martin Hirsch lui-même, 7 millions de Français sont concernés. Pôle emploi voit donc arriver en masse de nouveaux dossiers à instruire, de nouvelles personnes à accompagner. La difficulté est d’autant plus grande que ces personnes sont, le plus souvent, très éloignées du marché du travail, généralement depuis longtemps déjà. Enfin, il convient de prendre en compte la fin de la dispense de recherche d’emploi pour les personnes âgées de plus de 57 ans et demi. Aussi, afin de faire face, Pôle emploi a-t-il décidé de confier le traitement de 320 000 dossiers de chômeurs à des cabinets privés. Peut-on vraiment continuer à prétendre, monsieur le secrétaire d’État, que la mise en place de Pôle emploi améliore l’efficacité du service public de l’emploi et permettra des économies ?

Le système est indéniablement surchargé, la plateforme téléphonique – le 3949, numéro surtaxé, rappelons-le – est sous tension, le suivi mensuel est devenu impossible… Il en résulte l’impossibilité, pour les agents, d’assurer les visites aux entreprises, à un moment où le nombre d’offres d’emploi est pourtant en chute libre ! Ils n’ont plus le temps de mettre en relation recruteurs et demandeurs d’emploi, ni de préparer les entretiens. Autant dire que l’accueil et le suivi des demandeurs d’emploi en souffrent et que le personnel vit de plus en plus mal la mise en place du dispositif d’offre raisonnable d’emploi. Les tensions montent, à la fois chez les agents et chez les usagers, lesquels ne bénéficient plus que d’un accompagnement répressif et sont l’objet de menaces répétées de radiation.

La longue liste des problèmes posés par la mise en place de Pôle emploi que je viens de dresser n’est pas exhaustive pour autant. Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État. La crise ne peut, à elle seule, expliquer tous ces dysfonctionnements. Par conséquent, quelles actions comptez-vous mener pour mettre fin à cette dégradation des conditions de travail que subissent les agents de Pôle emploi ? Que proposez-vous pour redonner vie à notre service public de l’emploi, qui, à cause d’une fusion préparée dans la négligence et la précipitation, perd encore plus, jour après jour, en humanité et en efficacité, au détriment de ses usagers ?

Vous nous apporterez vos réponses, monsieur le secrétaire d’État, sous un triple regard : celui de la représentation nationale, qui, par ses contacts répétés avec nos concitoyens confrontés au chômage, est de plus en plus sensibilisée à la question de l’efficacité du dispositif ; celui des agents de Pôle emploi, qui vivent au quotidien la dégradation de leurs conditions de travail et doivent, dans des circonstances déplorables, apprendre un nouveau métier ; celui de nos concitoyens concernés par le chômage et la recherche d’emploi, enfin, qui, tout en sachant qu’il ne faut pas accuser le baromètre si l’orage tonne, sont en droit d’attendre et d’espérer du service public de l’emploi une indispensable contribution à la résolution de leurs problèmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Christiane Kammermann applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un peu plus d’un an après l’adoption de la loi organisant la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, censée faciliter les démarches du demandeur d’emploi, qui devait bénéficier d’un guichet unique, la réalité est loin d’être celle que l’on nous annonçait. Plutôt que d’un guichet unique, je parlerais pour ma part d’une vitrine unique !

Considérant que cette fusion dissimulait en réalité un projet d’ampleur destiné à accroître la coercition sur les salariés privés d’emploi et à renforcer l’employabilité – notion chère au Gouvernement comme au patronat – tant des demandeurs d’emploi que des personnels de la nouvelle agence, mon groupe s’était opposé à ce texte. Nous dénoncions alors les risques de la gestion par une seule personne des missions de placement, d’indemnisation, de contrôle et de sanction. Nous déplorions que cette réforme, adoptée en urgence, ne tire aucune conséquence des expérimentations menées dans plusieurs départements, notamment avec les maisons de l’emploi. Il s’agissait pourtant là d’un exemple de dispositif de guichet unique évitant l’écueil de la concentration des missions, l’une des principales causes des difficultés de mise en place de Pôle emploi.

Ces difficultés sont tellement nombreuses que tous les acteurs concernés – les demandeurs d’emploi comme les organisations syndicales, y compris celles qui étaient pourtant initialement favorables à la fusion – dénoncent aujourd’hui des conditions de travail qui ne permettent de répondre ni aux besoins des usagers ni à l’attente légitime des salariés.

Le premier des problèmes est celui de la double compétence. En effet, la fusion exige des salariés qu’ils accomplissent deux missions, pourtant distinctes et radicalement différentes : l’aide au placement et l’indemnisation.

En janvier 2008, nous vous mettions déjà en garde, monsieur le secrétaire d’État, contre les risques d’une fusion précipitée, qui ne permettrait pas aux salariés de la nouvelle agence de maîtriser les spécificités de leurs nouveaux métiers. Notre mise en garde ne visait naturellement pas à stigmatiser les agents ; elle procédait des inquiétudes qu’ils exprimaient. On s’aperçoit aujourd’hui que nos critiques étaient fondées : la fusion se réalise dans la douleur et la souffrance pour bon nombre d’entre eux. D’après M. Charpy, directeur général de Pôle emploi, 4 500 salariés seraient d’ores et déjà formés à la double compétence. Cependant, de quelle formation parle-t-il ? Là où, par le passé, la formation était de six mois, elle dure aujourd’hui de trois à sept jours ! Et comment, en cinq mois à peine, 4 500 agents auraient-ils pu être formés pour être des « interlocuteurs uniques » ?

Dans le même temps, Pôle emploi a créé le 3949, numéro surtaxé destiné à informer les salariés privés d’emploi sur leurs droits et les démarches à entreprendre. Il est inacceptable que le service public de l’emploi ne soit pas accessible gratuitement, c’est pourquoi nous exigeons la gratuité de ce numéro, d’autant que, depuis l’adoption de cette réforme, les demandeurs d’emploi ne peuvent plus bénéficier d’un accueil immédiat et sans rendez-vous par un conseiller : ils sont obligés de passer par le 3949. Ce n’est pas tant la modernité de l’outil qui est importante que son utilité sociale ! Or ce service vous permet, dans les faits, d’éloigner les demandeurs d’emploi de l’agence et de minimiser la gravité de la situation.

Pourtant, durant les débats parlementaires, vous présentiez cette réforme comme le gage d’une plus grande proximité. Or, avant la fusion, il y avait 650 antennes des ASSEDIC et 900 ANPE, soit plus de 1 500 sites répartis sur l’ensemble du territoire national. M. Charpy, lors de son audition au Sénat, a annoncé que, en octobre 2009, Pôle emploi comprendrait 946 sites, chiffre à peine supérieur, par conséquent, à celui des implantations de l’ex-ANPE ! Nous sommes bien loin d’une présence au plus près des besoins ; il s’agit plutôt d’une vaste opération immobilière…

Cette réforme s’opère donc contre les intérêts des demandeurs d’emploi. C’est d’ailleurs l’avis de M. Franck Marlin, député-maire d’Étampes, en Essonne, qui, réagissant à la fermeture du point-relais Pôle emploi de La Ferté-Alais, dénonçait une remise en cause de la qualité de ce service public et des prestations offertes aux usagers et déclarait que « cela mettra un terme [au] suivi personnalisé ». Nous ne pouvons que souscrire à ces propos.

Par ailleurs, le délai de traitement des dossiers ne cesse de s’allonger. Cette situation est sans doute à mettre en relation avec l’important manque de personnel. Pôle emploi compte 42 000 salariés, alors que le rapport de notre collègue Serge Dassault estime à 18 000 le nombre d’agents supplémentaires nécessaires pour tenir l’engagement, pris par Mme Lagarde lors de nos débats, de limiter le nombre de personnes suivies par chaque conseiller à 60, voire 30 pour les cas jugés les plus difficiles. Aujourd’hui, les organisations syndicales dénoncent le fait que ce chiffre puisse s’élever jusqu’à 100 ou à 150.

Eu égard à ce constat, le recrutement en urgence de 1 840 salariés supplémentaires n’est pas satisfaisant : il s’agit davantage d’une mesure destinée à résorber une partie de la crise que d’une réponse durable aux besoins des demandeurs d’emploi. En outre, ces recrutements – 1 000 se feront sous CDI, 500 sous CDD – concerneront surtout la plateforme téléphonique du 3949. Cela permettra un renforcement des effectifs à hauteur d’à peine un salarié supplémentaire par agence, ce qui n’est qu’une goutte d’eau au regard des quelque 2 000 nouvelles inscriptions quotidiennes. Là encore, les interrogations sont grandes : de quelle formation bénéficieront ces nouveaux recrutés ? Quelle sera sa durée ? Quand ces salariés seront-ils effectivement en mesure d’être des « interlocuteurs uniques » pour les demandeurs d’emploi ? Quant au recrutement supplémentaire de salariés sous contrats aidés, il témoigne d’une méconnaissance de la situation actuelle de l’emploi de la part tant du directeur général de Pôle emploi que du Gouvernement : la crise sera malheureusement durable, et elle exige des pouvoirs publics une réponse tout aussi durable.

Dans ce flot de recrutements, de nombreuses interrogations se font également jour au sujet des personnels d’orientation de l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, qui devraient intégrer l’agence. Où seront-ils affectés ? Ces salariés étant environ 960, en comptera-t-on un par agence ? Quel sera ensuite leur lien avec l’AFPA ? Quel sera leur statut professionnel ? Cette question se pose d’ailleurs aussi pour les agents de Pôle emploi, issus de deux structures bien différentes.

En lieu et place de la mobilisation de moyens à la hauteur des défis à relever, nous assistons plutôt à une privatisation toujours plus étendue des missions du service public de l’emploi, au bénéfice des opérateurs privés de placement, les OPP. Cette privatisation est d’autant plus incontournable que les salariés de Pôle emploi se voient aujourd’hui contraints de confier à ces sociétés les demandeurs d’emploi correspondant au profil attendu. Cela explique sans doute pourquoi le budget de Pôle emploi consacré aux OPP est passé de 88 millions d’euros en 2008 à 100 millions d’euros en 2009 et devrait atteindre 200 millions d’euros l’année prochaine.

Pourtant, de l’aveu même de M. Charpy, directeur de l’ANPE à l’époque où il tenait ces propos, « pour des populations comparables, les résultats sont identiques entre l’ANPE et le privé […], mais pour un coût trois fois plus faibles à l’ANPE. […] On peut être public et efficace. » Le discours a radicalement changé aujourd’hui, alors que le service public reste pourtant largement moins coûteux que le secteur privé. Le rapport du Centre de recherche en économie et en statistique, le CREST, et de l’École d’économie de Paris remis en juin 2008 au Gouvernement le confirme : l’effet positif du recours aux opérateurs privés de placement est « jugé trop faible pour être statistiquement significatif ». À l’horizon de neuf mois, le taux de placement est de 5,7 % dans le privé alors qu’il est de 16,9 % dans le secteur public, pour des prestations facturées en moyenne 3500 euros pour chaque demandeur d’emploi par le privé, alors que le coût du placement n’est que de 700 euros dans le secteur public.

Monsieur le secrétaire d’État, nous continuons de penser que cette réforme procédait non pas, contrairement à ce que vous affirmez, d’un souci d’efficacité, mais bien de motivations dogmatiques et idéologiques. Il s’agissait, pour le Gouvernement, de permettre au patronat de disposer d’une main-d’œuvre à moindre coût en recourant, notamment par le biais du projet personnalisé d’accès à l’emploi et de l’offre raisonnable d’emploi, à la coercition sociale.

Les salariés privés d’emploi subissent cette politique de rigueur. Cette situation est d’autant plus inacceptable qu’ils sont par ailleurs victimes d’une politique entrepreneuriale reposant principalement sur une exigence de rentabilité et considérant la masse salariale comme une variable d’ajustement. Là encore, monsieur le secrétaire d'État, en refusant de prendre les mesures nécessaires pour limiter le recours à ce qui s’apparente à de véritables licenciements boursiers, le Gouvernement engage sa responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)