Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en tant que rapporteur du projet de loi relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi que nous avons examiné voilà près de dix-huit mois, je me félicite de l’implication et de la vigilance du Parlement sur ce dossier. Ainsi, la commission des finances du Sénat a auditionné le mois dernier M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi, tandis que, à l’Assemblée nationale, mon homologue Dominique Tian remettait un rapport d’information sur la mise en application de la loi.

La question orale avec débat organisée aujourd'hui sur l’initiative de notre collègue André Vantomme s’inscrit donc bien dans la continuité de nos travaux et témoigne une fois encore, à mon sens, de l’intérêt que porte le Parlement à Pôle emploi et aux personnes qui ont recours à ce service.

Bien entendu, il n’est nullement dans mes intentions de mettre en cause Pôle emploi. J’entends en revanche profiter de ce débat pour soulever un certain nombre de questions, dont certaines rejoindront peut-être celles des précédents orateurs.

J’insiste sur le fait que Pôle emploi n’a que six mois d’existence : laissons-le vivre et essayons de faire en sorte qu’il puisse être efficace. N’accablons pas de critiques un bébé qui apprend à marcher et à parler sous la contrainte ! (M. René-Pierre Signé s’exclame.)

M. Guy Fischer. C’est vite dit !

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d'État, mes questions s’articuleront selon trois thèmes : la structure de Pôle emploi telle qu’elle a été définie dans la loi en concertation avec les partenaires sociaux, les actions que mène cet organisme face à la crise, ses relations avec les collectivités locales.

Le cœur de Pôle emploi, c’est son personnel. Lors de l’examen du projet de loi, nous avions estimé essentiel qu’une convention collective commune régisse l’ensemble des salariés. Pour ma part, j’aurais souhaité qu’une échéance proche soit fixée pour sa conclusion, afin que le personnel, plutôt que de s’interroger sur son avenir, puisse se consacrer pleinement à ses missions, au profit des demandeurs d’emploi, que l’on ne pensait d’ailleurs pas, à l’époque, devoir être aussi nombreux. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous dire où en sont les négociations ? Quand aboutiront-elles ? Il me semble en effet fondamental de développer une culture d’entreprise commune à l’ensemble du personnel.

À ce propos, je relève que la presse fait état d’une défiance du personnel à l’égard d’une structure où l’ex-ANPE semble prédominer et l’information ne pas descendre jusqu’à la base. Je rappelle que, sur mon initiative, le Parlement a voté une disposition permettant au conseil d’administration de Pôle emploi de débloquer les situations de conflit, le cas échéant en mettant en cause le directeur général si nécessaire. S’il n’a pas été recouru à cette possibilité, c’est que le point de rupture n’a pas encore été atteint. Néanmoins, il faut mettre l’accent sur l’information de l’ensemble du personnel.

Les précédents orateurs ont déjà évoqué la formation des conseillers, qui est la pierre angulaire de la réussite de la fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC. À mon tour, je vous interroge sur ce point, monsieur le secrétaire d'État : dans quel délai les 1 840 conseillers supplémentaires en voie d’être embauchés seront-ils opérationnels ? Ce rôle ne s’improvise pas.

J’en viens à la politique suivie par Pôle emploi. Ce service public a vocation à être un outil à la disposition non seulement des demandeurs d’emploi, mais également de ceux qui souhaitent changer d’activité. Pôle emploi est-il aujourd’hui en mesure de répondre aux attentes de ces derniers, compte tenu de l’actuel afflux de chômeurs ? Certaines agences ou certains personnels ont-ils reçu mission d’accueillir spécifiquement ces publics ?

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez récemment évoqué un éventuel recours à des opérateurs privés, ce qui a suscité les critiques de M. Vantomme et de Mme David. Or, cela se pratique déjà. Ainsi, dans mon département, le Val-de-Marne, la société A4e a développé un savoir-faire dans ce domaine. Je lui ai adressé des personnes handicapées et des seniors. En période de chômage, il me semble préférable de multiplier les sources d’expertise plutôt que de soutenir que Pôle emploi doit tout gérer. Des personnes particulièrement fragiles peuvent avoir besoin d’un accompagnement spécifique. Il reste à savoir si les publics éligibles à celui-ci doivent être définis à l’échelon local ou à l’échelon national.

Enfin, j’aborderai la question des liens de Pôle emploi avec les collectivités locales, qui intéresse particulièrement le Sénat. Dans quelques jours, le revenu de solidarité active sera mis en place de façon très différenciée selon les départements, en fonction des moyens mobilisés. Cela étant, des instructions sont-elles données, à l’échelon national, pour que soit respecté le principe de l’égalité de traitement des allocataires, quelle que soit l’implication du conseil général concerné ?

Je ne reviendrai pas sur les maisons de l’emploi et les missions locales, puisque ce sujet a déjà été abordé.

Ce débat m’offre l’occasion de réaffirmer la nécessité d’une meilleure information des élus locaux, que j’avais déjà soulignée devant M. Charpy. Rien ne peut se faire sans eux ! Ils doivent avoir une vision précise de ce qui se passe sur leur territoire : des regroupements sont prévus, des locaux sont maintenus, d’autres sont cédés. Certes, j’ai conscience que le contexte est difficile pour Pôle emploi, qui a peut-être d’autres priorités. Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, il faut donner des consignes claires pour que les élus, quelle que soit la nature de leur mandat, soient informés des projets concernant leur territoire. Personne n’est mieux qu’eux à même d’orienter cette organisation.

Pour conclure, à titre personnel, je forme le vœu que Pôle emploi soit un peu moins soumis au feu des critiques, tant au Parlement que dans la presse. En effet, les reproches qui lui sont adressés, même si certains sont justifiés, ne peuvent que susciter la défiance des chômeurs et les faire douter de l’efficacité de cet organisme. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Il est des réalités qui s’imposent !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon propos ne tranchera pas sur la tonalité générale de ce débat : la situation de Pôle emploi est catastrophique. Même Mme Procaccia, dont les remarques sur le poids des critiques sont tout à fait pertinentes, a reconnu que des difficultés existaient.

« Nous sommes sans doute le seul pays où le suivi de la recherche effective d’emploi est assuré par trois institutions : l’État, l’assurance chômage et l’ANPE. Autant dire qu’elle n’est suivie par personne. » Ainsi s’exprimait le Président de la République au mois de septembre 2007 ; il avait raison !

C’est dans cet esprit que la loi du 13 février 2008 organisant la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC a été adoptée. Le Pôle emploi, né de cette fusion, devait être l’un des outils majeurs de la lutte contre le chômage, le remède miracle permettant de passer sous la barre des 5 % de sans-emploi à l’horizon 2012.

Pourtant, moins de six mois après la mise en place de Pôle emploi, la réalité est tout autre : entre la surcharge du service, le mécontentement des agents et un afflux de chômeurs sans précédent, force est de constater que le fonctionnement de Pôle emploi n’est pas satisfaisant. C’est même un échec ! La journée de grève de la semaine dernière illustre le malaise dont souffre cette structure.

Le contexte est en effet tendu depuis plusieurs mois et le rapprochement des ex-ANPE et des ex-ASSEDIC s’opère dans la douleur, notamment en raison de l’insuffisance des formations à l’accompagnement des demandeurs d’emploi pour les anciens personnels des ASSEDIC et à l’indemnisation pour les anciens agents de l’ANPE. Parallèlement, on ne peut que déplorer le fort accroissement de la précarité pour le personnel et la dégradation des conditions de travail.

Mme Lagarde avait annoncé, à l’époque de la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, que chaque conseiller n’aurait pas à suivre, à terme, plus de soixante personnes, voire trente pour les cas jugés les plus difficiles. En fait, sur le terrain, dans mon département, on constate que chaque agent s’occupe de cent à cent cinquante demandeurs d’emploi. L’afflux de nouveaux inscrits peut même parfois amener à porter ce chiffre jusqu’à trois cents !

On assiste donc à une véritable saturation des agences de Pôle emploi. Le mécontentement des usagers s’accroît, les files d’attente s’allongent et les délais pour obtenir un simple rendez-vous sont devenus beaucoup trop importants. Certes, le Gouvernement a annoncé la création de 1 840 postes dans les agences et de 500 sur les plateformes, mais cela n’est pas suffisant au regard des besoins !

Ce manque de moyens engendre une montée des tensions aux guichets, tant du côté des chômeurs, qui n’accèdent pas dans les meilleures conditions au service auquel ils ont droit, que du côté du personnel. On constate une multiplication des agressions physiques et verbales, des menaces et des insultes. La situation sur le terrain est donc dramatique, inadmissible, et, en l’état actuel des choses, il y a peu de chances, je le crains, qu’elle s’améliore.

Or nous avons grand besoin d’un Pôle emploi performant, à l’heure où la France subit sa plus grave crise économique de l’après-guerre. Très récemment, Pôle emploi faisait état de la destruction nette de 175 000 emplois salariés au premier trimestre de 2009, alors que, à la mi-mai, les statistiques provisoires du ministère de l’emploi n’en prévoyaient que 138 000. Le recul de l’emploi atteint ainsi 1,1 % : il s’agit d’une chute d’une ampleur inédite dans l’histoire économique française, qui touche l’ensemble des secteurs. La dégradation de l’emploi devrait persister encore plusieurs trimestres.

La réforme aurait mérité d’être plus mûrement préparée et accompagnée de moyens humains plus importants. Monsieur le secrétaire d'État, comment le Gouvernement entend-il mettre un terme à ces dysfonctionnements graves ? Comment allez-vous remotiver un personnel excédé, qui n’en peut plus ? Quand les Français qui en ont le plus besoin pourront-ils bénéficier d’un service public de l’emploi performant ?

Personnellement, je tire deux enseignements de la mise en œuvre de cette réforme : d’une part, simplification n’est nécessairement synonyme d’amélioration ; d’autre part, on ne réforme pas contre les personnels concernés, mais avec eux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour avoir consacré plus de trente années de ma vie professionnelle d’abord à l’ANPE, puis à l’AFPA, je suis viscéralement attaché au service public de l’emploi.

Dans ce contexte de crise, malgré les dysfonctionnements décrits par mes collègues de tous horizons politiques et les incertitudes actuelles, Pôle emploi joue une fonction irremplaçable d’amortisseur social. C’est pourquoi je veux rendre un hommage appuyé à ses 45 000 agents, tous animés de la volonté d’offrir le meilleur service au public. Ils ne sauraient évidemment être tenus responsables des graves difficultés observées. Premiers témoins de la détresse des demandeurs d’emploi qu’ils accueillent jour après jour, ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour atténuer les conséquences d’une réorganisation dévastatrice. D’ailleurs, appelés à cesser le travail au cours de la semaine dernière par les organisations syndicales, ils ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités. J’ai le sentiment qu’ils n’ont pas voulu ajouter, par un mouvement social fort justifié néanmoins, des désagréments supplémentaires à la détresse des demandeurs d’emploi.

C’est une évidence, la mission dévolue à Pôle emploi est d’une importance majeure, particulièrement dans le présent contexte de forte dégradation de la situation de l’emploi. Le fonctionnement de ce service public devrait être optimal, Pôle emploi devrait notamment pouvoir se consacrer totalement à un accueil et à un suivi personnalisés du demandeur d’emploi, le système d’indemnisation devrait être le plus réactif possible. Or c’est loin d’être le cas ! Aujourd’hui, d’une certaine manière, le service public de l’emploi est en chantier. Les conséquences de cette situation sont évidemment fortement préjudiciables tant aux demandeurs d’emploi qu’aux entreprises, que je n’entends pas oublier, monsieur le secrétaire d’État.

Les demandeurs d’emploi sont soumis à une double peine. Lorsqu’ils se présentent à Pôle emploi à la suite de la perte de leur travail, dans un état d’inquiétude et de désordre psychologique aggravé par l’acuité de la crise, ils se retrouvent prisonniers de démarches qui prennent souvent l’allure d’un parcours kafkaïen – ce constat est unanime – et accroissent encore leur angoisse et leurs incertitudes. Les retards et les embouteillages sont manifestes.

Afin de rendre mon propos plus concret, je prendrai l’exemple de ma région : un agent de Pôle emploi y suit en moyenne 200 dossiers individuels. Nous sommes loin de l’objectif visé par l’institution, à savoir 60 dossiers par agent ! Que dire en outre de l’accueil téléphonique au 3949, onéreux et totalement impersonnel ? Mes collègues ayant évoqué ce point, je n’y insisterai pas. Par ailleurs, la mise en place du RSA au moment même où Pôle emploi est en pleine restructuration m’inquiète beaucoup en tant que président de conseil général. Pour les départements, en effet, l’enjeu est non seulement social, mais aussi financier.

Pour ce qui concerne les entreprises, chaque jour apporte son lot de mauvaises nouvelles. Dans mon département, à quarante-huit heures d’intervalle, deux entreprises industrielles ont disparu, à savoir la Papeterie du Doubs, à Novillars, et l’entreprise GFD, à l’Isle-sur-le-Doubs. Une sorte de fatalisme devant le spectacle permanent de la destruction industrielle semble s’installer. Dans ce climat, nous devrions pouvoir compter sur un service public de l’emploi offensif, à la recherche de tous les emplois disponibles, capable de promouvoir des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi et d’orienter vers les parcours de formation. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez besoin d’un tel service pour mener votre politique de l’emploi, et nous-mêmes en avons besoin dans nos territoires.

À Versailles, le Président de la République a affirmé la nécessité de promouvoir les parcours de transition professionnelle. Mais ne risque-t-on pas d’en rester aux incantations ? Comment Pôle emploi pourrait-il remplir cette double mission essentielle de prospection et de conseil à l’entreprise, alors qu’il ne peut plus assurer sa fonction élémentaire d’accueil des demandeurs d’emploi ? Monsieur le secrétaire d’État, les statistiques émanant de vos services indiquent que Pôle emploi a collecté au mois d’avril dernier 25,7 % d’offres d’emploi de moins, toutes catégories confondues, qu’au mois d’avril 2008. Cette baisse traduit, à l’évidence, la détérioration de la situation de l’emploi, mais je suis convaincu que ce chiffre témoigne aussi de l’incapacité de Pôle emploi à mobiliser l’ensemble des potentialités du marché du travail.

Quelles sont les causes de ces dysfonctionnements ?

Fusionner les ANPE et les ASSEDIC pouvait sembler une idée séduisante, puisqu’il s’agissait de mettre en place un guichet unique et, par conséquent, de faciliter la vie des usagers. En 1967, lorsque Jacques Chirac, alors jeune secrétaire d’État aux affaires sociales, a créé l’ANPE par ordonnance, d’aucuns avaient appelé de leurs vœux la création d’un service unique. M. Chirac n’avait pas suivi cette voie, compte tenu des nombreux inconvénients qu’une telle fusion paraissait comporter. Le gouvernement actuel a estimé que cette fusion était possible et l’a réalisée. Hélas ! tous s’accordent à reconnaître que c’est un échec, tant pour les usagers que pour les personnels.

Vous avez réuni les ingrédients du désastre, même si, je vous l’accorde, toute la responsabilité de cette situation ne peut vous être imputée.

En premier lieu, cette réforme intervient au pire moment, eu égard à la dégradation actuelle du marché de l’emploi. Les statistiques font ainsi apparaître que l’on dénombrait 2,5 millions de demandeurs d’emploi de catégorie A au mois d’avril, ce qui marque une progression de 24 % par rapport à avril 2008. Dans ma seule région, la Franche-Comté, qui, vous le savez, est frappée par le déclin industriel, cette augmentation atteint presque 40 %. Les travaux de restructuration d’un grand magasin doivent-ils avoir lieu au moment des plus fortes ventes ?

Une cause plus profonde de l’échec est d’ordre culturel et structurel. L’ANPE et les ASSEDIC sont de culture différente : la première est un organisme administratif, les secondes sont d’essence paritaire. Les agents des ASSEDIC ont un statut de droit privé et, à grade équivalent, leur salaire est de 30 % supérieur à celui de leurs homologues de l’ANPE.

Au-delà et surtout, les métiers sont différents. L’ANPE assure une fonction d’intermédiation sur le marché du travail, qui comporte deux missions complémentaires : d’une part, l’accompagnement du demandeur d’emploi, d’autre part, la prospection et le conseil à l’entreprise. Les ASSEDIC, quant à elles, procèdent à l’indemnisation des chômeurs et recueillent les cotisations auprès des entreprises : c’est tout autre chose.

Monsieur le secrétaire d’État, vos services ont probablement mal mesuré ces différences. De ce fait est apparu un troisième ingrédient de l’échec : l’effort de formation est insuffisant, avec seulement trois jours de formation pour acquérir les techniques d’indemnisation, sept pour apprendre à accompagner les demandeurs d’emploi ! L’ampleur de la réforme ayant sans doute été sous-estimée, les modalités de cette fusion n’ont pas fait l’objet d’un dialogue suffisant avec les organisations syndicales. Voulant aller vite dans l’intérêt du service public– je ne vous fais pas de procès d’intention –, vous avez agi à la hussarde, sans réfléchir suffisamment à l’organisation du travail.

Vous vous apprêtez, de surcroît, à intégrer les 900 psychologues de l’AFPA au sein de Pôle emploi. Dans le contexte actuel, est-il vraiment opportun d’ajouter une difficulté et de créer un désordre supplémentaire au sein de cette autre composante du service public de l’emploi ?

Monsieur le secrétaire d’État, comment permettre aujourd’hui au service public de sortir de cette situation, indigne pour les demandeurs d’emploi et que la représentation sénatoriale ne peut accepter de voir perdurer ? Elle entrave en outre la fluidité du marché du travail, précisément à un moment où il est plus que jamais nécessaire de faire preuve de réactivité.

J’attends que vous dressiez un état précis de la situation actuelle. Je souhaite, en particulier, que vous fassiez un inventaire exhaustif des conséquences de cette réforme pour les demandeurs d’emploi et pour les entreprises.

J’attends aussi que vous nous fassiez part des mesures correctrices que vous entendez prendre. Il faudra nécessairement, me semble-t-il, redéfinir les conditions du dialogue social au sein de Pôle emploi et revoir les dispositions relatives à l’organisation, en particulier la définition du contenu des différents postes de travail. La polyvalence doit-elle s’imposer immédiatement ? Du point de vue des ressources humaines, les exigences en matière de formation et de recrutement devront être revues.

Enfin, quelles seront les conséquences immobilières, informatiques et financières de la réforme ? Alors que celle-ci devait déboucher sur la mutualisation et l’optimisation des ressources des deux institutions, on peut craindre, monsieur le secrétaire d’État – mais j’espère me tromper –, qu’elle ne coûte très cher au contribuable au regard du gain de service enregistré, indépendamment des effets de la conjoncture.

N’en doutez pas, monsieur le secrétaire d’État, votre réponse sera examinée avec la plus grande attention par la représentation nationale, par l’ensemble des personnels et, j’en suis sûr, par les millions de demandeurs d’emploi qui, aujourd’hui, attendent du service public un accompagnement qu’ils ne trouvent plus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour favoriser la mise en œuvre d’un service public de l’emploi plus efficace au profit de ses usagers, un opérateur unique, Pôle emploi, a été créé, regroupant l’ANPE et les ASSEDIC, en vue d’en faire, selon sa direction, l’opérateur « exclusif » de l’accompagnement vers l’emploi des demandeurs d’emploi.

Cette démarche est pertinente. Cependant, surtout en cette période de crise économique, les incidences de la baisse de l’activité et des nombreuses liquidations judiciaires d’entreprises, qui entraînent un accroissement du nombre des demandeurs d’emploi, ne peuvent être gérées par le seul Pôle emploi. Celui-ci doit régler ses problèmes internes d’organisation et de différence de statut des personnels, faire face à l’instauration du suivi mensuel personnalisé ainsi qu’à la généralisation du RSA et à ses conséquences sur le flux de demandeurs d’emploi. En dépit du recrutement de 3 300 agents supplémentaires sous contrats à durée déterminée ou indéterminée, le nombre de personnes suivies par chaque conseiller s’élève, selon les sites, à 120 ou à 130, voire plus.

Il est certes incontestable que les difficultés actuelles de Pôle emploi résultent, en grande partie, de la montée brutale du chômage. Cela étant, le mécontentement à l’égard du service public de l’emploi ne date pas d’aujourd’hui : le fonctionnement de l’ANPE n’était pas toujours idéal, faut-il le rappeler !

Ce contexte d’aggravation du chômage rend d’autant plus incompréhensibles, monsieur le secrétaire d’État, les relations qu’entretient Pôle emploi avec les maisons de l’emploi. En effet, si je considère le projet originel de maison de l’emploi, en particulier pour mon département, la Vienne, je constate que l’axe 2 de la convention pluriannuelle d’objectifs signée en janvier 2008 entre l’État, le conseil général et les intercommunalités concerne l’accompagnement et le retour à l’emploi. Or, aujourd’hui, cet axe est supprimé et l’État demande que les maisons de l’emploi ne fassent que du pré-accompagnement, c’est-à-dire qu’elles se bornent à délivrer une information sur l’offre de services de Pôle emploi. Cette situation est aberrante, permettez-moi de le dire !

Certes, l’offre de services de Pôle emploi a évolué : elle comporte désormais un conseiller personnel, un suivi mensuel, un accompagnement individualisé, etc. Cependant, sur le terrain, une maison de l’emploi qui propose une ouverture quotidienne, un espace numérique – Cyber-base emploi –, avec un accueil et un conseil, alors que Pôle emploi n’assure qu’une présence partielle – parfois une seule journée par semaine –, doit-elle se limiter au rôle de simple relais vers un site distant de Pôle emploi ? Ne peut-elle pas faire plus ? Des synergies, des complémentarités ne peuvent-elles pas être développées, au service des travailleurs menacés par le chômage et des demandeurs d’emploi, particulièrement dans les zones rurales ? Force est de constater que les antennes des maisons de l’emploi, bien implantées dans les territoires, sont parfaitement identifiées comme un lieu de ressources incontournable pour les personnes en recherche d’emploi.

Vous aviez vous-même estimé, monsieur le secrétaire d’État, lors de la discussion du projet de loi relatif à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, que « les maisons de l’emploi doivent être un outil permettant de simplifier et de rendre l’action de Pôle emploi plus efficace ». Dès lors, pourquoi s’obstiner à refuser la contribution des ressources qualifiées des maisons de l’emploi ? Comment ne pas y voir la seule manifestation d’une volonté malvenue de conserver un « pré carré » ? Des sénateurs de divers horizons politiques me disaient tout à l’heure que les agences de Pôle emploi constituent aujourd’hui un « État dans l’État », qui fonctionne en circuit fermé, en ignorant les élus et les maisons de l’emploi.

Monsieur le secrétaire d’État, en même temps que le nouveau cahier des charges des maisons de l’emploi, nous attendons une convention régissant, au plan national, les relations entre Pôle emploi et ces dernières : il ne faut pas casser ce que vous nous avez fait mettre en place voilà quelques mois ! L’urgence est grande, et je vous remercie de nous éclairer sur ce point car, dans la situation économique actuelle, ce sont les territoires qui connaissent les vraies difficultés et ce sont les acteurs locaux qui sont en position d’apporter les meilleures réponses.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, rassemblant au sein d’une seule entité la gestion des offres d’emploi et celle des allocations, Pôle emploi a dû faire face, après quelques mois d’existence, à une explosion du nombre des demandeurs d’emploi : notre pays a vu plus de 600 000 personnes perdre leur travail depuis août 2008.

Devant cet afflux, Pôle emploi s’est engagé à répondre plus efficacement à trois priorités : inscrire, indemniser, accompagner.

Afin d’améliorer le taux d’accès au numéro unique, le 3949, des postes seront créés dès le mois prochain : cette initiative permettra de répondre, dans les meilleurs délais et les meilleures conditions, aux interrogations des demandeurs d’emploi.

De même, des crédits importants seront débloqués au cours de l’été afin que les indemnisations ne soient pas retardées. Ils permettront également de répondre aux besoins des futurs inscrits qui auront recours aux services de Pôle emploi après la période estivale – je pense, notamment, aux nouveaux diplômés ou aux emplois d’été qui ne seront pas reconduits.

Nous le savons tous, le nombre de demandeurs d’emploi augmentera fortement au cours du mois de septembre. Pôle emploi anticipe donc cette période délicate, qui fera suite à un début d’année déjà très difficile.

Enfin, l’accompagnement sera lui aussi renforcé, grâce à l’appel à des opérateurs privés qui viendront aider Pôle emploi à trouver, chaque année, des solutions pour 150 000 à 170 000 demandeurs d’emploi.

Au-delà de la forte augmentation du nombre de chômeurs, la presse ne manque pas de stigmatiser les difficultés rencontrées par la nouvelle entité, par exemple le manque de formation des conseillers – alors que, sur les 20 000 agents qui doivent être formés au cours de l’année 2009, 13 000 l’ont déjà été –, le prétendu découragement des personnels ainsi que les mouvements de grève.

Le travail accompli, chaque jour, par les conseillers et le personnel passe ainsi au second plan, alors que l’accomplissement de leur mission difficile appelle notre soutien, en particulier en cette période délicate. Il convient de dire haut et fort que le personnel est concentré sur ses missions et déploie toute son énergie pour que Pôle emploi atteigne ses objectifs. Toutes ces polémiques font oublier l’importance de la création de cette structure et des résultats obtenus, même si les difficultés sont réelles, je le reconnais volontiers.

La création de Pôle emploi, qui correspond à un engagement pris par Nicolas Sarkozy lors de la campagne pour l’élection présidentielle, répond à une véritable nécessité. En effet, voilà quelques mois encore, la France était le seul pays d’Europe où le suivi de la recherche d’emploi était assuré par trois institutions bien distinctes : l’État, le réseau des ASSEDIC et l’ANPE, auxquels il convient d’ailleurs d’ajouter les missions locales d’insertion, les permanences d’accueil, d’information et d’orientation, les PAIO, etc. Cet enchevêtrement de structures était illisible pour les demandeurs d’emploi, nuisait à la rapidité du retour sur le marché du travail et induisait un coût de fonctionnement important : 2,2 milliards d’euros pour la seule ANPE, qui, soulignons-le, ne participait au placement que de 11 % des chômeurs de notre pays. Cette situation devait donc changer, et il était nécessaire de concentrer tous les éléments contribuant à un rapide retour à l’emploi autour d’un chef de file, capable de trouver des solutions sur mesure. Tel est l’esprit qui a présidé à la création de Pôle emploi.

Cependant, comme pour tout nouveau dispositif, des améliorations sont nécessaires. La création de Pôle emploi et la fusion des agences ont été engagées alors que la situation du marché du travail n’était pas aussi difficile qu’aujourd’hui. Des ajustements doivent donc être apportés et un nouvel équilibre trouvé, compte tenu de la crise, pour que cette nouvelle gouvernance aboutisse à une efficacité optimale.

Au-delà, la mise en place de réunions d’échanges régulières, au sein de chaque agence, permettrait de réunir un maximum d’informations provenant du terrain et de les diffuser. Elles seraient également l’occasion de préciser les choses. En effet, nombre de décisions prises par le Gouvernement ne sont pas toujours bien comprises par les conseillers : vous-même l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État, lors de votre déplacement dans une antenne de Pôle emploi sise à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis.

De plus, il convient de veiller à la rapide mise en place des référents uniques : avec la crise actuelle, on ne peut attendre. Au-delà de leur nombre, j’insiste sur la qualité de leurs conseils, qui s’avère cruciale. Ma conviction est qu’il est indispensable de fournir aux conseillers un outil de pilotage sur les métiers qui embauchent, afin d’optimiser l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Les conseillers doivent non seulement être en mesure de connaître la situation du marché de l’emploi dans leur zone géographique, grâce à la prospection des métiers en tension, mais également être capables de formuler des recommandations précises et efficaces sur les métiers porteurs à moyen terme, voire à long terme. Dans le cadre du rapport de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, mes collègues et moi-même avions d’ailleurs souligné cette faiblesse. Je ne doute pas qu’elle sera vite corrigée.

En outre, nous devons débloquer des fonds plus importants afin de financer les formations destinées aux demandeurs d’emploi, notamment pour qu’ils puissent répondre aux besoins en personnel des nouveaux marchés, tels l’écologie, le développement durable ou l’aide à la personne. Même si Pôle emploi, avec l’appui des conseils régionaux, a d’ores et déjà pris les devants en augmentant le nombre des formations qui seront proposées, il faut prendre la mesure des difficultés et veiller à ce que ces formations répondent aux attentes des secteurs en tension.

Vous l’aurez compris, en tant que représentant d’un département, la Seine-Saint-Denis, où le taux de chômage est particulièrement élevé, je considère que la création de Pôle emploi était nécessaire, même si ses débuts ont été marqués par quelques difficultés. Plutôt que de m’attacher à les stigmatiser, je préfère m’engager dans une démarche positive : certes, le dispositif est perfectible, mais sa création est très récente. Notre pays ne pouvait plus fonctionner avec un modèle de service public de l’emploi inadéquat : Pôle emploi apporte une réponse ambitieuse, nécessaire, adaptée aux enjeux de notre époque et aux attentes des demandeurs. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)