compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Ouverture de la première session extraordinaire de 2008-2009

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la session ordinaire 2008-2009 a été close hier, à minuit.

Au cours de la séance du mercredi 24 juin 2009, il a été donné connaissance au Sénat du décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire pour aujourd’hui, mercredi 1er juillet 2009.

Je constate que la session extraordinaire est ouverte.

2

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Discussion générale (suite)

Mise en œuvre du Grenelle de l'environnement

Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (projet n° 472, texte de la commission n° 489, rapport n° 488).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire tout le plaisir que nous avons, Chantal Jouanno, Benoist Apparu et moi-même – Valérie Létard et Dominique Bussereau, qui assistent actuellement à la séance des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, nous rejoindront dans l’après-midi – à nous retrouver devant vous pour l’examen en deuxième lecture de ce texte fondateur.

Permettez-moi également de me féliciter de la qualité des travaux qui ont été, dans une totale sérénité, menés précédemment sur ce texte au Sénat et de remercier vivement tous ceux d’entre vous qui ont largement contribué à son élaboration. Je pense, bien sûr, au président de la commission de l’économie, Jean-Paul Emorine, et au rapporteur, Bruno Sido, mais aussi, entre autres, à Dominique Braye, à Marie-Christine Blandin, qui avaient participé au processus même du Grenelle de l’environnement, ainsi qu’aux membres du comité permanent de suivi que vous aviez installé, cher Jean-Paul Emorine, avec le président Ollier, comité qui a permis de gérer de manière idoine la relation entre la légitimité démocratique incarnée par le Parlement et d’autres instances d’expression collégiale de la société française.

Avec le recul, on peut dire que chacun a pu exprimer ses convictions, ses interrogations, parfois ses inquiétudes, ainsi que le fol espoir qu’il place en cette mutation assumée par notre pays.

Sur bien des points, le texte du projet de loi a été amélioré.

Il l’a été sur la définition de principes généraux pour la gestion durable des forêts, ainsi que sur les échéances en matière de protection des eaux territoriales en outre-mer.

Il a été renforcé en ce qui concerne la lutte contre le dégazage en mer.

Il a été amélioré par la réduction du délai maximum prévu pour la mise en place d’une tarification incitative en matière de gestion des déchets, tarification chère à Dominique Braye.

Il a été amélioré par votre commission – vous y teniez particulièrement, monsieur le rapporteur – sur le dispositif du carnet de santé du salarié, qui doit être généralisé avant le 1er janvier 2013.

Vous avez en outre confirmé un nombre important d’avancées introduites par vos collègues de l’Assemblée nationale.

Chacun a eu la capacité d’évaluer avec une grande précision les incidences de cette stratégie énergétique sur l’organisation de nos villes et de nos tissus urbains élargis, de nos campagnes, de nos types d’agriculture, de notre industrie énergétique, d’une manière générale sur notre façon de produire et de consommer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, passant aujourd'hui plus de temps à l’étranger qu’en France, je puis vous assurer que, grâce à ce texte, notre pays occupe une place de choix dans les grandes discussions internationales qui préparent le grand rendez-vous de la planète à Copenhague, peut-être le rendez-vous le plus important de l’histoire de l’humanité.

Avec ce texte solide – solide parce qu’il a été négocié par toutes les parties prenantes de la société –, nous répondons aux demandes justifiées et pressantes du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, qui rassemble 2 500 scientifiques et à qui l’ONU a demandé de faire le point sur les enjeux climatiques et sur les mesures qu’il convient de prendre.

Nous vous avons adressé, il y a quelques jours, une étude d’impact du BCG, le Boston Consulting Group, que nous avons sollicité pour réaliser, de manière totalement indépendante, une évaluation des décisions d’ores et déjà prises par la France, et dont certaines seront consacrées par ce projet de loi, en les comparant à celles qui ont été mises en œuvre dans les autres pays. Ce document se résume en quelques phrases simples.

Premièrement, les décisions prises en France garantissent aujourd'hui, sauf accident, une réduction des besoins énergétiques de 25 % sur la période de référence, c'est-à-dire d’ici à 2020.

Deuxièmement, les mesures que nous avons d'ores et déjà décidées, et auxquelles ce texte confère force de loi, garantissent une réduction de 24 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1986. Quand on sait que la France émet par habitant presque trois fois moins de gaz à effet de serre que les États-Unis, on peut parler d’un effort à la fois spectaculaire et consenti par tous, sans drame, de manière paisible.

Compte tenu du poids français au sein de l’Europe, une telle réduction permettra à l’Union de prendre des engagements de 30 % à 35 % de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2020, et ce sans effort supplémentaire pour notre pays. Mais je pense que nous sommes en mesure d’envisager une deuxième étape.

Troisièmement, les créations d’emplois qui découlent des mesures déjà prises dans le cadre du Grenelle suivent une courbe de croissance extrêmement rapide : 650 000 emplois nouveaux, marginaux, qui n’auraient pas existé du fait de la simple application des dispositifs actuellement en vigueur, seront créés, dont 80 % dans les trente-deux premiers mois suivant le vote de ce texte.

Nous sommes donc engagés dans un processus qui voit à la fois la création d’une économie solide, la modification d’un mix énergétique, la réduction des émissions gaz à effet de serre, la création d’emplois et dans l’instauration d’un PIB beaucoup plus durable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, entre le moment où vous vous êtes emparés de ce projet de loi en première lecture et aujourd'hui, les partenaires français ont tellement cru que le processus engagé était irréversible qu’ils ont, d’ores et déjà, répondu présents pour l’appel à candidatures sur les sites propres et les tramways que vous avez souhaité introduire dans le texte : 37 villes ont répondu pour 50 projets, 400 kilomètres de lignes de tramway, 6 milliards d’euros d’investissements. Tous ces projets sont en état de démarrer.

Quand on sait le temps qu’il faut pour choisir les tracés, organiser les débats publics, procéder aux expropriations nécessaires, mobiliser les financements, on mesure la confiance de notre pays dans cette évolution !

Je signale au passage que 400 kilomètres de tramway, c’est plus que ce que nous avons fait durant dans les quarante dernières années, où nous avons construit 329 kilomètres de lignes.

Je suis convaincu que, dans les vingt-quatre prochains mois, une nouvelle tranche de 400 kilomètres sera décidée pour que nos agglomérations disposent de liaisons internes par transport en commun parfaitement paisibles, valorisant les espaces, reliant les quartiers entre eux, pour une vie plus douce et plus heureuse.

De la même manière, mesdames, messieurs les sénateurs, la confiance du pays dans votre texte a fait que, ce mois-ci, 9 000 installations photovoltaïques ont été raccordées, contre 200 raccords par mois il y a deux ans.

L’évolution que connaît notre pays est proprement extraordinaire !

Le premier appel d’offres en matière de centrales solaires régionales est rempli à 100 %, et cela représente une grande centrale solaire par région.

Le premier appel d’offres portant sur 300 mégawatts à partir de la biomasse, que vous avez voulu, a été intégralement souscrit. Le deuxième appel d’offres a été lancé et il est déjà également souscrit.

La France se situe donc dès à présent au-delà de la stratégie que le Sénat a fixée au pays en matière d’énergie. Et je mentionnerai aussi les éco-prêts à taux zéro : 5 000 prêts le premier mois, 7 000 prêts le deuxième mois, et 10 000 à 15 000 prêts par mois dès le troisième mois. Nous serons donc encore une fois au-delà de ce qui a été prescrit.

Cela signifie que ce texte est en harmonie avec la société française, dans toutes ses composantes, qu’il entre totalement en adéquation avec les aspirations de nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte total, qui embrasse presque tous les domaines – agriculture, santé et environnement, transport, énergie, biodiversité, éducation, habitat, urbanisme… – n’a, à ce jour, pas d’équivalent dans le monde.

Le benchmarking – pardonnez-moi ce recours à une expression anglo-saxonne empruntée au vocabulaire du marketing et dont on use généralement à propos des comparaisons entre des méthodes de management et d’organisation – des quinze programmes de ce Grenelle en regard des meilleurs programmes de chaque pays du monde démontre que nous nous situons systématiquement dans les deux ou trois meilleurs, ce qui nous placera, globalement, en situation de leadership.

Commentant, il y a quelques jours, l’adoption par la Chambre des Représentants de l’American Clean Energy and Security Act défendu par M. Waxman, représentant de Californie – adoption dont nous nous réjouissons, même si ce texte est très en deçà du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui, mais il peut encore évoluer –, le président Obama disait que le pays qui contrôlerait les technologies vertes du xxie siècle contrôlerait l’économie mondiale.

Les énergies renouvelables seront le champ de compétition majeur de ce début du xxie siècle. Les pays industrialisés utilisent, chaque jour, quarante fois plus d’énergie qu’il y a cinquante ans. D’ici à 2020, les besoins énergétiques du monde, malgré les efforts accomplis à cet égard en termes d’efficacité, augmenteront de 50 %.

Dans ce domaine, deux groupes de pays se distinguent dans le monde.

D’une part, ceux dont le développement est assis sur la consommation d’énergies fossiles et qui ont décidé de faire évoluer leur mix énergétique : la France et l’ensemble de l’Union européenne, les Etats-Unis, etc. Il en résultera une bataille pour la constitution de filières professionnelles de dimension mondiale.

D’autre part, les pays en voie de développement, dont moins d’un quart de la population a accès à l’énergie primaire.

Au fond, le développement des énergies renouvelables est un programme de justice sociale à l’échelle mondiale, car il permettra aux pays en voie de développement d’avoir accès au progrès.

La bataille des énergies renouvelables est donc lancée. Un certain nombre de pays, inspirés à juste titre par l’Allemagne, ont décidé de constituer une agence internationale pour les énergies renouvelables, afin de mettre en commun les moyens, d’étudier les transferts de technologies, de financer les grandes opérations d’équipement, de conseiller les gouvernements, bref de mener cette bataille mondiale.

L’installation de cette agence, baptisée IRENA, dont le traité fondateur a été signé par plus de soixante-quinze pays le 26 janvier 2009, s’est déroulée lundi dernier, à Charm el-Cheikh, où deux sujets ont fait l’objet d’une compétition entre les pays signataires : la désignation du siège de l’agence et celle de son directeur général.

Une dizaine de pays souhaitaient obtenir le siège. Dans la phase finale, deux pays restaient en lice : l’Allemagne, qui, très engagée dans le développement des énergies durables, dispose d’une industrie puissante, et les Émirats arabes unis, grand pays pétrolier qui a fait le choix stratégique du développement des énergies renouvelables, qui a créé à Masdar la première ville au monde sans émission de CO2, regroupant un certain nombre de centres de recherche mondiaux avec le soutien du Massachusetts Institute of Technology. Les Émirats offrent par ailleurs des moyens considérables pour la mise en place de cette grande agence mondiale. Les cent cinquante-trois pays signataires ont finalement décidé de leur attribuer le siège de l’IRENA.

L’autre affrontement portait sur le contrôle de la direction générale de cette organisation. Évidemment, tous les grands pays avaient un candidat. Au fil des négociations, leur nombre s’est réduit à quinze, puis dix. La finale s’est jouée entre l’Espagne et la France. Notre pays l’a en fin de compte emporté et c’est une Française qui dirigera cette agence mondiale d’importance décisive pour les années qui viennent. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des qualités intrinsèques de notre candidate, Hélène Pelosse, que vous avez vue dans cet hémicycle parmi les commissaires du Gouvernement lorsqu’elle était ma directrice-adjointe de cabinet et qui nous a aidés à négocier non seulement le Grenelle de l’environnement mais aussi, au niveau européen, le « paquet climat-énergie », cette désignation marque la reconnaissance du leadership français en matière de rupture technologique, de développement des énergies propres et de lutte contre le changement climatique. La France a été leader lors de la négociation du « paquet climat-énergie », elle l’était encore lundi dernier à Charm el-Cheikh et elle continuera à l’être, grâce à vous ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jacques Blanc. Et avec vous !

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Discussion générale (suite)

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de la principauté de Monaco

M. le président. Mes chers collègues, nous avons l’honneur d’accueillir aujourd’hui une délégation du Conseil national de Monaco, conduite par son président, M. Stéphane Valeri. (M. le ministre d’État, Mme et M. les secrétaires d'État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

C’est toujours un plaisir pour nous de recevoir nos collègues des parlements européens, en particulier lorsque ceux-ci sont si proches de la France.

Nos collègues monégasques auront, demain matin, une séance de travail conjointe avec le groupe interparlementaire d’amitié France-Monaco, présidé par notre collègue M. Christophe-André Frassa. Je ne doute pas que cette rencontre permettra d’échanger sur les nombreux sujets d’intérêt commun qui touchent nos deux pays, notamment les formidables opportunités économiques que représente la principauté pour nombre de nos concitoyens dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Une telle initiative doit être saluée puisque 30 000 Français travaillent aujourd’hui à Monaco et participent au développement de la principauté.

Je forme enfin des vœux pour l’approfondissement des relations entre la France et Monaco, notamment dans le domaine du développement durable, auquel Son Altesse Sérénissime le prince Albert est très sensible.

Je me réjouis donc de votre venue à Paris, chers collègues, et je vous souhaite, au nom du Sénat tout entier, un utile et agréable séjour dans notre capitale. (Applaudissements.)

Je suis également heureux de saluer dans la tribune du public la présence d’une délégation du département de la Sarthe, conduite par Mme Rivron, conseiller général.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Discussion générale (suite)

Mise en œuvre du Grenelle de l’environnement

Suite de la discussion d’un projet de loi en deuxième lecture

(Texte de la commission)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Article 5 (Texte non modifié par la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme le disait La Bruyère : « Tout est dit, et l’on vient trop tard ».

Monsieur le ministre d’État, vous venez de présenter de ce projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement avec une hauteur de vue qui ne nous étonne pas : lorsque cette question est devenue l’objet d’un débat national, sur l’initiative du Président de la République, vous l’avez saisie à bras-le-corps dès votre nomination à la tête de ce grand ministère.

La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est efforcée de faire de même avec ce texte, nous emparant de toutes les problématiques en jeu et cherchant à l’améliorer le plus possible.

Dans la perspective de cette deuxième lecture, nous avons essayé de prendre en compte tous les apports de nos collègues députés et nous nous retrouvons aujourd’hui pour apporter une touche finale à ce texte.

Je saisis cette occasion pour vous remercier, monsieur le ministre d’État. Nous allons en effet entamer, à la rentrée parlementaire de septembre, l’examen de la véritable « boîte à outils » que constitue le projet de loi d’engagement national pour l’environnement, puisque vous nous faites l’honneur de saisir le Sénat en premier sur ce texte qu’on appelle souvent le Grenelle II. Croyez bien que nous y sommes très sensibles.

Je souhaite retracer rapidement les résultats de cette année de travail, ainsi que les propositions de notre commission pour la deuxième lecture.

Voilà plus d’un an que le projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement a été adopté en conseil des ministres. Ce laps de temps peut sembler long, mais il a été mis à profit par les deux assemblées pour procéder à un examen approfondi du texte, sur lequel le Gouvernement a bien voulu ne pas déclarer l’urgence. Cette décision s’est avérée opportune pour ce projet de loi de programmation, car il importait de ne pas brûler l’étape du Parlement, qui seul peut donner la légitimité nécessaire au processus du Grenelle de l’environnement – tout au moins dans une démocratie !

En effet, ce processus original a débuté par une concertation sans précédent avec la société civile. Mais il ne saurait produire d’effets pour l’ensemble des Français sans une approbation et une reformulation par la représentation nationale. De fait, le Parlement ne s’est pas privé d’enrichir le texte qui lui était soumis.

Initialement constitué de cinquante articles répartis en six titres, le projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement a été augmenté de onze articles par l’Assemblée nationale lors de son examen en première lecture, au mois d’octobre 2008. C’est donc un texte de soixante et un articles qui a été transmis au Sénat.

Le Sénat l’a examiné à son tour en première lecture : nous avons pris notre temps, du 27 janvier au 10 février 2009. Au total, les sénateurs ont adopté dix articles conformes, modifié quarante et un articles, supprimé dix articles et adopté deux articles nouveaux. Cinquante-trois articles restaient donc en discussion lorsque le projet de loi a été retransmis à l’Assemblée nationale.

L’Assemblée nationale a examiné le texte en deuxième lecture dans la première quinzaine du mois de juin. Les députés ont confirmé la suppression de sept articles, adopté vingt-huit articles conformes, modifié ou rétabli dix-huit articles, adopté un article nouveau et rouvert, pour coordination, un article adopté conforme par le Sénat.

Il reste donc aujourd’hui vingt articles en discussion.

Parmi les modifications apportées en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, je ne citerai que les principales.

Nos collègues députés ont rétabli la possibilité, que le Sénat avait supprimée en première lecture, de recourir à un contrat de performance énergétique sous la forme d’un marché global.

Ils ont également substitué, pour les autorisations de travaux dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, mieux connues sous le sigle ZPPAUP, un avis simple des architectes des Bâtiments de France à l’actuel avis conforme.

L’Assemblée nationale a rétabli une disposition prévoyant la poursuite des études nécessaires à la réalisation d’une liaison fluviale à grand gabarit entre les bassins du Rhône et de la Moselle, ainsi que l’organisation d’un débat public d’ici à 2012.

Le rapport du Gouvernement sur les enjeux et les effets de l’autorisation de circulation de poids lourds de 44 tonnes a été supprimé.

Les petites éoliennes ont été réintégrées dans le champ des schémas régionaux des énergies renouvelables ; je pense qu’il s’agit d’un vrai sujet qui mériterait vraisemblablement d’être abordé aussi lors de l’examen du projet de loi d’engagement national pour l’environnement.

M. Bruno Sido, rapporteur. L’Assemblée nationale a instauré l’obligation, pour toute centrale à charbon, de comporter, au stade de son projet de construction et avant sa mise en fonctionnement, un dispositif opérationnel de captage de dioxyde de carbone, dispositif qui, en l’état actuel des techniques, ne nous paraît guère réalisable.

Les députés ont également prévu le déplafonnement de la redevance sur les concessions hydroélectriques au-delà de 25 % du chiffre d’affaires.

Ils ont instauré l’obligation de mener des expertises exhaustives et contradictoires sur le bilan écologique et énergétique des biocarburants.

Ils ont rétabli leur rédaction de première lecture en ce qui concerne la mise à l’étude de « l’aménagement ou de l’effacement » des obstacles les plus problématiques à la migration des poissons.

Ils ont supprimé la date butoir pour la généralisation du « carnet de santé des salariés ».

Par ailleurs, selon le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale, l’État devra mettre en place des dispositifs de surveillance et de mesure des ondes électromagnétiques, confiés à des organismes indépendants accrédités.

Les députés ont rétabli la rédaction initiale pour la fixation de l’objectif national de réduction des déchets ménagers, qui fixe le principe d’une diminution de 5 kilogrammes par habitant et par an pendant les cinq prochaines années.

Ils ont en outre retenu une rédaction intermédiaire concernant la consommation de papier par l’administration, en prévoyant qu’elle devra être réduite « de façon significative », et supprimé l’obligation pour l’État de recourir à des emballages consignés.

Ils ont prévu que les trois réseaux de chambres consulaires disposeraient d’un représentant au sein du comité de développement durable et de suivi du Grenelle de l’environnement, ce qui est effectivement très important.

Enfin, l’Assemblée nationale a souhaité que la durée maximale des procédures d’enquête publique et d’expropriation pour les projets de rocades structurantes soit limitée par décret.

La commission a examiné toutes ces modifications apportées par nos collègues députés, dans un esprit de conciliation. C’est pourquoi elle vous propose d’en accepter la plupart, sauf, bien entendu, en cas de divergence majeure.

Cela dit, elle a souhaité modifier le texte sur les points suivants.

Nous avons rejeté la suppression de l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager. En d’autres termes, la commission a rétabli cet avis conforme, qui est tout de même une garantie pour les responsables et les maires, comme tout le monde en est convenu.

Nous avons supprimé l’obligation de procéder à un audit préalable au développement des autoroutes ferroviaires.

Nous avons adopté un amendement de compromis sur le dossier des liaisons fluviales à grand gabarit entre le bassin du Rhône et de la Saône, d’une part, et celui du Rhin et de la Moselle, d’autre part.

Nous avons réintroduit la demande d’un rapport sur les enjeux et les impacts de la généralisation de l’autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes, que nous avions adoptée en première lecture.

Nous avons rétabli la rédaction de première lecture concernant les centrales à charbon, qui prévoit que tout projet devra être conçu pour équiper la centrale, dans les meilleurs délais, d’un dispositif de captage et de stockage du dioxyde de carbone. L’imposer dès aujourd’hui reviendrait à interdire toute centrale à charbon, ce qui ne serait pas forcément une bonne chose.

Nous avons rétabli la rédaction de première lecture concernant les biocarburants, qui prévoit que leur production en France est subordonnée à des critères de performance énergétique et environnementale comprenant, en particulier, ses effets sur les sols et la ressource en eau.

Nous avons rétabli la rédaction de première lecture concernant la trame bleue, qui exclut la mise à l’étude de « l’effacement » des obstacles les plus problématiques à la migration des poissons. Nous sommes d’accord sur le fond mais, psychologiquement, certaines choses ne peuvent être écrites, si l’on ne veut pas effaroucher nos concitoyens.

Nous avons substitué le terme « remettre en bon état » au terme « restaurer » en ce qui concerne les continuités écologiques et les zones humides.

Nous avons prévu la généralisation, avant le 1er janvier 2013, du dispositif du « carnet de santé des salariés », grande avancée introduite en première lecture par le Sénat. Nous avons donc rétabli une date butoir. Si une telle échéance n’était pas fixée, vous imaginez bien ce qu’il pourrait se passer.

Nous avons rétabli l’objectif d’une diminution des déchets ménagers et assimilés en valeur relative et non en valeur absolue, en prévoyant une baisse moyenne de 7 % par habitant sur cinq ans.

Nous avons supprimé l’exonération de taxe foncière pour les immeubles professionnels raccordés à une unité de traitement des déchets pour couvrir leurs besoins en énergie thermique.

Nous avons réintroduit l’objectif d’utilisation par l’État d’emballages consignés dans ses services de restauration collective.

Nous avons rétabli une hiérarchie entre les produits auxquels l’État doit recourir dans ces mêmes services en fonction de leur degré de respect de l’environnement.

Nous avons supprimé la modification des règles de transfert de compétences entre les établissements de coopération intercommunale et les syndicats mixtes ou les syndicats de commune.

Nous avons supprimé la disposition permettant, en cas d’annulation contentieuse du plan local d’urbanisme, la révision simplifiée de l’ancien plan d’occupation des sols pendant un délai de deux ans suivant la décision du juge devenue définitive.

Pardonnez-moi cette longue énumération mais, à la suite de la révision de la Constitution, nous appliquons une nouvelle procédure. Aussi, en commission, nous avons intégré dans le texte de nombreux amendements, y compris des amendements de l’opposition. Je crois qu’il fallait en parler maintenant, faute de quoi nous n’aurions jamais évoqué l’apport de nos collègues sur ce texte. C’est là d’ailleurs l’un des inconvénients de la nouvelle procédure.

Telles sont les principales modifications apportées par la commission au présent projet de loi.

Je dois constater que, après trois lectures, ce texte n’obéit plus en tous points aux principes que devrait respecter une véritable loi de programmation. Cela a été l’une de nos préoccupations ; il s’agissait de « maintenir le temple en l’état ». Cette loi de programmation doit demeurer une loi fondamentale, et ne pas devenir une boîte à outils.

Alors qu’une loi de programmation a pour vocation de fixer des objectifs qualitatifs et quantitatifs à l’action de l’État, ce texte est parfois trop vague, lorsqu’il énonce des idées générales, et parfois, au contraire, trop précis, lorsqu’il comporte des dispositions immédiatement normatives. Préserver un équilibre, suivre la ligne de crête sans verser ni dans des généralités qui ne sont pas constructives ni dans des détails relevant d’une loi simple n’était pas facile. Je crois cependant que nous y sommes à peu près parvenus.

Au demeurant, je crois qu’il n’est plus temps de faire du purisme et que nous devons accepter le texte tel qu’il est.

L’essentiel est que le consensus sur lequel avait débouché le Grenelle de l’environnement se soit prolongé jusqu’au sein du Parlement. Le présent projet de loi a été adopté en première lecture à une très large majorité, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, et les députés ont confirmé en deuxième lecture leur approbation quasi-unanime ; je crois qu’il ne manquait que cinq voix. Je me félicite de ce consensus, qui prouve bien que les questions d’environnement et de développement durable transcendent les clivages partisans, et j’espère que nous saurons le préserver en deuxième lecture. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – MM. François Fortassin et Didier Guillaume applaudissent également.)