M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de se saisir pour avis de la proposition de loi de nos collègues Philippe Marini et Yann Gaillard, qui tend à modifier la loi du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, afin de contribuer à une réflexion de fond, que nous estimons essentielle aujourd'hui, sur le marché de l’art.

Je tiens à remercier nos collègues de leur initiative, car la réforme qu’ils proposent répond non pas seulement à l’obligation de transposer en droit français la directive européenne dite « services » – celle-ci a parfois porté d’autres noms, plus pittoresques ! – mais également au souci de revitaliser le marché de l’art en France.

En effet, nombreux sont les professionnels qui s’inquiètent légitimement de la situation de ce dernier et souhaitent que notre pays retrouve le niveau qui était le sien autrefois dans ce domaine.

Ainsi, selon un rapport du Conseil économique et social d’avril 2008, la France, qui occupait le premier rang mondial sur le marché de l’art dans les années 1950, ne pèse plus désormais que 6,5 % des ventes aux enchères mondiales dans ce domaine.

Une comparaison, peut-être un peu sommaire, est très parlante : Paris réalise en un an les ventes que New-York effectue en un mois !

Enfin, depuis 2007, la France a perdu le troisième rang mondial qu’elle occupait au profit de la Chine, alliée à Taïwan et à Hong Kong.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas près de s’arranger !

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Par conséquent, nous sommes désormais en quatrième position dans un secteur où nous étions autrefois dominants. C’est dire combien il était urgent de réagir, d’où l’importance de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui.

Indépendamment de la nécessité de transcrire la directive européenne que j’évoquais voilà un instant, ce seul constat aurait été suffisant pour nous amener à réformer le marché de l’art en France.

Plusieurs documents, notamment les rapports réalisés par MM. Pierre Simon ou Martin Bethenod, ont analysé ces derniers mois les freins réglementaires et fiscaux à l’essor du marché français. Ceux-ci ont entraîné une délocalisation importante des ventes d’œuvres provenant de successions ou de collections françaises vers Londres ou New-York, qui sont aujourd'hui les deux grandes capitales du marché de l’art. C’est donc le patrimoine culturel de la France qui est exporté, sans créer de valeur sur place !

Avant d’examiner les dispositions qui nous semblent nécessaires dans ce domaine, je veux remercier Marie-Hélène Des Esgaulx de l’excellent travail qu’elle a réalisé, qui a permis aux auteurs de la proposition de loi et à la commission des lois de présenter aujourd'hui un texte à la fois ambitieux et équilibré.

Ce texte est équilibré, parce qu’il assure un moyen terme entre la nécessité de libéraliser l’activité des ventes volontaires et celle d’apporter les garanties qu’exige le public, entre les possibilités et les devoirs des différentes professions concernées et, enfin, entre les réformes qui s’imposent et le maintien de dispositions qui ont fait leurs preuves.

La libéralisation des activités de ventes volontaires, dont le principe est affirmé à l’article 1er de la proposition de loi, se traduit dans plusieurs dispositions essentielles que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a soutenues et qu’elle complétera par le biais de quelques amendements, l’essentiel étant pour nous la liberté de la forme juridique pour les opérateurs, l’assouplissement de la mise en œuvre de la garantie de prix et de la « vente après enchères », ainsi que, surtout, la substitution du régime de la déclaration à celui de l’agrément.

Mes chers collègues, permettez-moi d’évoquer d’un mot une disposition qui a fait l’objet de certaines discussions et provoqué l’émoi des professionnels. Il s’agit de la vente de gré à gré par les opérateurs de ventes volontaires. Cette réforme était incontestablement très attendue, car les grandes maisons de ventes ne pouvaient jusqu’ici qu’inciter les clients désireux d’y avoir recours à délocaliser leurs ventes dans les pays proches qui l’appliquent déjà.

Bien sûr, certains grands professionnels du marché de l’art en France se sont émus de cette nouvelle disposition ; toutefois, je ne doute pas un instant que leur savoir-faire, leur compétence et leur professionnalisme, mondialement reconnus, leur permettront de garder la place qui est la leur.

Quoi qu'il en soit, la directive européenne que nous avons l’obligation de transposer comportait une telle disposition relative à la vente de gré à gré. Quelque opinion que nous puissions avoir de cette règle, nouvelle en matière de ventes aux enchères volontaires, la France ne pouvait se soustraire à ses obligations internationales !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis. Le texte qui nous est présenté est équilibré, car, en contrepartie de la libéralisation de l’activité des ventes volontaires, il offre des garanties importantes au public : mesures de publicité en cas d’intervention d’un salarié, dirigeant ou associé d’un opérateur, information relative au délai de prescription des ventes, à l’intervention des experts dans l’organisation de la vente et aux garanties que ces derniers doivent souscrire en matière d’assurance, et, enfin, éclairage du public sur les prestations de courtage aux enchères par voie électronique. Nos textes doivent évidemment s’adapter aux progrès ô combien rapides de la technologie !

Il faudra que notre assemblée soit vigilante sur les textes d’application et sur la nécessaire publicité qui devra être apportée au public en matière de ventes électroniques. En effet, dans ce domaine aussi, la technique devance souvent le droit, au détriment des consommateurs.

Le Conseil des ventes volontaires, dont le rôle d’autorité de régulation a été précisé, devra en outre contribuer à garantir la moralité des acteurs de ce marché en identifiant les bonnes pratiques et en assurant la promotion de la qualité des services.

À cet égard, la commission de la culture a présenté deux amendements.

Le premier vise à identifier plus clairement le rôle d’observateur du marché de l’art joué par le Conseil des ventes volontaires, instance que nous souhaitons voir dépasser sa mission de régulateur pour devenir un informateur.

Aux termes du second amendement, que j’ai déposé et que la commission a adopté, le Conseil compterait parmi ses membres au moins un professionnel en activité, afin d’apporter un regard quelque peu différent sur les ventes volontaires.

Je veux également dissiper les inquiétudes qui ont pu se faire jour : il est important d’inclure seulement les biens corporels dans le champ d’application de ce texte relatif aux ventes volontaires. Les craintes qui ont été exprimées auprès de nous ne sont pas fondées : nous ne pouvons imaginer que les biens incorporels, tels que les brevets, les marques, les fonds de commerce – et pourquoi pas, demain, les droits d’auteur ? – soient désormais vendus aux enchères. La présente proposition de loi ne comporte aucune disposition en ce sens. Nous savons très bien que des règles de cession très précises régissent cette matière, qu’il s’agisse du code de commerce ou du code de la propriété intellectuelle.

La commission de la culture a également souhaité amender le texte sur deux autres points.

Le premier concerne le régime de responsabilité des experts, qui est actuellement à deux vitesses – passez-moi l’expression, mes chers collègues –, puisque deux régimes différents coexistent en matière de prescription.

Lorsque l’expert intervient dans le cadre d’une vente volontaire, le point de départ du régime est précis – c’est le jour de la vente – et le délai est de cinq ans.

En revanche, lorsque l’expert intervient hors du cadre des ventes publiques, la prescription s’exerce au bout de cinq ans et son point de départ est « glissant » ; nous connaissons bien cette notion juridique, qui est évidemment plus sensible en droit pénal qu’en droit civil, encore que la responsabilité soit importante en l’occurrence.

La commission de la culture a souhaité aligner les deux régimes, en fixant comme point de départ de la prescription le certificat d’expertise que le professionnel sera tenu de délivrer à l’issue de son intervention et qui, par conséquent, sera daté de façon certaine.

Il s'agit d’une disposition importante. En effet, comme nous l’avons souvent constaté, les professionnels manifestent une très grande prudence dans leurs expertises, par souci de précaution, afin que l’on ne puisse pas leur reprocher une erreur par la suite. De surcroît, les compagnies d’assurance hésitent à les couvrir du risque réel qu’ils encourent.

Le dernier amendement déposé par la commission de la culture vise à limiter aux biens neufs l’interdiction de revente à perte, puisque, par définition, le marché de l’art peut difficilement échapper au caractère fluctuant de la cote des créateurs ou de la valeur des objets mis en vente.

S’il adopte cette proposition de loi, le Parlement aura à l’évidence répondu à une partie des questions soulevées par le rapport Bethenod, que j’évoquais voilà un instant.

D'ailleurs, d’autres propositions qui figuraient dans ce document sont déjà entrées dans le droit commun, notamment en matière fiscale. Je pense, par exemple, à la suppression, pour les objets d’occasion, de la taxe applicable aux produits de l’horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie, ainsi que de l’élargissement de la définition des « objets de collection ». Cette disposition a permis, notamment, d’appliquer aux meubles Art déco et Art nouveau le taux réduit de TVA à l’importation et la déductibilité de l’assiette de l’ISF. Mes chers collègues, vous permettrez à un sénateur de Meurthe-et-Moselle, où a fleuri l’école de Nancy, d’être plus sensible que d’autres à cette disposition !

Toutefois, deux autres questions, essentielles pour le dynamisme du marché de l’article français, restent devant nous : le droit de suite et la TVA à l’importation.

Ce sont des sujets communautaires, pour lesquels, par conséquent, nous n’avons pas la maîtrise en matière de réglementation. Cependant, la France doit les aborder avec détermination, en discutant avec ses partenaires européens de l’évolution prévisible du droit de suite, qui est à la fois patrimonial et lié à la rémunération, en même temps que de la TVA à l’importation, car, paradoxalement, nous favorisons l’exportation de nos œuvres d’art et pénalisons l’importation de celles des autres pays.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les quelques points que je souhaitais aborder devant vous.

Ce texte établit un équilibre entre les intérêts légitimes du marché de l’art, des professionnels et du public. C’est pourquoi la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis favorable à la proposition de loi de nos collègues Philippe Marini et Yann Gaillard, amendée par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier MM. Philippe Marini et Yann Gaillard d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi, qui vise à réformer utilement la réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

En effet, ils ont bien mesuré l’urgence et la nécessité de poursuivre et de parachever la libéralisation de ce secteur d’activité, engagée par la loi du 10 juillet 2000 qui a supprimé le monopole des commissaires-priseurs sur ces ventes.

L’urgence est réelle, car, comme vous l’avez très bien souligné tout à l’heure, madame le rapporteur, les excellents rapports rédigés en 2008, qu’il s’agisse de celui de M. Bethenod sur le marché de l’art en France ou de celui du Conseil économique et social sur le marché des enchères publiques dans notre pays, ont montré combien les sociétés de ventes volontaires françaises ont besoin d’un cadre juridique adapté pour faire face à la concurrence internationale.

De même, il convient de souligner la nécessité de mettre notre réglementation en conformité avec le droit communautaire et de répondre aux attentes des professionnels des ventes volontaires tout en maintenant un niveau de garantie élevé pour les vendeurs et les acquéreurs.

Je veux également remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, d’avoir soutenu et encouragé cette démarche et Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur de la commission, pour le travail remarquable qu’elle a accompli. Aussi, nous pouvons débattre aujourd’hui d’un texte qui est parfaitement équilibré, comme vous l’avez souligné, madame le rapporteur. Sous votre impulsion, la commission a énormément apporté à ce texte, sans dénaturer l’esprit de la proposition de loi de MM. Philippe Marini et Yann Gaillard.

Enfin, monsieur Nachbar, je tiens à saluer une fois de plus l’excellent travail réalisé par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, au sein de laquelle j’ai eu l’honneur de siéger il n’y a pas si longtemps…

Je soulignerai le premier objectif visé: la présente proposition de loi permet à la France de respecter le droit communautaire.

Elle substitue au régime d’agrément préalable des sociétés de ventes volontaires par le Conseil des ventes volontaires un système de déclaration, ce qui permettra un contrôle a posteriori suffisant tout en respectant la directive « services ».

Avec le Conseil des ventes volontaires, unique en son genre en Europe, qui dispose d’un pouvoir de sanction disciplinaire et peut suspendre provisoirement une vente, la France se dote d’un contrôle de haut niveau.

Le Gouvernement approuve donc l’allégement de la procédure d’accès à l’activité de ventes volontaires.

Quant à la forme juridique sous laquelle l’opérateur se livrera à cette activité, elle sera librement choisie, de même que l’implantation du siège statutaire ou social de la société sur le territoire de l’Union européenne. Grâce à cette proposition de loi, les opérateurs de ventes volontaires pourront se livrer, s’ils le souhaitent, à des activités telles que la vente de gré à gré, le courtage ou le transport de meubles.

Je sais que cette disposition suscite l’inquiétude des antiquaires, des galeristes, des marchands d’œuvres d’art et des autres acteurs de la vente de gré à gré. Il importe que ces grands professionnels restent très motivés et présents dans notre pays. Dans le même temps, ils ont compris qu’il n’était pas envisageable de refuser plus longtemps cette mesure respectant la directive « services ». Certes, ce n’est pas notre seule motivation ; nous profitons de cette obligation de transposition pour moderniser et adapter le dispositif dans l’intérêt même des professionnels.

En revanche, il est parfaitement justifié de maintenir l’interdiction de l’achat pour la revente, posée en 2000. Je n’y insiste pas.

Pour le marché des ventes volontaires ouvert aux opérateurs communautaires, la libre prestation de services doit être autorisée et non discriminatoire. Ainsi, le Gouvernement propose que ceux-ci soient soumis aux mêmes règles que les maisons françaises en matière de droit de préemption et d’accès aux ventes volontaires des domaines et des douanes. Là encore, notre législation sera conforme à nos engagements communautaires.

Dans le respect de la directive « services », la composition du Conseil des ventes volontaires, spécificité française, a été modifiée pour supprimer la présence d’opérateurs en exercice en son sein, alors qu’il est chargé de se prononcer sur l’accès à l’activité de ventes volontaires.

En outre, votre commission des lois s’est saisie de la question de la composition pour renforcer l’aspect interministériel des nominations, alors que celles-ci appartenaient jusqu’à présent au seul garde des sceaux. C’est une bonne chose, et nous sommes tous d’accord sur cette question.

Monsieur Marini, il reste un point sur lequel le Gouvernement proposera une modification : la nomination du président du Conseil des ventes volontaires doit être confiée au garde des sceaux, puisque le secteur des ventes aux enchères relève à titre principal de lui. Je remercie la commission des lois de l’avoir compris et d’avoir émis un avis favorable sur ce point.

La proposition de loi, respectant en ce sens parfaitement la directive « services », renforce en outre l’obligation d’information des opérateurs de ventes volontaires à destination du public sur les garanties offertes et leur responsabilité.

Votre commission des lois a saisi cette occasion pour apporter une amélioration importante au régime des ventes sur internet. Dans le cas où il ne s’agit pas juridiquement de vente aux enchères publiques, et parce qu’il peut y avoir des risques de confusion, elle a introduit opportunément une nouvelle obligation d’information à la charge du prestataire de services : ce dernier devra informer le public, clairement et sans équivoque, sur la nature du service, comme sur la réglementation en matière de circulation de biens culturels, sous peine de sanctions pécuniaires.

Il est toutefois un aspect sur lequel le Gouvernement ne rejoint pas la commission des lois : il s’agit de l’opportunité de la sanction consistant à soumettre ces prestataires à la réglementation des ventes aux enchères publiques, si l’information fournie prête à confusion, car elle change les règles du jeu de façon rétroactive. Nous en débattrons certainement lors de la discussion des articles.

Le présent texte parachève également la réforme de 2000 en ce qu’il étend son champ d’application en libéralisant l’activité de vente volontaire en gros et en la rendant ainsi compatible avec les exigences communautaires.

Il est mis un terme au monopole des courtiers assermentés sur les ventes aux enchères publiques de marchandises en gros lorsqu’elles ne sont pas prescrites par la loi ou ordonnées par décision de justice.

C’est un domaine éminemment complexe et peu connu, que j’ai eu l’occasion d’aborder, voilà plus d’une vingtaine d’années, en tant que secrétaire d’État auprès du ministre du commerce, de l’artisanat et du tourisme. L’étude des activités de la bourse de commerce fut pour moi une révélation ! J’ai pris conscience de leur importance et de leur diversité. Mais j’ai dû aussi demander l’assistance d’un professeur de droit bordelais pour me permettre de comprendre complètement le film ! (Sourires.) J’emploie à dessein cette image, car j’ai eu l’occasion d’en voir d’autres illustrant les dérives possibles de ces activités pourtant très honorables et très utiles à notre économie.

En tout état de cause, la commission des lois a prévu un dispositif dont le Gouvernement ne peut que se satisfaire.

En premier lieu, le régime des ventes en gros est uniformisé avec celui des ventes au détail et soumis aux mêmes exigences de qualifications professionnelles et de garanties financières. Le champ d’activité des maisons de ventes françaises s’enrichit d’un marché représentant environ 15 milliards d’euros par an en volume de ventes publiques de marchandises.

En second lieu, les ventes en gros réalisées sur mandat judiciaire restent confiées à une catégorie spécifique de courtiers, assermentés par les cours d’appel. Le statut de ces deux cents courtiers de marchandises assermentés actuellement en exercice est réformé et modernisé. Leur discipline est confiée aux parquets et aux juridictions.

Second objectif de ce texte, la réforme des ventes aux enchères publiques n’a pas seulement pour origine le droit communautaire. Il était temps de tirer les leçons de neuf années d’application de la loi du 10 juillet 2000. MM. Philippe Marini et Yann Gaillard se sont opportunément préoccupés de la question.

Je m’adresse maintenant plus précisément à Philippe Marini, en mon nom et en celui de Michèle Alliot-Marie qui s’est penchée de très près sur ce texte qu’elle a jugé, elle aussi, particulièrement bienvenu. En effet, la justice se doit de s’intéresser aux aspects économiques et financiers des marchés de l’art. Ainsi, dans le cadre des rencontres avec les professionnels concernés par cette proposition de loi, la Chancellerie n’a cessé de défendre la nécessité de procéder à une analyse économique de la situation et de mettre en place une sorte d’observatoire de ces marchés et de ses acteurs.

Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques répond à cette préoccupation. Je pense notamment à son rapport annuel de 2008. Il est urgent que tous les autres acteurs s’y associent. Reçu récemment place Vendôme, le président du syndicat des antiquaires s’est engagé à le faire dès le début de l’année 2010. J’en prends acte.

Je souhaite que, au-delà de cet engagement, tous les acteurs en fassent autant. J’espère d’ailleurs que cet exercice favorisera un rapprochement dans un paysage excessivement atomisé entre les différentes catégories de professionnels.

Certains aspects de la réglementation issue de la loi du 10 juillet 2000 méritaient d’être assouplis, comme le souhaitaient les sociétés de ventes volontaires établies en France. Je pense à la dématérialisation du livre de police, à l’assouplissement des délais en matière de folle enchère, à la mise en œuvre d’une garantie du prix au vendeur, à la suppression de l’agrément préalable et facultatif par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques proposé aux experts, dont l’activité est avant tout fondée sur leur expérience et leur notoriété personnelles.

Je souhaite insister sur un dernier point : la préservation de la profession de commissaires-priseurs judiciaires. Il est essentiel que les ventes judiciaires aux enchères publiques, prescrites par la loi ou ordonnées par décision de justice, restent confiées à des professionnels apportant des garanties renforcées d’indépendance et d’impartialité.

Ces ventes n’entrent pas dans le champ d’application de la directive « services », car il s’agit d’activités participant à l’exercice de l’autorité publique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. À ce titre, le Gouvernement défend le maintien, sur cette activité, du monopole des commissaires-priseurs judiciaires, dont le statut offre un haut niveau de compétence et de garantie pour le justiciable. Il ne peut donc qu’approuver la position adoptée sur ce point par la commission des lois.

Le Gouvernement considère également que le statut d’officier public et ministériel des commissaires-priseurs judiciaires n’est pas compatible avec l’exercice de n’importe quelle activité, y compris dans le cadre d’une structure juridique distincte de leur office.

La proposition de loi étend l’objet social des sociétés de ventes volontaires animées par un commissaire-priseur judiciaire à des activités telles que l’édition de catalogue, ainsi que le transport de meubles. Une telle ouverture est acceptable dans la mesure où ces activités sont strictement définies et restent liées aux ventes volontaires qu’ils organisent.

Au regard du droit communautaire, une extension plus importante à des activités commerciales rendrait difficilement justifiable le monopole consenti sur les ventes judiciaires à certaines professions et fragiliserait le statut des officiers publics ou ministériels dans leur ensemble. Il faut positionner le curseur au bon endroit, et c’est ce que nous sommes en train de faire.

Enfin, dans le domaine de la vente volontaire de meubles aux enchères publiques, le texte préserve une diversité très française, issue d’une longue tradition, et permet aux notaires et huissiers de justice de continuer à se livrer à une activité accessoire de ventes volontaires meubles. Toutefois, il prévoit légitimement de mieux encadrer leur intervention dans ces activités concurrentielles.

J’ai le souvenir d’avoir assisté, petit garçon, à des ventes aux enchères ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À la bougie !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. ... dirigées par mon père, qui était notaire. C’étaient de grands moments, dont je me souviens précisément parce qu’ils ne se produisaient pas souvent. Il s’agissait effectivement d’une activité accessoire !

Les auditions menées par votre rapporteur ont permis de dégager deux idées en la matière : d’une part, la nécessité d’encadrer la notion d’accessoire afin d’éviter d’éventuels abus, et, d’autre part, le souci d’assurer un bon niveau de formation à ces personnes. Le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens.

La première ambition des auteurs de la proposition de loi, Philippe Marini et Yann Gaillard, était d’ouvrir le débat. Non seulement ils y sont parvenus, mais la force novatrice de leur texte et leur parfaite analyse de la situation du marché des ventes volontaires ont permis, grâce à la commission des lois, à son président et à son rapporteur, de placer ce débat à un niveau particulièrement élevé, intéressant et concret pour les professionnels.

Ils souhaitaient également que le législateur français saisisse l’opportunité de la transposition de la directive « services » pour dynamiser le marché des ventes volontaires français – c’est un point qui nous réunit – afin que l’on ne puisse pas dire ultérieurement à propos de cette réforme, et je reprends leurs propres termes, « trop tard et trop peu ».

Je crois pouvoir affirmer que le texte soumis aujourd’hui au Sénat nous permet d’échapper sans aucun doute à une telle critique. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui se situe dans le prolongement de la réforme opérée par la loi du 10 juillet 2000. Depuis cette date, une importante directive européenne, dite « services », a été adoptée le 12 décembre 2006. Un texte de transposition est donc nécessaire.

Comme Mme Des Esgaulx l’a très justement rappelé dans son rapport, cette obligation doit être regardée comme une opportunité pour dynamiser le marché français des ventes volontaires aux enchères publiques, actuellement en déclin.

S’il faut saluer l’initiative de nos collègues Philippe Marini et Yann Gaillard, je tiens à souligner l’important travail de fond réalisé par Marie-Hélène Des Esgaulx, notre rapporteur, qui s’est appuyée sur la base solide que représentait la proposition de loi pour la remanier et l’enrichir. Les modifications qui ont été adoptées par la commission des lois sont les bienvenues.

Ainsi, la proposition de loi initiale prévoyait la suppression des offices de commissaires-priseurs judiciaires et confiait les ventes de meubles aux enchères publiques prescrites par la loi ou par décision de justice à des opérateurs soumis à un agrément et agissant à titre individuel ou dans le cadre de sociétés. Cette suppression n’était pas souhaitable, et je me félicite que le texte issu de la commission ait abandonné ces dispositions.

Par ailleurs, la commission a souhaité permettre aux commissaires-priseurs judiciaires de réaliser des ventes de gré à gré sous mandat. Elle a également prévu de leur donner la possibilité d’exercer, dans le cadre de leurs sociétés de ventes, des activités de transport, d’édition, de diffusion et, si son amendement sur ce point est adopté, des activités de presse, en rapport avec les ventes volontaires qu’ils organisent.

Sur ce dernier point, on peut regretter que ces actes aient été listés de manière limitative, ce qui n’est pas le cas pour les opérateurs volontaires non adossés à un office de commissaire-priseur judicaire. Cette liste pourrait constituer une distorsion de concurrence.

Le texte qui nous est proposé revient également sur un aspect nouveau et en plein essor des ventes aux enchères : le recours à internet. À ce propos, il était nécessaire de conserver la distinction introduite par la loi du 10 juillet 2000 entre les ventes aux enchères et les opérations de courtage, distinction qui a vocation à s’appliquer également aux opérations réalisées en ligne. L’acteur prédominant du secteur, la société e-Bay, propose des services de courtage en ligne et non de ventes aux enchères au sens strict. Ce n’est pas toujours clair dans l’esprit de nos concitoyens.

Le texte issu de la commission réaffirme cette distinction et renforce les garanties apportées au public pour les opérations de courtage en ligne, notamment en matière d’information. Les opérateurs de services en ligne devront informer clairement le public sur la nature du service proposé. Cette disposition est très attendue. En outre, un prestataire de services délivrant des informations susceptibles d’entraîner dans l’esprit du public une confusion entre son activité et la vente aux enchères publiques sera soumis aux dispositions relatives aux ventes volontaires. C’est une bonne chose.

Concernant l’activité de ventes aux enchères exercée par les notaires et les huissiers, la commission a tenu à apporter des précisions. Ainsi, elle a adopté, sur l’initiative de son rapporteur, une modification de l’article 4 rappelant le caractère accessoire de l’activité de ces officiers publics ministériels.

Pour les ventes volontaires, la commission a fixé une limitation à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires annuel brut, en excluant du chiffre d’affaires de l’année précédente celui qui a été réalisé dans les ventes volontaires. Il s’agit là encore d’une bonne chose, car il était souhaitable que le caractère simplement accessoire de ces activités soit rappelé et qu’une limite chiffrée permette de l’évaluer.

Dans le domaine des ventes judiciaires, peut-être aurions-nous pu aller encore un peu plus loin en rappelant que notaires et huissiers ne peuvent intervenir qu’à titre subsidiaire. En effet, si ces officiers ministériels peuvent exercer subsidiairement l’activité des commissaires-priseurs judiciaires, la réciproque n’est pas vraie. D’autant que, historiquement, cette compétence n’avait été attribuée aux notaires et aux huissiers au xixe siècle que pour pallier un maillage territorial incomplet des commissaires-priseurs. Les choses ont changé avec l’évolution des moyens de transport et de communication.

Le dernier point sur lequel les modifications apportées en commission étaient indispensables concerne la forme juridique selon laquelle les opérateurs de ventes volontaires pourront exercer leur activité.

Le texte initial prévoyait que les sociétés de ventes volontaires auraient toujours une forme commerciale. Le rapport de Mme Des Esgaulx a justement rappelé que, aux termes de la directive « services », les États membres ne peuvent imposer aux prestataires d’être constitués sous une forme juridique particulière, sauf raison impérieuse d’intérêt général.