M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je ne vous le reproche pas ! J’ai simplement dit que nous n’étions pas d'accord avec vous !

Mme Évelyne Didier. Nous souhaitons effectivement souligner les effets néfastes des différentes mesures découlant de l’article 1er. Et comme nous ne sommes pas certains que tout le monde ait bien compris la signification et la portée de ces dispositions, nous nous permettons d’insister un peu…

Pour notre part, nous avons affirmé notre refus d’entériner le désengagement de La Poste d’un certain nombre de ses missions, notamment de son effort en faveur de l’enseignement supérieur dans le domaine de la communication électronique. En effet, cela nous semble important.

Force est de constater que nous n’avons obtenu aucune assurance de votre part. Au contraire, vous réaffirmez vos choix. Ne soyez donc pas étonnés que nous votions cet amendement !

Autre élément justifiant la suppression de l’article 12, le sixième et le dix-neuvième alinéas de cet article sonneront tout simplement le glas des activités sociales et associatives en faveur des personnels de la Poste.

Ainsi, le sixième alinéa supprime le Conseil d’orientation et de gestion des activités sociales de La Poste. Mais rien n’est prévu pour remplacer cet organisme, ni pendant la phase de transition ni après. Monsieur le ministre, peut-être allez-vous nous rassurer à cet égard.

Si cette question vaut, bien sûr, pour l’avenir, nous aimerions également que vous nous exposiez comment seront mises en œuvre ces prestations durant la période de transition. En un mot, dans l’attente de la mise en place des nouvelles structures, quelles seront les possibilités de soutien aux vacances et aux loisirs en faveur des personnels ?

Le dix-neuvième alinéa donne encore plus de poids à ces questions dans la mesure où il vise à supprimer la collaboration, prévue actuellement dans les textes, entre France Télécom et La Poste dans le domaine de la vie associative commune. Ainsi, le lien historique entre ces deux entreprises que vous aurez privatisées sera définitivement brisé, alors que rien ne vous y contraint.

Un tel acharnement montre bien votre volonté d’en finir avec le service public et de faire disparaître tous les vestiges d’un passé commun qui remonte à l’époque ou les deux entreprises étaient des administrations.

C’est aussi un nouveau cadeau que vous faites aux entreprises au détriment des personnels. C'est la raison pour laquelle nous voterons en faveur de ces amendements de suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 72, 312 et 515 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2.

Supprimer cet alinéa

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Nous ne pouvions faire moins que de déposer un amendement de suppression du deuxième alinéa de l’article 12. En effet, en abrogeant l’article 1er de la loi du 2 juillet 1990, vous rayez d’un trait de plume une grande histoire. Vous prouvez également votre acharnement depuis le premier changement de statut de La Poste, mais aussi depuis celui de France Télécom.

Permettez-moi de vous donner lecture de l’article que vous souhaitez supprimer : « Il est créé, à compter du 1er janvier 1991, deux personnes morales de droit public placées sous la tutelle du ministre chargé des postes et télécommunications, qui prennent respectivement le nom de La Poste et de France Télécom et sont désignées ci-après sous l’appellation commune d’exploitant public. »

Dès cette époque, nous vous avions alerté au sujet des risques qu’il y avait à transformer une administration en deux sociétés publiques. Nous avions malheureusement raison.

Ce changement à ouvert la porte à toutes les évolutions négatives que nous avons connues depuis, et que vous amplifiez aujourd’hui.

Pour France Télécom, l’affaire est faite, et l’on mesure aujourd'hui l’ampleur des dégâts. Dix-huit ans après, c’est au tour de La Poste. Nous reconnaissons votre capacité d’attente et votre constance. Vous savez attendre et ne jamais oublier de poursuivre votre œuvre.

Or, si nous n’y mettons pas un frein, la logique de ces évolutions sera inéluctable. Elles conduiront immanquablement à la privatisation partielle, puis totale, de La Poste.

Ce retour sur un passé récent démontre, s’il en était encore besoin, que nous sommes bien engagés dans un processus de privatisation. Car transformer une société publique en une société privée, qu’est-ce sinon privatiser ?

Avec l’adoption de ce projet de loi, vous aurez fait l’essentiel : il ne vous restera plus qu’à ouvrir le capital de l’entreprise quand la situation le permettra.

C’est donc tout naturellement que je voterai en faveur de la suppression du deuxième alinéa de l’article 12, et je vous demande, chers collègues, d’en faire autant

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous avons affaire à une série d’amendements qui visent à supprimer un article de coordination prenant en compte les dispositions qui ont été adoptées.

La commission est défavorable à ces amendements pour les raisons que j’ai déjà évoquées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Tous ces débats ont déjà eu lieu !

M. Daniel Raoul. La messe est dite !

M. Christian Estrosi, ministre. Non, des points importants sont encore à examiner. Mais, en l’occurrence, il s’agit d’un article de coordination qui renvoie à des heures et des heures de débats, quelquefois constructifs puisqu’ils ont permis d’éclairer nombre d’entre vous.

En tout état de cause, le Gouvernement est globalement défavorable aux amendements déposés sur cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 3 de l’article 12 qui vise à remplacer les mots « l’exploitant public » par les mots « La Poste ».

Nous sommes opposés à cet article, car nous ne sommes pas favorables à la privatisation de La Poste, qui remet en cause les missions de service public de cette dernière.

La Poste doit demeurer un exploitant public et la loi ne peut pas supprimer cette mention dans le texte de 1990.

Une fois de plus, vous affirmerez que La Poste restera une entreprise publique et que ses missions de service public seront garanties. Mais un nouvel amendement prouve que cette affirmation est une contrevérité.

À quoi peut servir d’effacer la mention que La Poste est un exploitant public, sinon pour remettre en cause purement et simplement le caractère public de l’entreprise ? Pourquoi ne pas maintenir une telle mention si vous êtes attachés, comme vous ne cessez de l’affirmer depuis lundi, au caractère public de La Poste ?

Le projet de loi, dans un premier temps, opère le changement de statut de La Poste en société anonyme. Sous couvert de garantir les missions de service public, il prépare le terrain pour la mise en œuvre de la seconde étape de ce projet, à savoir la privatisation pure et simple, en supprimant, via l’article 12, tous les éléments qui pourraient constituer un obstacle.

La consultation populaire à laquelle ont participé 2,5 millions de Français a mis en évidence l’attachement de nos concitoyens à ce service public, ainsi que leur refus de votre projet.

Voilà plus de deux siècles que La Poste est un service public : en 1804, a été conçue pour la première fois une sorte de service public, lorsque Napoléon a rattaché la direction générale des postes au ministère des finances.

La Poste est porteuse de lien social : elle assure une mission essentielle de communication par l’acheminement du courrier et le passage du facteur. Le développement d’internet et de la messagerie numérique ne remplace en rien ses fonctions et ne peut être un argument pour remettre en cause ce service public.

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue !

Mme Mireille Schurch. En effet, l’égal accès de tous à internet relève encore d’une utopie. Le phénomène que l’on appelle la fracture numérique recouvre un accès inégal à internet en fonction du milieu social, de la localisation, mais aussi de l’âge. La Poste est au contraire profondément égalitaire, elle applique un tarif unique pour le timbre et elle est accessible à tous. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP où l’on fait remarquer à l’oratrice qu’elle a dépassé son temps de parole.)

La Poste est un vecteur d’information par sa fonction d’acheminement de la presse.

M. le président. Veuillez conclure, madame Schurch !

Mme Mireille Schurch. Mais La Poste est beaucoup plus que cela : elle permet également l’accès de tous à un compte bancaire.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à la suppression de la mention « l’exploitant public ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Pour toutes les raisons qui ont déjà été avancées, la commission est défavorable à la suppression du troisième alinéa de l’article 12.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 75, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Il y a un juste équilibre à trouver entre le temps que nous mettons à présenter nos amendements et la rapidité avec laquelle la commission et le Gouvernement donnent leur avis. Finalement, nous arrivons à une moyenne ! (Sourires.)

M. Pierre Hérisson, rapporteur. N’en abusez pas !

Mme Évelyne Didier. C’est promis !

Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 4 de l’article 12 du projet de loi, qui vise à remplacer les mots : « cet exploitant » par les mots : « cette société », dans la loi relative à l’organisation du service public de la Poste et des télécommunications.

La Poste serait alors une simple société, une entreprise comme une autre. Nous ne voulons pas de cette modification !

Nous ne souhaitons pas davantage que La Poste devienne une société. Vous l’aurez compris, nous sommes opposés à son changement de statut, nous sommes opposés à sa privatisation et nous voulons que La Poste demeure, comme elle l’est depuis plus de 200 ans, un exploitant public.

Pour étayer notre opposition à cette privatisation, je me référerai à un exemple concret, celui de la société ColiPoste.

La société ColiPoste est une branche d’activité du groupe La Poste qui est déjà privatisée et dont la mission est de livrer des colis postaux à domicile, avec des garanties de livraison en 48 heures, du moins en théorie. Car, dans les faits, non seulement la livraison ne se fait pas toujours, mais en plus les délais de livraison ne sont pas forcément respectés.

Certains colis ne sont jamais livrés à domicile, mais sont déposés directement au bureau de poste sous des prétextes totalement fallacieux, tels que l’absence de mention d’un étage de livraison. Étrangement, les colis non livrés sont systématiquement destinés à des particuliers. C’est sans doute un hasard si les colis destinés aux entreprises sont, eux, toujours livrés en main propre et en respectant les délais annoncés.

Pourquoi les colis des particuliers ne sont-ils pas livrés ? La réponse est claire : ColiPoste est une entreprise privée qui cherche à dégager des profits et à exercer une activité financièrement rentable. Entre la livraison chez les particuliers et celle dans les entreprises, elle choisit la livraison qui est la plus intéressante pour elle financièrement parlant.

Malgré une demande croissante, l’activité de livraison à domicile n’est pas rentable lorsqu’elle s’adresse aux particuliers. En revanche, les entreprises, nous le concevons bien, représentent un marché bien plus profitable.

Une entreprise privée fait le choix du profit et non celui du service rendu.

Une entreprise privée choisit de réduire ses activités a minima dans les zones qui ne lui rapportent pas assez. Les premières zones touchées sont les zones les plus enclavées, les plus pauvres, alors que ce sont celles qui ont peut-être le plus besoin de ce service.

Est-ce là un service postal ? Nous répondons : non !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Dans les services publics qui fonctionnent en réseau, comme c’est le cas pour La Poste, et comme cela a également été le cas pour France Télécom, pour que le plus grand nombre de personnes aient accès au service, il faut que le tarif soit déconnecté de la prestation et qu’il y ait une compensation à l’arrivée, les services les plus rentables finançant ceux qui le sont moins, ce qui établit ainsi un équilibre.

Cela suppose un choix politique qui soit non pas celui du « tout profit », mais celui du bien-être collectif. Il s’agit en effet d’assurer le bien-être collectif pour tous, sans favoriser l’un par rapport à l’autre, d’œuvrer pour une société égalitaire et de favoriser le bien vivre ensemble. Mais, visiblement, tel n’est pas le choix du Gouvernement !

On peut affirmer dans la loi que les missions de service public de La Poste seront maintenues ; si l’on supprime toutes les conditions qui garantissent leur effectivité, ce n’est que pure incantation.

Le service public offre un accès au plus grand nombre et des tarifs identiques pour tous, sur tout le territoire. Au contraire, la libéralisation ne permet pas de sortir les régions les plus pauvres de la marginalisation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. L’alinéa 5 de l’article 12 de la loi vise à remplacer les mots : « l’exploitant public » par les mots : « la société ».

Nous souhaitons que cet alinéa soit supprimé, car il permet la privatisation du groupe public La Poste en instituant au préalable un changement de statut qui ne peut avoir d’autres visées que d’amoindrir les missions de service public de l’entreprise.

Pour notre part, nous voulons que soit conservés les missions de service public, ainsi que le statut d’exploitant public. Nous préférons donc que le service public soit garanti, assurant une qualité de service et une égalité d’accès pour tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 77 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L’amendement n° 313 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l’amendement n° 77.

Mme Mireille Schurch. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 7 de l’article 12. Cet alinéa abroge en effet la disposition mentionnant la participation de La Poste à l’effort national d’enseignement supérieur dans les domaines de la communication et de l’électronique.

Nous affirmons, pour notre part, la nécessité de maintenir cette participation du groupe public La Poste à des formations supérieures qui lui permettent de former des cadres spécialisés dans le secteur postal, œuvrant pour le bon fonctionnement du service postal français et permettant les avancées technologiques nécessaires.

La privatisation de France Télécom a porté un grand coup à l’École nationale supérieure des postes et télécommunications, l’ENSPT, qui formait des cadres supérieurs administratifs réservés à La Poste et à France Télécom. Cette privatisation a en effet tout d’abord supprimé l’obligation de participation de France Télécom à l’enseignement supérieur. Ensuite, l’ouverture à la concurrence a entraîné l’ouverture des postes de cadres de France Télécom et de La Poste, jusqu’alors réservés aux diplômés de l’ENSPT. Le résultat est implacable : l’ENSPT disparaît en 2001 et, avec elle, son corps d’ingénieurs spécialisés.

Nous souhaitons conserver cette participation financière à l’enseignement supérieur en rapport avec le champ d’action de La Poste. Il est essentiel que subsistent des écoles supérieures spécialisées, car elles assurent un rôle irremplaçable dans la recherche et le développement appliqués à ces entreprises publiques. Ces cadres qualifiés ont contribué à améliorer la qualité et les techniques de travail.

En supprimant cette obligation, on opère un désengagement de La Poste de l’enseignement supérieur, ce qui prouve bien, là encore, la volonté du législateur d’aligner La Poste sur le modèle des entreprises privées, en effaçant toutes les éléments qui pourraient être des entraves à la compétitivité du groupe.

L’objectif est non plus de contribuer à aider et à favoriser l’enseignement supérieur national dans un domaine en lien avec les activités postales, mais de supprimer toutes les obligations légales induisant des coûts pour la future entreprise privée, afin de dégager le maximum de profits. L’enseignement supérieur doit être l’une de nos priorités et nous souhaitons que la participation de la Poste à l’enseignement supérieur soit maintenue.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 313.

M. Jean Desessard. Tout d’abord, je remercie M. le ministre d’avoir pris le temps, dans son avis sur les amendements de suppression, de nous expliquer en quoi consistait l’alinéa 7 que nous voulons supprimer.

L’article 4 de la loi du 2 juillet 1990, que cet alinéa tend à modifier, est ainsi rédigé : « La Poste concourt à promouvoir et à développer l’innovation et la recherche dans son secteur d’activité. Elle participe à l’effort national d’enseignement supérieur dans les domaines de la communication et de l’électronique. » Aujourd’hui, vous nous proposez de supprimer la seconde phrase de cet article. Il est vrai que nous pourrions trouver une source de satisfaction dans le fait que vous conserviez la première phrase, mesure qui devrait d’ailleurs s’appliquer à de nombreuses entreprises !

Cette suppression appelle deux observations.

Si cette mission d’enseignement concernait principalement France Télécom, pourquoi cette phrase n’a-t-elle pas été supprimée lors de la privatisation de cette entreprise ? Le maintien de cette phrase signifiait-il que, lorsque La Poste était encore un service public, elle pouvait se voir confier des missions d’enseignement supérieur dans les domaines de la communication et de l’électronique ?

Si on nous dit que La Poste n’est pas armée pour intervenir dans ces domaines, nous pouvons comprendre cette suppression. Mais elle ne l’était pas plus lors de sa séparation de France Télécom ! Il aurait donc fallu effectuer cette suppression à cette époque, car La Poste n’avait déjà plus les moyens d’assumer l’effort national d’enseignement supérieur dans les domaines de la communication et de l’électronique, puisqu’elle ne disposait plus des connaissances ni du savoir-faire.

Mais on ne procède à cette suppression qu’aujourd’hui, lors de sa transformation en société anonyme. Comprenez que cette réaction tardive nous inquiète : nous nous demandons s’il s’agit de prendre acte du fait que La Poste ne dispose pas, effectivement, des moyens d’assumer sa mission d’enseignement supérieur, ou s’il s’agit tout simplement d’épargner à une société anonyme en voie de privatisation un effort en faveur de l’enseignement supérieur national.

Ce désengagement est d’autant plus étonnant que le Président de la République, Nicolas Sarkozy – je ne le considère pas comme une référence, certes, mais peut-être n’est-ce pas votre cas –, a déclaré à plusieurs reprises qu’il était important d’engager un effort national pour l’enseignement supérieur.

Dans l’attente d’explications de M. le ministre quant au fait que cette modification de l’article 4 de la loi du 2 juillet 1990 n’est pas intervenue lors de la scission de La Poste et de France Télécom, je maintiens mon amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, car elle souhaite respecter la logique de coordination de cet article avec les dispositions déjà adoptées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77 et 313.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 78, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 8, 9, 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement, une fois de plus, s’oppose à la privatisation que prévoit le projet de loi du Gouvernement.

Nous souhaitons supprimer les alinéas qui précisent que le cadre général de gestion des activités de l’exploitant public est fixé par décret en Conseil d’État et qu’un autre décret en Conseil d’État fixe les garanties d’une juste rémunération des prestations de service public qu’assure La Poste – et non plus l’exploitant public La Poste –, notamment les prestations de transport et de transport de la presse.

Nous sommes opposés à ces trois alinéas qui remettent en cause le caractère public du groupe. Après EDF, après GDF, après France Télécom, nous franchissons aujourd’hui une nouvelle étape de la libéralisation des services publics, celle de La Poste, qu’entérinent ces alinéas et, avec eux, tous les autres articles du projet de loi.

Le Gouvernement effectue là le choix d’un type de société, et non, comme il tente de le faire croire, celui de la modernisation et du pragmatisme. Le pragmatisme, c’est une idéologie, idéologie qui sert à justifier celle du marché et du libéralisme, à l’accompagner, et qui met l’accent non pas sur l’importance de la qualité du service rendu à tous les usagers, afin de favoriser la cohésion sociale, mais sur l’équilibre financier et la rentabilité.

Les exemples de dégâts produits à l’échelle internationale ne manquent pas. Qu’il s’agisse de l’énergie, des télécommunications ou des transports, on constate partout les mêmes effets négatifs : réduction de l’emploi et baisse des coûts salariaux, sous prétexte d’une diminution des prix, dont les entreprises multinationales, essentiellement, bénéficient.

Le service public, dans le domaine postal comme dans les autres domaines, participe de la construction d’un véritable modèle social auquel on nous impose de renoncer aujourd’hui. Pourtant, le service public postal a contribué à l’accessibilité de tous à ce service, mais également à l’égalité de traitement des citoyens, à un aménagement du territoire plus équilibré, à la réalisation d’infrastructures et d’équipements importants, ainsi qu’à la dynamique d’emploi et de cohésion sociale et territoriale.

Le droit à la communication pour tous est un droit fondamental qu’assure le service public de La Poste, et aucun autre service privé ne pourrait de ce point de vue l’assurer aussi bien que lui.

Cessons de biaiser le débat et de diaboliser le statut actuel de la Poste, qui lui permet de mener à bien toutes ses missions, comme 2,5 millions de Français, que vous refusez d’écouter, se sont empressés de le dire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 78.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 79, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer l’année :

2010

par l’année :

2009

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. La loi du 2 juillet 1990 prévoyait le dépôt au Parlement, avant le 31 décembre 1996, d’un rapport du Gouvernement sur la mission d’aménagement du territoire de La Poste.

Dans l’alinéa 11 de cet article 12, vous reportez désormais la date de dépôt de ce rapport au 31 décembre 2010. Nous considérons que les délais accordés pour la remise de ce document étaient déjà suffisamment longs et nous demandons que ce rapport soit rendu le 31 décembre 2009.

En effet, selon nous, la mission d’aménagement du territoire de La Poste n’est pas secondaire, et à l’heure où votre projet de loi de privatisation du service public postal risque de porter un nouveau coup à cette mission de La Poste, nous serions particulièrement intéressés de pouvoir lire au plus vite un tel rapport.

Si ce document ne peut être remis avant le 31 décembre 2010, c’est peut-être parce que vous ne souhaitez pas qu’il mette en lumière le fait que les obligations de La Poste en matière d’aménagement du territoire ont été allégées par vos lois successives et par ce dernier projet de loi.

Qui serait assez naïf pour croire que, si la Poste se transforme en société anonyme, elle pourra continuer à assumer efficacement des missions de service public ? Comment pourra-t-elle maintenir ouvertes des agences dites « non rentables », en particulier en milieu rural, si elle doit répondre aux exigences de rentabilité des entreprises privées commerciales ?

Tout porte à croire qu’elle continuera à fermer des agences et à réduire ses effectifs. Les communes devront donc, si elles souhaitent conserver ce service, ouvrir des agences postales communales dont elles assumeront en quasi-totalité la charge financière et qui proposeront des services limités.

Ainsi, une nouvelle fois, la mission d’aménagement du territoire est transférée aux collectivités locales, sans réel financement en contrepartie, et le service public postal proposé aux usagers se dégrade. Pourtant, la présence d’un véritable bureau de poste dans une commune, ouvert à temps plein, avec la présence d’agents au guichet, est primordiale pour continuer d’assurer un lien social nécessaire à la cohésion nationale.

À l’heure où les moyens de communication se développent et sont de plus en plus essentiels pour chacun, vous allez, une nouvelle fois, accentuer une fracture en France entre les citadins et les habitants des zones dites « non rentables », déjà inégalement desservis par les réseaux du téléphone mobile et d’internet.

Avec ce nouveau projet de loi, vous accentuez la désertification des zones rurales françaises et la dégradation de la mission de service public d’aménagement du territoire de La Poste.