Mme Annie David. Grâce au Conseil national de la Résistance !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Selon Mme Le Texier, il n’y aurait pas lieu de débattre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. À travers les réponses que je vais apporter à un certain nombre d’orateurs, je veux montrer qu’il n’en est rien.

Monsieur le rapporteur général, je vous remercie de vos propos, de votre soutien à l’architecture globale du volet « assurance maladie » et de votre engagement à nos côtés pour une meilleure efficience des masses financières considérables engagées.

Comme l’a rappelé Éric Woerth voilà un instant, par comparaison à d’autres pays, la France est vice-championne du monde en matière de dépenses de santé. Notre pays assure une prise en charge solidaire parmi les plus élevées, et le reste à charge pour les malades y est le plus faible.

Monsieur le rapporteur général, certaines de vos positions appellent quelques explications de ma part, ce qui montre bien, madame Le Texier, qu’il convient de débattre.

Vous avez évoqué la prise en charge de la pandémie grippale, le secteur optionnel, la convergence tarifaire et le RPPS. Je traiterai également les sujets visés par M. le rapporteur pour avis et je répondrai plus complètement aux autres questions lors de la discussion des articles.

Pour ce qui concerne la pandémie grippale, la commission des affaires sociales demande la suppression de l’article 28. Or ce dernier assure le financement par l’assurance maladie des professionnels de santé réquisitionnés dans la campagne de vaccination.

Il n’est pas inutile de rappeler que le recrutement des professionnels de santé se fait sur la base du volontariat, ce qui justifie pleinement une prise en charge par l’assurance maladie, la réquisition étant une simple modalité destinée à protéger juridiquement les professionnels.

Il serait extrêmement dommageable de laisser planer une insécurité sur le financement des professionnels des centres de vaccination, alors que cette opération va commencer après-demain.

La commission des affaires sociales propose également de réintégrer les dépenses induites par la grippe A dans le seuil d’alerte. Une certaine confusion semble régner. En effet, il ne s’agit pas d’exclure de l’ONDAM les dépenses afférentes à la grippe A. Mais cet objectif ayant été défini au mois de septembre, il n’a pas été possible de tenir compte de ces dépenses, qui présentent un caractère d’ordre public. Ce traitement de crise est dérogatoire au droit commun. Nous ne pourrons évaluer les dépenses qu’a posteriori. Le coût des consultations sera modéré, qu’elles soient réalisées par les réseaux Sentinelles et GROG, Groupes régionaux d'observation de la grippe, ou par celui des médicaments hors Tamiflu pris en charge par l’EPRUS, l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires. Les indemnités journalières seront, elles, évaluées ex post.

Les caractéristiques de cette pandémie, la première du xxie siècle, ne permettent pas de prévoir le montant des crédits qui devront être mobilisés. Pour être logiques, M. Vasselle comme M. Jégou devraient proposer un taux majoré de l’ONDAM, ce qui est bien évidemment tout à fait impossible, compte tenu du fait que nous ne disposons pas des évaluations nécessaires.

Vous refusez d’affecter la contribution des organismes complémentaires à l’EPRUS. Or cet organisme finance l’ensemble de la vaccination, et il n’est que logique de lui affecter cette contribution. Le schéma paritaire entre l’État et l’assurance maladie n’est nullement remis en cause.

Le secteur optionnel a été évoqué par de nombreux sénateurs siégeant sur différentes travées. Je ne souhaite pas que la convention ou, à défaut, un règlement arbitral définisse ce secteur, car cela reviendrait à déterminer une date butoir pour sa création. Il s’agirait, de surcroît, d’un cavalier social. Nous ne pouvons obliger les partenaires conventionnels à signer au mois de février un accord insatisfaisant. Le protocole du 15 octobre est une première étape. Des discussions approfondies doivent être poursuivies. Les conditions de convergence du secteur 2 vers le secteur optionnel doivent être réelles. Les organismes complémentaires doivent garantir de façon concrète leur participation au financement du secteur optionnel et des contreparties substantielles doivent limiter le coût pour l’assurance maladie, qui prendrait à sa charge la généralisation du modificateur K, les revalorisations de la CCAM technique, sans compter les cotisations sociales. Pour l’instant, le compte n’y est pas.

M. About n’étant pas présent, je reviendrai sur la convergence intrasectorielle ultérieurement.

Le report de la convergence intersectorielle à 2018 est absolument indispensable. Il faut mener à terme les études nécessaires pour « objectiver » et quantifier les écarts de coût, car la convergence s’entend « dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par les tarifs ». Il faut, en outre, laisser aux établissements le temps de procéder aux adaptations nécessaires et d’absorber la convergence tarifaire. La plupart des établissements hospitaliers font des efforts non négligeables en la matière.

Le processus a commencé. L’écart a été réduit de dix points depuis 2008 : il est passé de 37 % à 27 %. La convergence est effective pour certains secteurs ; elle est obligatoire pour les prestations nouvellement créées. Cette précision intéressera Alain Milon, que je remercie de son soutien.

Toutefois, pour aller dans le sens indiqué par MM. Jean-Jacques Jégou et Alain Vasselle, nous voulons promouvoir une démarche innovante dans quelques dizaines de GHS, c'est-à-dire les groupes homogènes de séjour.

Ce travail a été confié à l’ATIH, l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, et une première liste est en train d’être analysée qui, pour répondre à la question qui m’a été posée, concerne essentiellement la chirurgie ambulatoire et la chirurgie à sévérité légère.

Quatrièmement, pour avancer le RPPS, c'est-à-dire le répertoire partagé des professionnels de santé – notre manie des sigles nous rend parfois incompréhensibles ! –, par circulaire du 16 juillet 2008, la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins a demandé aux établissements de santé qui bénéficiaient naguère de la dotation globale de recueillir les identifiants de leurs médecins salariés, sans attendre la publication des textes juridiques y afférents.

Le dernier relevé de juillet 2009 montre que cette opération est en bonne voie et qu’elle devrait être terminée à la fin de cette année. Les deux tiers des CHU – les établissements où cette tâche est la plus complexe –, ont atteint une quasi-exhaustivité.

Les textes juridiques portant création du RPPS ont été publiés en février 2009, comme je m’y étais d'ailleurs engagée auprès de vous, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, et le dispositif de guichet unique sera pleinement opérationnel au début de 2010.

Les textes relatifs à la double identification des prescripteurs par leur numéro personnel et leur numéro d’établissement sont en cours d’examen au Conseil d'État et leur publication est attendue avant la fin de cette année.

Pour être effectif, le suivi des prescriptions hospitalières requerra également des modifications des logiciels des professionnels de ville et des transporteurs sanitaires.

Les évolutions des cahiers des charges SESAM-Vitale ont été réalisées par la CNAM et transmises aux éditeurs, mais il faudra compter au moins douze mois – je suis parfaitement transparente avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs –, avant que le déploiement de ces logiciels soit effectif chez tous les professionnels. En outre, nous devrons faire preuve d’un grand volontarisme dans ce domaine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, certaines de vos questions de fond vont bien au-delà du cadre « classique » d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ainsi, monsieur Barbier, vous vous êtes demandé s’il fallait instaurer un « bouclier sanitaire », pour l’appeler par son nom, car c’est bien à cela que reviendrait la création d’une franchise annuelle en fonction du revenu.

Ce débat dépasse largement celui qui nous concerne aujourd'hui. Toutefois, le pacte de 1945 est parfaitement clair : chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Il s'agit là, me semble-t-il, d’un principe qui fait consensus, ou du moins qui suscite une très large adhésion parmi nous, quelle que soit notre sensibilité politique !

M. Guy Fischer. Nous sommes d’accord !

M. François Autain. Oui, nous sommes d'accord !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne me vois pas aborder cette question au détour d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Peut-être les candidats à l’élection présidentielle de 2012 le feront-ils, car c’est véritablement dans ce cadre que ce problème doit être discuté.

Par ailleurs, plusieurs orateurs ont évoqué les recettes nouvelles qu’il conviendrait d’accorder à l’assurance maladie. Pourquoi pas, en effet ?

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, nos dépenses de santé sont parmi les plus élevées du monde, nos dépenses hospitalières étant même les plus importantes, par tête d’habitant. Or qui paye, finalement, l’assurance maladie ? Celle-ci est financée à 45 % par des cotisations prélevées sur les salaires, à 35 % par la CSG, un impôt qui est acquitté par tous, vous ne pouvez pas le contester, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, puisqu’il a été inventé par la gauche,…

M. Guy Fischer. Aïe, aïe, aïe !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … enfin, à 20 %, par des recettes affectées. Or toutes ces sources de financement sont autant de ponctions directes sur le pouvoir d’achat des ménages.

Avant d’augmenter les ponctions sur les ménages, je pense, comme beaucoup d’autres, qu’il faut se demander si notre système de santé ne recèle pas des marges d’efficience… Et c’est bien le cas, je puis vous l’assurer !

Ainsi, selon le rapport de la Cour des comptes rédigé par Mme Ruellan, pour réaliser cinq mille actes d’anesthésie, il faut, selon les cas, entre quatre et trente infirmières, tandis que, en pneumologie, le nombre de médecins spécialisés par lit varie de un à dix suivant les hôpitaux, entre autres exemples tout à fait parlants.

Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de ponctionner encore davantage le pouvoir d’achat des Français, attachons-nous à utiliser ces marges d’efficience ! C’est ce que je vous ai proposé à travers la loi « hôpital, patients, santé et territoires », que vous avez bien voulu voter et qui a été promulguée le 21 juillet dernier.

Notre système de santé a besoin de moyens supplémentaires - nous les lui accordons à travers un taux de progression de l’ONDAM extrêmement ambitieux, puisqu’il est de 3 % - et doit également être réorganisé, et c’est ce que nous avons fait à travers la loi du 21 juillet 2009.

C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de ne pas adopter la motion, défendue par Mme Raymonde Le Texier, tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, croyez bien que nous ne refuserons pas le débat, s’il le faut, mais nous partirons de la réalité des comptes de la sécurité sociale et, je le répète, nous exigerons des solutions immédiates !

En effet, comme les sénateurs de votre majorité eux-mêmes l’ont souligné, il est temps d’agir, au lieu de nous reposer sur des perspectives lointaines et de nous laisser détourner des vrais enjeux. L’hôpital, en particulier, a bien besoin aujourd'hui d’aide et de compréhension, sinon il continuera à se vider des quelques grands praticiens dont il s’enorgueillit encore.

Nous voulons débattre, mais M. Woerth a d’ores et déjà affirmé qu’il fallait attendre, une fois de plus. Il a repris une démonstration que nous avons déjà souvent entendue, où il était question, notamment, de sortie de crise et d’emploi. S'agissant du chômage, d'ailleurs, monsieur le ministre, la situation est encore plus catastrophique que celle que vous dépeignez !

En outre, M. Vasselle, sur lequel nous comptions, parce qu’il avait montré ses muscles en commission, vient de reprendre l’argumentation de M. Woerth, presque au mot près.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pas complètement !

M. François Autain. C’est classique !

M. Bernard Cazeau. Dès lors que nous ne pouvons même plus avoir confiance en notre rapporteur, qui nous avait tant promis, nous opposons à ce texte la question préalable. L’argumentation de Mme Le Texier a été suffisamment claire. Que chacun maintenant prenne ses responsabilités !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 67, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 63 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2010
Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi, par M. Daudigny, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°68.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2010 (n° 82, 2009-2010).

La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la motion.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, après toutes les déclarations prononcées depuis ce matin à cette tribune, vous avez l’occasion d’être cohérents avec vous-mêmes et de prendre une décision qui serait, certes, inaccoutumée – le renvoi en commission –, mais à la hauteur de la situation exceptionnelle que nous connaissons.

Vous l’avez tous souligné : les comptes sociaux sont au bord du gouffre. Plusieurs « grandes premières » ont été citées par les orateurs qui m’ont précédé. En voici une autre : pour la première fois, la commission des finances de l’Assemblée nationale n’a pas adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale, faute de majorité ! Notre collègue députée qui remplissait les fonctions de rapporteur a jugé les choix du Gouvernement « peu vertueux et surtout risqués » et son projet « insuffisant », et elle-même s’est abstenue.

Nous aussi, les parlementaires, nous avons une responsabilité, et s’il ne nous appartient pas d’assumer celle du Gouvernement, nous ne pouvons cautionner un projet d’une telle indigence face au danger que représente, à très court terme maintenant, une dette insoutenable.

La litanie des chiffres donne le vertige. Les déficits explosent. En 2010, toutes les branches seront dans le rouge. La fin de la crise laisse-t-elle présager le retour à l’équilibre ? Non ! Nous le savons, la dette qui était pour partie conjoncturelle dans ses causes, bien sûr, est devenue totalement structurelle.

De même, le déficit est permanent, et il est malheureusement prouvé que le retour de la croissance ne permettra pas de le supprimer. C’est bien la pérennité même de notre système de protection sociale qui en jeu.

Or quelle est la réponse du Gouvernement ? Un projet d’attente, surréaliste – le terme a déjà été utilisé –, celui précisément qui est proposé à l’examen de la Haute Assemblée.

Madame la ministre, je vous ai interrogée récemment ici même pour savoir quel pouvait être l’objectif d’un gouvernement dont on a le sentiment qu’il regarde couler ce vaisseau, pourtant au cœur de notre identité nationale. Votre réponse a été un peu décalée. Vous m’avez reproché de mélanger les différentes branches de la sécurité sociale.

J’en profite donc pour vous confirmer que j’évoquais bien le déficit du régime général : 10,2 milliards d'euros en 2008, 23,5 milliards d'euros en 2009, 30,6 milliards d'euros prévus pour 2010, 30 milliards d'euros pour 2011, pour 2012 et pour 2013.

J’évoquais également le plafond des avances de trésorerie autorisé de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, qui serait porté à un montant historique de 65 milliards d'euros. À ce rythme, en 2013, les déficits cumulés atteindront 170 milliards d'euros : 150 milliards d'euros pour l’ensemble des régimes et 20 milliards d'euros pour le Fonds de solidarité vieillesse.

Madame la ministre, je ne peux pas non plus ne pas réagir lorsque vous affirmez lutter contre les refus de soins par des mesures de plus en plus précises en prévoyant des sanctions à l’encontre des professionnels de santé qui ne respectent pas leurs obligations. Or vous vous êtes prononcée contre la légalisation du testing que nous défendions lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires ; vous avez refusé l’instauration de sanctions à l’encontre des comportements discriminatoires que nous proposions également ; vous avez choisi de laisser peser l’entière charge de la preuve de la discrimination sur l’assuré.

Que doit-on croire, madame la ministre : ce que vous dites ou ce que vous faites ? Vos discours, aussi assurés et volontaires qu’ils soient, ne peuvent tenir lieu de politique !

En matière ambulatoire, qu’avez-vous fait pour instaurer un réel accès aux soins ? Vous avez accordé des augmentations de rémunérations sans contreparties. Vous avez abandonné – ce sont les médecins qui l’affirment ! – l’outil conventionnel, qui est aujourd'hui à bout de souffle. Et la perspective de la création d’un secteur optionnel, depuis la signature, le 15 octobre dernier, d’un protocole entre l’assurance maladie, une partie des représentants des médecins et des organismes complémentaires, ressemble fort à un marché de dupes pour la sécurité sociale et les mutuelles.

Vous ne répondez pas à cette question fondamentale pour nos concitoyens. Pourquoi ne dites-vous pas la vérité, qui est qu’en laissant passivement filer les déficits depuis des années, vous procédez, avec la sécurité sociale, comme vous venez de le faire pour l’hôpital ? C’est une triste valse à trois temps : désengagement de l’État, asphyxie financière, dilution dans le privé.

Les victimes, ce sont les Françaises et les Français, surtout les plus humbles d’entre eux.

Car à l’impéritie vous ajoutez l’injustice sociale, en faisant peser sur l’usager la responsabilité et le coût de la dette. Ce projet de loi ne déroge pas à ce qui est devenu la règle : nouvelle hausse du forfait hospitalier, nouveau déremboursement de médicaments, nouveau transfert sur les mutuelles.

Vous organisez ainsi, peu à peu, année après année, franchise après franchise, de manière peu visible mais certaine, la baisse constante de la part socialisée des dépenses de santé.

Nous le savons, les économies attendues de ces mesures sont dérisoires au regard de l’ampleur de la dette. En revanche, elles sont lourdes de conséquences pour les budgets et la santé des familles. Mais, au nom d’un vieil évangile fiscal, imprimé rue du Faubourg-Saint-Honoré, vous trouvez juste de taxer les plus fragiles plutôt que d’avoir recours aux prélèvements obligatoires et de répartir la charge sur tous. Au nom du saint bouclier, vous préférez laisser enfler la dette sociale, alors que vous pourriez à tout le moins en atténuer la charge en rétablissant la CRDS dans le droit commun des cotisations, ce que des voix réclament dans votre propre camp.

Les ressources nouvelles que vous nous proposez d’adopter sont tout aussi marginales et loin d’être à la hauteur des enjeux.

« Un déficit structurel appelle des réformes également structurelles qui ont rarement un impact immédiat. » Ainsi s’exprimait le Premier président de la Cour des comptes devant la commission des affaires sociales du Sénat. Il n’y a pas à chercher : rien de tel dans ce texte. Et force pour nous est de débattre non pas sur ce qui y est, mais sur ce qui n’y est pas.

J’en viens au secteur médico-social. Je souligne que, pour la deuxième année consécutive, nous disposons de l’excellent rapport, à la fois objectif et enrichissant, de notre collègue Sylvie Desmarescaux.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ah !

M. Yves Daudigny. Les comptes présentés apparaissent favorables, avec un taux de progression global des deux ONDAM de 5,8 %. Mais nous avons constaté un certain manque de sincérité si l’on tient compte du « débasage » de 150 millions d’euros sous-consommés et réintégrés l’année dernière dans les comptes de l’assurance maladie, ainsi que des opérations de transfert entre secteurs.

On se souvient également de la charge nouvelle que constitue la partie des contrats de projets État-régions imputée à la CNSA, à hauteur de 30 millions d'euros en 2009.

Ces multiples « tuyautages » rendent évidemment l’appréciation des chiffres malaisée et plus encore celle de leur fléchage.

Nous sommes bien sûr inquiets du déséquilibre naissant des comptes de la CNSA. Quelles sont les garanties d’un financement pérenne de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, dont la montée en charge constitue un poids croissant pour les départements ? Les finances des conseils généraux sont durement affectées par l’effondrement des droits de mutation, par l’explosion des dépenses sociales, par des transferts de compétences mal compensés, sans parler de la suppression de la taxe professionnelle, que l’on nous annonce.

La répartition de la part nouvelle du financement de l’APA devait, à l’origine, être établie à parité avec l’État. Or les départements assument aujourd’hui 70 % du fonctionnement ! Contrairement à ce qu’affirmait Nadine Morano à cette même tribune tout à l’heure, à partir de 2009, aucune couverture globale de la charge de la prestation de compensation du handicap par la CNSA n’est prévue pour les départements ! Nous demandons depuis des années que la solidarité nationale assume le fonctionnement des allocations universelles, dont les élus locaux ne décident ni du principe ni du montant.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Yves Daudigny. En outre, quelles seront les conséquences de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires sur le secteur médico-social, avec la disparition des comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, les CROSMS ? Comment s’articuleront les compétences actuelles des départements et les coopérations avec les agences régionales de santé ? Nombre d’incertitudes demeurent et vous prenez dans la caisse de l’assurance maladie pour assurer le financement du fonctionnement des agences régionales de santé.

La nouvelle tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EPAD, suscite les mêmes inquiétudes et les enjeux en sont tout aussi fondamentaux.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Yves Daudigny. À quel moment le facteur humain et la préservation des liens sociaux, aspects majeurs s’il en est, sont-ils pris en compte dans les référentiels ?

M. Guy Fischer. Ils n’en veulent pas !

M. Yves Daudigny. En réalité, la vision strictement comptable du Gouvernement aboutit à ce paradoxe que les places créées deviennent inaccessibles à une grande partie de celles et de ceux qui en ont le plus besoin !

Aujourd’hui, les personnes âgées dépendantes et les familles ne demandent plus où et comment elles pourront être accompagnées mais pour combien ! Celles et ceux qui viennent nous voir demandent non plus une place, mais un prix !

C’est que la question même de la prise en charge solidaire de la dépendance en est toujours au stade initial. Déclarations, engagements et rendez-vous solennels du Gouvernement restent conjugués au futur...improbable !

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 le confirme, lui qui ne traite aucune des questions que je viens d’évoquer, hormis dans un unique article, relatif à la prise en charge des frais de transports des adultes handicapés. Et encore est-ce pour le seul accueil de jour et a minima. C’est certainement la « politique des petits pas », dont parle notre collègue Alain Vasselle !

La même indigence frappe votre politique familiale, que résume la seule disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 consacrée à la branche, disposition qui plus est parfaitement marginale, pour ne pas dire vénielle, tandis que les mesures adoptées l’année dernière pour l’accueil de la petite enfance tardent toujours à produire les effets annoncés. De l’avis même des professionnels, elles n’ont, pour l’instant, que contribuer à dégrader les conditions d’accueil.

Car telles sont nécessairement les conséquences des décisions qui poussent la quantité à la hausse, mais qui tirent à la baisse les qualifications requises ! (M. Guy Fischer applaudit.)

Par ailleurs, les comptes de la branche famille font apparaître un déficit nouveau et préoccupant, alors que des mesures d’économies avaient déjà fortement contraint les dépenses et que la tendance à la réduction des familles nombreuses devrait tirer le volume des prestations vers le bas.

Certes, et nous sommes d’accord sur ce point, il faut tenir compte des effets de la crise – 1,6 milliard d'euros de perte de recettes –, et particulièrement de la dégradation de l’emploi, qui entraîne une forte augmentation de l’allocation logement. Mais le rôle essentiel d’amortisseur social que jouent les allocations familiales s’en trouve amoindri et l’annonce d’un possible gel de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, du complément familial et de l’allocation de rentrée scolaire en 2010 est fort malvenu pour les familles et les enfants. D’ailleurs, rien dans ce projet de loi de financement ne montre que vous vous préoccupiez vraiment des enfants et des familles.

M. Guy Fischer. C’est scandaleux, avec cette crise !

M. Yves Daudigny. Il vous aura fallu pas moins de deux ans pour enfin installer le Haut Conseil de la famille. Vous avez purement et simplement renoncé à la mise en place du Fonds national de financement de la protection de l’enfance. Vous décidez de supprimer l’institution du Défenseur des enfants.

M. Guy Fischer. Là aussi, c’est inadmissible ! Mme Versini faisait du bon travail !