M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est un procès d’intention, car nous n’avons jamais dit que nous ferions cela !

M. Yves Daudigny. Aussi, madame la ministre, nous voterons contre l’article 5.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.

Mme Raymonde Le Texier. Cet article concerne l’objectif d’amortissement rectifié de la Caisse d’amortissement de la dette sociale et les prévisions de recettes rectifiées du Fonds de réserve pour les retraites.

Avec plus de 90 milliards d’euros de dette à amortir, la CADES gère une créance qui pèse déjà lourdement, je crains que nous n’ayons à le rappeler souvent encore, sur l’avenir de nos enfants ou de nos petits-enfants.

En effet, la dette sociale n’est pas un investissement pour l’avenir, dans lequel les dépenses d’aujourd’hui seraient les équipements ou les recettes de demain : elle ne fait que reporter les charges de fonctionnement du quotidien.

Yves Daudigny l’a rappelé, c'est la raison pour laquelle nous avons voté en 2005, dans le cadre de loi organique, un article prévoyant que tout nouveau transfert de dettes devait s’accompagner de recettes supplémentaires.

C’est pour contourner ce principe que vous avez augmenté le plafond de l’ACOSS, dont vous transformez les avances en véritable crédit revolving afin de pouvoir cumuler les nouveaux déficits en vous défaussant de vos obligations.

C’est un mode de gestion qui ne fait que repousser artificiellement des décisions inéluctables.

Or, les déficits 2009 et 2010 n’étant pas financés, il faudra bien les transférer un jour ou l’autre à la CADES et augmenter la CRDS en proportion.

Tel qu’il nous est présenté dans ce PLFSS, l’objectif d’amortissement est complètement déconnecté de la réalité, raison de plus pour voter contre l’article 5.

M. le président. L'amendement n° 255, présenté par M. Fischer, Mmes Pasquet et David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. La question de l’avenir du Fonds de réserve des retraites et, plus précisément, de son abondement n’est pas nouvelle, et pour cause !

Le 8 janvier dernier, cinq organisations syndicales, la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et la CGC, s’adressaient par courrier au Président de la République afin « de lui rappeler les engagements sur la nécessité de pérenniser le Fonds de réserve des retraites ».

Je ne reviendrai pas sur ce que nous avons dit du sous-financement du fonds, puisque nous savons tous que celui-ci n’atteindra jamais en 2020 les 152 milliards d’euros initialement prévus. Remarquons cependant qu’il ne s’agit pas là de la seule responsabilité de Nicolas Sarkozy,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ah, on l’avoue tout de même !

Mme Isabelle Pasquet. …son prédécesseur a lui aussi fauté.

C’est à croire, madame la ministre, que, pour votre majorité, sécuriser l’avenir des retraites de nos concitoyens ne fait pas partie des priorités.

Pour mémoire, la loi instaurant le FRR, prévoyait plusieurs types de dotations : 2 % du prélèvement social sur les revenus de patrimoine et de placement, les excédents de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, le produit de cessions d’actifs telles que les privatisations, la cession des parts de caisses d’épargne.

Or, selon les organisations syndicales, il semblerait que, contrairement à ses engagements, le Gouvernement se soit contenté des 2% de prélèvement social et ait refusé de verser les recettes de privatisation.

En refusant la réduction de 200 millions d’euros des recettes qui lui sont destinées, nous entendons faire cesser la politique d’appauvrissement du FRR, car nous sommes convaincus qu’un fonds qui ne serait pas au plafond de ses capacités financières jouera immanquablement contre les plus pauvres d’entre nos concitoyens, les contraignant à un choix entre cumuler emploi et retraite ou vivre dans la misère.

Ne pouvant nous satisfaire de cette alternative ni accepter que l’État continue à confondre son budget et les comptes sociaux, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter en faveur de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous avançons doucement mais sûrement, puisque c’est le deuxième amendement en une heure !

Ce deuxième amendement est un amendement d’appel, tout du moins je l’interprète comme tel, car nos collègues du groupe CRC-SPG savent fort bien qu’il n’est pas très sérieux de proposer de maintenir un montant de recettes à un niveau qui ne correspond pas à la réalité.

Or, la réalité, c’est qu’il manque 200 millions d’euros, le revenu du capital n’ayant pas atteint le niveau espéré.

Il aurait été plus cohérent et plus logique de votre part, mes chers collègues, de proposer une augmentation du prélèvement de 2 % à due concurrence des 200 millions d'euros manquants.

J’ai bien compris que ce n’était la voie que vous aviez choisie et que vous ne souhaitiez pas augmenter les prélèvements sur le capital. Maintenir le montant des recettes grâce à une ressource inespérée, mais surtout ne pas toucher au capital paraît d’ailleurs tout à fait cohérent et logique de la part du groupe CRC-SPG ! (Sourires sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

La commission a donc compris l’appel, auquel le Gouvernement répondra peut-être, mais son avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Constatant simplement que cet amendement n’est pas légitime, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 255.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5.

(L’article 5 est adopté.)

Article 5
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Article 6

Articles additionnels après l'article 5

M. le président. L’amendement n° 256, présenté par M. Fischer, Mmes Pasquet et David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un rapport sur la sécurité des instruments financiers détenus par le Fonds de réserve pour les retraites visé à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, est déposé au plus tard le 30 septembre 2011 sur le bureau des assemblées.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. L’année dernière déjà, nous vous alertions sur la situation du fonds de réserve pour les retraites, le FRR, qui avait vu fondre ses actifs d’environ 25 %. Ainsi, au premier trimestre 2008, le FRR avait perdu pas moins de 3 milliards d’euros.

Il semblerait que cette année, après dix-huit mois de difficultés continues, le FRR reparte à la hausse, avec une progression de 10,5 % par rapport à 2008. Selon Jérôme Libeskind, journaliste à BFM, le FRR aurait profité d’une amélioration de la situation internationale et « d’une gestion légèrement plus prudente, marquée par une réduction de l’exposition aux actions, à l’immobilier et aux matières premières ».

Pour autant, l’équilibre général du FRR n’est pas radicalement changé et le portefeuille reste composé de 55 % d’actifs risqués : 45 % d’actions, 5 % d’immobilier et 5 % de matières premières non alimentaires. Autant dire que cette amélioration pourrait être passagère.

C’est pourquoi nous considérons que la représentation nationale et, au-delà, l’ensemble de nos concitoyens doivent pouvoir disposer d’une analyse incontestable et claire portant sur la sécurité des instruments financiers détenus par ce fonds.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le FRR ne date pas d’aujourd’hui, puisqu’il a été mis en place sur l’initiative de M. Jospin, alors Premier ministre,...

M. François Autain. Absolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. ... qui a institué en son sein un conseil de surveillance et un conseil d’administration, et choisi pour les diriger des femmes et des hommes censés être d’une grande compétence en matière de gestion des risques liés aux placements financiers. Or les placements effectués alors, avec la bénédiction de la majorité politique de l’époque, ont eu pour résultat l’actuel manque à gagner de 4 milliards d’euros. Le Gouvernement avait d’ailleurs confirmé que la crise avait entraîné une perte de valorisation de cet ordre.

Nous ne pensons pas qu’un nouveau rapport permettra de donner un éclairage supplémentaire sur la manière de placer ces fonds et d’éviter ce genre de risques et de pertes. Je vous renvoie, à cet égard, à l’annexe 8 du rapport, qui contient une analyse consistante, exhaustive et détaillée des risques liés à ce type de placements. Le Parlement et les responsables du FRR sont suffisamment éclairés pour gérer ce fonds en bon père de famille.

Cet amendement n’apportant rien de plus en la matière, la commission demande à ses auteurs de bien vouloir le retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Madame Pasquet, l’amendement n° 256 est-il maintenu ?

Mme Isabelle Pasquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 256.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 257, présenté par M. Fischer, Mmes Pasquet et David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 135-11 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « après avis du conseil de surveillance mentionné à l'article L. 135-8 ».

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Nous entendons préciser, au travers de cet amendement, que les règles prudentielles qui concernent, par exemple, la composition du « portefeuille type » dont nous venons de parler sont déterminées après avis du conseil de surveillance du FRR.

Il ne serait en effet pas illogique, en particulier au regard des événements survenus l’année dernière et qui se sont traduits par une baisse notable des actifs du FRR, que le conseil de surveillance, qui fixe les orientations générales de la politique de placement des actifs du FRR, détermine également les règles prudentielles que celui-ci doit respecter.

Cet amendement n’est pas dogmatique ; notre approche est, au contraire, tout à fait pragmatique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si le législateur de l’époque – je rappelle que M. Jospin était alors Premier ministre – a souhaité que le FRR comporte à la fois un conseil de surveillance et un conseil d’administration, c’était pour éviter le mélange des genres et pour encourager chacun à prendre ses responsabilités à son niveau.

Les règles prudentielles sont définies par un décret en Conseil d’État, et le FRR est placé sous tutelle de l’État. Il me semble pertinent que les conseils de surveillance et d’administration aient des missions et des compétences bien distinctes. En effet, le conseil de surveillance fixe les orientations en s’appuyant sur les résultats obtenus dans le cadre de la gestion du conseil d’administration.

La commission n’a donc pas souhaité accéder à votre demande et a émis un avis défavorable. Vos inquiétudes en la matière sont cependant légitimes. Elles sont d’ailleurs partagées par la majorité de la Haute Assemblée mais aussi par le Gouvernement, qui renforce en tant que de besoin les règles prudentielles afin d’éviter des pertes encore plus importantes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L’excellente démonstration de M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales me convainc un peu plus, si c’était nécessaire, d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela cache-t-il quelque chose ? (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 257.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Section 2

Dispositions relatives aux dépenses

Articles additionnels après l'article 5
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Article 7

Article 6

I. – Au I de l’article 68 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, le montant : « 240 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 190 millions d’euros ».

II. – Au IV du même article, le montant : « 44 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 414 800 000 € ».

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.

Mme Annie David. Au travers de cet article 6, et en particulier de son premier alinéa, vous entendez diminuer la dotation du fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS. La finalité de ce fonds, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, est d’une grande importance, puisqu’il est censé améliorer l’efficacité de la politique de coordination des soins et le décloisonnement du système de santé, notamment en participant au financement des maisons de santé, des réseaux de soins, des structures de permanence de soins et de l’installation de professionnels dans les zones déficitaires.

Or, en ce qui concerne précisément la lutte contre ce qu’il est convenu d’appeler les « zones blanches », c’est-à-dire les zones sous-denses rurales ou de montagne, force est de constater que tout reste à faire. J’ose le dire : je serais peut-être tentée d’accepter une réduction du FIQCS si, d’aventure, elle s’accompagnait de règles contraignantes vis-à-vis des professionnels de santé qui refusent de s’installer dans ces zones sous-denses.

D’une manière plus générale, je tiens à vous faire part de mon étonnement s’agissant de la non-utilisation de la totalité de ces fonds. J’ai cru comprendre, en effet, que vos services avaient donné pour consigne d’opérer une gestion prudente, laquelle aurait permis de constituer une réserve de plus de 70 millions d’euros.

La logique voudrait que le Gouvernement, qui a explicitement demandé que cette somme ne soit pas utilisée, n’en exige pas la récupération. Cela fait penser aux critiques formulées, l’an dernier, à l’encontre des organismes d’assurance complémentaire, en particulier mutualistes, auxquels le Gouvernement et ses relais européens imposent des règles prudentielles les obligeant à constituer des réserves pour pouvoir ensuite, en loi de financement de la sécurité sociale, piocher dans ces dernières.

Nous voterons donc contre cet article.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.

M. Bernard Cazeau. Cet article réduit la dotation pour 2009 du FIQCS de 240 millions à 190 millions d’euros, et augmente celle de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, de 44 millions à 414,8 millions d’euros. Compte tenu des tirages opérés par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, au titre du FIQCS en 2009, la réduction du montant de la dotation 2009 permet de contenir l’augmentation de la créance du FIQCS sur la branche maladie.

Le FIQCS constitue un outil primordial dans la politique de prévention sanitaire. Il permet en effet de financer des maisons de santé, des réseaux de soins, des structures de permanence de soins et l’installation de professionnels dans les zones déficitaires. Il permet aussi de conduire des actions de santé publique, comme le dépistage et la prévention de certaines pathologies, et de financer les charges administratives.

Or, comme l’année dernière, ce fonds apparaît en sous-consommation, ce qui conduit à rectifier à nouveau à la baisse les crédits. Cette situation est d’autant plus intolérable que, parallèlement, dans bon nombre de nos territoires, des projets ne sont pas financés faute de crédits, et il s’agit malheureusement de départements qui ont su faire émerger des projets particulièrement importants.

Comment se fait-il que certains projets n’aient pas abouti, faute de crédits ? Combien de projets n’ont-ils pas été financés alors qu’ils étaient opérationnels ? On ne peut nous sermonner régulièrement pour que nous veillions à la qualité et à la coordination des soins et, dans le même temps, ne pas tenir compte des mesures que nous votons. Il faudra bien, un jour, allouer les crédits non consommés, s’ils existent réellement, aux territoires dans lesquels des projets n’ont pas été financés faute de gages budgétaires.

Nous voterons donc contre cet article. Nous reprendrons également la parole sur l’amendement n° 506 du Gouvernement, qui tend à modifier à la fois le FIQCS et l’EPRUS.

M. le président. La parole est à M. François Autain, sur l’article.

M. François Autain. Le projet de loi voté par l’Assemblée nationale réécrit le chapitre IV de l’article 68 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, pour modifier sensiblement l’équilibre entre la part de l’État et celle de l’assurance maladie dans le financement de l’EPRUS.

En effet, la part de la CNAM, fixée initialement à 44 millions d’euros, est portée à 414,8 millions d’euros, ce qui représente pour la Caisse une augmentation de 373,8 millions d’euros.

L’amendement n° 506 du Gouvernement tend à infléchir quelque peu cette augmentation, en ramenant à 188,3 millions d’euros, soit 226,5 millions d’euros de moins, le montant de la participation des régimes obligatoires d’assurance maladie au financement de l’EPRUS. Or, l’amendement n° 507 déposé à l’article 10 prive l’assurance maladie du rendement attendu de 300 millions d’euros apportés par la taxe exceptionnelle sur le chiffre d’affaire des mutuelles. On comprend que le Gouvernement, dans les faits, compte charger encore un peu plus l’assurance maladie des dépenses qu’il a engagées dans le cadre de son plan de lutte contre la pandémie de grippe A/H1N1.

Ce constat appelle quelques remarques de notre part.

De mon point de vue, la première critique qui s’impose porte sur la responsabilité de l’État dans cette affaire. C’est bien à lui d’assumer les coûts induits par les décisions de santé publique prises dans des circonstances exceptionnelles. L’article 3131-1 du code de la santé publique est, en outre, très clair sur ce point et confie au ministre chargé de la santé la responsabilité de prendre des décisions « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie » ; c’est la situation que nous connaissons aujourd’hui. Le code précise également que les effets secondaires qui pourraient survenir à la suite de ce type de campagne de prévention sont pris en charge par l’État. En cas de crise majeure, c’est donc bien à la collectivité tout entière qu’il revient de financer la campagne de vaccination.

Par ailleurs, les conditions dans lesquelles ces contrats ont été passés appellent une seconde critique. Nous avons affaire ici à un cas inédit, dans lequel le nombre d’achats comme l’accord concernant le prix des vaccins ont été établis sinon dans l’urgence, en tout cas avec une certaine précipitation, avant même que l’autorisation de mise sur le marché du produit n’ait été accordée. En effet, en cas de retard de livraison, aucune pénalité n’a été prévue. On peut se demander, par ailleurs, pourquoi le prix fixé, qui varie selon les laboratoires fournissant les doses, est sensiblement plus élevé que celui qui a été obtenu par les autorités américaines.

Parallèlement, il règne une grande confusion quant au nombre d’injections. Alors que l’Agence européenne des médicaments recommande deux injections, la campagne actuellement menée en France semble n’en préconiser qu’une seule. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point, madame la ministre ? Les informations qui nous sont délivrées sont contradictoires et rendent l’appréciation de la situation très difficile.

Nous avons tous remarqué que tant les professionnels de santé que la population, en général, ne manifestent pas un très grand enthousiasme pour cette vaccination. On peut par conséquent se demander si le nombre de doses commandées – 94 millions – ne sera pas très supérieur aux besoins effectifs. Si tel est le cas, que comptez-vous faire, madame la ministre, des doses qui n’auront pas été administrées ? Allez-vous demander à l’assurance maladie de les prendre en charge ?

Enfin, je déplore que les médecins et les pharmaciens aient été tenus à l’écart des mesures prises en faveur de la lutte contre cette épidémie.

Je terminerai par une dernière remarque…

M. le président. Mon cher collègue, votre temps de parole est écoulé.

M. François Autain. Je reviendrai donc sur ce point ultérieurement, monsieur le président !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me dois de répondre aux questions posées par M. Autain sur la campagne de vaccination.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec la grippe A/H1N1, nous sommes confrontés à la première pandémie du XXIe siècle. Ses caractéristiques n’ont rien à voir avec celles de la grippe saisonnière. Des cas extrêmement graves, qui touchent des personnes sans facteurs de risques, des enfants, parfois de façon fulminante, ont amené le Gouvernement et la ministre de la santé que je suis à acquérir des vaccins, de façon que tous nos compatriotes qui le souhaiteront puissent se faire vacciner.

Les caractéristiques de la pandémie nous ont conduits – c’est une démarche éthique – à ne pas choisir les publics devant se faire vacciner.

Par ailleurs, les différences de prix entre les vaccins sont justifiées par des techniques de fabrication très différentes. Le vaccin Baxter, par exemple, est plus coûteux, parce qu’il est cultivé non sur des substrats à base d’œuf mais sur des substrats cellulaires. Nous en avons acheté 50 000 pour permettre de vacciner des personnes allergiques à l’œuf. Il était tout à fait utile de se procurer de tels vaccins (M. François Autain l’admet.), certes en quantité limitée.

Le Gouvernement ne souhaitait pas être pieds et poings lié à un seul fournisseur de vaccins, afin de garantir la sécurité des approvisionnements.

Vous avez pu constater que nous avons agi dans la plus totale transparence. (M. François Autain fait un signe dubitatif.) Voilà de longues semaines, j’ai indiqué précisément devant la représentation nationale, Assemblée nationale et Sénat, le nombre précis de doses achetées et les prix pratiqués. Grâce à une aide considérable apportée par les meilleurs spécialistes de la constitution des prix pharmaceutiques, en particulier M. Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé, et M. Thierry Coudert, directeur général de l’EPRUS, nous avons pu négocier les meilleurs prix auprès des laboratoires.

Nous avons également mené une action de coordination et de concertation formelle et informelle avec l’ensemble de mes collègues de l’Union européenne. Ainsi, j’ai rencontré à plusieurs reprises les ministres de la santé allemand, belge, espagnol, italien, afin de connaître la façon dont ils négociaient les prix. La marge bénéficiaire des laboratoires pharmaceutiques est donc extrêmement réduite.

Le Gouvernement a acquis 94 millions de doses de vaccin, charme de la lucidité. Lorsque ces vaccins ont été commandés, les autorités sanitaires nous avaient indiqué que deux injections étaient nécessaires. Les choses évoluent : la couverture immunitaire serait importante avec l’injection d’une seule dose. Dans trois semaines environ, un avis devrait nous confirmer ce fait. C’est une très bonne nouvelle.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais une seule injection suffira-t-elle pour l’ensemble de la population ? Selon les experts sanitaires, il est très probable que les enfants de moins de dix ans aient toujours besoin de deux doses de vaccin.

Monsieur Autain, ne soyez pas inquiet quant à l’utilisation de toutes les doses achetées. Nombre de pays moins précautionneux que le nôtre frappent à notre porte pour obtenir des vaccins, notamment les États-Unis. Ayez aussi en mémoire la très grande désorganisation de l’appareil sanitaire ukrainien. Les vaccins seront donc utilisés au cours de la campagne de vaccination menée soit cette année, soit l’année prochaine, ou bien seront revendus.

« Pourquoi les médecins généralistes ne sont-ils pas associés à cette vaccination ? », avez-vous demandé, monsieur le sénateur. Bien qu’ils soient évidemment appelés à convaincre nos compatriotes de la nécessité de se faire vacciner, ils n’ont pas été sollicités dans un premier temps pour une raison toute simple : les vaccins ne sont présentés qu’en flacons multidoses et n’existent pas en doses unitaires.

M. François Autain. C’est dommage !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, je ne doute pas de la capacité de l’industrie pharmaceutique à nous présenter, peut-être dès l’an prochain, des vaccins unidoses.

Mais nous sommes confrontés à un problème de traçabilité de la vaccination. Comment voulez-vous délivrer à des cabinets médicaux des flacons multidoses qui doivent être utilisés dans la journée ? C’est totalement impossible ! De surcroît, la plupart des cabinets de médecins libéraux, qui n’ont pas le statut d’établissements pharmaceutiques, n’ont parfois pas de réfrigérateur (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … ou disposent d’un appareil ne permettant pas d’entreposer des produits pharmaceutiques. Reconnaissez-le ! Le risque de perte était donc extrêmement important.

De surcroît, combien de vaccins multidoses convenait-il de donner à chaque cabinet médical ? Combien de personnes un cabinet médical serait-il conduit à vacciner ? Quinze, vingt, trente patients ? Nous n’en savons rien.

Compte tenu de la mise sur le marché de flacons multidoses, le Gouvernement a donc dû organiser la vaccination dans des centres.

Les deux tiers des médecins généralistes ont décidé de se faire vacciner. D’ores et déjà, 100 000 professionnels de santé ont été vaccinés dans les hôpitaux. Chaque jour, 10 000 personnels supplémentaires recourent à la vaccination. Les professionnels de santé sont en train de se mobiliser parce qu’ils savent qu’ils doivent non seulement se protéger, mais également protéger leurs malades. Je rappelle que nous avons déploré ces jours-ci le décès d’un malade contaminé en milieu hospitalier.

La responsabilité des professionnels de santé est entière en la matière. Je leur rends hommage parce qu’ils commencent à prendre en compte les enjeux considérables de cette première pandémie du XXIe siècle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. L'amendement n° 258, présenté par M. Fischer, Mmes Pasquet et David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.