M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, lorsque nous avons adopté le statut de Saint-Martin et celui de Saint-Barthélemy, par le vote, en février 2007, de la loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, dite loi DSIOM, nous avons permis à deux communes du département de la Guadeloupe de s’ériger en collectivités d’outre-mer autonomes, disposant de compétences importantes, notamment en matière fiscale.

C’est la raison pour laquelle, afin d’éviter toute tentation comme tout risque d’évasion fiscale, nous avons instauré un garde-fou par la mise en place d’une règle ne conférant la qualité de résident fiscal de ces collectivités qu’après une durée de résidence de cinq ans. Les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune en ont largement parlé.

Pendant cette période, les personnes physiques et morales sont considérées comme ayant leur domicile fiscal dans un département français – en pratique la Guadeloupe – et sont donc imposées en conséquence, des conventions fiscales permettant, en particulier, d’éviter les doubles impositions.

Ce dispositif dérogatoire par rapport à la compétence fiscale reconnue aux deux nouvelles collectivités ne mettait nullement en cause, pendant cette période de cinq ans, leur compétence de source, puisque des conventions fiscales de non-double imposition étaient prévues. D’ailleurs, aucune mesure d’interdiction pour ces collectivités ni d’imposition exclusive par l’administration fiscale française n’était édictée. Je tiens à le rappeler et à le souligner.

Ces dispositions nous avaient paru, à l’époque, suffisamment claires pour permettre, pendant cette période de cinq ans, l’imposition par l’administration fiscale française des personnes physiques et morales concernées sans préjudice de l’imposition de ces mêmes personnes par la collectivité pour leurs revenus de source locale, les conventions fiscales ayant précisément pour effet d’en régler les aspects pratiques.

Toute modification de la loi organique à ce sujet pouvait donc apparaître comme inutile. Dans ces conditions, pourquoi devons-nous, mes chers collègues, examiner ces deux propositions de loi organique dont l’objet consiste justement à préciser formellement cette compétence de source pour les deux collectivités pendant cette période de cinq ans ? Est-ce parce que nos ordres du jour seraient insuffisamment chargés ou parce que, ainsi que l’a déclaré dans cet hémicycle Charles Pasqua, citant le poète : « c’est bien plus beau lorsque c’est inutile » ? Non, bien sûr ! Nous devons le faire parce que c’est malheureusement nécessaire.

Oui, c’est malheureusement nécessaire, car le Conseil d’État et les services fiscaux, à la lumière de l’avis rendu par celui-ci, ont interprété de manière non conforme à la volonté du législateur les dispositions de la loi organique statutaire relatives aux compétences fiscales de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

La conséquence est importante, car ce refus de reconnaissance d’une compétence de source pendant une période de cinq ans a privé ces deux collectivités de ressources non négligeables sans que le Trésor public enregistre pour autant des rentrées d’argent correspondantes, pour des raisons multiples allant de difficultés de recouvrement à l’existence de taux plus élevés d’imposition au niveau de la collectivité. Notre collègue Michel Magras a parfaitement relaté ce qui s’était produit à Saint-Barthélemy, entraînant une perte d’argent importante pour l’État et pour la collectivité.

Ainsi, l’objet essentiel des deux propositions de loi organique déposées respectivement par nos collègues Louis-Constant Fleming, pour Saint-Martin, et Michel Magras, pour Saint-Barthélemy, est de préciser dans le statut des deux collectivités cette compétence de source pendant la période « dérogatoire » de cinq ans.

Comme je viens de le rappeler, cette compétence de source étant reconnue de manière implicite dans la loi organique portant statut de ces deux collectivités, la commission, vu l’interprétation inappropriée du texte législatif, n’a pu que souscrire aux propositions de loi qui ont été présentées. Quand la loi n’est pas parfaitement comprise, il convient de la modifier pour mieux en préciser les termes et éviter les ambiguïtés comme les conflits d’interprétation. C’est l’exercice, mes chers collègues, auquel nous nous livrons ce soir.

La commission des lois, dans la rédaction retenue, tient ainsi à affirmer clairement la compétence fiscale de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy à l’égard des revenus trouvant leur source dans ces collectivités. Il s’agit de faire prévaloir, par cette disposition, l’interprétation de la loi organique qui correspond à la volonté exprimée par le législateur en février 2007 sur celle qui a été retenue par le Conseil d’État dans son avis de décembre 2007.

Un crédit d’impôt compenserait les doubles impositions constatées entre le 1er janvier 2010 et la conclusion de la convention fiscale que chaque collectivité signera avec l’État.

En effet, compte tenu des difficultés rencontrées, il semble prudent de prévoir un dispositif provisoire évitant les doubles impositions, en attendant la mise en place de conventions fiscales.

La commission des lois, à la lumière de ces regrettables péripéties, s’est interrogée sur la pertinence à terme – je dis bien à terme – de cette règle dérogatoire de cinq ans, qui trouve son origine dans la transformation de deux communes d’un département en collectivités autonomes avec une fiscalité spécifique. Mais les autres collectivités avec compétences fiscales ne sont pas concernées par cette règle, qui pourrait laisser supposer, à terme, que la France entretient deux paradis fiscaux. Il est donc proposé qu’un rapport d’évaluation soit présenté au Parlement à l’issue d’une période de dix ans.

La commission a également conservé une suggestion inscrite à l’article 1er de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin visant à prévenir le risque de contournement de la règle des cinq ans par des personnes dont le domicile fiscal serait établi dans un département de métropole ou d’outre-mer et qui s’établiraient pendant un an à l’étranger ou dans une collectivité d’outre-mer. Cette suggestion, qui émane de l’auteur de la proposition de loi organique, montre bien que cette dernière ne reflète aucune volonté de favoriser l’évasion fiscale, puisqu’elle prévoit un verrou supplémentaire contre les risques évoqués tout à l’heure.

Une telle délocalisation temporaire dans un État étranger ou dans une collectivité d’outre-mer permettrait, en effet, selon les dispositions actuelles, de devenir résident fiscal de Saint-Martin dès l’installation dans la collectivité. Ce serait d’autant plus facile que l’île de Saint-Martin est partagée entre la France et les Antilles néerlandaises, avec libre circulation obligatoire entre les deux parties de l’île depuis le traité de Concordia qui a instauré cette partition.

Aussi le texte proposé par la commission vise-t-il à prévoir, comme la proposition de loi organique, que la condition de cinq ans de résidence s’applique aux personnes physiques ou morales dont le domicile fiscal était, dans les cinq ans précédant leur établissement à Saint-Martin, situé dans un département de métropole ou d’outre-mer. Il faudrait donc que ces personnes, dans tous les cas, respectent un délai de cinq ans de résidence à l’étranger ou à Saint-Martin pour que leur domicile fiscal soit établi dans la collectivité. Les règles pour devenir résident fiscal de Saint-Martin sont donc rendues plus restrictives.

La proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy se limite au seul aspect fiscal. En revanche, celle concernant Saint-Martin touche à d’autres aspects du statut. Or la commission estime qu’il est trop tôt, deux ans seulement après son entrée en vigueur, pour le modifier sensiblement. Elle juge donc nécessaire, du moins pour l’instant, de préserver la collégialité des décisions d’autorisation en matière d’urbanisme et de fonctionnement du conseil exécutif.

C’est pourquoi, à l’article 3 de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin, la commission a souhaité ne pas modifier les dispositions statutaires relatives à la responsabilité de chaque conseiller exécutif devant le conseil exécutif, au titre de la gestion des affaires et du fonctionnement des services dont il est chargé par le président du conseil territorial.

La commission a, par ailleurs, supprimé l’article 4 de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin, qui visait à confier au président du conseil territorial de Saint-Martin la compétence pour délivrer les autorisations d’utilisation ou d’occupation du sol et déterminer l’assiette ainsi que la liquidation des taxes auxquelles donnent lieu les opérations d’urbanisme et de construction.

Comme elle l’a fait pour la Nouvelle-Calédonie dans le cadre du Grenelle de l’environnement et souhaite le faire pour les autres collectivités d’outre-mer au fur et à mesure des aménagements statutaires, la commission a introduit dans le texte de chacune des deux propositions de loi organique des dispositions visant à prendre en compte les préoccupations environnementales : il s’agit de l’article 5 bis de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin et de l’article 1er bis de la proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy.

Ainsi, madame la ministre, mes chers collègues, avec les aménagements de précision prévus tant par les auteurs des deux propositions de loi organique que par la commission, la loi organique portant statut de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy pourra enfin être interprétée comme il se doit, et ce dans l’intérêt tant de l’État que des deux collectivités. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Daniel Marsin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner deux propositions de loi organique tendant à clarifier et à conforter la compétence fiscale des collectivités d’outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Le sujet abordé aujourd’hui n’est pas inconnu à celles et ceux qui ont participé, au mois de juin dernier, au sein de cette assemblée, à l’examen du projet de loi organique relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte. En effet, certainement motivé par l’urgence liée aux difficultés financières auxquelles est confrontée l’île de Saint-Martin, notre collègue Louis-Constant Fleming avait déposé, avant même que le rapporteur ne dépose les siens, un amendement relatif aux règles fiscales applicables à Saint-Martin. Lors de l’examen de ce projet de loi par la commission des lois, vous aviez retiré cet amendement, mon cher collègue, après nous avoir précisé que vous aviez obtenu du Gouvernement l’assurance qu’un projet de loi organique spécifique à Saint-Martin serait déposé à la rentrée de 2009.

Non seulement le Gouvernement n’a pas tenu son engagement de déposer ce projet de loi, mais il est apparu que les aménagements envisagés par la proposition de loi organique relative à Saint-Martin intéressaient également la collectivité de Saint-Barthélemy : notre collègue Michel Magras vient d’en faire la démonstration. La passivité du Gouvernement a donc pour conséquence d’obliger le Sénat à examiner deux textes de rattrapage dans l’urgence et dans le cadre de la semaine d’initiative sénatoriale.

Cette situation appelle plusieurs observations de ma part. Le Gouvernement aurait pu et aurait dû réagir plus tôt, car il disposait de l’avis rendu par le Conseil d’État le 27 décembre 2007, sur saisine du ministre de l’économie, pour trancher la divergence d’interprétation entre les services fiscaux et les deux collectivités. Cet avis a donc été rendu voilà près de deux ans ! Après deux années d’attente, nous débattons ce soir selon la procédure accélérée : admirez la cohérence !

Il est donc apparu très vite que les deux nouvelles collectivités créées en juillet 2007 se trouvaient dans l’incapacité d’exercer leur compétence fiscale « de source ». L’inaction du Gouvernement me semble d’autant plus blâmable que la décision du Conseil d’État a eu pour conséquence seconde de retarder la conclusion des conventions fiscales entre chacune des collectivités et l’État, dès lors que celui-ci se trouvait dans l’impossibilité de rétrocéder aux collectivités les sommes qu’il n’avait pas prélevées.

M. le rapporteur affirme que la volonté du législateur était claire – il l’a répété tout à l’heure – et, en commission, il a qualifié ces propositions de loi organique d’« inutiles ». Il estime que l’avis du Conseil d’État résulte d’« une interprétation erronée » des dispositions de la loi organique statutaire. Pourquoi, mon cher collègue, n’avez-vous pas déposé, en toute logique, une motion tendant à décider qu’il n’y avait pas lieu d’engager la discussion du texte du fait de son caractère superflu ? Cela eût au moins été agréable à ceux de nos collègues qui vont discuter, dans des conditions absolument impossibles et inacceptables, le dernier texte inscrit à l’ordre du jour, à partir de 23 heures environ. L’avis du Conseil d’État n’ayant aucune force contraignante, le Sénat aurait pu faire l’économie de ce débat.

Si, en définitive, votre choix a été différent, monsieur le rapporteur, c’est sans doute que la volonté du législateur n’était pas exprimée dans des termes suffisamment explicites, puisque le Parlement se saisit à nouveau de la question pour y apporter des clarifications.

Ces deux propositions de loi organique venant combler la carence du Gouvernement, est démontrée, une fois encore, l’existence d’une « porosité » certaine entre l’initiative parlementaire et la volonté de l’exécutif d’user de tous voies et moyens pour faire adopter ses textes au pas de charge, d’où le recours à la procédure accélérée, deux ans après que le Conseil d’État eut rendu son avis. Il faut bien convenir, mes chers collègues, que la procédure accélérée tend nettement à devenir, dans notre assemblée, la procédure dominante – j’en prends à témoin M. le président de la commission des lois –, contrairement à la volonté affirmée par tous, lors de la révision constitutionnelle, de limiter le recours à l’urgence. Certes, l’urgence n’existe plus, mais nous constatons une floraison de procédures accélérées, ce qui met en question le fonctionnement du bicamérisme et le principe même de la navette parlementaire.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, puisqu’un problème se posait, c’était au Gouvernement, et non à vous, qu’il incombait de déposer un texte visant à modifier la loi organique.

Sur l’imposition des revenus de source locale, je n’ai pas de remarques particulières à formuler concernant la rédaction retenue par la commission des lois : elle conforte la compétence fiscale des deux collectivités ; elle détaille la répartition des compétences dans l’application des opérations fiscales ; elle apporte les précisions nécessaires pour éviter les doubles impositions ; elle renforce la règle des cinq ans de résidence, afin que cette dernière ne soit pas dévoyée au moyen de délocalisations temporaires organisées à seule fin d’échapper à l’impôt.

Mme Nathalie Goulet. Quel crime abominable !

M. Bernard Frimat. Échapper à l’impôt, lutter contre l’évasion fiscale : comme j’aurais aimé que le Gouvernement témoigne de la même volonté en élaborant le projet de loi de finances ! Or, au contraire, il organise un grand nombre de possibilités d’évasion par le biais des « niches fiscales », qui profitent majoritairement aux plus aisés. Permettez-moi de rappeler que de tels procédés, amplifiés par l’instauration du bouclier fiscal, portent atteinte à l’égalité et à la progressivité de l’impôt sur le revenu et écartent, dans les conditions économiques que nous connaissons, toute perspective réelle de retour à l’équilibre budgétaire : vous êtes les champions du déficit !

M. Jean-Pierre Bel. Très bien !

M. Bernard Frimat. À Saint-Barthélemy comme à Saint-Martin, il serait utile que le Gouvernement indique quels seront les moyens de contrôle mis en œuvre par l’État pour vérifier le respect des conditions de domiciliation effective sur le territoire des deux collectivités,…

M. Bernard Frimat. … ainsi que les procédures envisagées pour distinguer les revenus générés sur place de ceux ayant leur source en métropole ou dans les autres départements d’outre-mer. Là aussi, si l’État ne met pas en place des contrôles suffisants, l’évasion fiscale risque d’être importante. Il sera toujours simple, dans ce cas, de créer un siège social sur place et de continuer son activité à l’extérieur, comme si de rien n’était.

Mais les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy devront également jouer le jeu et veiller à transmettre à l’État toute information utile afin de faciliter la recherche et la répression des pratiques de fraude.

M. Christian Cointat, rapporteur. C’est dans leur intérêt !

M. Bernard Frimat. Il en va évidemment de la crédibilité du statut de collectivité d’outre-mer, car, j’insiste une nouvelle fois sur ce point, on ne peut pas, dans les conditions économiques et sociales actuelles, donner, en plus, un moyen d’échapper à l’impôt à tous ceux qui peuvent se délocaliser dans ces collectivités.

Bien qu’il faille prendre en compte, comme l’a rappelé notre collègue Fleming, l’histoire et la situation particulières de Saint-Martin – le partage de cette île entre la France et les Pays-Bas aurait pu justifier la présence parmi nous ce soir de M. Marleix, éminent spécialiste du découpage (Sourires) – et de Saint-Barthélemy, la compétition fiscale dans ce périmètre géographique ne peut tout justifier. Si l’on ne peut les qualifier de paradis fiscaux au sens strict utilisé pour les îles Caïmans et leurs semblables, Saint-Barthélemy et Saint-Martin restent néanmoins des territoires particulièrement cléments au regard de l’imposition.

Ainsi, Saint-Barthélemy ne connaît pas l’impôt sur le revenu pour ses résidents fiscaux et pour les revenus réalisés sur l’île. Quant à Saint-Martin, dès 2007, le conseil territorial a utilisé sa compétence fiscale pour supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune et voter une réduction générale de l’impôt sur le revenu. Chacun appréciera !

Étant donné l’objectif visé, à savoir la lutte contre l’évasion fiscale, nous ne nous opposerons pas à la clarification fiscale proposée, car un réel problème se pose, qu’il importe de résoudre. Toutefois, cela ne signifie par pour autant, mes chers collègues, que nous approuvons la situation particulière de ces collectivités d’outre-mer. Si la proposition de loi organique concernant Saint-Barthélemy s’en tient au seul objet fiscal, il n’en va pas de même de celle concernant Saint-Martin, qui comporte un chapitre II portant sur le fonctionnement du conseil territorial et du conseil exécutif, sans lien direct avec le chapitre Ier. D’ailleurs, le rapport de notre collègue Christian Cointat s’intitule Imposition des revenus de source locale à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy : l’insertion de ce chapitre semble donc inopportune et, en tout état de cause, non justifiée par l’urgence.

La commission des lois a supprimé l’article 4 : elle a bien fait ! Cela étant, les motivations sur lesquelles vous vous êtes appuyé, monsieur le rapporteur, pour supprimer l’article 4 s’appliquaient tout autant à l’article 3.

Quant à l’article 5, M. le rapporteur – je lui fais confiance sur ce point, puisqu’il a également rapporté le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer – a lui-même jugé que cette disposition était inutile. Le statut de ces deux collectivités est seulement dans sa deuxième année d’application : il serait peut-être opportun d’attendre avant de procéder à de premiers aménagements pratiques, car nous ne disposons pas du recul nécessaire pour porter une appréciation d’ensemble sur ce qui fonctionne et ce qui mérite d’être ajusté.

Pour toutes ces raisons, nous avons déposé plusieurs amendements tendant à supprimer le chapitre II de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin. Nous verrons bien quel accueil leur sera fait ; s’ils sont adoptés, ils auront le mérite de recentrer le texte sur son véritable objet.

Enfin, M. le rapporteur a procédé, pour les deux propositions de loi organique, à une « coordination environnementale » qui lui tient à cœur. Cette volonté de renforcer la protection et la mise en valeur des espaces naturels des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy est louable, car la maîtrise du sol et la préservation de l’environnement constituent deux des conditions à remplir pour permettre le développement harmonieux de ces deux collectivités. Toutefois, ces dispositions apparaissent comme autant de cavaliers législatifs qui viennent se surajouter aux dispositions du chapitre II. Elles ne présentent aucun lien avec l’objet principal des deux propositions de loi organique. Au surplus, elles adaptent aux collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy des dispositions qui, si elles ont été adoptées par le Sénat, ne l’ont pas encore été définitivement par le Parlement : nous procédons donc à une adaptation du droit existant à une loi qui n’est aujourd’hui que virtuelle.

Ces propositions de loi organique étant déférées de droit au Conseil constitutionnel, nous aurons l’occasion d’apprécier la marge de tolérance qu’applique ce dernier quand il doit se prononcer sur la nature du lien existant entre un amendement et le texte que celui-ci tend à modifier.

Cette question n’est pas anodine, car elle intéresse directement la portée du droit d’amendement.

Tel est, mes chers collègues, le sentiment du groupe socialiste sur ces deux propositions de loi organique. Monsieur Fleming, monsieur Magras, nous vous donnons acte qu’un problème se pose pour les revenus de source locale et nous comprenons que, en tant que sénateurs de ces territoires, vous l’ayez soulevé : ce faisant, vous avez joué votre rôle de parlementaires. Il est, je le répète, tout à fait regrettable que le Gouvernement n’ait pas traité cette question en son temps. Cela nous aurait épargné beaucoup d’inconvénients, mais aussi le plaisir de nous retrouver ce soir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les deux propositions de loi organique relatives respectivement à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy tendent à corriger le régime fiscal des personnes physiques et morales souhaitant déclarer leur domiciliation fiscale dans ces deux territoires de la République.

Depuis plusieurs années, ces deux îles sont confrontées à des phénomènes d’évasion fiscale, sources de malentendus entre les services fiscaux de l’État et les collectivités territoriales concernées.

La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer prévoit que les personnes physiques ou morales, qu’elles viennent d’un département de métropole ou d’outre-mer, d’une collectivité d’outre-mer ou de l’étranger, ne peuvent être considérées comme ayant leur résidence fiscale à Saint-Barthélemy qu’après y avoir résidé ou possédé le siège de leur direction pendant au moins cinq ans. Les personnes physiques ou morales qui ne satisfont pas à cette règle des cinq ans de résidence sont donc considérées comme ayant encore leur domicile fiscal en métropole. Parallèlement, une convention fiscale devait permettre d’éviter les phénomènes de double imposition.

Pour tenir compte de la situation financière difficile de Saint-Martin, la loi organique statutaire dispose que cette règle des cinq ans ne s’applique pas, dans cette collectivité, aux personnes physiques ou morales établies auparavant à l’étranger, notamment dans la partie néerlandaise de l’île. Ces personnes sont ainsi considérées comme étant domiciliées fiscalement à Saint-Martin dès leur installation.

Le législateur organique avait en outre conçu la compétence fiscale de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy comme autorisant ces collectivités à imposer les revenus de source locale des personnes installées sur leur territoire sans toutefois remplir le critère de cinq ans de résidence.

Or, il y a près de deux ans, le Conseil d’État, saisi par le Gouvernement, a rejeté la « compétence de source » non seulement pour Saint-Martin, mais également pour Saint-Barthélemy, de sorte qu’il est devenu impossible pour ces deux collectivités de soumettre à des impôts définis par elles les revenus trouvant leur source sur leur territoire des contribuables qui y résident depuis moins de cinq ans.

Il devenait donc urgent de permettre à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy d’imposer, à raison des revenus trouvant leur source sur leurs territoires respectifs, les personnes ne satisfaisant pas aux conditions de résidence fiscale définies par la loi organique. Ainsi, la compétence de chacune des deux collectivités pour soumettre les personnes ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d’outre-mer aux impôts qu’elle définit, à raison des revenus et de la fortune qui prennent source sur son territoire, sera clairement établie.

Tel est l’objet de ces deux propositions de loi organique.

Cette compétence est affirmée sans préjudice de la compétence générale de l’État pour imposer ces personnes. Il s’agit de faire prévaloir, par cette disposition, l’interprétation de la loi organique correspondant à la volonté exprimée par le législateur en février 2007 sur celle qui a été retenue par le Conseil d’État dans son avis de décembre 2007.

Ces textes, on le voit bien, participent à l’effort accompli depuis l’an dernier pour mettre fin aux niches fiscales, notamment outre-mer.

Néanmoins, après avoir constaté ces difficultés à interpréter la loi, on peut regretter que l’État n’ait pas compensé toutes les recettes provenant des autres niveaux de collectivités perdues par Saint-Martin, comme la loi organique le prévoyait. Cette absence de compensation, bien entendu, ne fait que placer Saint-Martin dans la même situation que les autres collectivités territoriales françaises : en réalité, dans ce domaine, il ne faut pas attendre grand-chose de l’État !

Je le dis avec d’autant plus de force qu’en ce moment même les maires de France, en particulier ceux d’outre-mer, sont réunis, comme tous les ans, à l’hôtel de ville de Paris, à la veille de l’ouverture officielle du congrès des maires de France et, surtout, à quelques jours du débat sur la suppression de la taxe professionnelle qui aura lieu ici même. Ce débat sera, à n’en pas douter, décisif pour toutes les collectivités territoriales de France, et donc d’outre-mer…

Madame le ministre, mes chers collègues, la majorité des membres du groupe RDSE s’abstiendra sur les deux textes qui nous sont aujourd’hui présentés. Pour ma part, en tant que sénateur de la Guadeloupe et en dépit des observations que je viens de formuler, je prends acte des avancées contenues dans ces textes. En responsabilité, pour accompagner mes collègues dans leur volonté de clarifier leurs missions et leurs compétences, je les voterai. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)