débat général sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Articles de la première partie - articles 2 à 3 et 13 à 20 (interruption de la discussion)

(Articles 2 à 3 et 13 à 20)

 
 
 

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé l’examen, par priorité, des dispositions relatives aux collectivités territoriales, notamment de l’article 2, relatif à la suppression de la taxe professionnelle.

L’ordre du jour appelle le débat général sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, je vous ai déjà exposé la ligne de partage entre la première partie et la seconde partie du projet de loi de finances. Je vous épargnerai donc des redites.

Toutefois, je voudrais vous présenter de façon plus approfondie le dispositif que préconise la commission dans la première partie du projet de loi de finances, avant de vous livrer les premiers éléments de réflexion et d’orientation qui permettront de préparer l’examen de la deuxième partie.

L’amendement de la commission, tel qu’il est actuellement rédigé – peut-être quelques éléments techniques seront-ils modifiés demain matin – tend à réécrire l’article 2. Dès lors, vos contributions, mes chers collègues, quels que soient les groupes auxquels vous appartenez, devront se traduire par le dépôt de sous-amendements qui auront vocation à nourrir le débat et, le cas échéant, à améliorer le dispositif.

Madame le ministre, cet amendement, qui traduit notre essai de travail méthodique et par tranches, ne fait que 35 pages, alors que l’article 2, tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale, en comporte 135... Par conséquent, nous avançons prudemment.

Qu’est-il proposé de faire ? Nous avons déjà évoqué les changements d’appellation, la nécessité d’appeler un chat un chat.

La commission préconise, tout d’abord, de créer un montant minimal de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises fixé à 250 euros, qui serait acquitté par toutes les entreprises du barème, c’est-à-dire à partir de 500 000 euros de chiffre d’affaires.

La commission ne propose pas de modifier le barème, même s’il est imparfait, voire critiquable – des sous-amendements pourront naturellement être déposés –, car elle a estimé nécessaire de fixer cette année, au cours de ce débat budgétaire, des objectifs réalistes.

Ensuite, pour les entreprises disposant de plusieurs établissements, la commission propose de modifier les critères de ventilation entre les communes de la valeur ajoutée dite « territorialisée », pour accorder une prime aux communes qui accueillent des établissements industriels, tout en remédiant aux déséquilibres que pouvait engendrer la rédaction de l’Assemblée nationale. La préoccupation exprimée tout à l'heure par M. Collomb est ainsi prise en compte.

La commission suggère également de rétablir, pour l’ensemble des entreprises, le plafonnement de la valeur ajoutée taxable à 80 % du chiffre d’affaires, de manière à réduire le nombre d’entreprises perdantes ou l’ampleur de leurs pertes, en particulier dans le secteur des services.

Elle a aussi prévu différentes dispositions au titre de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, l’IFER, qu’il s’agisse des éoliennes, des installations photovoltaïques, des centres de stockage des déchets radioactifs, des unités de production électrique. Toute une série d’amendements vous sera soumise par la commission.

Pour ce qui concerne les effets de la réforme pour les collectivités territoriales dès 2010, la commission propose tout d’abord que la compensation relais à verser en 2010 soit égale au produit des bases de taxe professionnelle de l’année 2010 multiplié par les taux votés en 2009, et non plus en 2008 – il s’agit de répondre à certaines objections –,…

M. Gérard Longuet. Délits d’initiés ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … dans la limite d’une hausse de 3 % des taux votés par les mêmes collectivités pour les mêmes impositions au titre de l’année 2008.

Un tel dispositif permet d’éviter de prendre des références qui ne seraient pas significatives ou de récompenser des comportements que nous ne considérerions pas comme suffisamment vertueux.

M. Gérard Longuet. C’est très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission propose également d’appliquer au vote de la cotisation foncière par les communes et intercommunalités en 2010 les règles existantes d’assouplissement, d’ailleurs très encadrées, de la liaison entre les taux des différents impôts locaux. Autrement dit, les règles de « déliaison » que le Sénat a adoptées ces dernières années ou qui ont été créées sur son initiative doivent, à l’évidence, être maintenues en 2010 dans le régime transitoire parce que ce régime est, selon nous, à droit constant. L’année 2010 est une année de transition, et aucune raison ne justifie que le vote des taux pour la cotisation foncière des entreprises n’obéisse pas exactement au même régime que le vote des taux pour l’ancienne taxe professionnelle.

Dans l’attente d’un nouveau dispositif fondé sur les nouvelles impositions locales créées par la réforme, nous allons également vous proposer de geler, pour l’année 2010 et à droit constant, le fonctionnement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.

Voilà l’essentiel du contenu de cet amendement de 35 pages.

En ce qui concerne les dispositions de seconde partie de la loi de finances, nous avons d’ores et déjà pris une orientation en ce qui concerne le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Vous vous souvenez que, dans son projet initial, le Gouvernement a proposé de répartir le produit de cette cotisation selon une clef dite « macroéconomique », dans une logique de mutualisation des ressources et, pour tout dire, de dotation. La valeur ajoutée n’était pas calculée pour chaque établissement mais constituait un solde comptable au niveau de l’entreprise. Le produit obtenu était ensuite réparti entre les collectivités concernées sous forme de dotation, avec la mise en jeu de différents critères et une pondération entre eux.

L’Assemblée nationale, à mon avis à juste titre, a mis en cause cette construction. Elle a renversé la perspective en optant, contre l’avis du Gouvernement, pour que l’assiette soit territorialisée pour les différentes collectivités bénéficiaires de la cotisation sur la valeur ajoutée. Il faut saluer au passage la liberté d’esprit du Gouvernement, qui a respecté ce vote.

Les taux progressifs demeurent fixés par le barème national, mais l’assiette est déterminée localement, en fonction des effectifs et des locaux industriels.

Cette solution a le mérite de s’appuyer sur un raisonnement clair. Cependant, à mon sens, elle conduit à mettre en évidence la concentration des bases sur certaines parties du territoire : c’est le corollaire de la territorialisation. Elle présente l’avantage d’être la plus propice à l’autonomie financière – et peut-être à nouveau, demain, sait-on jamais, à l’autonomie fiscale – des collectivités locales dont il s’agit. Mais elle a l’inconvénient de devoir être contrebalancée par un système nécessairement complexe de péréquation. On commence en effet par extérioriser des différences de richesse fiscale, en particulier entre les départements et entre les régions, ce qui ne peut manquer de susciter des débats délicats.

Nous avons estimé qu’il fallait concilier la position initiale du Gouvernement et celle qu’a adoptée l’Assemblée nationale. C’est pourquoi la commission des finances vous propose, en premier lieu, un impôt territorialisé pour les communes et leurs groupements, en second lieu, une mutualisation pour les départements et pour les régions.

En ce qui concerne le bloc communal, nous estimons qu’il s’agit là des collectivités les plus proches des bases imposables et les plus proches des entreprises en termes de bassin d’emploi, de bénéfice local des richesses créées, de charges financières induites pour les collectivités, de nuisances éventuelles. Bref, c’est au niveau de l’intercommunalité, ou de la commune si elle n’a pas délégué sa compétence économique, que l’on est le mieux en prise directe avec ces sujets. Sincèrement, nous pensons que la territorialisation est la formule la plus motivante pour que les élus de terrain continuent à se battre et à être compétitifs pour l’accueil concret des entreprises.

Au niveau des départements et des régions, après avoir écouté bon nombre de collègues qui en ont la responsabilité, nous avons pensé qu’il fallait retenir au contraire une formule de mutualisation. Les départements supportent en effet des charges récurrentes et prévisibles, et la stabilité de la ressource leur est, de ce fait, encore plus nécessaire.

La commission des finances estime qu’il convient de faire en sorte, pour les collectivités qui percevront la cotisation sur la valeur ajoutée territorialisée, que leurs recettes dépendent non seulement de la valeur ajoutée des entreprises qui vont être redevables de cette cotisation, c’est-à-dire celles qui réalisent plus de 500 000 euros de chiffre d’affaires, mais également de la valeur ajoutée synthétique de l’ensemble du territoire.

Par conséquent, dans la mesure de nos capacités administratives, cette valeur ajoutée territorialisée nous semble devoir se fonder sur la réalité de l’activité de l’ensemble des entreprises du territoire considéré.

Nous avons en effet constaté, grâce aux travaux de l’excellent professeur Fréville – soyez donc remerciée, madame le ministre, de l’avoir incité à approfondir ses recherches ! –, que les ressources globales qui peuvent être escomptées de la cotisation sur la valeur ajoutée varient selon que l’on se trouve dans un territoire abritant un grand nombre de petites et moyennes entreprises très éparpillées ou, au contraire, dans un territoire dominé par quelques grandes entreprises. Le premier territoire serait largement désavantagé par rapport au second.

C’est pour cela que nous allons vous proposer de retenir un dispositif consistant, pour déterminer les recettes de chaque collectivité, à appliquer à l’ensemble de la valeur ajoutée produite sur son territoire un taux moyen national, calculé en reportant le produit de l’impôt à l’ensemble des bases « valeur ajoutée ». Il nous faut encore quelques jours pour finaliser la mise au point complète de ce dispositif, mais je souhaitais vous en livrer l’esprit.

Vous voyez que, s’agissant de la seconde partie, les quelques jours dont nous disposons seront extrêmement précieux !

Il y a d’autres aspects sur lesquels nous n’avons pas encore tranché. Je me bornerai, à ce stade, à en citer un : il s’agit de la répartition des nouvelles cotisations entre niveaux de collectivités territoriales.

À cet égard, je rappelle que le bloc communal a bénéficié en 2008 de 59 % des recettes de taxe professionnelle, qui ont représenté un montant total de 29 milliards d’euros. Aux termes du dispositif voté par l’Assemblée nationale, le cumul des produits attendus pour l’année 2010 au titre des trois catégories d’impôt économique – cotisation foncière, cotisation sur la valeur ajoutée, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau – représenterait 18,6 milliards d’euros, dont 47,2 % bénéficieraient au bloc communal.

S’agissant des départements, la part de produit de taxe professionnelle était de 30,5 % en 2008. Ils obtiendraient en 2010, selon le texte de l’Assemblée nationale, 33,7 % de la recette globale des trois nouveaux impôts. S’agissant des régions, les parts sont respectivement de 10,6 % et de 19,1 %.

Faut-il poursuivre le mouvement de rééquilibrage qui a été entamé à l’Assemblée nationale ? Faut-il en rester au texte de l’Assemblée nationale ? À ce stade, la commission n’a pas encore tranché cette question.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elle en débat !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous pouvons assumer ce débat, monsieur le président.

J’ai, à titre personnel, tendance à penser que, dès lors qu’on raisonne à compétences inchangées, il serait plus logique, plus « conservateur », si j’ose dire, de raisonner à structure inchangée de la recette. Cela reviendrait à maintenir les pourcentages existants. C’est peut-être un peu arbitraire, mais cela n’empêcherait pas que l’on revienne sur un choix provisoire, l’année prochaine ou en cours d’année, notamment au vu des décisions et arbitrages qui interviendraient au titre des compétences.

Je termine ici mon propos, qui a déjà été trop long, mais je suis sûr que nous aurons de nombreuses occasions de revenir sur tous ces sujets. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur les recettes des collectivités territoriales, organisé traditionnellement lors de l’examen du projet de loi de finances, prend cette année un relief tout particulier.

Suppression de la taxe professionnelle, réforme des collectivités territoriales, révision des valeurs locatives utilisées pour le calcul des impôts locaux : les enjeux de tous ces chantiers sont considérables.

Tout n’est pas contenu dans le projet de loi de finances pour 2010, fort heureusement, compte tenu du temps qui nous est imparti. Mais le débat que nous allons avoir aujourd’hui est déterminant, car nous devons connaître parfaitement, dans ce contexte de réforme, l’évolution des dotations de l’État aux collectivités locales à périmètre constant.

À cet égard, 2010 sera donc une année de transition, au cours de laquelle le Parlement, et tout particulièrement le Sénat en raison de sa mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales, prendra toute sa place et devra lever les inquiétudes légitimes des élus locaux.

Pour éviter toute redondance avec les propos du rapporteur général, je vous rappellerai globalement les dispositions relatives aux finances locales contenues dans le projet de loi de finances pour 2010, pour n’évoquer que rapidement, à la fin de mon propos, la taxe carbone et la réforme de la taxe professionnelle.

L’effort financier total de l’État en direction des collectivités territoriales représente 97,5 milliards d’euros en 2010 à périmètre constant, contre 96 milliards d’euros en 2009. Cette somme inclut les dotations et l’ensemble des prélèvements sur recettes, mais aussi la fiscalité transférée, les dégrèvements d’impôts ainsi que les subventions versées par différents ministères.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales », que j’ai l’honneur de rapporter, ne s’élève qu’à 2,5 milliards d’euros, soit 2,6 % de l’ensemble de l’effort financier de l’État en faveur des collectivités. Elle sera présentée dans la deuxième partie de notre débat.

Notre débat de ce soir est indispensable, car il constitue l’unique moment où nous pouvons engager une discussion à partir d’une approche globale des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales.

Pour le reste, chacun peut se reporter au fameux « jaune » budgétaire, « Effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales », qui illustre cette vision consolidée et dont je voudrais saluer la qualité.

Cette année, la suppression de la taxe professionnelle conduit à différencier, d’une part, une vision à périmètre constant et, d’autre part, l’évaluation prenant en compte l’impact de cette réforme.

Ainsi, au cours de l’exercice 2010, le budget de l’État devrait donc financer, en plus des 97,5 milliards d’euros que j’ai évoqués, une « compensation relais », dont le montant doit s’établir légèrement en dessous de 32 milliards d’euros.

Au total, et dans la mesure où les dégrèvements d’impôts locaux seront réduits d’environ 3 milliards d’euros par la réforme de la taxe professionnelle, l’effort financier consolidé envers les collectivités territoriales s’élèvera à 126,8 milliards d’euros.

Quelques faits marquants sont à relever dans ce projet de dotation aux collectivités.

Tout d’abord, le rythme de progression des dotations dites « sous enveloppe » sera, en 2010, de 1,2 %, soit le taux d’inflation prévisionnelle retenu par le projet de loi de finances. Il faut souligner que ce rythme est comparable à celui des dépenses de l’État, hors plan de relance. Cette évolution des transferts financiers aux collectivités territoriales s’inscrit donc dans un même effort de redressement des finances publiques.

Parmi ces concours financiers, la dotation globale de fonctionnement, comme l’ensemble des prélèvements sur recettes, enregistrera un taux de progression égal à la moitié de celui de l’enveloppe elle-même, soit 0,6 %.

Mais le nouvel impact du recensement et de l’évolution de l’intercommunalité doit être soustrait de cette variation. En conséquence, le complément de garantie des communes, qui représente 5,2 milliards d’euros, soit 22 % en moyenne de la dotation globale de fonctionnement, baissera de 2 % en 2010.

Initialement prévue par le Gouvernement à 3,5 %, cette baisse permettra néanmoins de dégager 131 millions d’euros en faveur de la péréquation.

Compte tenu de cette modification apportée par l’Assemblée nationale, les variables d’ajustement dans la dotation forfaitaire pourraient baisser de 6,8 %, contre 3,6 % dans le projet de loi initial.

Mes chers collègues, il faut donc s’attendre, malgré cet ajustement apporté par les députés, à une progression très faible, voire à une stagnation ou à une baisse, de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, pour de nombreuses collectivités.

Quant au Fonds de compensation pour la TVA, il évoluera plus librement. Par rapport à 2009, il augmentera ainsi de 6,4 %, soit 375 millions d’euros, ce qui le portera à 6,3 milliards d’euros en 2010.

Son versement anticipé, décidé en 2009 dans le cadre du plan de relance, est un succès, tant pour les collectivités locales que pour le soutien à notre économie. Les 20 000 conventions signées ont permis de verser 3,8 milliards d’euros de compensations supplémentaires en 2009, ce qui correspond à une commande publique de 55 milliards d’euros.

Toutefois, certaines collectivités ont engagé les investissements prévus dans leurs conventions alors qu’elles ne pourront pas régler leurs dépenses d’ici au 31 décembre 2009.

Le Gouvernement a fait part de son accord pour assouplir l’éligibilité au dispositif. Il sera donc possible de prendre en compte non pas seulement les paiements effectifs, mais aussi les engagements de dépenses.

Il s'agit d’une avancée significative, qui répond aux attentes des élus, mais qu’il faut maintenant traduire dans le projet de loi de finances. Plusieurs amendements ont d’ailleurs été déposés en ce sens.

Lors du congrès des maires qui s’est tenu avant-hier, le Premier ministre a également proposé de prolonger le versement anticipé du FCTVA en 2010 : les collectivités territoriales qui s’engageront par convention à investir l’an prochain au moins autant que la moyenne des trois dernières années recevront donc deux ans de FCTVA, correspondant aux investissements de 2008 et de 2009. Sur ce point également, un amendement a été déposé par le groupe UMP.

Dans cette période de morosité, il s'agit d’une bonne nouvelle pour les collectivités. Ce dispositif est un encouragement fort à l’investissement et il permet de nourrir la dynamique indispensable à la relance engagée par les collectivités.

Je souhaiterais maintenant aborder quelques points relatifs à la péréquation. La révision constitutionnelle de 2003 a consacré cette dernière au rang d’objectif de valeur constitutionnelle. Dans ce contexte budgétaire tendu, les sommes qui lui sont consacrées sont particulièrement importantes pour l’équilibre des budgets des collectivités les plus fragiles, en ville comme à la campagne.

S’agissant de la DSU, la dotation de solidarité urbaine, sa majoration de 70 millions d’euros en 2010, votée à l’Assemblée nationale, va dans le bon sens. Elle devrait aussi conduire à un taux de progression identique, soit 6 %, de la DSR, la dotation de solidarité rurale, si le CFL, le comité des finances locales, reste fidèle à sa doctrine de liaison entre les rythmes de progression de la DSU et de la DSR.

Mes chers collègues, je ferai à présent un point sur la péréquation départementale, qui a fait l’objet d’une réforme en 2005.

Les vingt-quatre départements historiquement éligibles voient leurs dotations stagner. Cette situation est préoccupante…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pas du tout ! Ils bénéficient de rentes !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. … dans cette période de crise, qui a provoqué une baisse sensible de leurs recettes. C’est pourquoi je plaide pour la garantie d’une reprise de l’évolution de cette dotation dès 2010.

Enfin, je dirai un mot de la péréquation régionale, qui a déjà suscité un débat ici, l’an dernier à la même époque.

Le rapport que j’ai présenté à la commission des finances a permis de dresser un bilan nuancé de ce dispositif, et cela pour plusieurs raisons. Ainsi, sa performance ne semble pas négligeable au regard de la faiblesse des sommes engagées – 170 millions d’euros, soit 3,15 % de la DGF régionale –, mais certains dysfonctionnements ont été identifiés, à savoir des effets de seuil brutaux, l’utilisation d’un indicateur de ressources imparfait et, surtout, une dualité peu cohérente entre les critères de son éligibilité et ceux de sa répartition.

Au terme de ce travail, il apparaît clairement que, pour être plus juste, la péréquation régionale devrait mieux prendre en compte la réalité des territoires, en rapprochant notamment les critères d’éligibilité des règles de calcul de la répartition des dotations.

Tel est le sens d’un amendement adopté par la commission des finances. Cette disposition mérite encore d’être affinée à ce stade du débat, mais je souhaiterais savoir, madame la ministre, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage aussi de remédier à ces imperfections, qui sont parfois fatales aux régions les plus fragiles.

Je voudrais à présent aborder rapidement la question de la mise en place de la taxe carbone, qui s’appliquera également à nos collectivités territoriales.

Jusqu’à présent, aucune contrepartie n’était prévue pour les collectivités, ce qui a provoqué l’inquiétude des élus. Comme plusieurs de nos collègues, j’ai d’ailleurs alerté le Gouvernement sur ce sujet.

Le Premier ministre, qui est intervenu avant-hier à l’occasion du quatre-vingt-douzième congrès des maires et des présidents de communautés de France, apparaît rassurant sur ce point. Il propose la création d’un fonds, placé auprès de l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dont le montant correspondra à la taxe carbone versée par les collectivités territoriales et qui contribuera à financer les investissements consentis par ces dernières pour réaliser des économies d’énergie.

Je veux saluer cette proposition, qui permettra de constituer un outil efficace pour accélérer la mise aux normes énergétiques du patrimoine immobilier des collectivités. Reste, là encore, à formaliser cette avancée, et je souhaiterais connaître, madame la ministre, monsieur le ministre, les modalités pratiques de mise en place de ce fonds à travers le projet de loi de finances.

Pour terminer, je présenterai quelques remarques rapides sur le projet de suppression de la taxe professionnelle, en précisant que je souscris, pour l’essentiel, aux propositions de M. le rapporteur général de la commission des finances.

Je ne reviendrai pas sur le calendrier qui nous a été proposé et qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Nous sommes en effet un certain nombre ici à penser que le débat ne peut être figé avant que nous ne connaissions la nature des compétences que les collectivités auront à exercer demain.

Sur ce point, j’ai cru comprendre que notre rapporteur général avait entendu le message. Un nouveau rendez-vous législatif, en 2010, sera de nature à apaiser fortement les tensions actuelles.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Lors des différentes assemblées générales de leurs associations nationales, les élus ont manifesté de fortes inquiétudes face aux effets possibles de cette réforme, à savoir la réduction du lien entre les entreprises et le territoire, l’affaiblissement de l’autonomie fiscale des collectivités et le risque de transfert d’une nouvelle charge fiscale vers les ménages.

En l’état initial du texte, ces inquiétudes sont légitimes, et nos élus locaux attendent beaucoup du Sénat pour être rassurés.

Comme vous l’avez souligné vous-même, monsieur le rapporteur général, nous devons tranquilliser nos élus, et le travail actuel de notre commission des finances va dans ce sens.

Le principe de la mutualisation des recettes sur le bloc « département-région », avec des critères physiques de répartition, est « péréquateur », et j’y suis favorable. La territorialisation des recettes sur le bloc communal renforce quant à elle le lien entre l’économie et le territoire, et je l’approuve également.

J’évoquerai simplement trois points qui me semblent devoir être pris en compte dans nos débats.

En premier lieu, il est nécessaire, à mon avis, d’affecter une fraction plus importante de la cotisation sur la valeur ajoutée au bénéfice du bloc communal – ce point de vue est partagé par M. le rapporteur général –, qui, je le rappelle, assure des compétences de développement économique sur le terrain. Je tiens également à rappeler que 90 % des recettes fiscales des EPCI à taxe professionnelle unique proviennent de la taxe professionnelle.

En deuxième lieu, et toujours à propos de la contribution sur la valeur ajoutée affectée au bloc communal, le dispositif actuel pénalise fortement les territoires ruraux, où l’on trouve souvent un tissu d’entreprises de petite taille et dont la base d’imposition va donc s’effondrer.

L’option d’une répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée sur la base d’un taux unique descendant et prenant en compte la valeur ajoutée de toutes les entreprises du territoire serait par conséquent plus juste.

En troisième lieu, et enfin, cette réforme, pour être équitable, ne peut sanctuariser les inégalités territoriales actuelles en matière de richesse fiscale. Il s’agit d'ailleurs de l’effet pervers de la compensation pérennisée.

Nous avons donc une occasion historique de répartir plus justement les fruits de ce nouvel impôt local, et il ne faut pas la manquer.

Dans cette perspective, la création d’un fonds de péréquation alimenté par une fraction du produit de la future contribution sur la valeur ajoutée serait déterminante. C’est ce que souhaitait la commission présidée par Claude Belot. Le Premier ministre, avant-hier, a été sensible à cette proposition, comme il l’a fait remarquer. C’est aussi la volonté de nos collègues députés, MM. Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes de cette intervention, je voudrais formuler un vœu.

Les élus attendent beaucoup du Sénat dans le contexte actuel, qui est caractérisé par des inquiétudes sans précédent dans la plupart des collectivités et par des tensions dans nos territoires et dans l’opinion, alors que, en cette période de crise, une grande cohésion est plus que jamais nécessaire dans notre pays.

Aussi, je forme le vœu que, au terme de notre débat, nous trouvions, ici au Sénat, dans un climat apaisé, une solution de consensus à travers laquelle l’administration décentralisée de notre territoire serait réaffirmée, au même titre que l’autonomie fiscale de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jacques Mézard applaudit également.)