M. Gérard César. En période de pointe !

Mme Nicole Bricq. Enfin, le groupe socialiste souhaite également que l’appellation choisie serve à la pédagogie. Mme Keller a raison, il faut dire ce que l’on veut faire ! Or vous ne ferez pas croire aux Français que, les années passant, le prix de l’énergie, quelle que soit son origine, baissera. Personne ne croit plus cette fable.

M. Gérard Longuet. Tant mieux !

Mme Nicole Bricq. Nous le savons, nous sommes dans une phase d’enchérissement du prix de l’énergie, quelle que soit son origine.

Mes chers collègues, si vous voulez faire accepter aux Français le principe de ce prélèvement – c’est ce que l’on appelle l’acceptabilité sociale –, il faut les accompagner dans la mutation énergétique, en cessant de leur raconter des fariboles et de leur laisser croire qu’ils peuvent continuer à consommer autant d’énergie que par le passé.

Si l’on veut vraiment modifier les comportements, le signal doit être clair.

Le groupe socialiste souhaite créer une « contribution », laquelle implique une adhésion au processus engagé. Mais il est vrai que la manière dont vous avez introduit cette fiscalité est la pire qui soit. C’est même de l’anti-pédagogie ! Nous en reparlerons au moment de débattre sur la compensation.

Vous auriez tout de même pu vous y prendre autrement pour garantir l’acceptation sociale !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Ma collègue Nicole Bricq a raison, la façon dont le Gouvernement a présenté cette bonne idée l’a, en quelque sorte, « carbonisée ». (Sourires.)

Madame Keller, votre tentative de « conciliation » partait d’un bon sentiment. J’ai cependant un peu de mal à vous suivre.

M. le rapporteur général l’a dit, une taxe est un impôt. Toutefois, dans le cas précis qui nous occupe, j’avais cru comprendre que cette taxe sur l’énergie consommée devait être restituée aux citoyens, grâce à la mise en place d’un mécanisme de compensation.

Il ne s’agit donc pas d’une imposition traditionnelle visant à alimenter les caisses de l’État, et elles en ont pourtant bien besoin, après toutes les exonérations qui ont été accordées encore ce matin aux entreprises !

Le message doit être parfaitement clair : il s’agit d’une contribution qui sera compensée et dont la population ne devrait donc pas souffrir. Or, avec le mot « taxe », cet aspect disparaît complètement.

M. le président. Monsieur About, l’amendement est-il en définitive maintenu ?

M. Nicolas About. Après Jean Desessard, je voudrais également tenter de réconcilier tout le monde, ayant écouté les uns et les autres avec beaucoup d’attention. En fin de compte, nous sommes tous d’accord, mais certains veulent agir d’un coup et d’autres, pas à pas.

Pour l’instant, nous a dit M. Longuet, essayons de nous en tenir à la « taxe carbone ». Chacun le sait, parmi les principaux gaz à effet de serre, on trouve effectivement le CO2, puis le méthane. En s’attaquant au carbone, on vise déjà ces deux-là. On s’attaquera peut-être ensuite au protoxyde d’azote, en créant, qui sait, une « proto-taxe ». (Sourires.) Pour le méthane, on inventera peut-être une « métha-taxe ». (Nouveaux sourires.) Il restera enfin l’ozone et, plus compliquée, la vapeur d’eau, qui ne sont pas concernées par la taxe carbone.

On le voit bien, parmi l’ensemble des gaz à effet de serre, nous nous intéressons d’abord à celui qui est le plus simple à appréhender, à savoir le CO2.

Pour éviter toute confusion et afin que personne ne puisse penser que notre groupe souhaite porter atteinte à la conception française de l’utilisation et de la production de l’énergie, nous retirons l’amendement n° I-445.

M. le président. L’amendement n° I-445 est retiré.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, j’ai le sentiment que la discussion progresse.

Je souhaite toutefois vous rendre attentifs à un éventuel problème d’ordre constitutionnel, évoqué par Mme Fabienne Keller à la page 47 de son excellent rapport sur la fiscalité environnementale, sur l’instauration d’une contribution « climat-énergie », le fonctionnement et la régulation de quotas de CO2.

Notre collègue écrit en effet : « Dans sa décision du 28 décembre 2000, le Conseil constitutionnel avait ainsi censuré l’article 37 de la loi de finances rectificative pour 2000 qui étendait la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, à la production d’électricité.

« Le Conseil avait en effet considéré que l’objectif assigné à la taxe était “de renforcer la lutte contre l’effet de serre” et “qu’en raison de la nature des sources de production de l’électricité en France, la consommation d’électricité contribu[ait] très faiblement au rejet de gaz carbonique et permet[tait], par substitution à celle des produits énergétiques fossiles, de lutter contre l’effet de serre.” Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel avait jugé la différence de traitement imposée à la production électrique sans rapport avec l’objectif d’intérêt général assigné à la TGAP, et contraire au principe d’égalité devant l’impôt. »

Par conséquent, si nous votions une contribution climat-énergie, nous risquerions d’être en difficulté, compte tenu de ce que sera vraisemblablement le dispositif. Dans ces conditions, il me paraît sage de renoncer, en tout cas momentanément, à ces termes.

De surcroît, pour l’électricité, ce pourrait être en quelque sorte la double peine. En effet, si elle provient pour partie des éoliennes et du photovoltaïque – les kilowattheures produits sont alors achetés hors prix par EDF pour environ 1 milliard d’euros –, elle nécessite également de recourir accessoirement au charbon, au gaz ou au pétrole et, dans ce cas, elle sera déjà sous quotas.

Nous aurions peut-être gagné à débattre du titre de cette taxe ou contribution après en avoir voté le contenu. Comme, selon toute vraisemblance, nous nous contenterons de la lutte contre l’émission de CO2, il faut retenir le terme « carbone ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Notre souci étant de trouver une appellation aussi synthétique que possible, pourquoi ne pas opter pour « contribution carbone », mes chers collègues ?

Le mot « contribution » évoque une action volontaire liée à la citoyenneté, alors que le terme « taxe » revêt une dimension passive, voire punitive. (Marques d’approbation sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Nicolas About. Vous êtes devenu centriste ! Rejoignez-nous !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avec le temps, je me suis acclimaté à cette maison, cher Nicolas About. (Sourires.)

Nous avons déjà substitué l’appellation « cotisation complémentaire » à celle de « taxe professionnelle ». Cela nous ferait donc un deuxième « CC » ! (Nouveaux sourires.)

Mais il faudrait qu’un amendement soit déposé en ce sens.

M. Nicolas About. Nous pourrions peut-être rectifier le nôtre !

M. le président. C’est impossible, monsieur About ; cet amendement a été retiré.

M. Nicolas About. Tel le phénix, il pourrait renaître de ses cendres…

M. le président. Monsieur Muller, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur général ?

M. Jacques Muller. J’entends que la « taxe » devient « contribution ». C’est un bon signal, de même qu’il est intéressant de conserver le terme « carbone ».

En revanche, il est bien dommage d’enlever le mot « énergie ». (Protestations amusées sur les travées de lUMP.) Je propose donc de remplacer « contribution climat-énergie » par « contribution énergie carbone ».

M. Gérard Longuet. Non, pas l’énergie !

M. Jacques Muller. Monsieur le président, moi, j’ai fait un pas...

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° I-247 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, et ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

taxe carbone

par les mots :

contribution énergie carbone

II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans l'ensemble de l'article.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Puisque la commission en a la possibilité, monsieur le président, elle sous-amende l’amendement n° 247 rectifié, pour faire disparaître la mention de l’énergie, de sorte que la « contribution énergie carbone » de M. Muller devienne la « contribution carbone ». (Marques d’approbation sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° I-550, présenté par M. Arthuis, au nom de la commission des finances.

Il est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer le mot :

énergie

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je m’en remets à la sagesse de cette assemblée, qui a été particulièrement bien éclairée par l’excellent rapport de Mme Keller. Je remarque que, tout à l’heure, en voulant « réconcilier les points de vue », elle a marqué sa préférence pour l’appellation « taxe carbone ».

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-550.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° I-247 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Tous les amendements et sous-amendements encore en discussion seront donc rectifiés en tant que de besoin.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-415 rectifié, présenté par Mme Keller, MM. Le Grand et Richert, Mme Sittler et M. Grignon, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

pour l'année 2010

II. - Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les tarifs de la contribution carbone sont révisés à la hausse chaque année de telle sorte qu'ils atteignent un prix de la tonne de C02 compatible avec les objectifs quantifiés de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui figurent à l'article 2 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.

III. - Alinéa 22, deuxième phrase

Remplacer les mots :

l'évolution de son taux

par les mots :

le rythme d'augmentation de son taux sur une base pluriannuelle

La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Il s’agit d’inscrire dans l’article 5 le principe d’une augmentation progressive des tarifs de la contribution carbone, pour la rendre compatible avec les objectifs de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Après avoir hésité à indiquer une progression chiffrée dans cet amendement, j’ai finalement renoncé. Nous avons tous en tête le rapport Quinet, qui fixe un objectif de 100 euros par tonne de CO2 en 2030. Pour autant, faut-il que la contribution augmente du même montant chaque année, ou que sa progression soit exprimée en pourcentage ? Il est probablement trop tôt pour le déterminer.

En revanche, il me semble important d’indiquer dès à présent dans la loi que le prix de référence de 17 euros, loin d’être immuable, constitue au contraire une base de départ qui progressera fortement dans les prochaines années, de manière à envoyer le bon signal à l’ensemble des acteurs qui auront à payer cette contribution carbone.

M. le président. L'amendement n° I-251, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 3 insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les tarifs du tableau ci-dessus sont revalorisés, jusqu'en 2030, de 9,26 %.

II. - En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. - Le crédit d'impôt forfaitaire prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts est majoré chaque année, jusqu'en 2030, en proportion du produit supplémentaire de la taxe perçue sur les ménages en application du I.

La disposition de l'alinéa précédent n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° I-251 est retiré.

L'amendement n° I-252 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque année, un nouveau tableau de perception sera présenté indiquant les différents tarifs applicables selon une progression linéaire de 4,15 euros par an du prix de la contribution carbone afin de parvenir à l'objectif de 100 euros en 2030. »

II. - En conséquence, compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

... - Le crédit d'impôt forfaitaire prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts est majoré chaque année, jusqu'en 2030, en proportion du produit supplémentaire de la taxe perçue sur les ménages en application du I.

.... - La disposition du paragraphe précédent n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »

... - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Si l’objectif est de parvenir à 100 euros par tonne de carbone en 2030, il me semble nécessaire de déterminer le cadre dans lequel se déroulera la progression de cette contribution, à partir de son point de départ fixé, lui, à 17 euros.

Dans cet amendement, nous optons pour une augmentation linéaire, clairement identifiée, de 4,15 euros par an.

M. Michel Charasse. C’est une injonction au Gouvernement ! Elle est irrecevable !

M. Jacques Muller. Pourquoi ne pas exprimer cette progression sous la forme d’un pourcentage, m’objectera-t-on ? Il s’agit tout simplement de ne pas reporter nos responsabilités sur les gouvernements et les contribuables futurs.

L’augmentation linéaire permet aux ménages comme aux entreprises d’avoir une vision très claire du prix du carbone dans les années à venir.

Proportionnellement, l’augmentation sera certes plus lourde la première année, mais son poids décroîtra proportionnellement avec le temps. Cette méthode est, me semble-t-il, de nature à contribuer au succès de notre démarche.

Pour peu qu’on leur explique qu’il est impossible de reporter sur les générations suivantes nos engagements en matière d’énergie, de carbone ou de climat, nos concitoyens comprendront parfaitement cette démarche. Nous devons prendre nos responsabilités dès aujourd’hui.

M. le président. L'amendement n° I-339, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Après l'alinéa 3, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les tarifs du présent tableau sont revalorisés, chaque année, pour atteindre en 2030 le tarif de 100 € par tonne de CO2. »

II. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« III. - Le crédit d'impôt forfaitaire prévu à l'article 200 quindecies du code général des impôts est majoré chaque année, jusqu'en 2030, en proportion du produit supplémentaire de la taxe perçue sur les ménages en application du I.

« L'alinéa précédent n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû. »

III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement vise également à fixer un niveau prévisible de taxation du carbone, afin d’atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé.

Je voudrais tout de même rappeler que le montant de 17 euros, qui figure dans ce projet de loi de finances, provient d’un arbitrage rendu par le Premier ministre – pardon, par le Président de la République ! –, dans le but de mettre un terme à la cacophonie gouvernementale…

On l’a oublié, mais le ministre chargé de l’écologie, M. Borloo, voulait un prix élevé, conformément à la position de la commission Quinet, qui avait préconisé un tarif de 32 euros par tonne, et de la commission Rocard, qui était encore plus ambitieuse. De son côté, le ministre des comptes publics, M. Woerth, souhaitait un prix le plus bas possible, compris entre 10 euros et 15 euros.

Le Président de la République a tranché, en s’alignant peu ou prou sur le prix du marché, qui se situe actuellement aux alentours de 12 ou 13 euros par tonne. Mais, dans cette période de crise économique, le prix d’échange des quotas de carbone sur le marché est logiquement très faible, sans oublier l’effet du plan national présenté par la France à Bruxelles, très généreux à l’égard des entreprises, qui fausse la donne.

C’est une erreur à notre sens de ne pas afficher des ambitions à long terme, et de s’en remettre à une commission dite « verte », dont on ne connaît pas encore précisément la composition, pour la fixation du prix du carbone, et donc celui de la taxe, dans les années à venir.

On peut certes réunir des experts au sein d’une commission ; ces derniers peuvent faire des propositions, mais c’est tout de même au Parlement de fixer les orientations.

C’est pourquoi nous souhaitons inscrire dans la loi l’objectif chiffré de 100 euros, afin de pouvoir nous y reporter chaque année.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. À titre personnel, j’ai toujours considéré qu’une loi de finances devait être annuelle. En la matière, je n’aime guère la pluriannualité, ni les lois de programmation. Tout ce qui pourrait aliéner la liberté du législateur dans le domaine budgétaire me paraît dangereux.

Enjoindre au Gouvernement de faire progresser la contribution de tel ou tel montant chaque année n’est pas de bonne méthode. Les circonstances pourraient nous contraindre à revenir sur ce que l’on affiche aujourd’hui.

C’est dans cet état d’esprit que j’aborde à titre personnel vos initiatives, chers collègues, mais la commission se déterminera, elle, de façon définitive sur ces amendements après avoir entendu l’avis du Gouvernement.

Il n’est toutefois pas équivalent de se contenter d’exprimer un objectif à un horizon défini et de prévoir un taux ou un montant impératif d’augmentation année par année.

Dans la gradation que présentent ces amendements, la préférence irait naturellement à celui de Fabienne Keller.

Cependant, l’objectif peut s’exprimer de différentes manières. Dans l’amendement n °I-415 rectifié, et par référence directe à la loi du 3 août 2009, ou Grenelle I, on s’exprime en objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, donc moins 20 % d’ici à 2020, ou moins 30 % dans certaines conditions. Je crois que c’est la formulation la plus proche de celle qui a déjà été adoptée par le législateur.

Quant à l’amendement n °I-339, il assigne à notre pays un objectif à l’horizon non pas 2020 mais 2030, et un objectif quantitatif puisque la contribution devrait atteindre 100 euros par tonne de dioxyde de carbone.

Ce sont donc des choix sensiblement différents sur lesquels le Gouvernement, je n’en doute pas, va pouvoir nous éclairer.

M. le président. Madame la ministre, pouvez-vous donc éclairer M. Marini par votre avis ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Il est bien souvent la lumière lui-même, je ne suis pas sûre qu’il ait besoin de mes éclairages ! (Exclamations amusées.)

Sur ces différents amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable.

D’abord, nous prévoyons dans l’exposé des motifs la référence à la date de 2030 et à ce signal-prix dont nous supposons aujourd'hui qu’il devra atteindre 100 euros en 2030.

Mme Nicole Bricq. Nous sommes tous d’accord !

Mme Christine Lagarde, ministre. Oui, nous sommes tous d’accord, mais soyons clairs : ce n’est pas l’objectif de 100 euros en soi qui est déterminant ; ce montant n’est qu’un moyen pour atteindre l’objectif. Or c’est l’objectif lui-même qui comptera.

M. Michel Charasse. Que vaudra l’euro à ce moment-là ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et où en sera le pacte de stabilité ?

Mme Christine Lagarde, ministre. M.  Charasse a raison, ce que sera la valeur de l’euro à ce moment-là, par rapport à un certain nombre d’autres devises, est une question que nous pouvons nous poser. C’est une première observation.

Ensuite, surtout, si notre mécanisme est efficace et si le signal-prix fonctionne de manière rigoureuse et rapide, nous pouvons tout à fait imaginer ne pas avoir besoin d’atteindre ce seuil de 100 euros.

À l’inverse, mais dans la même logique, si notre mécanisme ne fonctionne pas correctement, et que nous sommes obligés d’adopter d’autres moyens, d’utiliser d’autres techniques, et probablement d’accélérer le processus, il faudra alors que le législateur puisse, chaque année, réajuster le tir. Il devra, dans ce cas, fixer un seuil en fonction du degré de réalisation de nos objectifs, qui sont, je vous le rappelle, ce fameux facteur 4 à atteindre d’ici à 2050 sur le plan national, ou le moins 21 % d’ici à 2020 sur le plan européen.

Ce sont les objectifs qui comptent, la façon dont les outils vont nous permettre de les atteindre. Imposer d’emblée un mécanisme cadenassé qui prévoirait nécessairement ce rendez-vous annuel, ou une augmentation proportionnelle, ou encore une augmentation d’un prix en valeur absolue n’est pas la bonne méthode.

Nous devons avant tout indiquer à titre d’exposé des motifs ce vers quoi nous tendons, toutes choses égales par ailleurs et en l’état de l’examen de la situation, et ce sans nous lier les mains.

J’ajouterai que certains des amendements présentés ne sont peut-être pas parfaitement constitutionnels dans la mesure où la Constitution ne prévoit pas qu’un texte de loi puisse contenir des injonctions au Gouvernement.

M. Michel Charasse. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Notre avis est donc défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. À la lumière de l’avis du Gouvernement, quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je crois qu’il serait préférable de retirer ces amendements. J’espère que cet appel sera entendu.

M. le président. L’amendement est-il maintenu, madame Keller ?

Mme Fabienne Keller. Madame la ministre, j’entends bien vos arguments. Cependant, l’efficacité même de cette contribution dépend du schéma de progression que les acteurs économiques perçoivent aujourd’hui.

Bien sûr, l’échéance de 2030 semble éloignée, mais l’amendement que je propose, en fixant non pas le chemin précis mais l’objectif, donne une indication claire sur l’orientation, ce qui est de nature à justifier, pour les entreprises, des investissements, et à inciter les particuliers à limiter leurs émissions de carbone.

En fixant simplement l’objectif de 2030, nous arrivons à un bon compromis. Une projection trop longue ne serait peut-être pas raisonnable si elle était trop précise, mais nous devons apporter des précisions, indiquer dès aujourd’hui qu’il y a une volonté politique forte et quantifiée. Je n’ignore pas toute l’imperfection d’une projection à vingt ans, mais elle présente cependant l’avantage de permettre de valider les conclusions du rapport Quinet.

Cette solution garantit un bon équilibre entre les deux positions qui consisteraient, l’une, à en faire trop en étant trop précis, l’autre, à ne rien faire du tout, au nom du dogme de l’annualité budgétaire.

M. Michel Charasse. C’est un principe !

Mme Fabienne Keller. Mais nous avons tous besoin d’orientations budgétaires, sinon nous ne saurions jamais où nous allons !

Cette clarté dans l’orientation générale, les marchés en ont besoin s’agissant de la contribution énergie carbone. Un éclaircissement du même type serait également nécessaire pour les marchés de quotas, sous le régime de la directive européenne.

Il n’y a donc pas de contradiction. Donner une orientation qui précise le texte tout de même très littéraire du Grenelle de l’environnement me semble ici indispensable.

C’est pourquoi je maintiens mon amendement. Je propose même à la commission des finances de revoir encore son dernier avis. (Sourires.)

M. le président. L’amendement est-il maintenu, madame Bricq ?

Mme Nicole Bricq. Mme Keller a dit fort opportunément qu’il fallait fixer un objectif. Il se trouve que notre amendement, à la différence du sien, est chiffré et qu’il se révèle, de ce fait, gênant.

Je vais donc faire preuve de bonne volonté, et envisager le retrait de l’amendement du groupe socialiste. J’appellerai mon groupe à voter en conséquence l’amendement de Mme Keller.

M. le rapporteur général n’aime pas les lois de programmation. Je l’invite à se rappeler ce qui a été fait avec la taxe professionnelle, pour reprendre encore une fois cette récente référence. En effet, l’amendement de Mme Keller non seulement ne fixe pas d’horizon chiffré, mais parle de l’avenir, et pas de la loi de finances pour 2010.

À l’instar de son arbitrage sur la suppression de la taxe professionnelle, M. le rapporteur général aurait donc pu considérer que cet amendement n’avait pas d’incidence sur l’équilibre budgétaire pour 2010 et proposer de réexaminer la question en deuxième partie.

Si nous ne fixons pas d’objectif et que nous restons sans cap, vous pouvez être sûrs que les étapes ne seront pas franchies et que nous ne serons pas au rendez-vous.

Pour l’heure, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n °I-339 est retiré.

Qu’en est-il de l’amendement n° I-252 rectifié, monsieur Muller ?