M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre rapporteur Jean-Marie Vanlerenberghe étant retenu dans son département, il m’a confié la lourde tâche de vous présenter, en son nom, la position de la commission des affaires sociales sur les crédits de la mission « Ville et logement » pour 2010.

Je ne reviendrai pas sur les différentes lignes budgétaires, qui ont été présentées par le rapporteur spécial de la commission des finances, pour concentrer mon propos sur les points qui nous ont paru essentiels.

Tout d’abord, nous approuvons la réorientation des politiques publiques en matière d’hébergement des personnes sans abri visant à organiser une véritable filière du logement : l’accueil d’urgence ne doit être qu’un passage afin que les personnes ayant retrouvé une certaine stabilité dans leur vie puissent trouver aussi un logement durable.

Le projet de budget pour 2010 conforte cet objectif. Pour autant, il nous semble important de ne pas fragiliser le tissu associatif par des évolutions de crédits trop brutales. De plus, les crédits du plan de relance en faveur de l’hébergement et des structures d’accueil, qui ont été importants en 2009, ne sont pas reconduits en 2010, malgré le caractère récurrent de certaines dépenses. Cela pourrait naturellement poser des problèmes de gestion en cours d’année.

Par ailleurs, la loi permet désormais, sur l’initiative de notre commission des affaires sociales, une meilleure coordination des capacités d’accueil des personnes sans abri, coordination qui doit être poursuivie et accélérée. Cela concerne principalement la région parisienne, où se concentre une grande part des difficultés constatées en matière d’hébergement ou de logement.

Alors que 2010 sera l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, j’espère, monsieur le secrétaire d’État, que l’État saura compléter les dotations si certains crédits, par exemple ceux qui sont consacrés à l’aide alimentaire, se révélaient insuffisants.

En ce qui concerne la construction de logements locatifs sociaux, nous constatons que, d’un côté, les crédits de paiement progressent, de l’autre, que les autorisations d’engagement régressent significativement. Bien sûr, le plan de relance a produit des effets puissants dans le secteur du logement et cela continuera d’être le cas en 2010. Pour autant, cette baisse des nouvelles opérations ne peut pas être un signal positif pour les opérateurs. Peut-on au moins espérer, monsieur le secrétaire d’État – ce sera ma première question –, qu’elle s’accompagnera d’une meilleure concentration des opérations sur les territoires où l’offre et la demande sont les plus déséquilibrées ?

Ma deuxième question concerne le financement de la rénovation urbaine. L’ANRU a quasiment achevé la phase de contractualisation avec les collectivités territoriales. Elle a ainsi engagé la presque totalité de ses moyens financiers, comme l’a indiqué M. le rapporteur spécial. Les paiements commencent à atteindre un volume élevé et, à partir de 2011, ils seront compris entre 1,3 milliard d’euros et 1,6 milliard d’euros par an pendant au moins quatre années. Son tableau de financement montre qu’il manquera à l’ANRU entre 140 millions d’euros et 400 millions d’euros en 2011, selon le rythme d’avancement des travaux. Surtout, la réforme de 2009, qui mobilise les fonds du 1 % logement, ne prévoit rien pour l’après-2011.

Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement entend-il financer la montée en charge des subventions versées par l’ANRU ? Il ne faudrait pas que cette incertitude pèse sur les opérations en cours et sur les collectivités locales.

Enfin, mes dernières questions porteront sur la politique de la ville. Les crédits pour 2010 sont en légère diminution, même si l’on prend en compte les changements de périmètre et autres modifications d’organisation. Pourtant, comme cela est rappelé dans le récent rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, les problèmes persistent dans les quartiers défavorisés.

Dans ces conditions, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour mobiliser enfin les actions des différents ministères en faveur de ces quartiers ? Comment entend-il réformer la géographie prioritaire de la politique de la ville ? De ce point de vue, les orientations des parlementaires en mission, dont notre collègue Pierre André, par ailleurs rapporteur pour avis des crédits de la mission « Ville et logement » pour la commission de l’économie, nous ont semblé très positives. Ces parlementaires préconisent notamment de globaliser les crédits au niveau d’un territoire, dans un cadre contractuel entre l’État et les élus locaux, ce qui permettrait une plus grande souplesse de gestion. Quel est votre sentiment sur ce point, madame la secrétaire d’État ?

Avant de conclure, permettez-moi de vous poser deux questions au nom de mon collègue Alain Vasselle, qui ne peut être présent ce soir.

Tout d’abord, la Caisse des dépôts et consignations a-t-elle l’intention de modifier ses financements en faveur des bailleurs sociaux qui rachètent leur logement à des ménages surendettés pour leur permettre de rester chez eux ?

Ensuite, certains foyers logements sont aujourd’hui sous-occupés en raison de la politique de maintien à domicile des personnes âgées : des aides de l’État peuvent-elles être accordées pour des opérations de transformation de ces foyers ?

Vous l’aurez compris, de nombreuses questions restent posées pour l’avenir, mais les axes prioritaires de ce budget ont reçu le soutien de la commission des affaires sociales, qui a donné un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2010 de la mission « Ville et logement ». (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier. (MM. Robert del Picchia et Jacques Gautier applaudissent.)

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis particulièrement attachée à la mission « Ville et logement », porteuse de respect de la dignité de l’homme. Les crédits de cette mission s’élèvent à 7 705 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 7 810 millions euros en crédits de paiement. Je note que si ces crédits sont en hausse, cette augmentation est plutôt modeste – 3,5 % pour les premiers, 4,5 % pour les seconds – et qu’elle est imputable à la progression des aides personnelles au logement.

La politique du logement appellerait du reste un certain nombre de remarques. Avec 3,5 millions de personnes non ou mal logées, la situation dans ce domaine est toujours aussi dégradée.

Je consacrerai la majeure partie de mon intervention au domaine de la ville ou, mieux, à l’adéquation entre la politique de la ville et celle du logement, ce qui explique mon intérêt particulier pour le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables ». À cet égard, je regrette, comme je l’ai déjà dit à propos du budget précédent, que, sous l’effet de la crise, les personnes vulnérables, de la jeunesse au grand âge, soient de plus en plus nombreuses, ce qui illustre la faillite de tout un système. À nous d’en inventer un autre, capable, à l’avenir, de veiller plus efficacement sur les plus faibles.

Le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » est doté de 1,1 milliard d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Parmi ces crédits, 900 millions d’euros doivent financer des structures d’accueil, d’hébergement et de logement adaptées pour les personnes sans abri. Cette somme sera-t-elle suffisante pour assurer ces missions ? J’en doute. De même, je ne pense pas que l’on ait prévu les inévitables victimes de l’augmentation du chômage. En effet, malgré l’optimisme dont certains font preuve, il paraît évident que la crise n’est pas derrière nous. La représentation nationale ne saurait donc se contenter de bonnes paroles lorsqu’il s’agit de la précarité. Elle devrait au contraire affirmer solennellement que la sous-budgétisation manifeste de ce programme, de même que celle du programme « Aide à l’accès au logement », n’est pas acceptable. Certes, les crédits alloués à ce dernier programme ont été augmentés, je le reconnais, pour faire face à la progression du nombre de familles en difficulté, mais aucune progression individuelle des allocations n’a été prévue. En conséquence, du fait de la baisse des plafonds de ressources permettant d’accéder au parc social et du relèvement du montant des surloyers, toute une frange de la population a été exclue du logement social.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ce sont quand même des personnes qui gagnent plus de 5 000 euros par mois !

Mme Anne-Marie Escoffier. En dépit des avancées législatives de ces dernières années, les politiques publiques en faveur du logement ne sont pas à la hauteur des défis que nous devons relever, faute d’audace probablement, du fait soit du désengagement financier de l’État, soit de la mise en œuvre décevante du droit au logement opposable, soit enfin parce que les incitations fiscales ont en fait favorisé le développement anarchique de l’offre, tandis que le parc locatif social continue d’être incompatible avec les besoins et le parc privé hors d’atteinte des plus modestes. Et je ne parle pas des problèmes récurrents que sont l’engorgement des dispositifs d’hébergement, l’existence de discriminations sociales et ethniques dans l’accès au logement, l’assignation à résidence des plus démunis dans des quartiers en difficulté et la totale pénurie d’offres dans certaines zones. Chacun le sait, depuis que l’abbé Pierre a lancé son appel voilà plus d’un demi-siècle, il ne saurait y avoir de réelle politique de lutte contre l’exclusion sans politique du logement.

Même si les crédits de la mission « Ville et logement » sont en hausse, leur examen attentif suscite un certain nombre de questions. Ainsi, on ne peut que s’interroger sur la part sans cesse croissante des dépenses fiscales – 11 milliards d’euros – et des financements extrabudgétaires, comme le 1 % logement, désormais nommé « Action logement », pour financer l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, le programme national de rénovation urbaine, le PNRU, et le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, le PNRQAD. Si l’on en croit les rapporteurs, d’inévitables tensions apparaîtront même, dès 2011, sur la trésorerie de l’ANRU, tandis que certains s’interrogent sur la pertinence du maintien du 1 % logement qui, alors qu’il tend à devenir une ressource quasi fiscale, semble perdre son sens.

Nous écouterons avec intérêt vos réponses, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État. J’espère que ces réponses permettront au groupe du RDSE de ne pas émettre un avis défavorable sur les crédits de cette mission. (Mme Muguette Dini et M. Robert del Picchia applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tous les observateurs le reconnaissent : la France manque cruellement de logements. On dénombre ainsi plus de 1,4 million de demandeurs de logements HLM, 500 000 personnes « sans domicile », 2 millions de personnes mal logées et près de 860 000 précaires. Au total, plus de 3,5 millions de personnes sont en situation de mal-logement aujourd'hui en France.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. D’où sortent ces chiffres ?

Mme Odette Terrade. Vous ne lisez pas les rapports de la Fondation Abbé Pierre, monsieur le secrétaire d’État, ou les statistiques de votre ministère ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je doute qu’il y ait 500 000 sans-abri !

Mme Odette Terrade. Quelles politiques ont conduit à cette situation dramatique ?

Depuis le milieu des années soixante-dix, le logement est hélas ! considéré non plus comme un bien devant répondre à des besoins sociaux et humains, mais comme une marchandise susceptible de générer des pertes ou des profits.

Cette politique s’est traduite par un glissement des aides de l’État en faveur de la construction de logements sociaux – « l’aide à la pierre » – vers un système de financement de la construction…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il fallait le changer pendant les quatorze ans où vous avez été au pouvoir !

Mme Odette Terrade. … poussant à la spéculation : aides personnalisées au logement pour « solvabiliser » les locataires du parc social dont les loyers devaient s’aligner sur ceux du privé et, parallèlement, multiplication d’aides accordées aux propriétaires pour les inciter à investir dans l’immobilier. Je veux parler des dispositifs Périssol, Besson, Borloo, Robien, Scellier… Ceux-là, vous ne les contestez pas, monsieur le secrétaire d’État !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Rappelez-moi de quel gouvernement Louis Besson a-t-il fait partie ?

Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d’État, si vous ne souhaitez pas écouter ce que l’opposition entend vous dire, je peux quitter la tribune et regagner ma place,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Pardonnez-moi.

Mme Odette Terrade. … et nous irons plus vite ainsi. Mais je pense que vous pourriez faire preuve d’un minimum de respect et m’écouter.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Justement, je vous écoute et comme je ne suis pas d’accord avec vous, je l’exprime !

Mme Odette Terrade. Vous me répondrez peut-être lors de votre intervention, mais ne m’interrompez pas !

C’est dans ce contexte que Nicolas Sarkozy a formulé son espoir d’une « France de propriétaires », rêvant de crédits hypothécaires « à la française ». On connaît la suite ! Les aides de l’État sont en diminution constante et ne permettent pas de donner la priorité au logement pour les plus modestes.

Quant aux classes moyennes, non seulement elles n’ont plus les moyens d’accéder à la propriété, mais elles ne bénéficient pas non plus du logement social. C’est donc une impasse.

Depuis de nombreuses années maintenant, nous déplorons le manque d’ambition de l’État en la matière. En effet, nous sommes passés de 210 000 logements locatifs sociaux engagés en 2000 à 153 000 en 2007.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Comment peut-on mentir à ce point ?

Mme Odette Terrade. Aujourd’hui, votre gouvernement présente comme un progrès la mise en chantier de 110 000 logements. En réalité, selon nos calculs, seuls 93 000 sont en construction, alors qu’il en faudrait 450 000 pour commencer à répondre aux besoins.

Par conséquent, le projet de budget pour 2010 se situe dans la continuité du désengagement continu de l’État de ce secteur.

Ainsi, si les crédits globaux sont en augmentation, cela cache des disparités particulièrement contestables. Nous pourrions qualifier ce projet de budget de « trompe-l’œil ».

Le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » devrait constituer la priorité pour 2010, année européenne de lutte contre l’exclusion. Cependant, nous voyons bien qu’il est en nette diminution, à hauteur de 20 millions d’euros ; je pense notamment aux crédits affectés à la prévention de l’exclusion, qui baissent de 22 %.

Selon M. le rapporteur spécial Philippe Dallier, et nous partageons son analyse, la sous-budgétisation chronique de ce programme est d’autant plus criante que pas un euro n’est prévu dans le plan de relance.

Le programme 135, qui correspond en particulier aux aides à la pierre, diminue également, avec une baisse de 15 % des autorisations d’engagement.

On observe ainsi une réduction sévère de la subvention moyenne par prêt locatif à usage social, ou PLUS, qui s’élève désormais à 1 000 euros, contre 2 700 euros en 2009. En outre, le nombre prévisionnel de PLUS est en baisse de 10 000 unités. La conclusion est nette : on construira moins avec moins d’argent !

En maintenant ses crédits en diminution, l’État entend ainsi reporter les besoins en financements des opérations sur les autres intervenants, notamment les collectivités locales, « Action logement » ou les organismes eux-mêmes. Pourtant, les collectivités seront en grande difficulté, du fait de la suppression de la taxe professionnelle, pour maintenir un tel niveau d’effort.

La lutte contre l’habitat indigne relève désormais de la compétence de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH. Cependant, au regard de la situation déplorable de cette agence, nous avons des doutes sur la pérennité d’une telle action. Il en va de même pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, qui, selon certains observateurs, pourrait se retrouver en cessation de paiement dès 2011 ; d’autres l’ont affirmé avant moi. C’est préoccupant.

En effet, pour la période triennale 2009-2011, les deux agences de l’État chargées de la rénovation urbaine sont financées de manière quasi exclusive par les contributions du 1 % logement, permettant par là même un désengagement de l’État.

Parallèlement, nous ne disposons pas d’éléments nous permettant d’apprécier l’efficacité de la dépense fiscale. Nous pouvons simplement constater son « verdissement », dont l’objectif flagrant est d’en renforcer la légitimité.

Pourtant, force est de constater que le montant total de ces exonérations atteint des sommets, à hauteur de 11,3 milliards d’euros, dont seulement 1,5 milliard d’euros concerne le logement social.

Cette politique fiscale se fixe donc d’autres priorités que la nécessaire construction de logements sociaux, en privilégiant les investissements fonciers des personnes qui disposent déjà d’un toit.

J’en viens aux aides personnelles. M. le rapporteur spécial note une nouvelle fois, très justement, que les indicateurs liés au taux d’effort des ménages font apparaître des résultats médiocres, en régression par rapport à 2008, et « illustrent la diminution de l’effet solvabilisateur des aides personnelles malgré l’importance des volumes financiers qui leur sont consacrés ».

Nous le voyons donc bien, la hausse effective des crédits consacrés aux aides personnelles, qui est cette année à hauteur de 5 milliards d’euros, correspond uniquement au résultat de la situation économique déplorable du pays. À ce titre, elle reste insuffisante : sur l’année 2009, les loyers et les charges locatives ont augmenté de manière plus importante que les salaires. Et cela ne risque pas de s’inverser ! Je rappelle également que nous demandons une revalorisation de 20 % du niveau des aides personnalisées au logement, les APL, depuis de nombreuses années.

Pour finir sur cette question, je note que M. le rapporteur spécial va même jusqu’à parler d’« insincérité » de ce programme, au regard des grandes difficultés financières du fonds national d’aide au logement, le FNAL, dont le déficit cumulé atteint 585 millions d’euros.

Parallèlement à un budget peu ambitieux, tout un arsenal législatif est mis en place pour réformer les prescriptions appliquées au logement, dans l’objectif d’en dévoyer la mission.

Ainsi, la loi « Boutin » et les fameuses « conventions d’utilité sociale », dont elle institue l’obligation, faute de se donner les moyens de construire et d’assurer le droit au logement, imposent d’éjecter les locataires dépassant les plafonds. En baissant dans le même temps les plafonds de ressources, cette loi a pour objet de réduire le nombre des demandeurs en attente, en excluant du logement social de nombreux salariés. Elle contraint également les organismes d’HLM à vendre une partie de leur parc, 1 %, soit la bagatelle de 40 000 logements, représentant 2 milliards d’euros, pour dégager de la trésorerie face à la baisse des concours de l’État.

La Caisse des dépôts et consignations a été invitée, pour sa part, à se défaire de ses filiales logement. Je pense notamment à la vente par la société ICADE de plusieurs milliers de logements en Île-de-France.

Dans ce contexte, alors que la récente loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO, aurait dû constituer une avancée, en reconnaissant juridiquement un droit fondamental, elle n’offre en réalité aucun débouché concret, puisque l’on continue à ne pas construire suffisamment de logements.

À titre d’exemple, le comité de suivi du droit opposable au logement indique que, sur toute la France, 7 250 ménages prioritaires, dont 6 500 sont en Île-de-France, n’ont pas reçu d’offre dans le délai légal. En fait, c’est le serpent qui se mord la queue.

À ce triste bilan et aux funestes perspectives qui s’ouvrent, il faudrait ajouter la banalisation du livret A et la mise en concurrence des réseaux bancaires, qui fragilisent les ressources du logement social. Depuis le mois de mai dernier, nous déplorons la disparition de 6,49 milliards euros des livrets A.

Il faudrait également mentionner le pillage du 1 % logement au travers de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

Et tout cela sans compter le « retard à l’allumage » dans l’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou loi SRU, qui impose 20 % de logements locatifs sociaux, avec une vision variable de ce qui est considéré comme logement social et un manque criant dans beaucoup de ville de logements très sociaux ; je pense notamment aux prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI. Cette disposition est d’ailleurs régulièrement remise en cause par votre majorité.

Pour finir, certaines des récentes prises de positions de la Commission européenne remettent en cause, au nom du principe de « libre concurrence », la possibilité pour les pouvoirs publics locaux ou nationaux de soutenir financièrement des opérateurs du logement social...

C’est donc sans doute à la phase ultime de l’attaque contre le droit au logement pour tous que nous assistons, ainsi qu’à la tentative délibérée de marchandisation complète du logement, les conventions d’utilité sociale en étant, selon nous, un outil très dangereux.

Face à cette situation exceptionnelle et à la faiblesse de ce projet de budget pour 2010, nous demandons très solennellement la relance d’une grande politique de construction, adossée à la constitution d’un grand pôle public de financement du logement locatif. Nous demandons également que, face à l’urgente nécessité de construction de logements, le budget de l’État en matière de logement soit porté à 2 % du PIB.

Pour toutes ces raisons, et parce que les crédits que vous nous proposez ne permettent pas d’entrevoir ce que pourrait être un grand service public de l’habitat, nous voterons contre les crédits de la mission « Ville et logement ».

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, compte tenu de l’heure tardive, je serai relativement bref. Toutefois, je voudrais rappeler un certain nombre d’éléments que j’ai déjà abordés ici, sans succès jusqu’à présent.

J’évoquerai d’abord la répartition des contingents de logements sociaux, sujet qui intéresse tous les maires. Actuellement, ces derniers disposent d’un contingent de 20 % seulement de ces logements, ce qui est insuffisant pour loger leurs personnels ou leurs administrés. Je propose donc de porter ce contingent à 50 %.

Aujourd'hui, les contingents – je ne sais pas qui a inventé cette règle il y a longtemps – sont répartis de la manière suivante : le 1 % logement, le préfet et le maire disposent respectivement de 50 %, 30 % et 20 %.

Bien souvent, le 1 % logement ne remplit pas son contingent et ce sont les bailleurs sociaux qui l’utilisent, sans en informer le maire. Or celui-ci doit faire face à de nombreuses demandes de ses administrés, qui le harcèlent pour obtenir un nouveau logement. Leurs motivations sont diverses : certains veulent un logement plus grand, d’autres désirent changer de quartier ou d’étage…

Comme le maire ne dispose pas des logements nécessaires, il est parfois contraint d’opposer un refus aux demandeurs et d’en supporter les conséquences. En effet, pour les administrés, le maire peut tout. S’il ne peut pas, c’est qu’il ne veut pas. Et s’il ne veut pas, c’est qu’il n’est pas gentil… In fine, cela se traduira sans doute par des sanctions électorales.

En outre, le 1 % logement, les bailleurs sociaux et le préfet font venir des locataires d’autres villes, aux dépens des habitants de la commune, qui ne l’admettent pas : « pourquoi eux et pas nous ? » se demandent-ils.

Le maire pourrait prendre dans son contingent des familles des communes répondant au critère du 1 % logement. Mais, je vous le rappelle – on l’oublie trop souvent –, une telle opération est liée aux garanties d’emprunt imposées aux communes pour pouvoir disposer de ces 20 % seulement. D’ailleurs, cette obligation est profondément injuste et dangereuse. Les communes n’ont, à l’évidence, aucun moyen de financer quoi que ce soit dans ce domaine. Ce ne sont pas des banques et elles n’ont aucun fonds propres. Les contrats que nous signons ou faisons signer avec les bailleurs sociaux sont tels que le financement doit être exécuté sans délai et sans discussion par la commune à la première demande, ce qui est tout de même un peu léonin.

Il n’y a, nous dit-on, aucun risque, puisque les bailleurs sociaux ne font pas faillite. Sauf que cela peut tout de même se produire…

Je me demande bien pourquoi les communes, qui disposent de 20 % seulement des logements sociaux, doivent en garantir 100 %. Ce n’est ni logique ni normal.

C’est pourquoi je souhaite vous proposer plusieurs solutions, monsieur le secrétaire d’État. De deux choses l’une : soit les municipalités disposent de seulement 20 % des logements sociaux, et, dans ce cas, elles garantissent seulement 20 % des emprunts ; soit elles obtiennent 50 % des logements, et elles garantissent le même pourcentage d’emprunts. En attendant, la logique voudrait que le 1 % logement, le préfet et le maire garantissent respectivement 50 %, 30 % et 20 % des emprunts. Ce serait tout de même plus normal que d’obliger les pauvres communes et les pauvres maires que nous sommes, sans moyens financiers, à garantir 100 % des constructions tout en disposant seulement de 20 % de logements.

La meilleure solution serait que le bailleur supporte les garanties d’emprunt. Aujourd'hui, le bailleur se retourne vers la commune, mais sans la payer ; on pourrait imaginer qu’il la paye. Après tout, quand on demande une garantie d’emprunt, on paye ! La commune doit donc prendre en charge cette garantie, en assumer les risques, et ce sans aucune recette supplémentaire.

C’est un peu comme si vous demandiez à votre gardien d’immeuble de garantir l’emprunt que vous devez faire pour acheter un appartement, tout en sachant très bien qu’il n’aurait pas les moyens de rembourser… Mais ce serait tout de même une garantie !

Je ne comprends pas pourquoi des banques aussi sérieuses – je pense, par exemple, à la Caisse des dépôts et consignations – admettent de telles opérations, qui sont vraiment fictives.

Je voudrais également évoquer une nouvelle disposition qui semble avoir échappé à tout le monde jusqu’à présent. Elle est pourtant extrêmement importante d’un point de vue social.

Lorsqu’on propose à des locataires habitant dans une tour à démolir de changer de logement, on leur assure qu’ils paieront bien le même loyer, ce qui n’est pas forcément exact, car les charges peuvent varier.

Mais, surtout, tout le monde a oublié…