Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Ce sous-amendement vise à rétablir le dispositif de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, le PVA, de la contribution économique territoriale, la CET, tel qu’il était prévu par l’article 2 du projet de loi de finances pour 2010 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Votre amendement n° II-200, monsieur le rapporteur général, a pour objet de supprimer le ticket modérateur et de faire supporter par le seul budget de l’État la charge du PVA. Or le maintien d’un mécanisme de ticket modérateur nous paraît justifié.

Ce mécanisme, mis en place à l’occasion de la précédente réforme de la taxe professionnelle, en 2005, a pour objectif de limiter l’intervention de l’État dans les relations financières entre les collectivités territoriales et les entreprises. Or cet objectif garde toute sa pertinence dans le cadre de la réforme actuelle. En effet, s’il est normal que l’État prenne en charge une fraction du coût du plafonnement au nom de la solidarité nationale, il est également équitable que l’augmentation de ce coût soit supportée par la collectivité territoriale lorsque celle-ci en est « responsable », en raison de sa politique de taux.

Alors que le PVA restera nécessaire pour quelques entreprises disposant de beaucoup de foncier, le ticket modérateur devrait, quant à lui, avoir une portée minime pour les collectivités territoriales, par rapport aux montants actuels : on passerait annuellement de 1,3 milliard d’euros aujourd’hui à quelques dizaines de millions d’euros.

Le Gouvernement accepte de limiter la refacturation du PVA aux dégrèvements accordés aux entreprises structurellement plafonnées, les plafonnements liés à des difficultés passagères des entreprises étant pris en charge par l’État.

À l’aide d’un exemple chiffré précis, je vais m’efforcer de vous expliquer ce que recouvre ce mécanisme de solidarité nationale, par opposition à la responsabilité de la collectivité territoriale, et l’hypothèse dans laquelle il me semblerait souhaitable que l’État prenne en charge ce dépassement du plafond, dans des circonstances exceptionnelles, par opposition aux dégrèvements structurels, pour lesquels je propose que nous en restions dans l’état actuel du droit.

Prenons une entreprise dont la valeur ajoutée est d’ordinaire de l’ordre de 50 millions d’euros, payant par ailleurs 750 000 euros de contribution foncière des entreprises, la CFE. Cette entreprise paye également 750 000 euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, soit une CET totale de 1,5 million d’euros.

Si, pour des raisons conjoncturelles, cette entreprise traverse une mauvaise passe et voit sa valeur ajoutée baisser transitoirement de 10 %, que se passe-t-il ?

Premièrement, sa cotisation de CVAE passera de 750 000 euros à 675 000 euros ; par conséquent, sa CET, avant plafonnement, passera de 1,5 million d’euros à 1,425 million d’euros.

Deuxièmement, elle entrera dans le champ du PVA, puisque 3 % de sa valeur ajoutée valent 1,350 million d’euros, c’est-à-dire moins que sa cotisation théorique.

Troisièmement, elle sera plafonnée à hauteur de la différence, à savoir 75 000 euros.

Par ce sous-amendement, je suggère que, dans le cas où l’entreprise en question est confrontée à une difficulté économique conjoncturelle, l’État prenne en charge ce plafonnement de 75 000 euros.

En revanche, lorsque le dépassement du plafond est lié à des causes structurelles, à savoir un taux trop élevé, je souhaite que l’on puisse en rester à droit constant, c'est-à-dire que le mécanisme de déplafonnement avec prise en charge par l’État du montant excédant le plafond ne joue pas.

Si cette proposition est adoptée, la charge du dégrèvement du PVA fera l’objet d’un partage équitable entre l’État et les collectivités territoriales, même si les montants en jeu peuvent paraître minimes.

Je le répète, aux termes de la proposition du Gouvernement, l’État prendrait à sa charge une fraction du coût du PVA lorsque le dépassement serait dû à des circonstances économiques exceptionnelles ; dès lors que ce dépassement présenterait un caractère structurel, parce que les collectivités territoriales ont fixé un taux manifestement trop élevé, celles-ci prendraient alors à leur charge une fraction du coût du PVA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement qui me paraît extrêmement clair ? (Rires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mme le ministre, par cet exemple, s’est efforcée de contribuer à notre compréhension d’un dispositif qui, en effet, n’est pas, en lui-même, très simple.

La commission constate tout d’abord que ce dispositif était vraiment essentiel dans le cadre du statu quo sur la taxe professionnelle. C’était l’un des points principaux de la dernière réforme de la taxe professionnelle.

Le jeu du ticket modérateur représentait environ 1,3 milliard d’euros par an. Il s’agissait donc d’un élément essentiel de régulation du système. Même s’il était très complexe, on pouvait en comprendre la nécessité, ou du moins la cohérence par rapport au droit existant de la taxe professionnelle.

Madame la ministre, selon les estimations qui m’ont été transmises par vos services, l’enjeu est de 69 millions d’euros en 2015. Vous venez de les confirmer en évoquant quelques dizaines de millions d’euros. J’ignore si la source est la même. Par rapport aux grandes masses du dispositif dont nous traitons, c’est, il faut bien le reconnaître, assez marginal.

Faut-il, pour des raisons de principe, réinstaurer ce dispositif ? C’est la question qui nous est posée, et le débat mérite d’être ouvert.

Le dispositif du ticket modérateur sera inévitablement plus compliqué à appliquer avec la contribution économique territoriale qu’il ne l’est avec la seule taxe professionnelle. Il faudra en effet tenir compte du jeu de deux impôts : un impôt dont le taux est voté par la collectivité – la cotisation foncière des entreprises – et un impôt dont le taux est fixé par l’État. Il y a là une distinction de nature importante par rapport au statu quo.

Lorsque le ticket modérateur joue, sur quoi s’impute-t-il et comment répercuter ce mécanisme sur les budgets des différentes collectivités concernées ?

Vous avez pris deux cas de figure, madame la ministre. Dans le premier cas, le dépassement des 3 % est dû à des variations économiques ; dans le second cas, il résulte de la situation des taux des collectivités.

Je n’ai pas trouvé, dans les quatre pages du sous-amendement, où sont distingués ces deux cas de figure. Je suppose toutefois que cette distinction est cohérente avec la rédaction que nous avons entre les mains.

Madame la ministre, cette rédaction nous a semblé d’une extrême complexité. Nous sommes bien entendu, au sein de la majorité, portés à vous croire sur parole, mais force est de reconnaître qu’il est assez difficile de décrypter ce dispositif. Nous nous sommes donc demandé si ce dernier était indispensable, d’autant que, comme je le rappelais au début de cette intervention, il ne jouera plus qu’un rôle financier tout à fait marginal.

Je vous livrerai une dernière considération. Le ticket modérateur se voulait un moyen de limiter les ardeurs de hausse de taux de certaines collectivités. Va-t-il continuer à jouer ce rôle ? N’y aura-t-il pas une situation plus ou moins permanente, que vous avez qualifiée de structurelle, dans laquelle une commune ou une collectivité, du fait de son histoire fiscale et budgétaire antérieure, sera, dès la mise en œuvre de la réforme, à un niveau de taux qui conduira de façon à peu près automatique des entreprises à franchir le plafond des 3 % ? On peut même imaginer le cas d’une collectivité qui n’aurait pas augmenté ses taux. Serait-il équitable, compréhensible, légitime qu’une collectivité dans cette situation soit en quelque sorte sanctionnée par le jeu de ce ticket modérateur ?

Madame la ministre, telles sont, en toute franchise, nos hésitations. Malheureusement, ce sont celles de quelqu’un qui a bien conscience de ne pas avoir percé tous les mystères du texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, lorsque l’on peut faire compliqué, pourquoi se gêner ?

Je comprends que vous soyez opposée à l’effacement du ticket modérateur. Ce mécanisme a été institué à l’occasion de la précédente réforme de la taxe professionnelle, initiée par M. Copé, parce que les collectivités locales avaient conservé le droit d’augmenter le taux de leur taxe professionnelle. L’État leur garantissait donc des remboursements jusqu’au taux de 2007. Au-delà, elles devaient contribuer elles-mêmes.

Dans le dispositif qui nous est proposé, il y a deux impôts : la taxe foncière sur les entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée.

En ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée, vous ne courez aucun risque, madame la ministre, puisque c’est l’État qui en fixe le taux sur le plan national. Il n’y a donc pas besoin de ticket modérateur.

En revanche, selon vos explications, le ticket modérateur se justifie dans le cas d’une entreprise qui, du fait du taux de la contribution foncière d’entreprise, ajouté au taux de la cotisation sur la valeur ajoutée, dépasse le plafond de 3 % que nous avons déjà adopté.

Dans un instant, vous allez présenter un sous-amendement no II-373, qui supprime la possibilité de modulation du taux de la taxe foncière. Ces deux sous- amendements sont liés. Dans la mesure où vous craigniez que nous gardions la modulation des taux en matière de taxe foncière, vous prenez vos précautions en rétablissant le ticket modérateur.

Monsieur le président de la commission des finances, il serait me semble-t-il intéressant de traiter les deux sous-amendements en même temps.

Madame la ministre, je comprends votre inquiétude quant au risque de déverrouillage des taux, car cela peut permettre des majorations importantes.

En revanche, il ne me semble pas opportun d’alourdir de quatre pages le code général des impôts pour expliquer un système de ticket modérateur que personne ne comprendra, car il est très complexe (M. Michel Bécot acquiesce.),…

M. Jean-Pierre Fourcade. … et qui sera en outre d’application très restreinte. Il ne visera en effet que les entreprises dans lesquelles l’addition de la cotisation foncière et de la cotisation sur la valeur ajoutée dépassera 3 %. Excusez-moi de le dire, mais ce sera très exceptionnel !

C’est donc au nom des principes que l’honorable direction générale des finances publiques nous demande de rétablir le ticket modérateur, et il faut pour cela un amendement de quatre pages !

Madame la ministre, si vous vouliez supprimer le ticket modérateur, il eut été plus simple de déposer un sous-amendement supprimant les deux lignes que M. Marini consacre à ce sujet dans son amendement. Tout le monde l’aurait compris.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, je vais m’efforcer d’apporter des précisions au Sénat et de répondre aux observations de M. Fourcade.

Le sous-amendement n° II-373 porte sur le mécanisme de reliaison, mais il laisse aux collectivités la liberté de fixer leurs taux.

Monsieur Fourcade, avec le sous-amendement no II-372, j’invite le Sénat à maintenir le ticket modérateur. Il s’agit en effet d’un maintien, puisque, dans la réforme qui a été votée en 2005 – c’était à l’occasion du projet de loi de finances pour 2006 –, le ticket modérateur existe bel et bien.

M. le rapporteur général de la commission des finances en propose la suppression dans son amendement n° II-200. Le Gouvernement vous suggère de raisonner à droit constant, c’est-à-dire de maintenir le ticket modérateur, mais en y apportant une variante. Dans l’hypothèse où, pendant une année, du fait de difficultés conjoncturelles, une entreprise dépasse le plafond, l’État prendra ce dépassement en charge. C’est une amélioration par rapport au droit actuel.

J’ajoute, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, que cela ne se produira pas souvent. Il faudra en effet que l’entreprise dispose d’un foncier important et que la cotisation foncière d’entreprise soit très élevée pour que, par l’application de la cotisation sur la valeur ajoutée au taux fixé nationalement de 1,5 %, il y ait dépassement du plafond.

Certaines entreprises ont beaucoup de foncier. Si d’aventure la collectivité territoriale sur laquelle elles sont implantées fixait une cotisation foncière d’entreprise très élevée, on pourrait « taper » le plafond. C’est pour de telles éventualités que nous souhaitons le maintien du ticket modérateur. Mais des circonstances conjoncturelles justifient que l’État, par solidarité, rembourse le dépassement du plafond.

Ce dispositif apporte une amélioration par rapport à l’état actuel du droit. Les cas seront rares, je vous l’accorde. Le dispositif n’en reste pas moins assez favorable puisqu’il permet de diminuer la charge qui, à droit constant, incomberait aux collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. M. Fourcade a raison d’établir une corrélation directe entre le présent sous-amendement, relatif au ticket modérateur, et le sous-amendement no II-373, que Mme la ministre va nous présenter dans un instant, sur la liaison des taux.

Ce matin, la commission des finances, lorsqu’elle a pris connaissance de ces sous-amendements, a considéré que le sous-amendement no II-372 nécessitait une expertise, car il est d’une admirable complexité et nous ne sommes pas parvenus à en déchiffrer tous les aspects.

Or, nous nous sommes fixés pour règle de ne voter que les dispositions que nous comprenons et que nous serons capables, demain, d’expliquer à nos concitoyens. (Assentiment sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Faute de quoi, nous nous plaçons dans une situation qui n’est ni supportable ni soutenable. Nous devons voter des textes que nous comprenons…

M. Albéric de Montgolfier. Nous n’allons plus rien voter ! (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … afin d’être capables de faire partager notre conviction à tous ceux qui nous interpellent. Or, nous n’avons pas réussi à nous forger la conviction que cet amendement était fondé.

Ce matin, la commission des finances a émis un avis favorable sur le sous-amendement du Gouvernement n° II-373 relatif à la liaison des taux. Ce mécanisme est en effet un régulateur qui met à l’abri d’une optimisation consistant à donner un coup de pouce aux taux de cotisation foncière professionnelle au risque de crever le plafond des 3 % de valeur ajoutée.

Par ailleurs, la valeur ajoutée devient un élément substantiel de l’imposition. Une entreprise confrontée à mauvaise fortune peut fort bien avoir une valeur ajoutée très faible, voire négative. Une entreprise qui connaît des difficultés structurelles peut avoir une valeur ajoutée négative parce que ses achats sont supérieurs à ses ventes, parce qu’elle vend pratiquement à perte. Pour elle, c’est le désastre. On percute alors le mécanisme de ticket modérateur.

De telles situations ne sont pas à exclure. Il me paraît donc judicieux de prendre des dispositions claires, simples, explicables, compréhensibles. Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur le sous-amendement no II-372.

Je m’empresse de dire qu’elle sera favorable à l’amendement n° II-373, relatif au rétablissement de la liaison des taux. C’est, me semble-t-il, un facteur de sécurité qui met à l’abri de toutes les politiques d’optimisation, comme on en a vu un certain nombre dans le passé. Chaque fois, l’État a été obligé de réagir pour protéger ses intérêts et pour éviter d’être mis à contribution au profit des collectivités territoriales.

Telle est, mes chers collègues, la position de la commission des finances. Je remercie une nouvelle fois M. Fourcade d’avoir créé un lien entre les deux sous-amendements du Gouvernement.

La cohérence de la commission des finances s’exprime par une demande de retrait du sous-amendement no II-372 sur le ticket modérateur, et par un consentement…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Une résignation !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Effectivement !

… une résignation sur la liaison des taux. Nous comprenons que, sur ce point, nous devons nous sacrifier.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Je me demandais pourquoi les départements n’étaient pas concernés. Mais j’ai compris que c’est parce qu’ils ne lèvent pas l’impôt foncier. Je n’ai donc plus besoin d’explication !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je voudrais revenir sur cette question du ticket modérateur, qui avait soulevé de fortes discussions au moment de sa création, laquelle n’avait pas reçu notre assentiment.

L’existence du ticket modérateur est d’autant moins justifiée aujourd’hui que, comme l’a rappelé M. le rapporteur général tout à l’heure, seul le taux d’une partie de la cotisation foncière est fixé par la collectivité, le taux de l’autre part étant porté par l’État.

Vous nous mettez dans une situation particulière, car, en baissant l’écrêtement à 3 % de la valeur ajoutée, au lieu de 3,5 %, vous risquez de solliciter la contribution des collectivités territoriales alors qu’elles n’auront pas eu la capacité de faire beaucoup évoluer leur taux dans ce domaine.

Je pense pour ma part qu’il est aujourd’hui souhaitable d’envoyer des signes positifs aux collectivités territoriales, qui ont toujours l’impression d’assumer des responsabilités ne leur incombant pas. Et quand on regarde d’un peu plus près la situation économique d’un certain nombre d’entreprises, on s’aperçoit que, bien souvent, les difficultés proviennent non de la taxe professionnelle, mais du poids des endettements financiers de ces entreprises, et de la volonté de non-renégociation de la part des banques.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe CRC-SPG votera contre ce sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.

M. Albéric de Montgolfier. La commission, me semble-t-il, s’était fixé un principe, celui du droit constant, qui consistait à appliquer, dans la mesure du possible, les mécanismes tels qu’ils existent aujourd’hui.

En tant que président de conseil général, je dois appliquer un principe qui existe, celui du ticket modérateur. Et, si j’ai bien compris, le sous-amendement du Gouvernement tend à proposer un assouplissement.

On peut reconnaître que la rédaction n’est pas d’une grande clarté et qu’elle pourrait être plus simple ; mais, sur le plan des principes, il existe deux mécanismes : le plafonnement qui résulte simplement des bases – celui-ci n’est pas concerné, et le plafonnement qui résulte du taux.

Je suis très favorable à un mécanisme un peu vertueux, parce que, lorsque les collectivités prennent des décisions, il importe d’en tirer les conséquences politiques.

Par conséquent, dès lors que le plafonnement s’applique aux décisions de taux, je voterai ce sous-amendement.

M. le président. Madame le ministre, le sous-amendement n° II-372 est-il maintenu ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Oui, monsieur le président.

J’ai bien entendu M. le président de la commission des finances, et j’ai le plus grand respect pour le principe que la commission a fixé, qui consiste à n’accepter que des amendements, des sous-amendements ou des modifications suffisamment compréhensibles pour qu’il soit possible de se les approprier et ensuite de les expliquer.

Je reconnais que les quatre pages de ce sous-amendement sont compliquées. Je m’en suis émue auprès des fonctionnaires de la direction de la législation fiscale, qui m’ont indiqué qu’ils auraient bien aimé faire plus simple mais que, pour s’assurer d’une répercussion sur la bonne cible de la répartition de la conséquence de l’application du plafond, et pour respecter ce principe de l’ajustement approprié au sein de l’EPCI, ils étaient obligés de faire une construction, qui, je vous l’accorde, est longue et compliquée.

L’objectif visé est bien le respect de l’équilibre et de la juste cible au sein de l’établissement public. C’est, d’une certaine façon, un problème d’intercommunalité, mais les intercommunalités étant ce qu’elles sont, le principe de la juste répartition étant ce qu’il est, nous sommes obligés de présenter un sous-amendement comportant un dispositif complexe.

Le principe me semble pourtant assez simple, puisqu’il s’agit du droit constant, comme l’a indiqué tout à l’heure Albéric de Montgolfier. En outre, la prise en charge est assurée par l’État en cas de dépassement conjoncturel, c’est-à-dire une année.

Il faut savoir que ce droit constant aura un champ d’application extrêmement restreint par rapport au nombre de cas actuellement visés.

Par conséquent, le Gouvernement souhaite le maintien du principe du ticket modérateur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je ne considère pas que ce sujet soit absolument central, mais nous n’avons pas complètement fait le tour de la question.

Je me permets de vous renvoyer aux pages 31 et 32 de mon rapport écrit, dans lequel j’ai souligné, comme l’avait fait mon collègue de l’Assemblée nationale, les effets pervers du dispositif. En effet, tout n’a pas été dit.

Certes, le dispositif a été amélioré à la suite des débats à l’Assemblée nationale, et c’est dans ce contexte que vous avez apporté la différenciation entre les deux situations que vous avez évoquées, madame la ministre. Mais le mode de calcul du ticket modérateur se fait de manière « soustractive », en imputant sur le coût national du plafonnement la part de ce coût résultant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Or le calcul de cette part du coût du plafonnement est fait au niveau national, en prenant en compte l’évolution nationale du taux moyen de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Il en résulte que, si une entreprise plafonnée voit son taux d’imposition à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises varier dans un sens différent de celui du taux d’imposition national, la prise en charge du ticket modérateur par la collectivité n’aura plus de lien réel avec le plafonnement dont bénéficie effectivement l’entreprise. À titre d’exemple, si une entreprise voit son taux d’imposition à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises augmenter, du fait de la hausse de son assiette de valeur ajoutée, mais qu’au niveau national le taux d’imposition à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises reste stable, le ticket modérateur augmentera, alors même que ce seront les collectivités bénéficiaires de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui auront profité du surcroît d’imposition et non les collectivités fixant le taux de la cotisation foncière des entreprises.

C’est là que le bât blesse ! Dans le précédent système, on fixait les taux de la taxe professionnelle, et le principe de responsabilité qu’a excellemment rappelé Albéric de Montgolfier trouvait à s’appliquer. Mais ici, on est pris entre le jeu d’une fixation décentralisée des taux de la cotisation foncière des entreprises et d’une fixation centralisée des taux de la cotisation sur la valeur ajoutée.

De ce fait, la façon de répercuter le plafonnement pose problème, parce que les collectivités bénéficiaires de ces deux impôts ne sont pas les mêmes. Ce n’est pas, madame le ministre, une chose d’une importance capitale, mais nous avons le sentiment que nous atteignons là une limite technique de la réforme.

Si le lien était total entre le coût du ticket modérateur pour une commune et sa politique fiscale, il n’y aurait aucun problème. Mais cela ne semble pas être toujours le cas ; c’est pour cela que l’on a parlé d’effet pervers et que nous avons émis des doutes.

Le Gouvernement est-il en mesure de soumettre une rédaction pour la commission mixte paritaire qui soit de nature à écarter ces doutes ? Y a-t-il une solution technique ? Je ne pense pas que nous l’ayons déjà trouvée.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Ce sujet est extrêmement compliqué, et, en dépit de toutes les explications successives, je n’ai pas tout saisi.

Il faut arriver à trouver un système qui nous permette de ne pas dépasser certaines limites. Je crains, si aucun plafonnement n’est trouvé, si la liberté est totale, que les plafonds de certaines collectivités n’explosent ! Je ne pense pas que ce soit un bon signe pour les entreprises qui seront concernées.

Mme le ministre et M. Fourcade nous ont dit que très peu d’entre elles seraient visées. Mais nombre de textes que nous votons régulièrement sont mis en œuvre pour ne pas pénaliser quelques cas particuliers…

J’ai compris dans ce débat que nous risquions de désavantager une frange d’entreprises, en additionnant les taux qui peuvent être appliqués sur deux bases différentes.

Je suis assez favorable à la proposition qui figure dans le sous-amendement n° II-372, même si je n’en ai pas encore saisi tous les éléments. Les détails de cette question pourront être réglés d’ici à la commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Je partage l’opinion d’Eric Doligé dans la mesure où nous essayons malgré tout de raisonner à droit constant. Si le sous-amendement proposé par le Gouvernement est effectivement complexe, c’est aussi parce qu’il passe en revue successivement les différentes intercommunalités existantes pour appliquer à chacune d’elle ce système. Mais, comme l’ont dit excellemment M. le rapporteur et M. Fourcade, très peu de collectivités seront concernées.

Il est en revanche nécessaire de conserver une soupape de sécurité pour fixer les choses. Si je reconnais aussi éprouver quelques difficultés à mesurer toutes les incidences, je pense que nous devons a priori retenir cette rédaction, qui permet en outre des accords entre la commune et l’EPCI concernant les éventuelles compensations qui sont reversées pour rétablir l’équilibre.

Nous aurions à mon avis intérêt à adopter ce sous-amendement, quitte à le réexaminer éventuellement en commission mixte paritaire si cela s’avère nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.

M. Nicolas About. J’ai plutôt le sentiment, après avoir entendu les uns et les autres, que, même si nous sommes d’accord sur le fond, nous comprenons qu’il y a tout de même, dans la forme, des améliorations à apporter à la situation.

Nous prenons acte de la volonté à la fois de la commission des finances de donner un avis favorable à la liaison sur les taux, et du Gouvernement d’essayer de trouver des situations respectueuses de l’État et des collectivités territoriales pouvant se trouver dans des situations difficiles.

Le temps qui nous reste avant la commission mixte paritaire et l’adoption définitive de ce texte devrait nous permettre de trouver une meilleure solution.

Je ne souhaite pas que l’examen de ce sous-amendement donne lieu à un affrontement entre le Gouvernement et sa majorité. Si le Gouvernement acceptait de retirer sa proposition, nous pourrions trouver une meilleure rédaction d’ici à la commission mixte paritaire. (M. Jacques Blanc applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.