M. Albéric de Montgolfier. Les œuvres d’art !

M. Jean Arthuis.  … et on les avait donc exonérés !

M. Charles Guené. Merci M. Fabius !

M. Jean Arthuis. Cela n’a pas de sens, convenons-en !

Pour compenser la perte de recettes fiscales liée à la suppression de l’ISF, dont le produit varie entre 3 milliards et 3,5 milliards d'euros selon les années, nous proposons de créer une tranche supplémentaire, au taux de 45 %, dans le barème de l’impôt sur le revenu. Et pour faire bonne mesure, puisqu’il y aurait suppression de l’ISF, nous proposons également de revoir les barèmes d’imposition des plus-values. Dans ce pays, pour s’enrichir, il vaut mieux constater des plus-values que percevoir des salaires…

M. le président. L'amendement n° II-109 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 49 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions des articles 1 et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogées.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Les objectifs assignés au bouclier fiscal n’ont pas été atteints, qu’il s’agisse du retour des expatriés fiscaux ou des attentes des personnes qui ont sollicité sa création.

Le nombre des redevables faisant jouer le dispositif est en effet toujours aussi limité, la progression la plus spectaculaire affectant le montant moyen du remboursement accordé. À cet égard, le mouvement de hausse constaté en 2008 a montré clairement qu’il s’agit d’un sous-produit fiscal destiné à amplifier les possibilités déjà existantes de réduction du montant de la cotisation due au titre de l’ISF pour quelques centaines de contribuables.

C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de ce dispositif.

M. le président. L'amendement n° II-30 rectifié, présenté par MM. Jégou et Badré et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Avant l'article 49 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1 du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Monsieur le président, avec votre autorisation, j’exposerai simultanément cet amendement et les quatre suivants. En effet, ils forment une série qui s’inscrit dans le droit fil de la trilogie que vient de présenter M. Arthuis de manière très convaincante.

M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. Denis Badré. Si certains, dans cet hémicycle, réclament exclusivement la suppression de l’ISF, d’autres celle du seul bouclier fiscal, nous considérons, pour notre part, que nous n’avancerons qu’en abrogeant l’un et l’autre dans un même mouvement. J’insiste peut-être un peu lourdement sur le fait que les deux dispositifs sont liés, mais je crois que c’est nécessaire. Pour équilibrer le tout, il convient de revoir le barème de l’impôt sur le revenu : c’est le troisième acte de la trilogie.

En 2001, la mission commune d’information chargée d’étudier l’ensemble des questions liées à l’expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises que je présidais et dont André Ferrand était le brillant rapporteur avait conclu à la pertinence de la suppression de l’ISF, mauvais impôt qui encourage la fuite des capitaux.

M. Jean Arthuis. Horrible mesure !

M. Denis Badré. Comme on ne l’a pas l’abrogé, il a fallu créer le bouclier fiscal : on s’est enferré, en ajoutant de la complexité à la complexité.

L'amendement n° II-30 rectifié vise à supprimer le bouclier fiscal. Sa disparition entraînera, par voie de conséquence, celle de l’ISF, dont les redevables ne seront plus protégés : c’est tout à fait logique et cohérent.

Dans le même esprit, l’amendement n° II-29 rectifié tend à supprimer un article du code général des impôts relatif aux modalités d’application du bouclier fiscal.

L’amendement n° II-31 rectifié est un amendement de repli, dont l’objet est d’exclure du champ du bouclier fiscal la CSG et la CRDS. C’est une question de justice sociale.

L’amendement n° II-32 rectifié tend à retirer la CRDS des impositions directes prises en compte pour l’application du bouclier fiscal. La CRDS a une nature spécifique, qui la distingue des autres types de contributions directes, puisqu’elle a pour destination le remboursement de la dette sociale. Cette disposition s’impose donc pour garantir les ressources de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, afin que celle-ci soit en mesure d’assurer l’amortissement de la dette sociale.

Enfin, l’amendement n° II-33 rectifié vise à ce que ne soit pas prise en compte au titre du bouclier fiscal une contribution de 1,1 % sur les revenus de patrimoine et les produits de placement destinée au financement du RSA. L’effort de solidarité doit concerner tous les contribuables. Là encore, c’est une question de justice fiscale.

M. le président. L'amendement n° II-29 rectifié, présenté par MM. Jégou et Badré et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Avant l'article 49 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 1649-0 A du code général des impôts est abrogé.

II. - Les dispositions du I ne sont applicables qu'à compter du 1er janvier 2011.

L'amendement n° II-31 rectifié, présenté par MM. Jégou, Badré, Merceron et Vanlerenberghe et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Avant l'article 49 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les e et f du 2 de l'article 1649-0 A du code général des impôts sont supprimés.

L'amendement n° II-32 rectifié, présenté par MM. Jégou, Badré, Merceron et Vanlerenberghe et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Avant l'article 49 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au e du 2 de l'article 1649-0 A du code général des impôts, les mots : « et à l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale » sont supprimés.

II. - Au f du 2 de l'article 1649-0  A du code général des impôts, les mots : « et aux articles 14 et 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 précitée » sont supprimés.

L'amendement n° II-33 rectifié, présenté par MM. Jégou, Badré, Merceron et Vanlerenberghe et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Avant l'article 49 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au f du 2 de l'article 1649-0 A du code général des impôts, les mots : « et au III de l'article L. 262-24 » sont supprimés.

Ces quatre amendements ont déjà été défendus.

L'amendement n° II-212 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 49 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 11 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat est abrogé.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. À l’instar de Jean Arthuis, certains d’entre nous prônent la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune : que deviendrait alors l’égalité de traitement des citoyens devant l’impôt ?

Par ailleurs, pour bénéficier du bouclier fiscal, il faut jouer cartes sur table, faire montre de transparence et oublier les conseils avisés d’un notaire ou d’un fiscaliste incitant à sous-évaluer le patrimoine immobilier ou la valeur des actions de sociétés non cotées que l’on détient pour tenter d’échapper à l’ISF.

Nous en sommes d’ailleurs arrivés à un tel point aujourd’hui que même le dispositif d’auto-liquidation du bouclier fiscal n’a pas eu l’heur de rencontrer un grand succès. L’abaissement du plafonnement et l’extension de l’assiette du bouclier fiscal n’ont pas modifié la situation par rapport à la première version du bouclier fiscal.

Il est donc légitime de proposer dès maintenant la suppression des dispositions des articles 11 et 12 de la loi TEPA.

M. le président. L'amendement n° II-276, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 49 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le 7 de l'article 1649-0 A est abrogé.

II. - Cette disposition est applicable à partir du 1er janvier 2010.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Il s’agit d’éviter que les gains retirés de la cession de valeurs mobilières soient exclus, à concurrence de 25 000 euros par foyer, du revenu pris en compte au titre du bouclier fiscal.

En effet, le bouclier fiscal repose sur le calcul du rapport entre la somme de certains des impôts dont doit s’acquitter le contribuable, d’une part, et le revenu de ce dernier, d’autre part. Si le ratio est supérieur à 50 %, l’excédent est restitué au contribuable.

Ainsi, plus le revenu est faible, plus le ratio aura tendance à augmenter, et le droit à restitution se trouvera de ce fait artificiellement majoré.

L’examen attentif des statistiques officielles a permis de relever des cas troublants de contribuables disposant d’un revenu très important et d’un revenu fiscal très faible. En particulier, il a été établi que vingt-sept contribuables disposaient de plus de 15 millions d'euros de patrimoine, alors qu’ils déclaraient un revenu fiscal de référence inférieur à 12 964 euros annuels…

Il apparaît donc que le revenu retenu pour le calcul du bouclier fiscal est non pas le revenu réel du contribuable, mais un revenu diminué, notamment grâce à l’usage de dispositifs fiscaux dérogatoires.

Dans un souci de justice fiscale, cet amendement vise donc à supprimer l’alinéa 7 de l’article 1649-0 A du code général des impôts, relatif aux cessions de valeurs mobilières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je suis bien entendu tout à fait solidaire de Jean Arthuis dans la présentation de l’amendement « trilogie » n° II-197.

Il est clair que l’on ne se sortira de la situation actuelle, qui va devenir de plus en plus inextricable, qu’en prenant les trois mesures qu’il préconise.

L’ISF, bizarrerie franco-française, est le dernier impôt de ce type en Europe.

La bonne décision à prendre était de le supprimer et non pas de le contourner par une finesse qui se retourne à présent contre le Gouvernement.

Le bouclier fiscal, c’est cette finesse ! Il procède d’un excellent principe, celui d’éviter la spoliation. On peut comprendre le bien-fondé du dispositif dès lors qu’il garantit - à la mode allemande, dirais-je – qu’aucun contribuable ne peut se voir prélever plus de 50 % de son revenu disponible.

Cependant, chacun le sait, une telle mesure est difficile à défendre lorsque l’on demande des efforts supplémentaires à nos concitoyens, a fortiori lorsque l’on envisage une aggravation de la fiscalité pour les années à venir et dans la suite des temps. Certes, M. le ministre nous assure que ce n’est pas le cas aujourd'hui, et nous le croyons bien volontiers. La simple observation du niveau des déficits publics et le constat de la difficulté à les résorber créent une anticipation sur le plan des prélèvements obligatoires dont nous ne sommes pas maîtres, ce qui rend le bouclier fiscal de plus en plus difficile à assumer psychologiquement.

Pour sortir de cette situation, autant le faire par le haut, c’est-à-dire par un vrai redéploiement de la stratégie fiscale : la suppression de l’ISF, la suppression du bouclier fiscal et la création à due concurrence des recettes nécessaires par une tranche marginale de l’impôt sur le revenu et une modification du régime de taxation des plus-values mobilières et immobilières.

Le dispositif de la trilogie est donc parfaitement convaincant.

En revanche, les autres amendements, nos II-109 rectifié, II-30 rectifié, II-29 rectifié, II-31 rectifié, II-32 rectifié, II-33 rectifié et II-212 rectifié, reçoivent un avis défavorable de la commission.

En effet, supprimer le bouclier fiscal seul serait particulièrement inéquitable et spoliateur ; modifier son mode de calcul l’est, à la limite, tout autant. Toutes ces dispositions ne seraient que des finesses supplémentaires, un cautère sur une jambe de bois ! Mieux vaut régénérer le dispositif afin d’entrer dans une vraie dynamique économique.

M. Gérard Miquel. C’est la langue de bois !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Enfin, je dois réserver un sort particulier à l’amendement n° II-276.

Cet amendement, qui relève de la première partie du projet de loi de finances parce qu’il aurait un impact sur le solde de 2010, ne me paraît pas recevable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons déjà largement débattu de ces sujets.

Le Gouvernement n’est pas favorable, je le répète, à l’amendement de la trilogie sénatoriale, défendu par M. Arthuis, même si j’ai conscience qu’il est le fruit d’une vraie conviction.

Au cœur de cet amendement, c’est la suppression de l’ISF qui est proposée, suppression qui ne nous semble ni politiquement ni techniquement supportable aujourd'hui.

Et, dès lors que nous conservons cet impôt, nous devons conserver également le bouclier fiscal, qui évite la surtaxation du contribuable.

Un niveau d’imposition fixé à 50 % des revenus est déjà suffisamment élevé pour ne pas y revenir et recalculer l’ensemble - je réponds ainsi à MM. Jégou et Badré -, d’autant que nous sommes prêts à évoluer si des problèmes techniques se posent.

Par exemple, l’Assemblée nationale a procédé à une modification technique concernant le calcul de l’imposition des dividendes. Ils sont bien taxés sur 60 % de leur montant et donnent bien droit à un avoir fiscal venant en déduction de l’impôt sur le revenu, mais, pour éviter que le bouclier fiscal ne descende à 30 %, l’objectif du Gouvernement étant de le maintenir à 50 %, c’est la somme réellement perçue par le contribuable qui est prise en compte pour le calcul de l’impôt.

Le Gouvernement n’est donc pas opposé à la révision ponctuelle de certaines modalités de calcul lorsqu’elles méritent d’être précisées ou ajustées.

En revanche, ne pas intégrer la CSG et la CRDS dans le bouclier fiscal serait une erreur, puisque ce sont bien des impositions directes qui pèsent sur le contribuable.

À force de se dire qu’il faut retirer tel élément du bouclier ou y intégrer tel autre,…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cela n’a pas de sens !

M. Éric Woerth, ministre. … on finit par ne plus savoir où l’on en est. Une clarification est à l’évidence nécessaire.

Reste que le système présenté par l’amendement n° II-197 ne convient pas au Gouvernement parce que le bouclier, d’une part, répond à la légitime préoccupation d’éviter toute surtaxation et, d’autre part, permet de conserver l’ISF qui, en France, a un caractère symbolique extrêmement fort.

En ce qui concerne les amendements nos II-30 rectifié, II-29 rectifié, II-31 rectifié, II-32 rectifié, II-33 rectifié, j’ai répondu à MM. Jégou et Badré. Se livrer au « bricolage » s’agissant du bouclier fiscal serait une profonde erreur.

Les amendements nos II-109 rectifié, II-212 rectifié et II-276 ne me paraissent pas non plus acceptables. (M. Martial Bourquin s’exclame.)

Quant à la CSG, ceux qui s’étonnent que certains ne contribuent pas plus oublient visiblement que c’est le principe même du bouclier fiscal ! Il s’agit précisément de protéger le contribuable qui est déjà imposé à 50 % de ses revenus.

Il faut assumer le principe de cette limite ! Au PS on ne l’assume peut-être pas, mais nous, nous l’assumons, parce que c’est un bon principe. Il permet de conserver des contribuables en France… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Martial Bourquin. Ils sont revenus, vos contribuables ?

M. Éric Woerth, ministre. … et d’assurer notre compétitivité. Plus vous taxer le contribuable, plus vous éloignez l’assiette taxable !

Il faut de la justice, de la progressivité, mais aussi de la mesure, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° II-197.

M. Thierry Foucaud. Nous voici de nouveau devant la trilogie que l’on pourrait intituler ce soir « Arthuis-Marini-Fourcade »!

Cette sainte trilogie de la justice fiscale, selon les auteurs de l’amendement, comporte d’ailleurs cette année un petit codicille et devient presque une tétralogie avec le relèvement subséquent des taux de taxation des plus-values de cessions d’actifs décrits au fil du IV de cet amendement.

Pour notre part, et afin que les choses soient claires, nous pourrions fort bien nous contenter d’une trilogie en ne retenant que les paragraphes II, III et IV et en jetant aux oubliettes de l’égoïsme la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est plus la trilogie !

M. Thierry Foucaud. Mes chers collègues, nous pourrions voter votre amendement si vous consentiez à en supprimer le paragraphe I.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est tout ou rien !

M. Thierry Foucaud. Pour le reste, ma foi, il faut regarder : l’ISF devrait rapporter, en 2010, environ 3,5 milliards d’euros, malgré la tendance baissière observée sur le marché immobilier comme sur les marchés boursiers.

Le CAC 40 à 6 000 points, c’est du passé ! Au surplus, avec l’indice vedette qui peine pour l’heure à s’accrocher au-dessous des 4 000 points, on comprend que la Bourse soit mal en point !

Évidemment, on a recommencé à spéculer sur les matières premières, sur l’or en particulier, mais, globalement, les patrimoines boursiers se sont un peu contractés.

Il n’en est pas nécessairement de même – il faut le rappeler – pour les titres non cotés, dont la valeur ne connaît pas les mêmes aléas.

Le bouclier fiscal coûtait, en 2008, 458 millions d’euros, pour 14 000 dossiers de contribuables, dont moins d’un millier capitalisait l’essentiel des remboursements.

Je ne sais d’ailleurs pas – peut-être me le direz-vous ? –dans quelles proportions les choses ont évolué, mais le fait est là : le bouclier fiscal n’a jamais rencontré le succès que lui prêtaient ses auteurs.

Reste la question du relèvement de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu et de la hausse de la taxation des plus-values.

Si l’on s’attache aux grands équilibres, ces deux mesures devraient rapporter 3 milliards d’euros.

À la vérité, relever de cinq points le taux marginal d’imposition à l’impôt sur le revenu pourrait conduire à une progression du produit de cet impôt au-delà de 5 milliards d’euros.

En France, 550 000 foyers fiscaux disposent d’un revenu de référence supérieur à 97 500 euros, la valeur moyenne s’établissant à plus de 206 000 euros pour l’ensemble du pays et même, soit dit en passant, à 270 000 euros à Paris et à 340 000 euros à Neuilly-sur-Seine ; il convient de le souligner.

Quant au redressement de la taxation des plus-values, nous sommes globalement en accord avec cette proposition, qui devrait dégager un bon milliard d’euros de produit fiscal.

Ainsi donc, dans la logique de l’amendement de nos collègues membres éminents de la majorité, nous pourrions nous retrouver avec une légère amélioration du solde global.

Mais une telle vision des faits ne résiste pas à l’analyse de l’essentiel.

L’essentiel, c’est que notre pays est bien plus marqué par les inégalités de patrimoine que par les inégalités de revenus.

Chacun sait, dans cette enceinte, que la moitié du patrimoine des ménages est aujourd’hui détenue par 10 % des ménages et que cette accumulation s’est accrue depuis une quinzaine d’années.

Cela signifie aussi que les plus modestes sont de plus en plus pauvres et que les classes moyennes ont aujourd’hui tendance à « dévisser » et deviennent victimes de la paupérisation et de la marginalisation découlant du renforcement de l’insécurité des conditions du travail et de l’emploi.

L’ISF sert un peu, insuffisamment à notre goût, à réduire ces inégalités.

Il faut donc le maintenir et s’attacher à réduire une bonne partie des inégalités par une vraie réforme de la fiscalité, réforme que nous réclamons.

Pour ces raisons, nous ne voterons pas l’amendement de la trilogie !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. J’ai déjà eu l’occasion à deux ou trois reprises de donner mon avis sur la fameuse trilogie.

Incidemment, je ferai remarquer aux signataires qu’il ne faut pas confondre la trilogie avec la Trinité. (Sourires.) La Trinité, c’est trois en un ! Or, en l’occurrence, nous sommes en présence de deux impôts, l’impôt de solidarité sur la fortune, qui est un impôt sur le patrimoine, et l’impôt sur les revenus.

Si vous tuez l’ISF, vous tuez le dernier impôt sur le patrimoine.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est le dernier d’Europe ! Le dernier survivant !

Mme Nicole Bricq. C’est le dernier impôt sur le patrimoine qui reste dans la fiscalité française.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Pas seulement en France !

Mme Nicole Bricq. Vous avez fait un sort aux successions, en encourageant la rente. Vous faites croire que tout le monde en profite. Ce n’est pas vrai ! Nous savons très bien que les deux tiers des bénéficiaires étaient déjà exonérés de droits, notamment les petites successions.

Il ne reste donc que l’ISF.

Et notre ISF n’est ni singulier ni unique en Europe ! Ailleurs, il ne s’appelle pas ISF, mais il existe. De nombreux pays, y compris les États-Unis, connaissent un impôt sur le foncier très élevé et progressif.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La France aussi !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La taxe foncière est substantielle !

Mme Nicole Bricq. Par conséquent, votre trilogie ne fonctionne pas !

Nos collègues du groupe CRC-SPG ont parfaitement raison : dans notre pays, les inégalités de patrimoine sont énormes, et sans comparaison avec les inégalités de revenus.

Nous sommes d’accord pour voter les amendements de nos collègues Denis Badré et Jean-Jacques Jégou, qui commencent par viser le bouclier fiscal, puis toutes les dispositions qui en découlent, y compris celles que certains de vos amis ont essayé d’introduire pour sortir la CSG du bouclier.

Pour compenser la suppression de l’ISF, vous proposez, par l’amendement n° II-197, la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu à 45 %, mais je ne suis pas certaine que le compte y soit. M. le ministre serait le plus qualifié pour le dire. C’est, en tout cas, l’argument qu’il avait opposé l’année dernière à un amendement similaire.

Ne vous inquiétez pas, chers collègues de la majorité, nous aurons bien ce rendez-vous fiscal, et le débat sera tranché dans les urnes, à un moment ou à un autre, et peut-être plus tôt que vous ne le pensez. En effet, tous les Français qui vont s’exprimer au mois de mars auront bien compris dans quel sens vous avez défendu les inégalités fiscales.

Le bouclier fiscal est bien un « boulet » pour la majorité et, d’une certaine manière, même s’il ne s’est pas exprimé ainsi, M. le rapporteur général l’a reconnu.

Il faut remettre à plat notre fiscalité et lui insuffler, partout, de la progressivité.

Nous sommes donc partisans de deux grands impôts : un grand impôt sur le patrimoine, progressif, juste, et un grand impôt sur les revenus, également progressif et non moins juste, qui prendrait une nouvelle dimension, par comparaison avec l’impôt sur le revenu actuel – ce malheureux impôt que le Gouvernement a véritablement « mité » -, parce que nous intégrons la contribution sociale généralisée et redonnons de la progressivité au dispositif.

Mes chers collègues, nous aurons bien ce rendez-vous. Alors ne l’anticipez pas avec des mesures qui, contrairement à ce que vous affirmez, ne règlent pas le problème de l’injustice de notre système fiscal.

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.

M. Denis Badré. Monsieur le ministre, dans la réponse que vous venez d’apporter, vous avez indiqué que, derrière la suppression du bouclier fiscal, on trouvait celle de l’ISF. C’est exactement ce que je soulignais tout à l’heure, en présentant la série d’amendements que je vous ai proposés. Mes explications étaient probablement moins claires que les vôtres, mais j’aboutissais à la même conclusion.

C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste a pour objectif unanime d’instaurer la trilogie en bloc, dans sa cohérence et le plus tôt possible. Nous y viendrons un jour. Pourquoi pas maintenant ?

Je dis donc à ceux qui veulent la suppression de l’ISF qu’ils ne l’obtiendront pas sans la suppression du bouclier fiscal et à ceux qui veulent la suppression du bouclier fiscal qu’ils ne l’obtiendront pas sans la suppression de l’ISF !

S’agissant de mes autres propositions, monsieur le ministre, vous avez ajouté que, en allant dans le sens de ces amendements de repli, en construisant la trilogie dans le désordre ou par petits morceaux, en quelque sorte par appartement, nous risquons de ne plus savoir où nous allons.

Sur ce point également, vous avez raison, il faut effectivement éviter toute forme de « bricolage ». Je pense même que nous ne savons déjà plus où nous en sommes, sur l’ISF comme sur le bouclier fiscal, tant, d’année en année, nous compliquons l’un et l’autre. Nous n’avons que déjà trop bricolé ces dispositifs.

Nous pouvons tous nous retrouver sur la nécessité de concilier notre souci de justice fiscale et la simplification d’un système qui devient totalement illisible.

Justice fiscale, simplification, c’est ce que permet la trilogie ! Le groupe de l’Union centriste n’a aucun état d’âme sur cette affaire et souhaite être rejoint sur ce sujet, peut-être pas par la totalité de cette assemblée – ce serait un rêve –, mais au moins, le plus rapidement possible, par le plus grand nombre possible. Ce sera déjà bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-197.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'Union centriste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 98.

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 331
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 35
Contre 296

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° II-109 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)