M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Non, les départements continueront d’aider les communes !

M. Jean-Claude Peyronnet. Le scénario que je décris est machiavélique, monsieur le secrétaire d'État, mais il est tout à fait plausible.

Il est cependant évident que la collectivité la plus menacée est le département.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Bien sûr !

M. Jean-Claude Peyronnet. Cette réforme apparaît à un moment où les conseils généraux se trouvent en grand péril financier. Certains, dit-on, passeraient bientôt sous tutelle financière. Et pourquoi ?

Ce n’est pas, comme cela a été dit, à cause de politiques dépensières inconsidérées ou de créations non contrôlées de postes de fonctionnaires. Je rappelle que c’est d’abord l’État qui est épinglé par la Cour des comptes pour avoir créé 351 000 emplois entre 1980 et 2006, malgré le délestage de ses compétences vers les collectivités.

Ce n’est pas non plus à cause de recours trop facile à l’emprunt. Je le rappelle, la dette des collectivités ne représente que 10 % de l’endettement de la nation. En outre, cet emprunt, obligatoirement gagé sur des recettes, est affecté uniquement à l’investissement. Enfin, contrairement à l’État, les collectivités remboursent toute leur dette, capital et intérêt.

M. Didier Boulaud. Surtout ces dernières années !

M. Jean-Claude Peyronnet. En réalité, les raisons de cette asphyxie tiennent pour l’essentiel à l’État, qui leur a confié la responsabilité de la mise en œuvre de grandes politiques nationales sans leur en donner les moyens et même sans respecter ses engagements.

Dans mon département, la dette de l’État s’établit à 35 millions d’euros, soit 39 points de fiscalité avant la réforme de la taxe professionnelle, et 49 points ensuite !

La conséquence immédiate, c’est que la plupart des départements, même ceux qui ne sont pas encore dans le trou, réduisent la voilure.

D’abord, ils limitent leurs investissements, ce qui aura évidemment des effets catastrophiques.

Ensuite, ils rognent les dépenses en direction des tiers, et, d’une façon générale, ils suppriment des dépenses non obligatoires. Ainsi, dans mon département, la simple suppression de fonctionnaires affectés à des missions d’État, comme par exemple une assistante sociale affectée au commissariat central, permet de récupérer un point de fiscalité. Il n’y a pas de petit profit !

Les plus atteints par cette situation seront, bien sûr, les petites communes et, dans une moindre mesure, les communes moyennes.

Je parle ici des routes, des bâtiments communaux, en particulier cultuels, qui vont forcément se dégrader.

M. Didier Boulaud. Les minarets !

M. Jean-Claude Peyronnet. Je parle aussi des aides aux associations culturelles, sportives, c'est-à-dire de tout ce que Mme Lagarde appelle de façon scandaleuse les « féodalités ». Ce sont précisément ces dernières qui assuraient la vie dans une immense partie du territoire, au-delà du périphérique s’entend !!

On le voit, casser le couple communes et département, c’est pratiquer une politique dangereuse, à moins, comme je le crois, qu’elle ne soit volontaire. C’est la situation actuelle.

Le conseiller territorial accélérera ce processus de délitement de l’institution départementale. On garde le lien avec le territoire, et c’est bien. Mais les circonscriptions, par la volonté de réduction du nombre d’élus, seront trois ou quatre fois plus grandes en moyenne que les actuels cantons. Or l’espace est l’ennemi de la proximité.

Ce qui crée du lien social, c’est la présence, l’écoute, la participation aux conseils d’administration du collège, des établissements sanitaires et sociaux, aux assemblées générales des associations professionnelles, sportives, culturelles.

Le conseiller territorial représentera le département dans un espace beaucoup plus vaste qu’actuellement. Mais il représentera aussi la région.

Pour peu qu’il ait une ou plusieurs délégations – et il le faudra bien, vu le petit nombre de conseillers territoriaux dans chaque département –, il sera appelé au-delà de son canton dans le département, voire dans la région entière, à représenter les deux institutions.

Comment imaginer qu’il puisse avoir, en outre, une activité professionnelle, pourtant essentielle à son ancrage dans la réalité sociale ? À cet égard, je rejoins les propos de M. Dupont.

Cet être hybride sera nécessairement un professionnel, pour lequel il faudra prévoir une indemnité raisonnable et une retraite.

Non, en organisant ainsi une nouvelle forme de cumul des mandats, on ne fera pas d’économies, bien au contraire !

Reste la question du mode de scrutin. Je ne l’évoquerai que pour mémoire, en soulignant que cette nouveauté électoraliste d’un scrutin uninominal à un tour, qui suscite bien des interrogations sur sa constitutionnalité, est fondamentalement contraire à la tradition, et même à l’esprit français, ce qui sera amplement démontré ultérieurement.

M. Didier Boulaud. Magouillage !

M. Jean-Claude Peyronnet. À vrai dire, cette innovation n’est que l’un des éléments d’une attaque frontale contre l’identité républicaine de la France. Car s’attaquer à l’intégrité des communes, des départements, c’est rompre avec tout ce qui fait l’originalité de l’administration locale et, surtout, quoi qu’il ait été dit, son efficacité.

Ce sont là quelques-unes des raisons qui nous amèneront à une opposition formelle sur l’ensemble de ces textes, et en particulier sur le premier qui est relatif à la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux que nous examinons aujourd’hui.

Monsieur le président, nous ne nous tromperons pas, nous, de vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, lors de l’adoption du projet de loi de finances pour 2010, le Sénat a malheureusement approuvé la disparition de la taxe professionnelle et son remplacement par un nouveau dispositif qui est loin de rassurer les élus locaux.

J’ai déjà eu l’occasion, à cette tribune, de m’exprimer sur les raisons qui ont motivé mon opposition et celle des radicaux de gauche à cette réforme. Je voudrais néanmoins en rappeler une, qui est fondamentale, car elle s’invite de nouveau aujourd’hui dans le débat : je veux parler de l’entêtement du Gouvernement à maintenir un calendrier d’une incohérence sidérante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Nous sommes nombreux, jusque dans les rangs de la majorité, à avoir très tôt demandé que l’on discute d’abord de la clarification des compétences, avant de réformer la fiscalité.

Mme Maryvonne Blondin. Bien sûr ! C’est évident !

M. Jean-Michel Baylet. Nous n’avons malheureusement pas été entendus. Malgré la colère généralisée des élus – vous avez eu tout loisir de l’entendre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, lors des différents congrès qui viennent de se tenir ! –, le Parlement a été mis au pied du mur : le projet de loi qui lui a été présenté était tellement indéfendable et inintelligible que nos collègues de la commission des finances ont dû totalement le récrire.

Pourtant, messieurs les ministres, vous persistez à nous demander de mettre la charrue avant les bœufs. En effet, vous nous proposez d’adopter le premier d’une série de trois textes destinés, vous le savez bien, à inventer les conseillers territoriaux.

Un sénateur socialiste. Eh oui !

M. Jean-Michel Baylet. Certes, les articles du projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux n’évoquent pas l’appellation « conseillers territoriaux » et, à nous en tenir strictement à l’exposé des motifs, nous pourrions même penser – il y faudrait tout de même quelque naïveté ! – qu’il s’agirait simplement de renforcer la démocratie locale. La mise en place d’échéances regroupées favoriserait, paraît-il, la clarté des choix démocratiques…

À ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, vous avez établi un parallèle entre le texte que vous nous présentez ce soir et celui que Pierre Joxe et moi-même – j’étais alors secrétaire d’État à l’intérieur : j’ai fait cela, moi aussi ! – avions préparé en 1990. Mais rien dans la réalité ne vient le justifier ! D’abord, nous n’avions pas raccourci la durée des mandats : nous avions proposé de la prolonger d’un an, ce qui n’est pas tout à fait la même chose ! (Approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Michel Baylet. Qui plus est, la concomitance recherchée pour 1994 était liée à la décision que nous avions prise d’élire les conseillers généraux au scrutin départemental proportionnel de liste. C’était la volonté de renforcer le poids des départements qui nous animait, et non celle de voir s’évaporer le département et la région.

M. François Rebsamen. Mais M. le secrétaire d’État le sait bien !

M. Jean-Michel Baylet. Au demeurant, si vous tenez à aller au bout du parallèle, il ne faut pas omettre de rappeler que cette loi n’a jamais été appliquée puisqu’en 1993, quand vous êtes revenus au pouvoir, vous l’avez immédiatement abrogée, quand M. Pasqua était ministre de l’intérieur : gageons que, nous aussi, nous saurons, en 2012, abroger ce texte sur les conseillers territoriaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Bref, monsieur le secrétaire d’État, nous savons très bien – et vous aussi ! – que votre projet de loi est le préalable obligatoire à la création des fameux super-élus off-shore. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Son adoption, c’est vrai, n’entérinera pas la création des conseillers territoriaux ; mais elle la permettra ! C’est donc un chèque en blanc pour la suite que vous nous demandez, une suite que, justement, nous aurions aimé mieux connaître car, à l’instar de ce que vous avez fait pour la taxe professionnelle, vous nous proposez ce soir de voter un dispositif à l’aveuglette.

La représentativité d’une assemblée se fonde sur ses compétences, son périmètre géographique, son articulation avec les autres institutions. Or, tous ces aspects seront décidés au début de 2010, lors de l’examen du projet de loi n° 60. Pire, c’est seulement en 2011 que la question des compétences sera abordée, en vertu de l’article 35 du projet de loi précité, qui prévoit que, « dans un délai de douze mois […], une loi précisera la répartition des compétences des régions et des départements, ainsi que les règles d’encadrement des cofinancements » entre les différentes collectivités.

Mme Maryvonne Blondin. C’est aberrant !

M. Jean-Michel Baylet. Comment, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous affirmer que vous créez un élu vraiment représentatif alors que rien n’est décidé, sur le fond, pour la répartition des compétences ? Je ne prendrai qu’un exemple : si, comme vous le souhaitez – et nous vous encourageons à évoluer sur ce sujet aussi –, la clause de compétence générale est supprimée et les collectivités spécialisées, est-il pertinent de créer un élu représentant deux assemblées aux fonctions très différentes ?

Aurons-nous là aussi des clauses de revoyure pour améliorer ce texte ?

J’ajouterai que ce projet de loi, présenté dans la précipitation, fait bien peu de cas du principe de sincérité du scrutin. Bientôt, les électeurs vont élire des conseillers régionaux, puis généraux, au mandat réduit : il va falloir leur expliquer que le mandat de leurs élus est raccourci pour que puisse être organisée la concomitance en 2014 et que, dans le cas où, entre-temps, les conseillers territoriaux auraient été créés, ce même texte s’appliquera ! Mais il faudra aussi leur dire, comme le souligne très justement notre collègue rapporteur, « que le Parlement pourrait, à l’issue de ses débats sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales et même dans l’hypothèse où il aurait préalablement adopté le projet de loi n° 63, renoncer à créer ces conseillers territoriaux » !

Il est tout de même assez original de modifier la durée des mandats en indiquant qu’il n’est pas exclu que, finalement, on y renonce ; même si c’est l’issue que nous souhaitons, nous n’en croyons pas un mot.

Nos concitoyens vont donc, au nom de ce principe, confier à des élus un mandat précaire, « au cas où » !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est pourtant le propre de la fonction !

M. Jean-Michel Baylet. Par ailleurs, si l’article 34 de la Constitution consacre la compétence du Parlement pour fixer les règles qui concernent « le régime électoral des assemblées parlementaires [et] des assemblées locales », le Conseil constitutionnel n’en exige pas moins que le législateur justifie la réduction des mandats par un motif d’intérêt général. Si demain le motif principal, toujours non avoué – la création d’une nouvelle catégorie d’élus –, disparaissait, le Parlement aurait donc voté un projet de loi potentiellement inconstitutionnel !

Il est clair que toutes ces contradictions témoignent bien – le mot est fort, mais je vais le prononcer – de l’hypocrisie qui sous-tend l’ensemble de ces réformes. Au fond, derrière tout cela se cache une manipulation électoraliste visant à reprendre à la gauche les départements et les régions perdus par la droite. (C’est évident ! sur les travées du groupe socialistes.)

Depuis le mois dernier, les projets de loi concernant les collectivités locales qui se succèdent présentent une même constante : il s’agit, je le crains, de détruire des collectivités qui ne sont peut-être pas assez dociles. Avec la réforme de la taxe professionnelle, le Gouvernement va organiser un peu plus encore leur asphyxie financière ; avec le conseiller territorial, il va tenter de les réorienter politiquement. En tous les cas, nous assistons à une véritable déstabilisation des collectivités, qui forment pourtant le dernier rempart contre la politique nationale aux conséquences économiques et sociales que l’on connaît.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, les radicaux de gauche ne voteront pas le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les projets de loi de réforme territoriale marquent à mon avis une évolution très positive pour l’organisation de nos collectivités.

Pour ma part, je pensais depuis très longtemps qu’il était plus qu’opportun de regrouper les élections locales. Aussi, j’estime très pertinent le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis. Il en va de même des conclusions du rapport Balladur, qui m’ont semblé constituer une avancée remarquable pour le fonctionnement et l’organisation de nos collectivités locales. Si j’émets des réserves sur les pouvoirs exorbitants accordés au préfet dans les départements, je trouve globalement satisfaisantes toutes les propositions concernant les rapports entre les communes et les intercommunalités.

Cela étant, il est absolument indispensable de bien préciser les compétences des départements et des régions : chaque niveau doit avoir ses attributions propres. Il est également tout à fait souhaitable de mettre un terme aux guérillas que nous constatons parfois entre conseils généraux et conseils régionaux et de mettre en place le conseiller territorial unique. Sur ce point, je considère que le comité Balladur a effectué un travail véritablement innovant et remarquable.

Pour autant, je suis scandalisé par un point, et l’on sait très bien que, lorsqu’on met une pomme pourrie dans un cageot de bonnes pommes, c’est tout le cageot qui pourrit. Je trouve donc absolument scandaleux le mode de scrutin qui est envisagé pour les conseillers territoriaux. C’est véritablement une honte, c’est invraisemblable, et je ne comprends pas que le Gouvernement puisse ne pas se sentir gêné d’avoir formulé une telle proposition. On nous dit que ce mode de scrutin existe dans différents pays, notamment en Allemagne. Mais ce n’est pas vrai ! Le système allemand n’a strictement rien à voir avec celui qui nous est présenté ici puisqu’il se traduit par la proportionnelle intégrale, alors que l’on voudrait, chez nous, déduire les voix de ceux qui auront été élus, et que sais-je encore ! C’est une gigantesque magouille !

M. Jean Louis Masson. Hier soir, déjà, nous baignions dans les opérations fumeuses de charcutages électoraux ; aujourd’hui, nous quittons le charcutage territorial pour le charcutage institutionnel des modes de scrutin. C’est vraiment dramatique ! La France avait besoin d’une bonne réforme, nous en prenions le chemin, et voilà que les arrière-pensées bassement politiciennes sont venues tout pervertir. Je le déplore véritablement, car, globalement, les autres dispositions du projet de loi auraient certainement recueilli ma totale approbation.

Si le projet de loi est adopté en l’état, les conseillers territoriaux assumeront les fonctions des conseillers généraux alors que leur élection dépendra du scrutin régional. En effet, ceux qui seront élus au scrutin proportionnel – et c’est là un point véritablement contraire à la Constitution – ne le seront que parce qu’ils seront affiliés à une liste ayant une représentativité régionale.

Mme Jacqueline Gourault. Justement, non !

M. Michel Mercier, ministre. Mais non, précisément !

M. Jean Louis Masson. Les conseillers généraux seront donc élus dans les départements sur la base de clivages et de sélections qui se joueront à l’échelle régionale. C’est extraordinaire !

Enfin, on nous affirme que la proportionnelle concernera 20 % des sièges et qu’ainsi les petits partis seront représentés et la parité assurée. C’est une gigantesque hypocrisie ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.) Ne l’oublions pas, ce seront 20 % des sièges dans chaque département. Or, le nombre total des sièges par département étant relativement restreint, les élus à la proportionnelle seront, selon les cas, deux, trois, voire quatre, mais le seuil de dix, celui à partir duquel l’effet de la proportionnelle commence à jouer, ne sera atteint que dans très peu de départements.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment, aucun effet de proportionnelle !

M. Jean Louis Masson. En clair, comment cela se traduira-t-il ? Lorsque cinq sièges seront pourvus à la proportionnelle, les petits partis politiques, ceux à qui l’on a fait miroiter ces 20 % de proportionnelle, ne seront toujours pas représentés, parce que ce sont les gros partis qui obtiendront les sièges en question !

Quant à la parité, n’en parlons pas ! Avec le système de proportionnelle qui nous est proposé, ce sont essentiellement les têtes de liste qui seront élues. Je me suis livré au calcul pour le département de la Moselle en retenant le nombre de femmes que l’on constate au sein du conseil général actuel pour les sièges pourvus au scrutin majoritaire et, pour les sièges pourvus au scrutin proportionnel, la proportion que l’on a constatée aux précédentes élections régionales, en faisant l’hypothèse que les futures listes respecteront ce principe de la parité. Eh bien, le résultat de mon calcul, alors que la Moselle est un grand département où dix conseillers seront élus à la proportionnelle, montre que le pourcentage de femmes n’atteindra que 30 %. Ce sera donc une parité pour le moins réduite ! Dans les autres départements lorrains, où la proportionnelle ne concernera que cinq ou six sièges, le pourcentage de femmes parmi les élus à la proportionnelle tomberait à 20 %.

Dernier élément, quand on fait le calcul global, pour l’ensemble de la Moselle, on constate que les femmes constitueraient 11 % des conseillers territoriaux.

Mme Odette Terrade. Absolument !

M. Jean Louis Masson. Je ne mentionnerai même pas les trois autres départements lorrains, où l’effet de la proportionnelle serait encore plus réduit puisque, au lieu de 11 % elles ne seraient plus que 8 %.

Dès lors, il ne faut pas s’étonner, mes chers collègues, que les trois présidentes des délégations aux droits des femmes se soient insurgées. Au Sénat, la présidente de la délégation est socialiste, mais, à l’Assemblée nationale, elle est UMP et, au Conseil économique et social, c’est la sœur de notre collègue Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Louis Masson. On ne peut donc pas dire qu’elles sont toutes les trois dans l’opposition. (Murmures sur les travées de lUMP.) Cela vous dérange, mes chers collègues, mais ce n’est pas grave…

M. Dominique Braye. Il y a longtemps que vous ne nous dérangez plus ! Vous nous faites rire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez la parole pour intervenir, monsieur Braye !

M. Jean Louis Masson. Il y a là, me semble-t-il, une situation extrêmement affligeante et ce n’est pas en manipulant les chiffres ou en refusant de reconnaître la réalité que l’on en sortira.

Finalement, bien qu’il y ait globalement de très bonnes choses dans le rapport Balladur, mais, compte tenu des modalités de mise en œuvre qui nous sont proposées, je voterai contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de par la volonté du Président de la République, vous voulez coûte que coûte faire adopter par le Parlement la réforme des collectivités locales dont nous parlons depuis déjà un certain temps, réforme pourtant largement contestée, y compris dans vos rangs.

Vous venez – pour mettre en route le processus – d’imposer, avec la suppression de la taxe professionnelle, une mise en cause de l’autonomie des collectivités locales, et ce contre l’avis de nombreux élus locaux de votre propre camp.

Aujourd’hui, vous voulez imposer dans l’urgence une réduction importante des mandats des conseillers régionaux qui seront élus en 2010 et des conseillers généraux qui le seront en 2011 pour être en situation, en 2014, d’appliquer la réforme dont le Parlement n’a pas encore débattu. C’est écrit dans l’exposé des motifs de ce projet de loi.

Monsieur le rapporteur de la commission des lois, vous êtes évidemment aux premières loges, puisque vous faites partie – selon une terminologie guerrière – de la task force du Président de la République pour justifier l’adoption des dispositions du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui en invoquant l’exigence de sincérité du scrutin pour les électeurs et la démocratie, ce que l’ensemble de la réforme fait, au contraire, régresser.

Vous évoquez l’opportunité de supprimer le renouvellement triennal et l’intérêt de la concomitance des deux scrutins. Vous évoquez même la nécessité de découpler les scrutins nationaux et locaux, en pleine contradiction avec le Président de la République qui vient d’entrer directement dans la campagne pour les élections régionales en disant qu’il s’agit d’élections nationales.

Voilà de nombreuses contradictions, mais toutes ces propositions se discutent, alors discutons-en, mais dans le cadre de la réforme et ne les faites pas avaliser en douce avant !

Vous dites, à bout d’arguments, que ce que le législateur fait, il peut le défaire, mais c’est vrai pour tout. Nous l’avions dit pour La Poste, et vous nous avez affirmé contre toute évidence que les 100 % publics une fois votés seraient nécessairement immuables. Là aussi, vérité d’un côté, contre-vérité de l’autre !

La majorité vient précisément d’adopter en commission des lois – vite fait, bien fait – la création des conseillers territoriaux ! Preuve, s’il en était besoin, qu’elle entend à toute force aller de l’avant sur son projet.

La véritable raison d’être du projet de loi est bien ailleurs. Vous le dites vous-mêmes : ce texte « est le support d’enjeux institutionnels forts ».

Dès lors, mes chers collègues, ne tournons pas autour du pot : en posant les fondements de la création des conseillers territoriaux, ce projet de loi nous est soumis pour que nous anticipions sur nos choix à l’issue d’une discussion qui n’aura lieu que dans les prochains mois et qui durera assez longtemps.

C’est une atteinte franchement inacceptable aux droits des parlementaires que nous sommes. Et c’est d’autant plus imprudent que l’idée des conseillers territoriaux est contestée, y compris dans votre majorité, je viens de l’entendre ici.

Ce texte court n’est donc pas anodin. Il participe du bouleversement de nos institutions inscrit dans une réforme territoriale qui renie les principes fondamentaux de la décentralisation, puisque les collectivités territoriales, à tous les niveaux, perdent leur libre administration.

La réforme participe elle-même de la mise en œuvre du projet libéral du Président de la République et du Gouvernement, que vous défendez ici. Vous voulez revenir sur le rôle des collectivités territoriales, qui contribuent, je le rappelle, à 73 % de l’investissement public – Dieu sait si c’est important aujourd'hui ! – et à de nombreux services publics locaux, que vous souhaitez les voir abandonner.

Dans ces conditions, allons-nous, mes chers collègues, accepter une fois encore la mise en cause de nos propres droits ?

Le Président de République disait dans son discours d’Épinal, le 12 juillet 2007 : « Les institutions, ce sont les règles qui sont connues par avance qui permettent à chacun de savoir raisonnablement ce qu’il peut attendre de tous les autres. »

Or, ce texte contredit cette déclaration puisque, aujourd’hui, les règles ne sont pas dites.

Vous renvoyez à plus tard la définition des compétences qui seront attribuées aux deux assemblées, mais vous n’attendez pas pour leur retirer la compétence générale.

Vous renvoyez à plus tard le nombre des cantons par département et leur périmètre, lesquels seront fixés encore une fois par ordonnance, procédure peu démocratique s’il en est, et qui plus est après la promulgation du redécoupage des circonscriptions législatives dans lesquelles s’inscriront les nouveaux cantons.

Pour vous, monsieur le secrétaire d’État, la démographie ne serait pas déterminante. En conséquence, avec une réduction de moitié des élus, l’ensemble du territoire sera moins bien représenté ; et avec un minimum de quinze conseillers territoriaux par département, les zones urbaines le seront encore moins bien que les zones rurales.

Vous avez parlé d’économies avec le passage aux conseillers territoriaux. Mais vous en rajoutez en évoquant des « remplaçants » au rôle renforcé. Combien coûteront-ils ? Il est dit aussi qu’il faudra renforcer les moyens humains et financiers des institutions chargées de faire face à quatre, voire cinq élections la même année.

Avec ce texte, vous inventez un élu bicéphale, multicarte, pouvant cumuler des mandats, bref un professionnel de la politique, contrairement à ce qu’exige une juste représentation du peuple.

Ce que vous visez, en réalité, c’est, d’une part, la disparition des départements – nul ne l’ignore – et, d’autre part, une refonte, qui ne dit pas son nom, du système électif français.

La disparition des départements n’est certes pas explicite, puisque de nombreux élus la rejettent. Mais elle est implicite…