M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, sur l’article.

M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous allons examiner un texte qui cache tant de choses qu’il nous laisse pour le moins perplexes.

En même temps, et c’est bien la contradiction, vous êtes obligé de les évoquer, monsieur le secrétaire d’État, pour des raisons constitutionnelles, car, dans le cas contraire, les juges ne comprendraient pas que vous ayez aujourd’hui opté pour le rassemblement d’une élection en deux temps, que vous ayez supprimé le cumul des mandats pour le remplacer par le cumul des fonctions, sans en donner l’explication profonde.

Celle-ci est dans les non-dits. Ils touchent à la création de ces « super-élus » conseillers territoriaux qui, d’après les textes, devront se réunir le même jour, c’est-à-dire cinq jours après l’élection, en pleine campagne municipale, pour élire tout à la fois le président du conseil général et le président du conseil régional. Il est difficile, dans ces conditions, de se couper en deux.

Dans la longue liste de tous les non-dits que comporte ce texte, je retiendrai bien évidemment le mode de scrutin.

Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que, par la suite, dans les autres textes qui seront présentés par le Gouvernement, tout sera négociable.

D’abord, cette affirmation n’est pas prouvée. À en croire la presse, les propos du Président de la République en la matière démontrent que la capacité de négociation qu’il laisse au Gouvernement sur ces textes est égale à zéro, ce qui laisse peu de marge, vous l’avouerez, à une vraie discussion.

Ce qui a fait la force des élections locales jusqu’à présent – je pense notamment à ces élections majeures pour l’organisation territoriale de la République que sont les élections municipales – c’est la simplicité du mode de scrutin aux yeux des électeurs, malgré les entorses que vous y avez apportées en supprimant le renouvellement en une seule fois des conseillers généraux, qui était prévu à l’époque par l’ancien ministre de l’intérieur. Là où les électeurs ont besoin de clarté, vous apportez de la confusion.

Comment imaginer que nos concitoyens, dans leur ville, dans leur commune, soient appelés à se prononcer, le même jour, en même temps pour le premier tour d’une élection municipale et pour un tour, qui serait décisif, des élections cantonales et régionales. En réalité, vous êtes en train de démembrer la région pour la « cantonaliser ». Vous le faites dans les zones rurales, mais également en zones urbaines, alors que vous-même critiquiez récemment le faible impact de l’existence des cantons dans ces dernières.

Imaginez un peu la confusion qui naîtrait si le mode de scrutin prévu dans vos textes était voté !

Mais je ne crois pas qu’il le sera, car nombre de nos collègues pensent que ce mode de scrutin est inique et contraire à la tradition de nos républiques qui se sont succédé depuis une bonne centaine d’années.

Mélanger les scrutins à un tour et à deux tours, fixer l’élection de nouveaux conseillers territoriaux dans des cantons urbains en même temps que les élections municipales, c’est tout sauf clair pour les électeurs !

Prétendre que le regroupement des élections permettra une plus grande participation n’est donc qu’un argument fallacieux. Les électeurs se mobilisent quand ils savent pour qui ils vont voter et dans quelles conditions.

En réalité, au travers des textes que vous proposez, par le manque de visibilité, par la confusion qui en résulte, vous organisez d’ores et déjà vous-même l’abstention, dont vous serez seuls responsables ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l’article.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de nombreux orateurs, au cours de la soirée d’hier, ont eu l’occasion d’expliquer que notre pays, notre République, pouvait s’enorgueillir de son système électoral, qui fait d’ailleurs référence à l’échelon quasi planétaire.

Pourtant, au moment où nous tous qui siégeons au Sénat, toutes travées confondues, sommes appelés à faire ce constat, vous nous proposez au travers de ce projet de loi un dévoiement du système électoral. Comme il a également été annoncé hier, ce texte précède paradoxalement la réforme des collectivités territoriales, alors que la logique simple aurait voulu qu’on procède exactement à l’inverse.

La seule finalité de ce texte consiste à s’attaquer aux acquis de la décentralisation et, d’une manière plus directe, aux collectivités territoriales, dont chacun ici sait qu’elles représentent un contre-pouvoir devenu insupportable au plus haut sommet de l’État.

Nous aurons d’ailleurs le loisir, dans les semaines à venir, de dénoncer le mode d’élection proposé. En vérité, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui constitue le premier étage d’une fusée imaginée par le Gouvernement pour atteindre le but que je viens d’évoquer.

Nous sommes d’autant plus indignés que l’on nous demande aujourd’hui, dans la précipitation, de valider une loi, de six lignes, sans nous permettre d’en débattre sérieusement ou de l’amender, pour la simple et bonne raison que pas une once d’information ne nous était parvenue à son sujet, notamment au cours de la soirée d’hier.

D’ailleurs, les textes qui sont présentés dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales sont soumis au Parlement dans un ordre défiant le plus simple bon sens.

La seule logique apparente est celle d’une précipitation fébrile destinée à permettre l’adoption dans les temps d’un projet de réforme, proposé par un exécutif qui cherche moins à satisfaire l’intérêt général ou à parfaire un système électoral qu’à privilégier l’intérêt du pouvoir ou de sa majorité.

Il en résulte une conséquence ubuesque : nous examinons aujourd’hui un texte destiné à permettre l’application pratique d’une loi dont nous n’avons pas encore débattu, et pour cause !

Cette manière de faire est d’ailleurs quasiment élevée au rang de système de la part d’un gouvernement qui finit par témoigner une forme de mépris à l’égard du Parlement.

Faut-il rappeler que le Sénat a été saisi et a débattu en séance publique de la réforme de la taxe professionnelle avant même que ne soient définies les futures compétences des collectivités territoriales ? Il y a bien d’autres exemples de ce type.

Nous sommes donc face à un système qui se voudrait coproductif de la loi, mais qui est rendu hémiplégique par un gouvernement et sa majorité. Le Parlement est quasi dépouillé, au profit de l’exécutif, d’un pouvoir législatif dont il est, ou devrait être, normalement dépositaire.

Le fait que la majorité recourt trop souvent au scrutin public, parce que le nombre de ses membres présents dans l’hémicycle est trop faible, vient encore aggraver la situation.

En vérité, les conditions d’examen de ce projet de loi sont celles d’un bateau ivre où il est très difficile de savoir qui est le capitaine et comment est constitué l’équipage.

L’objet de l’article 1er est donc d’interrompre en 2014 le mandat des conseillers généraux qui auront été élus en 2011 pour assurer la promotion d’un élu fantôme, le « conseiller territorial », qui s’installe progressivement, prend d’ores et déjà ses aises et est appelé à remplacer de manière mécanique le conseiller général.

Au sein de notre Haute Assemblée, où les conseillers généraux sont nombreux, chacun le comprendra facilement : à un moment où l’on critique de plus en plus souvent l’« éloignement » entre les élus locaux et la population, le conseiller général est, du fait de son mode d’élection et de ses compétences, un acteur irremplaçable de notre organisation territoriale.

Par conséquent, le présent article 1er porte un mauvais coup à une institution qui a fait ses preuves. C’est pourquoi nous voterons contre cet article et, au-delà, contre le projet de loi, qui n’apporte aucun élément positif par rapport aux objectifs affichés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l’article.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été soulignées par les nombreux intervenants précédents.

Je centrerai mon intervention sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux que prévoit le projet de réforme des collectivités territoriales, du moins tel que nous en avons connaissance, c'est-à-dire le scrutin uninominal majoritaire à un tour. J’aborderai, en particulier, la question de la parité entre les femmes et les hommes parmi les futurs conseillers territoriaux.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans cet hémicycle, je suis de celles qui ont voté avec enthousiasme les lois sur la parité en 1999 et en 2000 ! J’espérais qu’elles seraient un levier pour d’autres avancées dans toutes les sphères de la société, politique, économique, privée.

Hélas, le projet de loi que vous nous proposez constitue non pas une avancée, mais un recul considérable !

Pourtant, la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes et la modification qu’elle a introduite dans notre norme fondamentale faisaient suite à de nombreuses luttes des femmes pour conquérir leurs droits et parvenir à l’égalité. Je pense notamment au droit de vote, au droit à l’interruption volontaire de grossesse, l’IVG, à l’accès à la contraception ou aux luttes pour l’emploi et pour l’égalité professionnelle.

Or, d’après les informations dont nous disposons actuellement, rien n’est prévu aujourd'hui pour garantir la parité parmi les conseillers territoriaux et pour assurer le respect de notre Constitution.

Monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous un seul instant que les femmes vont accepter cette marche arrière radicale ? En proposant le mode de scrutin uninominal à un tour, qui n’a plus été utilisé depuis 1852, comment avez-vous pu imaginer que les femmes allaient se laisser faire et se résoudre à voir remis en cause les progrès durement acquis pour l’égale représentation des femmes dans nos institutions ?

Faut-il vous rappeler que les femmes représentent la moitié de l’humanité, qu’elles constituent 51 % de la population de notre pays et 53 % du corps électoral ? Il est donc tout à fait normal de penser à leur juste représentation parmi les élus de la nation et des collectivités.

Une fois de plus, sous prétexte de « simplification » ou de « modernisation », vous proposez un texte qui réduit ce qu’il pouvait y avoir de bon et de démocratique dans le système actuel, certes imparfait, au profit d’une machine anti-démocratique, centraliste, voire monarchique.

Quel argument allez-vous utiliser pour justifier le scrutin uninominal, qui oriente plus vers un choix de personne que vers un choix de programme, au lieu du scrutin de liste ? En effet, comment faire avancer la parité avec un tel mode de scrutin, alors qu’il est déjà si difficile de la garantir sur des listes, même lorsqu’elle est imposée par la loi ?

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez habilement répondu aux précédentes interrogations sur le sujet en évoquant uniquement les élus des communes de 500 à 3 500 habitants, alors que les questions portent bien sur les conseillers territoriaux !

Je le rappelle, la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes a inséré, à l’article 3 de notre Constitution, un alinéa ainsi rédigé « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » et a complété son article 4 en précisant que les partis et groupements politiques contribuaient à la mise en œuvre de ce principe.

Comme je l’ai indiqué, cette loi fut le résultat de plusieurs années de combat des femmes de tous les bords politiques contre une situation où la « non-place » dans la vie publique relève de la responsabilité des partis politiques. Il a fallu de longs débats, à plusieurs reprises, en particulier au sein de cette assemblée, pour que la loi devienne un peu contraignante et que des résultats tangibles voient le jour.

Grâce à cela, les conseils régionaux sont aujourd’hui l’une des institutions où le principe de parité est le moins mal respecté, puisque 47,6 % des conseillers régionaux sont des femmes, et ce grâce au scrutin de liste.

Selon une étude réalisée par l’Observatoire de la parité au mois d’octobre, le nouveau mode de scrutin envisagé – 80 % des conseillers territoriaux seraient élus au scrutin uninominal majoritaire à un seul tour et les 20 % restants au scrutin proportionnel –, ferait passer le nombre de conseillères territoriales de 23 % à 19,6 %. Sur ce plan au moins, ce n’est pas un progrès !

Je le rappelle également, avant la révision constitutionnelle de 1999, il n’y avait aucune femme dans vingt-trois conseils généraux. Aujourd'hui, une telle situation ne concerne plus que trois départements. Certes, c’est toujours trois de trop, mais nous avons bien la preuve que le fait d’imposer par la loi la parité dans les scrutins de liste, notamment pour les élections régionales, a bel et bien eu une influence non négligeable sur les autres scrutins.

Certes, le fait que le principe de parité soit mieux respecté dans les conseils municipaux des villes ayant entre 500 et 3 500 habitants constitue un progrès, et c’est un argument à retenir. Mais qu’en sera-t-il réellement lorsque les communes seront regroupées, comme c’est le souhait du Gouvernement, en intercommunalités, ce qui aura pour résultat de supprimer, de fait, l’échelon communal ?

Présenter une démarche très volontariste pour la parité dans des instances appelées à disparaître pourrait être interprété comme une habile manipulation, voire l’expression d’un certain cynisme.

Je veux le réaffirmer ici, malgré les progrès obtenus, qui disparaîtraient avec cette réforme, la représentation des femmes dans notre société et dans les institutions de la République est, aujourd’hui encore, très en dessous de ce qu’elle devrait être.

Alors que les femmes représentent un peu plus de la moitié de nos concitoyens, elles restent minoritaires, voire très minoritaires, dans les rangs des élus. En outre, leur représentation a bizarrement tendance à diminuer à mesure qu’on s’éloigne de l’échelon local.

De plus, compte tenu des circonstances, il semble qu’il faille encore rappeler à quel point la parité est un véritable enjeu de société. C’est un point essentiel dans la démocratie et dans l’implication de toute la société en politique. Cet aspect prend toute sa valeur si l’on considère la progression de l’abstention au cours de ces dernières années.

En d’autres termes, notre attachement à la parité vise non pas à remplacer une élite masculine par une élite féminine, mais à permettre à un plus grand nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens de participer à la vie politique et d’investir les lieux de décisions.

À ceux de nos collègues tentés de me répondre que la parité n’a pas besoin d’incitation légale ou que le mode de scrutin n’y fait rien, je rappelle une phrase prononcée par ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat lors du débat de 1999 : « Si l’égale capacité des femmes est une réalité aussi ancienne que le partage de l’Humanité entre hommes et femmes, c’est la volonté politique et la loi qui ont fait que les études, les grandes écoles, les corps de l’État leur sont peu à peu ouverts. »

Mes chers collègues, ne soyons pas en 2009 en-deçà de ce qui a été fait en 2000 ! Ne décidons pas, à partir d’une vision technocratique de notre territoire, d’une réforme des collectivités qui complique nos institutions et éloigne un peu plus les élus de terrain de leurs électeurs !

Comme vous l’avez compris, en l’état actuel, je ne peux pas accepter l’article préparant une réforme qui n’amène rien de bon pour les femmes. C’est pourquoi je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l’article.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 1er du présent projet de loi tend à réduire de moitié la durée du mandat des conseillers généraux qui seront élus en 2011.

Notons d’abord que cette décision n’a, de fait, aucun caractère d’urgence. On se demande d’ailleurs pourquoi ce texte a été soumis à la procédure accélérée, alors qu’elle n’était nullement nécessaire.

En fait, l’intention de réduire de moitié la durée d’un mandat électif marque la volonté de tronquer toute possibilité d’action réelle des futurs élus. Compte tenu des réformes en cours ou annoncées et de la date prévue pour leur mise en œuvre, les quatre années seront peut-être quatre années perdues, du fait d’une déstabilisation des ressources des conseils généraux et de l’insécurité juridique instaurée durant cette période de transition.

Les exécutifs des conseils généraux auront du mal à se projeter dans un avenir aussi incertain, ce qui sera dommageable pour l’investissement et le développement des services publics.

Cette réforme réduira d’ailleurs les actions de solidarité de nos départements, qui sont pourtant – il faut bien l’avouer – de très efficaces amortisseurs des difficultés sociales rencontrées par nos concitoyens. Notre pays attend des réformes, certes, mais bien différentes de celles que vous nous proposez : nous avons besoin de plus de justice sociale et fiscale !

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui vise à supprimer dès 2014 les conseillers généraux ou, plutôt, à les dissoudre et à les faire disparaître en changeant leur nom, leur territoire et leur mode d’élection.

Comme vous n’avez pas pu supprimer purement et simplement les départements d’un coup, vous avez décidé de les agresser jusqu’à mort s’ensuive. Ces agressions, petites ou grandes, n’ont en réalité qu’un seul objectif : faire disparaître les départements.

Le premier signe visible et symbolique fut sans aucun doute la suppression de la référence départementale dans les plaques minéralogiques des véhicules français. Puis, vous avez alourdi les charges des départements, et ce sans compenser à l’euro près, comme vous vous y étiez engagé.

Monsieur le secrétaire d’État, dans l’Allier, département que vous allez très bientôt apprendre à connaître, le montant qui n’a pas été compensé pour honorer les dépenses s’élève à 73 millions d’euros !

En outre, vous avez dit pis que pendre de tous ces élus, trop nombreux et qui coûtent trop cher…

Avec ce projet de loi, qui est l’un des volets de la réforme territoriale, vous vous attaquez cette fois à ceux qui représentent cette institution : les conseillers généraux. Ils sont 4 182 élus sur tout le territoire, représentant chacun leur canton au sein des conseils généraux.

Si votre réforme était demain adoptée, ils disparaîtraient au profit d’élus hybrides, à la fois conseillers pour la région et le département. En réalité, ils disparaîtront parce qu’ils vous dérangent.

Élus d’un petit territoire, ils connaissent celui-ci très bien. Proches des habitants, élus de terrain, ils rencontrent la population, ainsi que les maires, ces maires dont le tour viendra sans doute un peu plus tard, lentement mais sûrement, avec l’émergence des communes nouvelles !

De votre point de vue, cette proximité, voire cette complicité, entre élus et citoyens amène à une trop grande attention aux besoins des populations et, de ce fait, crée des dépenses que vous jugez anormales, excessives et, pour tout dire, inutiles.

Ce sont pourtant des dépenses publiques pour l’intérêt général. Elles ne créent pas de profits, mais elles bénéficient aux populations. C’est cela que vous jugez inadmissible, car le marché est encore absent de ces services de proximité !

Les conseillers généraux sont, par vocation, des élus sensibles aux difficultés de nos concitoyens. La compétence sociale du département les conduit à s’intéresser en priorité aux plus modestes d’entre eux. Vous avez donc décidé la suppression de ces élus.

Demain, de nouveaux représentants de territoires plus vastes devront gérer de nombreux domaines. De représentants du peuple, ils deviendront définitivement des gestionnaires moins disponibles, moins présents et sans doute moins sensibles aux problèmes des gens.

Monsieur le secrétaire d’État, cette réforme nous apparaît dangereuse, pour les plus pauvres, pour l’intérêt général et pour la démocratie.

C’est la raison pour laquelle je voterai contre cet article et contre ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l'article.

M. Yannick Botrel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte qu’on nous présente aujourd’hui suscite, à l’évidence, de nombreuses questions.

Il pose d’abord un problème de cohérence, puisque le Gouvernement veut nous faire voter une loi anticipant la création du conseiller territorial avant que cette proposition n’ait été elle-même débattue sur le fond par le Parlement. Cela montre une nouvelle fois l’absence de rigueur qui est imposée au travail législatif.

De surcroît, les échanges que nous avons eus depuis l’ouverture du débat laissent perplexe, aucune réponse n’ayant été apportée à des questions fondamentales. Combien y aura-t-il de conseillers territoriaux par département ? Avec quels ratios ? Quelles seront les modalités retenues pour en déterminer le nombre ? Quelle sera la représentation des territoires ? Quelle parité ?

À chaque fois que ces questions ont été posées, le secrétaire d'État a invariablement répondu que ce n’était pas le sujet ou que ce point serait examiné plus tard.

Ainsi, vous attendez des sénateurs qu’ils se prononcent sur la concomitance des élections des conseils régionaux et des conseils généraux, alors qu’il n’échappe à personne que ce n’est pas véritablement le sujet.

Pour apercevoir le vrai sujet, il faut regarder au-delà du décor planté avec ce projet de loi sur la concomitance, qui n’est somme toute qu’un trompe-l’œil.

En réalité, l’objectif est de changer radicalement le mode de désignation des élus du peuple dans les deux assemblées, régionale et départementale, de modifier de la même manière la nature de l’exercice des mandats de conseiller général et de conseiller régional refondus dans un mandat de conseiller territorial et, enfin, de modifier la nature des compétences des collectivités territoriales.

En somme, avec ce projet de loi sur la concomitance, vous nous demandez, contre toute logique politique ou de chronologie calendaire, d’anticiper sur un débat fondamental relatif à la réforme de notre organisation territoriale.

Le conseiller territorial que ce texte vise à instituer siégera à la fois au conseil général de son département et au conseil régional. C’est un moyen pour le Gouvernement de supprimer le quart des cantons, c’est-à-dire un millier de cantons ruraux, et ce dans des territoires où le contact effectif avec les élus est essentiel pour nos concitoyens.

Dans ces nouveaux cantons, les conseillers territoriaux seraient élus au scrutin uninominal à un tour, mode de scrutin qui présente des risques démocratiques indéniables. Ainsi, si ce scrutin avait été mis en place en 2008, 10 % des résultats des élections auraient été inversés et ce taux aurait été porté au double en 2009. Comment, dès lors, ne pas y voir une manœuvre purement politique et électoraliste de la majorité ?

En représentant à la fois les régions et les départements, le conseiller territorial cumulera les fonctions de conseiller régional et de conseiller général, qui sont éloignées, car il y a peu de chevauchements de compétences entre les départements et les régions. Il en résultera un risque de confusion des genres et de conflits d’intérêts quant à la gestion respective des deux collectivités concernées.

Le conseiller territorial parviendra-t-il à se départir du tropisme départemental lorsqu’il siégera à la région, et inversement ? Quel objectif vise-t-on ? S’agit-il d’affaiblir le département, de balkaniser la région ? Je ne crois pas qu’il soit possible de trouver un point d’équilibre dans la situation que l’on va créer.

Nous voudrions être sûrs que, au-delà de la réforme annoncée en 2014, ne se profile pas une autre étape qui mènera, à terme, à la suppression d’un échelon de collectivités, lesquelles auront été préalablement réduites à l’impuissance budgétaire et politique.

Ce projet de loi est donc un véritable chèque en blanc qui est demandé aux parlementaires au profit de l’exécutif. Il marque un recul indéniable de la liberté de gestion des collectivités territoriales et signifie, sans conteste, le grand retour des centralisateurs.

Telles sont les raisons qui justifient notre opposition résolue à cette grande manipulation.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l'article.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 1er de ce projet de loi vise à réduire à trois ans la durée du mandat des conseillers généraux qui seront élus en mars 2011, au nom de l’application d’une réforme à venir sur les collectivités territoriales et d’un projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux à partir de 2014.

Nous nous interrogeons, à juste titre, sur la démarche qui consiste à anticiper cette échéance.

Que se passerait-il si, à l’issue des futurs débats parlementaires, la réforme des collectivités territoriales, la création des conseillers territoriaux et leur mode de désignation n’étaient pas votés dans un sens qui rende utile le texte que nous sommes en train d’examiner ? Au nom de quoi le Gouvernement préjuge-t-il l’adhésion d’une majorité du Parlement à des réformes qui suscitent beaucoup de remous en son sein, si ce n’est au nom de l’esprit supposé « godillot » de sa majorité ? Un scrutin récent prouve pourtant qu’il peut y avoir des surprises !

Le Parlement a-t-il déjà été plus méprisé ? N’y siégeant que depuis un peu plus d’un an, j’ai sans doute moins de recul que d’autres parlementaires pour en juger. Je sais, en revanche, qu’une telle attitude méprisante serait inacceptable dans la vie courante. Qu’elle soit appliquée au Parlement, institution la plus représentative de la République, me choque profondément !

Voilà un an et demi, une réforme constitutionnelle a été votée à une voix de majorité, le groupe socialiste auquel j’adhère s’y étant opposé. Le Gouvernement avait pris à parti l’opinion en proclamant que cette réforme constitutionnelle améliorerait les conditions de travail du Parlement et revaloriserait son rôle.

Quelle tartuferie ! Chaque semaine, depuis la mise en œuvre de cette réforme au printemps dernier, on voit nos conditions de travail se dégrader. Combien de week-ends les sénateurs ont-ils siégé depuis deux mois ? Combien de week-ends les fonctionnaires des services ont-ils été à la peine pendant le même temps ?

Par ailleurs, tous les projets de loi sont examinés désormais sous le régime de la procédure accélérée, avec une seule lecture dans chaque chambre. La deuxième lecture est devenue une curiosité juridique, qui ne demeurera bientôt plus dans les textes qu’à titre de témoignage historique ! Voilà pour l’amélioration des conditions du travail parlementaire !

Il y a gros à parier que la simplification induite par la réforme des collectivités territoriales ne sera pas plus efficace.

Il en est de même du renforcement de la démocratie locale auquel fait pourtant référence l’intitulé du projet de loi à venir relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale.

Selon le projet de loi, les élus qui rempliront le mandat de conseiller général, c’est-à-dire qui représenteront un canton redécoupé, seront automatiquement conseillers régionaux. Certains, il est vrai, cumulent déjà les deux mandats, d’autres souhaitent les cumuler, d’autres encore ne le souhaitent pas. Mais voilà que le Gouvernement rend désormais le cumul obligatoire. C’est original !