M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord évoquer la tragédie qui frappe Haïti, où, comme vous le savez, un séisme de forte magnitude a dévasté toute la partie ouest de l’île.

De très nombreux bâtiments se sont effondrés ou ont été fortement endommagés, et nous déplorons de très nombreuses victimes. Nous sommes actuellement sans nouvelle d’environ 200 ressortissants français.

Je partage l’inquiétude de la gendarmerie pour deux gradés qui servaient en Haïti sous la bannière de l’ONU et dont nous sommes sans nouvelle, comme me l’a rappelé ce matin le général Gilles.

J’ai naturellement demandé que le maximum de moyens disponibles soient acheminés le plus rapidement possible sur place afin que nous puissions contribuer aux recherches et aux secours.

Dans ce cadre, je précise en préambule à la Haute Assemblée que des renforts comprenant trente-six gendarmes, pour sécuriser et éviter les débordements, les excès, les pillages et les atteintes diverses pouvant survenir lors de drames de cette nature, et soixante pompiers ont été acheminés immédiatement à partir de la Martinique. Quatre détachements d’environ soixante-dix hommes comprenant des pompiers et des gendarmes sont également envoyés à partir de la métropole. Deux détachements sont déjà arrivés sur place.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’occasion qui m’est offerte aujourd’hui de pouvoir m’exprimer devant la Haute Assemblée sur la situation actuelle de la gendarmerie nationale ainsi que sur les perspectives d’évolution ouvertes par la loi du 3 août 2009.

Autant le dire tout de suite, cela ne surprendra personne, je partage l’avis Mme Gisèle Gautier et de MM. Jean Faure et Joseph Kergueris : il est encore beaucoup trop tôt pour dresser un bilan.

Je suis le premier motivé par l’établissement d’un bilan, mais encore faut-il laisser passer un peu de temps pour pouvoir mesurer les effets, apprécier les correctifs et les améliorations à apporter, s’il y en a, et estimer les aspects positifs.

J’observe que le législateur a souhaité que le Gouvernement effectue, au bout de six mois, un bilan des textes d’application de toutes les lois promulguées.

S’agissant plus particulièrement de la loi relative à la gendarmerie, j’ajoute qu’un rapport spécifique doit être publié tous les deux ans, en plus des points qui seront évidemment faits lors de chaque discussion budgétaire.

Puisque les clauses de rendez-vous existent déjà, il aurait été peut-être opportun d’attendre les échéances normales, sans compter qu’à force de faire des bilans nous risquons d’en oublier l’objectif.

Cela étant, j’ai bien entendu les observations que vous avez faites et que Jean-Marie Bockel m’a rapportées il y a quelques instants. Elles témoignent toutes de notre attachement commun à la gendarmerie nationale.

Un des hommages que je rends régulièrement à la gendarmerie est de savoir s’imprégner du tissu local, de nouer avec les élus locaux des liens personnels forts. C’est le talent de la gendarmerie que de savoir le faire avec autant d’habileté et d’efficacité.

Sur toutes les travées, vous avez manifesté votre volonté de pérenniser et de conforter une institution qui assure avec efficacité et proximité un service public de sécurité.

En revanche, je m’inscris en faux contre les allégations et les insinuations formulées à l’encontre du Gouvernement concernant l’avenir de cette institution.

Je n’ai pas à douter a priori de la sincérité des uns et des autres, notamment de M. Mirassou, mais je ne peux pas partager leurs inquiétudes !

Conformément aux orientations du Président de la République, nous avons mis en œuvre une architecture rénovée de la sécurité, dans le respect de l’identité des deux forces, gendarmerie et police nationales. M. le président de Rohan a évoqué les déclarations de mon prédécesseur Michèle Alliot-Marie : à aucune étape de la discussion, vous n’avez entendu dans sa bouche le mot « fusion ». Quand j’ai pris mes fonctions de ministre de l’intérieur, j’ai poursuivi la discussion de ce projet de loi devant l’Assemblée nationale et pas une seule fois je n’ai évoqué la fusion : au contraire, j’ai toujours précisé qu’il s’agissait de maintenir deux entités distinctes.

Puisque Mme Klès parlait de méthode, je souhaiterais rappeler d’abord d’où nous venons, pour vous exposer ensuite vers où nous allons et comment.

La loi du 3 août 2009 est une loi importante, elle constitue la première réforme d’envergure pour la gendarmerie depuis deux siècles : M. Jean Faure a rappelé le caractère historique de ce texte, je n’y reviens donc pas. Depuis 2002, la gendarmerie était placée pour emploi auprès du ministre de l’intérieur pour ses missions de sécurité intérieure. Depuis mai 2007, les ministères de l’intérieur et de la défense définissaient conjointement ses moyens budgétaires, et la loi de finances pour 2009 a placé le programme « Gendarmerie » sous l’unique responsabilité du ministre de l’intérieur. Mais il restait à régler la question du rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

Nous sommes donc allés au bout de cette logique et ce rattachement a été réalisé : comme vous le savez, et comme j’ai eu l’occasion de le rappeler il y a quelques instants, lors d’une présentation à la presse, depuis le 23 novembre 2009, le directeur général de la gendarmerie nationale et son cabinet sont installés au ministère de l’intérieur, place Beauvau.

Il était essentiel de conduire cette réforme sans porter atteinte à ce qui constitue l’identité de la gendarmerie et il fallait donc, pour dissiper tout malentendu, réaffirmer clairement le statut militaire de cette institution. J’ajoute que cette évolution s’inscrit dans le mouvement plus global de la modernisation de l’État territorial et, par voie de conséquence, du ministère de l’intérieur.

Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur répond d’abord à une exigence d’efficacité. N’oublions pas que nos compatriotes n’entrent pas dans ces détails d’organisation, mais nous demandent tout simplement d’assurer leur protection. Ils expriment une attente d’autorité, de protection, de justice et nous devons donc réfléchir au meilleur moyen de répondre à cette triple attente. Je pense que cette initiative apporte une réponse, en nous permettant de nous adapter en permanence, dans nos modes d’action et dans notre organisation.

Chacun en sera d’accord, une plus grande efficacité suppose d’abord une meilleure cohérence dans l’utilisation des moyens. C’est pour cette raison que ce rapprochement s’est imposé comme une nécessité, dont je suis convaincu qu’elle sera démontrée : je vous donne rendez-vous dans quelque temps. Les mutualisations entre la police et la gendarmerie améliorent l’efficacité opérationnelle tout en diminuant les coûts, sans pour autant conduire à la fusion de nos deux institutions.

J’ai bien entendu, naturellement, vos interrogations portant sur les effectifs, mesdames, messieurs les sénateurs. Cet argument est recevable, mais permettez-moi de vous faire part de deux réflexions.

Premièrement, notre pays a créé un million d’emplois dans les services publics depuis vingt ans. Croyez-vous sincèrement que ce processus peut continuer indéfiniment ? La France est certes une grande puissance, mais elle est touchée, comme tous les autres pays, par une crise très importante : pensez-vous que nous pourrons continuer à créer toujours davantage d’emplois dans les services publics ?

Mme Virginie Klès. De là à tout supprimer !

M. Brice Hortefeux, ministre. Franchement, si vous le pensez, n’hésitez pas à le dire à l’opinion publique !

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. Deuxièmement, la question des effectifs est bien sûr importante. Mais, pour répondre à la demande de protection, d’autorité et de justice exprimée par nos concitoyens, il ne suffit pas de prévoir des effectifs, il faut aussi repenser l’organisation, la méthode, les moyens matériels, techniques et scientifiques. Ne résumez pas l’enjeu à une question d’effectifs, parce que ce serait une simplification abusive !

Beaucoup de projets ont été conduits en commun par la police et la gendarmerie avant la loi du 3 août 2009 : je pense notamment à l’acquisition d’équipements, tels les véhicules ou l’armement ; je pense aussi à la mise en commun de certains moyens coûteux, tels les hélicoptères, dont la mise à disposition au profit de la police évite une acquisition redondante. Cette mutualisation fonctionne bien : la police peut désormais utiliser un certain nombre d’hélicoptères de la gendarmerie, alors qu’elle était auparavant limitée à un partenariat avec la sécurité civile. Nous avons donc élargi notre palette de moyens afin de renforcer notre efficacité ; les travaux se poursuivent dans ce sens, avec la mutualisation des formations spécialisées des enquêteurs, des motocyclistes, des équipes cynophiles ou des plongeurs, par exemple.

De plus, la définition de normes communes et de systèmes compatibles en matière d’information et de communication permettra de développer des programmes d’équipements adaptés aux besoins des deux institutions. Vous savez qu’aujourd’hui la police, la gendarmerie et la sécurité civile utilisent trois systèmes de communication différents, les réseaux ACROPOL, RUBIS et ANTARES : il faut naturellement évoluer vers un système commun. Ne vous y trompez pas : pas un seul de vos électeurs ne connaît l’existence de ces trois systèmes, ils sont même tous convaincus que nous avons déjà évolué sur ce point. Cette évolution indispensable doit donc être poursuivie : rechercher la rationalisation des dépenses publiques est un objectif que nous partageons tous !

J’observe avec satisfaction que Mme Escoffier, initialement inquiète, exprime aujourd’hui sa satisfaction : vous connaissez bien, madame la sénatrice, par votre expérience d’élue, mais aussi par votre expérience professionnelle, cette situation et vous constatez que cette nouvelle organisation porte déjà ses fruits.

Désormais directeur d’une administration centrale du ministère de l’intérieur, le directeur général de la gendarmerie nationale est installé avec son cabinet, comme je l’ai déjà dit, depuis le 23 novembre 2009, place Beauvau. Au-delà des mots, il s’agit d’une réalité humaine concrète : la discussion s’instaure immédiatement avec le directeur général de la police ; pour les réunions, il n’est plus besoin de courir les uns après les autres à travers Paris. Un nouveau mode de fonctionnement humain s’est donc établi au quotidien et cette nouvelle situation permet d’associer la gendarmerie aux décisions beaucoup plus en amont qu’auparavant, parce que le directeur général de la gendarmerie nationale bénéficie, avec ses collaborateurs, d’une nouvelle proximité avec le ministre et son cabinet – nous nous voyons tous les jours –, le directeur de la police ou les représentants de la préfecture de police, etc. Le fonctionnement concret est désormais beaucoup plus clair et beaucoup plus simple. Cette implantation permet également d’améliorer la connaissance mutuelle et crée ainsi les conditions d’une véritable cohésion entre les deux forces de sécurité de la République.

De fait, monsieur Kergueris, les échanges d’informations entre la police et la gendarmerie sont effectivement beaucoup plus rapides, plus denses et plus intenses, ce qui ne peut avoir qu’une traduction bénéfique sur le terrain dans la lutte contre la délinquance.

La meilleure démonstration de la pertinence de notre choix nous est donnée par les résultats : je les ai communiqués publiquement ce matin et je n’y reviendrai pas dans le détail, l’occasion se présentera certainement lors d’autres débats. Cette année, la délinquance baisse une nouvelle fois. Vous vous en souvenez certainement, sur les huit premiers mois de l’année, la tendance était à la hausse, mais cette hausse a été bloquée en septembre et inversée de manière forte en octobre, novembre et décembre (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…

Mme Virginie Klès. De manière forte ?

M. Brice Hortefeux, ministre. … de telle sorte que nous pouvons terminer l’année avec une baisse générale de la délinquance supérieure à celle de l’année dernière. Si nous avons pu inverser la tendance en quatre mois, cela prouve qu’une volonté, une détermination, une mobilisation, une organisation différente ont permis d’obtenir des résultats. Cette tendance à la baisse est donc confirmée pour la septième année consécutive. La gendarmerie nationale contribue largement à ces résultats puisque, dans sa zone de compétences, nous avons enregistré une baisse de la délinquance de 2,1 %. M. Kergueris a donc eu raison de souligner la qualité du travail des gendarmes, accompli dans le seul souci de la sécurité de nos concitoyens.

La loi du 3 août 2009 est la meilleure garantie d’un maintien du statut militaire de la gendarmerie, qui a été réaffirmé depuis deux siècles de manière constante et qu’il n’a jamais été question de remettre en cause. La police et la gendarmerie ont chacune leur culture, leur histoire, leur identité. Je pense même que la différence de statuts, loin de constituer un handicap, peut s’avérer un atout, car elle apporte une forme de diversité.

Dès l’annonce de sa volonté de rattacher la gendarmerie au ministère de l’intérieur, le Président de la République s’est engagé publiquement, clairement et sans ambiguïté à maintenir et garantir le statut militaire de l’arme.

La gendarmerie nationale conserve une pleine compétence en matière de police judiciaire, d’ordre public, de missions de renseignement ou dans le domaine international, comme l’ont rappelé à juste titre le président Josselin de Rohan et Mme Gautier.

En outre, par le respect du principe des zones de compétence territoriale, il n’est pas question de diminuer les effectifs d’une force pour renforcer l’autre, mais d’assurer une meilleure coordination sur le terrain et un appui mutuel lorsque les circonstances l’exigent.

L’équilibre passe également par la parité globale de traitement, qui ne signifie pas que toute mesure prise pour une force doive se traduire strictement à l’identique pour l’autre. Il est, en revanche, indispensable que la mise en œuvre d’une mesure concernant une force puisse être évaluée à l’aune de ses conséquences sur l’autre force, afin que le traitement des personnels de chacune soit globalement équilibré, comme l’a rappelé avec raison M. Kergueris.

Comme l’a souligné Jean Faure, la loi définit la gendarmerie comme « une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois ». L’expression « force armée » n’est pas une simple formule : il est défini précisément par le code de la défense et le protocole additionnel aux conventions de Genève.

Si la loi indique clairement que la gendarmerie est placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur, elle reste cependant sous l’autorité du ministre de la défense pour l’exercice de ses missions militaires. Ce partage est tout à fait simple, clair, net et transparent !

La loi précise également les sujétions et obligations particulières fixées aux officiers et sous-officiers en matière d’emploi et de logement en caserne, maintenant ainsi la capacité de la gendarmerie départementale à assurer ses missions à tout moment et en tout lieu dans sa zone de compétence territoriale. Cela signifie que l’ancrage territorial de la gendarmerie, auquel vous êtes tous attachés, mesdames, messieurs les sénateurs, est préservé et conforté. Je précise bien, une nouvelle fois – il vaut mieux se répéter que se contredire ! – que nous n’avons aucune volonté, affichée ou latente, de « démilitariser » la gendarmerie.

Bien au contraire, j’ajoute que le recrutement dans les grandes écoles militaires des officiers et la formation initiale et spécifique des gendarmes sont maintenus ; que le ministère de la défense continue d’assurer une partie des soutiens, qu’il s’agisse de la santé, du paiement de la solde ou du transport opérationnel ; que la concertation dans la gendarmerie reste soumise aux règles en vigueur au sein des forces armées.

Sur ce dernier point, M. le président de Rohan évoquait tout à l’heure des propositions du sénateur Boulaud qui se voulaient « décoiffantes ». Je n’ai pris mes fonctions au ministère de l’intérieur qu’au mois de juin, mais j’ai déjà pu constater que les gendarmes savent parfaitement se faire entendre ! Ils savent passer par le canal des associations d’anciens officiers, ce qui permet aux messages de passer assez vite. Parfois même, quand je me déplace dans les brigades et les casernes, les conjoints de gendarme savent très clairement exprimer, avec le sourire mais parfois avec fermeté, leurs messages.

En raison du caractère militaire du statut, la création de groupements professionnels demeure proscrite : on ne peut pas à la fois demander le respect de l’identité militaire et la battre en brèche ! Il faut choisir : soit on demande le maintien de l’identité militaire de la gendarmerie et on est contre la création de groupements professionnels, soit on y renonce et on en tire un certain nombre de conséquences. Mais on ne peut pas vouloir les deux à la fois, sans s’exposer à un risque d’incohérence !

Dans le même esprit, la participation des gendarmes aux opérations extérieures, dans un cadre militaire ou civilo-militaire, permet de maintenir et de renforcer les liens avec leurs camarades des autres armées.

C’est le cas en Afghanistan, comme plusieurs d’entre vous l’ont évoqué. La gendarmerie nationale y forme la police afghane dans les conditions d’un théâtre de guerre. J’ai d’ailleurs assisté, avec le général Roland Gilles entre autres, au départ de 150 militaires qui exercent, dans des zones extrêmement sensibles, une mission particulièrement difficile et, pour être tout à fait clair, périlleuse. Je me rendrai sur place au mois de mars ou d’avril.

Ainsi, à l’instar de Mme Gautier et de M. Faure, je veux souligner la qualité de l’engagement et la compétence de nos gendarmes à l’étranger.

Enfin, la gendarmerie nationale participe à la modernisation du ministère de l’intérieur et de l’action de l’État territorial.

Sa relation avec les préfets est rénovée et clarifiée, comme l’ont également souligné Mme Gautier et M. Faure.

Selon les termes de la loi, dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, le responsable du commandement de la gendarmerie nationale est placé sous l’autorité du préfet et lui rend compte de l’exécution et des résultats de ses missions.

Sa première des missions consiste, bien entendu, à lutter contre la délinquance et à assurer la sécurité de nos concitoyens, grâce à une présence physique de proximité à leurs côtés. Tel est l’objectif prioritaire que j’ai fixé aux responsables de la gendarmerie.

Les textes d’application de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale ont été publiés ou sont en cours d’élaboration.

Comme l’a remarqué M. Jean Faure et pour répondre à l’interrogation de M. Joseph Kergueris, nous avons progressé, puisque 17 décrets et 9 arrêtés ont d’ores et déjà été publiés.

Les travaux se poursuivent dans un cadre interministériel et à un rythme soutenu. Il reste une vingtaine de textes à élaborer ou à toiletter. Je voudrais donc rassurer M. Kergueris sur la dynamique engagée. Nous serons très clairement au rendez-vous !

De par la suppression de la réquisition, la représentation nationale a souhaité encadrer précisément l’usage des armes, ce qui constitue une garantie, tant pour nos concitoyens que pour les militaires de la gendarmerie. Comme je m’y étais engagé lors de la présentation du texte, un décret d’application est en cours d’élaboration. Ce décret garantira une traçabilité complète des ordres donnés. De cette façon, je pense répondre à l’interrogation et au souhait de M. Jean Faure.

Il en sera de même, bien entendu, s’agissant des moyens militaires spécifiques de la gendarmerie utilisés dans le cadre du maintien de l’ordre.

En outre, je tiens à préciser que nous modernisons nos méthodes de lutte contre la délinquance.

Les règles en vigueur concernant la compétence territoriale tant de la police que de la gendarmerie ne sont pas remises en cause. Toutefois, des redéploiements entre les deux forces sont effectivement possibles. Ils sont même souhaitables en ce qu’ils permettent d’améliorer la cohérence et l’efficacité du dispositif de lutte contre la délinquance.

Le rapprochement des deux forces au sein du ministère de l’intérieur permettra de trouver, j’en suis convaincu, les répartitions les plus adaptées aux situations locales. Cela doit se faire au cas par cas et en étroite concertation avec les élus.

Tel est d’ailleurs l’objectif de la création de la police d’agglomération et de la police des territoires.

II s’agit tout simplement d’adapter l’organisation territoriale des forces de sécurité aux bassins de vie et de délinquance en mettant en place, ce qui constitue pour moi une préoccupation majeure, un commandement cohérent sur une zone donnée. Le dispositif doit, dans ce domaine également, être totalement transparent.

Comme le savent les élus parisiens, altoséquanais ou val-de-marnais qui sont présents, j’ai créé la police d’agglomération en septembre 2009, à Paris et dans les départements de la petite couronne – Val-de-Marne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis. (MM. Philippe Dominati et Christian Cambon acquiescent.)

J’ai par ailleurs demandé aux préfets concernés de conduire une concertation avec les élus pour étendre ce type de dispositif à Lille, Lyon et Marseille. Je souhaite vivement que cette concertation soit menée et je signale à ceux d’entre vous qui ne suivent pas en détail le déploiement de la police d’agglomération que les résultats obtenus sont très impressionnants. Je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous pencher dessus, car nous pouvons certainement en tirer des leçons.

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, nous procéderons à une mise en place très officielle de la police des territoires en 2010. Celle-ci a vocation à protéger l’espace et les flux, encore une fois en adaptant les modes d’action et en décloisonnant les zones d’intervention de ses unités.

Avant de conclure mon intervention, je souhaite répondre à M. Jean-Jacques Mirassou, qui me semble avoir fait une petite confusion lorsqu’il a avancé, pour les effectifs de sa brigade, un chiffre de neuf, voire huit gendarmes. Sur la communauté de brigades concernée, ces effectifs s’élèvent à près d’une trentaine de gendarmes. Pour être précis et complet, il aurait donc fallu citer ces deux éléments : on compte bien une trentaine de gendarmes pour le bassin de population que M. Mirassou a évoqué.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi relative à la gendarmerie nationale est, dans notre esprit, une nécessité pour la sécurité de nos concitoyens. Elle engage une réforme de fond, qui s’inscrit dans le long terme et qui ne pourra qu’amplifier nos résultats en matière de lutte contre la délinquance.

Il s’agit, non pas d’une révolution, mais d’une évolution. Cette évolution était nécessaire pour adapter les moyens aux besoins de notre époque, sans mettre en cause les spécificités qui font l’efficacité d’ensemble des forces de sécurité intérieure.

Soyez certains que je veille à ce qu’elle se fasse dans un souci d’équilibre, de complémentarité et d’efficacité, et je saisis cette occasion pour rendre hommage, devant le Sénat, aux militaires de la gendarmerie nationale et à l’ensemble des forces de sécurité intérieure. Je leur exprime mon soutien, mon affection et ma confiance dans l’action qu’ils mènent au service de la paix publique et du respect du droit. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Témoignage de solidarité envers le peuple haïtien après le séisme de Port-au-Prince

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à la demande du président du Sénat, qui assiste en ce moment à des obsèques, et avec M. Bernard Piras, président du groupe d’amitié France-Caraïbes, je voudrais exprimer la solidarité du Sénat tout entier avec le peuple haïtien dans la dramatique épreuve du terrible séisme qui a dévasté la ville de Port-au-Prince, faisant plusieurs dizaines de milliers de victimes.(Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)

Inquiétude supplémentaire, le bâtiment du Parlement s’est effondré et nous sommes sans nouvelles du président du Sénat haïtien, M. Kelly Bastien, de sénateurs et de fonctionnaires de cette assemblée avec lesquels nous entretenons des relations étroites, dans le cadre d’une coopération parlementaire particulièrement active depuis 2006.

En cet instant, nos pensées et notre compassion vont aux familles des victimes, notamment aux Français d’origine haïtienne, qui sont sans nouvelles de leurs proches, comme nous sommes toujours sans nouvelles de plus de deux cents de nos ressortissants.

Puisse la France apporter tout son soutien à un pays qui nous est lié par l’histoire et l’amitié.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, notre regard et notre cœur sont tournés vers Port-au-Prince, si cruellement frappé, si dramatiquement dévasté.

Une ville a sombré, et le bilan semble terrible sur le plan humain. Les premiers témoignages et informations qui nous parviennent confirment un chaos indescriptible, sidérant d’horreur, pour tout dire. Ce désastre brutal frappe de plein fouet un peuple démuni, attachant, mais sur lequel un destin implacable semble s’acharner.

Je veux vous dire que la France est aux côtés du peuple haïtien, qui a subi tant d’épreuves et avec lequel nous entretenons une amitié si ancienne.

Nous mobilisons tous nos moyens pour tenter de sauver ce qui peut l’être. Dès hier, trois avions des forces armées stationnés aux Antilles ont acheminé à Port-au-Prince quarante gendarmes et agents de sécurité civile, ainsi que trois tonnes de fret. Ils ont pu, au retour, évacuer quatre-vingt-onze ressortissants français.

Aujourd’hui, en milieu de journée, un nouvel avion quittera Pointe-à-Pitre pour Port-au-Prince avec quatre-vingts personnes et cinq tonnes de fret à bord. Plusieurs détachements en provenance de Brignoles et de la région parisienne, comportant des gendarmes et des médecins, sont sur le point de partir pour Haïti.

Je veux également rendre hommage à la réactivité et à la mobilisation dont font preuve l’ensemble des ONG françaises, ainsi que la communauté haïtienne de France.

J’aurai l’occasion, cet après-midi, de participer avec Bernard Kouchner à la réunion qu’organise le Président de la République sur la situation en Haïti. Nous y prendrons d’autres mesures afin d’amplifier l’effort de solidarité de notre pays, à la fois pour lutter contre les conséquences immédiates de cette catastrophe, mais aussi pour participer, aux côtés des États-Unis, du Brésil et des autres pays de la région, à la reconstruction d’Haïti.

6

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.

grippe a

M. le président. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Je tiens tout d’abord à remercier M. le Premier ministre des informations qu’il vient de nous communiquer à propos du drame d’Haïti et de l’intervention de la France. Nous ne doutons pas que notre pays fera face à ses obligations de secours immédiats et participera à l’effort de reconstruction, conformément aux vœux du Président de la République et du Premier ministre.

Ma question s’adresse à Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Madame la ministre, après l’affaire du sang contaminé, la canicule et l’inscription, peut être à tort, du principe de précaution dans notre Constitution, quelle peut bien être la marge d’action des pouvoirs publics en matière de risque sanitaire ? Soit ils n’agissent pas et sont comptables de toute réalisation du risque, soit ils prennent la menace au sérieux et s’exposent à l’écueil inverse : se voir reprocher d’avoir « sur-réagi ».

C’est ce dernier cas de figure qui, aux dires de certains, vient de se produire avec la grippe A.

Un très important dispositif a été mis en place contre la pandémie, qui a touché trois millions de personnes et causé 269 décès en France.

Or le virus s’est révélé beaucoup moins virulent qu’on n’avait pu le craindre et la campagne de vaccination n’a pas rencontré le succès escompté. Les décisions prises se sont donc trouvées invalidées par les faits.

Nous ne vous blâmons pas d’avoir pris ces décisions, madame la ministre.

M. Nicolas About. Nous demandons seulement de la transparence.

La représentation nationale souhaite savoir par quel cheminement ces décisions ont été prises. En particulier, quel rôle ont joué l’OMS et les commissions d’experts ?

Nous aimerions également que la situation actuelle nous soit clairement exposée : nous savons que, sur les 94 millions de doses de vaccin qui ont été commandées et produites par les laboratoires, 88 millions sont toujours inutilisées. Des millions de doses d’antiviraux et un milliard de masques de protection ont aussi été achetés.

Enfin, à notre sens, la gestion des ressources humaines n’a pas été idéale. Pourquoi, en ce domaine, les outils prévus n’ont-ils pas été mis en œuvre ?

Combien, au total, cette opération va-t-elle coûter ?

Quels sont, et où en sont les accords avec les laboratoires ?

Les relations avec les professionnels de santé n’ont-elles pas souffert de cette crise ?

En bref, madame la ministre, quelles leçons tirez-vous de cette expérience ? (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux à mon tour exprimer mon émotion devant le drame épouvantable que vit le peuple haïtien. Sous l’égide du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères, le ministère de la santé s’impliquera évidemment totalement, comme il a commencé de le faire, pour apporter les secours sanitaires dont ce pays a tellement besoin.

Monsieur le président About, vous avez demandé de la transparence, et vous avez entièrement raison. C’est la démarche que j’ai toujours suivie depuis le début de cette crise, m’exprimant longuement et à plusieurs reprises devant les assemblées afin de répondre à toutes les questions posées par les parlementaires et d’expliquer précisément les décisions prises par le Gouvernement.

Comme d’autres pays, nous avons décidé de mener une large campagne de vaccination. En effet, cette grippe avait une typologie différente de celle des autres grippes et nous devions offrir à tous nos concitoyens qui le souhaitaient la possibilité de se faire vacciner.

Cette stratégie choisie par le Gouvernement s’explique par une raison technique, mais aussi par une raison éthique. Nous nous sommes référés à l’avis n° 106 du Comité consultatif national d’éthique, selon lequel, au nom du principe de l’égalité républicaine, dans le cadre d’une pandémie grippale, tous nos concitoyens qui le souhaitent doivent pouvoir être vaccinés.

Sur le plan technique, les autorités sanitaires nationales et internationales nous ont indiqué qu’il s’agissait d’une vaccination à deux doses mais que, à l’évidence, certaines personnes n’allaient recevoir qu’une seule dose. En tenant compte, là encore comme d’autres pays, d’un taux d’attrition de 25 %, nous avons donc acheté 94 millions de doses.

Le 20 novembre 2009, les autorités sanitaires internationales et européennes nous ont fait savoir que l’immunité pouvait être raisonnablement obtenue avec une seule dose. J’ai donc pris la décision de résilier l’acquisition 50 millions de doses.

M. René-Pierre Signé. Il n’y a pas de clause de résiliation !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sur les 44 millions de doses restantes, 5,5 millions ont déjà été utilisées et 10 millions ont été offertes à l’OMS. Compte tenu du taux de perte inéluctable, il nous reste donc environ 25 millions de doses. (M. René-Pierre Signé s’exclame.)

La campagne de vaccination ne fait que commencer ! Elle a débuté voilà deux mois et va se prolonger jusqu’en septembre. Le risque pandémique est toujours là, et nos compatriotes doivent se faire vacciner, car c’est la meilleure technique de prévention. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. René-Pierre Signé. Vous saviez pourtant comment les choses s’étaient passées à la Réunion !

soldats français tués en afghanistan

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.