Sommaire

Présidence de M. Bernard Frimat

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès, M. Jean-Pierre Godefroy.

1. Procès-verbal

2. Audition au titre de l'article 13 de la Constitution

3. Application de l'article 68 de la Constitution. – Renvoi à la commission d'une proposition de loi organique

Discussion générale : MM. François Patriat, auteur de la proposition de loi ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Jean-Pierre Bel, Mmes Anne-Marie Escoffier, Nicole Borvo Cohen-Seat, Catherine Troendle, M. Jean-Pierre Michel.

Clôture de la discussion générale.

Mme la ministre d’État.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 1 de la commission. – MM. le rapporteur, Jean-Pierre Michel. – Adoption par scrutin public.

Le renvoi à la commission de la proposition de loi organique est ordonné.

Suspension et reprise de la séance

4. Application de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale. – Discussion d'une question orale avec débat

Mme Virginie Klès, en remplacement de M. Jean-Louis Carrère, auteur de la question.

Mme Anne-Marie Escoffier, M. Jean Faure, Mme Michelle Demessine, MM. Joseph Kergueris, Jean-Jacques Mirassou, Mme Gisèle Gautier.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

5. Témoignage de solidarité envers le peuple haïtien après le séisme de Port-au-Prince

MM. le président, François Fillon, Premier ministre.

6. Questions d’actualité au Gouvernement

grippe a

M. Nicolas About, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

soldats français tués en afghanistan

MM. Didier Boulaud, Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

situation de l’emploi

Mme Isabelle Pasquet, M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

séisme à haïti

Mme Fabienne Keller, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

éducation nationale et ascension sociale

Mme Françoise Laborde, M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

fiscalité environnementale

Mme Nicole Bricq, M. François Fillon, Premier ministre.

conférence de londres sur l'afghanistan

MM. Josselin de Rohan, Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

relocalisations industrielles

MM. Serge Dassault, Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

jeunesse et prévention

Mme Raymonde Le Texier, M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.

violences scolaires

MM. Christian Cambon, Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Suspension et reprise de la séance

7. Décès d'un ancien sénateur

8. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

9. Création des maisons d'assistants maternels. – Adoption d'une proposition de loi (Texte de la commission)

Discussion générale : MM. Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi ; André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Alain Gournac, Mme Isabelle Pasquet, MM. Joseph Kergueris, Mmes Claire-Lise Campion, Françoise Laborde.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Isabelle Pasquet.

Amendements nos 26 de la commission, 1, 6 rectifié bis de Mme Isabelle Pasquet et 21 de Mme Claire-Lise Campion. – M. le rapporteur, Mmes Isabelle Pasquet, Brigitte Gonthier-Maurin, Claire-Lise Campion, M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. – Adoption des amendements nos 26 et 6 rectifié bis, les amendements nos 1 et 21 devenant sans objet.

Amendement n° 20 de Mme Claire-Lise Campion. – Mme Claire-Lise Campion, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Isabelle Pasquet, M. Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi. – Rejet.

Amendements nos 2 de Mme Isabelle Pasquet et 19 de Mme Claire-Lise Campion. – Mmes Isabelle Pasquet, Claire-Lise Campion, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Amendements nos 3 de Mme Isabelle Pasquet et 16 de Mme Claire-Lise Campion. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Claire-Lise Campion, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Joseph Kergueris. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 14 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Isabelle Pasquet. – Rejet.

Amendement n° 5 de Mme Isabelle Pasquet. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.

Amendement n° 25 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption.

Amendement n° 17 de Mme Claire-Lise Campion. – Mme Claire-Lise Campion, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.

Amendements nos 7 de Mme Isabelle Pasquet et 18 de Mme Claire-Lise Campion. – M. Guy Fischer, Mme Claire-Lise Campion, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption de l’amendement n° 7, l’amendement n° 18 devenant sans objet.

Amendements nos 8 de Mme Isabelle Pasquet et 15 de Mme Claire-Lise Campion. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Claire-Lise Campion, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 9 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.

Amendement n° 10 de Mme Isabelle Pasquet. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Retrait.

Amendement n° 11 de Mme Isabelle Pasquet. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d’État, Mme Isabelle Pasquet. – Rejet.

Amendement n° 22 rectifié de M. Jean-Marc Juilhard. – MM. Jean-Marc Juilhard, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2. – Adoption.

Article 3

Amendement n° 12 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Isabelle Pasquet.

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 4. – Adoption.

Articles additionnels après l'article 4

Amendement n° 23 de M. Jean-Marc Juilhard. – MM. Jean-Marc Juilhard, le rapporteur, le secrétaire d’État, Mmes Isabelle Pasquet, Claire-Lise Campion. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 24 de M. Jean-Marc Juilhard. – MM. Jean-Marc Juilhard, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 27 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d’État. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble

Mmes Claire-Lise Campion, Isabelle Pasquet, MM. Jean-Marc Juilhard, Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi ; le rapporteur, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; M. le secrétaire d’État.

Adoption de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance

10. Délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre. – Adoption définitive d’une proposition de loi (Texte de la commission)

Discussion générale : M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication ; Mme Colette Mélot, rapporteur de la commission de la culture.

M. Jack Ralite, Mme Muguette Dini, M. Serge Lagauche, Mme Françoise Laborde, M. Jean-François Humbert, Mme Claudine Lepage.

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Amendement no 2 de Mme Anne-Marie Escoffier. – Mmes Anne-Marie Escoffier, le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.

Adoption définitive de l'article unique de la proposition de loi.

MM. le ministre, le président.

11. Accompagnement d'une personne en fin de vie. – Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi (Texte de la commission)

Article 1er (suite)

Amendements nos 13 rectifié bis du Gouvernement et 8 de M. Jean-Pierre Godefroy (suite). – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Gilbert Barbier, rapporteur. – Retrait de l’amendement no 8 ; adoption de l’amendement no 13 rectifié bis.

Amendement n° 12 du Gouvernement et sous-amendement no 20 de M. Jean-Pierre Godefroy. – Mme la ministre, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme le rapporteur. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Amendement n° 16 du Gouvernement. – Mmes la ministre, le rapporteur. – Adoption.

Amendement n° 14 rectifié du Gouvernement. – Mmes la ministre, le rapporteur, M. Jean-Pierre Godefroy. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 1er

Amendement n° 10 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes le rapporteur, la ministre. – Retrait.

Amendement n° 11 de M. Jean-Pierre Godefroy. – M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes le rapporteur, la ministre. – Retrait.

Article 1er bis

Amendement n° 17 du Gouvernement. – Mmes la ministre, le rapporteur. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 2

Amendement n° 18 de la commission. – Mmes le rapporteur, la ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles 2 bis, 2 ter, 3 et 4. – Adoption

Article 5 (Suppression maintenue)

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Godefroy, Mme la président de la commission.

Adoption de la proposition de loi.

Mme la ministre.

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Jean-Pierre Godefroy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Audition au titre de l'article 13 de la Constitution

M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre, par lettre en date du 13 janvier 2010, a estimé souhaitable, sans attendre l’adoption des règles organiques qui permettront la mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution, de mettre la commission intéressée en mesure d’auditionner, si elle le souhaite, M. Alain Grimfeld, qui pourrait être prochainement renouvelé dans ses fonctions de président du Comité national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

Acte est donné de cette communication, et ce courrier est transmis à la commission des affaires sociales.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution
Discussion générale (suite)

Application de l'article 68 de la Constitution

Renvoi à la commission d'une proposition de loi organique

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution
Demande de renvoi à la commission (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution, présentée par MM. François Patriat et Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition de loi n° 69, rapport n° 187).

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Patriat, auteur de la proposition de loi organique.

M. François Patriat, auteur de la proposition de loi organique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter la proposition de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution qu’au nom du groupe socialiste j’ai rédigée et à laquelle Robert Badinter a apporté son expertise éclairée.

Cet article 68 constitue le corollaire de l’article 67 de la Constitution, relatif au statut juridictionnel du chef de l’État.

Les dispositions de ces deux articles résultent de la loi constitutionnelle du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution, largement inspirée du rapport de la commission de réflexion sur le statut pénal du Président de la République présidée par le professeur Pierre Avril.

La présente proposition de loi organique a pour objectif de combler une lacune.

En effet, le dernier alinéa de l’article 68 de la Constitution renvoie à une loi organique la fixation des conditions d’application de la procédure de destitution du Président de la République « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».

Mais, trois ans après l’adoption de la loi constitutionnelle, le Gouvernement n’a toujours pas pris l’initiative de présenter au Parlement un projet de loi organique.

Ainsi, monsieur le président de la commission des lois, vous soulignez, en votre qualité de rapporteur, que la proposition de loi organique que j’ai l’honneur de présenter « apporte les éléments complémentaires nécessaires à la mise en œuvre de la procédure prévue par l’article 68 de la Constitution », et je vous en remercie.

Cette proposition de loi, que j’ai voulue comme « l’application de la Constitution, rien que la Constitution, mais toute la Constitution », décrit les conditions de dépôt et d’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution portant réunion de la Haute Cour et les modalités de la procédure d’examen, de débat et de vote de la proposition de résolution.

Les principes de la révision du titre IX de la Constitution sont issus des travaux de la commission présidée par le professeur Pierre Avril, nommé par le Président Jacques Chirac en 2002. C’est, à peu de chose près, le texte de cette commission qui avait été déposé au Parlement et débattu en 2006 et en 2007.

Concernant le régime de la responsabilité du Président de la République, un principe simple avait été retenu : ce qui relève du politique doit être évalué dans un cadre politique ; ce qui engage la responsabilité personnelle du titulaire de la fonction doit être jugé par les voies juridictionnelles ordinaires.

Ainsi, la réforme constitutionnelle a précisé le statut juridictionnel du chef de l’État à l’article 67 en préservant le principe de l’irresponsabilité du Président de la République pour les actes accomplis en qualité de chef de l’État.

Quant à l’article 68, il introduisait dans notre Constitution une procédure de destitution du Président de la République en cas de manquement manifestement incompatible avec l’exercice de ses fonctions.

Je précise que la formulation retenue à l’article 68 visait à marquer sans ambiguïté que la destitution n’avait pas pour objet de mettre en cause la responsabilité pénale du Président de la République.

En effet, le législateur a voulu faire de cette procédure une procédure politique, au sens noble du terme, en vertu du principe selon lequel l’atteinte à une institution issue du suffrage universel ne peut être appréciée que par le représentant du peuple souverain.

Ainsi, le Parlement constitué en Haute Cour ne peut se prononcer sur la qualification pénale du manquement : il se prononce seulement sur l’atteinte portée à la dignité de la fonction, afin de rendre le Président de la République à la condition de citoyen ordinaire.

Cette possibilité de destitution est donc une procédure dépénalisée. Pour la Haute Cour, il s’agit non pas de se substituer à la justice afin de juger le chef de l’État, mais de se prononcer sur la capacité de ce dernier à poursuivre son mandat compte tenu des manquements qui lui seraient reprochés.

Aussi, siégeant en Haute Cour, les parlementaires ne deviennent pas des juges politiques ; ce sont des représentants prenant une décision politique afin de préserver les intérêts supérieurs de la nation.

Aujourd’hui, le chef de l’État bénéficie d’une double protection : d’une part, l’irresponsabilité, pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, et, d’autre part, l’inviolabilité, qui le protège des poursuites judiciaires pendant la durée de son mandat.

Cette double protection, tout à fait légitime, ne doit cependant pas faire obstacle à la mise en cause de la responsabilité du Président de la République dans l’hypothèse où il se montrerait indigne de sa fonction.

Or, en l’absence de loi organique, l’irresponsabilité du chef de l’État reste totale, ce qui constitue, avouons-le, une condition très exceptionnelle, voire anormale, dans le fonctionnement de nos institutions, qui porte atteinte à l’équilibre de ces dernières, voire à la sérénité nécessaire à leur bon fonctionnement.

Le Président de la République ne peut avoir tous les droits sans aucune contrepartie : ceux qui sont attachés à ses prérogatives constitutionnelles et ceux qu’il prétend exercer comme tout justiciable, comme le droit – on l’a vu récemment – de se porter partie civile alors que l’article 67 interdit toute réciprocité pour la partie adverse. Il ne peut rester dans cette position d’irresponsabilité « intégrale » et, en la matière, nous en convenons tous, le transitoire ne peut devenir la règle.

Près de trois ans après l’adoption de cette réforme constitutionnelle, alors que le Président de la République en exercice a dépassé la mi-mandat, il est plus que temps de remédier à cette situation.

Cette réflexion ne vise aucun Président de la République en particulier. Vous connaissez d’ailleurs, mes chers collègues, les critiques de fond émises par l’opposition, notamment le groupe socialiste du Sénat, sur cette révision constitutionnelle lors de son examen. Mais depuis, la loi a été votée : encore faut-il maintenant qu’elle s’applique. C’est tout simplement ce que nous demandons.

Je souhaite rappeler que, lors du débat parlementaire sur la réforme constitutionnelle, le problème de l’utilisation de cette procédure à des fins politiciennes avait bien sûr été soulevé, ce qui était d’autant plus fondé de la part du législateur que, dans le texte initial du Gouvernement, le principe de la nécessité d’une majorité absolue pour la réunion de la Haute Cour et le déclenchement de la procédure de destitution avait été retenu. Ce principe pouvait, en effet, entraîner un usage abusif de la nouvelle procédure par des majorités parlementaires de circonstances.

Aussi, pour garantir la stabilité de la fonction présidentielle, un amendement socialiste, déposé par notre collègue député André Vallini, avait introduit la règle de majorité des deux tiers au lieu de celle de la majorité absolue pour les décisions prises en application de l’article 68 par les membres composant l’assemblée concernée ou par la Haute Cour.

Vous vous étiez d’ailleurs félicité, monsieur le président de la commission des lois, de l’introduction de ce garde-fou contre l’utilisation intempestive de la procédure d’exception, la majorité des deux tiers offrant, selon vous, « les garanties nécessaires » à la mise en œuvre de celle-ci. « Ce renforcement de la majorité nécessaire au déclenchement de la procédure évitera un détournement à des fins partisanes », écriviez-vous ainsi dans le rapport.

Il semble cependant – et c’est bien ce qui nous choque un peu – que ces garanties ne suffisent plus aujourd’hui pour prévenir un usage abusif de cette procédure : la commission des lois n’aurait-elle pas sinon accepté de présenter un texte en séance aujourd’hui, sans attendre le dépôt d’un projet de loi ?

En effet, ce n’est pas le nombre de signataires requis pour le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour qui pose problème – sur le conseil de Robert Badinter, j’ai calqué ma proposition sur le modèle de la saisine du Conseil constitutionnel, et vous auriez pu proposer de l’amender afin que nous puissions au moins en débattre –, ni même, vraisemblablement, la composition du Bureau de la Haute Cour ou la possibilité pour le Président de la République de se faire représenter. Non, la vraie question est de savoir pourquoi et comment les garanties contre une hypothétique dérive politicienne votées hier par la majorité sont devenues insuffisantes aujourd’hui : qu’est-ce qui a changé en trois ans ?

La Constitution est notre loi commune. Faut-il prendre en compte, et défendre, une manière d’exercice du pouvoir par le Président de la République actuel qui conférerait une nouvelle interprétation de l’équilibre institutionnel, ce « jeu des équilibres délicats » que vous évoquez dans votre rapport, monsieur le président de la commission des lois ? Je ne veux pas le croire !

Cet exercice du pouvoir motive-t-il la nécessité que vous mentionnez d’appliquer un filtre à l’exercice de la procédure inscrite à l’article 68 en restreignant le nombre de résolutions de ce type susceptibles d’être déposées au cours d’un mandat présidentiel ?

Vous rappelez dans votre rapport que cette condition avait été évoquée par la commission Avril, qui préconisait qu’un membre du Parlement ne puisse être signataire que d’une seule proposition de réunion de la Haute Cour au cours du même mandat présidentiel. Cette condition n’a cependant pas été introduite dans le texte présenté à l’époque par le Gouvernement, ce dont la majorité parlementaire ne s’était pas autrement émue alors…

Ce filtre portant sur les conditions de recevabilité de la procédure, qui n’a pas été prévu par le texte constitutionnel, traduit-il l’intention initiale du législateur ?

Disons-le clairement : pourquoi craindre aujourd’hui plus qu’hier la possibilité donnée par cet article d’une forme de censure du Président de la République ?

Vous le savez pourtant, la procédure de destitution de l’article 68 dont nous parlons, possible dans le cas d’une véritable crise de fonctionnement institutionnel, se distingue tout à fait de la motion de censure qui s’inscrit dans le cadre normal du régime parlementaire. La destitution est en effet une situation exceptionnelle. C’est une mesure sanctionnant le comportement d’une personne, alors que la censure vise une autorité collégiale, le Gouvernement, et sanctionne sa politique.

Même sur ce point, informée des intentions du Gouvernement, la commission des lois avait la possibilité, et la liberté, de présenter aujourd’hui un texte amendé dans ce sens. En effet, s’agissant de la mise en œuvre d’une forme de responsabilité issue du suffrage universel, le Parlement est tout à fait dans son rôle pour élaborer un texte organique mettant en œuvre une procédure qu’il peut seul conduire, sans en référer à l’exécutif.

Sur un tel texte, ensemble, tous les groupes politiques de la Haute Assemblée peuvent utilement travailler à faire œuvre commune.

Mes chers collègues, cette proposition de loi organique n’est pas polémique. Elle ne pose pas des positions de principes propres au groupe socialiste. Elle tend seulement à rendre applicable une disposition de la Constitution qui concerne tout président de la République, en exercice ou à venir.

Sur le fond, s’en tenant à la transcription stricte de la Constitution, nous voulions qu’elle soit susceptible – et c’est dans cet esprit que nous l’avons conçue – de recueillir l’adhésion de la majorité afin de consolider utilement nos institutions.

Refuser d’en débattre, et éventuellement de l’amender, revient finalement à politiser la mise en œuvre d’une disposition constitutionnelle, qui est pourtant notre loi commune, ce qui conduira à la diminuer, donc à la fragiliser. Croyez bien que je le regrette. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, comme l’a rappelé l’auteur de la proposition de loi organique, l’article 68 de la Constitution institue une procédure de destitution du Président de la République « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Je rappelle que, avant la révision constitutionnelle, il était question de « haute trahison », notion incompréhensible sur laquelle les juristes se penchaient régulièrement, et qui n’a d’ailleurs jamais été appliquée.

Cet article 68 constitue, ainsi que M. Patriat l’a rappelé, le corollaire de l’article 67 de la Constitution relatif au statut juridictionnel du chef de l’État.

La loi constitutionnelle du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution, dont j’étais le rapporteur, était largement inspirée du rapport de la Commission de réflexion sur le statut pénal du Président de la République, présidée par le professeur Pierre Avril.

Le dernier alinéa de l’article 67 renvoie la détermination des conditions d’application de la procédure de destitution à une loi organique qui, à ce jour, n’a fait l’objet d’aucune initiative du Gouvernement, ce que l’on peut regretter.

La commission des lois a observé que la proposition de loi organique présentée par MM. François Patriat et Robert Badinter, ainsi que par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, répond à l’évidence à une lacune juridique touchant un aspect important du fonctionnement de nos institutions, même si elle vise, en pratique, des situations de crise mettant en cause le chef de l’État qui ne se sont jamais présentées sous la Ve République. Il y a bien eu, certes, la tentative individuelle d’un parlementaire que vous connaissez bien, monsieur Patriat, de déférer le précédent président de la République devant la Haute Cour, mais elle n’a jamais abouti, le nombre de signatures nécessaire n’ayant jamais pu être réuni. Il nous faut donc être extrêmement vigilants à ce qu’un tel dispositif ne puisse être utilisé à des fins politiciennes.

Le texte proposé prévoit de manière très complète les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de l’article 68 de la Constitution, même si, à titre personnel, je suis réservé quant à la répétition systématique dans la loi organique de dispositions déjà prévues dans la Constitution. Soit ces dispositions sont reproduites purement et simplement, soit elles sont quelque peu modifiées, ce qui peut poser des problèmes de compréhension entre les deux textes.

Néanmoins, comme le révèlent certains des choix opérés par les auteurs de la proposition de loi organique, ces dispositions organiques ne correspondent pas seulement à de simples mécanismes procéduraux ; elles mettent aussi en jeu des équilibres institutionnels justifiant une réflexion approfondie. D’ailleurs, l’élaboration d’une loi organique de mise en œuvre de la Constitution prend souvent beaucoup de temps. Les lois organiques issues de la dernière révision constitutionnelle n’ont pas échappé à cette règle, certaines dispositions faisant l’objet de désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Je souhaiterais attirer plus particulièrement votre attention sur trois points.

Le premier sujet de réflexion concerne le nombre de signataires et, plus généralement, les conditions requises pour le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour.

La proposition de loi organique prévoit que la proposition de résolution doit être déposée par soixante députés ou soixante sénateurs, soit, comme nous sommes deux fois moins nombreux que nos collègues députés, une proportion deux fois plus grande de sénateurs. Le rapport de la commission Avril recommandait que la proposition soit signée par le dixième des membres de l’assemblée concernée, reprenant sur ce point les anciennes dispositions des règlements du Sénat et de l’Assemblée nationale concernant le nombre minimal de signatures exigées pour une proposition de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de justice.

Si l’on peut s’interroger sur le nombre de signataires nécessaire, on peut également se demander si cette condition est par elle-même suffisante pour éviter un usage abusif de la proposition tendant à la réunion de la Haute Cour. La commission Avril suggérait qu’un membre du Parlement ne puisse être signataire que d’une seule proposition de réunion de la Haute Cour au cours du même mandat présidentiel. Selon le rapport de cette commission, « si la motion initiale n’aboutit pas mais que des circonstances ultérieures justifient une nouvelle proposition de réunion, celle-ci restera possible, à condition d’être signée par d’autres que ceux qui avaient pris la première initiative infructueuse ».

Faut-il prévoir d’autres mécanismes, comme, par exemple, la possibilité que l’assemblée ne soit pas appelée à délibérer d’une motion si le Bureau s’y oppose à l’unanimité ? 

Le deuxième sujet de réflexion concerne la composition du Bureau de la Haute Cour et le rôle qui lui est imparti.

Tout d’abord, le choix de faire du Bureau de la Haute Cour la réunion des Bureaux des deux assemblées ne conduit-il pas à doter cette instance d’un effectif trop important – 48 personnes ! –, qui ne paraît pas adapté au rôle décisionnel qui lui serait confié ?

Surtout, les décisions du Bureau devraient-elles être prises au cas par cas, ou prendre la forme d’un règlement ? Certains des professeurs de droit constitutionnel que j’ai entendus, dans le bref délai dont je disposais, ont jugé souhaitable que tous les aspects de la procédure soient réglés avant que ne soient mises en œuvre les dispositions de l’article 68. D’aucuns, au contraire, peuvent ne pas juger opportun d’établir un règlement de la Haute Cour sur le modèle du règlement du Congrès. Celui-ci avait été élaboré le 20 décembre 1963 par le Bureau du Congrès qui, en vertu de l’article 89 de la Constitution, est celui de l’Assemblée nationale, et soumis au Conseil constitutionnel, le Congrès étant assimilé à une assemblée parlementaire au sens du premier alinéa de l’article 61 de la Constitution.

Le troisième sujet de réflexion porte sur la possibilité pour le Président de la République de se faire représenter tant devant la commission que devant la Haute Cour. La notion de représentant n’est-elle pas préférable, d’ailleurs, à celle de « conseil », utilisée dans la proposition de loi organique, qui conserve une connotation sans doute excessivement judiciaire ? Comme vous l’avez rappelé, monsieur Patriat, il ne s’agit pas d’une procédure judiciaire. Il faut donc absolument distinguer les deux procédures – la procédure devant la Haute Cour et la procédure judiciaire –, car elles présentent des différences évidentes.

Ces quelques questions importantes n’épuisent pas les différents sujets sur lesquels, je le crois, notre réflexion doit encore mûrir.

Par ailleurs, la commission a été informée par le Gouvernement qu’un projet de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution serait rapidement présenté au Parlement.

C’est pourquoi, avant de nous prononcer sur la présente proposition de loi organique – une initiative que je salue et dont je remercie les auteurs ! –, nous avons estimé nécessaire de prendre connaissance du texte du Gouvernement dans un domaine qui intéresse directement la stabilité de nos institutions et peut justifier, de la même manière, l’initiative du Parlement et celle de l’exécutif. Nous avons considéré que nous serions mieux éclairés par l’analyse comparée des dispositions proposées par les deux textes, s’agissant en particulier des aspects les plus complexes de la procédure de destitution. De toute façon, quatre heures n’auraient pas suffi pour épuiser un tel sujet…

Aussi la commission des lois souhaite-t-elle permettre un examen concomitant de la proposition de loi organique et du projet de loi organique. Elle propose en conséquence de ne pas établir de texte et d’adopter, à ce stade, une motion tendant au renvoi à la commission de la présente proposition de loi organique.

Bien entendu, nous attendons des engagements du Gouvernement sur ce sujet. Il ne saurait être question, monsieur Patriat, de renvoyer indéfiniment ce texte en commission. Par conséquent, si un projet de loi n’était pas déposé dans des délais raisonnables, votre proposition de loi serait reprise et examinée au fond par la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Pierre Fauchon applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, en clarifiant le statut pénal du chef de l’État, la loi constitutionnelle du 23 février 2007 a modifié la lettre de la Constitution, dans le respect de ses principes.

Aux termes de la norme suprême, le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.

Le Président de la République est donc la clé de voûte de nos institutions ; ce principe, bien que parfois critiqué, a été admis.

L’unité nationale exige « qu’au-dessus des contingences politiques, soit établi un arbitrage national qui fasse valoir la continuité au milieu des combinaisons ». C’était la volonté du général de Gaulle. C’est l’esprit de notre Constitution, et je crois que nous y sommes finalement tous attachés.

Le principe d’irresponsabilité pénale du chef de l’État en découle directement. Il est commun, ne l’oublions jamais, à la plupart des démocraties contemporaines.

Parce que le Président de la République est le représentant de la nation, il bénéficie des immunités qui s’attachent à cette qualité.

Parce qu’il participe directement à l’exercice de la souveraineté, il doit pouvoir exercer en toute indépendance le mandat dont il est investi.

Parce que, tout en étant soumis au respect de la règle générale, il doit être soustrait aux intimidations ou aux pressions qui s’exerceraient sur lui et l’empêcheraient de remplir sa fonction, les procédures judiciaires de droit commun sont suspendues.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’immunité dont bénéficie le Président de la République ne saurait pour autant avoir le caractère d’un principe général et absolu. Elle est attachée à une fonction, elle n’est pas attachée à une personne. C’est pourquoi elle ne dure que le temps de son mandat. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu pendant cette période. C’est pourquoi aussi la protection cesse dès lors que la fonction présidentielle elle-même est mise en péril.

Une procédure de destitution du Président de la République par la Haute Cour est donc prévue « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. »

La nouvelle rédaction de l’article 68 a renforcé la cohérence de notre Constitution sur ce point. M. le président de la commission des lois a rappelé qu’était retenue, auparavant, la notion de « haute trahison ». La raison en est évidente : on n’échappe jamais à son histoire, et cette rédaction faisait surtout référence à des situations de guerre, tout en mettant en lumière le caractère exceptionnel de la procédure.

La proposition de loi organique soumise à votre examen vise à préciser les conditions d’application de cette nouvelle rédaction.

Vous avez eu raison de rappeler, monsieur Patriat, que l’article 68 de la Constitution appelait le vote d’une loi organique. Mais, depuis 2007, nous avons été occupés par un travail législatif intense, qui tendait à répondre à un certain nombre de situations, non pas d’urgence, mais d’application quotidienne. Or les cas où la responsabilité du Président de la République aurait pu être mise en cause ont été tout à fait exceptionnels depuis le début de la Ve République, aucune tentative en la matière n’ayant d’ailleurs abouti. Le travail législatif a donc porté, légitimement, sur d’autres urgences et d’autres priorités.

Monsieur Patriat, j’ai le sentiment que votre démarche traduit une certaine impatience, que je peux certes comprendre. Pour autant, l’impatience ne doit pas conduire à légiférer dans la précipitation. C’est d’ailleurs presque un paradoxe puisque vous me reprochez souvent, comme à l’ensemble du Gouvernement, de légiférer trop vite, même si les textes examinés sont parfois dans le circuit parlementaire depuis de longs mois, voire de nombreuses années. Nous raisonnons là un peu à fronts renversés.

Si savoir prendre le temps de la réflexion est une exigence qui vise tous les domaines, c’est particulièrement nécessaire à l’égard de nos institutions. Sur ce sujet, dans la mesure du possible, nous devons rechercher le consensus, et vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégiez dans cet hémicycle : en effet, ce sont fondamentalement les institutions qui nous permettent de vivre et de travailler ensemble.

Le texte aujourd'hui soumis à votre examen comporte un certain nombre de pistes intéressantes. Néanmoins, comme le président Hyest, je considère qu’il n’apporte pas de garanties suffisantes face au risque de dénaturation de l’esprit des dispositions constitutionnelles, esprit que vous me semblez partager. C'est la raison pour laquelle il est important que nous sachions travailler ensemble pour régler un certain nombre de questions soulevées, à fort juste titre, par M. Jean-Jacques Hyest. Pour ma part, sans les reprendre toutes, je veux souligner ma préoccupation quant au risque d’un double glissement relatif, d’une part, à la portée du texte et, d’autre part, à la procédure prévue par l’article 68 de la Constitution.

La présente proposition de loi organique tend à modifier la portée de la procédure de présentation du chef de l’État devant la Haute Cour, laquelle doit demeurer l’exception. C’est une exigence constitutionnelle, une nécessité institutionnelle, parce que la stabilité du fonctionnement de l’État repose largement sur celle de la fonction présidentielle. Remettre en cause cette réalité reviendrait à porter atteinte à l’ensemble de nos institutions. C’est bien la raison pour laquelle l’encadrement juridique des propositions de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour doit tenir compte de ce caractère d’exception. Or, monsieur Patriat, les conditions de recevabilité de tels textes prévues par la présente proposition de loi organique sont encore insuffisantes.

Deux conditions sont visées à l’article 1er.

Premièrement, la proposition de résolution doit être motivée. Cette règle, indiscutable dans son principe, sera, je le pense, systématiquement respectée.

Deuxièmement, une telle proposition doit être signée par soixante députés ou soixante sénateurs. Monsieur le sénateur, vous reconnaissez vous-même que ce seuil est identique à celui qui est requis pour la saisine du Conseil constitutionnel. Or cette dernière saisine n’est pas exceptionnelle, c’est le moins que l’on puisse dire, puisque tous les projets de loi sont soumis quasiment systématiquement au Conseil constitutionnel. J’estime, quant à moi, que la gravité de la procédure tendant à la destitution du Président de la République exige que les parlementaires déposant une proposition de résolution soient plus nombreux que ceux qui peuvent intenter un recours devant le Conseil constitutionnel, faute de quoi, même si ces deux conditions sont satisfaites, le contrôle de recevabilité effectué par le Parlement dans un délai de six jours ne pourra pas jouer un rôle de filtre efficace.

Pour ma part, je considère que la procédure de l’article 68 de la Constitution ne doit pas devenir une procédure de droit commun, ne doit pas, en quelque sorte, être banalisée ; sinon, la portée du texte constitutionnel serait modifiée, et la nature du dispositif voulu par le constituant serait altérée.

En raison de son caractère exceptionnel, la mise en cause du chef de l’État devant la Haute Cour vise des cas qui doivent être eux-mêmes exceptionnels – mettons de côté la haute trahison, dont l’interprétation est difficile – et dépasser les clivages partisans.

Aujourd'hui, alors que nous étudions le fonctionnement de nos institutions, nous devons avoir à l’esprit, quelle que soit notre opinion politique, le fait que la procédure en cause ne doit pas devenir un instrument utilisé à de pures fins partisanes. Nous savons bien que l’alternance fait partie de la vie politique et que, les uns et les autres, nous pouvons être confrontés à une telle situation. Par conséquent, par-delà nos préoccupations immédiates, nous devons voir les conséquences d’une telle procédure sur le long terme.

Un recours trop facile à la procédure de destitution favoriserait le détournement des dispositions constitutionnelles. D’aucuns pourraient être tentés de la transformer en tribune contre le président de la République du moment.

Il faut prendre en compte non seulement les principes, mais également la réalité de notre vie politique, qui, malheureusement selon moi, est largement axée sur la communication. Vous voyez fort bien l’incidence que peut avoir le seul déclenchement d’une procédure sur la stabilité de nos institutions, comme sur la vie internationale, de plus en plus prégnante et présente.

Tout d’abord, la procédure pourrait présenter un risque d’incohérence avec nos principes institutionnels. Rappelons que, en vertu de la Constitution, le Président de la République n’est pas responsable devant le Parlement, contrairement au Premier ministre et au Gouvernement. Or, si la procédure en question avait pour résultat de conduire le chef de l’État à rendre des comptes aux assemblées sur la politique qu’il conduit et sur laquelle il a été élu, la cohérence de nos institutions ne serait plus assurée.

La procédure pourrait également présenter un risque de déstabilisation de l’exécutif. Si la responsabilité, que vous qualifiez de « politique », du Président de la République était mise en cause trop fréquemment, la procédure deviendrait une sorte de machine à provoquer des crises institutionnelles. C’est un véritable risque pour le fonctionnement de nos institutions, au moment où, plus que jamais, notre société a besoin de stabilité et de visibilité.

Par ailleurs, comme le démontrent certains faits qui se sont produits dans d’autres grandes démocraties, la seule mise en œuvre de la procédure produirait immédiatement un écho international qui décrédibiliserait la personne représentant notre pays au niveau international, c'est-à-dire le Président de la République. Point n’est besoin de vous rappeler ce qui s’est passé aux États-Unis à deux ou trois reprises au cours de ces dernières années : nous avons bien vu que la position d’un président susceptible d’être mis en cause, comme celle du pays qu’il représente, s’est trouvée affaiblie.

C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois réellement que le débat sur la mise en œuvre de la procédure de l’article 68 de la Constitution nécessite que nous prenions le temps d’une véritable réflexion commune de fond sur l’équilibre de nos institutions, tout en reconnaissant que les choses ont sans doute trop tardé.

Monsieur Patriat, comme vous l’avez souligné tout à l’heure, cette démarche doit être exempte de toute polémique et doit associer tous les groupes politiques.

Le Gouvernement travaille sur ce sujet. Si je ne vous ai pas présenté aujourd'hui un texte, c’est parce qu’un certain nombre d’hésitations demeurent quant aux questions de fond soulevées par le président Hyest. Je vous propose – et je réponds en cela à la demande de M. Hyest – de reprendre notre discussion sur la base du projet de loi organique que le Gouvernement est en train d’élaborer et que je vais présenter en conseil des ministres dans le courant du premier semestre de cette année. La procédure aurait pu être plus rapide, mais l’interruption des travaux parlementaires résultant de la tenue des élections régionales bouscule quelque peu notre calendrier. Notre travail commun permettra de trouver un juste équilibre entre le respect de la Constitution et la nécessaire effectivité du mécanisme prévu à l’article 68 de ce même texte.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telle est la raison pour laquelle le Gouvernement partage la position de M. Hyest, qui propose le renvoi à la commission de la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, la réforme du statut pénal du chef de l’État, déclarée urgente nécessité lors de la campagne présidentielle de 2002, n’est toujours pas achevée en 2010.

La motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi organique que nous examinons aujourd’hui montre, s’il en était besoin, la pertinence de l’initiative de mes collègues François Patriat et Robert Badinter – le président Hyest l’a reconnu –,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Bel. … initiative qui a sans doute contribué à hâter les réflexions du Gouvernement.

Selon vos dires, madame la ministre d’État, le Gouvernement se prépare à présenter un projet de loi organique pour préciser la procédure de destitution du chef de l’État « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », aux termes de l’article 68 de la Constitution. Notre initiative a donc stimulé son ardeur.

Lorsque ce projet de loi organique sera déposé, nous pourrons alors comparer les dispositions résultant de l’initiative parlementaire et de l’initiative gouvernementale et prendre le meilleur des mesures proposées ! Mais le dépôt d’un texte gouvernemental ne suffit pas, comme nous avons pu le constater à de nombreuses reprises : en effet, nous devons parfois attendre de nombreuses années avant d’en discuter. Or nous avons l’opportunité d’examiner dès aujourd’hui la présente proposition de loi organique.

L’encombrement de l’ordre du jour parlementaire, que nous évoquons si souvent et qui n’est en rien diminué par nos nouvelles méthodes de travail, fait craindre en effet que nous ne devions attendre encore longtemps. Nous constatons cette difficulté tous les jours.

Pourtant, l’absence de loi organique paralyse la volonté du constituant : le statut pénal du chef de l’État est en suspens – je n’ose le qualifier de « bancal ». Il le protège complètement, mais cette immunité absolue n’est pas équilibrée par la mise en œuvre de la procédure de destitution. Je ne veux pas croire que cette paralysie soit volontaire.

Par ailleurs, que peuvent signifier les droits de l’opposition dès lors que toutes nos initiatives sont systématiquement écartées, comme l’est, certes de manière élégante, celle qui est soumise ce matin à la Haute Assemblée et qui a été reconnue comme étant dénuée de tout esprit polémique ? Mais rien n’empêchait le Sénat d’examiner notre proposition, de prendre position dès aujourd’hui, sans attendre toujours le feu vert du Gouvernement. Cette attitude passive contredit la notion même d’initiative parlementaire.

Mes chers collègues de la majorité, si vous voulez que le Sénat occupe une plus grande place dans le paysage institutionnel, il faut de temps en temps faire preuve d’un peu d’audace pour faire avancer ce sujet. Craindriez-vous les foudres de la plus haute autorité ? Les initiatives parlementaires à l’Assemblée nationale, notamment celles du président du groupe UMP, M. Copé, me semblent davantage prises en considération,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas toujours !

M. Jean-Pierre Bel. … même lorsqu’elles paraissent émaner d’un cabinet d’avocats très important.

Voilà donc trois ans que le Congrès du 19 février 2007 a définitivement adopté une révision de la Constitution précisant le statut pénal du chef de l’État.

Bien sûr, nous n’avons pas voté cette révision constitutionnelle. Nous avons alors invoqué des motifs sérieux pour nous abstenir. Ces derniers se confirment aujourd’hui compte tenu d’une conception très particulière du chef de l’État de son privilège pénal, laquelle pose un problème juridique grave qui constitue une atteinte à l’État de droit.

Lors de la réforme du statut pénal, nous avions estimé que l’inviolabilité générale pour tous les actes accomplis pendant ou avant le mandat présidentiel était excessive, car elle englobait tous les événements de la vie ordinaire. Madame la ministre d’État, une telle règle ne peut être justifiée par la responsabilité du Président de la République quant à l’incarnation de l’unité nationale. Le Président est chef de l’État, certes, mais il demeure aussi un citoyen soumis au principe d’égalité devant la loi, qui fait partie de notre héritage républicain !

Nous avions estimé également que la procédure de destitution était à relier à la responsabilité politique du Président,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Pierre Bel. … qu’elle était un acte politique et non juridique puisque le motif de la destitution n’est pas précisé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas judiciaire !

M. Jean-Pierre Bel. En conséquence, seule l’Assemblée nationale pouvait selon nous mettre en jeu cette responsabilité politique, puisque le Sénat ne peut être frappé de dissolution et que ses membres ne sont pas élus au suffrage universel direct.

Enfin, nous avions fait remarquer que, même destitué, le Président de la République pouvait continuer à siéger au Conseil constitutionnel.

Malgré leur bon sens, nos propositions de suppression de cette disposition baroque n’avaient pas été retenues.

Ces trois raisons avaient motivé notre abstention.

Le texte que François Patriat vient de présenter au nom du groupe socialiste aujourd’hui au Sénat a un but modeste : il vise en effet simplement à préciser les conditions de dépôt et d’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution portant réunion de la Haute Cour, d’une part, et les modalités de la procédure d’examen, de débat et de vote de la proposition de destitution, d’autre part.

Modeste, cette initiative parlementaire nous paraît cependant particulièrement opportune alors que, de notre point de vue, la pratique présidentielle depuis 2007 a substantiellement modifié l’équilibre que le constituant avait recherché avec cette réforme du statut pénal du chef de l’État.

Cette réforme voulait équilibrer immunité et destitution. Mais l’immunité était trop large, et la destitution était une arme trop facile en cas de cohabitation pour une majorité sénatoriale qui, jusqu’à ce jour, paraît immuable.

Or, cette réforme du statut pénal du chef de l’État a bien donné naissance, comme l’a indiqué à cette même tribune M. Frimat le 7 février 2007, « à des situations invraisemblables qui priveraient de manière choquante, pour une période de cinq ou dix ans, et peut-être davantage, des citoyens du droit de réclamer à la justice le respect des droits les plus élémentaires concernant leur personne ou leurs biens du simple fait que le Président serait concerné ».

Je ne souhaite pas non plus entrer dans la polémique, mais il faut tout de même aborder les questions telles qu’elles se posent, et constater – nous le voyons tous les jours, en particulier dans les colonnes de la presse – les changements de la fonction présidentielle en termes de style comme de contenu. Nous pouvons néanmoins faire de ce point un élément d’illustration de la question qui est posée.

Madame la ministre d’État, vous avez regretté la trop grande importance de la communication dans la vie publique. Mais l’hyper-présidence de M. Sarkozy est également une hyper-exposition de sa vie personnelle. Et lorsque la frontière entre la vie privée et la vie publique est aussi volontairement brouillée, les risques de dérapage s’en trouvent augmentés. C’est ce qui est arrivé.

Je veux simplement rappeler un certain nombre de faits qui dénotent cette évolution.

Le chef de l’État, qui a fait un choix concernant l’exposition de sa vie privée, a multiplié les procès : contre la publicité d’une compagnie aérienne, ce qui a permis à son épouse d’obtenir 60 000 euros de dédommagement (Protestations au banc de la commission.), puis pour la publication d’un SMS. Dans cette affaire, pour la première fois depuis bien longtemps, un président de la République déposait une plainte au pénal contre un organe de presse. Celle-ci a d’ailleurs été retirée après les excuses publiques du journaliste.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n’a aucun rapport avec la responsabilité politique du chef de l’État !

M. Jean-Pierre Bel. Multiplier les procès pour protéger sa vie privée n’est pas anodin lorsque l’on a les relations que l’on sait avec des patrons de presse, et surtout lorsque l’on dispose d’un statut juridique intouchable…

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je croyais que l’on était hors polémique, monsieur Bel !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas de la polémique, c’est la réalité !

M. Jean-Pierre Bel. Je ne vois pas pourquoi nous n’aborderions pas dans cette assemblée des sujets traités quotidiennement dans les chroniques, sur les ondes et à la télévision !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous discutons de la Haute Cour, pas d'autre chose !

M. Jean-Pierre Bel. J’ai noté qu’un ancien Premier ministre – mais je ne veux pas épiloguer sur cette affaire –, M. de Villepin, avait constaté – je cite ses avocats – « une rupture du principe du procès équitable, le Président jouissant par sa fonction d’une immunité pendant son mandat ».

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Oh là là !

M. Jean-Pierre Bel. Peut-être ne fallait-il pas en parler, mais ces points ont été repris dans la presse ; ils pouvaient donc être cités aujourd’hui.

Il y a donc de toute façon un problème à régler sur ce plan, dans la mesure où le Président de la République peut attaquer en justice sans pouvoir être attaqué lui-même.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais cela n’a aucun rapport avec la responsabilité !

M. Jean-Pierre Bel. Le problème n’est pas de savoir si le chef de l’État dispose de droits dont ne bénéficie aucun autre justiciable, mais bien de remédier au déséquilibre résultant de ses initiatives procédurales. En effet, lorsque le Président de la République s’invite à un procès, ce dernier ne peut être équitable puisque l’une des parties jouit d’une immunité et d’une inviolabilité constitutionnelle et générale.

Ces privilèges doivent avoir comme contrepartie le fait que le chef de l’État s’abstient au maximum d’intervenir dans les procès qui le concernent en tant que citoyen.

Mes chers collègues, vous voyez que les réticences et les critiques que nous avions formulées lors de la discussion de la réforme constitutionnelle de 2007 étaient fondées. Cette réforme est allée trop loin sur le plan de l’immunité, ce qui se traduit par une impunité excessive.

Ce n’est pas une raison pour refuser de mettre en application l’autre volet de la révision constitutionnelle, à savoir la procédure de destitution.

La décision que va rendre le Sénat sur le sort de notre initiative parlementaire risque selon nous d’être équivalente à l’enterrement d’une loi organique pourtant voulue par le constituant en 2007 alors qu’il incombe au chef de l’État de veiller au respect de la Constitution. Aucune raison ne s’oppose à l’examen – je dis bien « l’examen » – aujourd’hui de cette initiative parlementaire qui ne fait que remédier à la carence du Gouvernement que vous avez constatée.

C’est la raison pour laquelle notre groupe s’opposera à la motion de renvoi à la commission et vous demande de débattre de cette proposition de loi organique.

Dans le cas contraire, j’aurais une proposition à faire : si cette motion devait être adoptée, et avant que la commission ne se saisisse de nouveau de ce texte, je demanderais au président du Sénat – et il serait dans son rôle – de saisir, en application de l’article 39 de la Constitution, le Conseil d’État afin que ce dernier donne un avis éclairé à notre assemblée. Il y a un précédent. Ce serait un grand pas en avant qui permettrait de clarifier des points essentiels sur un sujet sensible : c’est important pour nous, mais aussi pour l’idée que les Françaises et les Français se font de l’équité entre citoyens, et tout simplement de la démocratie dans notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste vient opportunément combler un espace législatif laissé vacant par le Gouvernement depuis la révision constitutionnelle du 23 février 2007. Faut-il rappeler que le régime de responsabilité du Président de la République a été modifié à cette occasion et qu’une loi organique aurait dû en fixer les nouvelles modalités d’application ? Je ne veux imputer ce vide juridique évident qu’à la complexité du dispositif à mettre en œuvre pour le combler.

Avant cette révision constitutionnelle, l’irresponsabilité du chef de l’État et l’inviolabilité en résultant ne pouvaient être renversées qu’en raison d’actes rattachables à sa fonction et relevant de la haute trahison. Une Haute Cour, qui ne s’est d’ailleurs jamais réunie,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Heureusement !

Mme Anne-Marie Escoffier. … constituée de magistrats professionnels et de douze parlementaires, avait pour fonction de juger le Président de la République.

À la suite d’un différend entre le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation sur l’interprétation de la compétence de cette juridiction spéciale, la révision constitutionnelle a eu pour objet de modifier en ses articles 67 et 68 les modalités de mise en œuvre de la procédure de destitution du Président de la République.

Le nouvel article 67 reprend les principes traditionnels d’irresponsabilité et d’inviolabilité ainsi que celui de suspension de la prescription introduit en 2001.

L’article 68, quant à lui, écarte la notion de haute trahison pour lui substituer celle de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », notion cependant tout aussi floue que la première.

Le Parlement dans son ensemble est désormais érigé en Haute Cour appelée à se prononcer sur la destitution du chef de l’État à la majorité des deux tiers de ses membres.

Il était donc prévu qu’une loi organique viendrait préciser la nature de l’immunité, non seulement pénale, mais aussi civile et administrative, ainsi que la notion de manquement incompatible étendue à des actes antérieurs ou détachables.

Tel est l’objet de la proposition de loi examinée aujourd’hui, qui comporte cinq articles dont je rappellerai rapidement le contenu.

L’article 1er prévoit que la proposition de résolution tendant à demander la réunion de la Haute Cour doit être signée par soixante députés ou sénateurs qui l’auront motivée.

L’article 2 fixe les délais requis pour apprécier la recevabilité de la proposition de résolution et pour l’examiner. Il prévoit en outre que son adoption doit être approuvée à la majorité des deux tiers des membres de chacune des assemblées.

L’article 3 fixe la composition et les pouvoirs du bureau de la Haute Cour présidée par le président de l’Assemblée nationale.

L’article 4 fixe la composition et les pouvoirs d’une commission qui, comme le ferait une commission d’enquête, autorise le Président de la République à être entendu.

Enfin, l’article 5 arrête les modalités d’exercice des pouvoirs de la Haute Cour : publicité des débats, prises de parole, modalités de vote, majorité qualifiée, effet immédiat de la décision.

Cette proposition a très largement pris appui sur le rapport de la commission Pierre Avril remis le 12 décembre 2002 au Président de la République, lequel avait souhaité qu’une réflexion soit menée sur le statut pénal du chef de l’État.

Si nous tous ici présents ne pouvons que regretter que le Gouvernement n’ait pas pris l’initiative de déposer un projet de loi organique dans des délais convenables, le groupe du RDSE veut saluer la proposition qui a été faite, quand bien même ce texte reste d’une ambition limitée ; la rédaction des articles 67 et 68 laisse en effet peu de marge de manœuvre au final.

Néanmoins, cette proposition ouvre des voies de discussion, en particulier s’agissant du nombre des signataires de la proposition de résolution, ici fixé à soixante. Sous le régime de l’ancien article 67, ce nombre devait correspondre au dixième des membres de l’assemblée concernée. La commission Avril avait quant à elle suggéré qu’un parlementaire ne puisse être signataire que d’une seule proposition de destitution durant un même mandat présidentiel.

Parmi les autres objets de discussion, citons encore les délais d’inscription à l’ordre du jour, la possibilité d’introduire le principe de la navette entre les deux assemblées dans le cas où le texte n’aurait pas été adopté dans les mêmes termes dans les deux chambres, les critères de recevabilité pris en compte hormis ceux qui ont trait à la motivation et au nombre de signataires, enfin l’application des principes généraux du droit à un procès équitable, même si l’on ne se situe pas dans un cas relevant strictement du cadre juridictionnel.

Les discussions qui pourraient naître de ces interrogations montrent suffisamment l’intérêt d’un débat approfondi et ouvert.

En même temps, aiguillonné par cette proposition de loi, le Gouvernement se dit prêt à soumettre très vite – vous avez parlé du premier semestre de cette année, madame la ministre d’État – un projet de loi organique. Il est nécessaire que ce délai soit arrêté et respecté.

M. le rapporteur a, quant à lui, déposé une demande de renvoi à la commission, pour que ces deux textes soient examinés ensemble.

Je le répète, le groupe RDSE, auquel j’appartiens, salue l’initiative prise par nos collègues du groupe socialiste et souligne le bien-fondé de leur proposition de loi organique, car l’absence de texte organique, en empêchant toute procédure de destitution du Président de la République, contredit l’intention même du constituant.

Toutefois, le groupe RDSE, attaché au respect absolu des principes qui fondent l’esprit même de la République et de la Constitution, souhaite s’abstenir sur cette proposition de loi organique et sur la motion présentée par M. le rapporteur, qui est aussi le président de la commission des lois.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, avec notre débat d’aujourd’hui, nous reprenons, ou du moins nous pourrions le faire, la discussion engagée ici même, le 7 février 2007, sur une question particulièrement importante et sensible politiquement, à savoir la responsabilité pénale du chef de l’État. Ce débat avait abouti à l’adoption de la loi constitutionnelle du 23 février 2007, modifiant l’article 68 de la Constitution.

Curieusement, une disposition clef de cette réforme, c'est-à-dire la procédure de destitution du Président de la République prévue par l’article 68 « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », est inopérante : aucun projet de loi organique permettant la mise en œuvre de cette procédure par le Parlement n’a été présenté par le Gouvernement, ni donc, bien sûr, voté par le Parlement.

Avant de rappeler les raisons qui, il y a trois ans, justifiaient notre opposition au projet de révision constitutionnelle, je souhaite indiquer que l’absence de volonté du Gouvernement de donner au Parlement un droit de regard, et même de contrôle, sur le comportement pénal du chef de l’État constitue tout un symbole…

En effet, le renforcement du régime présidentiel organisé par le chef de l’État, qui trouve sa concrétisation dans la révision constitutionnelle de juillet 2008 et dans l’attitude du Président de la République au quotidien, ne s’accorde guère avec l’instauration d’une forme d’« impeachment à la française ».

L’idée même d’une convocation par un Parlement constitué en Haute Cour ne plaît guère, à mon avis, à celui qui a obligé les députés et sénateurs, réunis en Congrès selon son bon vouloir, à l’écouter sans aucune contrepartie.

D'ailleurs, il faut toujours le souligner, le chef de l’État, outre ses fonctions étendues de Président de la République, exerce celles de chef du Gouvernement, de dirigeant de la majorité parlementaire et de leader du parti dominant de la majorité. À ses prérogatives s’ajoutent d’importants pouvoirs de nomination dans les médias et la justice !

Chacun le sait ici, la présidence actuelle a modifié l’équilibre institutionnel, et elle continue chaque jour de le faire, pour favoriser, plutôt que l’émergence d’un système présidentiel, car celui-ci exigerait des contre-pouvoirs, celle d’un pouvoir personnel de type néo-bonapartiste.

Le débat de 2007 apparaît donc à la fois bien proche et bien lointain. En effet, comment ne pas nous rendre compte que nous sommes en train de changer de régime ?

Il est légitime de vouloir prendre les dispositions législatives nécessaires à l’application de l’article 68, et nous ne nous opposerions pas à cette proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste si la majorité, protectrice du pouvoir exécutif, n’occultait pas le débat, en proposant une motion pour renvoyer ce texte en commission sine die.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr que si !

Autrement dit, la majorité fait en sorte que l’initiative parlementaire ne s’applique pas dans certains domaines. En effet, ce débat pourrait avoir lieu s’il existait une égalité entre l’initiative législative du Parlement et celle du Gouvernement, ce qui n’est pas le cas.

Toutefois, nous estimons, quant à nous, que l’heure viendra où le Parlement devra se saisir de son propre devenir, s’interroger sur son rôle et sa place dans l’architecture institutionnelle de notre pays, proposer et faire adopter des dispositions de rééquilibrage entre les pouvoirs exécutif et législatif.

Voilà pour le contexte.

Sur le fond, nous avions exposé en 2007 notre position quant au statut actuel du Président de la République.

Il n’est pas contestable, pour nous, que la fonction du chef de l’État doit être protégée, mais nous considérons que, en dehors des actes commis par ce dernier dans le cadre de sa charge, et à tout moment, un seul principe doit prévaloir, celui qui fait du Président de la République un citoyen comme les autres. À ce titre, le chef de l’État doit être redevable de ses actes devant les tribunaux de droit commun, y compris au cours de son mandat.

Nous n’adoptions pas à l’époque une attitude provocatrice, puisque nous rejoignions une tradition forte de la doctrine constitutionnelle française, symbolisée par l’éminent professeur Léon Duguit. Celui-ci, évoquant en 1924 l’article 6 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, indiquait ceci : « Le président n’est responsable que dans le cas de haute trahison. On s’est demandé quelquefois si cette formule excluait la responsabilité du président pour les infractions de droit commun. Évidemment, non. Dans un pays de démocratie et d’égalité comme le nôtre, il n’y a pas un citoyen, quel qu’il soit, qui puisse être soustrait à l’application de la loi et échapper à la responsabilité pénale. » Mes chers collègues, c’était le régime applicable en 1875... Depuis lors, nous avons en quelque sorte avancé à reculons !

Jean Foyer, ancien garde des sceaux, l’un des pères de l’article de la Constitution dont nous discutons, rappelait, en s’opposant au Conseil constitutionnel, que le Président de la République devrait être considéré sur le plan pénal comme un simple citoyen, en dehors de l’exercice de ses fonctions bien entendu.

Ainsi, responsabilité et inviolabilité sont-elles aujourd’hui organisées : le Président de la République est irresponsable ad vitam aeternam des actes commis dans le cadre de ses fonctions, et, pour les autres, il faudra attendre la fin de son mandat !

Or, nous le savons tous, une instruction engagée cinq ans ou plus probablement dix ans après les faits reprochés perd fortement de ses moyens et de son efficacité.

En 2007, nous avions défendu une position claire, qui reprenait une idée portée par l’Assemblée nationale en 2001 : les tribunaux communs doivent être compétents pour les actes commis par le Président de la République en tant que citoyen ordinaire et pendant l’exercice de son mandat, qu’il s’agisse d’un divorce, d’un accident de la circulation, ou pire.

Cette voie préservait le principe de la séparation des pouvoirs, ainsi que celui, qui ne souffre aucune exception, de l’égalité des citoyens devant la loi. Une telle modification de la Constitution se révélerait d’autant plus opportune que, je le répète, le Président de la République actuel multiplie les procédures judiciaires, y compris contre des insultes proférées à son égard, alors que la réciproque n’est pas possible ; pourtant, chacun a en tête certaines occasions qui auraient pu permettre à un simple citoyen de saisir la justice contre lui.

La cour d’appel de Versailles vient d’affirmer que le chef de l’État était une victime comme une autre, et donc qu’il avait droit à des réparations en toutes circonstances. En l’occurrence, il devrait être aussi un justiciable comme un autre, pour les affaires de droit commun.

En conclusion, comment ne pas évoquer une certaine frustration devant les limites du débat ouvert aujourd’hui ? D'ailleurs, c’est la fonction présidentielle dans son ensemble qui, selon moi, doit être revue, mais ceci est une autre histoire...

Nous voterons donc contre la motion tendant au renvoi de ce texte à la commission, car le débat doit et peut avoir lieu. Néanmoins, si la procédure avait suivi son cours, nous nous serions sans doute abstenus sur la proposition de loi de nos collègues.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, la discussion que nous engageons aujourd’hui sur la proposition de loi organique, présentée par le groupe socialiste et portant application de l’article 68 de la Constitution, nous confronte à deux types de problèmes, tant sur la forme que sur le fond.

En premier lieu, cette proposition de loi, loin de n’aborder que des questions de mécanismes procéduraux, aurait, si elle était adoptée, une réelle incidence sur la stabilité institutionnelle de notre pays. Or, cette dernière doit faire l’objet d’une réflexion à laquelle nous souhaitons que le Gouvernement soit associé.

En effet, nous ne saurions mettre à l’écart le Gouvernement dans un domaine qui implique l’équilibre de nos institutions et qui intéresse tout autant le Parlement que le pouvoir exécutif.

En second lieu, nous soutenons la position de M. le rapporteur, qui a mis en relief de nombreuses lacunes dans cette proposition de loi. Sur chacun des articles se pose un problème majeur. Pour ma part, j’en relèverai cinq qui ont retenu particulièrement notre attention.

Premièrement, aux termes de l’article 1er du présent texte, pour être recevable une proposition de résolution tendant à réunir la Haute Cour doit être déposée par soixante députés ou sénateurs et être motivée.

Or nous estimons que les auteurs de ce texte ne sont pas allés assez loin pour garantir qu’il ne soit fait aucun usage abusif des propositions de résolution. Tant la commission Avril que le professeur Guy Carcassonne ont suggéré une troisième condition de recevabilité, dont les modalités devraient, selon nous, faire l’objet d’une réflexion approfondie.

Deuxièmement, ce texte prévoit, en son article 2, que le rejet éventuel de la proposition de résolution par l’une des deux assemblées mettrait un terme à l’initiative. Là encore, nous estimons que doit être étudiée la possibilité de mettre en place une navette entre les deux chambres, dans le cas où la motion tendant à réunir la Haute Cour n’aurait pas été adoptée dans les mêmes termes.

Troisièmement, les dispositions de la présente proposition soulèvent deux interrogations essentielles sur l’article 3, quant à la composition du Bureau de la Haute Cour, d’une part, et à la forme de ses prises de décision, d’autre part.

Tout d’abord, les auteurs de cette proposition de loi ayant choisi de réunir les Bureaux des deux assemblées pour composer le bureau de la Haute Cour, ce dernier serait constitué de quarante-huit personnes ! Un tel effectif nous paraît bien trop important au regard du rôle que l’on entend confier à cette instance.

De plus, les auteurs de cette proposition de loi ne nous semblent pas avoir suffisamment approfondi leur réflexion sur le processus de prise de décision du bureau. En effet, ils ne tranchent pas le problème de la forme que devraient revêtir lesdites décisions : doivent-elles être prises au cas par cas ou faire l’objet d’un règlement ?

Ici encore, nous soutenons la position de notre rapporteur, visant à permettre que cette question essentielle des règles applicables devant la Haute Cour soit débattue dans le cadre de la commission.

Par ailleurs, en ce qui concerne la mise en place de la commission ad hoc prévue en son article 4, la proposition de loi présente une réelle lacune. Alors que les vice-présidents des deux assemblées doivent concourir à la composition de cette commission, la présente proposition n’a pas prévu que leur nombre serait inégal. Or le Sénat compte huit vice-présidents, contre six pour l’Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce serait bien ! Pour une fois, les sénateurs seraient aussi nombreux que les députés ! (Sourires.) Mais nos collègues de l’Assemblée nationale risquent de ne pas être d'accord…

Mme Catherine Troendle. Enfin, au sujet de l’organisation des débats devant la commission ad hoc, l’intervention d’un représentant du chef de l’État n’a pas été envisagée.

Surtout, la notion de « conseil », employée à l’article 5 pour la représentation du Président de la République devant la Haute Cour ne nous paraît pas pertinente, au vu de sa proximité avec celle d’avocat. Nous préférons la neutralité du terme « représentant », qui ne comporte aucune connotation judiciaire sous-jacente.

Pour conclure, le groupe UMP soutient la position de M. le rapporteur, qui propose un renvoi à la commission, dans l’attente de la présentation d’un projet de loi organique. Je tiens d'ailleurs à souligner que nous attendons ce texte depuis plus d’un an, et que nous regrettons cette situation.

Madame le garde des sceaux, vous nous avez annoncé que ce projet de loi serait présenté au cours du second semestre de 2010, ce qui est positif, mais vous comprendrez aisément qu’une discussion de ce texte au cours du premier semestre aurait bien davantage répondu à notre légitime impatience !

Pour conclure, compte tenu des lacunes juridiques que j’ai relevées et de notre volonté d’associer le Gouvernement à cette réflexion majeure pour nos institutions, le groupe UMP votera en faveur de la motion de renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, je regrette d’avoir à constater le caractère quelque peu théorique des exposés de la commission et du Gouvernement, ...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est la loi du genre !

M. Jean-Pierre Michel. ... alors que l’actualité récente jette une lumière crue sur le statut constitutionnel du chef de l’État.

Ainsi, un ancien Président de la République est renvoyé en correctionnelle pour abus de confiance et détournement de fonds publics. Ce n’est pas rien ! Rompant avec la tradition en vigueur depuis l’instauration de la Ve République, un Président de la République en exercice se constitue partie civile tous azimuts : ...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour des faits commis avant qu’il ne soit Président de la République !

M. Jean-Pierre Michel. ... contre la compagnie aérienne Ryanair, qui a utilisé une photo le montrant avec l’une de ses compagnes – elle n’était pas encore son épouse, personne ne savait d’ailleurs alors qu’elle le deviendrait –, contre un fabricant de tee-shirts, contre l’ancien directeur des renseignements généraux, contre le rédacteur en chef du Nouvel Observateur, etc. Et jusqu’à une affaire dont les dimensions politiques sont évidentes.

Contrairement à ce qu’a affirmé Jean-Pierre Bel, le chef de l’État ne porte pas plainte.

M. Jean-Pierre Bel. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Michel. Il se constitue partie civile. Ce faisant, il intente une action civile concurremment avec le parquet, sur lequel, par votre entremise, madame le garde des sceaux, il a des pouvoirs. Il s’agit là d’un déséquilibre majeur et inquiétant.

Il est vrai que cette question est complexe et que la révision constitutionnelle a eu lieu dans un contexte passionnel qui n’a pas permis d’apporter les clarifications nécessaires. Je le dis comme je le pense : cette révision constitutionnelle est très mauvaise, à tous points de vue.

Depuis l’adoption de ce texte, le Président de la République n’est plus un justiciable comme un autre : le statut dont il bénéficie est totalement déséquilibré. Or, la procédure dite « de destitution » ou impeachment qui devait rééquilibrer l’inviolabilité totale du chef de l’État n’est toujours pas applicable, faute d’initiative gouvernementale. Madame la ministre d’État, vous n’en êtes pas responsable : vous n’occupez les fonctions de garde des sceaux que depuis quelques mois et cela fait trois ans que cette réforme aurait dû avoir lieu.

L’actualité récente a révélé une rupture d’égalité des armes et du procès équitable que garantit la Convention européenne des droits de l’homme. Le statut actuel du Président de la République est en contradiction totale avec ce texte, j’y reviendrai tout à l’heure. Elle a également montré une rupture de l’unité de temps judiciaire. Peut-on en effet prétendre qu’une procédure qui concerne des faits vieux de plus de vingt ans se déroule « dans un délai raisonnable » ? Non, même s’il est impossible de se prévaloir de sa propre turpitude et même si c’est parce que l’intéressé lui-même s’était à l’époque opposé à toute convocation par le juge d’instruction.

Monsieur le rapporteur, j’étais d'ailleurs l’un des parlementaires signataires que vous avez tout à l’heure stigmatisés, et je m’en flatte.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Pas stigmatisés, pointés !

M. Jean-Pierre Michel. En effet, s’il venait à être condamné, l’ancien Président de la République serait inéligible pour cinq ans, par l’effet de l'article L. 7 du code électoral, mais il pourrait continuer à siéger au Conseil constitutionnel et serait donc juge de l’élection des parlementaires !

Pour cette raison mais aussi pour celles qu’a, à juste titre, soulevées Jean-Pierre Bel, une réforme s’impose : les anciens présidents de la République ne doivent plus pouvoir siéger au Conseil constitutionnel.

Mme Michelle Demessine. C’est sûr !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Je l’ai toujours dit !

M. Jean-Pierre Michel. Tout s’y oppose.

L’unité d’action judiciaire est également remise en cause. En effet, si le Président de la République peut utiliser ses prérogatives constitutionnelles, ce que personne ne conteste, il peut également utiliser les droits réservés à tout justiciable. Est-ce légitime ? La question se pose. La cour d’appel de Versailles, qui a pourtant jugé que le Président de la République pouvait être partie civile, reconnaît que cela aboutit à une rupture d’égalité des armes dans les procédures.

Le Président de la République actuel a plusieurs fois usé de son droit à saisir la justice. À chaque fois, il est partie à un procès dans lequel il a nommé des magistrats – certes, en conseil des ministres et après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature – et dans lequel il a, comme le souligne la juridiction versaillaise, une proximité avec le chef du parquet. Tout cela ne manque pas d’être troublant.

D’ailleurs, dans le cadre de la contestation du décret du 31 octobre 2008 par M. Dominique de Villepin, le rapporteur public du Conseil d’État, Mme de Silva, est convenu qu’il y avait une rupture structurelle dans le statut de l’égalité des parties et qu’un procès pénal ne pouvait totalement se dérouler alors que l’une des parties civiles disposait d’une immunité radicale. Par ailleurs, en cas de relaxe ou de non-lieu, l'article 67 de la Constitution empêchera le Président de la République d’être poursuivi pour dénonciation calomnieuse, ce qui se produit pourtant toujours dans ces cas-là.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas toujours le cas !

M. Jean-Pierre Michel. C’est souvent le cas !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Michel. Là encore, cette situation soulève une difficulté grave et révèle que le statut du chef de l’État introduit un déséquilibre grave.

Si elle est relaxée, la partie qui a été attraite a le droit d’attaquer devant la juridiction pour dénonciation calomnieuse celui qui est à l’origine de la procédure. Or ce droit ne peut être exercé contre le Président de la République, alors qu’il a usé du droit reconnu à tout citoyen de déférer quiconque devant le tribunal correctionnel.

À l’évidence, depuis la révision constitutionnelle de 2007, le Président de la République n’est pas un citoyen comme les autres devant la justice. J’en veux pour preuve la contestation juridique qu’a entraînée son divorce. Pouvait-il divorcer ? Au regard tant de la Convention européenne des droits de l’homme que des droits individuels, la réponse est incontestablement oui. Comment interdire à quelqu’un de divorcer ? Comment l’en empêcher ?

En revanche, le Président de la République ne peut agir devant aucune juridiction. Or, en cas de divorce, même par consentement mutuel, le juge doit vérifier la réalité des consentements. L’a-t-il fait ? Où ? Comment ? Dans quel cadre ? Toujours est-il que le Président de la République a pu divorcer. C’est heureux pour lui, pour le citoyen qu’il est, pour sa nouvelle épouse et peut-être plus encore pour sa précédente femme. (Sourires.)

La rédaction de l’article 67 de la Constitution qui a pour objet de fixer le statut pénal du chef de l’État est beaucoup trop large et pose de nombreux problèmes. Par conséquent, sa révision s’impose. C’est d’ailleurs ce que la cour d’appel de Versailles, dans l’arrêt qu’elle a rendu voilà quelques jours, souligne expressément. L’organisation judiciaire française et la Convention européenne des droits de l’homme se révélant incompatibles, seule une réforme de la Constitution serait en mesure de résoudre cette contradiction.

Madame le garde des sceaux, je connais votre longue pratique des institutions de la République en tant que parlementaire comme en qualité de ministre : je ne doute pas que votre réflexion sur cette question sera beaucoup plus large que celle que le groupe socialiste propose aujourd'hui avec ce texte. Je sais que, en raison des fonctions éminentes de gardienne des lois constitutionnelles et de leur bonne application que vous exercez, vous aurez à cœur de résoudre ces contradictions dans l’intérêt du bon fonctionnement des institutions, notamment de l’institution judiciaire, et dans l’intérêt du Président de la République lui-même, qu’il s’agisse du chef de l’État actuel ou de ceux qui lui succéderont. Aujourd'hui, en effet, il se trouve dans une situation tout à fait contestable au regard de l’égalité des droits devant le procès public, je n’y insiste pas.

Monsieur le rapporteur, la commission des lois n’a pas commencé par le commencement, c’est-à-dire par les dispositions bien modestes que contient cette proposition de loi organique. Rendons applicable cette procédure de destitution qui est un peu le complément et le contrepoint de l’immunité totale dont bénéficie le Président de la République.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Vous mélangez tout, le pénal et le politique !

M. Jean-Pierre Michel. Quelle prudence, quelle crainte révérencielle vous ont enveloppés, mes chers collègues ? Je dois avouer que vous m’avez surpris, monsieur le rapporteur : la motion tendant au renvoi à la commission que vous avez déposée est une mascarade.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Michel. La commission a discuté assez longuement de cette proposition de loi organique : vous avez présenté des arguments sérieux et formulé des propositions qui auraient permis d’amender judicieusement le texte. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

Mme le garde des sceaux affirme qu’une vaste réflexion a lieu dans son ministère : elle aussi aurait pu déposer des amendements au nom du Gouvernement, que ce soit en commission ou en séance publique. Une telle initiative aurait permis d’aboutir à l’adoption d’un texte qui aurait ensuite été examiné par l'Assemblée nationale, et vous auriez d’ailleurs pu à tout moment interrompre le processus législatif. Vous avez préféré l’arrêter d’emblée.

Tout cela n’est pas satisfaisant. Par vos atermoiements, vous aggravez encore la situation, alors que nous aurions pu, aujourd'hui, la clarifier au moins sur un point. Cela aurait été le mérite du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur le président, je répondrai rapidement aux remarques formulées par les différents intervenants.

Monsieur Bel, vous vous êtes étonné de la lenteur du processus. Alors que la modification constitutionnelle avait été déclarée urgente en 2002, vous avez souligné que rien n’avait changé en 2010. Pourtant, un certain nombre de propositions ont été formulées et un projet de loi a même été élaboré par Pascal Clément, lorsqu’il exerçait les fonctions de garde des sceaux. Les différentes échéances électorales et les changements de gouvernements n’ont pas permis d’aller au bout du processus.

Certes, nous pouvons regretter de nous trouver encore dans la situation de 1958, mais je ferai remarquer que le groupe socialiste a exercé des responsabilités pendant une quinzaine d’années et qu’il aurait eu tout le temps de prendre des initiatives en la matière.

La démonstration à laquelle vous vous êtes livré, monsieur Bel, témoigne d’une faiblesse que j’ai déjà relevée dans les interventions de vos collègues socialistes, c'est-à-dire la confusion entre la responsabilité judiciaire du Président de la République ou sa non-responsabilité et ce que l'article 68 de la Constitution tend à instaurer.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C’est exact !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Les exemples concrets de mise en jeu de la responsabilité du Président de la République qui ont été évoqués...

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ne sont pas bons !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. ... montrent bien que le risque d’une instrumentalisation politicienne de la procédure à des fins qui seraient contraires à l’objectif visé est grand.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. C’est ce que nous devons éviter, car c’est du fonctionnement de nos institutions et de la garantie de stabilité de nos institutions qu’il est question. Il nous faut faire très attention.

Le fait qu’un Président de la République décide d’aller non pas contre l’esprit d’un texte mais contre la tradition de ne pas saisir un tribunal suffirait-il à déclencher cette procédure ?

M. Jean-Pierre Bel. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il faudra veiller à ce que cette procédure conserve bien le caractère exceptionnel qu’elle doit avoir, car les conséquences, tant internes qu’externes, sont trop graves pour notre pays.

Mme Escoffier a souligné que le groupe RDSE s’abstiendrait, car il souhaite que la question soit approfondie et qu’un travail en commun ait lieu pour que soient mises en place des structures et une procédure qui soit le plus à même de répondre aux cas de responsabilité graves mais qui ne soit limitée qu’à eux seuls. Je la remercie donc de son engagement et de sa volonté de trouver un texte commun qui soit le meilleur possible.

Mme Borvo Cohen-Seat a évoqué plusieurs éléments. Certains correspondent sans doute à ses convictions profondes mais contredisent exactement sa démonstration.

Mme la sénatrice, vous parlez d’un pouvoir absolu du Président de la République mais, depuis la modification constitutionnelle, jamais les assemblées n’ont eu autant de pouvoirs. Ainsi, pour la première fois de toute notre histoire institutionnelle, il est désormais prévu dans la Constitution – et cette disposition va très prochainement  entrer en application– que les nominations les plus importantes seront soumises préalablement à un avis des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est une avancée considérable qui va exactement à rebours de vos affirmations.

Vous évoquez également, madame Borvo Cohen-Seat, l’irresponsabilité pénale du Président de la République pendant son mandat. Comme je l’ai dit au début de mon intervention, c’est un principe que l’on retrouve dans toutes les grandes démocraties. Par ailleurs, cette irresponsabilité se limite à protéger la fonction du Président de la République et non sa personne. Lorsque la fonction prend fin, le Président de la République peut donc être poursuivi.

Nous discutons d’une proposition de loi portant application de l’article 68 de la Constitution. Or, madame Borvo Cohen-Seat, vous avez essentiellement évoqué, dans votre démonstration, l’article 67. Vous étiez donc hors sujet !

Mme Troendle nous a fait part de cinq réflexions sur cette proposition de loi, auxquelles je souscris totalement. Cependant, madame Troendle, il ne s’agit en aucun cas d’adopter une procédure dilatoire. Comme je l’ai précisé, je compte proposer un projet de loi organique d’application de l’article 68 non pas au cours du second semestre mais au cours du deuxième trimestre de 2010, l’ordre du jour du premier trimestre étant déjà bien chargé, sans parler de la coupure des élections régionales.

Monsieur Michel, vous avez – et je vous remercie de votre courtoisie – souligné qu’il y avait inégalité entre le citoyen et le Président de la République au motif que, lorsque celui-ci se porte partie civile, il a tous les moyens de déclencher l’action publique. Mais toute plainte avec constitution de partie civile, formulée par n’importe quel citoyen, déclenche l’action publique. Le Président de la République, contrairement à ce que vous affirmez, est considéré comme un citoyen comme les autres : tout citoyen a autant de pouvoirs que le Président de la République en la matière. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Par ailleurs, tous les exemples que vous avez cités, monsieur Michel, outre qu’ils relèvent davantage du champ de l’article 67, notamment du risque pénal, font apparaître un risque d’instrumentalisation à des fins politiciennes de l’article 68 et montrent la nécessité de prévoir des barrages juridiques pour le déclenchement de cette procédure.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Tous vos arguments portent essentiellement contre l’article 67 de la Constitution et non contre l’article 68. Cela démontre que le débat sur la proposition de loi organique portant application de l’article 68 n’est pas mûr, même dans les rangs de l’opposition.

En conséquence, un renvoi de ce texte à la commission me paraît judicieux, car il nous permettrait de continuer à échanger nos arguments afin d’aboutir à un texte conforme à la volonté du constituant et raisonnable pour nos institutions. Je remercie M. le rapporteur d’avoir exprimé cette demande au nom de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution
Demande de renvoi à la commission (fin)

M. le président. Je suis saisi, par M. Hyest, au nom de la commission, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, la proposition de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution (n° 69, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En conclusion de mon intervention dans la discussion générale, j’ai insisté sur la complexité des problèmes non résolus par ce texte, ce qui justifie la demande de renvoi à la commission.

En conséquence, cette motion ayant été largement défendue, je n’y insisterai pas davantage.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, contre la motion.

M. Jean-Pierre Michel. Le groupe socialiste votera contre la motion tendant au renvoi à la commission, pour les raisons que j’ai exprimées tout à l’heure.

Madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, je vous précise, avec courtoisie, comme toujours – il n’y a pas lieu de s’insulter – que les articles 67 et 68 sont intimement liés.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Non !

M. Jean-Pierre Michel. D’ailleurs, l’article sur l’impeachment a été introduit pour contrebalancer l’inviolabilité totale du Président de la République devant toutes les juridictions.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il faut nuancer cette affirmation !

M. Jean-Pierre Michel. Par ailleurs, madame la ministre d’État, vous déclarez que le Président de la République agit devant les juridictions comme tout citoyen, en se constituant partie civile. Je suis d’accord avec vous. Mais là où vous n’avez pas très bien compris mes propos – peut-être me suis-je mal exprimé –, c’est quand je souligne que, dans cette situation, le Président de la République a un double pouvoir.

D’une part, il a le pouvoir de tout citoyen de se constituer partie civile, c’est-à-dire de mettre en mouvement l’action publique et non pas seulement de déposer plainte. D’autre part, il a le pouvoir du Président de la République, supérieur hiérarchique du parquet, par votre entremise. Il peut donc vous demander – et vous l’accepterez vraisemblablement – de faire enclencher l’action publique par un magistrat du parquet. (Mme la ministre d’État fait un signe de dénégation.) S’agissant d’une infraction supposée, on ne voit pas pourquoi le parquet n’enclencherait pas l’action publique et ne déférerait pas aux ordres du garde des sceaux.

Tel est bien le statut du parquet. Nous en reparlerons ultérieurement, à l’occasion de la réforme de la procédure pénale. Lorsque le garde des sceaux donne l’ordre au parquet de poursuivre, il n’y a aucune discussion : le parquet doit poursuivre ! Permettez-moi de rappeler que, dans l’affaire qui a eu lieu il y a quelques années, le garde des sceaux, malheureusement, avait demandé au parquet de ne pas poursuivre alors que des infractions étaient déclarées.

Le Président de la République dispose de deux voies pour mettre en mouvement l’action publique, celle du citoyen ordinaire et celle du Président de la République.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Non !

M. Jean-Pierre Michel. Il aurait été opportun, aujourd’hui, de discuter sérieusement de cette proposition de loi.

Nous sommes d’accord avec vous, madame la ministre d’État : il ne s’agit pas de faire dériver ces débats vers des finalités politiciennes. Cela n’a aucun sens ! Il s’agit de respecter l’équilibre délicat des pouvoirs et l’intégralité des pouvoirs du Président de la République tels que vous les avez énumérés au début de votre première intervention, et qui sont inscrits dans la Constitution.

De tout cela nous sommes, comme vous, les garants, car, comme vous, nous croyons aux institutions, en espérant qu’un jour l’un des nôtres en sera le garant, comme cela a déjà été le cas durant quatorze ans. Ce point ne fait pas discussion.

En revanche, vous déclarez, madame la ministre d’État, qu’un délai est encore nécessaire. Près de trois ans après la révision constitutionnelle, permettez-moi d’en douter ! Nous savons que des études ont déjà été réalisées au sein de votre ministère en vue de l’élaboration d’une loi organique et qu’il existerait même un projet préparé par l’un de vos prédécesseurs. Il est tout à fait normal, dans le cadre d’une révision constitutionnelle, que les services compétents soient mobilisés afin de préparer les diverses lois organiques qui doivent en permettre l’application.

C’est ce que fait le Gouvernement aujourd’hui pour la dernière révision. La commission des lois est saisie de textes de loi organique qui se succèdent dans un ordre qui n’est peut-être pas celui que l’opposition aurait souhaité, mais, quoi qu’il en soit, le Parlement est saisi.

Le facteur temps n’est donc pas en cause aujourd’hui. Vous ne pouvez pas dire qu’il nous faut encore réfléchir. Mais, paraît-il, le Président de la République craint toujours qu’on ne l’aime pas, qu’on lui en veuille, et sans doute redoute-t-il d’être attaqué personnellement à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi ! Ce n’est absolument pas le cas, sa personne n’est pas en cause, elle n’est rien au regard de sa fonction constitutionnelle qui, seule, compte aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre d’État, nous voterons contre cette motion tendant au renvoi à la commission, dont nous regrettons profondément le dépôt. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oh là là !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 121 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 324
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l’adoption 187
Contre 137

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le renvoi à la commission est ordonné.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution
 

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Application de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 53 de M. Jean-Louis Carrère à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur l’application de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Jean-Louis Carrère attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur l’application de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.

« Les craintes alors exprimées concernant les conséquences du "rattachement" de la gendarmerie au ministère de l’intérieur sont hélas en voie de confirmation. La mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie, les synergies induites par le "rattachement" en matière de matériels et de formation mènent de manière rampante vers une fusion des forces, vers la force unique hors statut militaire.

« La gendarmerie perdra 1 300 emplois en 2010 par l’application brutale de la révision générale des politiques publiques. Cette évolution, faite de réductions d’effectifs et de menaces de fermeture de brigades, est dangereuse pour le maillage du territoire et néfaste pour la présence de la gendarmerie auprès des populations rurales. Il apparaît que ce processus de "rattachement" et ses déclinaisons budgétaires conduisent progressivement au démantèlement du service public de la sécurité.

« Il s’interroge sur la volonté du Gouvernement de maintenir et consolider le statut militaire de la gendarmerie. Il s’interroge sur la détermination du Gouvernement d’avoir une force de sécurité à statut militaire et une force de sécurité à statut civil et de laisser à l’autorité judiciaire le libre choix entre les deux services. Il est nécessaire de faire un bilan d’étape et une première évaluation des conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

« Il souhaite que la présente question orale avec débat permette de débattre des méthodes et des objectifs de la politique du Gouvernement à l’égard de la gendarmerie. »

La parole est à Mme Virginie Klès, en remplacement de M. Jean-Louis Carrère, auteur de la question.

Mme Virginie Klès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il était initialement prévu que la question qui nous occupe ce matin soit mise à l’ordre du jour et débattue en février prochain. C’est la raison pour laquelle j’ai l’honneur et le plaisir de poser en lieu et place de notre éminent collègue Jean-Louis Carrère, retenu en province, ce dont il vous prie de bien vouloir l’excuser, cette question sur la sécurité et la gendarmerie nationale, qui traite de sujets qui m’intéressent tout particulièrement.

À l’heure actuelle, la sécurité est de tous les débats, on en entend parler tous les jours, et sans doute la proximité de prochaines échéances électorales n’y est-elle pas étrangère. En tout cas, quelques mois après le rattachement effectif de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, imposé par le Président de la République malgré de nombreux avis contraires exprimés au sein même de la majorité, je m’interroge, et d’autres avec moi, sur l’opportunité d’une telle décision.

Malgré sa volonté, affichée de manière ostensible, de conserver à la gendarmerie nationale son identité, non pas « nationale », mais militaire, quelles sont les intentions réelles du Gouvernement en la matière ?

Quelle est la véritable plus-value de ce rattachement en termes d’organisation, d’efficacité et d’équité territoriale du service public de la sécurité ?

Comment apaiser les tensions ou les inquiétudes qu’a provoquées, tout à fait inutilement à mon sens, ce rapprochement mal préparé et mal compris au sein de nos deux forces de sécurité ?

En tant que femme, je n’ai pas, contrairement aux hommes de ma génération, effectué mon service militaire. Aujourd'hui, tout le monde en est dispensé, et c’est sans doute regrettable. Je me suis donc interrogée sur la signification du terme « militaire » : renvoie-t-il à un statut ou à un état ? En effet, si l’on n’est pas au fait de ce qu’il recouvre précisément, comment apprécier l’importance du maintien de ce que les gendarmes appellent parfois leur « militarité » ?

J’ai alors cherché à comprendre pourquoi et comment cet état militaire était, d'une part, parfaitement indissociable de l’organisation territoriale de la sécurité dans notre pays, et, d'autre part, complémentaire de l’organisation civile des zones dites « de police nationale ».

N’ayant pas la science infuse, je suis allée à la rencontre des militaires. J’ai écouté ce qu’ils avaient à dire, mais aussi lu un certain nombre de témoignages, pour connaître le fond de leur pensée sur leur « état » militaire, car c’est à cela qu’ils font référence et non à leur « statut ».

J’ai d’abord appris, chose non négligeable, à m’y retrouver un tant soit peu dans les différents galons, avant de comprendre, chose essentielle, que le port de l’uniforme ne suffit pas à transformer un civil en militaire.

L’uniforme – que ne dit-on pas de son prétendu « prestige » ! – a certes un rôle indéniable dans la symbolique du rapport du citoyen à la loi et à son représentant, lequel est ainsi conforté dans son autorité, la légitimité et l’exemplarité de son action. Mais il existe bien des uniformes, dans bien des professions, à l’image de la robe dans le monde judiciaire, qui, sans aucune confusion possible, ne « créent » pas cet état propre aux militaires.

J’ai approfondi mes recherches pour bien comprendre ce qui distinguait le militaire du civil. J’en suis sortie confortée dans ma conviction de l’absolue nécessité – je pèse mes mots – de conserver, dans notre démocratie, deux forces de sécurité sur le territoire, sauf à bouleverser complètement l’organisation de la sécurité et à oublier les caractéristiques géographiques, sociales et démographiques de la France, ses contrastes entre zones urbaines, zones rurales et, aujourd'hui, zones rurbaines.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais m’inscrire en faux contre cette idée du gendarme qui ne serait militaire que lorsqu’il participe à des OPEX, qui ne serait officier de police judiciaire que lorsqu’il est saisi d’une enquête par l’autorité judiciaire, et qui pourrait donc s’apparenter à un policier civil lorsqu’il accomplit des missions de sécurité sous l’autorité du préfet.

Un gendarme est un militaire du matin au soir, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, sa famille est une famille de militaire, sa vie est celle d’un militaire. Son état ne peut se définir uniquement par les missions qui lui sont confiées, ni par le simple port de l’uniforme ou le respect de certaines valeurs.

Un soldat de l’armée de terre qui effectue des patrouilles à la gare Montparnasse – j’en croise souvent – devient-il civil par la seule nature de cette mission ponctuelle ? Un policier municipal devient-il militaire par le seul port de l’uniforme ? Un policier national ne respecte-t-il pas les mêmes valeurs et le même engagement au service des autres sans être pour autant un militaire ? Le gendarme qui « gèle » le théâtre d’une infraction et y relève les premières observations n’est-il pas déjà officier de police judiciaire ?

Les gendarmes sont des militaires. Ils ont évidemment de nombreux points communs avec celles et ceux qui, sans être entrés dans le monde militaire, sont aussi au service de la sécurité des Français ; je pense aux professions ou aux volontaires des secours d’urgence, de la sécurité, de la gestion de crise ou de la protection de nos concitoyens.

Les gendarmes ont choisi et accepté les contraintes et les compensations spécifiques de leur état militaire : la disponibilité, la vie en caserne dans un logement concédé pour nécessité absolue de service pour eux et leur famille, l’organisation du commandement, la rigidité de la gestion de leur temps de repos, la mobilité. Ce sont ces spécificités qui ont prévalu à l’organisation territoriale actuelle de la sécurité, caractérisée par une grande complémentarité entre la police nationale et la gendarmerie nationale.

Les modes d’action de la police nationale, le règlement d’emploi de ses services sont adaptés à la concentration urbaine. La police nationale est composée de femmes et d’hommes dont l’action est sous-tendue par les mêmes valeurs, le même souci de la sécurité publique, mais qui ont fait le choix, eux, de rester civils, avec les contraintes et les compensations de ce statut de fonctionnaire et une organisation spécifique. Ses moyens sont concentrés dans des circonscriptions de sécurité publique, à effectif souvent minimal de 55 agents environ. Leurs interventions ne sont pas affectées par la distance ou les délais.

À chaque type de territoire – et Dieu sait si la France en est riche ! – correspond une organisation optimale. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, de nombreux articles de presse développent aujourd’hui la décision du ministre de l’intérieur de mettre en place des polices d’agglomération avec des objectifs cohérents au vu de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, et selon un concept de territoire similaire à celui qui est développé par la gendarmerie nationale. Y aura-t-il des actions similaires en zone de gendarmerie par le transfert de responsabilités de circonscriptions de sécurité publique isolées, confrontées à des difficultés de fonctionnement, dans la logique affichée d’équilibre entre nos deux forces, logique réaffirmée dans le discours de l’Arche ?

Dans ces zones gendarmerie, zones rurales donc ou rurbaines, comment organiser la sécurité selon le modèle de la police nationale, alors que la continuité de l’engagement de la gendarmerie nationale est marquée par la dispersion dans le temps et dans l’espace ?

On compte aujourd’hui 3 500 brigades territoriales, dont l’effectif moyen est de 10 militaires par brigade. Et 95 % du territoire, pour environ 50 % de la population, ont accès à un véritable service de la sécurité publique de qualité, parfaitement comparable à celui des zones urbaines couvertes par la police nationale. Ce dispositif n’est possible que grâce à la dualité des statuts militaires et civils des hommes et des femmes responsables de notre sécurité.

Or le démantèlement de cette organisation, le démantèlement de la gendarmerie nationale, est bel et bien programmé : indépendamment même de cet état militaire, vous tenez à mettre en œuvre la révision générale des politiques publiques, la RGPP, dont je continue à contester la logique, exclusivement basée sur des chiffres, sur la comptabilité, sur une logique financière à court terme. La RGPP oublie de prendre d’abord en compte la nécessité et la qualité du service à rendre, qui oublie de se projeter dans le moyen et le long terme !

La mise en œuvre de la RGPP est pourtant un fait qui conduit à la diminution drastique des effectifs, tant pour la police nationale que pour la gendarmerie nationale. Et cependant, le Gouvernement, paradoxalement, se gargarise de chiffres en amélioration – je n’irai pas jusqu’à dire notable - quant aux débordements des nuits de réveillon récentes. Certains de ces chiffres ont été contestés. Je n’entrerai pas dans cette polémique, me contentant de citer ceux du ministère de l’intérieur, monsieur le secrétaire d’État : 1 137 voitures brûlées contre 1 147 l’an dernier. Mais vous oubliez de mentionner les augmentations, elles, plus que significatives du nombre d’hommes et de femmes déployés ! On a gagné un tout petit peu d’efficacité en déployant des milliers d’hommes et de femmes supplémentaires, et pourtant, au nom de la logique de RGPP, on est en train de diminuer les effectifs partout, dans la police nationale, comme dans la gendarmerie nationale !

Par ailleurs, les chiffres de progression de la délinquance sont annoncés en « diminution de la vitesse de la hausse » ou « ralentissement de l’intensité de la dégradation ». Comprenne qui pourra ! En tout cas, pour moi, la formule est trop obscure pour ne pas masquer une certaine gêne sur le sujet.

Revenons à la RGPP et à la diminution des effectifs. Je le rappelle, 1 300 emplois auront disparu en 2010 pour la gendarmerie nationale, 7 400  disparaîtront sur la période 2011-2013, sans compter de nouvelles suppressions confirmées d’escadrons de gendarmerie mobile ! À ces faits, que vous ne pouvez nier, car ils sont malheureusement certains, se rajoute le risque énorme, à probabilité tendant tangentiellement vers un, de la disparition du statut militaire des gendarmes.

Dois-je vous énumérer les conséquences de cette politique ? Les fermetures de brigades sont inévitables, de même que la reconcentration des forces de sécurité dans les centres urbains et l’abandon des zones rurales et rurbaines. Cette conclusion, je la tire logiquement. Comment assurera-t-on la sécurité ? Dans le prolongement de votre logique, les communes rurales et rurbaines assumeront, au terme d’un nouveau transfert, la responsabilité de la sécurité.

Aléas de l’histoire : il fut un temps où l’État imposait à la maréchaussée de se déplacer dans la campagne et de ne pas rester dans les cités. Il fut un temps où les polices municipales ont été créées pour sécuriser les villes. Il fut un temps où elles ont même été étatisées, dans la logique de compétence régalienne et de contrôle par l’État de la sécurité.

Et puis, tout à coup, la décentralisation, si souvent décriée, retrouve à nouveau grâce aux yeux de votre gouvernement ! C’est qu’il s’agit d’assumer de nouveau des dépenses ! L’État, qui économise, a, malgré tout, des dépenses à faire. Demandons donc aux collectivités locales de les prendre en charge ! Demandons aux maires de développer les polices municipales, de recruter et de former des policiers municipaux au statut desquels vous pensez déjà, discrètement, bien sûr : extension de leurs compétences plus ou moins à l’ordre du jour, possibilité de devenir officier de police judiciaire, port d’armes, harmonisation des tenues et des uniformes.

Vous oubliez juste un petit détail : peu de communes ont les ressources financières nécessaires et suffisantes pour créer ou entretenir des polices municipales, quelles que soient les compétences ou missions que l’on pourra demain leur confier.

Le maillage territorial de la sécurité, jusqu’à présent préservé par la gendarmerie nationale, permettait de compenser les différences de richesses des territoires. C’était un gage d’équité quant au droit à la sécurité pour tous. Cette équité va rapidement voler en éclats.

Je sais que vous allez encore protester de votre volonté de maintenir le statut militaire de la gendarmerie nationale, même si vous ne pouvez nier les suppressions d’emplois dont je viens de parler. Mais alors, qu’avez-vous fait, qu’allez-vous faire pour préserver et consolider ce statut, tout en continuant de préconiser le rapprochement entre nos deux forces de sécurité, que nous connaissons et estimons également ?

Ce sont les chefs militaires et la formation militaire dispensée qui sont les piliers du maintien du statut militaire.

Si telle était vraiment votre volonté, pourquoi ne pas avoir, en amont du rattachement au ministère de l’intérieur, travaillé avec les généraux de région de gendarmerie sur les liens à entretenir avec les préfets, sur les missions et les responsabilités respectives des uns et des autres ? Comment imaginer, par exemple, que les commandants de région conserveront leur motivation, qu’on ne gaspillera pas leurs compétences et qu’ils développeront toujours la même efficacité s’ils sont réduits à des tâches administratives sans plus exercer les responsabilités pour lesquelles ils ont été formés, s’ils ne conservent pas la plénitude du commandement combinant l’action opérationnelle, l’organisation et la gestion des ressources humaines et la logistique, sur un territoire pouvant dépasser les limites d’un département, voire, entrer dans le domaine du judiciaire ? Quid de la souplesse nécessaire pour parfois assurer la sécurité par une manœuvre régionale ou zonale ?

On ne naît pas militaire, on le devient ! Quelle formation initiale et continue pensez-vous offrir aux gendarmes des unités territoriales, alors que vous fermez des écoles de police – Saint-Malo, venons-nous d’apprendre, alors que cette ville voit aussi la suppression de son escadron de gendarmes mobiles – comme des écoles de gendarmerie – Montargis, Libourne, Châtellerault, Le Mans – selon, toujours, une logique d’économie financière et immobilière à court terme et de mutualisation, sans réflexion préalable sur les spécificités de chaque formation, sur le contenu, la cohérence et la continuité de l’offre de formation ?

Oui, bien sûr, des économies et un réajustement de l’outil de formation sont souhaitables. Peut-être mon raisonnement est-il trop logique pour le Gouvernement. Mais il me semble que l’outil restant devra être adapté au service à rendre. Commençons donc par le définir.

Quel est-il ? Comment, où, selon quelle logique, avec quelles obligations de formation pensez-vous que sera maintenue, préservée, protégée, la culture militaire des gendarmes ? Il est vrai que 84 % des gendarmes spécialisés bénéficient aujourd’hui d’une formation continue, mais ce chiffre tombe à 34  % pour les militaires des unités départementales. Fallait-il fermer des écoles avant d’avoir réfléchi à ce problème, ou bien la volonté plus ou moins cachée de fermer demain des brigades sous-tend-elle ces fermetures et les mutualisations annoncées ? Et je vous épargne la comparaison entre le nombre de jours de formation demandés par an aux gendarmes et aux policiers municipaux.

On n’embrasse pas une carrière qui ne présente que des contraintes. Des compensations doivent exister pour continuer d’attirer les jeunes vers le monde militaire : que faites-vous en matière d’immobilier, d’entretien et de rénovation des casernes et des logements ? À nouveau, force m’est de constater le transfert aux communes et aux collectivités locales, avec, qui, plus est, une nouvelle difficulté hypocritement passée sous silence.

En effet, les ajustements du maillage territorial ont conduit à la création des communautés de brigades. Je mentionne, au titre des avantages, une organisation plus efficiente pour la gendarmerie et des économies d’échelle tant en fonctionnement qu’en investissement immobilier pour l’État. Je signale, comme inconvénient, un attachement moins fort de la commune d’accueil pour une gendarmerie qui se trouve « partagée ». De plus, le territoire de compétence de la communauté de brigade n’est pas forcément cohérent avec l’organisation des collectivités locales, notamment en matière d’intercommunalité et de coopération intercommunale.

Tout cela rend difficile, voire aléatoire, l’identification d’un maître d’ouvrage public en matière d’investissement immobilier dans les logements et les locaux de service occupés par la majorité des petites brigades pour lesquelles l’État préfère déléguer plutôt que d’intervenir directement. Quelle politique d’incitation des collectivités locales envisagez-vous afin de leur permettre de continuer à assumer cette charge immobilière qui devrait revenir à l’État, qu’il ne compense jamais totalement, alors même qu’il a bénéficié d’économies grâce à cette organisation en communautés de brigades, même sur les unités spécialisées ?

Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur ne présage pas d’une fusion des deux forces de police vers une seule force, à statut civil, nous affirmez-vous. Il nous est vraiment difficile de croire des engagements et des convictions à géométrie aussi variable ! Le 3 décembre 2008, alors aux commandes, Mme Alliot-Marie, sans doute aussi sincère qu’elle l’était quand, au ministère de la défense, elle défendait le maintien de la gendarmerie nationale au sein de ce ministère – affirmait : « Il n’est pas question de fusionner les unités d’élite car j’ai besoin des savoir-faire des uns et des autres. Le GIGN et le RAID existeront comme tels. »

Aujourd’hui, 14 janvier 2010, je vous pose la question : jusqu’où ira le rapprochement aujourd’hui affirmé desdits GIGN et RAID ? Absorption et digestion de qui par qui ? Jusqu’où iront les autres rapprochements sans doute médités encore, en silence et en parfaite opacité, par le Gouvernement ?

La sécurité ne peut se résumer à la gestion de crise, et le renseignement y participe plus que peu. Le maillage territorial, l’implantation locale de la gendarmerie nationale, l’ancrage rural et rurbain des gendarmes, sont des atouts considérables en matière de collecte d’information et de renseignement, pour « surveiller le prix du chou », comme disent parfois les gendarmes de façon imagée, illustrant l’importance du recueil de détails qui peuvent sembler anodins à qui ne sait les interpréter.

Or le maillage territorial sera, une fois de plus, très prochainement mis à mal ! Et, comme si cela ne suffisait pas, votre gouvernement vient introduire un flou – artisanal, dirai-je, à défaut de pouvoir le qualifier d’artistique – dont tout le monde se serait pourtant bien passé en la matière : quelle organisation du renseignement est aujourd’hui envisagée entre les deux forces de sécurité ? Comment sera défini et encadré le travail confié à la gendarmerie ? En décembre dernier, M. le ministre nous a dit qu’un audit était en cours concernant les services départementaux de l’information générale : qu’en est-il aujourd’hui ?

Faut-il ici demander quelle place auront les gendarmes dans le « Grand Paris de la Sécurité » ? Faut-il reparler aussi de ces gendarmes que le Livre blanc de la défense envoie dans les départements d’outre-mer ou en OPEX en Afghanistan, pour y remplacer ou y aider des militaires des autres armes ? Sur quels effectifs, dans quelles brigades territoriales seront-ils « prélevés » ? De quels matériels disposeront-ils sur place ?

Faut-il reparler du budget, encore une fois en trompe-l’œil, des moyens insuffisants alloués, tant en investissement qu’en fonctionnement, à la gendarmerie nationale ? Quid du renouvellement des hélicoptères Écureuil, des véhicules blindés de la gendarmerie ? Comment agir en toute sécurité quand on en est réduit à prélever des pièces détachées sur les engins hors d’usage pour maintenir en condition, tant bien que mal, des engins et matériels déjà vétustes ?

Le Gouvernement auquel vous appartenez est responsable aujourd’hui d’un malaise profond, d’inquiétudes, de mal-être - je vais jusqu’à utiliser ce terme - tant chez les gendarmes que chez les policiers. Vous pratiquez la politique du chiffre, la réduction drastique des effectifs et la culture d’un résultat dont la définition et les contours ne sont ni clairement définis, ni consensuels, avec des moyens non adaptés et sans arrêt remis en cause.

Les conséquences de cette politique, ce sont la dégradation de l’efficacité de leur action, de leur sécurité même - aussi paradoxal que cela puisse sembler ! - la négation de leur rôle social et l’aggravation du fossé qui se creuse entre la population et des policiers ou gendarmes « à bout de souffle ».

Comment avoir encore confiance dans vos objectifs, dans vos affirmations, dans vos promesses ?

La maîtrise des dépenses publiques est indispensable. Des mesures doivent être prises en ce sens.

S’agissant de sécurité, si les mesures que vous comptez mettez en œuvre sont légitimes, qu’elles sont de nature à assurer un service public de qualité, pourquoi ne venez-vous pas à la tribune nous en convaincre et nous annoncer la mise en place d’un calendrier clair en toute transparence ?

Quand on parle de sécurité, il ne suffit pas de demander s’il est acceptable qu’un fait délictueux puisse être commis pour justifier d’une production accélérée de textes remettant en cause brutalement des équilibres, une organisation entre des forces de sécurité différentes et complémentaires. Il ne suffit pas qu’un homme dise « je veux » pour qu’il ait raison. Il ne suffit pas de parler de Kärcher, de racaille, de « droits-de-l’hommisme » pour être légitime. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Quand on parle de sécurité, on doit le faire de façon responsable et pondérée, …

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Quelle pondération en effet !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Oh oui !

Mme Virginie Klès. … sereine et honnête.

Quand on parle de sécurité, on ne peut le faire sans respecter, écouter et entendre les femmes et les hommes à qui l’on a confié cette responsabilité, ce devoir, qui peut, il importe de le rappeler ici, aller jusqu’au sacrifice de leur vie.

L’ensemble de ces conditions seront-elles réunies un jour ? Allons-nous avoir le droit de parler vraiment de sécurité avec le ministre de l’intérieur ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat sur l’application de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale vient très opportunément devant notre Haute Assemblée aujourd’hui, un an après le rapprochement budgétaire et financier des deux institutions, police nationale et gendarmerie, et près de six mois après la promulgation d’une loi qui avait suscité bien des inquiétudes sur l’ensemble de nos travées.

Que notre collègue Jean-Louis Carrère, que Mme Klès a bien voulu remplacer aujourd'hui, soit remercié d’avoir pris l’initiative de ce débat dont nous attendons qu’il apporte éclaircissements et explications sur certains points et apaise les craintes que nous avons entendu s’exprimer ici et là.

J’étais intervenue dans cet hémicycle, il y a un an, devant le prédécesseur de M. Hortefeux et je l’avais interrogée sur la nécessité de revenir sur un mode de fonctionnement de la police et de la gendarmerie, institué en 1798, qui faisait encore ses preuves avec deux forces distinctes placées sous deux autorités différentes œuvrant de conserve à la sécurité des biens et des personnes. Je m’étais inquiétée de la non-concordance des temps entre l’examen de la loi de finances mettant concrètement en œuvre des dispositions et le vote de ces dispositions qui ne devait intervenir que huit mois plus tard.

Je me dois d’admettre que l’épreuve du terrain donne raison au Gouvernement. Concrètement, le rapprochement, opéré de fait depuis bien longtemps, tend maintenant vers un enrichissement mutuel des cultures dont police et gendarmerie tirent un vrai bénéfice. La mise en commun de compétences et de savoir-faire, le renforcement de la cohérence et de la complémentarité de l’activité des deux forces ne sont plus à démontrer. La mutualisation de certaines formes de logistique contribue également à cette meilleure efficacité opérationnelle. Le spectre de la « fusion », que nous étions nombreux à redouter, s’est quelque peu éloigné. Le statut militaire des gendarmes n’est pas entamé ; la spécificité de la police est respectée comme celle de la gendarmerie.

Mais alors d’où vient ce malaise que font remonter jusqu’à nous certains gendarmes qui nous ont interpellés ?

En effet, certains sous-officiers en fin de carrière et certains officiers prononcent encore mezza-voce le mot « fusion ». S’agirait-il de problèmes statutaires que pourtant le ministre de l’intérieur s’efforce de régler selon les engagements pris ? Les décrets publiés à la fin du mois de décembre sont là pour en témoigner, comme ceux qui sont en préparation ou prêts à être publiés.

D’autres militaires ont cru que leur mode même d’action serait remis en cause dans le cadre de cette recherche d’efficience que le Gouvernement s’est donné pour objectif.

Il faut les rassurer : la quête de l’efficience ne passe pas par un appauvrissement des tâches. Il n’y a pas « doublon » entre police et gendarmerie lorsque, pour une activité donnée, les méthodes d’approche, les moyens, les objectifs sont différents. Le renseignement tel que pratiqué dans nos zones rurales par la gendarmerie n’a rien à voir, chacun s’accorde à le reconnaître, avec le renseignement recueilli par les nouveaux services unifiés de la police.

Je serai aux côtés de ces militaires pour veiller à ce que la spécificité de leur métier soit reconnue et respectée et qu’ils ne soient pas relégués, parce que là est leur crainte, à un rôle de « police des chemins creux ». Cette crainte est d’ailleurs partagée par bon nombre d’élus ruraux, dont je suis.

Nous connaissons les contraintes de la RGPP, nous mesurons la nécessité de réduire les effectifs, mais ne sommes-nous pas en droit de nous inquiéter de cette suppression de 1 303 postes en 2010, succédant à une suppression déjà réalisée de 1 246 emplois en 2009, soit au total 2 500 en deux ans alors que la LOPSI avait fixé à 7 000 emplois les renforts nécessaires ?

N’avons-nous pas raison de faire valoir que la seule prise en compte des statistiques du nombre des plaintes déposées ou du taux d’élucidation des crimes et délits ne doit pas gouverner toute la réflexion sur les conditions du maillage territorial de la gendarmerie ?

Il y a bien peu de temps qu’ont été réorganisées les communautés de brigade, avec leurs conséquences sur l’organisation quotidienne de l’activité de la gendarmerie. Et voilà que l’on se retrouve au pied du mur à chercher comment réparer le non-remplacement de gendarmes dans nos territoires ruraux où s’installe de plus en plus une forme de désespérance, à l’image de celle dont nous gardons tous la mémoire et qui avait atteint il n’y a pas si longtemps le département de la Creuse.

Avec les gendarmes et pour eux, nous avons maintenant, au-delà de la guerre des chiffres, besoin de nouveaux fondements.

M. le ministre de l’intérieur nous a montré qu’il veillait à lutter contre l’instabilité textuelle et je suis assurée de sa volonté de conduire à bonne fin les 147 décrets prévus par la loi.

La paix sociale est au cœur de ses préoccupations. Il le démontre aussi sur le plan statutaire. Néanmoins, il reste beaucoup à faire pour maintenir à bon niveau le fonctionnement des casernes, la part patrimoniale de l’État dans l’immobilier de la gendarmerie.

Mais plus que tout, me semble-t-il, il faut mettre en chantier ce qui jusqu’ici n’a été qu’approche partielle : je pense à la nécessaire répartition des territoires et à la fixation d’objectifs respectueux de la police et de la gendarmerie dans leurs différences en même temps que dans leur complémentarité.

Je suis sûre que M. le ministre saura entendre les inquiétudes des uns et des autres et y répondre. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Nicolas About applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean Faure.

M. Jean Faure. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi relative à la gendarmerie nationale, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur au Sénat, a été adoptée définitivement par le Parlement le 23 juillet 2009 et promulguée par le Président de la République le 3 août dernier.

M. Didier Boulaud. Mais la commission de la défense a voté contre le budget !

M. Jean Faure. À ce jour, sur la quarantaine de décrets nécessaires à sa mise en œuvre, dix-sept décrets et neuf arrêtés ont été pris par le Gouvernement.

Vouloir débattre aujourd’hui de son application, moins de six mois après son adoption, comme nous y invitent nos collègues du groupe socialiste, peut sembler à première vue prématuré.

M. Didier Boulaud. Cette loi est appliquée depuis le 1er janvier 2009 !

M. Jean Faure. Je rappelle en effet que, en vertu de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004, le Gouvernement est tenu de présenter, six mois après l’adoption d’un texte de loi, …

M. Didier Boulaud. Cela fait un an que le rapprochement est opéré !

M. Jean Faure. … un rapport sur sa mise en œuvre portant notamment sur l’état d’avancement des décrets d’application. Il aurait donc été plus logique d’attendre la parution de ce rapport, prévue le mois prochain, pour pouvoir dresser un premier bilan de l’application de la loi relative à la gendarmerie nationale.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Il a raison !

M. Jean Faure. Par ailleurs, je voudrais rappeler que, sur l’initiative du Sénat, une disposition, que vous avez personnellement soutenue, monsieur Boulaud, a été introduite dans la loi aux termes de laquelle « le Gouvernement remet au Parlement, tous les deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport évaluant, …

M. Didier Boulaud. La loi de programmation militaire prévoyait un rapport qu’on n’a jamais vu venir !

M. Jean Faure. … d’une part, les modalités concrètes du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur et notamment son impact sur son organisation interne, ses effectifs, l’exercice de ses missions et sa présence sur le territoire […] ». Toutes ces questions ont justement été posées par Mme Klès.

Il est aussi prévu que « ce rapport comporte les éléments relatifs à l’obtention d’une parité globale entre les personnels des deux forces ». Ce point a également été soulevé par Mme Klès.

Enfin, la loi précise que ce rapport « est préparé par une instance extérieure aux services concernés ».

Ainsi, le Gouvernement devra remettre au Parlement, à l’été 2011, un rapport d’évaluation détaillé, comprenant notamment un bilan du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

En introduisant cette disposition, nous souhaitions disposer d’une évaluation précise des conséquences du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur afin d’avoir la possibilité d’en corriger éventuellement les effets.

Je le répète, madame Klès, il me semble qu’il aurait été préférable d’attendre que la loi relative à la gendarmerie nationale ait pu produire tous ses effets, y compris ceux que vous dénoncez, …

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, justement : il faut empêcher cela !

M. Jean Faure. ... que l’ensemble des mesures réglementaires aient été adoptées et que le rapport d’évaluation ait été publié pour pouvoir débattre sereinement de son application.

Pour autant, en tant que parlementaire et démocrate, je reconnais que, en organisant un tel débat, le Parlement est pleinement dans son rôle en matière de contrôle de l’application des lois. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité y prendre part.

En revanche, la question des effectifs et des moyens consacrés à la gendarmerie me paraît relever davantage du débat budgétaire que d’un débat sur le contrôle de l’application des lois.

M. Didier Boulaud. C’est pourquoi on n’a pas adopté le budget !

M. Jean Faure. Ayant déjà longuement évoqué ce sujet dans mon rapport pour avis sur les crédits de la mission « Sécurité » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, je ne reviendrai pas ici sur ces aspects. Toutefois, Mme Klès nous ayant laissé entendre qu’on ne lui avait pas communiqué tous les travaux effectués par la commission, en particulier ceux de la commission spéciale créée à l’occasion de l’examen du projet de loi relative à la gendarmerie nationale, je voudrais rappeler l’état d’esprit dans lequel nous avons abordé ce texte.

Ce projet de loi a présenté un caractère « historique », puisque, depuis 1798, le Parlement n’avait jamais légiféré dans ce domaine. En deux siècles, seul un simple décret, datant de 1903, portant règlement sur l’organisation et le service de la gendarmerie a été pris. Pourtant, depuis sa création, la gendarmerie a beaucoup évolué. Le rapprochement spontané avec le ministère de l’intérieur …

M. Didier Boulaud. « Spontané » ! Elle est bien bonne celle-là !

M. Jean Faure. … a eu des conséquences sur le terrain qui ont obligé le ministre de l’intérieur à intervenir. Il fallait donc tenir compte de toutes les modifications qui sont intervenues au cours des années, voire des siècles.

Cette réforme est profonde puisqu’elle organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, conformément, comme vous l’avez rappelé, madame Klès, à la volonté exprimée par le Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007. Pour autant, ce n’est pas le Président de la République qui en a arrêté et défini les contours…

M. Didier Boulaud. Bien sûr que si !

M. Jean Faure. … et qui a décidé de tous les dispositifs qui peuvent poser problème.

M. Didier Boulaud. C’est lui et lui seul ! Il avait commencé lorsqu’il était ministre de l’intérieur.

M. Jean Faure. Avant même le dépôt du projet de loi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait souhaité constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie.

Par sa composition, ce groupe de travail, que je présidais, reflétait la diversité politique de notre assemblée. Il était composé de nos collègues Michèle Demessine, Hubert Haenel, Charles Pasqua et, pour le groupe socialiste, qui y était largement représenté, de Philippe Madrelle et André Rouvière, ce dernier ayant été extrêmement actif tout au long de nos travaux.

Nous avons présenté ensemble dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité.

Mme Virginie Klès. Je n’étais pas là !

M. Jean Faure. Je le sais, chère collègue, c’est pour cela que je me permets de faire ce rappel.

Nos dix-sept recommandations ont été reprises dans un rapport d’information publié en avril 2008, rapport dont le Gouvernement disposait pour la préparation du projet de loi.

Pour l’examen du projet de loi, je me suis largement fondé sur ces recommandations.

M’inspirant d’une phrase figurant dans le décret du 20 mai 1903 – j’y repensai en vous écoutant présenter vos observations, madame Klès –, j’ai également « cherché à bien définir la part d’action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie, afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l’élasticité ou l’obscurité de quelques articles ». On le voit, il y a une continuité dans la réflexion.

Je tiens également à souligner l’excellente collaboration avec le rapporteur pour avis de la commission des lois, notre collègue Jean-Patrick Courtois.

Le texte initial du projet de loi, déposé en premier lieu au Sénat, ne comportait que dix articles. Lors de son examen, j’ai présenté une vingtaine d’amendements, qui ont tous été adoptés par la commission. À l’issue de son adoption par le Sénat en décembre 2008, le projet de loi comportait vingt-deux articles, soit plus du double. Le travail parlementaire a donc été très significatif. Après son adoption par l’Assemblée nationale en juillet dernier, le projet de loi en comportait vingt-six, soit quatre de plus. Quant au texte issu de la commission mixte paritaire, il en comprenait vingt-sept.

M. Didier Boulaud. Comptes d’apothicaire !

M. Jean Faure. Un véritable travail parlementaire, fait d’échanges et de discussions, a donc eu lieu, même s’il y a eu quelques renoncements. Je tiens à souligner, par souci d’honnêteté, que notre collègue Jean-Louis Carrère a parfaitement défendu certaines positions qui ont conduit le groupe socialiste à voter contre le texte.

M. Jean Faure. Je tenais à rappeler le processus d’élaboration du rapport qui avait finalement été adopté à l’unanimité.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’était que le rapport !

M. Jean Faure. Quelles ont été les principales modifications introduites par le Sénat ?

Nous avons entièrement réécrit l’article définissant les missions de la gendarmerie nationale afin de consacrer son caractère de force armée, d’y mentionner expressément son rôle, contesté d’ailleurs par certains collègues, en matière de police judiciaire, l’une de ses missions essentielles, d’affirmer son ancrage territorial et de rappeler sa vocation militaire, notamment sa participation aux opérations extérieures.

L’envoi de 150 gendarmes français en Afghanistan, tout comme la présence de gendarmes en Géorgie et en Côte d’Ivoire témoignent, à cet égard, de l’atout que constitue le statut militaire de la gendarmerie pour ce type d’opérations.

Nous avons également introduit un nouvel article afin de consacrer dans la loi le principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire. On le voit, chaque département ministériel a sa propre feuille de route.

La question des relations avec les préfets avait suscité des interrogations, y compris dans nos rangs et chez votre serviteur. Nous avons longuement débattu de cette question. Il ne s’agissait pas pour nous de remettre en cause le rôle du préfet, qui occupe une place essentielle en matière de coordination des forces de sécurité publique, mais il nous semblait nécessaire de concilier le rôle central du préfet avec le respect de la chaîne hiérarchique consubstantielle au statut militaire de la gendarmerie.

M. Jean Faure. En définitive, nous sommes parvenus, je le pense, à un bon équilibre sur ce point et je constate que, quelques mois après l’adoption de la loi, cet équilibre a été traduit au niveau réglementaire et que chacun a trouvé sa juste place.

La suppression de la procédure de réquisition a constitué un autre sujet délicat, qui a fait l’objet d’un très long débat. Estimant que cette procédure n’était pas compatible avec le rattachement au ministère de l’intérieur, nous avons accepté de la supprimer en prévoyant toutefois deux tempéraments : d’une part, le maintien d’une procédure d’autorisation pour le recours aux moyens militaires spécifiques, comme les véhicules blindés ou certaines armes à feu, et, d’autre part, à la demande du groupe socialiste, l’encadrement de l’usage des armes à feu au maintien de l’ordre, tant par les gendarmes que par les policiers, …

M. Jean Faure. … en particulier afin de garantir la traçabilité des ordres. Nous serons d’ailleurs très attentifs, monsieur le secrétaire d’État, au décret d’application qui sera pris concernant cet article.

Par ailleurs, nous avons adopté d’autres modifications au texte du Gouvernement, notamment afin de reconnaître le rôle essentiel joué par les réservistes de la gendarmerie nationale.

En outre, grâce à ce projet de loi, les militaires de la gendarmerie bénéficieront d’une grille indiciaire spécifique, ce qui permettra d’aller vers une parité globale de traitement et de carrière entre les gendarmes et les policiers, conformément à l’engagement pris par le Président de la République.

En définitive, je pense pouvoir affirmer que, au-delà des clivages politiques, les travaux du Sénat ont été marqués par le souci d’apporter toutes les garanties concernant le maintien du dualisme…

Mme Michelle Demessine. C’est une interprétation exagérée !

M. Jean Faure. … des forces de sécurité publique et le caractère militaire de la gendarmerie.

Je termine, monsieur le président.

Il n’y aura pas de disparition du statut militaire des gendarmes ni de fusion entre la gendarmerie et la police. Peut-être le malaise auquel certains font allusion existe-t-il dans certains cas, mais je peux vous dire, moi qui rencontre les brigades toutes les semaines, que, à la base, la gendarmerie est très satisfaite de ce dispositif. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Didier Boulaud. Ils nous appellent aussi et ce n’est pas ce qu’ils nous disent !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cinq mois après le vote de la loi organisant le rattachement total de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, la question posée au Gouvernement par notre collègue Jean-Louis Carrère est tout à fait justifiée.

M. Didier Boulaud. Très bien !

Mme Michelle Demessine. Lors de la discussion de ce texte, j’avais moi-même évoqué, au nom du groupe CRC-SPG, certains de ses dangers et de ses effets pervers.

J’indique que, si nous avons adopté à l’unanimité le rapport et les recommandations de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous avons été très clairs sur les raisons de notre opposition au projet de loi. Il serait très dangereux de faire un amalgame entre ces deux positions, je tenais à le préciser.

M. Didier Boulaud. Absolument !

Mme Michelle Demessine. En premier lieu, nous craignions la concentration en une seule main de tous les pouvoirs et de tous les moyens affectés à la sécurité intérieure. C’est sans doute ce risque qui a motivé l’opposition de tous ceux qui ont vu se profiler derrière ce texte un recul des libertés publiques et des droits individuels, ainsi que la possibilité d’appliquer sans entraves la politique sécuritaire, centralisatrice et répressive du Président de la République.

En second lieu, nous craignions la remise en cause à terme de cette spécificité républicaine et démocratique de notre pays que constitue l’existence de deux forces de police différentes, le risque étant que le statut militaire de la gendarmerie soit subrepticement vidé de sa substance.

Les craintes que nous avions exprimées sur les risques d’une fusion à terme de la police et de la gendarmerie étaient justifiées.

Mme Michelle Demessine. Certaines conséquences concrètes de la loi, comme les réductions d’effectifs et la mutualisation des moyens entre la gendarmerie et la police – les commandes de matériels et la formation leur sont désormais communes –, illustrent cette tendance à faire disparaître la spécificité de chacune des deux forces. À cela s’ajoutent les pressions de toutes parts en faveur d’une convergence des statuts.

Je le rappelle, cette réforme n’était voulue ni par les policiers ni par les gendarmes.

M. Didier Boulaud. Ni par la ministre de la défense de l’époque, devenue ensuite ministre de l’intérieur !

Mme Michelle Demessine. Chacun souhaitait conserver son budget, ses effectifs et son périmètre de missions.

Les élus locaux ne la réclamaient pas non plus. Ils redoutaient surtout – leurs craintes étaient fondées – d’avoir à faire face, du fait de la révision générale des politiques publiques, à des suppressions de brigades, lesquelles suscitent le mécontentement des populations, qui éprouvent alors un sentiment d’insécurité.

Ces réductions d’effectifs – 1 300 emplois seront supprimés dans les gendarmeries en 2010 – conduiront inéluctablement à une diminution de la présence de la gendarmerie dans les zones rurales. Elles laissent présager un démantèlement progressif de ce service public de sécurité intérieure.

Au-delà des réductions d’effectifs, la refonte de la carte des zones de compétence entre la police et la gendarmerie me semble s’effectuer concrètement au détriment de la gendarmerie.

Ainsi, M. le ministre souhaite étendre les polices d’agglomération à Marseille, à Lyon et à Paris, sur le modèle lillois, bien que cette nouvelle structure ait à Lille suscité le mécontentement tant des policiers et des gendarmes que des élus locaux de toutes appartenances politiques. Un rassemblement de fonctionnaires de police est d’ailleurs prévu aujourd’hui même devant la préfecture du Nord.

Cet été, les cinq maires de mon département qui dépendent de la brigade de Quesnoy-sur-Deûle, Frelinghien, Warneton, Verlinghem et Deûlémont vous ont écrit pour protester d’avoir appris par la presse le transfert en secteur de police de leurs communes situées actuellement en zone de gendarmerie. On a bien tenté de les rassurer en leur répondant que ce transfert n’était pas opportun dans l’immédiat, mais l’absence de concertation en amont est révélatrice d’intentions inavouées. Elle ne peut que conforter ceux qui, comme moi, estiment que, à terme, cette loi aboutira à la fusion de nos deux forces de sécurité.

Une autre conséquence concrète de la loi est la mutualisation des moyens de la gendarmerie et de la police. Ainsi 90 % des marchés d’armement sont-ils mutualisés. Les équipements, l’entretien et la réparation automobile le sont également, de même que sont combinés les ateliers de soutien des deux forces. Il en va de même dans le domaine de la formation des unités chargées du maintien de l’ordre, policiers et gendarmes pouvant être formés dans les mêmes centres. Dans le domaine des systèmes d’information et de communication, une réflexion sur l’unification des matériels et des systèmes est également engagée.

Cette rationalisation n’est pas une mauvaise chose en soi, mais elle créera à la longue des habitudes et une uniformisation qui contribueront aussi à faire disparaître l’identité de chaque force. La mutualisation des moyens et le rapprochement institutionnel ne peuvent que créer des conflits entre les deux institutions.

À cet égard, les moyens octroyés à la gendarmerie dans la dernière loi d’orientation ont été de 20 % inférieurs aux prévisions alors que ceux de la police nationale étaient, eux, bien supérieurs. Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur risque donc de tourner à la mise en concurrence des deux forces.

Enfin, dans la réalité du terrain, les gendarmes ont l’impression de n’avoir plus que les inconvénients du statut militaire, sans en avoir les avantages. On espère sans doute de cette façon que les gendarmes en viendront eux-mêmes à revendiquer une harmonisation statutaire.

En outre, la coexistence au sein d’un même ministère de deux systèmes, la représentation syndicale pour les policiers et la concertation propre aux militaires pour les gendarmes, incitera tôt ou tard, de facto, les uns et les autres à vouloir aligner leurs statuts.

M. Didier Boulaud. C’est évident !

Mme Michelle Demessine. En valorisant autant l’intérêt de la tutelle unique, vous suscitez des aspirations à une convergence accrue, ce qui est, il faut en convenir, extrêmement habile.

Le rapprochement mis en place par la loi aboutira donc à des revendications croissantes de la part des gendarmes en matière de rémunérations, de temps et de conditions de travail, voire de droit de grève ou de liberté syndicale.

La tendance à l’uniformisation des deux forces ne peut qu’inciter les gendarmes à comparer leur statut à celui des policiers, en particulier sur l’un des principes fondamentaux du statut militaire : celui de la disponibilité.

Il est évident que les principes du statut militaire et les contraintes qui en découlent sont un obstacle à l’établissement d’une « parité globale » avec le statut des fonctionnaires de police.

Or, la disponibilité permanente est l’une des caractéristiques essentielles du statut militaire. En garantissant une présence à faible coût sur tout le territoire, ce statut militaire permet à la gendarmerie, grâce à sa disponibilité, d’assurer l’égalité des citoyens en matière de sécurité.

Ainsi, je reste persuadée, cinq mois après, que, s’il avait été uniquement question de moderniser et de mutualiser les moyens, d’améliorer les conditions d’emploi de ces deux forces et d’assurer une meilleure coopération entre elles, le rattachement auprès de votre ministère ne s’imposait pas.

M. Didier Boulaud. Absolument !

Mme Michelle Demessine. Les exemples donnés par notre collègue M. Carrère, ainsi que par Mme Klès à l’instant, et la demande qu’ils ont faite à M. le ministre d’établir un bilan d’étape des conséquences de la loi, prennent ainsi tout leur sens. Nous espérons obtenir des réponses précises. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Ce qu’a fait une loi, une autre loi peut le défaire ! Et elle le défera !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Ça m’étonnerait !

M. Didier Boulaud. Cela se fera sans vous !

M. le président. La parole est à M. Joseph Kergueris.

M. Joseph Kergueris. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question soulevée par notre collègue Mme Klès témoigne de la vigilance du Sénat et de l’attention que les membres de notre assemblée portent à l’application des lois.

Cette même question nous a logiquement amenés à examiner l’état d’avancement de la mise en œuvre de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.

Ce faisant, nous avons constaté que de nombreux décrets prévus par ce texte étaient en attente de publication et que, pour cette raison, d’importantes dispositions n’étaient pas encore entrées en vigueur.

Les mesures réglementaires prises par le Gouvernement ont été publiées il y a moins d’un mois. Je crains donc qu’il ne soit un peu tôt pour évaluer les conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur. (Marques d’approbation sur les travées de lUMP.)

Quoi qu’il en soit, la date de promulgation du texte constitue une contrainte dont nous devons tenir compte.

Pour prématurée qu’elle soit, cette question orale n’en est pas moins intéressante puisqu’elle nous offre l’occasion de demander à M. le ministre de l’intérieur où en est la mise en œuvre de ce texte que nous considérons comme important.

Peut-être pouvez-vous nous indiquer si le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur produit effectivement les bénéfices attendus.

L’unicité de commandement permet-elle effectivement de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la criminalité ? Les échanges d’information entre les deux forces de sécurité sont-ils plus nombreux et plus rapides ?

J’ai constaté avec satisfaction qu’à la suite de l’interpellation en flagrant délit par les gendarmes de Haute-Corse d’un individu qui cambriolait les locaux d’un restaurant le 27 décembre dernier, la cellule anti-cambriolage de ce département a procédé à des recoupements qui ont permis d’imputer pas moins de trente cambriolages à deux individus, pour un butin d’environ 100 000 euros.

Doit-on penser, à la lumière de cet exemple, que ces recoupements ont été facilités par une circulation plus fluide des informations entre policiers et gendarmes ? Y a-t-il des éléments concrets permettant de mesurer les premiers effets du rapprochement ?

Engagée depuis le décret du 19 septembre 1996, la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie est récente. A-t-elle progressé grâce au rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ?

Pourrait-on nous indiquer comment son application s’articule avec la révision générale des politiques publiques, mais aussi avec la loi de programmation militaire ?

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas compliqué, ce sont des pourcentages !

M. Joseph Kergueris. Je salue également la question présentée par Mme Klès en ce qu’elle m’offre l’occasion de faire part de mon étonnement. En effet, j’ai cru observer - mais je suis sûr que l’on va me rassurer - des mouvements de crédits quelque peu surprenants en fin d’année dernière.

Ainsi, un décret du 15 décembre dernier a affecté 23,5 millions d’euros initialement dévolus au programme 152 de la mission «  Sécurité » de la gendarmerie nationale au programme 176 de la police nationale, afin de satisfaire un besoin pressant de rémunérations.

Faut-il y voir un exemple de mutualisation ?

M. Didier Boulaud. C’est le principe des vases communicants ! Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Joseph Kergueris. C’est un principe constant de physique, cher collègue, efficace en matière de châteaux d’eau !

Je profite enfin de notre discussion pour redire l’attachement de notre groupe à trois principes très importants, attachement que M. le ministre partage assurément.

Je pense tout d’abord au maintien du statut militaire de la gendarmerie nationale. L’aboutissement du rapprochement issu de la loi du 3 août dernier doit permettre d’accélérer la complémentarité et la coordination de nos deux forces de sécurité.

Ce cheminement ne doit en aucun cas aboutir à une fusion. Toute remise en cause du statut militaire de la gendarmerie serait, à nos yeux, inacceptable, nous souhaitons le réaffirmer ici.

Deuxièmement, nous devons progresser vers une parité globale de traitement et de carrière entre gendarmes et policiers, comme notre collègue Jean Faure l’a évoqué à l’instant. Je crois que les progrès qui doivent être accomplis sur cette voie sont importants à double titre : d’abord, pour une question d’équité, ensuite, parce que c’est l’une des conditions de la pérennité du statut militaire.

Enfin, le principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire doit être pleinement appliqué et respecté.

Voilà, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, les questions et les attentes qui sont les nôtres quelques mois après l’adoption de la loi relative à la gendarmerie nationale.

Notre collègue souhaitait que soit établi un rapport d’étape sur l’application de la loi. Je conviens que l’exercice n’est pas aisé, dans la mesure où l’étape a été brève. S’il nous fallait établir une comparaison entre ce dont nous débattons aujourd’hui et le Tour de France, je dirais que nous n’en sommes qu’au prélude qui précède généralement les grandes étapes.

En tout état de cause, l’exercice n’en est pas moins intéressant et ce débat a de la valeur. Il me permet, pour conclure, outre de faire état des préoccupations de notre groupe, de saluer le dévouement et la compétence de nos policiers et gendarmes, tout particulièrement de ceux qui veillent, entre ces murs, à la sérénité de nos débats. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Mme Michèle Alliot-Marie, d’ailleurs présente ici il y a quelques instants, a été – malgré elle, serais-je tenté d’ajouter – la cheville ouvrière de cette loi. Vous en avez hérité et je ne suis pas sûr que vous ayez fait une bonne affaire ! Vous nous donnerez votre sentiment à ce propos dans quelques instants.

La finalité de cette loi était de rapprocher - c’est là un euphémisme - la gendarmerie de la police nationale, sous couvert de rationalisation, d’efficacité et de complémentarité, tout cela dans le cadre de la fameuse révision générale des politiques publiques.

Nous avions eu à l’époque l’occasion de nous exprimer également sur ce sujet inévitablement lié au fonctionnement de la gendarmerie et à sa vocation.

Il y a six mois de cela, nous avons voté contre ce texte. Il est temps à présent de tirer un premier bilan de son application. Même si certains orateurs ont expliqué que la période de six mois était un peu courte pour tirer un premier bilan, j’ai cru comprendre que l’application de cette loi avait été engagée dès le 1er janvier 2009.

C’est l’objet de la question qui vous est aujourd’hui posée par le groupe socialiste du Sénat.

Cette réforme entre, à notre sens, dans le cadre plus vaste d’une fragilisation des services publics, qui se traduit pêle-mêle, singulièrement dans le milieu rural, par une litanie de suppressions touchant tant les tribunaux que la présence postale et aujourd’hui la gendarmerie, tout cela au nom de la rigueur et des économies budgétaires dont on est en droit de se demander si elles peuvent être compatibles avec le principe de sécurité, comme on peut du reste se demander si elles le sont avec les exigences de santé publique.

Cette réforme met en danger un équilibre qui reposait auparavant sur deux forces, la police nationale et la gendarmerie, et porte atteinte à l’identité du corps militaire qu’est la gendarmerie.

Comme l’a fort bien expliqué ma collègue Virginie Klès, le parti-pris idéologique qui a guidé la RGPP fragilise au jour le jour une institution qui a mis plusieurs siècles à aboutir et qui, au moment où je m’exprime, est appréciée par l’ensemble des Françaises et des Français parce qu’elle remplit des fonctions qui inspirent non seulement le respect mais également la confiance.

Déjà, lors de la discussion du projet de loi, le groupe socialiste avait émis de sérieux doutes quant aux véritables motivations du Gouvernement. C’est ainsi qu’en juillet 2009 il dénonçait l’absence d’une analyse sérieuse des spécificités et complémentarités de nos forces de sécurité qui aurait été à même d’éclairer de manière pertinente la rédaction de ce projet de loi.

Il eût été nécessaire de prévoir la consultation au moins des élus locaux, interlocuteurs privilégiés dans ce domaine puisqu’ils se situent à l’interface des services de l’État, de la gendarmerie et bien entendu des citoyens de ce pays.

Tout cela n’a pas été fait et la conclusion à laquelle nous aboutissions alors, avant même l’adoption de cette loi, et qui se vérifie chaque jour davantage, est que le Gouvernement a pour volonté de constituer au plus vite une force unique de sécurité qui sera à terme placée sous l’autorité civile de l’exécutif.

À l’époque, nous nous interrogions en ces termes : pourquoi engager cette réforme, alors que personne ne met en doute la pertinence de la gendarmerie, même si, il est vrai, après plus de deux siècles d’existence, son fonctionnement méritait d’être toiletté et ses moyens renforcés pour plus de performance.

Par conséquent, une telle réforme procède, de notre point de vue, d’un mouvement dangereux tendant à faire sauter la protection que représentaient, pour les institutions de la République et les Français, la chaîne de commandement, la hiérarchie militaire et le système des réquisitions.

Nous sommes plus de six mois après les débats, et les craintes qui avaient été exprimées à l’époque par le groupe socialiste nous semblent malheureusement en voie de confirmation.

La mutualisation des forces de sécurité, qui tend à être banalisée et accrue, aboutirait à un rapprochement fusionnel de la police et de la gendarmerie et elle conduirait mécaniquement à une disparition progressive du statut militaire de cette dernière, qui se trouve déjà en difficulté.

M. Jean Faure. C’est faux !

M. Jean-Jacques Mirassou. Je pourrais ainsi mentionner la stagnation, voire la diminution des effectifs.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Cela n’a rien à voir avec le statut militaire !

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, mais cela participe du même affaiblissement, mon cher collègue !

Dans le même temps, – tout le monde, y compris M. le ministre, en conviendra – la démographie de notre pays augmente et on note depuis 2000 une hausse des actes de délinquance, notamment dans les zones rurales.

Aujourd’hui, alors qu’on déplore – c’est vrai – l’insuffisance des moyens matériels mis à disposition de la gendarmerie, on s’attaque en même temps à son identité et à son rôle éminemment spécifique au service de la République.

Ainsi, au-delà de l’intérêt de la population en termes de sécurité, on prendrait donc le risque de se priver d’une institution, ce qui, dans des conditions spécifiques, ferait cruellement défaut. Cela a été évoqué tout à l’heure. Je pense notamment au fait que la gendarmerie, en raison de son statut militaire, est la seule force susceptible de préserver l’autorité du Gouvernement et de défendre les institutions en période de crise grave. Certes, à l’époque actuelle, de tels événements sont rares, voire rarissimes. Mais le risque existe tout de même.

À cet égard, la suppression de la procédure de réquisition, qui fait partie des mesures adoptées dans le cadre de la loi du 3 août 2009, aboutit à dénaturer et à affaiblir l’institution (M. le président de la commission des affaires étrangères s’exclame.), notamment dans le contexte que j’évoquais précédemment.

En effet, et n’en déplaise à ceux qui ne partagent pas cette analyse, une telle suppression est en opposition avec les principes républicains relatifs à l’emploi de la force publique dans des conditions précises et aux fondements du statut général des militaires.

Le cumul de tels bouleversements organisationnels et institutionnels s’accompagne d’une mise à disposition des moyens matériels et humains de la gendarmerie, qui, pour les raisons évoquées précédemment, ne sont pas à la hauteur des attentes des citoyens.

Sans doute allez-vous me répondre, monsieur le ministre, que les dotations de ce corps ont connu une hausse entre 2009 et 2010. Mais peut-on considérer une évolution de 0,6 % comme une véritable hausse ?

De surcroît, vous connaissez aussi bien et peut-être mieux que moi l’insuffisance des moyens matériels. Je pense notamment – cela a été souligné tout à l’heure par Virginie Klès – aux moyens héliportés, qui sont à bout de souffle, au parc automobile, à l’état alarmant de certaines casernes et à l’absence de remplacement des matériaux lourds au service des moyens humains.

Autant d’insuffisances qui transparaissent sur le terrain et dont nos concitoyennes et concitoyens ressentent durement les conséquences.

J’en viens à la question des effectifs.

Les chiffres publiés au mois de novembre 2009 font état d’une perte de 1 354 emplois équivalents temps plein travaillé, qui s’ajoute à la suppression de 1 625 emplois en 2009. Au total, la gendarmerie aura perdu 2 979 équivalents temps plein travaillé, alors que les statistiques de la délinquance mettent en évidence – je l’ai déjà souligné – le besoin d’une force de sécurité de proximité, notamment en milieu rural.

Jusqu’à il y a très peu de temps, un tel rôle était rempli de manière plus qu’honorable et appréciée par des gendarmes, qui sont maintenant rattrapés par une évolution inquiétante des actes de délinquance sur le territoire. Chacun comprendra facilement qu’une telle évolution préoccupe au plus haut point l’ensemble des élus locaux ; il y en a d’ailleurs beaucoup dans cet hémicycle. J’imagine que vous partagez cette préoccupation, monsieur le ministre.

En effet, la crise sociale et économique qui nous frappe n’épargne plus les territoires ruraux. Au lieu de diluer le rôle de la gendarmerie, il aurait été, me semble-t-il, indispensable de renforcer son maillage territorial en assurant une présence la plus efficiente possible des brigades territoriales de proximité. Dans son rôle, la présence de la gendarmerie dépasse largement le seul enjeu sécuritaire, parce que sa spécificité et son intégration séculaire au sein de la population lui permettent d’appréhender également une dimension sociale. Malheureusement, je pense très sincèrement que, dans son application, la loi votée en juillet tourne le dos à cet aspect de la question.

On me permettra d’apporter à cette discussion un éclairage particulier, en évoquant le département que je représente, c'est-à-dire la Haute-Garonne. Ce n’est pas un cas d’espèce par rapport à la situation que j’évoquais, mais j’ai la prétention de connaître un peu mieux la situation de ce territoire que l’ensemble de nos collègues.

Depuis le début des années deux mille, notre département a subi une réorganisation de la gendarmerie. Une telle évolution s’inscrit dans le cadre de la mutualisation décidée en 2002, ce qui a notamment abouti à la création des communautés de brigades, évoquées précédemment.

Parallèlement, notons que les effectifs ont très légèrement « augmenté », puisqu’ils sont passés de 1 119 en 2003 à 1 121 en 2009. (Exclamations ironiques.)

M. Didier Boulaud. Il y en a qui ont de la chance ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. La chance a ses limites, mon cher collègue.

En effet, dans le même temps, la démographie du département a explosé. Vous le savez, la Haute-Garonne accueille chaque année près de 20 000 nouveaux habitants. Un tel ratio permet de relativiser – le mot est faible – l’augmentation très légère de l’effectif, d’autant que, là comme ailleurs, les faits de délinquance ont progressé de manière inquiétante. Je pense notamment aux violences physiques.

En outre, la création des communautés de brigades à moyens humains constants n’a que maladroitement camouflé l’insuffisance des effectifs sur le terrain au plus près des citoyens et la faiblesse des moyens alloués au corps de la gendarmerie, en pénalisant les brigades territoriales de proximité.

À cet égard, monsieur le ministre, j’aimerais vous faire part d’un exemple précis, même si je pense que vous disposez dans votre bureau de tous les vœux et résolutions adoptés par le conseil général de mon département. Je voudrais évoquer le canton de Montastruc-La-Conseillère, dont la force de gendarmerie est rattachée à la communauté de brigades de Fronton.

Cette brigade de proximité, qui est chargée d’un canton de plus de 30 000 habitants répartis sur 12 communes, dispose d’un effectif de 9 gendarmes. Et encore : comme l’un d’entre eux est affecté à des tâches spécifiques, il y a seulement 8 gendarmes sur le terrain. Vous le voyez, avec 9 gendarmes pour 30 000 habitants, le ratio n’est guère favorable…

C’est pourquoi, en 2008, le conseil général a transmis à M. le préfet une proposition de résolution adoptée à l’unanimité tendant à la suppression des communautés de brigades de gendarmerie et au rétablissement d’une brigade cantonale autonome, avec un renforcement du personnel.

Permettez-moi un trait d’humour, monsieur le ministre. À une époque, certains pelotons de gendarmerie de haute montagne – c’était par exemple le cas à Cierp-Gaud – avaient besoin de compter les chiens d’avalanche pour gonfler un peu artificiellement les effectifs… (Sourires.) Mais la situation s’est améliorée, et la brigade concernée n’use plus du même stratagème.

Par ailleurs, les relations entre les élus, la population et la gendarmerie, qui constituaient une composante forte d’une action concertée de terrain deviennent, par la force des choses, de plus en plus épisodiques, compte tenu des charges de travail et de la mobilité importante à laquelle les forces de gendarmerie sont assujetties. L’efficacité de ces dernières était unanimement reconnue, parce qu’elle était notamment liée à leur excellente connaissance des populations et des territoires.

Aujourd’hui, leur terrain d’opération est tellement vaste que l’efficacité de leur action est sévèrement compromise, et ce malgré – cela a été souligné – le dévouement sans faille des gendarmes.

Monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, et parce que la mise en application pratique de cette loi, même sur une durée relativement courte, met en évidence des inquiétudes, je conclurai en vous posant une question très simple : pouvez-vous nous apporter des éléments susceptibles de nous faire croire à un avenir pérenne de la gendarmerie nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis d’emblée, ce débat me semble quelque peu prématuré. Cela a déjà été souligné, mais je crois qu’il faut le répéter.

En effet, la loi relative à la gendarmerie nationale ne date que du mois d’août dernier. Or, évaluation et contrôle s’accordent mal avec précipitation.

En outre, et je le dis avec un brin de malice, j’ai entendu le terme singulier de « militarité » du gendarme.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un néologisme ! (Sourires.)

Mme Gisèle Gautier. Je doute qu’un tel néologisme apporte une clarification à notre débat et à la « bravitude » de nos gendarmes ! (Rires et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Le texte prévoit une évaluation, ce qui est positif. Tous les deux ans, le Gouvernement devra rendre un rapport au Parlement. Par conséquent, et bien que l’encre de ce texte ne soit pas encore sèche et que le terme des deux années ne soit pas arrivé, nous nous soumettons évidemment à cet exercice.

Avant tout, je tiens à saluer le remarquable travail de notre collègue Jean Faure et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le sujet.

S’il est prématuré de dresser aujourd'hui un premier bilan d’un tel dispositif, notre débat nous offre toutefois l’occasion de mettre un frein à la désinformation perpétuelle – j’allais dire « quotidienne » – selon laquelle forces de police et gendarmerie fusionneraient.

Ce rattachement est administratif ; ce n’est pas une OPA de la police sur la gendarmerie ! Il s’agit avant tout de créer les meilleures conditions de collaboration entre forces de police et unités de gendarmerie.

Que je sache, la loi du 3 août a confirmé le statut militaire des gendarmes ! Pour avoir, comme vous tous, rencontré les officiers et les sous-officiers sur le terrain, je sais qu’ils sont aujourd'hui rassurés sur leur devenir comme militaires exerçant des fonctions de police. Pour autant, ils sont également très attentifs au respect de l’équilibre entre les deux forces de sécurité issues du ministère de l’intérieur, notamment d’un point de vue budgétaire.

Monsieur le ministre, j’aimerais attirer votre attention sur un élément. De grâce, ne refaisons plus ce qui s’est pratiqué, c'est-à-dire le transfert des crédits du titre 2 des personnels de la gendarmerie au titre 2 de la police ! Vous savez à quoi je fais allusion. Il ne faut pas que cela se reproduise.

La loi du 3 août 2009 consacre les missions de la gendarmerie et les enrichit. Elle n’altère pas le modèle français de dualité des forces de sécurité intérieure, qui n’est en aucun cas – je le répète – remis en cause. De même, le statut militaire de la gendarmerie a été et sera préservé, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République.

En tant que sénateur et membre de la commission des affaires étrangères et de la défense, et sous l’autorité de son président, M. Josselin de Rohan, je souhaite souligner le rôle primordial de la gendarmerie nationale, tant dans les domaines de police judiciaire qu’au regard de son nécessaire ancrage territorial, en particulier dans les zones rurales. Les militaires sont attachés à leur « culture d’entreprise » et à leur proximité avec la population, la réciproque étant vraie.

Cette loi, dont nous ne pouvons pas encore observer tous les effets concrets, puisque – je l’ai souligné précédemment – nous ne disposons que de peu de recul, a permis de réaffirmer les compétences de la gendarmerie pour assurer la sécurité et l’ordre publics.

Désormais, les missions de la gendarmerie sont réunies dans un seul texte. Elles sont constituées par l’exécution des lois, les missions judiciaires, dont, au premier chef, la police judiciaire – c’est un point important –, le renseignement et l’information des autorités publiques.

La mission de défense est réaffirmée, et ce à un moment où notre pays doit faire face à de plus en plus de menaces. Ne l’oublions pas, les gendarmes ont un rôle majeur dans la lutte contre le terrorisme et la sécurité des armements nucléaires.

En rattachant administrativement la gendarmerie au ministère de l’intérieur, cette loi a fixé des conditions très précises quant au rôle et l’autorité du préfet vis-à-vis des gendarmes.

Contrairement à ce que l’on a pu entendre dire, le principe hiérarchique n’a pas été remis en cause. Le préfet n’exerce et n’exercera pas le commandement des unités. Non seulement le principe hiérarchique est respecté, mais en outre il a été modernisé.

Concernant la réquisition pour l’emploi des unités de gendarmerie au maintien de l’ordre et le recours aux moyens militaires spécifiques, la loi prévoit une procédure d’autorisation dont les conditions sont définies par décret en Conseil d’État.

Enfin, je souhaite rendre hommage aux gendarmes. Au quotidien, que ce soit sur le territoire national ou en OPEX – je pense à la mission « Harpie » en Guyane ou aux hommes qui participent en Afghanistan à formation des unités afghanes –, ils font preuve de courage et d’excellence.

Au prétexte d’éviter des « doublons », le terme a été employé ici ou là, ne les cantonnons surtout pas dans des missions moins gratifiantes. Cela aurait pour effet de les transformer en troupes « supplétives », pardonnez-moi l’expression, de la police nationale. Ce ne serait pas une bonne chose, car cela priverait l’État de leurs très grandes capacités de police aptes à être engagées en tout temps, sans préavis, sur toutes les crises majeures.

Je conclurai, monsieur le ministre, mes chers collègues, en affirmant que la cohérence « lolfienne » du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur doit se traduire par une capacité opérationnelle accrue.

De ce point de vue, une attention particulière doit être portée à quatre dossiers sensibles : le positionnement du corps des officiers de gendarmerie par rapport aux commissaires de police ; la parité des sous-officiers et gardiens de la paix gradés ; les conclusions que l’on attend de l’audit sur la mission de renseignement ; l’exercice de la mission de police judiciaire, exercice auquel il faut rester particulièrement attentif.

Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’essentiel de ce qui peut aujourd'hui être souligné sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les interventions de mes amis Jean Faure et Gisèle Gautier, je souhaite apporter quelques compléments d’information.

J’approuve, naturellement, pleinement Jean Faure dont l’autorité est reconnue comme rapporteur des crédits de la gendarmerie et comme rapporteur du projet de loi. J’adhère également pleinement à ce que vient de dire Gisèle Gautier sur le caractère militaire de la gendarmerie.

Sur ce point, une fois encore, je rappelle que la loi est explicite : les gendarmes sont des militaires, et tout a été mis en œuvre dans le texte pour veiller à ce qu’ils le restent.

Madame Klès, il est vrai que des gendarmes sont employés dans des OMLT – Operational Mentoring Liaison Team – en Afghanistan, ce qui prouve de toute évidence qu’il s’agit bien de militaires, car les policiers ne sont jamais requis pour ce type d’opération en Afghanistan et sont chargés d’autres tâches.

À ce propos, je tiens à souligner que les gendarmes se sont parfaitement comportés récemment dans une OMLT qui a fait l’objet d’une attaque armée. Ils ont riposté avec beaucoup de courage et en faisant preuve de toutes les vertus militaires que l’on peut attendre d’un soldat.

Par ailleurs, il n’a jamais été question, madame Klès, je ne sais pas où vous êtes allée prendre une telle information, d’envoyer en Afghanistan des gendarmes pour effectuer des tâches qui sont normalement confiées aux militaires. Il n’a jamais été question d’envoyer des gendarmes mobiles dans des bataillons français d’intervention, par exemple. Pourquoi racontez-vous de pareilles histoires ? (Mme Virginie Klès proteste.)

De plus, mes chers collègues socialistes et communistes, puisque vous êtes si attachés au caractère militaire de la gendarmerie, pourquoi M. Boulaud nous présente-t-il assez régulièrement des amendements tendant à autoriser les gendarmes à être syndiqués : s’il y a un moyen de rapprocher la condition des policiers de celle des gendarmes, c’est bien de syndicaliser la gendarmerie ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Monsieur Boulaud, le gouvernement socialiste a eu un ministre extrêmement éminent en la personne de Charles Hernu. Or, j’ai entendu celui-ci en 1983 affirmer, lors d’un congrès d’anciens de la gendarmerie, que, s’ils voulaient définitivement couper les liens entre lui-même et leurs associations, ils n’avaient qu’à continuer à demander que les gendarmes se syndiquent.

Voilà un républicain qui a été extrêmement ferme. Les gendarmes, parce qu’ils sont militaires, ne peuvent justement pas se syndiquer.

Mes chers collègues, mettez de la cohérence dans vos déclarations !

M. Didier Boulaud. Charles Hernu est mort !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. De surcroît, monsieur Mirassou, si vous pensez vraiment que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur contrevient à tous les principes de la République, pourquoi n’avez-vous pas saisi le Conseil constitutionnel sur la loi ? S’il y avait eu la moindre atteinte aux principes républicains, le Conseil constitutionnel aurait censuré le texte, car on ne peut, vous le savez bien, l’accuser d’être systématiquement à l’écoute du Gouvernement.

M. Didier Boulaud. On a même cru comprendre le contraire !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Une fois de plus rappelons que tout ce qui est exagéré ne compte pas !

Dans les remarques de Mme Demessine, j’ai été très étonné d’entendre que le fait de vouloir mutualiser un certain nombre de ressources était contraire à l’esprit républicain.

Je ne vois pas en quoi chercher à réaliser des économies en mutualisant, par exemple, l’achat ou l’entretien d’hélicoptères entre la gendarmerie et la police alors qu’elles effectuent les mêmes missions, mais dans des zones différentes, contreviendrait aux principes républicains ? Pourquoi ne pourrions-nous pas acheter en commun des armes qui peuvent être utilisées par les uns et par les autres ? Il ne faut tout de même pas pousser le trait trop loin !

Enfin, en ce qui concerne la RGPP, il est parfaitement normal que l’on recherche à adapter le service public à ses nouvelles fonctions, par exemple, en diminuant le nombre de gardes des gendarmes dans les palais nationaux. Il est tout à fait légitime également, et notre ami Jean Faure l’a réclamé à plusieurs reprises, de chercher à réduire le rôle de la gendarmerie dans les transfèrements, cela permettrait de réaliser une bonne économie.

Par ailleurs, en quoi le fait de diminuer un certain nombre d’emplois administratifs constituerait une révolution et empêcherait la gendarmerie de fonctionner ?

Bien entendu, nous avons toujours souhaité le maintien des effectifs opérationnels de la gendarmerie. Il n’est pas question, à ma connaissance, de supprimer des brigades. Affirmer une telle chose relève tout simplement du procès d’intention.

Nous serons d’ailleurs très vigilants sur ce point lorsque le bilan nous sera présenté par le ministre de l’intérieur. Connaissant ce dernier, je ne doute pas qu’il souscrira aux engagements qui ont été pris par son prédécesseur.

Je terminerai mon propos sur les écoles de formation de la gendarmerie. Après la chute du mur de Berlin, en 1990 ou en 1991, un certain nombre de régiments ont été supprimés, ce qui était déjà une adaptation, et on a repris à la gendarmerie les bâtiments libérés. Des écoles y ont été installées, ce qui n’était pas indispensable. Je rappelle que l’actuelle majorité n’était pas au gouvernement dans les années quatre-vingt-dix.

Aujourd'hui, les écoles qui n’étaient pas nécessaires ont été supprimées. Il vaut beaucoup mieux, mes chers collègues, avoir un nombre réduit d’écoles fournissant toute la gamme des formations dont les gendarmes ont besoin pour leur instruction que de multiplier des écoles à faibles effectifs et ne pouvant dispenser les enseignements nécessaires.

Mes chers collègues, nous comprenons très bien qu’il faille être vigilant sur l’application de la loi. Nous comprenons en revanche moins bien les psychodrames.

En tout état de cause, je puis vous fournir l’assurance que la commission des affaires étrangères, comme toujours, veillera pleinement à ce que les engagements souscrits par le ministre qui a défendu à l’époque la loi sur la réforme de la gendarmerie soient appliqués. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Didier Boulaud. Elle a tellement été vigilante qu’elle n’a pas voté le budget de la gendarmerie !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord évoquer la tragédie qui frappe Haïti, où, comme vous le savez, un séisme de forte magnitude a dévasté toute la partie ouest de l’île.

De très nombreux bâtiments se sont effondrés ou ont été fortement endommagés, et nous déplorons de très nombreuses victimes. Nous sommes actuellement sans nouvelle d’environ 200 ressortissants français.

Je partage l’inquiétude de la gendarmerie pour deux gradés qui servaient en Haïti sous la bannière de l’ONU et dont nous sommes sans nouvelle, comme me l’a rappelé ce matin le général Gilles.

J’ai naturellement demandé que le maximum de moyens disponibles soient acheminés le plus rapidement possible sur place afin que nous puissions contribuer aux recherches et aux secours.

Dans ce cadre, je précise en préambule à la Haute Assemblée que des renforts comprenant trente-six gendarmes, pour sécuriser et éviter les débordements, les excès, les pillages et les atteintes diverses pouvant survenir lors de drames de cette nature, et soixante pompiers ont été acheminés immédiatement à partir de la Martinique. Quatre détachements d’environ soixante-dix hommes comprenant des pompiers et des gendarmes sont également envoyés à partir de la métropole. Deux détachements sont déjà arrivés sur place.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’occasion qui m’est offerte aujourd’hui de pouvoir m’exprimer devant la Haute Assemblée sur la situation actuelle de la gendarmerie nationale ainsi que sur les perspectives d’évolution ouvertes par la loi du 3 août 2009.

Autant le dire tout de suite, cela ne surprendra personne, je partage l’avis Mme Gisèle Gautier et de MM. Jean Faure et Joseph Kergueris : il est encore beaucoup trop tôt pour dresser un bilan.

Je suis le premier motivé par l’établissement d’un bilan, mais encore faut-il laisser passer un peu de temps pour pouvoir mesurer les effets, apprécier les correctifs et les améliorations à apporter, s’il y en a, et estimer les aspects positifs.

J’observe que le législateur a souhaité que le Gouvernement effectue, au bout de six mois, un bilan des textes d’application de toutes les lois promulguées.

S’agissant plus particulièrement de la loi relative à la gendarmerie, j’ajoute qu’un rapport spécifique doit être publié tous les deux ans, en plus des points qui seront évidemment faits lors de chaque discussion budgétaire.

Puisque les clauses de rendez-vous existent déjà, il aurait été peut-être opportun d’attendre les échéances normales, sans compter qu’à force de faire des bilans nous risquons d’en oublier l’objectif.

Cela étant, j’ai bien entendu les observations que vous avez faites et que Jean-Marie Bockel m’a rapportées il y a quelques instants. Elles témoignent toutes de notre attachement commun à la gendarmerie nationale.

Un des hommages que je rends régulièrement à la gendarmerie est de savoir s’imprégner du tissu local, de nouer avec les élus locaux des liens personnels forts. C’est le talent de la gendarmerie que de savoir le faire avec autant d’habileté et d’efficacité.

Sur toutes les travées, vous avez manifesté votre volonté de pérenniser et de conforter une institution qui assure avec efficacité et proximité un service public de sécurité.

En revanche, je m’inscris en faux contre les allégations et les insinuations formulées à l’encontre du Gouvernement concernant l’avenir de cette institution.

Je n’ai pas à douter a priori de la sincérité des uns et des autres, notamment de M. Mirassou, mais je ne peux pas partager leurs inquiétudes !

Conformément aux orientations du Président de la République, nous avons mis en œuvre une architecture rénovée de la sécurité, dans le respect de l’identité des deux forces, gendarmerie et police nationales. M. le président de Rohan a évoqué les déclarations de mon prédécesseur Michèle Alliot-Marie : à aucune étape de la discussion, vous n’avez entendu dans sa bouche le mot « fusion ». Quand j’ai pris mes fonctions de ministre de l’intérieur, j’ai poursuivi la discussion de ce projet de loi devant l’Assemblée nationale et pas une seule fois je n’ai évoqué la fusion : au contraire, j’ai toujours précisé qu’il s’agissait de maintenir deux entités distinctes.

Puisque Mme Klès parlait de méthode, je souhaiterais rappeler d’abord d’où nous venons, pour vous exposer ensuite vers où nous allons et comment.

La loi du 3 août 2009 est une loi importante, elle constitue la première réforme d’envergure pour la gendarmerie depuis deux siècles : M. Jean Faure a rappelé le caractère historique de ce texte, je n’y reviens donc pas. Depuis 2002, la gendarmerie était placée pour emploi auprès du ministre de l’intérieur pour ses missions de sécurité intérieure. Depuis mai 2007, les ministères de l’intérieur et de la défense définissaient conjointement ses moyens budgétaires, et la loi de finances pour 2009 a placé le programme « Gendarmerie » sous l’unique responsabilité du ministre de l’intérieur. Mais il restait à régler la question du rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

Nous sommes donc allés au bout de cette logique et ce rattachement a été réalisé : comme vous le savez, et comme j’ai eu l’occasion de le rappeler il y a quelques instants, lors d’une présentation à la presse, depuis le 23 novembre 2009, le directeur général de la gendarmerie nationale et son cabinet sont installés au ministère de l’intérieur, place Beauvau.

Il était essentiel de conduire cette réforme sans porter atteinte à ce qui constitue l’identité de la gendarmerie et il fallait donc, pour dissiper tout malentendu, réaffirmer clairement le statut militaire de cette institution. J’ajoute que cette évolution s’inscrit dans le mouvement plus global de la modernisation de l’État territorial et, par voie de conséquence, du ministère de l’intérieur.

Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur répond d’abord à une exigence d’efficacité. N’oublions pas que nos compatriotes n’entrent pas dans ces détails d’organisation, mais nous demandent tout simplement d’assurer leur protection. Ils expriment une attente d’autorité, de protection, de justice et nous devons donc réfléchir au meilleur moyen de répondre à cette triple attente. Je pense que cette initiative apporte une réponse, en nous permettant de nous adapter en permanence, dans nos modes d’action et dans notre organisation.

Chacun en sera d’accord, une plus grande efficacité suppose d’abord une meilleure cohérence dans l’utilisation des moyens. C’est pour cette raison que ce rapprochement s’est imposé comme une nécessité, dont je suis convaincu qu’elle sera démontrée : je vous donne rendez-vous dans quelque temps. Les mutualisations entre la police et la gendarmerie améliorent l’efficacité opérationnelle tout en diminuant les coûts, sans pour autant conduire à la fusion de nos deux institutions.

J’ai bien entendu, naturellement, vos interrogations portant sur les effectifs, mesdames, messieurs les sénateurs. Cet argument est recevable, mais permettez-moi de vous faire part de deux réflexions.

Premièrement, notre pays a créé un million d’emplois dans les services publics depuis vingt ans. Croyez-vous sincèrement que ce processus peut continuer indéfiniment ? La France est certes une grande puissance, mais elle est touchée, comme tous les autres pays, par une crise très importante : pensez-vous que nous pourrons continuer à créer toujours davantage d’emplois dans les services publics ?

Mme Virginie Klès. De là à tout supprimer !

M. Brice Hortefeux, ministre. Franchement, si vous le pensez, n’hésitez pas à le dire à l’opinion publique !

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. Deuxièmement, la question des effectifs est bien sûr importante. Mais, pour répondre à la demande de protection, d’autorité et de justice exprimée par nos concitoyens, il ne suffit pas de prévoir des effectifs, il faut aussi repenser l’organisation, la méthode, les moyens matériels, techniques et scientifiques. Ne résumez pas l’enjeu à une question d’effectifs, parce que ce serait une simplification abusive !

Beaucoup de projets ont été conduits en commun par la police et la gendarmerie avant la loi du 3 août 2009 : je pense notamment à l’acquisition d’équipements, tels les véhicules ou l’armement ; je pense aussi à la mise en commun de certains moyens coûteux, tels les hélicoptères, dont la mise à disposition au profit de la police évite une acquisition redondante. Cette mutualisation fonctionne bien : la police peut désormais utiliser un certain nombre d’hélicoptères de la gendarmerie, alors qu’elle était auparavant limitée à un partenariat avec la sécurité civile. Nous avons donc élargi notre palette de moyens afin de renforcer notre efficacité ; les travaux se poursuivent dans ce sens, avec la mutualisation des formations spécialisées des enquêteurs, des motocyclistes, des équipes cynophiles ou des plongeurs, par exemple.

De plus, la définition de normes communes et de systèmes compatibles en matière d’information et de communication permettra de développer des programmes d’équipements adaptés aux besoins des deux institutions. Vous savez qu’aujourd’hui la police, la gendarmerie et la sécurité civile utilisent trois systèmes de communication différents, les réseaux ACROPOL, RUBIS et ANTARES : il faut naturellement évoluer vers un système commun. Ne vous y trompez pas : pas un seul de vos électeurs ne connaît l’existence de ces trois systèmes, ils sont même tous convaincus que nous avons déjà évolué sur ce point. Cette évolution indispensable doit donc être poursuivie : rechercher la rationalisation des dépenses publiques est un objectif que nous partageons tous !

J’observe avec satisfaction que Mme Escoffier, initialement inquiète, exprime aujourd’hui sa satisfaction : vous connaissez bien, madame la sénatrice, par votre expérience d’élue, mais aussi par votre expérience professionnelle, cette situation et vous constatez que cette nouvelle organisation porte déjà ses fruits.

Désormais directeur d’une administration centrale du ministère de l’intérieur, le directeur général de la gendarmerie nationale est installé avec son cabinet, comme je l’ai déjà dit, depuis le 23 novembre 2009, place Beauvau. Au-delà des mots, il s’agit d’une réalité humaine concrète : la discussion s’instaure immédiatement avec le directeur général de la police ; pour les réunions, il n’est plus besoin de courir les uns après les autres à travers Paris. Un nouveau mode de fonctionnement humain s’est donc établi au quotidien et cette nouvelle situation permet d’associer la gendarmerie aux décisions beaucoup plus en amont qu’auparavant, parce que le directeur général de la gendarmerie nationale bénéficie, avec ses collaborateurs, d’une nouvelle proximité avec le ministre et son cabinet – nous nous voyons tous les jours –, le directeur de la police ou les représentants de la préfecture de police, etc. Le fonctionnement concret est désormais beaucoup plus clair et beaucoup plus simple. Cette implantation permet également d’améliorer la connaissance mutuelle et crée ainsi les conditions d’une véritable cohésion entre les deux forces de sécurité de la République.

De fait, monsieur Kergueris, les échanges d’informations entre la police et la gendarmerie sont effectivement beaucoup plus rapides, plus denses et plus intenses, ce qui ne peut avoir qu’une traduction bénéfique sur le terrain dans la lutte contre la délinquance.

La meilleure démonstration de la pertinence de notre choix nous est donnée par les résultats : je les ai communiqués publiquement ce matin et je n’y reviendrai pas dans le détail, l’occasion se présentera certainement lors d’autres débats. Cette année, la délinquance baisse une nouvelle fois. Vous vous en souvenez certainement, sur les huit premiers mois de l’année, la tendance était à la hausse, mais cette hausse a été bloquée en septembre et inversée de manière forte en octobre, novembre et décembre (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…

Mme Virginie Klès. De manière forte ?

M. Brice Hortefeux, ministre. … de telle sorte que nous pouvons terminer l’année avec une baisse générale de la délinquance supérieure à celle de l’année dernière. Si nous avons pu inverser la tendance en quatre mois, cela prouve qu’une volonté, une détermination, une mobilisation, une organisation différente ont permis d’obtenir des résultats. Cette tendance à la baisse est donc confirmée pour la septième année consécutive. La gendarmerie nationale contribue largement à ces résultats puisque, dans sa zone de compétences, nous avons enregistré une baisse de la délinquance de 2,1 %. M. Kergueris a donc eu raison de souligner la qualité du travail des gendarmes, accompli dans le seul souci de la sécurité de nos concitoyens.

La loi du 3 août 2009 est la meilleure garantie d’un maintien du statut militaire de la gendarmerie, qui a été réaffirmé depuis deux siècles de manière constante et qu’il n’a jamais été question de remettre en cause. La police et la gendarmerie ont chacune leur culture, leur histoire, leur identité. Je pense même que la différence de statuts, loin de constituer un handicap, peut s’avérer un atout, car elle apporte une forme de diversité.

Dès l’annonce de sa volonté de rattacher la gendarmerie au ministère de l’intérieur, le Président de la République s’est engagé publiquement, clairement et sans ambiguïté à maintenir et garantir le statut militaire de l’arme.

La gendarmerie nationale conserve une pleine compétence en matière de police judiciaire, d’ordre public, de missions de renseignement ou dans le domaine international, comme l’ont rappelé à juste titre le président Josselin de Rohan et Mme Gautier.

En outre, par le respect du principe des zones de compétence territoriale, il n’est pas question de diminuer les effectifs d’une force pour renforcer l’autre, mais d’assurer une meilleure coordination sur le terrain et un appui mutuel lorsque les circonstances l’exigent.

L’équilibre passe également par la parité globale de traitement, qui ne signifie pas que toute mesure prise pour une force doive se traduire strictement à l’identique pour l’autre. Il est, en revanche, indispensable que la mise en œuvre d’une mesure concernant une force puisse être évaluée à l’aune de ses conséquences sur l’autre force, afin que le traitement des personnels de chacune soit globalement équilibré, comme l’a rappelé avec raison M. Kergueris.

Comme l’a souligné Jean Faure, la loi définit la gendarmerie comme « une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois ». L’expression « force armée » n’est pas une simple formule : il est défini précisément par le code de la défense et le protocole additionnel aux conventions de Genève.

Si la loi indique clairement que la gendarmerie est placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur, elle reste cependant sous l’autorité du ministre de la défense pour l’exercice de ses missions militaires. Ce partage est tout à fait simple, clair, net et transparent !

La loi précise également les sujétions et obligations particulières fixées aux officiers et sous-officiers en matière d’emploi et de logement en caserne, maintenant ainsi la capacité de la gendarmerie départementale à assurer ses missions à tout moment et en tout lieu dans sa zone de compétence territoriale. Cela signifie que l’ancrage territorial de la gendarmerie, auquel vous êtes tous attachés, mesdames, messieurs les sénateurs, est préservé et conforté. Je précise bien, une nouvelle fois – il vaut mieux se répéter que se contredire ! – que nous n’avons aucune volonté, affichée ou latente, de « démilitariser » la gendarmerie.

Bien au contraire, j’ajoute que le recrutement dans les grandes écoles militaires des officiers et la formation initiale et spécifique des gendarmes sont maintenus ; que le ministère de la défense continue d’assurer une partie des soutiens, qu’il s’agisse de la santé, du paiement de la solde ou du transport opérationnel ; que la concertation dans la gendarmerie reste soumise aux règles en vigueur au sein des forces armées.

Sur ce dernier point, M. le président de Rohan évoquait tout à l’heure des propositions du sénateur Boulaud qui se voulaient « décoiffantes ». Je n’ai pris mes fonctions au ministère de l’intérieur qu’au mois de juin, mais j’ai déjà pu constater que les gendarmes savent parfaitement se faire entendre ! Ils savent passer par le canal des associations d’anciens officiers, ce qui permet aux messages de passer assez vite. Parfois même, quand je me déplace dans les brigades et les casernes, les conjoints de gendarme savent très clairement exprimer, avec le sourire mais parfois avec fermeté, leurs messages.

En raison du caractère militaire du statut, la création de groupements professionnels demeure proscrite : on ne peut pas à la fois demander le respect de l’identité militaire et la battre en brèche ! Il faut choisir : soit on demande le maintien de l’identité militaire de la gendarmerie et on est contre la création de groupements professionnels, soit on y renonce et on en tire un certain nombre de conséquences. Mais on ne peut pas vouloir les deux à la fois, sans s’exposer à un risque d’incohérence !

Dans le même esprit, la participation des gendarmes aux opérations extérieures, dans un cadre militaire ou civilo-militaire, permet de maintenir et de renforcer les liens avec leurs camarades des autres armées.

C’est le cas en Afghanistan, comme plusieurs d’entre vous l’ont évoqué. La gendarmerie nationale y forme la police afghane dans les conditions d’un théâtre de guerre. J’ai d’ailleurs assisté, avec le général Roland Gilles entre autres, au départ de 150 militaires qui exercent, dans des zones extrêmement sensibles, une mission particulièrement difficile et, pour être tout à fait clair, périlleuse. Je me rendrai sur place au mois de mars ou d’avril.

Ainsi, à l’instar de Mme Gautier et de M. Faure, je veux souligner la qualité de l’engagement et la compétence de nos gendarmes à l’étranger.

Enfin, la gendarmerie nationale participe à la modernisation du ministère de l’intérieur et de l’action de l’État territorial.

Sa relation avec les préfets est rénovée et clarifiée, comme l’ont également souligné Mme Gautier et M. Faure.

Selon les termes de la loi, dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, le responsable du commandement de la gendarmerie nationale est placé sous l’autorité du préfet et lui rend compte de l’exécution et des résultats de ses missions.

Sa première des missions consiste, bien entendu, à lutter contre la délinquance et à assurer la sécurité de nos concitoyens, grâce à une présence physique de proximité à leurs côtés. Tel est l’objectif prioritaire que j’ai fixé aux responsables de la gendarmerie.

Les textes d’application de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale ont été publiés ou sont en cours d’élaboration.

Comme l’a remarqué M. Jean Faure et pour répondre à l’interrogation de M. Joseph Kergueris, nous avons progressé, puisque 17 décrets et 9 arrêtés ont d’ores et déjà été publiés.

Les travaux se poursuivent dans un cadre interministériel et à un rythme soutenu. Il reste une vingtaine de textes à élaborer ou à toiletter. Je voudrais donc rassurer M. Kergueris sur la dynamique engagée. Nous serons très clairement au rendez-vous !

De par la suppression de la réquisition, la représentation nationale a souhaité encadrer précisément l’usage des armes, ce qui constitue une garantie, tant pour nos concitoyens que pour les militaires de la gendarmerie. Comme je m’y étais engagé lors de la présentation du texte, un décret d’application est en cours d’élaboration. Ce décret garantira une traçabilité complète des ordres donnés. De cette façon, je pense répondre à l’interrogation et au souhait de M. Jean Faure.

Il en sera de même, bien entendu, s’agissant des moyens militaires spécifiques de la gendarmerie utilisés dans le cadre du maintien de l’ordre.

En outre, je tiens à préciser que nous modernisons nos méthodes de lutte contre la délinquance.

Les règles en vigueur concernant la compétence territoriale tant de la police que de la gendarmerie ne sont pas remises en cause. Toutefois, des redéploiements entre les deux forces sont effectivement possibles. Ils sont même souhaitables en ce qu’ils permettent d’améliorer la cohérence et l’efficacité du dispositif de lutte contre la délinquance.

Le rapprochement des deux forces au sein du ministère de l’intérieur permettra de trouver, j’en suis convaincu, les répartitions les plus adaptées aux situations locales. Cela doit se faire au cas par cas et en étroite concertation avec les élus.

Tel est d’ailleurs l’objectif de la création de la police d’agglomération et de la police des territoires.

II s’agit tout simplement d’adapter l’organisation territoriale des forces de sécurité aux bassins de vie et de délinquance en mettant en place, ce qui constitue pour moi une préoccupation majeure, un commandement cohérent sur une zone donnée. Le dispositif doit, dans ce domaine également, être totalement transparent.

Comme le savent les élus parisiens, altoséquanais ou val-de-marnais qui sont présents, j’ai créé la police d’agglomération en septembre 2009, à Paris et dans les départements de la petite couronne – Val-de-Marne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis. (MM. Philippe Dominati et Christian Cambon acquiescent.)

J’ai par ailleurs demandé aux préfets concernés de conduire une concertation avec les élus pour étendre ce type de dispositif à Lille, Lyon et Marseille. Je souhaite vivement que cette concertation soit menée et je signale à ceux d’entre vous qui ne suivent pas en détail le déploiement de la police d’agglomération que les résultats obtenus sont très impressionnants. Je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous pencher dessus, car nous pouvons certainement en tirer des leçons.

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, nous procéderons à une mise en place très officielle de la police des territoires en 2010. Celle-ci a vocation à protéger l’espace et les flux, encore une fois en adaptant les modes d’action et en décloisonnant les zones d’intervention de ses unités.

Avant de conclure mon intervention, je souhaite répondre à M. Jean-Jacques Mirassou, qui me semble avoir fait une petite confusion lorsqu’il a avancé, pour les effectifs de sa brigade, un chiffre de neuf, voire huit gendarmes. Sur la communauté de brigades concernée, ces effectifs s’élèvent à près d’une trentaine de gendarmes. Pour être précis et complet, il aurait donc fallu citer ces deux éléments : on compte bien une trentaine de gendarmes pour le bassin de population que M. Mirassou a évoqué.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi relative à la gendarmerie nationale est, dans notre esprit, une nécessité pour la sécurité de nos concitoyens. Elle engage une réforme de fond, qui s’inscrit dans le long terme et qui ne pourra qu’amplifier nos résultats en matière de lutte contre la délinquance.

Il s’agit, non pas d’une révolution, mais d’une évolution. Cette évolution était nécessaire pour adapter les moyens aux besoins de notre époque, sans mettre en cause les spécificités qui font l’efficacité d’ensemble des forces de sécurité intérieure.

Soyez certains que je veille à ce qu’elle se fasse dans un souci d’équilibre, de complémentarité et d’efficacité, et je saisis cette occasion pour rendre hommage, devant le Sénat, aux militaires de la gendarmerie nationale et à l’ensemble des forces de sécurité intérieure. Je leur exprime mon soutien, mon affection et ma confiance dans l’action qu’ils mènent au service de la paix publique et du respect du droit. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Témoignage de solidarité envers le peuple haïtien après le séisme de Port-au-Prince

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à la demande du président du Sénat, qui assiste en ce moment à des obsèques, et avec M. Bernard Piras, président du groupe d’amitié France-Caraïbes, je voudrais exprimer la solidarité du Sénat tout entier avec le peuple haïtien dans la dramatique épreuve du terrible séisme qui a dévasté la ville de Port-au-Prince, faisant plusieurs dizaines de milliers de victimes.(Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)

Inquiétude supplémentaire, le bâtiment du Parlement s’est effondré et nous sommes sans nouvelles du président du Sénat haïtien, M. Kelly Bastien, de sénateurs et de fonctionnaires de cette assemblée avec lesquels nous entretenons des relations étroites, dans le cadre d’une coopération parlementaire particulièrement active depuis 2006.

En cet instant, nos pensées et notre compassion vont aux familles des victimes, notamment aux Français d’origine haïtienne, qui sont sans nouvelles de leurs proches, comme nous sommes toujours sans nouvelles de plus de deux cents de nos ressortissants.

Puisse la France apporter tout son soutien à un pays qui nous est lié par l’histoire et l’amitié.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, notre regard et notre cœur sont tournés vers Port-au-Prince, si cruellement frappé, si dramatiquement dévasté.

Une ville a sombré, et le bilan semble terrible sur le plan humain. Les premiers témoignages et informations qui nous parviennent confirment un chaos indescriptible, sidérant d’horreur, pour tout dire. Ce désastre brutal frappe de plein fouet un peuple démuni, attachant, mais sur lequel un destin implacable semble s’acharner.

Je veux vous dire que la France est aux côtés du peuple haïtien, qui a subi tant d’épreuves et avec lequel nous entretenons une amitié si ancienne.

Nous mobilisons tous nos moyens pour tenter de sauver ce qui peut l’être. Dès hier, trois avions des forces armées stationnés aux Antilles ont acheminé à Port-au-Prince quarante gendarmes et agents de sécurité civile, ainsi que trois tonnes de fret. Ils ont pu, au retour, évacuer quatre-vingt-onze ressortissants français.

Aujourd’hui, en milieu de journée, un nouvel avion quittera Pointe-à-Pitre pour Port-au-Prince avec quatre-vingts personnes et cinq tonnes de fret à bord. Plusieurs détachements en provenance de Brignoles et de la région parisienne, comportant des gendarmes et des médecins, sont sur le point de partir pour Haïti.

Je veux également rendre hommage à la réactivité et à la mobilisation dont font preuve l’ensemble des ONG françaises, ainsi que la communauté haïtienne de France.

J’aurai l’occasion, cet après-midi, de participer avec Bernard Kouchner à la réunion qu’organise le Président de la République sur la situation en Haïti. Nous y prendrons d’autres mesures afin d’amplifier l’effort de solidarité de notre pays, à la fois pour lutter contre les conséquences immédiates de cette catastrophe, mais aussi pour participer, aux côtés des États-Unis, du Brésil et des autres pays de la région, à la reconstruction d’Haïti.

6

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.

grippe a

M. le président. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Je tiens tout d’abord à remercier M. le Premier ministre des informations qu’il vient de nous communiquer à propos du drame d’Haïti et de l’intervention de la France. Nous ne doutons pas que notre pays fera face à ses obligations de secours immédiats et participera à l’effort de reconstruction, conformément aux vœux du Président de la République et du Premier ministre.

Ma question s’adresse à Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Madame la ministre, après l’affaire du sang contaminé, la canicule et l’inscription, peut être à tort, du principe de précaution dans notre Constitution, quelle peut bien être la marge d’action des pouvoirs publics en matière de risque sanitaire ? Soit ils n’agissent pas et sont comptables de toute réalisation du risque, soit ils prennent la menace au sérieux et s’exposent à l’écueil inverse : se voir reprocher d’avoir « sur-réagi ».

C’est ce dernier cas de figure qui, aux dires de certains, vient de se produire avec la grippe A.

Un très important dispositif a été mis en place contre la pandémie, qui a touché trois millions de personnes et causé 269 décès en France.

Or le virus s’est révélé beaucoup moins virulent qu’on n’avait pu le craindre et la campagne de vaccination n’a pas rencontré le succès escompté. Les décisions prises se sont donc trouvées invalidées par les faits.

Nous ne vous blâmons pas d’avoir pris ces décisions, madame la ministre.

M. Nicolas About. Nous demandons seulement de la transparence.

La représentation nationale souhaite savoir par quel cheminement ces décisions ont été prises. En particulier, quel rôle ont joué l’OMS et les commissions d’experts ?

Nous aimerions également que la situation actuelle nous soit clairement exposée : nous savons que, sur les 94 millions de doses de vaccin qui ont été commandées et produites par les laboratoires, 88 millions sont toujours inutilisées. Des millions de doses d’antiviraux et un milliard de masques de protection ont aussi été achetés.

Enfin, à notre sens, la gestion des ressources humaines n’a pas été idéale. Pourquoi, en ce domaine, les outils prévus n’ont-ils pas été mis en œuvre ?

Combien, au total, cette opération va-t-elle coûter ?

Quels sont, et où en sont les accords avec les laboratoires ?

Les relations avec les professionnels de santé n’ont-elles pas souffert de cette crise ?

En bref, madame la ministre, quelles leçons tirez-vous de cette expérience ? (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux à mon tour exprimer mon émotion devant le drame épouvantable que vit le peuple haïtien. Sous l’égide du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères, le ministère de la santé s’impliquera évidemment totalement, comme il a commencé de le faire, pour apporter les secours sanitaires dont ce pays a tellement besoin.

Monsieur le président About, vous avez demandé de la transparence, et vous avez entièrement raison. C’est la démarche que j’ai toujours suivie depuis le début de cette crise, m’exprimant longuement et à plusieurs reprises devant les assemblées afin de répondre à toutes les questions posées par les parlementaires et d’expliquer précisément les décisions prises par le Gouvernement.

Comme d’autres pays, nous avons décidé de mener une large campagne de vaccination. En effet, cette grippe avait une typologie différente de celle des autres grippes et nous devions offrir à tous nos concitoyens qui le souhaitaient la possibilité de se faire vacciner.

Cette stratégie choisie par le Gouvernement s’explique par une raison technique, mais aussi par une raison éthique. Nous nous sommes référés à l’avis n° 106 du Comité consultatif national d’éthique, selon lequel, au nom du principe de l’égalité républicaine, dans le cadre d’une pandémie grippale, tous nos concitoyens qui le souhaitent doivent pouvoir être vaccinés.

Sur le plan technique, les autorités sanitaires nationales et internationales nous ont indiqué qu’il s’agissait d’une vaccination à deux doses mais que, à l’évidence, certaines personnes n’allaient recevoir qu’une seule dose. En tenant compte, là encore comme d’autres pays, d’un taux d’attrition de 25 %, nous avons donc acheté 94 millions de doses.

Le 20 novembre 2009, les autorités sanitaires internationales et européennes nous ont fait savoir que l’immunité pouvait être raisonnablement obtenue avec une seule dose. J’ai donc pris la décision de résilier l’acquisition 50 millions de doses.

M. René-Pierre Signé. Il n’y a pas de clause de résiliation !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sur les 44 millions de doses restantes, 5,5 millions ont déjà été utilisées et 10 millions ont été offertes à l’OMS. Compte tenu du taux de perte inéluctable, il nous reste donc environ 25 millions de doses. (M. René-Pierre Signé s’exclame.)

La campagne de vaccination ne fait que commencer ! Elle a débuté voilà deux mois et va se prolonger jusqu’en septembre. Le risque pandémique est toujours là, et nos compatriotes doivent se faire vacciner, car c’est la meilleure technique de prévention. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. René-Pierre Signé. Vous saviez pourtant comment les choses s’étaient passées à la Réunion !

soldats français tués en afghanistan

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Monsieur le président, étant le premier orateur du groupe socialiste, je me permettrai d’abord de dire que celui-ci partage pleinement l’émotion légitime suscitée par le drame haïtien et s’associe bien évidemment aux propos qui ont été tenus à l’instant.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, trois soldats français viennent de perdre la vie ces derniers jours au cours de violents combats en Afghanistan. Je tiens à adresser nos condoléances attristées à leurs familles et à leurs proches, et aussi à rendre hommage aux soldats français engagés en Afghanistan, qui sont désormais plus de 4 000, pour leur courage, leur dévouement et leur abnégation.

En 2008, nos concitoyens ont compris, après le drame de la Kapisa, qui a fait dix morts dans les rangs de l’armée française, que notre pays était vraiment engagé dans une guerre.

À ce jour, trente-neuf soldats français ont trouvé la mort depuis le début de notre engagement, en 2001.

L’année 2009 a été la plus meurtrière pour les forces de la coalition, et il y a fort à craindre que 2010 ne soit pire encore compte tenu de la montée en puissance de l’insurrection talibane.

Ma question comporte plusieurs volets, monsieur le ministre.

Premièrement, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur l’opération qui était menée lorsque les soldats français ont été tués ? Ce ne sont pas en effet les quelques entrefilets parus dans la presse qui peuvent fournir un quelconque éclairage sur ce qui s’est réellement passé.

Deuxièmement, face à l’aggravation de la situation et à l’augmentation du nombre de tués, certains pays de la coalition envisagent le retrait de leurs troupes. Le Canada l’a décidé pour 2011 et d’autres États, comme les Pays-Bas, s’interrogent au moment où les Américains ont décidé d’envoyer 30 000 hommes en renfort et demandent à leurs alliés ou à l’OTAN d’accroître leurs effectifs.

En 2007, alors qu’il n’était encore que candidat à l’élection présidentielle, M. Sarkozy déclarait, péremptoire : « La présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne me semble pas décisive. » Il s’engageait, dans la foulée, à poursuivre la politique de rapatriement de nos forces armées entamée par Jacques Chirac. Or, depuis qu’il a été élu, nos effectifs n’ont cessé d’augmenter…

Monsieur le ministre, les informations qui filtrent désormais nous conduisent à penser que nous avons perdu notre réelle liberté d’appréciation de la situation et que nous nous trouvons en position supplétive des Américains dans la décision, notamment depuis le très hasardeux retour de la France dans le commandement de l’OTAN.

Qu’en est-il vraiment ? Pouvez-vous nous donner de réelles assurances quant à l’autonomie d’action et de décision de nos états-majors ? Qui décide vraiment de l’engagement de nos militaires ?

Enfin, quelle décision prendra réellement la France, lors de la conférence de Londres fin janvier, quant à la demande pressante d’envoi de renforts formulée par les États-Unis ? Cette décision apparaît chaque jour un peu plus floue ; on entend même parler d’une contribution française de 1 500 militaires supplémentaires.

Le Gouvernement français, qui s’est tant vanté lors de sa présidence de l’Union européenne de son action en matière de défense européenne, a-t-il entrepris des démarches auprès de nos partenaires pour apporter une réponse commune de l’Union à la demande américaine ?

Surtout, le Parlement français aura-t-il enfin son mot à dire, comme c’est le cas dans tous les pays démocratiques de la coalition, si une augmentation de nos effectifs en Afghanistan était acceptée par le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur Boulaud, je vous répondrai à partir des informations communiquées par mon collègue Hervé Morin, ministre de la défense, qui n’a pas pu être aujourd’hui présent dans cet hémicycle.

M. René-Pierre Signé. Il est sans doute à Kaboul !

M. Bernard Kouchner, ministre. Au cours de la semaine écoulée, les forces armées françaises ont été endeuillées par la perte de trois militaires, un officier et deux sous-officiers, ce qui porte à trente-neuf, ainsi que vous l’avez indiqué, le nombre de soldats tués depuis le début de notre engagement, en 2001.

Entre le 11 et le 13 janvier, trois militaires français, du 42e régiment d’artillerie de la première brigade motorisée et du 507e régiment du train, ont perdu la vie en Afghanistan.

Les forces armées françaises n’avaient pas perdu d’hommes depuis octobre 2009. Le lourd tribut payé ces derniers mois est principalement imputable à des engins explosifs improvisés, posés le long de la route.

Ces militaires sont décédés alors qu’ils accomplissaient leur mission aux côtés de nos partenaires afghans pour les aider à mettre en place une armée efficace, capable de restaurer la sécurité et la stabilité de leur pays.

Je vous rappelle que cette action de formation comporte deux volets : l’opération EPIDOTE, c’est-à-dire la formation initiale, et les OMLT, ou Operational Mentoring and Liaison Team, c'est-à-dire les unités opérationnelles.

L’effort de la France, qui s’inscrit dans la stratégie développée par la force internationale d’assistance et de sécurité, la FIAS, est concentré en Kapisa et en Surobi, où sont déployées nos unités opérationnelles de formation auprès de la troisième brigade du 201e corps de l’armée nationale afghane.

Pour répondre à l’évolution des menaces, les armées françaises adaptent en permanence la protection des forces déployées sur les théâtres d’opération. Pour faire face aux attaques menées au moyen d’engins explosifs improvisés, des systèmes de détection et de neutralisation ont été mis en place. Il faut en inventer de nouveaux en permanence.

La protection individuelle a, de ce point de vue, été renforcée. Un effort important a été fait, pour un montant d’environ 200 millions d'euros sur cette période.

Ces pertes viennent nous rappeler que notre mission en Afghanistan reste difficile et qu’il est fondamental de continuer à former l’armée afghane afin de lui permettre d’assurer la sécurité du pays : c’est là une condition essentielle.

La nouvelle stratégie concertée de la communauté internationale, monsieur Boulaud, sera exposée à Londres, le 28 janvier. Nous pourrons alors examiner les possibilités qui s’offrent à nous. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. René-Pierre Signé. La majorité dort : ses membres n’applaudissent presque plus !

situation de l’emploi

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe CRC-SPG, je m’associe à l’émotion qu’a suscitée le drame qui vient de toucher les Haïtiens et qui nous émeut d’autant plus que ce peuple a déjà été particulièrement éprouvé ces dernières années.

Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.

Monsieur le ministre, les sénatrices et sénateurs de notre groupe souhaitent vous interroger sur ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour faire face à l’arrivée, en 2010, d’un nombre sans précédent de chômeurs en fin de droits.

En effet, Pôle emploi a calculé que pas moins de 1 million de chômeurs arriveront en fin de droits au cours de l’année 2010. Parmi eux, seul un quart sera éligible à l’allocation de solidarité spécifique, qui se monte à 454 euros par mois. D’autres percevront peut-être le revenu de solidarité active, mais beaucoup se retrouveront sans aucune ressource.

Ces chômeurs en fin de droits sortiront des chiffres du chômage, mais ce sera pour entrer dans ceux de la grande pauvreté. Aussi, il faut tout faire pour éviter qu’ils ne connaissent la spirale infernale : fin de droits, RSA, SDF.

Nous savons que ces personnes auront peu de chances de retrouver du travail en 2010 puisque les emplois continuent de disparaître et que les entreprises n’embauchent plus. L’INSEE annonce, rien que dans le secteur marchand, 126 000 destructions d’emploi au cours du premier semestre de 2010.

Alors que la crise internationale, que vous invoquez si souvent, a poussé le Gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles en faveur des banques, qui renouent d’ailleurs aussi bien avec les bénéfices qu’avec les mauvaises habitudes, il est de votre devoir d’agir également en faveur de ces personnes, pour lesquelles il est question non plus de pouvoir d’achat, mais de capacité de survivre.

Avant-hier, une lettre ouverte a été adressée en ce sens au Président de la République, lui demandant que soit attribuée à ces chômeurs en fin de droits une allocation de solidarité exceptionnelle qui prolongerait leurs droits pour une année.

Monsieur le ministre, nous vous demandons donc avec force ce que vous comptez faire face à cette situation d’urgence. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Madame la sénatrice, au préalable, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Laurent Wauquiez, qui est en déplacement dans le département de l’Ardèche.

Vous nous dites que nous invoquons souvent la crise internationale. Permettez-moi de vous répondre que nous ne sommes pas les seuls : tous les pays développés l’invoquent. Vous-mêmes, dans cet hémicycle, y faites souvent référence.

Aussi, dans ce contexte de crise, nous avons dû prendre des mesures exceptionnelles afin de ne laisser personne sur le bord du chemin.

Notre premier objectif est de maintenir le plus grand nombre de personnes dans l’emploi et d’éviter autant que possible les destructions d’emplois.

M. René-Pierre Signé. C’est raté !

M. Christian Estrosi, ministre. Pour cela, nous avons eu recours à plusieurs outils : l’activité partielle ; les contrats aidés ; le dispositif « zéro charge » ; l’amélioration de l’indemnisation dans le cadre du contrat de transition professionnelle et de la convention de reclassement personnalisé, dont peuvent bénéficier ceux qui, malheureusement, ont perdu leur emploi à la suite d’un licenciement économique et qui souhaitent se requalifier.

L’ensemble de ces actions n’a pas suffi, c’est vrai, à éviter que près de 850 000 personnes se retrouvent en fin de droits et ne perçoivent plus d’indemnités auprès de l’assurance chômage. Vous avez rappelé ces chiffres, et je ne les conteste pas. Il est d’ailleurs à craindre que ceux-ci n’augmentent en 2010.

M. Guy Fischer. Ce sera pire !

M. Christian Estrosi, ministre. Pourquoi vont-ils augmenter ? Par un effet mécanique, qui résulte de la modernisation de notre système de prise en charge. En effet, la nouvelle convention d’assurance chômage fait bénéficier d’une indemnisation des salariés qui n’y avaient pas droit auparavant, c’est-à-dire ceux qui auront cotisé entre quatre et six mois. C’est la seule raison ! En réalité, le nombre des chômeurs en fin de droits ne s’accroîtra pas.

M. Guy Fischer. Vous avez durci les conditions !

M. Christian Estrosi, ministre. Heureusement, grâce à notre modèle social, les personnes en fin de droits ne se retrouvent pas sans ressources. Elles peuvent évidemment bénéficier du RSA – je le dis devant Martin Hirsch – et, pour celles qui ont une certaine ancienneté dans l’emploi, de l’allocation de solidarité spécifique.

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas vous qui payez !

M. Christian Estrosi, ministre. Par ailleurs, un groupe de travail réunissant les représentants des syndicats et du patronat a été constitué, cette question relevant en grande partie de la compétence des partenaires sociaux. Il doit prochainement nous présenter ses conclusions.

M. Guy Fischer. On comptera 500 000 chômeurs supplémentaires !

M. Christian Estrosi, ministre. Voyez-vous, en matière de solidarité nationale, le Gouvernement a pris toutes ses responsabilités pour aider chacun à rebondir et à profiter de nouveau de l’ascenseur social. C’est l’honneur de notre modèle social ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne répondez pas !

séisme à haïti

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Fabienne Keller. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, un puissant séisme vient de frapper la terre haïtienne, soumettant son peuple à une terrible épreuve.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, je vous remercie des propos que vous avez l’un et l’autre tenus. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie plus particulièrement des actions que vous avez d’ores et déjà engagées. Les Français d’origine haïtienne, si nombreux, vous en sont très reconnaissants, comme le peuple haïtien, auquel rien, décidément, n’aura été épargné.

Ma commune étant jumelée avec une ville haïtienne, nous avons pu mesurer l’ampleur des dévastations causées par les cyclones successifs qu’a connus ce pays. Le séisme, quant à lui, a peu ou prou fini de détruire ce que ces derniers n’avaient pas emporté.

La France entretient une amitié forte et singulière avec cette nation tellement déshéritée, l’une des plus pauvres du monde. Les premiers secours ont été dépêchés, mais, monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler l’ensemble des mesures d’urgence que vous entendez mettre en œuvre ? Surtout, à moyen terme, quelles sont les pistes d’action pour aider la population haïtienne, si pauvre, à la fois à reconstruire les habitations et les infrastructures, mais aussi à bâtir une nouvelle société ? (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame la sénatrice, M. le Premier ministre vient de mentionner quelques-unes des actions d’urgence que vient d’engager la France. J’ajouterai, pour ma part, que la France a décidé d’envoyer cinq avions et près de 130 sauveteurs, membres du corps médical, gendarmes, équipes spécialisées dans la recherche sous les décombres.

De manière à arriver à Port-au-Prince demain aux premières heures du jour, compte tenu du décalage horaire, un avion décollera ce soir, avec, à son bord, un hôpital mobile. Il est prévu d’installer cet hôpital sur le terrain de la résidence de l’ambassadeur de France. Celle-ci, de même que le bâtiment abritant l’ambassade, a été détruite.

La première urgence consiste à libérer les personnes ensevelies sous les décombres. Ce n’est qu’après qu’il sera temps de mesurer l’ampleur du désastre, d’avancer des chiffres, quand seront revenus ceux qui, évidemment épouvantés, ont fui dans les collines dès la première secousse.

Ne vous fiez pas aux chiffres qui sont actuellement avancés ; j’espère en tout cas que nous serons en deçà.

Il faut aussi penser à la reconstruction, au traitement de l’eau et à la prise en charge les blessés. Trois des avions que nous avons affrétés ont évacué vers la Martinique 91 familles, dont certains membres étaient blessés. Un deuxième Airbus A310 évacuera lui aussi des blessés. Les structures sont débordées.

La reconstruction se fera en coordination avec les Américains et l’Union européenne. Ce matin même, un coordinateur pour la reconstruction a été désigné. Il faut donner de l’espoir aux populations ! Nous savons d’expérience que, après un tremblement de terre, il surgit toujours des miraculés parmi les décombres. Mais il faut penser dès à présent aux lendemains, à la reconstruction. Nous nous y employons et nous tiendrons le Parlement informé des initiatives que nous prendrons.

Pour l’heure, le centre de crise du Quai d’Orsay fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

éducation nationale et ascension sociale

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je m’associe à l’émotion suscitée par le tremblement de terre survenu en Haïti. Bien sûr, nous partageons le deuil et la peine de toutes les familles touchées.

En l’absence de M. le ministre de l’éducation nationale, qui ne fait pas sa rentrée au Sénat, je m’adresserai à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, il n’y a pas si longtemps, le système scolaire de notre pays était conçu et organisé pour repérer et soutenir aussi les élèves appartenant aux catégories sociales les plus défavorisées et, dès lors qu’ils en avaient les capacités, pour les accompagner vers l’Université, les grandes écoles et les concours les plus prestigieux de notre fonction publique.

C’est de cette façon qu’a fonctionné, depuis Jules Ferry, l’« ascenseur social » de la République. Or force est de constater que celui-ci est en panne. Les inégalités dans l’accès aux diplômes se sont accrues en fonction des milieux sociaux. Les solutions actuellement envisagées, qui viennent de resurgir dans le débat public, par exemple l’admission à tout prix de 30 % de boursiers dans les grandes écoles, ne sont bien évidemment pas à la hauteur de l’enjeu. Dans la mesure où elles ne s’attaquent pas à aux causes, elles arrivent en bout de course. Ce n’est pas de cette façon que l’on réactivera l’ascenseur social, ce rouage si essentiel à notre République... malade.

Toutefois, la proposition d’imposer des quotas de boursiers dans les grandes écoles suscite des réactions d’opposition parfois excessives et même proches de l’indécence. Certains de ces établissements refusent de s’ouvrir à la « diversité », ce qui ne manque pas d’être interprété comme une volonté de maintenir la reproduction sociale et l’endogamie de nos élites. Ce n’est pas acceptable !

Alors, monsieur le Premier ministre, il vous faut, il nous faut répondre, à nouveau, aux exigences des principes républicains fondamentaux, si chers au groupe du RDSE, notamment le principe de l’égalité d’accès des citoyens aux responsabilités, lequel, faut-il le rappeler, doit être fondé, selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, sur leurs « vertus et […] leurs talents ».

Quelles mesures de fond le Gouvernement entend-il prendre pour réactiver l’ascenseur social républicain, sans se contenter de palliatifs et autres quotas chiffrés qui ont pour mérite essentiel de relancer ce débat ?

Avez-vous réfléchi à des solutions susceptibles de permettre à l’école de la République d’atténuer avec efficacité les écarts et les inégalités dans l’accès au savoir et à la culture ?

Enfin, pour redonner du sens à l’ascension sociale par le mérite républicain, pourquoi ne pas coupler davantage critères sociaux et résultats scolaires dans l’attribution des bourses ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Darcos, le retour ! (Rires sur les mêmes travées.)

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Madame Laborde, je vous demande de bien vouloir excuser l’absence de M. Luc Chatel, qui, se trouvant aujourd'hui à Londres, m’a chargé de vous répondre.

En matière d’égalité des chances, il s’agit simplement de tenir les promesses de la République. Toute l’action du Gouvernement est sous-tendue par la justice sociale.

Dois-je rappeler qu’un enfant issu d’un milieu défavorisé a sept fois plus de risques de ne pas apprendre à lire qu’un enfant d’un milieu aisé et que, dans les classes préparatoires, on compte un élève de milieu défavorisé contre six de milieu aisé ?

Le Gouvernement est parfaitement conscient de cette situation et il s’attache à y remédier. Son action se veut globale.

Je rappellerai tout d’abord que la dotation consacrée à l’éducation prioritaire au titre de l’année 2010 atteint 1 milliard d’euros, ce qui est loin d’être négligeable.

À l’école primaire, de nouveaux programmes permettent de dégager deux heures de soutien pour les enfants en difficulté. Chaque jour, plus d’un million d’élèves bénéficient désormais d’un accompagnement éducatif. Des stages de remise à niveau sont organisés pour les élèves de CM1 et de CM2. De nouveaux dispositifs permettent aux élèves qui souhaitent se perfectionner en anglais, en particulier, d’effectuer des stages pendant les vacances.

Nous avons aussi, dans une logique de progrès, procédé à une refonte complète de l’enseignement professionnel. Le baccalauréat professionnel peut désormais être préparé en trois ans, ce qui le rend plus accessible.

Enfin, la réforme du lycée, conduite par Luc Chatel, permet de renouer avec les voies de la réussite grâce à une orientation à la fois plus judicieuse et mieux accompagnée.

Il convient également d’évoquer la dynamique impulsée par le plan « Espoir banlieues », voulu par Fadela Amara.

M. David Assouline. C’est un fiasco complet !

M. Xavier Darcos, ministre. Je n’aurai garde d’oublier les « Cordées de la réussite », dispositif qui permet à des jeunes d’accéder à des classes préparatoires grâce à un système de quotas de 5 % d’élèves de tous les lycées.

Enfin, le Président de la République a récemment décidé que 20 000 places supplémentaires dans des internats d’excellence seraient créées lors de la prochaine rentrée.

Ainsi, vous pouvez le constater, l’action du Gouvernement est bien globale. Il ne suffit pas, vous l’avez rappelé à juste titre, de s’accrocher à la théorie des quotas pour remédier à l’injustice. Il faut agir sur le fond, au quotidien, aussi bien dans le milieu scolaire qu’à travers le tissu associatif, grâce aux politiques sociales et aux politiques de la ville.

M. Guy Fischer. L’ascenseur social ne fonctionne plus ! Il s’est arrêté !

M. Xavier Darcos, ministre. De ce point de vue, le Gouvernement n’a pas à rougir de son action. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

M. René-Pierre Signé. Aucun résultat !

fiscalité environnementale

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Le Conseil constitutionnel a censuré la loi de finances pour 2010. À l’annonce de cette décision, le Gouvernement a, dans un premier temps, été saisi d’une grande fébrilité. Les ministres se sont précipités pour expliquer à l’opinion qu’il s’agissait d’une erreur technique qui serait réparée dès le 20 janvier.

Dans un deuxième temps, il n’était plus question que la nouvelle mouture de la taxe soit opérationnelle en juillet.

Dans un troisième temps, un ministre de la République accuse ni plus ni moins le Conseil constitutionnel de partialité politique… Le Premier ministre lui-même se déclare « surpris ».

Cette décision du Conseil constitutionnel souligne une méthode de Gouvernement que l’on peut caractériser par trois mots : improvisation, précipitation, confusion. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Paupérisation !

M. René-Pierre Signé. Amateurisme !

Mme Nicole Bricq. En l’occurrence, il fallait que le Président de la République arrivât au sommet de Copenhague en unique champion de la cause écologique. Nous avons vu le résultat !

Mais il y a plus grave. En multipliant les exonérations pour les entreprises, pourtant déjà fort bien servies par la suppression de la taxe professionnelle, en instaurant une taxe supplémentaire sur les ménages sans prendre en compte leur niveau de revenu – alors que, selon un rapport qui a été remis au Gouvernement, la précarisation énergétique touche près de trois millions et demi de foyers – et en s’accrochant à l’injustice fiscale symbolisée par le bouclier fiscal,…

M. Josselin de Rohan. Il y avait longtemps !

Mme Nicole Bricq. … le Gouvernement a rendu un très mauvais service à la cause écologique, assimilée par nos concitoyens à un privilège pour une élite, dans un système fiscal déjà fort bienveillant pour les riches.

Ma question est simple et elle s’adresse au Premier ministre, puisqu’il est le chef du Gouvernement : comment envisagez-vous de réparer ce qu’il faut bien considérer comme un gâchis ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Madame Bricq, je suis ravi de pouvoir répondre à votre interpellation, faite au nom du groupe socialiste.

Le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions du projet de loi de finances concernant la taxe carbone.

M. Didier Boulaud. Le vilain ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. François Fillon, Premier ministre. Il a considéré qu’il y avait inégalité devant l’impôt du fait que les grandes entreprises qui sont très émettrices de CO2 n’étaient pas assujetties à cette taxe. Il se trouve que ces grandes entreprises sont concernées par un dispositif européen de quotas.

M. René-Pierre Signé. Elles souffrent tant !

M. François Fillon, Premier ministre. Ce système de quotas, gratuit jusqu’en 2013, a été mis en place par l’Union européenne pour inciter ces entreprises à investir et à changer leurs comportements, tout comme la taxe carbone, qui sera intégralement remboursée aux ménages,…

M. Didier Boulaud. Cela reste à voir !

M. François Fillon, Premier ministre. … est destinée à encourager des changements de comportement.

Le Gouvernement a pris acte de la décision du Conseil constitutionnel. Le ministre d’État en charge de l’écologie présentera au conseil des ministres du 20 janvier un dispositif qui prendra en compte les critiques du Conseil constitutionnel en étendant la taxation aux entreprises très émettrices de CO2. Cette extension sera cependant assortie d’un mécanisme de compensation, qui reste à définir, afin d’éviter que ces entreprises ne soient brutalement exposées à une perte de compétitivité qui risquerait d’entraîner leur disparition ; je pense notamment aux entreprises sidérurgiques ou aux cimenteries.

Nous en discuterons avec les partenaires sociaux et les représentants des entreprises avant de saisir le Parlement. En tout état de cause, le Gouvernement souhaite que la taxe carbone puisse s’appliquer à partir du 1er juillet prochain.

On ne peut pas accuser le Gouvernement de précipitation. La création d’une taxe carbone était un engagement du Président de la République.

M. Didier Boulaud. Un parmi d’autres !

M. François Fillon, Premier ministre. Elle a fait l’objet d’une mission conduite par Michel Rocard,…

MM. Josselin de Rohan et Alain Gournac. Tout à fait !

Mme Nicole Bricq. Mais vous ne l’avez pas écouté !

M. François Fillon, Premier ministre. … dont nous avons repris la quasi-totalité des propositions. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Enfin, elle a reçu la bénédiction du Conseil d’État.

« Improvisation », disiez-vous, pour qualifier la méthode du Gouvernement. Si vous voulez parler d’improvisation, je vous invite à balayer devant votre porte ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. Le parti socialiste n’a-t-il pas signé la charte de Nicolas Hulot, qui prévoyait la création d’une taxe carbone ?

M. David Assouline. Pas cette taxe-là !

M. François Fillon, Premier ministre. N’a-t-il pas voté la loi sur le Grenelle de l’environnement, dont un article prévoit la mise en œuvre d’une taxe carbone ?

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande d’être attentifs à un point. Le recours du parti socialiste contre la loi de finances ne faisait à aucun moment mention de l’inconstitutionnalité de la taxe carbone ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de lUMP. – Plusieurs sénateurs de lUnion centriste applaudissent également.)

M. David Assouline. Nous sommes favorables à une fiscalité écologique !

conférence de londres sur l'afghanistan

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens à m’associer, au nom du groupe UMP, à l’hommage qui a été rendu aux trois soldats récemment tombés en Afghanistan, à saluer leur courage, leur mémoire et à dire que nous partageons la douleur de leurs proches.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 28 janvier prochain, va se tenir à Londres une conférence sur l’Afghanistan.

Qu’attendez-vous de cette conférence, monsieur le ministre ?

Ce que, selon nous, on peut en attendre, ce sont : des engagements précis, fermes et sincères du président Karzaï pour améliorer la gouvernance en Afghanistan et éradiquer la corruption qui règne dans ce pays ; un soutien accru de la communauté internationale à la lutte contre la drogue, singulièrement l’implication des États riverains ; une pression maintenue sur le Pakistan et une aide à ce pays pour éradiquer Al Qaïda et les talibans qui sont sur son sol ; un accroissement sensible de l’aide internationale au développement économique et social de l’Afghanistan et un rééquilibrage par rapport aux crédits que nous consacrons à la lutte armée ; une augmentation des effectifs de la FIAS, pour répondre à l’appel des États-Unis ; une meilleure coordination de l’action des Nations unies, de l’OTAN et des diverses organisations qui sont engagées sur le terrain.

Ne s’agira-t-il que d’une conférence de plus ou pensez-vous qu’elle permettra d’ouvrir la voie à des progrès décisifs pour le rétablissement de la sécurité et de la paix en Afghanistan ? (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Excusez-moi de répondre, monsieur le sénateur !

M. Didier Boulaud. Je vais peut-être avoir une réponse à la question que j’ai posée tout à l’heure !

M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur de Rohan, tous les points que vous avez mentionnés correspondent aux souhaits du Gouvernement, qu’il s’agisse des engagements du président Karzaï qui, après les épisodes que vous connaissez, a été réélu, ou du développement d’une stratégie différente. Je vous indiquerai dans un instant les thèmes qui seront débattus lors de la conférence de Londres et qui nous sont parvenus aujourd’hui de Kaboul.

La conférence de Londres sera-t-elle une conférence supplémentaire qui ne débouchera sur aucune décision ? J’espère que non ! En tout cas, nous ferons tout pour qu’il n’en soit pas ainsi.

Je vous remercie de l’hommage que vous avez rendu à nos soldats. Dans les vallées de Kapisa et de Surobi, ils montrent par leur engagement quotidien et par leur action auprès des populations que c’est bien ainsi qu’il faut procéder.

Lors de la conférence de Paris, nous avons évoqué le concept d’« afghanisation ». Le terme est simple, mais il recouvre une réalité complexe. Comment proposer des projets qui seront réalisés sous la direction des populations – car ce sont bien les Afghans eux-mêmes qui doivent prendre en charge leurs affaires – sans sécuriser la région ? C’est le cœur du problème ! Il faut à la fois assurer un engagement militaire et convaincre les Afghans de se prendre en charge. Il faut donc, comme vous l’avez indiqué, monsieur de Rohan, assurer la formation de l’armée afghane, de manière à aboutir à la situation que nous appelons de nos vœux.

Il faut donner un esprit de corps à l’armée et, dans le même temps, la « régionaliser », afin de tenir compte de l’existence des différentes communautés afghanes, pour ne pas parler de tribus. Il faut également former des policiers. Mais il faut aussi, avec acharnement, travailler à convaincre les populations civiles que nous ne sommes pas là pour l’éternité, que notre souhait est de partir au plus vite, après avoir transmis le fardeau de la direction des opérations, ainsi que celui du développement.

Permettez-moi maintenant d’énumérer, ainsi que je vous l’ai annoncé, les huit chapitres de la conférence qui se tiendra à Londres le 28 janvier prochain.

Premièrement : initiative stratégique de développement pour l’Afghanistan. Cela veut dire que nous devons échanger au moins nos informations, car nous ne le faisons pas assez, en particulier entre Européens. Bien sûr, nous avons enregistré des succès, mais il y a aussi des échecs…

Deuxièmement : plan intégré de développement économique.

Troisièmement : obstacles à l’exécution du projet de développement.

Quatrièmement : renforcement de l’efficacité des aides ; 10 % de celles-ci, dit-on, arrivent sur le terrain ! Il faut que cela change !

Cinquièmement : gouvernance, état de droit, respect des droits de l’homme ; cela revient à prendre au mot les promesses de M. Karzaï.

Mon temps de parole étant écoulé, je mentionne rapidement les autres points : coopération nationale, paix et réintégration, réconciliation et sécurité.

Tout cela correspond exactement à ce que le président Karzaï a proposé et que nous aimerions le voir mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

relocalisations industrielles

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. René-Pierre Signé. Ah, le RMIste du Sénat !

M. Serge Dassault. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.

Les délocalisations sont malheureusement de plus en plus nombreuses en France. Nos produits sont toujours plus durement concurrencés par ceux qui sont fabriqués dans les pays où les coûts de main-d’œuvre sont moins élevés et où l’on travaille plus.

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas vrai !

M. Serge Dassault. Les entreprises vont avoir des difficultés croissantes pour trouver des clients si elles ne délocalisent pas, c’est-à-dire si elles ne sous-traitent pas leur production à l’étranger pour réduire leurs coûts. C’est déjà fréquemment le cas, hélas, en particulier dans la construction automobile.

Il en sera sans doute bientôt de même dans l’aéronautique puisque les Chinois viennent de lancer un avion de 120 places concurrençant directement l’Airbus 320, appareil qu’ils construisent déjà sous licence. Cela montre combien il est dangereux de construire sous licence en Chine.

M. Didier Boulaud. S’il ne faisait pas des avions si chers, il les vendrait !

M. Serge Dassault. Mais ces délocalisations ont le grave inconvénient de réduire le travail en France et d’accroître le chômage. Il faut donc tout faire pour les éviter.

À cette fin, il convient selon moi de réaliser deux opérations permettant d’abaisser nos coûts de production : travailler plus et diminuer les charges sur les salaires.

La première consisterait à s’orienter vers les 39 heures légales…

M. Didier Boulaud. Payées 35 ?

M. Serge Dassault. … en expliquant aux salariés que, faute d’aller dans ce sens, on risque de voir le chômage s’aggraver.

La seconde consisterait à réduire les charges sur les salaires…

M. Didier Boulaud. Il pourrait partager son compte en banque !

M. Serge Dassault. … et à les transférer sur d’autres paramètres pris en compte par les entreprises, car il n’est évidemment pas question de faire payer l’État.

De manière prioritaire, la sécurité sociale, qui n’a rien à voir avec les salaires, pourrait ainsi être mieux financée : par exemple à partir d’une fraction du chiffre d’affaires diminué des salaires versés ou d’une TVA sociale. Cela permettrait en outre d’augmenter plus facilement les salaires…

M. Didier Boulaud. Le salaire de qui ? Du patron ?

M. Serge Dassault. … sans conséquences sur les coûts de production, et donc d’augmenter le pouvoir d’achat. Cela éviterait aussi que l’État ait à dépenser des milliards d’euros pour des allégements de charges puisque ceux-ci n’auraient plus lieu d’être.

Ce sont les deux conditions fondamentales pour éviter, à mon sens, les délocalisations et maintenir à la fois notre compétitivité et le travail en France.

M. Didier Boulaud. Est-ce que cela va faire des Rafale moins chers ?

M. René-Pierre Signé. Il n’est pas compétitif !

M. Serge Dassault. C’est l’intérêt de tous : travailler plus et réduire les charges sur les salaires.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à vous saisir de ces propositions, en tout ou partie, en les mettant rapidement à l’étude, au moins pour les allégements de charges sur les salaires ? (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Plusieurs sénateurs de lUnion centriste applaudissent également.)

MM. Jean-Pierre Godefroy et Didier Boulaud. Et cela permettrait en plus de fabriquer des Rafale adaptés au marché !

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur Dassault, un certain nombre de vos propositions répondent à des préoccupations du Gouvernement et méritent une réflexion. Je regrette d’ailleurs qu’elles aient été accueillies dans une partie de cet hémicycle par divers quolibets… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Ils sont réduits à cela !

M. Christian Estrosi, ministre. … car j’estime que certains ne peuvent pas se comparer à quelqu’un qui a énormément contribué à l’innovation industrielle et à la création d’emplois, souvent hautement qualifiés, dans notre pays. Dès lors, ils devraient se dispenser de railleries un peu faciles. (Vifs applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)

M. Didier Boulaud. Il faut surtout dire merci à papa, qui avait de l’imagination ! Mais c’est nous qui payons les avions, et ils sont chers !

M. Christian Estrosi, ministre. La réalité, c’est que la lutte contre les délocalisations fait partie du combat quotidien mené par le Gouvernement et par l’ensemble de cette majorité.

À cet égard, je veux rappeler un certain nombre de mesures.

La suppression de la taxe professionnelle représentera dès le 1er janvier 2010 près de 12 milliards d’euros de charges fiscales en moins pour les industries françaises.

Un sénateur du groupe socialiste. Sur le dos des collectivités !

M. Christian Estrosi, ministre. Dois-je parler du crédit d’impôt recherche, grâce auquel, chaque fois qu’une industrie ou un laboratoire engage 100 euros, il se voit rembourser 30 euros par l’État ? C’est le crédit d’impôt recherche le plus attractif au monde !

Dois-je rappeler que l’allégement ou la suppression des charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires ont permis, en 2007, d’enregistrer 152 millions d’heures supplémentaires de plus dans notre pays et, à la fin 2008, 188 millions ?

M. Didier Boulaud. Et on voit combien cela a contribué à la création d’emplois !

M. Guy Fischer. Oui, combien d’emplois créés ?

M. Christian Estrosi, ministre. Le combat du Gouvernement consiste à ne pas augmenter la fiscalité et, en même temps, contrairement à des pratiques passées, à réduire la dépense publique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien d’emplois ?

M. Christian Estrosi, ministre. Nous continuerons avec toute notre énergie à aller dans cette direction parce que nous devons soutenir la création de richesses et d’emplois.

Aux mesures que j’ai énumérées s’ajoute la création du Fonds stratégique d’investissement pour aider à la recapitalisation d’un certain nombre de nos entreprises et du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils s’en vont ailleurs !

M. Guy Fischer. Et ils suppriment des emplois !

M. Christian Estrosi, ministre. La France un des seuls pays à avoir mis en place des fonds souverains pour accompagner nos PME dans la recapitalisation et la modernisation de leur outil de travail.

Et puis, Monsieur Dassault, je veux relever que nous sommes entrés dans une période où nous enregistrons de plus en plus de relocalisations. (M. René-Pierre Signé s’exclame.)

Je prendrai l’exemple, dans votre département, l’Essonne, de 3S Photonics, une petite start-up qui a pris la place d’Alcatel, laquelle n’a pas toujours mené la bonne politique…

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Christian Estrosi, ministre. … en matière de maintien d’emplois dans notre pays. Ils en sont aujourd’hui à 200 emplois en recherche et développement et ils font revenir 200 emplois qui étaient implantés à Taïwan.

M. David Assouline. Vingt secondes de plus !

M. Guy Fischer. Ce n’est pas normal !

M. Christian Estrosi, ministre. Pourquoi ? Parce que l’on est en train de se rendre compte que la qualité de la main-d’œuvre à l’extérieur des frontières européennes, le coût de la fabrication des outils de travail et des transports finissent par ne plus rendre compétitifs les produits des entreprises délocalisées.

Je terminerai en disant que le volontarisme politique doit jouer aussi.

M. David Assouline. Trente-cinq secondes de plus !

M. Christian Estrosi, ministre. J’ai reçu le directeur général de Renault à la demande du Président de la République, qui recevra lui-même Carlos Ghosn samedi prochain.

M. David Assouline. Quarante secondes de plus !

M. Christian Estrosi, ministre. Oui, la France doit aussi se battre pour que les produits industriels français vendus en France soient produits dans notre pays.

M. David Assouline. Une minute de plus !

M. Christian Estrosi, ministre. Voilà pourquoi nous ne laisserons pas non plus délocaliser la fabrication de la Clio 4 à l’étranger. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je demande à chacun de bien vouloir s’efforcer de respecter le temps de parole.

jeunesse et prévention

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

M. René-Pierre Signé. Il est parti !

Mme Raymonde Le Texier. Ces derniers jours, au Kremlin-Bicêtre, dans un lycée, un jeune est mort poignardé ; il avait juste dix-huit ans et son agresseur n’était pas plus âgé.

À Cergy, quelques jours auparavant, dans un centre commercial, un jeune est mort, poignardé ; il avait seize ans et son agresseur n’était pas plus âgé.

La mort de ces deux jeunes nous a tous bouleversés et nos pensées vont d’abord vers leurs familles.

L’émotion légitime, qui naît de ces histoires tragiques, conduit chaque fois à s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour se protéger d’une telle violence. Et le peu que l’on sait de l’agresseur du Kremlin-Bicêtre semble en faire un cas d’école. Il s’agit, chaque fois, d’histoires personnelles faites de ruptures, d’échecs et de rejets : autant de détresses dont on peut se demander si elles ont été entendues à un moment ou à un autre.

Deux jeunes gens sont morts, deux autres sont devenus des meurtriers : quatre vies brisées ! Notre société s’est-elle donné les moyens de prévenir ces drames ?

Nous sommes tous d’accord pour chercher encore les moyens qui préserveraient l’école de toute violence, et le lycée en question n’était, semble-t-il, pas le plus mal loti en personnel et en vidéosurveillance.

La question qui se pose ici est celle de la prévention.

Prévenir, ce n’est pas refuser de sanctionner, ce n’est pas chercher des excuses à l’agresseur et, en aucun cas, l’exonérer de son crime. C’est vouloir agir en amont pour éviter le passage à l’acte, car c’est en amont que résident notre meilleur espoir de succès, mais aussi notre part de responsabilité collective.

Or, aujourd’hui, les acteurs de la prévention font cruellement défaut. Les services d’action éducative sont humainement « à découvert », les juges des enfants, surchargés, les structures d’aide à la parentalité, débordées. Dans les établissements scolaires, le nombre d’adultes ne cesse de baisser, les permanences de psychologues sont rares, comme le sont les assistantes sociales, les infirmières, les médecins scolaires. Autant de postes, dont la création urgente et en nombre ne dépend que de ceux qui veulent « sanctuariser l’école »...

Faute de moyens, l’enfance en danger n’est pas toujours repérée et, quand elle l’est, les réponses sont trop lentes à se mettre en place : un an et demi d’attente, par exemple, pour un premier rendez-vous dans un centre médico-psycho-pédagogique. Dans ces conditions, il est impossible de faire le travail d’accompagnement nécessaire, impossible de changer la donne, et il est difficile même d’insuffler l’espoir.

Monsieur le Premier ministre, en tant que chef du Gouvernement, êtes-vous prêt à prendre en compte ces paramètres et à prendre l’engagement d’investir massivement dans l’accompagnement social des jeunes en rupture pour éviter que la violence ne devienne leur façon d’être au monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Simon Sutour. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Madame Le Texier, je voudrais saluer la gravité et la dignité de votre question…

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est vrai !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. … et la manière dont vous avez souhaité replacer ces faits divers tragiques, que nous déplorons tous, dans un contexte un peu plus large en posant des questions sur la manière de pouvoir y répondre.

Vous avez raison : si nous devons sanctionner les actes criminels, et personne ne le conteste, nous devons aussi nous interroger sur leur prévention.

Je n’oublie évidemment pas, et les termes mêmes de votre question le montrent bien, que vous avez présidé la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes. Nous avons essayé ensemble d’élaborer des pistes, pas simplement pour le plaisir d’en discuter entre nous, mais pour les soumettre à l’épreuve de la réalité, pour les mettre en œuvre. Plusieurs d’entre elles commencent à porter leurs fruits et nous donnent les moyens de relancer une politique de prévention. Je citerai trois exemples.

Cette semaine même, nous avons rendu publics les résultats d’une expérimentation tout à fait intéressante. Elle montre que, dans les collèges les plus difficiles, quand on est prêt à investir un peu d’argent et quand la communauté éducative se donne la peine d’associer les parents aux projets éducatifs de la classe, au bout d’un an, on constate une augmentation de l’assiduité, une diminution des sanctions à l’égard des élèves, une augmentation du nombre de félicitations à la fin de la sixième et une amélioration des résultats en français.

La dépense ne représente que 1 500 euros par collège. Je suis prêt, avec les crédits destinés aux expérimentations et avec mon collègue Luc Chatel, à élargir ces programmes à l’ensemble des collèges et à faire rentrer les parents dans l’école.

MM. Jean-Pierre Fourcade et Roger Romani. Très bien !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Deuxième exemple. Comme vous le savez, un certain nombre de jeunes entrent dans l’adolescence par la porte de l’échec. Nous avons donc proposé la mise en place d’un livret de compétences. Cela oblige à rechercher les domaines dans lesquels un jeune est compétent. Nous lançons cette semaine l’appel à projets pour que le plus grand nombre possible d’établissements scolaires soient candidats à la mise en œuvre de ce dispositif, qui pourrait ainsi être généralisé en un ou deux ans.

Troisième exemple. Nous avons les uns et les autres soutenu les écoles de la deuxième chance qui, depuis quinze ans, sont expérimentales et n’avaient, jusque récemment, reçu aucun financement de l’État. Elles en ont maintenant un, qui permet de faire passer le nombre de places qu’elles offrent de 4 000 à 10 000.

J’ajouterai, pour conclure, que les problèmes de violence, de non-respect des uns et des autres nous rappellent que le civisme est quelque chose de fondamental. J’espère donc que le service civique, né ici même il y a quelques semaines– notamment grâce au président Yvon Collin, que je salue –, sera voté prochainement par l’Assemblée nationale et reviendra rapidement au Sénat pour son adoption définitive, afin que l’on puisse inciter les jeunes à s’engager dans des actions positives. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de lUnion centriste et de lUMP.)

violences scolaires

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cambon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et, en son absence, à M. le ministre de l’intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Je reviendrai sur les faits qui viennent d’être évoqués en portant un regard un peu différent.

Le 8 janvier dernier, dans mon département, le jeune Hakim perdait la vie, à la suite d’une querelle d’adolescents qui s’est terminée par un coup de couteau, dans la cour du lycée Darius-Milhaud, au Kremlin-Bicêtre.

L’émotion nationale suscitée par ce fait divers accablant a, bien sûr, été ressentie par nous tous ici et nous voulons d’abord à notre tour nous incliner devant la mémoire de ce jeune, mort pour rien, devant la douleur de ses parents et de la communauté éducative touchée par ce drame.

Noire devoir est, certes, de nous interroger, comme cela vient d’être fait, sur les raisons de cette multiplication des violences à l’école, mais l’état de la société ou la représentation qu’en donne trop souvent la télévision ne suffisent sûrement pas à expliquer des comportements qui tendent à se banaliser au sein de nos écoles.

Les Français attendent des actes forts et concrets pour que, non seulement, les bandes soient tenues à l’extérieur des établissements scolaires,…

M. David Assouline. Ce n’est pas une bande qui a commis cet acte !

M. Christian Cambon. … mais également pour qu’aucun jeune n’ait plus jamais envie de se rendre à l’école muni d’une arme blanche, fût-ce un couteau de cuisine !

M. René-Pierre Signé. C’est effectivement un autre point de vue sur la question !

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, en demandant aux lycéens de France de respecter une minute de silence, vous avez souhaité que ceux-ci prennent la mesure de ce drame. Cette prise de conscience est effectivement indispensable. Toutefois, ne croyez-vous pas qu’il est nécessaire de prendre des dispositions plus sévères, concrètes et réalistes, notamment en renforçant le rôle des chefs d’établissement ?

M. Christian Cambon. Ils sont les garants les mieux identifiés de l’autorité et de la discipline scolaire. Ils sont les mieux informés des querelles qui naissent dans leur établissement et des éléments perturbateurs qui peuvent se livrer à des actes de violence. Certes, ils ont, à tout moment, le droit de contrôler le contenu d’un sac de classe.

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela n’a rien à voir !

M. Christian Cambon. Mais, vous le savez, il s’agit d’un droit théorique puisque l’élève peut s’y opposer, et ce sans conséquence aucune.

Ne conviendrait-il donc pas de donner aux chefs d’établissement, sans que l’élève puisse s’y soustraire, ce droit que l’on octroie aux agents de sécurité des aéroports ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est une autre conception !

M. Guy Fischer. Scandaleux !

M. Jean-François Voguet. Les portiques !

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, cette affaire a bouleversé le Val-de-Marne et la France entière.

Au nom de la société française qui refuse de toutes ses forces cette escalade absurde de la violence à l’école,…

M. Yannick Bodin. Démago !

M. Christian Cambon. … au nom des parents qui attendent que l’État protège à l’école la sécurité de leurs enfants, au nom des jeunes eux-mêmes, qui sont en droit d’apprendre dans un climat serein et propice à leurs études, je vous demande, monsieur le ministre, de nous faire part des engagements et des décisions que vous comptez prendre pour que Hakim ne soit pas mort pour rien (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) et que plus jamais un jeune de notre pays ne perde la vie à l’endroit même où il vient préparer son avenir ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Récupération !

M. Yannick Bodin. Cet amalgame est honteux !

Mme Christiane Kammermann. Honte à vous, plutôt !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler la légitime émotion qui s’est emparée de chacun de nous à l’annonce de ce drame.

Un jeune a été poignardé à l’occasion d’un différend très personnel. Or la vie ne doit pas s’arrêter à dix-huit ans !

Le jour même, je suis allé sur place avec le ministre de l'éducation nationale, Luc Chatel, pour rencontrer la communauté éducative et le personnel administratif. Nous nous sommes également entretenus avec le père de la victime, au chevet de son fils à l’hôpital. Je vous laisse imaginer les sentiments, au demeurant tout à fait compréhensibles, qui l’animaient alors.

Monsieur le sénateur, de nombreuses mesures ont déjà été engagées.

Vous le savez, nombre d’établissements ont pris des initiatives pour éviter l’intrusion d’éléments étrangers en leur sein, ce qui constitue une première garantie.

M. Yannick Bodin. Ce sont les régions qui sont à l’origine de ces initiatives !

M. Brice Hortefeux, ministre. Nous ne sommes pas restés inactifs puisque, dans différents domaines, Luc Chatel et moi-même avons engagé des actions.

Tout d’abord, nous avons mis en place un partenariat sécurité-éducation, en désignant 1 058 référents sécurité-école dans tous les établissements scolaires du second degré et, déjà, dans quelques-uns du premier degré.

Ensuite, avant ce drame, nous avons pris l’initiative de demander des diagnostics de sécurité. Ceux-ci sont en cours de réalisation dans certains établissements et, d’ici à la fin de l’année 2010, tous les établissements scolaires les auront établis.

M. Yannick Bodin. Ce sont les régions qui ont pris cette initiative ! Pas vous !

M. Brice Hortefeux, ministre. Enfin, il est également possible de recourir au système de vidéoprotection. Certes, je ne dis pas que la vidéoprotection résout tous les problèmes, mais elle contribue en tout cas à améliorer la sécurité.

M. Yannick Bodin. Bien sûr !

M. Brice Hortefeux, ministre. C’est la raison pour laquelle certains établissements ont décidé de se doter d’un tel outil.

Monsieur le sénateur, vous posez une question simple : doit-on ou peut-on aller plus loin, notamment en rendant la fouille systématique ?

Vous le savez, la fouille des cartables est aujourd’hui déjà possible sous l’autorité des chefs d’établissement, mais avec l’accord de la personne concernée. Certes, je comprends parfaitement votre préoccupation, qui n’est pas du tout démagogique, mais s’efforce d’être pragmatique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Toutefois, une telle mesure pose un problème juridique. En effet, la fouille individualisée est un acte judiciaire, qui nécessite la présence d’un officier de police judiciaire. Ensuite, se pose un problème pratique d’embouteillage, car des centaines d’élèves arrivent précisément au même moment dans l’établissement scolaire.

D’autres pistes peuvent sans doute être envisagées ; je pense notamment aux portiques de sécurité, auxquels certains chefs d’établissement sont favorables.

M. David Assouline. Il y en a déjà !

M. Brice Hortefeux, ministre. Quoi qu’il en soit, soyez certain, monsieur le sénateur, que nous ne négligeons ni n’écartons aucune piste, car la sécurité de nos enfants n’est pas négociable ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

7

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue François Gerbaud, qui fut sénateur de l’Indre de 1989 à 2008.

M. Alain Gournac. Un homme très bien !

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Oui, et qui avait beaucoup d’humour !

M. le président. Nous venons d’apprendre la nouvelle à l’instant.

En notre nom à tous, j’adresse à sa famille nos sincères condoléances.

8

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 34 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, le rapport relatif aux ressources du Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage en 2008 et à la signature et à l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens visant au développement de l’apprentissage en 2008.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Ce rapport a été transmis à la commission des affaires sociales. Il sera disponible au bureau de la distribution.

9

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
Discussion générale (suite)

Création des maisons d'assistants maternels

Adoption d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels, présentée par M. Jean Arthuis et plusieurs de ses collègues (proposition n° 133, texte de la commission n° 186, rapport n° 185).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi.

C’est un sujet qui m’intéresse tout particulièrement, monsieur Arthuis, mais, à la place que j’occupe, je ne pourrai malheureusement pas m’exprimer !

M. Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi. Je vais tenter de le faire pour vous, monsieur le président ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de la discussion qui s’ouvre sur le projet que nous avons de faciliter la création des maisons d’assistants maternels.

J’ai déposé cette proposition de loi avec quinze de mes collègues, notamment vous-même, monsieur le président, vous, monsieur le rapporteur, et vous aussi, cher collègue Jean-Marc Juilhard, qui avez fait une évaluation des conditions d’accueil des enfants en milieu rural.

Cette proposition de loi vise à élargir l’offre de service d’accueil des jeunes enfants en développant un modèle de regroupement d’assistants maternels. Elle fixe les modalités de fonctionnement de ces regroupements que nous souhaitons dénommer : maisons d’assistants maternels, ou MAM, si vous ne voyez pas d’inconvénient à l’emploi de ce nouvel acronyme, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. C’est le grand Sud-Ouest ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Arthuis. Cette proposition vise à apporter, notamment en termes de responsabilité, les garanties juridiques nécessaires aux parents, aux assistants maternels et aux présidents de conseil général qui ont en charge l’accueil de la petite enfance.

En outre, la proposition de loi prévoit un dispositif d’autorisation et d’encadrement de la délégation d’accueil, dont le principe est indispensable au bon fonctionnement du groupement.

Si nous avons pris l’initiative de cette proposition de loi, c’est parce que cette formule, qui a déjà été mise à l’épreuve, présente à nos yeux d’incontestables avantages.

Elle vient d’abord consacrer et sécuriser les initiatives d’assistants maternels qui ont eu l’intelligence et le courage d’inventer, hors des sentiers battus, une nouvelle manière d’accueillir les jeunes enfants. La proposition de loi est la reconnaissance de leur travail, un hommage rendu à cette belle profession d’assistant maternel.

C’est le rôle du législateur que d’inscrire dans la loi les initiatives convaincantes de la société civile. On ne peut pas demander à nos concitoyens d’être inventifs, créatifs, et ne pas les soutenir lorsqu’ils entreprennent quelque chose avec succès.

La proposition de loi vient ensuite entériner une expérimentation dont la réussite initiale n’a fait que se confirmer avec le temps.

Des initiatives allant dans le sens des maisons d’assistants maternels existent maintenant depuis près d’une dizaine d’années. Elles ont reçu une première reconnaissance officielle en 2006, grâce à M. Philippe Bas, à l’époque ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, qui avait bien voulu autoriser, à titre expérimental et sous le contrôle des centres de protection maternelle et infantile, des regroupements d’assistants maternels.

Cette formule a, souvenez-vous, bénéficié d’une deuxième reconnaissance en 2008, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans lequel le Parlement a inscrit les regroupements. Mais cette simple disposition s’est révélée insuffisante. Les regroupements constituant une innovation, il était nécessaire de les sécuriser grâce à un dispositif juridique nouveau : une loi adaptée et détaillée.

Cette proposition de loi est donc la troisième et, je l’espère, la dernière étape d’un processus de reconnaissance d’une expérimentation dont le succès n’est pas contesté. D’ailleurs, à ce jour, quarante-deux conseils généraux représentant toutes les sensibilités politiques ont déjà décidé de l’accompagner ; cela prouve que la formule est d’intérêt général et qu’elle se situe au-delà des clivages partisans.

Et si nous la défendons avec autant de conviction, c’est parce que les maisons d’assistants maternels présentent des avantages uniques.

À la fin de l’année 2009, on recensait cent trente-sept maisons d’assistants maternels. Si les regroupements ont connu un tel développement, et cela malgré une base juridique que l’on peut encore considérer comme fragile – une convention datant de 2008 et censée les encadrer s’est révélée inapplicable, tout le monde le reconnaît aujourd’hui –, c’est bien parce que ces maisons d’assistants maternels offrent des atouts indéniables.

Aux parents, elles offrent tout d’abord une amplitude horaire qu’aucune autre garde collective ne permet.

M. Jean Arthuis. Les mamans qui ont un travail posté – je pense à celles qui sont employées dans l’abattoir d’une ville de mon département de la Mayenne – commencent, certaines semaines, à cinq heures du matin et ne terminent, à d’autres, qu’à vingt et une heures. Aucune autre formule n’offre un service avec une plage horaire aussi large !

Les maisons d’assistants maternels permettent aussi de répondre, dans certains cas, à une demande urgente des parents.

Les atouts sont également indéniables pour les enfants.

Les risques sont réduits. En effet, les problèmes sont moins fréquents, car le travail en équipe des assistants maternels favorise une vigilance mutuelle. Lorsque l’on visite un regroupement d’assistants maternels, on est saisi d’emblée par l’ambiance et le caractère interactif du travail qui y est accompli.

Les atouts sont encore considérables pour les assistants eux-mêmes en termes d’évolution professionnelle et de travail d’équipe. La mise en commun d’expériences et de réflexions constitue une avancée tout à fait considérable. Cela permet aussi de faciliter l’accueil de jeunes professionnels et, pourquoi pas ? de stagiaires qui envisageraient de se consacrer à cette belle profession d’assistant maternel.

C’est en outre un atout important pour certaines communes, notamment rurales, où ces maisons constituent la seule offre de garde pour les jeunes enfants. À cet égard, je salue l’évaluation faite sur le terrain par notre collègue Jean-Marc Juilhard, notamment en Mayenne.

En effet, des milliers de communes ne disposent pas des ressources suffisantes pour financer une crèche. Certaines, les mêmes souvent, ne peuvent attirer des assistants maternels individuellement : les MAM sont donc la seule formule permettant à ces communes d’offrir une solution de garde à leurs habitants. Elles constituent donc au surplus un instrument de lutte contre la désertification rurale.

Placées sous le contrôle des services de la protection maternelle et infantile, ces MAM répondent à toutes les exigences. Car il ne saurait évidemment être question de transiger avec les exigences de sécurité, les exigences sanitaires et, bien sûr, le bien-être des enfants accueillis.

Enfin, au-delà de tous les avantages que je viens de rappeler, en direction des familles, des assistants maternels, des enfants et des communes, je voudrais insister sur l’intérêt macroéconomique de ce dispositif.

La commission des affaires sociales nous le rappelle : en France, il manque entre 300 000 et 400 000 places de garde. Or le déficit structurel de la sécurité sociale prévu pour 2010 est d’au moins 30 milliards d’euros ! Et il se pourrait bien que le déficit cumulé de la sécurité sociale s’élève à au moins 150 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année 2012.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Jean Arthuis. De nouveaux besoins sociaux, en matière de retraite, de maladie ou de dépendance sont apparus, qu’il va falloir satisfaire, ce qui, nous devons en avoir conscience, nécessitera des financements particulièrement lourds.

Enfin, la dépense publique de la France en matière de politique familiale figure parmi les plus élevées – elle est en deuxième place – des pays de l’OCDE : elle représente 3,8 % du produit intérieur brut, contre 2,4 % en moyenne. La France peut au demeurant être fière de consacrer autant de ressources à sa politique familiale !

Il n’est donc pas raisonnable, mes chers collègues, d’augmenter les prélèvements sociaux, surtout dans un contexte de concurrence fiscale mondiale, pour financer les places d’accueil des jeunes enfants.

Cet après-midi, lors des questions d’actualité, une interpellation a précisément porté sur les risques de délocalisation d’activités. N’allons pas imaginer que nous pourrons avoir une grande politique sociale dans un désert économique !

Cela étant, il faut répondre aux besoins et définir une stratégie cohérente pour accueillir les jeunes enfants.

Or, tous financeurs confondus, la garde à domicile est le mode de garde le plus onéreux – je me réfère au rapport d’André Lardeux – puisqu’elle représente, en moyenne, une dépense de 2 318 euros par mois. Les crèches arrivent en deuxième position, avec une dépense de 1 366 euros, tandis que le coût de la garde par des assistantes maternelles atteint 895 euros.

Si l’on veut répondre aux besoins des parents, il importe donc de continuer à développer les crèches et la garde à domicile, en raison de leurs avantages spécifiques, mais surtout d’investir en faveur du recrutement et de la formation des assistants maternels, comme le propose la commission des affaires sociales. Telle devrait être notre stratégie nationale en ce domaine.

C’est bien dans cette logique que s’inscrit la présente proposition de loi : il s’agit en effet de créer des places d’accueil pour les enfants en offrant de nouvelles opportunités de travail et de carrière aux assistants maternels.

Ayons constamment à l’esprit l’exigence d’une adéquation entre nos ambitions proclamées et les moyens financiers dont nous disposons pour les satisfaire.

Il est essentiel de permettre, par ce texte, le développement des maisons d’assistants maternels, et ce pour au moins trois raisons.

La première tient à l’intérêt social du dispositif, qui permet à des parents, le plus souvent à des mères, de trouver une solution de garde à un coût compatible avec leurs revenus, notamment en milieu rural.

La deuxième raison est liée à l’intérêt économique de la structure, qui vise à accroître l’offre de garde sans creuser davantage le déficit de la sécurité sociale et sans grever la compétitivité économique de notre pays.

La troisième raison est d’ordre politique. Il s’agit de montrer que les pouvoirs publics, loin d’engager une démarche de contrôle ou de censure, sont à l’écoute de la société civile et sont prêts à encourager et à soutenir certaines initiatives, même lorsqu’elles ne correspondent pas à toutes nos habitudes et conventions.

Le pire serait que, sous le prétexte de réguler, nous mettions fin aux maisons d’assistants maternels et aux projets recensés sur l’ensemble du territoire, dont la concrétisation est très attendue à la fois par les parents et les assistants maternels.

Il s’agit, monsieur le ministre, de bien prendre la mesure de ce que peuvent être l’innovation et la régulation administratives. Si nous voulons que ce pays retrouve toute sa vitalité, cessons de nous enfermer dans des formules conventionnelles, dont nous ne parvenons d’ailleurs pas à supporter le coût. (M. Alain Gournac approuve.)

À quoi sert-il de proclamer des ambitions sociales que nous sommes incapables de financer durablement, les contraintes que nous nous imposons n’étant pas financièrement supportables ?

Il s’agit, en vérité, de respecter le plus possible la liberté tout en assurant la nécessaire régulation. Cette proposition de loi, me semble-t-il, répond à ce double principe.

Je souhaite remercier tout particulièrement la commission des affaires sociales, notamment sa présidente et son rapporteur, de l’attention qu’elle porte aux familles et à l’accueil des jeunes enfants dont les parents travaillent.

Je veux saluer le travail législatif de grande qualité qu’elle a mené, ainsi que son engagement dans l’évaluation des politiques publiques, que j’ai pu mesurer dans l’excellent rapport de notre collègue Jean-Marc Juilhard sur l’accueil des jeunes enfants en milieu rural, publié en juillet 2009.

Permettez-moi de rendre hommage à M. le rapporteur, André Lardeux, pour son excellent rapport. Il est à la fois rapporteur et coauteur de cette proposition de loi, et je le remercie d’avoir pris le temps, avec plusieurs de ses collègues, de venir dans le département de la Mayenne pour rencontrer des assistantes maternelles et tenter d’évaluer les bienfaits de cette formule, que nous souhaitons sécuriser par l’adoption de cette proposition de loi. Je sais d’ores et déjà qu’il a prévu de présenter plusieurs amendements fort judicieux, qui devraient nous permettre de voter ce texte dans l’allégresse ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’essaierai de poursuivre dans l’allégresse ! (Sourires.)

Les « avantages uniques » des maisons d’assistants maternels, pour reprendre l’expression qu’a utilisée Jean Arthuis, ont été parfaitement rappelés par celui-ci, après qu’ils eurent été fort bien analysés par notre collègue Jean-Marc Juilhard dans son excellent rapport paru à la fin du printemps dernier. Certains d’entre nous en ont eu, en outre, une illustration particulièrement parlante lors de la visite qu’ils ont pu effectuer en Mayenne. Même si nous pouvions avoir des analyses plus ou moins divergentes, ce déplacement s’est tout de même révélé très convaincant.

Personne ne contestant l’intérêt de la formule, je concentrerai mon propos sur les apports juridiques de la proposition de loi, qui sont de trois ordres.

Il s’agit, premièrement, de sécuriser la délégation d’accueil. Toutes les assistantes maternelles que nous avons rencontrées, en Mayenne ou lors des auditions que nous avons menées, l’ont souligné : elles doivent avoir la possibilité de se déléguer entre elles, bien évidemment avec l’autorisation des parents, l’accueil des enfants pour que les regroupements puissent fonctionner. Cette faculté n’est pas totalement nouvelle puisqu’elle est déjà prévue pour les accueillants familiaux. En réalité, avec ce texte, nous ne faisons qu’étendre la formule aux assistantes maternelles. Les règles précises de la délégation que nous proposons ont reçu le soutien non seulement des associations et des syndicats d’assistantes maternelles, mais aussi de la direction générale du travail et des assureurs, notamment d’AXA.

En effet, la commission ayant réfléchi et consulté les différents acteurs sur le sujet, depuis que Jean-Marc Juilhard a attiré son attention sur ce thème en juin dernier, elle a réussi à trouver une solution juridique consensuelle, sécurisante pour tous, qu’il s’agisse des enfants, des parents ou des assistantes maternelles.

J’ajouterai une précision concernant cette délégation, à destination de nos collègues conseillers généraux ou présidents d’un conseil général : les maisons d’assistants maternels, Jean Arthuis l’a dit, existent déjà dans quarante-deux départements, représentatifs de toutes les sensibilités politiques. Or, même dans les rares maisons qui ont signé la convention de la CNAF, la délégation d’accueil se pratique sans base juridique solide. Actuellement, en cas de problème, la responsabilité des départements pourrait donc être mise en cause.

La proposition de loi permettra d’apporter une sécurité juridique aux conseils généraux : si le texte est adopté, la délégation d’accueil bénéficiera d’un fondement légal, qui protégera les présidents des conseils généraux en cas d’accidents, bien que les risques semblent bien moindres dans la formule de regroupement que dans la garde à domicile. Cet aspect explique sans doute que sept des cosignataires de la proposition de loi président un conseil général.

Il s’agit, deuxièmement, de résoudre la question de la responsabilité civile au sein des maisons d’assistants maternels. Il nous a fallu répondre à ces deux interrogations tout à fait classiques : qui est responsable en cas de dommage ? Sur quel fondement ?

Là aussi, après avoir longuement consulté les assureurs et les services du ministère de la justice, il nous est apparu que le plus simple et le plus sécurisant était d’appliquer le principe général de la responsabilité civile, en vertu duquel « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Sur ce point également, nous ne faisons donc que recourir à ce qui existe déjà pour consolider un dispositif innovant et apporter des réponses claires aux interrogations. En cas de dommage, l’assistante maternelle responsable sera celle qui assure, que ce soit sous forme directe ou sous forme déléguée, l’accueil de l’enfant. Celui qui accueille est celui qui est responsable : quoi de plus connu et de plus sécurisé ?

Il s’agit, troisièmement, de régler la question de l’opportunité d’une convention encadrant les regroupements. Je ne reviendrai pas sur l’épisode malheureux de la convention de la CNAF : nous en avons déjà débattu et tout le monde, me semble-t-il, reconnaît aujourd’hui que ce document est inapplicable, du moins dans sa forme actuelle.

La question qui se pose est la suivante : à partir du moment où la loi organise en détail le fonctionnement des maisons d’assistants maternels, comme le prévoit ce texte, pourquoi faudrait-il en outre imposer une convention ? Autant cela peut se justifier lorsque la loi se contente d’autoriser les maisons sans en définir les modalités, autant on a du mal à comprendre l’utilité d’un tel document lorsque la loi encadre déjà de manière précise le dispositif.

Le directeur général de l’action sociale lui-même nous a confirmé, lors de son audition, que la convention, si le texte était adopté, n’ajouterait rien au droit et n’apporterait aucune garantie ou sécurité supplémentaires.

Au contraire, le fait d’imposer une convention reviendrait à donner aux communes un moyen de pression sur les assistantes maternelles, qui pourrait être utilisé, par exemple, à des fins socialement discriminantes. Sur ce sujet, c’est la loi républicaine qui peut et doit protéger les assistantes maternelles de la tentation d’ingérence de certaines collectivités.

Pour conclure, vous me permettrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, de formuler deux remarques.

La première concerne la politique générale de la petite enfance, dans laquelle s’inscrit ce texte. Certains syndicats, ceux des personnels de crèches, notamment, considèrent que les maisons d’assistants maternels ne sont en réalité que des crèches au rabais, qui préparent le désengagement de l’État en matière de politique de la petite enfance. Je tiens à les rassurer : la dernière convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la CNAF prévoit une augmentation des aides de l’État en faveur de la construction et du fonctionnement des crèches de plus d’un milliard d’euros. D’ici à la fin de l’année 2012, notre pays devrait bénéficier de plus de 60 000 places de crèches supplémentaires. (M. Guy Fischer proteste.) Il est donc difficile de convaincre en évoquant un désengagement !

Surtout, il faut le redire, les maisons d’assistants maternels n’ont pas pris et ne prendront pas la place des crèches : en effet, elles ne se développent précisément que sur les territoires où il n’y a pas et où il n’y aura jamais de crèches. Les communes rurales de Loire-Atlantique ou du Bas-Rhin, de la Mayenne ou de Maine-et-Loire, n’ont eu recours aux regroupements que parce qu’elles n’avaient pas d’autre choix : il leur était simplement impossible, même avec les subventions de la CAF, d’assumer la construction et le fonctionnement d’une crèche. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des maisons d’assistants maternels : elles viennent combler un manque sur des territoires où, de toute façon, elles sont les seules à apporter une réponse.

En guise de seconde remarque conclusive, je souhaiterais m’interroger avec vous, mes chers collègues, sur l’esprit de ce texte. Au fond, quelle est la conviction qui le sous-tend ? Vous le savez, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres nations, c’est l’État qui, en France, a réalisé l’unité du pays, notamment en faisant respecter une même loi sur l’ensemble du territoire. De cet héritage historique résulte une tendance des pouvoirs publics à se méfier des initiatives de la société civile, souvent soupçonnées d’être motivées par une cause moins noble que celle de l’intérêt général. De cette méfiance découle à son tour une volonté, si caractéristique de notre pays, de contrôler et d’encadrer le moindre détail.

Ce texte, à sa très modeste mesure, s’inscrit dans une philosophie résolument inverse, que Jean Arthuis vient de développer voilà quelques instants : il s’agit de poser les grands principes, puis de faire confiance à la société civile, aux assistantes maternelles qui accueillent les enfants, aux parents qui leur confient leurs enfants et aux élus du territoire qui délivrent les agréments.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce xxie siècle si concurrentiel, notre pays a besoin de mobiliser les énergies et de libérer les initiatives. Certains de nos concitoyens ont eu la créativité et le courage d’inventer un nouveau mode de garde, qui s’est déjà répandu sur une grande partie du territoire : c’est notre devoir de les encourager et de les soutenir dans leur démarche, qui répond, personne ne le contestera, à l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que j’ai l’honneur d’examiner aujourd’hui avec vous s’inscrit pleinement dans le chantier engagé par le Gouvernement pour développer l’offre d’accueil des jeunes enfants. En tant que ministre en charge de la famille, je suis très attaché à mettre en œuvre cette priorité de notre politique familiale.

Avant d’en venir à celle-ci, je tiens à remercier les orateurs inscrits dans la discussion générale, Mmes Pasquet, Campion et Laborde, ainsi que MM. Kergueris et Gournac, de m’avoir autorisé à prendre la parole avant eux. Étant convoqué par le Président de la République à l’Élysée, il se peut que je ne sois pas en mesure d’entendre l’ensemble de leurs interventions, mais, si tel devait être le cas, mon collègue et ami Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, qui s’intéresse beaucoup à ces questions, viendrait me suppléer.

Notre politique familiale, comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi, vise trois objectifs, qui sont d’ailleurs complémentaires : soutenir la natalité dans notre pays, l’une des plus fortes de l’Union européenne avec un taux de fécondité de deux enfants par femme, chance qu’il nous faut préserver ; permettre de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle ; enfin, conforter le taux d’activité professionnelle de ces dernières.

Le développement de la garde d’enfants participe ainsi pleinement de l’action conduite par mon ministère pour atteindre cet objectif majeur qu’est la progression de l’égalité professionnelle et de la parité entre les hommes et les femmes.

Je n’en salue que davantage l’initiative de Jean Arthuis, que je tiens à féliciter personnellement pour la grande qualité de son travail, de même que je félicite Alain Lambert et Jean-Marc Juilhard, ainsi, évidemment, qu’André Lardeux, le rapporteur, toujours attentif à ces sujets.

En créant les conditions favorables aux regroupements ou maisons d’assistants maternels, les MAM – j’espère que Mme le garde des sceaux ne réclamera pas de droits d’auteur ! (Sourires) –, cette proposition de loi apporte une solution innovante aux besoins non seulement des parents, mais aussi des professionnels et des élus locaux.

Avant de revenir sur les avantages de ce dispositif, vous me permettrez, mesdames, messieurs les sénateurs, de rappeler les différents axes de notre action depuis 2007 pour offrir à l’ensemble des familles une solution en matière de garde d’enfants, ce qui était, vous le savez, un engagement du Président de la République.

Nous avons, je tiens à le souligner, veillé à diversifier les modes de garde, notre mot d’ordre en ce domaine étant bien l’adaptation aux besoins des familles, bien sûr, mais aussi aux particularités des territoires et des situations, ce qui est, l’exemple de la Mayenne l’a démontré, une nécessité.

Grâce à la nouvelle convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales pour 2009-2012, nous disposons de moyens concrets pour développer la garde d’enfants.

D’ici à 2012, nous ouvrirons 200 000 solutions supplémentaires d’accueil du jeune enfant grâce au fonds national d’action sociale, qui sera porté de 3,8 milliards à 5 milliards d’euros, ce qui représente tout de même une augmentation de 7,5 % par an.

Ces 200 000 solutions supplémentaires se répartiront de façon bipartite entre, d’une part, 100 000 offres d’accueil chez les assistants maternels et d’autre part, 100 000 places d’accueil collectif.

L’accueil collectif comprendra 8 000 places en jardin d’éveil, que nous expérimenterons d’ici à 2012, ainsi que 1 500 places en micro-crèche, pour tenir compte de la situation des territoires ruraux.

Nous créerons en outre 10 000 places de crèche d’entreprise, financées par l’augmentation du crédit d’impôt famille, que nous avons fait passer de 25 % à 50 % en 2009.

En faveur des assistants maternels – qui sont le plus souvent des assistantes maternelles –, nous avons d’ores et déjà adopté des mesures concrètes.

D’abord, nous les avons autorisés, en 2009, à accueillir jusqu’à quatre enfants, au lieu de trois précédemment. Cette mesure, dont vous ne manquerez pas, mesdames, messieurs les sénateurs – Mme Dini, en particulier – de vous souvenir, car elle a fait l’objet de discussions ici, leur permet d’améliorer leurs revenus et, partant, renforce l’attractivité de leur profession.

Nous avons ensuite ouvert, dans la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2010, aux assistants maternels le prêt à l’amélioration de l’habitat, qui leur permet désormais de disposer d’un montant atteignant 10 000 euros à taux zéro pour adapter leur logement à leur activité professionnelle.

Enfin, nous avons revalorisé de 10 % le complément mode de garde pour les parents travaillant en horaires atypiques, notamment la nuit, afin de mieux prendre en compte leurs besoins.

La présente proposition de loi poursuit cette dynamique tout en apportant une avancée notable : les regroupements d’assistants maternels, que vous avez expérimentés en Mayenne, cher président Arthuis, vont en effet permettre aux parents de faire garder leur enfant en toute sécurité et à un coût raisonnable, pour eux comme pour la collectivité.

Sans revenir longuement sur les nombreux atouts, déjà exposés par l’auteur de la proposition de loi et par le rapporteur, de cette solution, je souligne qu’elle permet d’accroître l’offre d’accueil, avantage appréciable dans des quartiers urbains à forte densité ou dans certaines zones rurales, d’élargir l’amplitude horaire, notamment grâce à la délégation d’accueil, et de rassurer certains parents du fait de la présence d’une équipe d’assistants maternels.

Enfin, elle répond aux besoins des assistants maternels eux-mêmes, qui, souvent, ne peuvent exercer leur profession faute de disposer d’un espace adéquat. Les maisons d’assistants maternels leur permettront de surmonter cette contrainte. De surcroît, le travail en équipe constituera sans doute une source de motivation supplémentaire.

Outre qu’il allie simplicité et souplesse, ce mode de garde respecte les exigences de qualité et de sécurité, raison pour laquelle cette solution innovante me paraît excellente.

Certains points sont cependant susceptibles de susciter des inquiétudes ou d’appeler des précisions ; les amendements le montreront sans doute.

S’agissant tout d’abord de la convention, le rapporteur a exposé pour quelles raisons elle devait avoir un caractère facultatif : l’imposer uniformément risquerait en effet de constituer une contrainte administrative excessive pour certaines collectivités, comme d’ailleurs pour les assistants maternels.

En revanche, donner aux conseils généraux et aux assistants maternels qui le souhaitent la possibilité de formaliser leur engagement pour des raisons d’organisation permettra de tenir compte, avec souplesse, des particularités locales, dans le respect de la décentralisation et du principe de libre administration des collectivités locales.

Certains craindront peut-être que cette souplesse ne nuise à la qualité de l’accueil ou à la sécurité de l’enfant. Je tiens à les rassurer d’emblée : la proposition de loi apporte toutes les garanties nécessaires. Nous restons en effet dans le cadre fixé par le service de protection maternelle et infantile et ce dernier devra jouer pleinement son rôle à chaque étape de la mise en place et du suivi d’une MAM, ainsi que dans la formation des assistants maternels.

Il en va de même pour la délégation temporaire d’accueil : celle-ci permet aux parents d’autoriser l’assistant maternel qu’ils emploient, si celui-ci est malade, par exemple, à déléguer l’accueil de leur enfant à l’un de ses collègues travaillant dans la même maison. C’est encore un élément de souplesse.

La proposition de loi prévoit clairement que cette délégation doit être notifiée dans les contrats de travail ainsi que dans les contrats d’assurance des assistants maternels concernés. Nous restons donc dans une relation de gré à gré entre un employeur – les parents – et un assistant maternel, relation aussi encadrée et sécurisée que pour un assistant maternel travaillant à son domicile, ce qui met fin aux préoccupations que suscitait ce point.

En définitive, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, le développement des regroupements d’assistants maternels traduit une plus grande écoute des différents acteurs, parents, professionnels et élus locaux, tous soucieux de voir les jeunes enfants accueillis dans de bonnes conditions, en même temps qu’il participe pleinement à la diversification des solutions de garde. Le Gouvernement félicite ceux qui en ont pris l’initiative et y apporte donc tout son soutien. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Je remercie tout d’abord Mme Pasquet, qui a eu l’obligeance de me permettre d’intervenir avant elle afin que je puisse aller adresser mes vœux aux habitants de ma bonne ville du Pecq.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays a la chance d’être le pays européen qui a le plus fort taux de fécondité. La politique familiale française se doit donc d’être ambitieuse pour répondre à l’attente des familles en matière de garde d’enfants.

Des efforts ont été faits. Comme l’indique le rapport de la commission, la France consacre aux aides et services de garde d’enfant entre 1 % et 1,5 % de son produit intérieur brut, soit un niveau proche de celui de la Suède ou du Danemark, pays qui font figures de modèles en la matière.

Le nombre de places en crèche a augmenté de 27 % entre 2000 et 2007. Malheureusement, cela ne suffit pas pour répondre aux besoins de la population. De nombreuses familles n’obtiennent pas de place en crèche, et la garde d’enfant à domicile reste très onéreuse.

Les modes de garde des enfants se sont diversifiés par la force des choses.

Les parents ont de plus en plus recours à une assistante maternelle s’occupant de plusieurs enfants, chez elle, à son propre domicile.

Certains optent pour un système de « garde partagée », permettant à une nourrice de garder plusieurs enfants dans chaque foyer alternativement.

La présente proposition de loi vise à aller plus loin en permettant le regroupement d’assistantes maternelles à l’extérieur de leur domicile. Ce mode de garde existe avec succès depuis plus de quatre ans dans plusieurs départements. De surcroît, il a été autorisé dans son principe par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Il reste à donner à cette expérimentation réussie un cadre juridique et opérationnel. C’est l’objet du présent texte.

Comme l’a dit notre excellent rapporteur, les MAM présentent plusieurs avantages, et d’abord pour les assistantes maternelles elles-mêmes.

Tout d’abord, nombreuses sont les personnes qui ne peuvent pas exercer la profession d’assistante maternelle parce que leur domicile ne répond pas aux critères d’agrément, cas auquel je suis confronté dans ma ville. Généralement, leur logement est trop petit pour permettre la garde de plusieurs enfants, situation qui se présente surtout dans les grandes villes où les loyers sont chers.

Davantage d’assistantes maternelles pourront dorénavant être agréées, ce qui est très positif.

Quant aux assistantes maternelles déjà agréées, si leur habitation est située dans une zone où la demande est trop faible, elles pourront trouver des offres en exerçant leur profession à un autre endroit, dans un autre quartier, voire dans une commune voisine.

Sur le plan professionnel, les assistantes maternelles bénéficieront du travail en équipe dans cette maison commune et pourront partager leurs expériences, ce qui ne peut qu’être favorable à l’exercice de leur profession.

Soyons sans crainte, mes chers collègues, il n’y a là aucun risque de concurrence avec les autres modes de garde ou même avec les assistantes maternelles déjà en activité. Il s’agit plutôt d’une extension de l’offre qui bénéficiera à tous et permettra aux maires de répondre à la demande, souvent très pressante, de leurs concitoyens.

La formule est également avantageuse pour les parents. Nous savons combien la confiance joue un rôle essentiel dans le choix d’une garde d’enfant. L’enfant sera gardé dans un cadre sécurisé par des assistantes maternelles connues des parents, à qui ils pourront confier leur enfant avec sérénité.

Un contrat de travail formalisera cette relation. L’autorisation de délégation et les noms des assistantes maternelles concernées devront y figurer. Les assistantes maternelles auront, par ailleurs, l’obligation de s’assurer.

L’enfant ne se trouvera pas dans le cadre familial de l’assistante maternelle. Il ne sera au contact que d’assistantes maternelles, ce qui est une formule que certains parents peuvent préférer.

J’ajoute que cette proposition de loi répond également à l’attente de parents ayant des contraintes d’horaires, notamment ceux qui travaillent selon des horaires décalés. Il s’agira même souvent, pour eux, de la seule solution de garde disponible.

Comme notre rapporteur l’a expliqué en commission, il est hors de question de pouvoir confier un nourrisson dès l’aube à une assistante maternelle et de le reprendre tard le soir. Simplement, il restera pour une durée normale sous la surveillance d’assistantes qui se succéderont. Les rythmes des enfants seront donc respectés. Le dispositif permet une certaine souplesse, mais il ne tolère pas les débordements...

Enfin, je me réjouis que la création de maisons d’assistants maternels permette à de nombreuses communes d’augmenter et de diversifier l’offre de garde d’enfants.

Pour une commune, la création d’une MAM représente un coût financier moins élevé que le fonctionnement d’une crèche. Ainsi, en Mayenne, dans le département de notre collègue et ami Jean Arthuis, qui a pris l’initiative de déposer cette proposition de loi – qu’il en soit ici remercié –, la municipalité d’Evron a calculé que le coût de fonctionnement d’une crèche était sept fois plus élevé que celui d’une maison d’assistants maternels.

Le plus souvent, la commune participe à la création d’une telle maison en fournissant les locaux. Cependant, les assistantes maternelles étant payées directement par les parents, elles ne sont pas financièrement à la charge des communes.

Comme l’a souligné notre excellent collègue Jean-Marc Juilhard dans son très intéressant rapport d’information intitulé « Accueil des jeunes enfants en milieu rural : développer une offre innovante », les MAM constituent un outil de lutte contre la désertification de nos campagnes. Pour pouvoir s’installer et vivre dans une commune, les familles doivent pouvoir y trouver pour leurs enfants un mode de garde qui leur convienne.

On le voit, cette proposition de loi va permettre des avancées tout à fait notables.

Je rappellerai en conclusion que, selon ses auteurs, 300 000 à 400 000 parents, des mères dans leur immense majorité, sont contraints d’arrêter de travailler pour garder eux-mêmes – ou plutôt « elles-mêmes » ! – leur enfant. La possibilité de trouver un lieu d’accueil de leur enfant est donc essentielle pour de nombreuses familles, et notamment pour les foyers percevant de faibles revenus.

La question de la garde d’enfants devrait nous permettre de nous rassembler, au-delà des clivages politiques, autour de ce texte qui répond à l’attente de nos concitoyens. Pour sa part, bien évidemment, le groupe UMP l’adoptera. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le travail massif des femmes a radicalement bousculé les habitudes des familles en matière de garde d’enfants. Si, voilà deux siècles, cette responsabilité incombait automatiquement aux femmes, aux mères, cela n’est matériellement plus possible aujourd’hui. Cette question devient ainsi un véritable enjeu de société puisque la France, avec un taux de natalité supérieur à deux enfants par femme, est, avec l’Irlande, le pays le plus performant en la matière.

Cette situation est moins liée à une politique supposément nataliste de notre pays qu’à l’existence de mesures sociales et législatives protégeant les salariées désirant devenir mères. Pour autant, elle est souvent synonyme, pour de très nombreux parents, d’importantes difficultés. Il manque en effet près de 350 000 places de garde, tous modes confondus. Selon le Gouvernement, 200 000 places seulement feraient défaut ; ce constat explique les objectifs contenus dans la convention d’objectifs et de gestion liant l’État et la CNAF, convention qui ne prévoit la création que de 100 000 places en accueil collectif et de 100 000 places en garde individuelle, c’est-à-dire chez les assistants maternels.

Ce manque de place est aujourd’hui criant, comme nous l’avions dénoncé à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Notre collègue Guy Fischer faisait alors référence à une étude menée en Corse par une association familiale, et selon laquelle 43 % des couples qui n’ont pas recours à un mode de garde payant, soit qu’ils puissent compter sur leur famille, soit que l’un des deux parents ait réduit ou interrompu son activité professionnelle, en sont privés pour des raisons financières. Ce taux atteint même 63 % pour les familles monoparentales, particulièrement s’il s’agit de la mère.

La seconde justification de la renonciation au mode de garde payant est l’absence de place dans les structures collectives, en particulier dans les crèches. Cela est très logique et étroitement lié au premier motif dans la mesure où les crèches pratiquent des tarifs différenciés en fonction des revenus : pour les familles les plus modestes, la crèche reste le mode de garde le moins onéreux.

Il résulte de cette situation que 65 % des familles interrogées sur les améliorations à apporter à notre système de garde réclament clairement l’augmentation du nombre de places en crèche.

Loin de nous l’idée de stigmatiser les parents qui ont choisi de faire garder leur enfant par un assistant maternel, ou les professionnels concernés qui sont dans leur immense majorité des hommes et des femmes de qualité, totalement dévoués à leur métier.

C’est dans ce contexte de pénurie, néanmoins, que le Gouvernement, soutenu par la majorité, a fait le choix d’accroître par de nombreux moyens la capacité d’accueil des assistants maternels. C’est ainsi, monsieur le ministre, que vous avez modifié les règles d’attribution de l’agrément départemental, étendu l’extension du prêt à l’amélioration de l’habitat aux assistants maternels et décidé de porter à quatre le nombre d’enfants que les assistants maternels sont autorisés à garder. Il convient d’ajouter à cette liste la diminution du nombre d’heures de formation exigées pour bénéficier d’un agrément, qui est passé de soixante à trente heures. Cette dernière décision, contre laquelle nous nous sommes élevés, nous incite à penser que vous privilégiez le quantitatif sur le qualitatif ; ce n’est pas acceptable, en particulier dans un domaine aussi sensible que celui de l’accueil des jeunes enfants, personnes vulnérables s’il en est.

Chacun se souvient, bien sûr, de l’amendement de nos collègues Lardeux et Arthuis tendant à généraliser l’expérimentation menée en Mayenne et dans les Alpes-Maritimes concernant les regroupements d’assistants maternels et déposé à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Il a été adopté par notre assemblée, mais la commission mixte paritaire ne l’a pas conservé ; on le retrouve aujourd’hui dans cette proposition de loi, avec la dénomination « maisons d’assistants maternels ».

Nous avions voté contre cette disposition, car nous considérions que la généralisation de cette expérimentation n’était pas de nature à répondre durablement aux difficultés que rencontrent les familles les plus modestes.

Je dois reconnaître que les trois regroupements que nous avons visités en Mayenne semblent fonctionner de manière convenable et qu’ils répondent, notamment, à la demande de certaines familles de bénéficier d’un mode de garde prenant en compte les horaires atypiques. Indéniablement, ces regroupements peuvent aussi correspondre à la volonté d’un certain nombre d’assistants maternels, qui éprouvent le besoin de travailler de manière plus collective ou qui souhaitent exercer leur activité professionnelle dans un lieu distinct de leur domicile, en raison notamment des changements qui interviennent au sein de leur famille, comme le vieillissement de leurs propres enfants.

M. Jean Arthuis. Très bien !

Mme Isabelle Pasquet. Nous entendons cependant prendre position à l’égard de ces regroupements de la même manière que nous le ferions à propos d’un nouveau mode de garde collectif de la petite enfance car, au final, c’est bien de cela que nous parlons aujourd’hui.

Force est de constater, face à ce mode de garde collectif qui ne dit pas son nom, que les règles en matière de sécurité, de qualité d’accueil, d’information et de formation des professionnels sont très insatisfaisantes, notamment lorsqu’on les compare à celles qui sont en vigueur dans les crèches familiales ou les micro-crèches. À titre d’exemple, le second alinéa du texte proposé par l’article 1er pour l’article L. 421-23 du code de l’action sociale et des familles ne fait pas référence à une durée d’expérience professionnelle qui pourrait être requise pour une assistante maternelle déjà agréée souhaitant exercer dans une MAM. En revanche, les assistantes maternelles postulant pour un emploi en micro-crèche doivent justifier de cinq ans d’ancienneté dans leur profession.

D’une manière plus générale, nous regrettons, là encore, que les règles minimales en matière d’accueil collectif, comme le projet éducatif ou encore l’encadrement nécessaire pour travailler dans de telles structures, soient totalement absentes. Il est pourtant bien différent de travailler chez soi et de manière individuelle et de travailler dans un local distinct de l’habitation et de manière collective. Ce dernier mode d’exercice requiert des compétences particulières, comme « celles relatives à l’animation et la gestion d’un groupe d’enfants, celui-ci pouvant aller jusqu’à 16 jeunes enfants d’âges différents, des relations avec de nombreux parents, le positionnement dans des situations de conflit professionnel et le recours à un dispositif de régulation », ainsi que le souligne à raison le collectif « Pas de bébés à la consigne ! » dont est membre l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistantes maternelles, l’UFNAFAAM.

Pour toutes ces raisons et pour celles que nous aurons l’occasion de développer dans la suite de la discussion, je ne partage pas votre allégresse, monsieur Arthuis. À défaut de l’adoption de nos propres amendements, nous n’aurons d’autre choix, dans l’intérêt des enfants, et dans le respect des parents et des professionnels, que de voter contre le texte qui nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Joseph Kergueris.

M. Joseph Kergueris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’acte II de la décentralisation a permis aux collectivités d’innover pour répondre au mieux aux besoins locaux ; elles ne s’en sont pas privées.

C’est sur la base de ces libertés nouvelles que, dans une dizaine de départements, a été expérimentée une formule très prometteuse en matière d’accueil des jeunes enfants : les maisons d’assistants maternels.

À la suite de l’initiative pionnière de notre collègue Jean Arthuis dans la Mayenne, le département dont j’ai l’honneur de présider le conseil général, le Morbihan, a été l’un des premiers à lancer cette expérimentation ; elle dure depuis plus de quatre ans et, à nos yeux, elle a largement fait ses preuves.

Or, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, au moment où cette formule relevant jusqu’à présent de la seule expérimentation devrait être consacrée et institutionnalisée, elle est à maints égards menacée ; le présent projet de loi présente donc un caractère absolument indispensable. En effet, les maisons d’assistants maternels constituent la meilleure réponse à un besoin local criant.

Nous sommes victimes du succès de notre politique nataliste. Comme l’a rappelé le rapporteur, la France affiche l’un des taux de fécondité les plus élevés de l’Union européenne ; mais, en aval, le rythme de développement des infrastructures n’est pas satisfaisant. L’offre d’accueil, même si elle a beaucoup crû au cours des dernières années, reste grandement insuffisante. Un chiffre résume bien la situation : à son rythme actuel de développement, les besoins ne pourraient théoriquement être couverts qu’en 2021.

Dans ces conditions, l’offre d’accueil doit absolument être développée. Parmi les différentes formules de garde envisageables, les maisons d’assistants maternels sont les mieux adaptées à l’accueil des enfants en grand nombre. Elles présentent, par rapport à l’accueil par une assistante maternelle seule, à la garde à domicile et à l’accueil en établissement, des avantages à la fois économiques, sociaux et, si j’ose dire, mécaniques.

Premièrement, l’avantage économique : l’accueil par une assistante maternelle, qu’elle exerce sa profession seule ou dans le cadre d’un regroupement, constitue la solution la moins onéreuse, tant pour la famille que pour la collectivité. En effet, tandis que l’assistante maternelle est accessible à toutes les bourses, la garde à domicile reste réservée aux foyers les plus aisés. Du point de vue de la collectivité, les assistantes maternelles, payées directement par les parents, ne sont pas une charge pour la commune ; l’aide en nature ou en espèce que cette dernière peut apporter reste toujours inférieure au coût de fonctionnement d’une crèche. Je ne m’attarderai pas sur le coût de création d’une place en crèche…

Deuxièmement, l’avantage social : les maisons d’assistants maternels peuvent offrir des horaires de garde beaucoup plus souples que les établissements collectifs – les différents orateurs qui m’ont précédé l’ont indiqué –, horaires comparables à ceux de la garde à domicile. C’est leur immense atout. Cette offre correspond à un besoin vital de nombreux parents travaillant en horaires décalés. De plus, contrairement à la garde à domicile, les maisons d’assistants maternels favorisent aussi la socialisation des enfants dès leur plus jeune âge.

Troisièmement, le développement des maisons d’assistants maternels devrait mécaniquement emporter augmentation des capacités d’accueil, en permettant l’accès à la profession de personnes dont le logement est exigu ou non conforme aux critères requis pour l’agrément par la PMI, ou encore dont l’habitation est située dans une zone où la demande est trop faible, et de celles qui ont du mal à concilier leur activité et leur vie familiale.

Tels sont les considérations et les constats qui nous ont incités, en tant que présidents de conseil général, à miser sur ce mode innovant d’accueil des jeunes enfants.

L’expérimentation menée a largement porté ses fruits. Mais alors que l’heure est à sa consécration législative, elle est plus que jamais menacée par la convention type que la Caisse nationale des allocations familiales voudrait imposer.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a bien fait entrer les maisons d’assistants maternels dans la loi, en soumettant leur ouverture à la signature d’une convention entre elles, le conseil général et la caisse d’allocations familiales. Or la convention type élaborée par la CNAF en application de ce texte, et qui nous a été soumise le 29 juillet dernier, compromet tout le dispositif.

Je ne m’étendrai pas longuement sur ses insuffisances, d’autres orateurs l’ayant déjà abondamment fait et très bien fait avant moi.

Cette convention est de nature non seulement à porter un coup d’arrêt au développement des maisons d’assistants maternels à l’avenir, mais aussi à déstabiliser et à remettre en cause celles qui existent déjà. Le résultat est exactement inverse à celui que nous escomptions. Convenons qu’il s’agit là d’un tour de force !

Au cœur du problème se trouve évidemment la délégation d’accueil, décrite par le menu par d’autres que moi. Je n’y reviendrai donc pas.

Or vous savez, mes chers collègues, que la convention type de la CNAF interdit purement et simplement la délégation d’accueil. Rien que pour cette raison, elle n’est pas acceptable. D’autre part, elle est extrêmement complexe.

C’est pour réagir à cette condamnation annoncée des maisons d’assistants maternels que Jean Arthuis, Alain Lambert et moi-même, notamment, avons protesté lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous l’avons fait avec d’autant plus de vigueur que nous sommes confrontés à ce qui nous paraît être un cas manifeste et inacceptable d’entrave à la décentralisation.

Quoi qu’il en soit, la convention de la CNAF incarne l’opposé de ce dont ont besoin les maisons d’assistants maternels : un cadre juridique spécifique et opérationnel, visant à faciliter leur développement dans des conditions sécurisées et respectueuses des prérogatives et des libertés départementales.

Nous entendions les doter d’un tel cadre juridique en déposant l’amendement que nous avions défendu lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous avons vivement regretté que la commission mixte paritaire ne nous suive pas.

Cependant, nous ne pouvons que nous réjouir aujourd’hui du soutien du Gouvernement : rendez-vous avait en effet été pris pour que notre amendement soit transformé en une proposition de loi. C’est désormais chose faite.

La présente proposition de loi répond très exactement à la problématique des maisons d’assistants maternels.

D’une part, elle autorise explicitement la délégation d’accueil. Dans le contrat de travail, les parents pourront autoriser l’assistant qu’ils emploient à déléguer temporairement l’accueil de leur enfant à un ou plusieurs de ses collègues exerçant dans la même maison. Chaque professionnel devra s’assurer en conséquence.

Le dispositif offre une triple sécurité : les parents gardent la maîtrise de leur contrat de travail ; les assistants maternels conservent un contrat de travail identique ; les présidents de conseil général seront protégés par la loi et, en conséquence, leur responsabilité ne pourra plus être engagée.

D’autre part, ce texte respecte les principes de la décentralisation, auxquels chacun d’entre nous, dans cet hémicycle, est, j’en suis convaincu, profondément attaché.

Ainsi donne-t-il le choix aux conseils généraux de recourir ou non à une convention. Le cadre global étant sécurisé par la loi, la convention ne s’imposera plus nécessairement, ce qui est parfaitement rationnel.

De plus, et c’est heureux, le texte confie le contrôle des maisons d’assistants maternels aux services de la PMI. C’est pourquoi il est adapté à la problématique juridique résultant de la nécessité de développer ces établissements.

J’ai certes le sentiment de répéter des propos qui ont déjà été tenus. Mais, monsieur le ministre, vous qui êtes expert en la matière, vous savez que la répétition est le fondement de la pédagogie. (Sourires.) J’espère qu’en nous livrant tous à cet exercice, nous arriverons à convaincre le plus grand nombre. Sachez que, convaincus, les membres du groupe Union centriste le sont déjà et qu’ils voteront donc la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, au cours des vingt dernières années, des efforts importants, y compris financiers, ont été réalisés pour répondre aux besoins des parents en matière d’accueil d’enfants. La création d’un fonds d’investissement de la petite enfance, proposée lors de la conférence de la famille du 15 juin 2000 et décidée lors de la loi de financement de la sécurité sociale de 2001, a été poursuivie les années suivantes. La France consacre aujourd’hui plus de 1 % de son PIB aux aides à la garde et aux services d’accueil des jeunes enfants.

Pourtant, si la politique familiale se focalise depuis plusieurs années sur la problématique de l’offre d’accueil du jeune enfant, nombre de parents sont encore dans l’impossibilité de trouver une solution qui corresponde à leur choix. Beaucoup d’entre eux sont encore contraints d’interrompre leur activité professionnelle pour garder leurs enfants. Entre 2003 et 2006, une hausse de 7 % des parents confrontés à une telle situation a été enregistrée.

Les parents sont d’autant plus obligés de cesser leur activité que se développent les horaires atypiques et décalés, contraignant les familles, et donc les enfants, à un rythme de vie auxquels nos structures collectives ne peuvent apporter de réponse, sauf à ne plus distinguer le jour et la nuit.

La PAJE, prestation d’accueil du jeune enfant, qui correspond en fait à une redistribution d’aides et à une amélioration de l’AGED – allocation de garde d’enfant à domicile –, s’est révélée beaucoup plus coûteuse que prévu et n’a pas permis de pallier l’insuffisance globale de l’offre d’accueil, alors que le coût moyen d’un enfant gardé a augmenté de 60 %.

Le nombre de places chez les assistantes maternelles n’a, quant à lui, que peu progressé ; le nombre de places disponibles en accueil collectif n’a augmenté que de 2 % par an entre 2000 et 2007, soit un taux qui n’atteint même pas celui de la fécondité.

En outre, un certain nombre de places créées ne peuvent pas être ouvertes en raison du déficit d’encadrement et de personnels. Il manque à ce jour entre 300 000 et 400 000 places pour répondre à la demande des parents. Tel est le constat, que nous connaissons tous, établi par la Cour des comptes et par le rapport de notre collègue députée Mme Tabarot.

L’objectif tendant à permettre aux femmes la conciliation entre leur vie professionnelle et leur vie familiale n’est donc pas atteint.

À ce constat s’ajoute aujourd’hui celui de la dégradation prévisible des finances des collectivités locales, en raison, notamment, de la réforme de la taxe professionnelle : ces dernières n’auront plus la capacité d’investir au même niveau que ces dix dernières années dans les modes d’accueil collectif.

Soyons clairs : il ne s’agit nullement d’un renoncement. La convention d’objectifs et de gestion 2009-2012 signée entre la CNAF et l’État a pour objet de créer, sur cette période, 60 000 nouvelles places en établissements d’accueil des jeunes enfants. Mais l’accueil collectif a un coût que les collectivités ont de plus en plus de difficulté à supporter seules, comme je viens de l’indiquer.

Enfin, un élément supplémentaire doit absolument être pris en compte : alors que les assistantes maternelles assurent 63 % de l’offre d’accueil extra-familial des jeunes enfants à l’échelon national et 87 % en milieu rural, 50 000 d’entre elles vont partir à la retraite d’ici à 2015.

Il est donc urgent de susciter des vocations, en rendant plus attractive cette profession, longtemps confrontée à un problème de définition, de statut et de reconnaissance professionnelle, et en offrant des perspectives d’évolution de carrière et de formation.

Permettre à une assistante maternelle ayant une certaine ancienneté de travailler dans un établissement d’accueil pendant une période limitée ou d’obtenir un CAP « petite enfance » constitue des pistes intéressantes, avancées notamment par notre collègue Jean-Marc Juilhard dans son rapport d’information sur l’accueil des jeunes enfants en milieu rural, document cité à plusieurs reprises cet après-midi, mais les conditions pour s’y engager ne sont malheureusement qu’exceptionnellement réunies.

La principale difficulté rencontrée par ces professionnels au cours de l’exercice de leur activité réside dans un manque d’information et un relatif isolement. Parfois confrontés à des difficultés et assurant seuls la relation d’accueil ou les tâches administratives, les assistants maternels souhaiteraient bénéficier d’un soutien plus structuré.

Selon la configuration locale, les relais assistants maternels, les RAM, permettent la rencontre entre professionnels ou un accompagnement. Le réseau des RAM présente un intérêt incontestable et mériterait d’être encore amplifié et développé. Je profite de mon intervention pour souligner ce point.

Afin de rompre l’isolement de ces professionnels, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 autorise les assistants maternels à accueillir les enfants dans une maison ou un appartement extérieur à leur domicile. Cette possibilité était cependant soumise à la signature de la fameuse convention entre les assistants maternels, le conseil général et la caisse d’allocations familiales. Or la CNAF a élaboré une convention type, jugée inapplicable par de nombreux présidents de conseil général, parce qu’elle interdit la délégation d’accueil entre les assistants maternels et s’impose à eux alors que, dans certains départements, des regroupements fonctionnent déjà.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit cette délégation d’accueil, rend facultative la convention nationale et revient sur le contrôle des maisons d’assistants maternels.

L’utilité ou le bien-fondé du regroupement des assistants maternels fait consensus. Il est adapté essentiellement à la demande en milieu rural, où le manque de places d’accueil concerne tous les modes d’accueil. Or l’accueil des jeunes enfants est une question prioritaire dans ces territoires, car elle est l’un des éléments majeurs qui conditionne l’installation des parents dans ces secteurs. À ce jour, comme cela a été indiqué, un certain nombre de départements ont autorisé de tels regroupements. Environ 200 projets seraient en attente d’autorisation d’ouverture. De plus, 1’attrait pour un tel mode d’accueil est bien réel.

Je me contenterai de rappeler les atouts que M. le rapporteur et différents orateurs, notamment M. Arthuis, ont exposés tout à l’heure.

Le regroupement apporte une solution d’accueil dans les petites communes rurales, où les frais de fonctionnement d’un établissement d’accueil collectif représentent une charge financière trop lourde pour les municipalités. Même si d’autres solutions innovantes expérimentales existent, le regroupement mériterait d’être mis en œuvre.

Il apporte aux parents dont les horaires de travail sont atypiques et qui ne peuvent ou ne veulent recruter un salarié à domicile une solution d’accueil pour leurs enfants. En effet, une assistante maternelle exerçant chez elle accepte rarement d’accueillir pendant plusieurs heures et régulièrement un seul enfant avant sept heures trente le matin ou après vingt heures.

De plus, le regroupement a l’avantage de permettre à des personnes qui, en raison de l’exiguïté de leur logement, n’offrent pas les garanties d’accueil suffisantes de réaliser leur projet.

De la même façon, ce pourrait être une solution pour les assistants maternels vivant dans les zones urbaines sensibles, les ZUS, qui ne peuvent exercer en raison des réticences des parents à venir dans leur quartier. Des professionnels connaissent cette situation, notamment dans mon département, l’Essonne.

Le regroupement participe aussi au renforcement de l’attractivité de la profession en rompant l’isolement et en donnant la possibilité de partager les expériences professionnelles et d’appréhender le travail en équipe. Il peut apporter une certaine stimulation entre les professionnels pour progresser dans la qualité de l’accueil des enfants.

Enfin, il permet aux assistants maternels d’exercer un autocontrôle sur les problèmes de maltraitance qui peuvent toujours être rencontrés.

Ce mode d’accueil s’ajoute à ceux qui existent et, à l’évidence, il ne doit pas se substituer à la mise en place des autres types d’accueil, notamment collectifs.

Nous avons d’ailleurs constaté que c’est essentiellement le volontarisme des assistants maternels qui fait exister les maisons d’assistants maternels, plus que celui des élus. C’est ce que le déplacement de la commission des affaires sociales en Mayenne a mis en évidence.

Certes, dans ce département, le succès des regroupements d’assistants maternels repose sur une collaboration étroite entre les professionnels et le service de protection maternelle et infantile, ou PMI, mais le facteur essentiel de réussite de ces expérimentations réside dans la très grande motivation et la personnalité des assistants maternels.

À l’inverse, dans d’autres départements, par exemple les Alpes-Maritimes, la volonté politique forte de mettre en place ce mode de garde n’a pas trouvé le même écho dans la profession. Des difficultés sont apparues dès les premiers désaccords entre les professionnels eux-mêmes ou entre les parents et les assistants maternels. Je regrette d’ailleurs que nous n’ayons pu trouver le temps de nous déplacer dans les Alpes-Maritimes et d’autres départements.

Vous l’avez donc compris, sur le fond, je suis loin d’être opposée aux regroupements. Je suis même convaincue du bien-fondé et de la nécessité de trouver des modes d’accueil innovants.

En revanche, je crois fermement que le succès de l’expérience de la Mayenne, qui repose sur la bonne volonté, la motivation et la personnalité des différents partenaires que sont les assistants maternels, les services de PMI, les communes, les départements, n’est pas transposable dans les autres départements en tant que tel. Des garanties juridiques supplémentaires sont nécessaires, et les membres du groupe socialiste en sont tous persuadés.

En réalité, au-delà même de cette nécessaire volonté initiale, il semble que la proposition de loi n’intègre pas toutes les conditions réunies dans le cas de la Mayenne. Elle ne peut donc permettre la reproduction de cette expérimentation réussie.

Je citerai un seul exemple pour illustrer ce propos : les regroupements en Mayenne bénéficient d’un encadrement de fait assuré par l’action de l’association nationale des regroupements d'associations de maisons d'assistantes maternelles, l’ANRAMAM, qui a son siège à Laval et dont la présidente est particulièrement motivée.

Innovation ne doit pas être synonyme de déréglementation. Les normes votées par le pouvoir législatif ou fixées par le pouvoir réglementaire ont d’ailleurs pour seul objet de garantir la sécurité et la qualité de l’accueil des jeunes enfants et, en aucun cas, de réfréner les initiatives locales. Ainsi le rôle des services de PMI, souvent décriés, est de vérifier objectivement que ces normes sont respectées.

J’évoquerai à présent la situation des directions de la PMI dans notre pays. Dans nos départements, ces professionnels ont un rôle essentiel à jouer dans le domaine des politiques relatives à la famille et à l’enfance. Mais ils subissent trop souvent critiques et stigmatisation en raison de leur prétendue trop grande rigidité.

J’aimerais que nous soyons plus nuancés au sujet de ces services, qui font preuve d’une grande capacité d’adaptation face aux très nombreuses modifications législatives et réglementaires. Leur seul souci permanent est l’intérêt de l’enfant, sa sécurité, son bien-être et la qualité de sa prise en charge, exigences qui permettent de préserver la tranquillité d’esprit des parents.

Avons-nous le droit de prendre le risque qu’un ou plusieurs enfants soient victimes de notre imprévision ? Notre responsabilité de législateur nous impose évidemment d’anticiper et de prévenir les risques potentiels.

La convention proposée par la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, avait le mérite de préciser un grand nombre de points et de poser le cadre de fonctionnement de ce qui sera, de fait, une collectivité d’enfants. Mais je reconnais bien volontiers qu’elle était lourde et complexe.

La précision de la convention type de la CNAF, validée par le cabinet de Mme Morano, prouve à tout le moins la multiplicité de questions que pose nécessairement tout type d’accueil collectif : qui planifie les horaires d’accueil ? Qui prépare les repas ? Qui assure l’entretien des locaux et les réparations en cas de dégradations ?

De nombreux autres points restaient en suspens. La question majeure était certainement celle de la délégation d’accueil entre les assistants maternels et de la responsabilité qu’elle engage pour ces derniers.

Toutes ces questions nous ont beaucoup préoccupés lors des discussions préparatoires à la séance d’aujourd’hui, en commission et lors de notre déplacement. Nous avons entendu tout à l'heure les réponses que le rapporteur, M. André Lardeux, nous a faites ; nous y reviendrons tout à l’heure.

Si les parents veulent disposer d’une offre d’accueil, ils souhaitent que celle-ci soit de qualité pour pouvoir déposer leur enfant en toute confiance. Cette confiance dépend de la formation des professionnels, de leur encadrement, de leur contrôle et du projet pédagogique défini.

Quoi que l’on en dise, les maisons d’assistants maternels sont bien des structures d’accueil collectif, et à ce titre nous retrouvons tous les enjeux liés à la sociabilisation des tout petits : le taux d’encadrement, la qualification des professionnels, leur disponibilité pour les très jeunes enfants. L’accueil collectif doit donc être envisagé sur un plan collectif.

Accueillir des enfants à domicile demande aux professionnels des qualités relationnelles, de l’organisation et certaines connaissances concernant l’enfant.

Travailler en collectivité nécessite d’autres compétences, telles que l’aptitude à animer ou à gérer un groupe d’enfants, ou encore la capacité à gérer les conflits professionnels. Un positionnement professionnel n’est pas acquis. Il faut l’apprendre, se former. La question des relations avec les parents est également essentielle. La motivation des professionnels ne suffit pas !

La convention type, présentée par la CNAF et rendue facultative par la proposition de loi, définit un projet d’établissement, qui permet de garantir des critères de qualité pour la mise en place d’un mode d’accueil collectif et de développer la cohésion des membres en les associant dans la poursuite d’objectifs communs. Ce projet est indispensable à nos yeux pour mettre en place les maisons d’assistants maternels.

La proposition de loi telle qu’elle nous est présentée ne permet donc pas de satisfaire aux exigences minimales d’un dispositif correspondant, dans les faits, à une structure d’accueil collective de seize jeunes enfants.

J’estime que l’encadrement et la formation des professionnels sont indispensables. De ce fait, l’élaboration d’un projet d’établissement est un préalable à tout projet de maisons d’assistants maternels.

Lors des auditions menées par M. le rapporteur, j’ai été sensible à la proposition émise par le président de la CNAF, M. Deroussen, suggérant de travailler à une version simplifiée de la convention type. Rappelons que nous sommes partis d’un document dense et complexe de plus de douze pages pour arriver, le 15 novembre dernier, à une version allégée, d’un peu plus de six pages.

Aussi, je m’interroge sur les raisons de la précipitation de mes collègues à légiférer sans prendre en compte cette proposition qui nous a été faite d’étudier une nouvelle convention type simplifiée et plus facile à mettre en œuvre.

Y aura-t-il une navette parlementaire ? C’est là une question que nous sommes en droit de nous poser. J’ai cru comprendre que, pour cette proposition de loi, comme pour tous les textes que nous examinons dans cet hémicycle, il s’agissait d’aller vite ! La navette, si elle a lieu, permettra à la CNAF d’avancer en ce sens avec notre participation, et, pendant ce temps, la commission pourra organiser d’autres rencontres de regroupements d’assistants maternels existants afin d’enrichir son analyse.

Les amendements que nous défendrons cet après-midi vont donc dans le sens de la réintroduction d’éléments de réglementation et de garanties qui nous paraissent indispensables.

Nous souhaitons que le nombre d’assistants maternels pouvant se regrouper se limite à trois et que l’un d’entre eux fasse obligatoirement état d’une ancienneté de cinq ans au minimum. Nous ne pouvons en effet imaginer le regroupement d’assistants maternels sans expérience.

Un amendement vise également à modifier le délai de réponse des services de protection maternelle et infantile pour une demande de modification d’agrément. Compte tenu des nouvelles compétences que ces services vont se voir attribuer avec le transfert de la responsabilité du contrôle d’hygiène assuré aujourd’hui par les services vétérinaires de l’État, il me semble nécessaire d’en revenir à un délai tenable.

En conclusion, nous regrettons que l’esprit d’ouverture affiché tout au long du travail en commission se soit soldé par une fin de non-recevoir opposée à la presque totalité de nos amendements !

Nous espérons que la richesse du débat infléchira la majorité, afin que de véritables garanties de qualité et de sécurité soient introduites dans cette proposition de loi, ce qui nous permettrait de voter tout à l'heure ce texte dans l’allégresse, comme vous nous y avez invités, monsieur Arthuis. C’est là mon souhait le plus sincère, mais permettez-moi, malheureusement, de douter qu’il se réalise ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Et vous avez bien raison !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, trouver une place pour faire garder son enfant après la naissance est toujours vécu par bon nombre de familles comme un véritable parcours du combattant, une épreuve.

Même si l’offre de garde en petite enfance tend à se développer, les progrès sont insuffisants pour répondre à la demande croissante des familles et au besoin d’activité professionnelle des femmes.

Alors que la France est aujourd’hui championne d’Europe de la natalité, le besoin d’accueil non satisfait est évalué entre 300 000 et 400 000 places, inégalement réparties sur le territoire. De ce fait, nombre de femmes sont contraintes de se retirer du marché du travail, parce qu’elles n’ont pas trouvé de solution de garde. Le congé parental est alors vécu comme un choix forcé.

L’objet de la proposition de loi que nous examinons est de permettre la mise en place de maisons d’assistants maternels dont le principe est désormais autorisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Nouveaux lieux d’accueil pour les jeunes enfants, ces maisons d’assistants maternels s’inscrivent dans le cadre de l’engagement du Gouvernement à rechercher des modes de garde innovants afin de mieux répondre aux besoins des familles, pour une meilleure conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle.

À la croisée des chemins entre l’accueil à titre indépendant et l’accueil collectif, ce dispositif permet à plusieurs assistants maternels d’exercer leur métier ensemble au sein d’un local commun.

On peut se féliciter d’une telle initiative, d’autant que cette nouvelle structure est expérimentée avec succès depuis quelques années, notamment en Mayenne, sur l’initiative de plusieurs assistantes maternelles.

Les maisons d’assistants maternels présentent des avantages incontestables pour les personnels, les parents et les enfants. Elles constituent un moyen de renforcer l’attractivité de cette profession, de rompre avec l’isolement, de partager des responsabilités, de répartir les activités en fonction des aptitudes et des préférences de chacun.

La création des maisons d’assistants maternels a des incidences sur le volume de l’offre d’accueil, puisqu’elle permet aux professionnels qui vivent dans des logements trop petits ou ne répondant pas aux critères d’agrément des services de PMI de devenir malgré tout assistants maternels et d’exercer leur métier dans un lieu approprié.

Pour les parents, ces maisons offrent une grande souplesse dans les horaires d’accueil : tôt le matin, tard le soir, voire la nuit. Aucun autre mode de garde n’est en mesure de proposer un service aussi souple et adapté aux besoins de certains parents.

Ces maisons apportent une solution appropriée au monde rural, qui est confronté à de nombreux obstacles quant à la mise en place d’une offre de garde suffisante : difficulté à attirer les professionnels, horaires de travail atypiques des parents et, surtout, incapacité financière de certaines communes à subvenir aux frais de fonctionnement d’un établissement d’accueil collectif. Développer l’offre d’accueil des jeunes enfants en milieu rural est donc primordial pour lutter contre la désertification des campagnes.

Une structure de ce type assure une pérennité de service et permet une économie pour les parents employeurs, qui peuvent percevoir l’aide de la caisse d’allocations familiales liée à l’embauche d’un assistant maternel agréé : le complément de libre choix du mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE.

Pour les enfants, ce mode d’accueil permet de favoriser les échanges. Il met à leur disposition un lieu spécifiquement aménagé pour les plus jeunes avec des structures motrices, un coin pour les bébés, une salle de restauration, ce qui favorise l’apprentissage de la vie en collectivité et facilite l’acquisition de l’autonomie.

Cette proposition de loi constitue un progrès, puisqu’elle tend à doter d’un cadre juridique spécifique la mise en place des regroupements d’assistants maternels.

Toutefois, je ferai part de quelques craintes.

Tout d’abord, les cent vingt heures de formation obligatoire qui sont prévues me semblent très insuffisantes au regard des compétences requises pour s’engager dans un regroupement avec plusieurs autres assistants maternels exerçant hors de leur domicile, d’autant que, sur cette durée, le nombre d’heures exigées avant le tout premier accueil d’enfant a été, depuis le 1er janvier 2010, réduit de soixante à trente.

Ensuite, il est à craindre que la question de la responsabilité civile et pénale ne soulève d’importants problèmes. En effet, la responsabilité de l’assistant maternel qui délègue l’accueil d’un enfant serait engagée en cas de préjudice intervenu dans ce cadre. Ce dispositif risque de placer les assistants maternels dans une situation d’insécurité juridique défavorable au bon fonctionnement d’un regroupement, me semble-t-il, à moins que les auteurs des amendements déposés ne nous prouvent le contraire ; nous verrons ce qu’il en sera tout à l'heure.

Enfin, M. le rapporteur a soulevé un autre problème : il importe que le regroupement des assistants maternels s’opère sur la base du volontariat, au lieu d’être imposé par la commune ou le département. Il s'agit là, pour moi, d’un gage de réussite de la réforme. Il convient donc de donner aux MAM et aux assistants maternels les moyens juridiques de s’engager en toute sécurité.

Pour autant, ce nouveau dispositif ne doit pas dispenser les communes qui le peuvent de consacrer plus de crédits à la construction de crèches collectives.

Pour conclure, monsieur le ministre, il me semble indispensable de prévoir un premier bilan de l’application de ce texte, s’il devait être adopté aujourd’hui, afin d’évaluer clairement l’ensemble des problèmes constatés à la suite de la mise en place des maisons d’assistants maternels.

Mes chers collègues, malgré les craintes sérieuses que j’ai pu vous exposer, l’ensemble des sénateurs du groupe RDSE veut laisser sa chance à cette proposition de loi, qu’il votera. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
Article 2

Article 1er

Après le chapitre Ier du titre II du livre IV du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« Chapitre Ier bis

« Maisons d’assistants maternels

« Art. L. 421-19. – Les maisons d’assistants maternels réunissent les assistants maternels et les mineurs qu’ils accueillent.

« L’agrément défini à l’article L. 421-3 fixe le nombre de mineurs qu’un assistant maternel est autorisé à accueillir simultanément dans la maison d’assistants maternels où il exerce.

« Le nombre d’assistants maternels pouvant exercer dans une même maison ne peut excéder quatre.

« Art. L. 421-20. – Chaque parent peut autoriser l’assistant maternel qui accueille son enfant à déléguer cet accueil à un ou plusieurs assistants maternels exerçant dans la même maison.

« L’autorisation, ainsi que, après leur accord, le nom des assistants maternels auxquels l’accueil est délégué, figurent dans le contrat de travail de l’assistant maternel.

« La délégation d’accueil ne fait l’objet d’aucune rémunération.

« Art. L. 421-21. – La délégation d’accueil ne peut aboutir à ce qu’un assistant maternel accueille un nombre d’enfants supérieur à celui prévu par son agrément, ni à ce qu’il n’assure pas le nombre d’heures d’accueil mensuel prévu par son ou ses contrats de travail.

« Art. L. 421-22. – Les assistants maternels autorisés à déléguer l’accueil des enfants dans les conditions prévues à l’article L. 421-20 s’assurent pour tous les dommages, y compris ceux survenant au cours d’une période où l’accueil est délégué, que les enfants pourraient provoquer et pour ceux dont ils pourraient être victimes.

« Art. L. 421-23. – Lorsqu’une personne souhaite exercer la profession d’assistant maternel dans une maison d’assistants maternels et ne dispose pas encore de l’agrément défini à l’article L. 421-3, elle en fait la demande auprès du président du conseil général du département dans lequel est située la maison. S’il lui est accordé, cet agrément fixe le nombre et l’âge des mineurs qu’elle est autorisée à accueillir simultanément dans la maison d’assistants maternels. Ce nombre ne peut être supérieur à quatre.

« L’assistant maternel déjà agréé qui souhaite exercer dans une maison d’assistants maternels demande la modification de son agrément en précisant le nombre de mineurs qu’il prévoit d’y accueillir. Si les conditions d’accueil de la maison garantissent la sécurité et la santé des mineurs, l’agrément modifié est accordé et précise le nombre et l’âge des mineurs que l’assistant maternel peut accueillir simultanément. Ce nombre ne peut être supérieur à quatre. À défaut de réponse dans un délai de deux mois après réception de la demande, celle-ci est réputée acceptée. 

« La délivrance de l’agrément ou de l’agrément modifié ne peut être conditionnée à la signature d’une convention entre le président du conseil général, l’organisme mentionné à l’article L. 212-2 du code de la sécurité sociale et les assistants maternels.

« Art. L. 421-24. – Le ménage ou la personne qui emploie un assistant maternel assurant l’accueil d’un mineur dans une maison d’assistants maternels perçoit le complément de libre choix du mode de garde dans les conditions prévues à l’article L. 531-5 du code de la sécurité sociale. »

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.

Mme Isabelle Pasquet. En cette période de crise budgétaire, qui affecte les comptes sociaux, y compris ceux de la branche famille de la sécurité sociale, les membres du groupe CRC-SPG sont naturellement très sensibles aux différentes propositions susceptibles de concerner l’accueil de la petite enfance.

Nous connaissons actuellement une situation de pénurie, que nous devons tous gérer, quel que soit notre niveau de responsabilité. Et c’est sans doute cette volonté d’agir qui a conduit notre collègue Jean Arthuis à expérimenter dans son département les maisons d’assistants maternels, puis à proposer aujourd’hui leur généralisation. Nous ne doutons pas de sa volonté réelle de répondre aux attentes des familles tout en satisfaisant les souhaits des assistants maternels, qui veulent rompre avec l’isolement induit par la pratique de leur activité professionnelle à leur domicile.

Toutefois, nous sommes convaincus que de tels regroupements apportent une mauvaise réponse à la vraie question de l’amélioration de l’offre d’accueil de la petite enfance. Cette réponse est insatisfaisante à deux titres au moins.

Tout d’abord, ces regroupements, véritables lieux d’accueils collectifs de la petite enfance, viennent directement concurrencer les structures publiques qui existent aujourd’hui et qui permettent d’accueillir les jeunes enfants. Je pense, par exemple, aux micro-crèches, qui peuvent accueillir jusqu’à dix enfants, ou aux établissements multi-accueil, qui sont susceptibles d’en recevoir vingt. Cette concurrence est d’autant plus inégale que, à la différence des deux modes de garde que je viens de citer, les maisons d’assistants maternels font figure de lieux d’accueil dérégulés. Vous le comprendrez, mes chers collègues, dans le contexte actuel, où prévaut une concurrence libre et non faussée et où l’on s’interroge sur les modalités d’application de la directive « services », nous craignons que ces structures ne soient le cheval de Troie d’une dérégulation plus grande.

Par ailleurs, comment ignorer que nous examinons cette proposition de loi à la veille d’une réforme des collectivités locales et au lendemain de celle qui porte sur leurs financements, réformes qui auront toutes deux pour effet d’appauvrir ces dernières ?

Chers collègues de la majorité, en donnant la possibilité aux communes de mettre à disposition des locaux dont elles sont propriétaires, vous prenez le risque de faire passer le poids de la responsabilité de la garde de la petite enfance des départements aux communes, ce qui, lorsque l’on connaît les difficultés financières de ces dernières, nous semble constituer un mauvais signal.

Enfin, cette structure, qui ne créera pas suffisamment de places supplémentaires pour répondre au manque constaté – il en faudrait 200 000 ! –, ne satisfera pas les besoins des familles les plus modestes. Sans doute celles-ci ont-elles recours à de telles structures, mais au prix de quels sacrifices ? En effet, contrairement à ce qui se passe dans les structures collectives publiques, le prix de la journée d’accueil d’un enfant au sein d’une MAM n’est pas proportionnel aux revenus du ou des parents.

Pour toutes ces raisons, et à défaut de l’adoption de nos amendements, nous voterons contre le présent article 1er.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 26, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I.- Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 12

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'assistant maternel qui souhaite, après avoir exercé en maison, accueillir des mineurs à son domicile et ne dispose pas de l'agrément nécessaire à cet effet, en fait la demande au président du conseil général du département où il réside.

III. – Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'assistant maternel peut, après avoir exercé en maison, accueillir des mineurs à son domicile s'il dispose déjà de l'agrément nécessaire.

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement a un double objet.

D'une part, il vise à rassembler les dispositions relatives à l'agrément des assistants maternels travaillant en maisons d’assistants maternels au sein de l'article L. 421-23 du code de l’action sociale et des familles.

D'autre part, sans modifier le droit existant, il tend à préciser explicitement qu'un assistant maternel souhaitant accueillir des enfants à son domicile devra bénéficier de l'agrément nécessaire à cet effet, même s’il dispose déjà de l'autorisation de garder des enfants dans une maison d'assistants maternels.

En outre, dans un souci de parallélisme des formes, aux termes de cet amendement, un assistant maternel qui dispose déjà de l'agrément nécessaire pour accueillir des enfants à son domicile bénéficiera toujours de cette faculté après une expérience en maison d'assistants maternels.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

sans que le nombre maximum d'enfants accueillis simultanément ne soit supérieur à douze

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Avec quatre assistants maternels au plus, les maisons d’assistants maternels, qui peuvent accueillir jusqu’à seize enfants, constituent, même si les auteurs de cette proposition de loi s’en défendent, de véritables structures collectives de garde, et ce alors même que d’autres formes de structures collectives – je pense particulièrement aux micro-crèches – ne peuvent accueillir que dix enfants.

Ces maisons, qui sont de véritables regroupements d’exercice de l’activité des professionnels, constituent, si l’on se place du point de vue des parents et des enfants, de vraies collectivités.

Or la gestion de telles structures, sans remettre en cause la bonne foi et la volonté sincère des assistants concernés, exige l’acquisition de véritables compétences. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point au cours de nos débats.

Au sein du groupe CRC-SPG, nous considérons que la volonté, sans doute légitime, des assistants maternels d’exercer leur activité de manière regroupée ne doit pas pour autant entraîner un amoindrissement de la qualité de l’accueil garanti aux enfants, et ce au regard tant des règles d’hygiène et de sécurité que de la pédagogie. Les assistants maternels en sont convaincus, y compris ceux qui exercent au sein de tels regroupements.

Les assistantes que nous avons rencontrées en Mayenne, à l'occasion du déplacement organisé par la commission, ont elles-mêmes suggéré de limiter la capacité d’accueil de ces regroupements à douze enfants au plus. Du reste, les échos qui nous sont parvenus des Alpes-Maritimes, autre terrain d’expérimentation, confirment qu’aucun regroupement ne fonctionne s’il compte plus de douze enfants. Il serait même préférable de limiter à trois le nombre des assistants maternels dans ces structures.

Tous ces éléments confirment notre analyse et nous confortent dans notre conviction que la volonté gouvernementale de créer des places de garde, qui se caractérise notamment par le passage de trois à quatre enfants par assistant maternel, ne doit pas se traduire par une dégradation des conditions d’accueil d’un public qui, par nature, est très fragilisé.

C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de limiter à douze enfants au plus la capacité d’accueil de ces regroupements.

M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 12

Rédiger comme suit cet alinéa :

« Art. L. 421-23. - Un assistant maternel ne peut exercer au sein d'une maison d'assistants maternels visés à l'article L. 421-19 du code de la sécurité sociale, s'il ne peut justifier d'une expérience professionnelle similaire à son domicile, d'au moins deux ans durant les trois dernières années. À défaut, l'assistant maternel ne peut recevoir d'agrément que pour un enfant.

II. – Alinéa 13, première phrase

Après les mots :

d'assistants maternels demande

insérer les mots :

au président du conseil général du département dans lequel est située la maison des assistants maternels

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, l’une des principales oppositions de notre groupe à cette proposition de loi se fonde sur la faiblesse des exigences imposées aux assistants maternels qui veulent exercer leur activité de manière regroupée, et cela au regard aussi bien de l’obligation de formation que de l’expérience acquise préalablement.

Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous nous étions déjà opposés aux mesures proposées par nos collègues et invalidées par le Conseil constitutionnel, qui auraient eu pour effet de réduire à trente heures la durée de formation exigée pour pouvoir bénéficier de l’agrément des services de PMI, indispensable pour garder légalement un enfant.

Vous comprendrez donc que, aujourd’hui, nous ne puissions nous satisfaire de la première phrase du douzième alinéa de l’article 1er de la proposition de loi concernant le texte proposé pour l’article L. 421-23 du code de l’action sociale et des familles. Cette disposition, si elle était maintenue en l’état, rendrait possible l’exercice du métier d’assistant maternel au sein d’un regroupement pour des personnes qui n’auraient jamais eu auparavant d’expérience professionnelle avec un enfant.

En effet, tous les professionnels l’affirment, la garde de trois enfants à domicile exige de la part de l’assistant maternel des compétences particulières, notamment une méthode de travail et d’organisation, ainsi qu’une pédagogie qui ne s’acquiert qu’avec le temps.

Permettre aux assistants maternels, à peine titulaires de leur agrément, d’accueillir et de garder jusqu’à quatre enfants au sein d’une collectivité qui pourrait en compter au final jusqu’à seize, c’est faire peu de cas de l’importance du rôle de l’assistant maternel dans le développement personnel des enfants qu’il a sous sa garde.

Par ailleurs, cette disposition nous semble en contradiction totale avec les exigences imposées aux autres modes collectifs de garde de la petite enfance, pour lesquels les normes sont autrement plus contraignantes.

C’est pourquoi, soucieux de la qualité de l’accueil des jeunes enfants, du point de vue tant de leur sécurité que de leur plein épanouissement, nous proposons, dans le I de cet amendement, de conditionner l’exercice de la profession sous une forme regroupée à la justification, auprès des services de PMI, d’une expérience professionnelle passée d’au moins deux ans.

Quant au paragraphe II de cet amendement, il vise à apporter une précision à l’actuelle proposition de loi : la demande de modification d’agrément d’un assistant maternel exerçant à domicile et souhaitant travailler au sein d’une maison d’assistant maternel serait à adresser au président du conseil général du département où la maison est située.

Cette disposition vise le cas où des maisons d’assistants maternels seraient installées à la frontière de deux départements et où des assistants maternels originaires de départements frontaliers et titulaires d’un agrément dans ces derniers voudraient exercer au sein du regroupement.

En effet, le département où est situé le regroupement engageant de fait sa responsabilité, il n’est pas acceptable qu’il puisse être tenu pour responsable en raison d’un agrément délivré préalablement dans un autre département.

Cette proposition nous semble par ailleurs conforme au principe d’autonomie des collectivités locales et territoriales.

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn, Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12, dernière phrase

Remplacer le mot :

quatre

par le mot :

trois

La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Nous avons déjà eu l’occasion, notamment lors de la discussion des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, d’exprimer notre refus d’un agrément autorisant les assistants maternels à garder quatre enfants.

En effet, cette mesure, comme d’autres d'ailleurs, nous laisse penser que l’on cherche avant tout à afficher ou à comptabiliser un certain nombre de places supplémentaires, au détriment de la qualité de l’accueil et des conditions de travail des professionnels.

Certes, le Gouvernement a souhaité la création de 200 000 nouvelles places d’accueil en trois ans. Toutefois, celle-ci ne doit pas se faire n’importe comment, et ce n’est pas en procédant ainsi que nous atteindrons cet objectif !

Les directions et les services de PMI ont déjà la possibilité d’accorder des dérogations, précisément pour permettre l’accueil de quatre enfants. Il me semble que c’est tout à fait suffisant et que nous pouvons nous en tenir là.

L’accueil de quatre enfants ne constitue pas un bon axe de travail, selon nous. D'ailleurs, notre refus de cette mesure se justifie d’autant plus dans le cadre d’un regroupement d’assistants maternels, donc pour des personnes qui ne disposent d’aucune expérience professionnelle antérieure.

Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Les dispositions des amendements nos 1 et 21 sont semblables, à quelques différences de rédaction près.

Je profiterai d'ailleurs de cet avis pour répondre à nos collègues et, éventuellement, les rassurer. Certains ont évoqué la concurrence entre les différents modes de garde. Or, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, cette concurrence n’existe pas !

M. Guy Fischer. Vraiment ?

M. André Lardeux, rapporteur. Puisque nous constatons tous la nécessité de créer de nombreuses places supplémentaires dans ce pays, aucune structure n’est de trop !

Par ailleurs, dans la Mayenne, l’exemple d’Évron, où nous avons visité l’un de ces regroupements, montre qu’il n'y a pas de concurrence : on trouve dans cette commune une crèche, mais celle-ci, en raison de ses horaires spécifiques, ne s’adresse pas au même public que la maison d’assistants maternels. Les parents des enfants qui sont confiés à la MAM ne pourraient pas avoir recours aux services de la crèche, car celle-ci n’ouvre pas à quatre heures et demie du matin.

Il est donc prématuré de parler de concurrence : malgré les efforts qui sont accomplis depuis de nombreuses années, nous en sommes loin ! Il en sera question le jour où l’on comptera autant de places disponibles que d’enfants à garder et où celles-ci seront réparties équitablement sur le territoire.

Je reviens sur l’exemple qui a été cité des regroupements dans les Alpes-Maritimes pour souligner que, à la différence de la situation dans ce département, c’est la volonté des assistants maternels de se regrouper et de faire équipe qui a permis de faire fonctionner les regroupements tant en Mayenne qu’en Loire-Atlantique, alors même que le conseil général de ce dernier département n’est pas présidé par un élu de la même sensibilité que celui de la Mayenne. Dans les Alpes-Maritimes, pour certains regroupements – mais sans doute faudrait-il examiner de plus près ce qui s’est passé –, il semblerait que la décision ait été imposée d’en haut à des assistants maternels qui n’étaient peut-être pas encore préparés à ce mode de fonctionnement. Il convient donc de relativiser les choses.

Les amendements nos 1 et 21 tendent tous deux à limiter à douze le nombre d’enfants pouvant être accueillis simultanément, ce qui revient en pratique à limiter l’accueil à trois enfants par assistant maternel quand les assistants sont au nombre de quatre. Mais si la structure ne compte que trois assistants maternels, chacun d’eux aura la responsabilité de quatre enfants. Je tiens à signaler cette contradiction qui ne semble pas correspondre à l’objectif visé par les auteurs de ces amendements.

On a reproché tout à l’heure à la commission de ne pas faire assez preuve d’ouverture sur ce sujet. Je regrette qu’il en soit ainsi, mais je souligne qu’il est difficile d’imposer aux professionnels regroupés au sein des maisons d’assistants maternels de n’accueillir que trois enfants, alors qu’ils pourront en garder jusqu’à quatre s’ils exercent à domicile. Cela créerait une rupture d’égalité.

Par ailleurs, les expérimentations mayennaises démontrent qu’il faut faire confiance aux services départementaux de PMI, aux techniciens, aux médecins, aux responsables, mais aussi aux élus qui sont chargés de faire fonctionner ces structures, aux présidents et vice-présidents délégués des conseils généraux et aux conseillers généraux membres des commissions compétentes.

Enfin, en matière de normes d’encadrement, il est prévu, dans le cas des regroupements d’assistants maternels, un assistant maternel pour quatre enfants au plus, que ceux-ci marchent ou non, et, dans le cas des crèches, un encadrement pour cinq enfants qui ne marchent pas ou un encadrement pour huit enfants qui marchent. Il est donc inopportun de nous taxer de laxisme !

Dans un premier temps, j’ai pensé un peu comme vous, mais l’exemple de la Mayenne montre que la solution que vous préconisez n’est pas forcément la bonne. Il faut en effet tenir compte de l’amplitude horaire d’ouverture. L’intérêt de ces groupements d’assistants maternels, c’est que les enfants, même s’ils sont au nombre de seize – quatre enfants pour quatre assistants maternels –, ne seront simultanément présents que de manière ponctuelle au cours de la journée ; la plupart du temps, ils ne le seront jamais une journée entière, pas même une demi-journée.

Par ailleurs, c’est aux services de PMI d’apprécier si, dans un regroupement donné, il faut quatre assistants maternels pour quatre enfants ou pour trois enfants. Laissons un peu d’initiative à l’échelon local !

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 1 et 21.

J’en viens à l’amendement n° 6 rectifié, dont le I porte sur l’expérience nécessaire dont doit justifier un assistant maternel pour intégrer une maison d’assistants maternels. Bien sûr, personne n’imagine un regroupement de quatre assistants maternels débutants ! Il appartient aux services de PMI de veiller à trouver un équilibre et de faire en sorte qu’au moins l’un des professionnels puisse justifier d’un minimum d’expérience. C’est d’ailleurs souvent après une expérience à domicile que l’assistant maternel pense au regroupement. En outre, il ne faut pas interdire à de jeunes professionnels de s’intégrer. Il est même dans l’intérêt de ces regroupements d’avoir en leur sein à la fois des professionnels expérimentés et des professionnels débutants. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur le I de cet amendement.

En revanche, elle est favorable au II sous réserve que soient supprimés les mots « des assistants maternels », car il s’agit d’une répétition inutile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 26, qui vise à préciser de façon utile que l’assistant maternel souhaitant exercer à domicile doit obtenir un agrément propre, l’agrément lui permettant d’accueillir des enfants en maison d’assistants maternels n’étant pas suffisant en tant que tel. Deux agréments sont donc nécessaires.

En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 1 et 21, dont l’adoption rendrait l’exercice de la profession d’assistant maternel en maison d’assistants maternels plus difficile qu’à domicile. Au contraire, la réunion de quatre assistants maternels favorise les remplacements potentiels, comme les échanges d’expériences entre les assistants, puisque certains auront exercé pendant deux ans, d’autres, cinq ans, voire huit ans. L’exercice en maison d’assistants maternels offre donc une capacité d’échanges qui n’existe pas lorsque l’assistant maternel exerce seul à son domicile.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout cela est hypothétique !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Par conséquent, le regroupement permettra plus d’efficacité en termes de gestion. Dans ces conditions, tout ce qui vise à réduire la capacité d’accueil en maison d’assistants maternels est, inversement, peu efficace.

Enfin, pour les raisons développées par M. le rapporteur, le Gouvernement est défavorable au I de l'amendement n° 6 rectifié, qui tend à exiger une expérience que l’on ne demande pas aux assistants maternels exerçant à domicile.

En revanche, le Gouvernement est favorable au II, dont l’adoption permettrait au département de délivrer l’agrément sur son territoire et éviterait les chevauchements d’agréments entre différents départements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 1 et 21 n'ont plus d'objet.

Madame Gonthier-Maurin, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 6 rectifié dans le sens des avis exprimés par la commission et par le Gouvernement ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, monsieur le président !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, ainsi libellé :

Alinéa 13, première phrase

Après les mots :

d'assistants maternels demande

insérer les mots :

au président du conseil général du département dans lequel est située la maison

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté à l’unanimité des présents.)

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn, Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer le mot :

quatre

par le mot :

trois

La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. L’examen de cet amendement est l’occasion d’évoquer les préoccupations de nombre de nos concitoyens relatives aux familles et à l’accueil des jeunes enfants. C’est un sujet dont on ne parle pas assez, y compris hors de cette enceinte.

La proposition de loi autorise le regroupement de quatre assistants maternels, accueillant seize enfants au plus. Un tel regroupement s’assimile à une structure collective qui ne dit pas son nom. Je reste convaincue que le regroupement des enfants et des assistants maternels sur un même lieu ne s’improvise pas ; il se construit avec un certain nombre d’assurances et de cadres. C’est très important, notamment pour que les familles puissent laisser leur enfant en toute confiance avant de partir travailler.

La proposition de loi ne soumet l’exercice en maison d’assistants maternels à aucune obligation de formation appropriée à un travail collectif, de projet, de conventionnement et de référent. Elle ne prévoit aucun accompagnement, aucune coordination entre les assistants maternels. Tout cela risque de mettre ces derniers dans de grandes difficultés.

L’accueil des enfants à domicile demande des qualités relationnelles, de l’organisation et certaines connaissances de base concernant le développement de l’enfant. Le travail en collectivité exige d’autres compétences, relatives notamment à l’animation et à la gestion d’un groupe pouvant aller jusqu’à seize enfants d’âges différents, aux relations avec des parents plus nombreux, au positionnement des professionnels dans des situations de conflit professionnel et au recours à un dispositif de régulation.

Nous avons déposé cet amendement en espérant que nos propositions retiendraient l’attention de la commission des affaires sociales.

Lors de notre déplacement en Mayenne, les professionnels que nous avons rencontrés et qui participent à de tels regroupements nous ont eux-mêmes fait part de leurs réserves sur des structures susceptibles d’accueillir jusqu’à seize enfants. Ils ont insisté sur le fait qu’il leur semblait plus pertinent de ramener la capacité d’accueil à douze enfants.

Je regrette que la commission ne soit pas favorable à cet amendement. En matière d’accueil de la petite enfance, nous ne pouvons raisonner uniquement en termes de chiffres et d’affichage. Nous devons au contraire avoir en permanence à l’esprit l’importance que revêt l’accueil des tout petits pour nos concitoyens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. L’examen de cet amendement est l’occasion pour moi d’expliciter davantage la position de la commission et des auteurs de cette proposition de loi.

Pour avoir présidé un conseil général pendant plusieurs années, je connais bien les services de PMI. S’ils m’ont parfois donné du fil à retordre, je reconnais leur parfaite compétence et leur grande conscience professionnelle. Compte tenu des qualités qu’ils exigent des candidates ou candidats à la garde d’enfants à domicile, les risques sont extrêmement limités.

Par conséquent, n’allons pas trop loin. Je ne vois pas pourquoi l’on exigerait des assistants maternels de ces regroupements des compétences ou des connaissances différentes de celles qui sont demandées à ces mêmes professionnels lorsqu’ils exercent à domicile. D’ailleurs, madame Campion, vous avez-vous-même reconnu que notre désaccord portait sur un point de détail.

Le regroupement des assistants maternels diminue certains risques auxquels notre société est à juste titre très sensible, par exemple ceux qui ont trait aux abus sexuels. À partir du moment où la garde se fait hors du domicile, ce risque disparaît totalement, d’autant plus que les trois ou quatre assistantes maternelles exercent l’une par rapport à l’autre une autosurveillance, car le système institué est autogestionnaire.

M. Jean Arthuis. Il est excellent !

M. André Lardeux, rapporteur. De même, les risques liés, dans certains cas, à la famille de l’assistante maternelle, s’agissant par exemple du mari ou du compagnon, disparaîtraient complètement.

La garde hors du domicile représente également un confort pour la vie familiale de l’assistante maternelle. Nous avons interrogé celles que nous avons rencontrées en Mayenne, et que vous avez entendues comme moi, pour savoir si, dans l’hypothèse où la loi évoluerait et empêcherait ces regroupements, elles reprendraient la garde à domicile. « Jamais ! »  ont-elles répondu de manière quasi unanime. L’amendement aurait ainsi l’inconvénient supplémentaire de faire disparaître un mode de garde !

Par ailleurs, la formation des assistantes maternelles est de 120 heures. C’est en 2005 qu’elle est passée de 60 à 120 heures. On ne peut donc pas dire que l’actuelle majorité n’est pas allée dans le sens de l’amélioration de la formation des assistantes maternelles.

La proposition de loi reprend simplement une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale que le Conseil constitutionnel avait censurée, la considérant comme un cavalier législatif. Il s’agit de modifier l’échelonnement de la formation et non pas de remettre en cause l’obligation de formation ni surtout son volume global.

M. Guy Fischer. Elle diminue de moitié !

M. André Lardeux, rapporteur. Non, mon cher collègue, puisqu’elle compte toujours 120 heures, les 60 premières heures étant réparties de façon différente, ce qui nous a paru une mesure pragmatique.

M. André Lardeux, rapporteur. Concernant la « hiérarchie », le regroupement repose, je l’ai dit, sur un principe autogestionnaire.

En Mayenne, les assistantes maternelles ont choisi librement de créer une association, à trois ou à quatre selon les cas, avec une présidence tournante, afin que la charge de travail ne repose pas indéfiniment sur la même personne. Cela suppose évidemment que ces assistantes s’entendent parfaitement, ce qui renforce le caractère autogestionnaire de la structure.

J’en viens au nombre d’assistants maternels pouvant exercer dans une même maison, que votre amendement tend à modifier. En Mayenne, nous avons visité trois maisons d’assistants maternels sur les dix-neuf maisons existantes, soit un sixième d’entre elles, ce qui est déjà beaucoup compte tenu du temps dont nous disposions. Deux de ces maisons fonctionnent avec quatre assistants. Dans la dernière, composée de trois assistants, ceux-ci nous ont affirmé que leur nombre résultait de leur propre choix et non pas d’une décision imposée par le centre de PMI, ce qu’il aurait d’ailleurs pu faire en vertu de ses prérogatives.

Nous avons également auditionné trois assistantes maternelles de Loire-Atlantique, dont deux étaient associées. Elles avaient choisi de fonctionner à deux et ne souhaitaient pas changer. Certes, elles n’avaient pas des horaires atypiques, puisqu’il s’agissait d’une garde assez classique en milieu urbain, à Nantes, mais cela prouve que toutes les solutions sont possibles.

Faisons donc confiance aux acteurs de terrain, aux assistants maternels, aux services de PMI et aux élus qui ont la compétence et l’autorité nécessaires pour déterminer les besoins au cas par cas.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement, madame Campion, faute de quoi j’émettrai, au nom de la commission, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable, comme la commission, pour deux raisons qui viennent d’être exprimées par M. le rapporteur.

D’une part, le retour d’expérience, notamment de la Mayenne, montre que le regroupement peut fonctionner avec quatre assistants. Si le dispositif fonctionne en Mayenne, pourquoi en serait-il autrement ailleurs ?

D’autre part, et surtout, faisons confiance aux services de PMI et aux collectivités locales. Si les services de PMI considèrent que, dans telle commune, tel milieu ou pour telles ou telles personnes demandant l’agrément collectif, il convient de limiter à deux ou à trois le nombre d’assistants, ils prendront la décision d’accorder les agréments en conséquence. Laissons donc faire les professionnels.

Il nous semble judicieux de laisser respirer les territoires et de faire confiance à ceux dont c’est le métier, plutôt que d’avoir une règle imposée d’en haut.

MM. Jean Arthuis et Jean-Marc Juilhard. Très bien !

M. le président. Madame Campion, l'amendement n° 20 est-il maintenu ?

Mme Claire-Lise Campion. Oui, monsieur le président, je le maintiens.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé à plusieurs reprises que, pour une assistante maternelle, accueillir quatre enfants à son domicile ou dans une maison d’assistants maternels, revenait au même ! Je regrette de vous dire que ce n’est pas la même chose de garder quatre enfants en bas âge que d’en garder douze ou seize. Cela ne se gère pas de la même façon !

Si nous avons proposé, dans notre amendement n° 1 qui n’a plus d’objet, un seuil maximum de douze enfants présents simultanément, c’est aussi pour que la situation soit gérable. C’est pourquoi nous voterons le présent amendement.

Par ailleurs, concernant l’expérimentation en Mayenne, par manque de temps nous n’avons pu rencontrer que trois regroupements.

Monsieur le secrétaire d’État, vous parlez du retour d’expérience. Cependant, il est difficile de se prononcer sur une généralisation alors que nous n’avons observé que des situations idylliques ! Pour généraliser, il faudrait une étude plus approfondie.

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis. Mes chers collègues, permettez-moi de dire que la situation mayennaise n’est pas spécialement idyllique.

Je vous rends attentifs, en particulier mesdames Pasquet et Campion, au fait qu’il s’agit d’une formule fondée sur le volontariat et la confiance. C’est en effet la responsabilité du service de PMI et du président du conseil général que de veiller au respect des principes fondamentaux.

À partir du moment où plusieurs professionnels se rassemblent pour exercer leur activité de garde d’enfants, j’ai la conviction que la formule est mieux sécurisée que si ces personnes restent isolées à leur domicile, ainsi que M. le rapporteur vient de le souligner. Lorsque le domicile professionnel n’est plus le domicile familial, les locaux ont une superficie correspondant au nombre d’enfants que les assistants sont susceptibles d’accueillir.

Vous considérez la situation en Mayenne comme étant idyllique, et je m’en réjouis ; mais si vous aviez visité des regroupements d’assistants maternels dans d’autres départements, vous auriez fait les mêmes constatations et entendu des témoignages similaires.

J’ajoute que, lorsque des assistants cessent d’exercer à titre individuel pour se regrouper à deux, à trois ou à quatre, c’est la consécration de la profession, si j’ose dire. Un degré qualitatif est ainsi franchi. Ce type de fonctionnement est très participatif et exige une implication extrêmement responsable de chacun des assistants.

En tant que président de conseil général, je vous apporte un témoignage personnel : je n’ai pas le sentiment d’encourir des risques particuliers en agréant des regroupements d’assistantes maternelles.

Nous devons néanmoins rester en état de vigilance permanente. S’il apparaît un jour que l’association ne fonctionne plus bien, les assistants en tireront les conséquences et mettront fin à leur regroupement.

Enfin, n’oublions pas la surveillance exercée par les familles qui, dans leur diversité, sont nombreuses à s’intéresser au bon fonctionnement de ce regroupement.

J’espère que ces arguments lèveront vos craintes.

Pour toutes ces raisons, je ne pourrai pas voter votre amendement, madame Campion, même si j’entends bien vos observations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les assistants maternels désignent parmi ceux qui exercent au sein de la maison des assistants maternels un assistant responsable qui doit justifier d'une expérience professionnelle d'au moins 5 ans.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. À l’occasion de nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité, déclarait, avec raison, à propos des maisons des assistants maternels, qu’il s’agissait de véritables collectivités, qui donneraient nécessairement lieu un jour à des conflits qu’il faudra gérer. Rien de plus logique, dans la mesure où ces regroupements sont fondés sur la participation volontaire. Il en va de cette structure humaine comme d’autres : des relations peuvent évoluer et des liens se briser.

Ne l’oublions pas, les maisons des assistants maternels sont des structures rassemblant quatre assistants susceptibles d’accueillir jusqu’à seize enfants et ayant affaire à trente-deux parents au maximum.

Tout le monde le sait, pour l’avoir personnellement vécu ou entendu, la garde de jeunes enfants qui font l’apprentissage progressif de leur corporalité, de leur caractère, de leurs forces, de leur autonomie, de l’existence des autres et de leurs oppositions, peut être synonyme d’incidents. Ces derniers, bien que mineurs – cela peut être, par exemple, une griffure infligée par un enfant à un autre –, peuvent parfois prendre, chez les parents, des proportions importantes dans le cadre de leurs relations avec leur propre assistant maternel ou avec celui qui a la garde de l’autre enfant, ou encore avec les parents de ce dernier.

Face à de telles situations, l’intervention d’une tierce personne, qui puisse faire office de relais entre les parents et les assistants et apaiser les conflits entre les assistants eux-mêmes, est nécessaire. Cette tierce personne existe, notamment dans les crèches familiales et les structures collectives. Il s’agit, vous l’aurez compris, de la puéricultrice qui, assumant les fonctions de directrice et d’encadrement, remplit aussi, le cas échéant, le rôle de juge départiteur.

Nous aurions été favorables à un système qui aurait permis la présence d’une personne remplissant ces fonctions au sein des maisons des assistants maternels, mais une telle solution a été écartée tant par les auteurs de la proposition de loi que par les assistants maternels concernés. Il faut dire qu’elle aurait eu pour conséquence une augmentation significative du prix d’accueil, et les départements auraient peut-être été appelés à contribution.

Cet amendement a pour objet de prévoir la désignation, au sein de chaque groupement, d’un assistant maternel référent, disposant d’au moins cinq ans d’ancienneté, afin qu’il puisse, notamment, jouer un rôle moteur en matière d’organisation matérielle et de gestion des conflits avec les parents.

Il s’agirait, par ailleurs, d’une manière concrète, de reconnaître et de valider des compétences acquises au cours des expériences passées.

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn, Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'un des assistants maternels doit obligatoirement avoir une expérience d'au moins 5 ans.

La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Nous devons assimiler le regroupement des assistants maternels à un accueil collectif. Alors que ce dernier, dans les crèches, les micro-crèches et les crèches parentales, est aujourd’hui réglementé en termes tant d’encadrement que de qualification professionnelle, comment pouvons-nous accepter qu’un regroupement d’enfants auprès des assistants maternels s’effectue sans s’entourer d’un certain nombre de garanties ?

La présente proposition de loi donne l’autorisation d’exercer un métier d’accueil collectif de la petite enfance à des personnes qui n’ont pas les qualifications professionnelles ni l’expérience du travail en groupe.

Les regroupements proposés allant jusqu’à seize enfants d’âges différents ne peuvent pas s’improviser. La formation professionnelle et les compétences requises pour être assistant maternel ne sont pas suffisantes d’emblée pour travailler à plusieurs en dehors du domicile de chacun. En effet, les assistants maternels risquent d’être confrontés à des situations de conflits ou de tensions, bien naturelles dans certains cas, auxquelles ils ne seront pas préparés et ne pourront pas faire face totalement.

Outre notre proposition visant à limiter le nombre d’assistants maternels et d’enfants susceptibles d’être regroupés, il nous semble tout aussi indispensable que l’un des professionnels concernés possède un minimum d’expérience dans ce travail. Il convient donc d’insérer une référence à une durée d’expérience professionnelle de cinq ans pour au moins l’un des assistants maternels déjà agréés désireux d’exercer son activité dans une maison d’assistants maternels.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. L’amendement n° 2 contient en réalité deux propositions, la seconde faisant également l’objet de l’amendement n° 19.

À cet égard, je voudrais saluer la constance de Mme Pasquet, qui veut absolument transformer ces regroupements d’assistants maternels en établissement sociaux, car tel est bien l’objectif recherché au travers de tous ses amendements.

Or c’est justement ce point qui nous sépare. Il est impossible, selon nous, de prendre modèle sur de tels établissements, au vu de tout ce que cela entraînerait en termes de normes législatives et réglementaires.

Personnellement, je comprends très bien ce qui justifierait de désigner un responsable au sein de chaque MAM. À la limite, je suis prêt à en accepter le principe, mais pas à le formaliser par le biais d’une disposition brutale et contraignante.

Je répète ce que j’ai déjà dit tout à l’heure, les assistantes maternelles de la Mayenne qui ont choisi de se regrouper à trois ou à quatre se sont constituées en association loi 1901, avec les obligations y afférentes : l’une d’entre elles en est devenue la présidente et l’interlocutrice référente auprès de la PMI, qu’elle contacte en cas de problème. Mais elles ont eu la sagesse de prévoir une rotation régulière et occupent ce poste à tour de rôle, afin que cette charge supplémentaire ne repose pas indéfiniment sur la même personne. Cela fonctionne remarquablement bien parce que leur objectif, que nous partageons, n’était pas de créer une structure avec un chef à sa tête, qui aurait pu se plaire à user de son pouvoir hiérarchique.

M. Jean Arthuis. Bien sûr !

M. André Lardeux, rapporteur. Le regroupement s’est donc constitué de façon très naturelle.

Si le dispositif marche si bien en Mayenne, c’est peut-être que les Mayennais sont meilleurs que les autres… (Sourires.) La situation n’est du reste pas aussi idyllique que cela, puisqu’il y a tout de même eu, comme partout, quelques échecs. Nous n’avons pas rencontré les personnes concernées, et pour cause ! Mais il nous a été dit que certaines tentatives de regroupement n’avaient pu aboutir.

Une anecdote m’a plus particulièrement frappé lors de notre visite dans une maison d’assistants maternels en Mayenne. L’une des assistantes maternelles étant en arrêt de travail, pour cause d’accident ou de maladie, ses collègues avaient fait appel pour la remplacer à une assistante d’un village voisin, qui n’avait pas d’enfant à garder du fait de son isolement et du peu d’enfants dans le secteur. Lorsque je l’ai interrogée, elle s’est dite extrêmement satisfaite de ses nouvelles conditions de travail, qu’elle découvrait, et prête à intégrer immédiatement un regroupement si on le lui proposait.

Mes chers collègues, gardons-nous de créer des établissements sociaux avec toutes les contraintes que cela suppose. Ces structures coûteraient beaucoup de temps et d’argent, mais seraient promises à une belle mort.

L’amendement n° 2 vise également, comme l’amendement n° 19, à exiger que l’une des assistantes maternelles soit suffisamment expérimentée. S’il faut certes avoir un tant soit peu d’expérience pour exercer dans le cadre d’un regroupement, c’est justement sur ce point qu’intervient le service de PMI et que repose l'intérêt de son expertise.

M. Jean Arthuis. Absolument !

M. André Lardeux, rapporteur. Il est difficilement imaginable que quatre assistantes qui viennent d’avoir leur agrément puissent s’installer ensemble : aucun service sérieux de PMI ne l’autoriserait !

La disposition proposée est pour le moins risquée. En effet, pourquoi se contenter d’un seul critère ? S’il est souhaitable d’exiger une certaine expérience, on peut déjà discuter de sa durée : quatre, cinq ou six ans ?

De plus, pour quelles raisons une personne titulaire d’un diplôme dans le domaine de la petite enfance se verrait-elle interdire l’agrément pour devenir assistante maternelle et, partant, l’entrée dans un regroupement, alors que sa qualification lui permettrait éventuellement de prétendre à la direction d’une structure spécifique ?

Par ailleurs, le fait d’imposer une assistante expérimentée mettrait celle-ci en position de force par rapport à ses collègues. Si elle décidait un jour d’exercer son droit de retrait, son départ ferait s’effondrer le regroupement. Évitons donc d’en arriver là ! En conditionnant la présence de trois assistantes à l’expérience de la quatrième, on en revient au défaut inhérent à la structure proposée, que j’évoquais tout à l’heure.

Par conséquent, même si je comprends les intentions des auteurs des deux amendements et si je partage certaines de leurs préoccupations, je préfère toujours privilégier la confiance. Je leur demande donc de bien vouloir retirer ces amendements. Comme je sais qu’ils s’y refuseront, j’émets un avis défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je partage l’avis de M. le rapporteur et j’émettrai également, pour les raisons qu’il a très justement avancées, un avis défavorable sur les amendements nos 2 et 19.

Madame Pasquet, l’objet de cette proposition de loi est de transposer dans notre droit le modèle d’une expérience qui a réussi. Or, par votre amendement, vous souhaitez en fait calquer le fonctionnement des maisons d’assistants maternels sur celui des établissements, ce que nous refusons, car nous considérons que ces nouvelles structures doivent bénéficier de la même souplesse et de la même simplicité qu’un accueil à domicile.

En outre, le fait de devoir justifier d’une expérience d’au moins cinq ans, proposition commune aux deux amendements, revient à durcir les conditions du regroupement par rapport à ce qui existe pour les assistants maternels à domicile.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.

Mme Isabelle Pasquet. Je tiens à le redire, alors que les assistantes maternelles exercent habituellement leur activité à domicile, les maisons d’assistants maternels proposent un accueil collectif. Il faut donc mettre en place des moyens suffisants pour que cela fonctionne le mieux possible.

M. Jean Arthuis. Mais c’est déjà le cas !

Mme Isabelle Pasquet. La proposition de loi vise à généraliser une expérimentation qui, effectivement, est très positive. Je veux bien faire confiance aux services de PMI, là n’est pas le problème. Mais à partir du moment où la loi offrira un certain nombre de possibilités, les assistantes maternelles pourront éventuellement s’en prévaloir contre une interdiction d’exercer.

Monsieur le rapporteur, vous venez de nous exposer le risque qu’il y aurait pour un regroupement de voir, en cas de dysfonctionnement, l’une des assistantes le quitter. Mais notre but à nous est justement de mettre en place un dispositif suffisamment cohérent pour qu’il y ait le moins d’échec possible !

M. Jean Arthuis. À nous aussi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Le premier alinéa de l'article L. 421-14 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Tout assistant maternel agréé doit suivre une formation dont la moitié au moins doit être réalisée avant la demande d'agrément. Un décret précise les conditions d'application de cette disposition. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À notre sens, vous l’aurez compris, travailler dans une collectivité susceptible d’accueillir entre douze et seize enfants nécessite, de la part des professionnels concernés, un certain nombre de compétences particulières, de savoirs spécifiques, autrement dit une véritable formation.

Voilà deux ans, Nicolas Sarkozy, alors qu’il proposait d’organiser un contrôle et une détection en crèche des enfants pouvant potentiellement devenir dangereux à l’avenir (M. Guy Fischer s’esclaffe.), affirmait que « tout se joue avant l’âge de trois ans ».

Si nous ne partageons pas son analyse très « comportementaliste » de la petite enfance, nous sommes au moins d’accord sur un point : la nature et la qualité de l’accueil de la petite enfance sont effectivement déterminantes dans l’évolution de la personne en devenir qu’est l’enfant.

Dès lors, comment accepter une réduction drastique des conditions de formation exigées d’une personne qui fait profession d’accueillir, de garder et de participer au développement d’un jeune enfant ?

Cette contradiction obéit à une règle mathématique qui vous inspire sans doute : une formation plus courte et moins onéreuse devrait permettre de disposer rapidement d’assistants maternels en nombre. Vous comptez sur ce mécanisme pour réussir à atteindre l’objectif de 100 000 places d’assistants maternels contenu dans la convention d’objectifs et de gestion, alors même que les départs à la retraite seront massifs dans les années à venir.

Comme mes collègues l’ont souligné, tout donne l’impression que vous privilégiez la quantité à la qualité, ce qui n’est pas acceptable au regard tant des enjeux concernant les jeunes enfants que de la situation des assistants maternels eux-mêmes.

Pour notre part, nous en sommes convaincus, la formation est une étape incontournable pour sécuriser les parcours professionnels de ces salariés. Nous souhaitons donc que les pouvoirs publics renforcent leur effort de formation, pour permettre aux assistants maternels désireux de travailler en structure collective d’accéder à des qualifications plus élevées, au diplôme d’auxiliaire de puériculture ou, à défaut, au certificat d’aptitude professionnelle, ou CAP « Petite enfance ». Naturellement, cela exige la mobilisation de moyens financiers, que personne ne semble être prêt à mettre en œuvre.

C’est pourquoi nous entendons préciser, notamment en réaction aux amendements adoptés à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, retoqués par le Conseil constitutionnel, que la durée minimale de formation pour exercer en mode collectif doit être de 60 heures.

Par ailleurs, nous voudrions savoir si – et, dans l’affirmative, de quelle manière – le Gouvernement envisage de faciliter l’accès à la validation des acquis de l’expérience, ou VAE, pour les assistants maternels, ainsi que les moyens qu’il entend mettre à la disposition de ces derniers et des parents d’un ou plusieurs enfants pour leur permettre de réaliser les formations qu’ils estimeraient nécessaires.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn, Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Tout assistant maternel qui vient d'être agréé dans le cadre d'une maison d'assistants maternels doit suivre, au sein de la formation prévue à l'article L. 421-14, un module de formation spécifique à cet accueil qui doit obligatoirement être suivi avant d'accueillir les enfants. Un décret précise la durée et le contenu de ce module. » 

La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. La formation actuelle et les compétences requises pour être assistant maternel ne sont pas d’emblée suffisantes pour travailler à plusieurs dans le cadre d’un regroupement, hors de son domicile personnel.

Au cours des 120 heures de formation, évoquées à plusieurs reprises tout à l’heure, à aucun moment ne sont abordés le positionnement professionnel et le travail en équipe, ni les questions de gestion. Or c’est bien là que réside la différence entre un accueil à domicile ou dans un regroupement. La motivation, aussi grande soit-elle, ne suffit pas !

De plus, il n’est prévu aucun accompagnement ni aucune coordination des assistants maternels, au risque, je le répète, de les mettre réellement en difficulté, ce qui serait extrêmement dommageable.

L’accueil des enfants à son domicile suppose des qualités relationnelles, de l’organisation et certaines connaissances de base sur le développement de l’enfant.

En revanche, travailler en regroupement, donc en petite collectivité, requiert d’autres compétences et d’autres savoirs, parmi lesquels la capacité d’animer et de gérer un groupe susceptible de rassembler jusqu’à seize enfants de différents âges, d’entretenir des relations avec de nombreux parents, de se positionner dans des situations de conflit professionnel avec ses collègues et d’être en mesure de recourir à un dispositif de régulation.

C’est bien tout cela qui fait la différence essentielle entre l’exercice à domicile, d’une part, ou dans une MAM, d’autre part.

Les auteurs de cette proposition de loi tentent – je me plais à le rappeler en cet instant – de répondre au déficit de l’offre d’accueil des jeunes enfants. Son objet est aussi indissociable de la problématique générale de l’accueil, à laquelle il convient de relier, ne l’oublions pas, celle de la scolarisation des plus jeunes enfants.

Or les jeunes souhaitant travailler auprès d’enfants en bas âge dans des structures d’accueil collectif se font rares dans certains quartiers et territoires. Dans ces conditions, je me demande si nous ne risquons pas de les détourner de leur objectif initial de formation à l’accueil des jeunes enfants. La question se pose d’autant plus que ces formations ne sont pas offertes en quantité suffisante sur le territoire national pour répondre aux besoins que nous constatons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. L’amendement n° 3 rappelle la législation existante, la disposition ayant été censurée par le Conseil constitutionnel, lequel a considéré qu’elle n’avait pas sa place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cette précision étant apportée, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, pour des raisons qui tiennent à la forme comme au fond.

Sur la forme, Jean-Marc Juilhard défendra tout à l’heure un amendement contraire à celui-ci, que la commission a accepté, qui vise à reprendre l’une des recommandations contenues dans le rapport qu’il avait présenté. Par cohérence, la commission ne peut évidemment pas se contredire.

Sur le fond, nous avons une divergence : il y aurait, selon vous, une baisse de la formation. La répartition est certes différente, mais nous ne remettons pas en cause le volume total de formation.

Par ailleurs, le dispositif proposé par Jean-Marc Juilhard me paraît aller dans un sens social. Certes, les personnes qui souhaitent exercer ce métier ont, bien sûr, la vocation à garder des enfants. Elles en ont envie et elles aiment le faire. Cela ne saurait nous faire oublier qu’elles ont besoin de travailler pour vivre. Dans leur situation de recherche d’emploi, sans doute serait-il un peu excessif de prolonger leur attente du délai nécessaire pour accéder à la formation.

En revanche, je partagerai plutôt votre préoccupation sur la promotion sociale des assistantes maternelles et sur la valorisation des acquis de l’expérience. Je ne suis pas sûr que la confusion que l’on fait actuellement entre les assistantes maternelles et le métier de garde à domicile soit une bonne chose. Peut-être aurait-il fallu maintenir cette distinction, mais tel n’est pas l’objet immédiat du texte. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 3.

J’en viens à l’amendement n° 16, qui vise à instituer une formation spécifique. J’ai pris tout à l’heure le temps d’expliquer pourquoi il n’y avait pas de différence, de ce point de vue, entre la garde à domicile et la garde en maisons d’assistants maternels. Je ne vois pas pourquoi on demanderait une formation dans un cas, et pas dans l’autre.

Je donne, à titre personnel, un avis défavorable. En effet, pour des raisons pratiques, la commission n’a pas pu se prononcer sur le sujet. Mais elle a examiné un amendement semblable à un autre endroit du texte. J’émets donc le même avis.

J’ajoute que cet amendement n’aurait pas dû nous parvenir car, s’il était adopté, il créerait une charge supplémentaire pour la collectivité. Il tombe donc sous le coup de l’article 40 de la Constitution.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.

Mme Claire-Lise Campion. Je tiens à répondre à l’argument que vous avez avancé, monsieur le rapporteur, à la fin de votre propos. Je ne peux pas vous laisser dire que cet amendement créerait une charge supplémentaire pour les conseils généraux.

Notre proposition vise à instituer une formation spécifique pour les assistants maternels qui vont se regrouper dans les maisons. Cette formation se déroulera à l’intérieur même des 120 heures telles qu’elles sont prévues par le cadre législatif existant. Elle répond à une nécessité d’adaptation.

Je ne peux pas être d’accord avec vos propos, monsieur le rapporteur, car, à mes yeux, l’accueil n’est pas le même à domicile et en maison d’assistants maternels.

Permettez-moi de reprendre les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure. En maison, on se trouve face à un groupe qui peut compter jusqu’à seize enfants. La gestion et l’animation ne sauraient être les mêmes pour un groupe de seize enfants accueillis en maison et un groupe de quatre enfants maximum accueillis à un domicile où le professionnel est seul à exercer. Outre que le nombre de parents n’est pas le même, des conflits peuvent surgir entre collègues dans une maison d’assistants maternels. Ce risque n’existe pas lorsqu’on accueille seul un enfant à son domicile.

Une formation spécifique s’impose pour permettre aux professionnels de faire face à toutes ces situations particulières, notamment en recourant à des dispositifs de régulation.

Notre proposition consiste à créer non pas une formation supplémentaire qui alourdirait la charge pour les conseils généraux, mais un module spécifique à l’intérieur des 120 heures.

Je tenais à apporter ces précisions au moment où nous allons, je l’espère bien, adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Joseph Kergueris, pour explication de vote.

M. Joseph Kergueris. À force de soulever des difficultés et des objections, d’élever des barrières et d’accumuler les déclarations et les craintes au sujet des risques encourus, nous finissons par nous trouver en complète contradiction avec les principes fondamentaux que nous avons votés ici et qui consacrent l’expérimentation ! Nous avons voté en faveur de l’expérimentation, nous l’avons soutenue et nous l’admettons.

Cela veut dire que nous admettons que quelques-uns mènent librement, sur des territoires nombreux et diversifiés, des opérations en nombre assez significatif pour nous permettre de voir ce qu’elles donnent. C’est au terme de cette expérimentation que nous faisons la somme des difficultés, que nous évaluons les risques et que nous apprécions si la pratique permet de relativiser ces derniers ou de faire fi des difficultés susceptibles de s’élever.

Nous sommes au cœur de ce débat. Convaincu du bien-fondé de la démarche, je souhaite rappeler dans quel esprit nous la suivons. À quoi cela servirait-il d’être pour le principe de l’expérimentation, de l’avoir votée et soutenue, si les textes que nous votons au terme de celle-ci sont complètement corsetés ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'assistant maternel qui effectue la garde d'un enfant en raison d'une délégation dont elle est bénéficiaire, est rémunéré par le ménage ou le parent qui emploie l'assistant maternel à l'origine de la délégation.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La délégation, qui constitue le cœur de cette proposition de loi et la justifie presque à elle seule, a pour objet de sécuriser la pratique des assistants maternels qui exercent au sein des regroupements. Pour nous, elle n’est pas sécurisante ; elle sera demain source d’importants contentieux.

En effet, en affirmant que la délégation ne donne pas lieu à rémunération, précision qui vise à exclure la qualification de « prêt illicite de main-d’œuvre », la proposition de loi tombe dans un autre écueil, qui ne manquera pas de soulever d’importants contentieux juridiques, celui de la réalisation d’un travail sans sa contrepartie légitime et juridiquement obligatoire, qui est le salaire.

Telle est d’ailleurs la définition qu’en donne la Revue française des affaires sociales lorsqu’elle précise que tout acte de travail donne lieu à rémunération. Or, en gardant un enfant, même dans le cadre d’une délégation, l’assistant maternel délégué, qui reste soumis aux mêmes obligations que lorsqu’il assure la garde des enfants dont il a régulièrement la charge, effectue bien un travail. Dès lors, il n’y a aucun doute sur le fait que, du point de vue juridique, il ne peut y avoir de travail sans rémunération.

Les employeurs qui profiteraient d’une telle délégation sans rémunérer le salarié effectuant un véritable travail durant cette délégation pourraient être considérés comme dissimulant un salarié aux organismes sociaux, particulièrement aux URSSAF, puisque nous savons tous que les juges ne s’en tiennent pas à l’existence d’un contrat de travail pour estimer que deux acteurs sont liés par un contrat.

Par ailleurs, l’assistant maternel délégué pourrait légitimement faire valoir, plusieurs années après, ses droits à paiement pour les heures de garde qu’il aurait effectuées dans le cadre de cette délégation.

En outre, même si aucun contrat de travail spécifique ne lie le ou les parents à l’assistant maternel délégué, leurs relations pourraient être requalifiées par le juge des prud’hommes en contrat de travail, même en l’absence matérielle de ce dernier, dès lors que sont réunis les autres éléments constitutifs de la relation contractuelle, à savoir la prestation de travail pour autrui et le lien de subordination juridique.

Ce faisant, le ou les parents qui n’ont pas rémunéré l’assistant maternel délégué mais ont payé uniquement celui qu’ils embauchent régulièrement pourraient être considérés par le juge comme n’ayant pas respecté le principe « à travail égal, salaire égal », dont la définition est stabilisée depuis l’arrêt « Ponsolle », rendu par la Cour de cassation le 29 octobre 1996.

Dans ce contexte, et parce que nous craignons que cette mesure n’engendre d’importantes difficultés juridiques et ne fasse émerger une nouvelle catégorie de salariés pouvant travailler sans être rémunérés, nous vous proposons l’adoption de cet amendement.

Par ailleurs, il a été dit, notamment en commission, que la délégation prendrait la forme, comme c’est déjà le cas actuellement, d’une compensation en temps. J’attire votre attention sur deux points : outre le fait que cela semble ne pas satisfaire au principe de rémunération en tant que contrepartie en argent du travail, la proposition de loi ne prévoit nulle part une telle compensation en nature.

C’est pourquoi cet amendement, sans doute perfectible, est aujourd’hui nécessaire. (M. Guy Fischer applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. La proposition de loi a justement pour effet d’éviter les obstacles signalés par Mme Gonthier-Maurin. Les assistantes maternelles que nous avons rencontrées en Mayenne nous ont très bien expliqué comment cela fonctionne.

Cet amendement me paraît donc inutile, et j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui compliquerait les situations.

Concrètement, il imposerait à une famille de passer quatre contrats de travail avec chaque assistant maternel. Le résultat des courses, c’est qu’on aurait seize contrats dans la maison en question !

Le point de droit que vous soulevez consiste à dire que tout travail mérite salaire. Vous supposez, en l’occurrence, que ce principe ne sera pas respecté. C’est faux ! Cela se fera à somme nulle. Très concrètement, le principe du texte veut que des échanges d’heures aient lieu entre les différents assistants maternels dans le cadre de la délégation d’accueil.

Comme M. le rapporteur et nous-mêmes l’avons dit à plusieurs reprises, nous souhaitons une solution simple et souple. Nous ne voulons pas entraver le développement de cette expérimentation du regroupement d’assistants maternels.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On l’avait compris !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Il s’agit là d’un point important.

Comme vous le savez, nous nous interrogeons sur la licéité de la délégation, telle qu’elle résulte de la rédaction de cette proposition de loi. Disant cela, je ne veux offenser personne, ni M. Juilhard qui a procédé à une évaluation des regroupements existants, ni M. le rapporteur, ni M. Arthuis.

Mais vous conviendrez que ce sujet soulève de nombreuses interrogations, y compris du côté du Gouvernement. Je vous renvoie à cet égard aux débats que nous avons eus, ou plutôt, devrais-je dire, que la majorité sénatoriale a eus avec le Gouvernement à ce sujet puisque, pour une fois, nous étions en adéquation avec la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, Mme Morano.

En effet, la délégation d’accueil, que tend à permettre cette proposition de loi, reviendrait à autoriser un assistant maternel à confier temporairement la garde d’un ou des enfants dont il est responsable à l’un ou l’une de ses collègues, sans que cela puisse emporter de conséquences financières.

Cette mesure, qui s’inscrit dans la logique selon laquelle les salariés seraient tous interchangeables entre eux, ne peut nous satisfaire, notamment parce qu’elle contrevient au fondement même du contrat de travail qui unit l’employeur – il s’agit en l’occurrence du ou des parents – au salarié, c'est-à-dire à l’assistant maternel.

Ce contrat, synallagmatique par définition, ne peut concerner que deux acteurs, et ne saurait donc prévoir la participation d’un tiers à la réalisation de l’activité précisément dévolue à la personne avec laquelle l’on contracte. La nature même de ce contrat rend juridiquement impossible la contractualisation entre un employeur et plusieurs parties, fussent-elles des salariés.

Qu’adviendra-t-il, par exemple, du principe d’échange des volontés ? Si l’on est certain de la volonté de l’employeur et de celle de l’assistant maternel, on peut s’interroger sur la libre participation et l’accord de l’assistant maternel bénéficiaire de la délégation.

La seule solution serait de considérer, de manière automatique, que tout assistant maternel exerçant sous une forme regroupée est nécessairement favorable à la délégation, et ce quelles que soient les modalités de son exécution. À moins que le contrat de travail qui lie l’employeur à l’assistant maternel ne reçoive également l’approbation du ou des assistants maternels possiblement bénéficiaires de la délégation, mais il s’agirait alors d’une convention d’organisation, et non d’un contrat de travail.

En outre, l’alinéa ajouté par la commission, qui vise à écarter la requalification de cette délégation en « prêt de main d’œuvre illicite », n’est pas sans soulever d’importantes questions.

D’une part, nous ne sommes pas convaincus que le fait d’exclure le droit à une rémunération suffit à écarter ce risque. En effet, dans la mesure où le salaire de l’assistant maternel n’est pas nécessairement le même que celui de l’assistant délégué, la différence de rémunération pourrait être considérée comme une contrepartie financière permettant de qualifier le prêt de main-d’œuvre illicite. Et la contrepartie en temps pourrait se révéler plus avantageuse pour l’assistant délégataire que pour l’assistant délégué.

D’autre part, le principe selon lequel le travail effectué par l’assistant maternel délégué ne donne pas lieu à rémunération nous semble en totale contradiction avec le principe populaire selon lequel « tout travail mérite salaire », et qui, juridiquement, consacre le salaire comme un élément fondamental du contrat de travail, en tant que contrepartie légale et obligatoire du travail effectué par le salarié.

Vous comprendrez bien qu’il nous paraît impossible d’avaliser la théorie selon laquelle il pourrait exister un travail non rémunéré, qui trouverait sa seule compensation dans un temps de repos complémentaire, ce qui n’est d’ailleurs pas prévu dans le texte que nous examinons. On pourrait même craindre que cette disposition n’entraîne d’importants contentieux, notamment devant les juridictions sociales, un tel travail pouvant être requalifié en travail dissimulé échappant, de fait, aux cotisations sociales.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

ni à ce qu'il ne dépasse la durée de travail visée à l'article L. 423-22

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement est purement rédactionnel.

En effet, l’alinéa 10 que nous proposons de compléter, à l’article 1er, prévoit ceci : « La délégation d’accueil ne peut aboutir à ce qu’un assistant maternel accueille un nombre d’enfants supérieur à celui prévu par son agrément, ni à ce qu’il n’assure pas le nombre d’heures d’accueil mensuel prévu par son ou ses contrats de travail ».

Or, a contrario, rien n’est prévu pour empêcher que cette délégation puisse avoir pour effet de contrevenir aux dispositions visées à l’article L. 423-22 du code de l’action sociale et des familles, qui dispose : « Le repos hebdomadaire de l’assistant maternel a une durée minimale de vingt-quatre heures auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévues à l’article L. 423-21 ». Cet article du code précise également que le plafond annuel d’heures travaillées qu’un assistant maternel ne peut dépasser est fixé à 2 250 heures.

Aussi, sans la précision que notre amendement tend à ajouter, la délégation pourrait avoir pour effet le dépassement de ce quota. Cela ne nous paraît pas souhaitable, d’autant que la rédaction actuelle de la proposition de loi ne précise pas les contreparties qui sont dues à l’assistant maternel bénéficiaire de la délégation, si ce n’est qu’il ne peut prétendre à rémunération.

C’est pourquoi, dans un souci de sécurisation juridique des professionnels décidant de participer à de tels regroupements, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Sur le fond, je suis d’accord avec M. Fischer. Néanmoins, son amendement étant d’ores et déjà satisfait, je lui demanderai de bien vouloir le retirer.

L’article L. 423-22 du code de l’action sociale et des familles n’est en effet nullement remis en cause par la rédaction de la proposition de loi. Il continuera tout naturellement à s’appliquer, et sa mention paraît donc superflue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?

M. Guy Fischer. Oui, monsieur le président. Nous préférons tenir que courir ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

autorisés à déléguer l'accueil des enfants dans les conditions prévues à l'article L. 421-20

par les mots :

qui bénéficient de la délégation d'accueil

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement vise à clarifier les responsabilités des assistantes maternelles en cas de dommage, et à faire application du principe fondateur de la responsabilité civile énoncé à l’article 1382 du code civil. En vertu de ce principe, les assistantes maternelles ont une obligation d'assurance pour tous les dommages que les enfants pourraient causer ou dont ils pourraient être victimes. La création des maisons d’assistants maternels introduit une situation nouvelle, qu’il convient de prendre en compte en prévoyant une obligation d’assurance.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn, Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 13, deuxième phrase

Après les mots :

et la santé des mineurs

insérer les mots :

et si la durée de formation spécifique à cet accueil a été suivie

La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement fait référence à une formation spécifique qui, à mon avis, doit être effectuée préalablement à la constitution du regroupement.

Les regroupements ne peuvent pas être improvisés. Je suis en effet convaincue que les conditions de travail en leur sein seront similaires à celles qui prévalent dans les structures collectives de petite taille.

Les professionnels qui travaillent dans le cadre des accueils collectifs sont formés au travail d’équipe en institution, à la parole professionnelle, à la réflexion éducative, à la gestion d’un groupe et à l’organisation matérielle et humaine autour des enfants. Ce positionnement professionnel n’est pas inné. Il s’apprend, se travaille en formation, se questionne périodiquement lors de mises en situation professionnelle régulières.

Je me demande pourquoi, dans le cas du regroupement de quatre assistants maternels qui vont accueillir jusqu’à seize enfants, nous n’appliquerions pas cette formation dispensée par ailleurs aux professionnels travaillant en collectivité.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement ayant un objet identique à celui de l’amendement n° 16, précédemment défendu, la commission émet le même avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 13, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II. - Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À défaut de réponse à la demande d'agrément ou de modification d'agrément dans un délai de trois mois après réception de la demande, celle-ci est réputée acquise.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement vise à préciser la rédaction actuelle de l’article 1er.

En effet, le texte proposé par l’alinéa 13 de cet article 1er pour la dernière phrase du second alinéa de l’article L. 421-23 du code de l’action sociale et des familles prévoit que l’assistant maternel déjà agréé, qui souhaite exercer au sein d’une maison des assistants maternels, adresse sa demande au président du conseil général, lequel dispose d’un délai de deux mois pour s’y opposer, son silence valant acceptation, passé ce délai.

Or le premier alinéa du texte proposé pour cet article L. 421-23 ne précise rien quant aux assistants maternels demandant à bénéficier pour la première fois d’un agrément, laissant ainsi supposer que s’appliquent les mêmes règles que celles qui sont actuellement prévues pour les demandes d’agrément des assistants maternels exerçant à leur domicile.

Nous proposons donc, par cet amendement, d’harmoniser la législation en indiquant clairement dans la loi les conditions d’attribution et de renouvellement des agréments.

Par ailleurs, la proposition de loi vise à ramener de trois mois à deux mois le délai durant lequel le président du conseil général peut s’opposer au renouvellement de l’agrément.

Compte tenu des difficultés matérielles importantes que connaît l’immense majorité des services de protection maternelle et infantile, difficultés qui ont été fort bien détaillées dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, rendu public en 2006, toute réduction des délais laissés à ces services pour examiner les dossiers reviendrait de facto à rendre automatique et tacite l’attribution des agréments.

C’est pourquoi, là encore, dans un souci de protection des personnels concernés et des enfants accueillis, nous entendons préciser que, pour les demandes d’agrément, comme pour les demandes de renouvellement, les services de PMI disposent de trois mois pour faire connaître leur opposition.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn, Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 13, dernière phrase

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. La disposition qui tend à raccourcir le délai d’instruction du dossier d’agrément montre que nous agissons, une fois encore, dans la précipitation, ce qui nous donne l’impression désagréable que les regroupements doivent se faire vite, au détriment d’une approche réfléchie et qualitative.

Le délai de deux mois prévu par la proposition de loi, au lieu de trois mois actuellement, pour l’examen de la demande d’agrément par les services de PMI, aboutira le plus souvent à une acceptation tacite.

En effet, les services de PMI ont une charge de travail de plus en plus importante, comme l’a relevé l’IGAS dans un rapport de 2006. Non seulement ils assurent la délivrance de l’agrément et le suivi des assistants maternels, mais ils ont également une compétence reconnue en matière de contrôle et d’accompagnement des modes d’accueil individuels et collectifs. En outre, ils offrent un soutien aux pratiques professionnelles, à l’analyse des besoins et aux réponses aux questions particulières, le cas échéant.

De plus, comme nous le verrons tout à l'heure, l’article 3 de la proposition de loi tend à transférer à ces mêmes services de PMI des compétences supplémentaires, aujourd’hui assurées par les services vétérinaires des directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS. Cela se traduira, comme le faisait remarquer M. le rapporteur, par une charge financière supplémentaire pesant sur les départements et un surcroît de travail pour les services de PMI.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons d’adopter cet amendement qui, en permettant de revenir au délai de trois mois, aiderait ces services à remplir l’ensemble de leurs missions avec efficience.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 7, nous avons un point de désaccord car, contrairement au libellé de l’objet de l’amendement, il ne s’agit pas d’une erreur matérielle.

Je suis néanmoins sensible à l’argumentation développée par Mme Campion, qui a défendu l’amendement n° 18, sur la nécessité d’harmoniser les dispositions.

Les deux amendements ayant un objet identique, j’émets un avis favorable sur le premier, l’amendement n° 7, qui satisfait le second, l’amendement n° 18.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. À plusieurs reprises, nous avons fait part de notre souhait que, par souci de cohérence, tous les assistants maternels, qu’ils travaillent à domicile ou dans des maisons d’assistants maternels, soient soumis au même régime. Il ne serait pas acceptable que les règles ne soient pas les mêmes pour tous. Aussi, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 18 n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 8, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les assistants maternels exercent au sein d'une maison d'assistants maternels sous réserve de la signature d'une convention avec l'organisme mentionné à l'article L. 212-2 du code de la sécurité sociale et le président du conseil général. Cette convention précise les conditions d'accueil des mineurs, ainsi que les conditions d'exercice de l'activité conjointement par plusieurs assistants maternels Elle ne comprend aucune stipulation relative à la rémunération des assistants maternels. Le président du conseil général peut signer la convention, après avis de la commune d'implantation, à la condition que le local garantisse la sécurité et la santé des mineurs.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à conditionner la possibilité d’exercer la profession d’assistant maternel au sein d’un regroupement à la signature, par les assistants maternels, d’une convention tripartite les liant à la fois au département et à la caisse d’allocations familiales.

Cette convention, qui était présentée par M. le rapporteur, en 2009, comme étant de « nature à lever ou, du moins, à diminuer les inquiétudes que suscite le regroupement des assistants maternels », nous semble aujourd’hui encore d’une grande actualité. Et ce d’autant que la rédaction actuelle de la proposition de loi n’oblige pas les assistants maternels à proposer aux parents, dont ils sont les salariés, un projet éducatif pour les enfants dont ils auront la responsabilité.

Par ailleurs, et nous l’avons dit en de nombreuses occasions, la délégation, telle qu’elle est définie dans la proposition de loi, mérite d’être détaillée et précisée, ne serait-ce que pour protéger les assistants maternels.

À titre d’exemple, si la proposition de loi était adoptée en l’état, l’assistant maternel qui accepterait de se substituer à un collègue dans le cadre de la délégation n’aurait aucunement la garantie d’obtenir en retour une compensation en temps.

Il apparaît donc plus que nécessaire de rendre obligatoire une telle convention portant à la fois sur les conditions d’accueil des mineurs et celles de l’exercice d’activité conjointement par plusieurs assistants maternels, et ce sans aborder la question de la rémunération, qui doit rester de l’ordre de la relation contractuelle.

J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de M. Arthuis sur le risque de rigidité que pourrait entraîner l’obligation de conventionnement.

Toutefois, cette convention, qui prévoit notamment les règles à respecter en matière de sécurité et d’hygiène quant à l’accueil des enfants, règles d’autant plus importantes que l’article 3 de la proposition de loi supprime les contrôles sanitaires, a fait l’objet d’une négociation avec les partenaires sociaux qui la considèrent comme étant indispensable, même si elle reste insuffisante.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si vous êtes peu sensibles aux demandes répétées des organisations syndicales d’assistants maternels et des membres du collectif « Pas de bébés à la consigne » qui estiment impératif de conserver le caractère obligatoire d’une convention qui « établit pourtant des critères de qualité similaires pour le local d’une micro-crèche et d’un regroupement » et qui « met en évidence, entre autres, le souci de sécurité physique et l’accessibilité aux personnes porteuses de handicap », peut-être serez-vous plus réceptifs aux arguments avancés par la Fédération des particuliers-employeurs de France, la FEPEM, qui regroupe 3,5 millions de particuliers employant un salarié à domicile, pour qui cette proposition de loi, en retirant tout caractère obligatoire à cette convention, met en place « un dispositif dangereux, complexe et insécurisant » ?

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn, Jeannerot et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les  mots :

ne peut être

par le mot :

est

La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Nous le savons tous, la convention présentée à la signature des conseils généraux, des caisses d’allocations familiales et des assistants maternels soulève un certain nombre de questions. M. le rapporteur l’a dénoncée vivement, allant jusqu’à affirmer qu’elle tuait dans l’œuf les projets de regroupement.

Certes, cette convention est perfectible, mais elle représente un cadre minimal indispensable à la sécurité juridique et au fonctionnement des regroupements.

Si les maisons d’assistants maternels s’inscrivent logiquement dans une recherche de solutions innovantes, elles constituent cependant bien – nous ne le répéterons jamais assez – des structures d’accueil collectif. Leur viabilité impose donc un minimum de règles indispensables à l’aménagement, à l’organisation du quotidien, à la gestion matérielle et financière et à la détermination des responsabilités.

La proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, ne permet pas d’offrir aux regroupements des garanties indispensables à un fonctionnement sécurisé et pérenne. La convention établit ce cadre minimal.

La suppression proposée de l’obligation de convention et, par conséquent, l’absence de conventionnement à l’échelon national auront pour conséquence que, au mieux, chaque département, voire partie de département, pourra prévoir un mode de fonctionnement propre s’agissant de ces maisons d’assistants maternels. Cela ne me paraît ni possible ni souhaitable.

Alors même que notre collègue Jean-Marc Juilhard, reprenant une disposition censurée par le Conseil constitutionnel, a déposé un amendement visant à établir un référentiel à l’usage des services de PMI pour uniformiser leurs pratiques d’évaluation, il paraît paradoxal de refuser obstinément de fixer un cadre général applicable sur tout le territoire national aux regroupements d’assistants maternels.

Je l’ai dit lors de la discussion générale, il faut retravailler cette convention qui est un document de référence, la simplifier et l’alléger. L’ensemble des partenaires intéressés y sont prêts.

Il convient également de rendre cohérentes les règles applicables aux micro-crèches, qui regroupent au plus neuf enfants, avec les règles applicables aux maisons d’assistants maternels qui peuvent en accueillir jusqu’à seize.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande instamment d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Ces deux amendements, quoique rédigés de manière différente, ont le même objet, à savoir le rétablissement de l’obligation de signer une convention tripartite, laquelle a suscité de nombreux débats ces derniers mois.

Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi, si elle offre la faculté de signer une telle convention, ne rend pas celle-ci obligatoire. Chaque département doit rester libre d’en élaborer une s’il le souhaite. Laissons vivre les libertés locales en la circonstance ! Telle solution valable dans un département rural, par exemple la Mayenne, ne conviendra pas à un département urbanisé, par exemple l’Essonne, madame Campion.

Par conséquent, en refusant le principe d’un conventionnement obligatoire, nous ne créons pas une insécurité.

D’ailleurs, aucune convention n’est conclue quand la garde est exercée au domicile de l’assistant maternel. Si nous vous suivions, madame Pasquet, madame Campion, il faudrait généraliser le principe du conventionnement.

M. Jean Arthuis. Bien sûr !

M. André Lardeux, rapporteur. Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote sur l'amendement n° 15.

Mme Claire-Lise Campion. L’Assemblée des départements de France a mené une enquête dans les départements qui pratiquent déjà le regroupement afin d’avoir leurs appréciations.

Puisque M. le rapporteur a évoqué à plusieurs reprises le cas de la Loire-Atlantique, je tiens à signaler que ce département s’oppose, et s’est opposé, à la convention nationale, ainsi que l’atteste un courrier adressé à M. Jean Arthuis.

En revanche, le président du conseil général estime nécessaire, pour sécuriser et pérenniser les accueils, de mettre à la disposition des présidents de conseils généraux une convention simplifiée de manière à éviter une déréglementation totale.

Telles sont les informations que je souhaitais porter à la connaissance de nos collègues.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur. Le président du conseil général de la Loire-Atlantique se place, me semble-t-il, dans le cadre du système qui était en vigueur jusqu’à présent.

L’adoption de cette proposition de loi devrait satisfaire son souhait.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'agrément dont bénéficient les assistants maternels exerçant dans une maison d'assistants maternels est renouvelé tous les ans. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, anticipant votre refus d’adopter notre amendement n° 8 visant à rendre obligatoire la signature d’une convention tripartite entre les assistants maternels exerçant de manière regroupée, les départements et les caisses d’allocations familiales, nous avons déposé cet amendement n° 9 visant à permettre aux services de PMI de retirer chaque année l’agrément qu’ils ont délivré s’ils estiment que les conditions d’accueil proposées ne sont plus de nature à garantir le meilleur service aux enfants.

À ce jour, ces services vérifient déjà annuellement les conditions d’accueil afin de s’assurer qu’elles garantissent la santé, la sécurité et l’épanouissement des enfants.

On pourrait donc concevoir que cette visite par les services de PMI soit l’occasion d’une réelle remise en cause de l’agrément, là encore avec la volonté clairement affichée d’apporter les meilleures protections aux parents et aux enfants. En effet, l’ensemble des personnes concernées, y compris les assistants maternels, l’admettent : la garde de douze à seize enfants, sous une forme regroupée, dans une collectivité, est radicalement différente de la garde à domicile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Je ne vois pas pourquoi l’agrément serait valable cinq ans pour la garde d’enfants à domicile et un an seulement dans une maison d’assistants maternels. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet le même avis.

Permettez-moi d’ajouter qu’un certain nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont évoqué la surcharge de travail qui pèse sur les services de PMI. Or obliger ceux-ci à délivrer un agrément annuel accroîtrait cette charge.

En outre, madame Gonthier-Maurin, votre argumentaire est légèrement différent de la rédaction que vous proposez. Vous avez expliqué que les services de PMI devaient pouvoir retirer chaque année, si nécessaire, l’agrément en question. Or l’agrément peut être retiré à tout moment par ces services. Ce que vous demandez, c’est que l’agrément soit renouvelé chaque année.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les tarifs pratiqués par les assistants maternels exerçant au sein d'une maison des assistants maternels sont affichés de telle sorte que les ménages ou les personnes qui emploient un assistant maternel en soient informés. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Les tarifs pratiqués par les assistants maternels ne sont pas légalement définis. En effet, la convention collective nationale de travail des assistants maternels du particulier employeur, applicable depuis le 1er janvier 2005, ne pose qu’un montant brut minimum, fixé pour 2010 à 8,86 euros par heure.

La profession d’assistant maternel étant régie par la règle de l’offre et de la demande, les tarifs, sur le terrain, peuvent varier, particulièrement lorsque l’offre alternative, notamment en établissements collectifs et publics, est rare, ce qui risque fort d’être le cas pour les maisons des assistants maternels, qui semblent correspondre aux besoins des petites communes rurales.

C’est pourquoi, afin que les parents puissent être pleinement informés des tarifs pratiqués par l’ensemble des assistants maternels exerçant dans ces regroupements et, surtout, afin que deux parents embauchant le même assistant maternel pour la garde d’enfants d’une même tranche d’âge ne puissent se voir imposer des tarifs différents – cela pourrait être une sorte de discrimination envers certains parents –, nous proposons, par cet amendement, de préciser que les tarifs pratiqués par les assistants maternels exerçant au sein d’une maison des assistants maternels soient affichés.

Il s’agit, chacun l’aura compris, d’un amendement d’appel. Nous regrettons une fois encore que, afin de pallier le manque d’offre publique de garde d’enfants, vous fassiez de nouveau le choix de l’offre individualisée, qui ne tient pas compte, pour la fixation des tarifs, des revenus du ou des parents.

Nous savons pourtant par expérience que dans certaines collectivités, notamment dans des quartiers populaires, il convient de clarifier les pratiques en matière de garde d’enfants, d’introduire un peu d’éthique. En cette matière, c’est effectivement bien souvent le système D qui prévaut, avec, parfois, une rémunération occulte, non déclarée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Si je comprends la préoccupation de M. Fischer, je ne partage pas ses conclusions.

Il n’appartient pas au Parlement de renégocier une convention collective qui remonte maintenant à plusieurs années. Il revient aux partenaires sociaux de se remettre au travail, s’ils l’estiment nécessaire.

Au sein d’une même région, les tarifs pratiqués par les assistants maternels ne sont pas si différents qu’on le croit souvent. Certaines comparaisons sont difficiles à établir. Un assistant maternel fort de vingt ans d’expérience ne pratiquera sans doute pas les mêmes tarifs que celui qui débute.

J’ajoute que les parents sont aussi les employeurs et qu’il existe une liberté de négociation du contrat entre l’employeur et son salarié.

Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Monsieur le sénateur, il ne s’agit non pas de tarif, mais de salaire. Or un salaire est le fruit d’une négociation de gré à gré entre un salarié et un employeur. Jusqu’à preuve du contraire, dans les entreprises, on n’affiche pas les rémunérations des salariés dans l’ascenseur ! Un salaire ne s’affiche pas !

M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?

M. Guy Fischer. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 10 est retiré.

L'amendement n° 11, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. ... . - La collectivité locale ou territoriale, qui facilite l'installation d'une maison des assistants maternels visés à l'article L. 421-19, ne peut exiger d'eux qu'ils n'accueillent que des enfants dont le ménage ou le parent réside dans la collectivité locale ou territoriale où la maison des assistants maternels est installée. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement vise à préciser l’actuel dispositif législatif, en prévoyant que la collectivité locale ou territoriale, qui facilite, par la mise à disposition d’un local ou d’un terrain, l’installation d’une maison des assistants maternels, ne peut interdire à celles et ceux qui y exercent de recevoir des enfants venant d’autres communes.

En commission, monsieur le rapporteur, vous nous avez affirmé qu’une telle disposition était impossible et qu’en outre elle relevait plus de la convention que de la loi.

Nous ne partageons pas votre analyse. Les communes qui souhaitent mettre des locaux à la disposition des assistants maternels devront nécessairement prévoir des contrats de location, soit à titre onéreux, soit à gratuit.

Un tel avantage en nature, particulièrement lorsque le loyer du local est minoré ou symbolique, s’apparente juridiquement à une subvention. Or les maires peuvent, pour attribuer des subventions, imposer aux bénéficiaires de celles-ci des critères particuliers.

Peut-être allons-nous un peu loin, mais dans la pratique, rien n’empêche d’imaginer que certains maires ne pouvant, pour des raisons financières, installer des crèches sur leur territoire présentent cette mise à disposition comme une action de la commune en faveur des enfants de la ville ou du village. Et pour faire de cette déclaration une réalité, ils pourraient précisément exiger que les assistants maternels n’accueillent que des enfants dont l’un au moins des parents réside dans la commune.

Une telle exigence aurait pour effet d’assimiler un peu plus les regroupements aux établissements publics de garde d’enfants et risquerait même de fragiliser l’implantation de ces derniers, au détriment des parents les plus modestes qui ne trouveraient plus de structures d’accueil à un tarif variant en fonction de leurs ressources.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement me semble satisfait par la proposition de loi dont la rédaction, relativement souple, empêche que ne survienne une telle situation.

Par ailleurs, je ne vois pas quel intérêt une collectivité pourrait trouver dans une telle décision.

Permettez-moi de prendre à nouveau un exemple mayennais. La convention de location est signée non pas avec chaque assistant maternel, mais avec l’association qu’ils ont formée, c’est-à-dire la maison d’assistants maternels. En outre, la commune d’implantation a intérêt à accueillir les enfants des parents qui travaillent sur son territoire, même s’ils n’y résident pas.

Je citerai le cas d’Évron, où sont installées des entreprises importantes. Les employés de ces entreprises font le plus souvent garder leurs enfants à Évron, qu’ils habitent dans la ville ou dans des communes périphériques.

Évron, qui dispose déjà d’une crèche collective, a tout intérêt à ce qu’il en aille ainsi. Si elle impose une condition de résidence, la population demandera la construction d’une seconde crèche collective afin de remédier aux problèmes de garde d’enfants.

Votre crainte me paraît donc excessive, monsieur Fischer, d’autant que, je le répète, la rédaction de la proposition de loi répond à votre préoccupation.

Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, la commission y serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Je ne partage absolument pas l’analyse de M. le rapporteur.

Cet amendement nous donne l’occasion de nous interroger sur la stabilité juridique et la légalité de la mise à disposition par le maire d’un local dont la commune est propriétaire, à des assistants maternels regroupés au sein d’une maison d’assistants maternels.

En effet, en voulant préserver la souplesse qui, selon vous, caractérise les maisons d’assistants maternels, vous avez fait le choix de naviguer à vue, entre les règles que l’on peut imposer à des personnes morales et celles que l’on peut appliquer à des personnes physiques.

Or, pour être francs, nous ne voyons pas comment une commune pourrait légalement décider de confier, fût-ce à titre gratuit, un local dont elle est propriétaire à une ou plusieurs personnes physiques. Sans doute aurait-il été plus stable, d’un point de vue juridique, de prévoir la signature d’une convention entre la commune et les assistants maternels, mais vous vous y refusez.

Le cas le plus proche de cette situation, et pourtant encore très éloigné, est celui des communes qui, dans un désert médical, mettent, à titre gratuit – pour un temps au mois –, un cabinet à la disposition des médecins qui accepteraient de s’y installer. Une telle mise à disposition prend la forme d’un bail et d’une convention, qui fait défaut dans le cas qui nous occupe, et s’adresse à une personne dont l’activité est libérale, alors que les assistants maternels sont des salariés. En outre, la décision est justifiée par des motifs d’intérêts généraux qui s’accompagnent nécessairement de contreparties de la part du médecin bénéficiaire, ce qui n’est pas prévu pour les regroupements d’assistants maternels.

De la même manière, il aurait été sans doute plus simple et moins critiquable en termes de licéité d’autoriser les collectivités locales à mettre des locaux à la disposition d’une association. Vous aviez sans doute cette possibilité présente à l’esprit en rédigeant cet alinéa. Toutefois, et nous en avons débattu en commission, il n’aurait été guère constitutionnel de prévoir, pour les assistants maternels souhaitant se regrouper, l’obligation de souscrire une assurance, car, comme chacun le sait, cela va à l’encontre de la liberté d’adhésion.

Bref, le choix retenu qui consiste à autoriser la mise à disposition à des personnes physiques salariées d’un local afin de leur permettre d’exercer leur activité professionnelle semble à la limite de la légalité.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur le risque assurantiel. En effet, si les assistants maternels ont l’obligation de s’assurer pour les dommages qu’ils pourraient causer en raison de leur activité, qu’en est-il du local ? Il nous semble, mais des précisions nous seraient utiles, que les maires, qui généralement bénéficient du droit de louage, sont également responsables des dommages causés par les édifices dont la commune est propriétaire. Cette responsabilité incomberait directement à la personnalité du maire.

Dans ce contexte, et en l’absence de convention, nous doutons que les maires s’emparent de cette faculté. Cela aurait pour conséquence de contraindre les assistants maternels à s’endetter et à constituer une SCI pour acheter leurs locaux.

Si cette option est juridiquement plus stable, elle est politiquement scandaleuse, car elle revient à faire peser sur les salariés le risque et le prix qui découlent de leur volonté de travailler. On assiste à un véritable transfert des outils de production du travail de l’employeur vers le salarié, ce qui, selon nous, est inacceptable 

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur. En l’occurrence, il n’y a pas de subvention des personnes physiques puisque c’est une association qui loue le local et, pour autant que je sache, cela n’est pas interdit par la loi.

Madame Pasquet, vos propos me semblent quelque peu contradictoires. Vous semblez rêver à l’exercice libéral du métier d’assistant maternel. Or, les assistants maternels sont des salariés employés par des parents. Le problème ne se pose donc pas.

Quant à la SCI, j’ai encore un exemple en Mayenne. Trois des quatre membres d’une association ont créé une SCI. Ils ont construit un local sur un terrain que la commune leur avait cédé pour un euro symbolique. Sauf erreur de ma part, la convention de cession prévoit que si l’activité devait changer ou cesser, la commune retrouverait ses droits sur le terrain concerné.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Juilhard, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 421-25. - Les assistants maternels accueillant des enfants dans une maison d'assistants maternels et les particuliers qui les emploient bénéficient des mêmes droits et avantages et ont les mêmes obligations que ceux prévus par les dispositions légales et conventionnelles applicables aux assistants maternels accueillant des enfants à leur domicile. »

La parole est à M. Jean-Marc Juilhard.

M. Jean-Marc Juilhard. Cet amendement rappelle le principe d'égalité de traitement entre les assistantes maternelles. Celles qui travaillent en MAM doivent bénéficier des mêmes droits et avantages et être soumises aux mêmes obligations que ceux qui sont prévus par les dispositions légales et conventionnelles qui s’appliquent aux assistantes maternelles exerçant à domicile.

Il s’agit simplement d’inscrire dans la loi un principe élémentaire de justice sociale, ce qui me semble de nature à recueillir l’unanimité de notre assemblée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement est essentiel. S’il n’était pas adopté, les assistantes maternelles n’auraient plus d’intérêt à se regrouper en MAM. Nous avons déjà évoqué ce sujet lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié.

M. Guy Fischer. Le groupe CRC-SPG s’abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
(Non modifié)

Article 2

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
Article 3 (Texte non modifié par la commission)

(Non modifié)

L’article 80 sexies du code général des impôts est applicable aux revenus professionnels liés à l’activité d’assistant maternel exerçant dans une maison d’assistants maternels, sauf si l’assistant maternel est salarié d’une personne morale de droit privé. – (Adopté.)

(Non modifié)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
Article 4

Article 3

(Non modifié)

Les maisons d’assistants maternels mentionnés à l’article 1er ne sont pas des établissements au sens de l’article L. 233-2 du code rural.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme Pasquet, MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. L’article 3, que cet amendement vise à supprimer, tend à exclure les maisons d’assistants maternels du champ de suivi, de contrôle et, potentiellement, de sanction des services vétérinaires préfectoraux.

Nous avons bien compris l’argument de M. le rapporteur, qui considère inopportun de prévoir un contrôle en raison du petit nombre de repas préparés dans les maisons d’assistants maternels.

Cette affirmation est pour le moins contestable puisque la question de la confection des repas repose sur un simple accord des parents. Certains préfèrent préparer le repas de leur enfant, d’autres confient cette tâche à l’assistant maternel qui en a la garde.

Dans certains locaux, vingt repas pourraient donc être préparés – les seize repas des enfants accueillis et ceux des assistants maternels – deux fois par jour. Il serait donc possible que ces locaux ne fassent jamais l’objet de visite de la part des services qui ont pourtant la responsabilité de contrôler les établissements qui préparent, traitent, transforment, manipulent ou entreposent des produits d’origine animale ou des denrées alimentaires.

Cette disposition est la démonstration de ce que nous ne cessons de dénoncer depuis le début de l’examen de cette proposition de loi. Vous entendez, touche par touche, créer une structure collective dépourvue de toute règle, fût-elle d’hygiène et de sécurité.

Et pourtant, pour ne prendre que ces deux exemples, les microcrèches et les structures multi-accueil sont soumises à de tels contrôles. Pourquoi dès lors considérer que les maisons d’assistants maternels, qui peuvent accueillir plus d’enfants qu’une microcrèche et quatre de moins qu’une structure multi- accueil, devraient échapper à ces contrôles ?

Vous voulez, dites-vous, préserver la souplesse. Nous y voyons plutôt, pour notre part, une volonté de dérégulation, véritable cheval de Troie de l’application, demain, de la directive « Services » à la garde des jeunes enfants.

(M. Guy Fischer remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. L’amendement présenté par Mme Pasquet vise à supprimer l’un des fondements de la proposition de loi. Le contrôle qu’elle souhaite me semble très disproportionné par rapport à la situation dans les maisons d’assistants maternels. Même si elles accueillent le nombre maximal d’enfants, le nombre de repas préparés est relativement faible puisque beaucoup sont des bébés, il s’agit de biberons et cela ne relève donc pas de la même pratique.

Il convient, me semble-t-il, de faire confiance au bon sens et comme les PMI ont le pouvoir de contrôle à domicile, elles peuvent très bien aussi exercer leur vigilance dans ce domaine.

Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
(Non modifié)

Article 4

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
Articles additionnels après l'article 4

(Non modifié)

Le II de l’article 108 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 est abrogé.  – (Adopté.)

(Non modifié)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles additionnels après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Juilhard, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le premier alinéa de l'article L. 421-4 du code de l'action sociale et des familles, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le nombre d'enfants pouvant être accueillis simultanément fixé par l'agrément est sans préjudice du nombre de contrats de travail, en cours d'exécution, de l'assistant maternel.

« Le premier agrément de l'assistant maternel autorise l'accueil de deux enfants au minimum, sauf si les conditions d'accueil ne le permettent pas. Le refus de délivrer un premier agrément autorisant l'accueil de deux enfants ou plus est motivé. »

II. - L'article L. 421-14 du même code est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La durée de la formation obligatoirement suivie par l'assistant maternel avant d'accueillir des enfants ne peut être supérieure au quart de la durée totale de la formation. Le deuxième quart de la formation doit être suivi dans les six mois suivant l'accueil du premier enfant. Des dispenses de formation peuvent être accordées à l'assistant maternel qui justifie d'une formation antérieure équivalente.

2° Le troisième alinéa est supprimé.

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La durée et le contenu des formations suivies par un assistant maternel figurent sur son agrément. »

La parole est à M. Jean-Marc Juilhard.

M. Jean-Marc Juilhard. Cet article additionnel reprend un article adopté lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, mais invalidé ensuite par le Conseil constitutionnel au titre de l'irrecevabilité sociale.

L'amendement a trois objets.

Il prévoit, d'abord, que le premier agrément délivré autorise l'accueil de deux enfants, sauf si les conditions d'accueil ne le permettent pas. À l'heure actuelle, selon une pratique répandue, mais qui ne résulte d'aucune exigence légale, le premier agrément ne permet d'accueillir qu'un seul enfant. Or, la profession n'étant pas couverte par le SMIC, une assistante maternelle qui ne pourrait garder qu'un seul enfant, même en travaillant quarante-huit heures par semaine, gagnerait moins de 400 euros par mois. On voit donc qu'il est à la fois nécessaire, juste et raisonnable d'autoriser une assistante maternelle à accueillir deux enfants dès le premier agrément.

Ensuite, avant l'accueil d'un enfant, une assistante maternelle doit suivre une formation initiale de soixante heures dispensée dans un délai théorique de six mois à compter de la demande d'agrément. Puis, soixante heures supplémentaires de formation doivent être suivies dans les deux années après l'obtention de l'agrément. Dans la pratique, le temps d'attente avant de pouvoir suivre la formation initiale est bien plus long, de l'ordre de neuf mois, voire un an dans certains départements. Ce délai constitue une barrière à l'entrée dans la profession d'assistante maternelle, car il contraint les candidates à patienter plusieurs trimestres sans rémunération.

L'amendement vise donc à réduire le délai, en prévoyant que la formation initiale obligatoire ne peut représenter plus du quart de la formation totale, soit trente heures. Le deuxième quart de la formation devra être suivi dans les six mois suivant l'accueil du premier enfant. Enfin, le reste de la formation, soit soixante heures, devrait toujours être dispensé dans les deux années qui suivent l'obtention de l'agrément. On peut ainsi espérer que le délai d'attente soit raccourci de moitié.

Enfin, l'amendement prévoit que la durée et le contenu des formations suivies par les assistantes maternelles figurent sur leur agrément, afin de les inciter à se former régulièrement, notamment pour faire valoir auprès des parents leur degré personnel de professionnalisme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. M. Juilhard a bien expliqué l’objet de cet amendement, qui vise à rétablir une disposition que nous avions votée lors de l’examen du projet de loi de financement de sécurité sociale.

La commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis favorable, pour deux raisons.

Premièrement, cet amendement permet aux assistantes maternelles qui débutent dans la profession de percevoir un salaire raisonnable. Un seul enfant, cela ne permet pas de vivre de son salaire ; la garde de deux enfants permettra aux nouvelles assistantes maternelles de mieux vivre de leurs fonctions.

Deuxièmement, les trente heures de formation sont plus raisonnables pour permettre aux assistantes maternelles d’entrer dans la profession.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre cet amendement, qui tend à réintroduire dans cette proposition de loi la disposition, adoptée lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et censurée par le Conseil constitutionnel, relative à la formation dont doivent justifier les assistants maternels avant d’accueillir le premier enfant.

Une telle disposition, véritable mesure de déréglementation, vise clairement, comme le reconnaissait elle-même Mme Morano, « à accélérer l’entrée dans la profession des assistants maternels nouvellement agréés », une accélération qui répond à la volonté d’accueillir le plus rapidement possible, sans chercher à mesurer les effets de cette décision sur la qualité de l’accueil offert aux jeunes enfants.

Cette disposition vise à pallier les difficultés rencontrées par les départements pour organiser de telles formations, nous a-t-on dit lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous doutons qu’il s’agisse de difficultés et au regard de la volonté de certains départements de se désengager financièrement en la matière, nous craignons que cette réduction de soixante à trente heures ne soit en réalité une tentative d’économies aux dépens des assistants maternels, qui sont naturellement demandeurs de plus de formation, mais aussi au détriment des enfants dont ces professionnels peu formés auront la charge.

Mes chers collègues, il y va de la sécurité des jeunes enfants et entre le moment où l’assistant maternel garde son premier enfant ou son premier groupe de quatre enfants et celui où il acquerra l’intégralité de sa formation, six mois se seront écoulés et des accidents auront pu survenir.

Il est de notre responsabilité, en tant que législateur, de garantir à la fois l’évolution professionnelle des assistants maternels et le bien-être physique et psychique des enfants.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que voter contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.

Mme Claire-Lise Campion. Nous nous interrogeons sur le bien-fondé de cet amendement.

Les assistants maternels qui souhaitent accueillir deux, voire trois enfants, dès la première demande d’agrément, si les conditions d’accueil le permettent, peuvent déjà le faire, fort heureusement. En effet, les enfants de l’assistant maternel âgés de moins de trois ans sont, par exemple, pris en compte dans l’agrément.

En réalité, cet article concerne les rares départements qui limitent la première demande d’agrément à un seul enfant et a pour objet de les empêcher de procéder ainsi.

Or, la rédaction que vous nous proposez ne semble en rien régler la situation.

Sur quoi se fondent les services de la PMI pour décider du nombre d’enfants à accueillir ? Sur les connaissances de l’assistant maternel, la configuration de son logement et ses capacités d’adaptation. Et s’il est possible de proposer une montée progressive du nombre d’enfants, certains sont agréés directement pour trois enfants.

Rien n’empêchera donc les PMI ou les conseils généraux de refuser un agrément pour deux enfants, en motivant leur décision sur l’absence de conditions d’accueil suffisantes.

Enfin et surtout, la direction générale de l’action sociale a produit un référentiel de l’agrément des assistants maternels à usage des PMI, afin d’harmoniser les pratiques sur le plan national. Le référentiel approuvant les critères d’agrément a été publié par le ministère du travail à la fin du mois de novembre 2009. Il présente l’avantage de préciser certains points souvent sujets à caution entre les professionnels et les représentants des assistants maternels, qu’il s’agisse notamment du logement, de la place du conjoint dans l’organisation familiale ou du délai pour les demandes de modification d’agrément. Donnons à ce référentiel le temps de produire des effets avant d’apporter des modifications.

Cet amendement vise également à réduire le temps de formation initiale devant être effectué avant l’accueil du premier enfant à un quart du total du temps global de formation, soit trente heures sur les cent vingt, au lieu des soixante heures initiales requises précédemment.

Nous considérons que cela va à l’encontre de la demande des assistants maternels eux-mêmes, qui soulignent lors des bilans effectués la richesse de cette formation et sa densité.

La réduire sera vécu comme un recul par rapport aux acquis récents : elle est, en effet, un élément essentiel de reconnaissance et de valorisation professionnelle. Je vous rappelle qu’elle n’a été obtenue que très récemment et qu’elle n’est obligatoire que depuis 1992.

Cet amendement est d’autant plus paradoxal que l’exposé des motifs de la proposition de loi précise que l’effort public doit se concentrer sur le recrutement et la formation des assistants maternels.

De plus, M. le rapporteur se souciait précédemment du coût supplémentaire – nous avons évoqué ce point tout à l’heure – occasionné aux départements par une formation supplémentaire. La proposition de notre collègue Jean-Marc Juilhard aura cette fois-ci un impact financier pour les conseils généraux. Ces derniers sont, en effet, tenus de financer l’accueil des enfants durant le temps de formation des assistants maternels. Le coût de cette charge se trouverait donc augmenté à hauteur des trente heures supplémentaires par professionnel. À titre d’information, il est remboursé aux familles 22,05 euros par jour et par enfant. Cela engendrera pour un département comme le mien, l’Essonne, une dépense supplémentaire de 165 000 euros. En outre, les difficultés d’organisation pour les familles seront accrues.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 4.

L'amendement n° 24, présenté par M. Juilhard, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au quatrième alinéa de l'article L. 2324-1, le mot : « conditions » est remplacé (deux fois) par les mots : « seules conditions exigibles » et les mots : « par voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « par décret ».

2° L'article L. 2324-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2324-2 - Le médecin responsable du service départemental de protection maternelle et infantile vérifie que les conditions mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 2324-1 sont respectées par les établissements et services mentionnés au même article. »

II. - Le deuxième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Un référentiel approuvé par décret en Conseil d'État fixe les critères d'agrément. »

La parole est à M. Jean-Marc Juilhard.

M. Jean-Marc Juilhard. À l’instar du précédent, le présent amendement reprend un article adopté lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, mais invalidé ensuite par le Conseil constitutionnel au titre de l'irrecevabilité sociale.

Cet amendement a pour objet d'harmoniser les critères d'agrément des crèches et des assistantes maternelles.

Pour exercer la profession d'assistante maternelle ou pour ouvrir un établissement d'accueil du jeune enfant, il est en effet nécessaire d'obtenir un agrément du conseil général, délivré en pratique par les services de la PMI.

Or, on constate que les critères utilisés, malgré les normes nationales posées dans le code de l'action sociale et des familles et le code de la santé publique, diffèrent profondément d'un département à l'autre, ce qui crée une inégalité de traitement entre départements.

En outre, certaines PMI ont tendance à durcir les critères d'agrément des crèches, ce qui a pour effet de renchérir le coût déjà élevé de ces structures.

L'amendement prévoit donc que des critères nationaux d'agrément impératifs soient définis par décret en Conseil d’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement, qui a été très bien présenté par M. Jean-Marc Juilhard, vise à reprendre une disposition que le Sénat avait adoptée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

La commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 4.

L'amendement n° 27, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 2324-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2324-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2324-2-1. - L'autorisation mentionnée au premier alinéa de l'article L. 2324-1 prévoit, à la demande du responsable d'établissement ou de service, des capacités d'accueil différentes suivant les périodes de l'année, de la semaine ou de la journée, compte tenu des variations prévisibles des besoins d'accueil ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement reprend également un article adopté lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, mais invalidé ensuite par le Conseil constitutionnel.

Il s’agit d’apporter un peu de souplesse dans les agréments des établissements d’accueil du jeune enfant. En effet, actuellement on délivre souvent un agrément global qui ne fixe pas de capacités d’accueil différentes selon les périodes de l’année, de la semaine ou de la journée, en fonction de l’évolution des besoins d’accueil de la zone concernée.

Cet amendement dont résultera une plus grande souplesse permettra une meilleure gestion des établissements et, surtout, les collectivités qui gèrent ces établissements pourront remplir notamment les conditions d’occupation prévues par la caisse d’allocations familiales pour bénéficier du versement des prestations. Ce sera préférable pour les collectivités et surtout pour les familles car l’offre d’accueil sera élargie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement plein de sagesse et d’efficacité, qui apportera effectivement de la souplesse dans la gestion des établissements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 4.

Vote sur l'ensemble

Articles additionnels après l'article 4
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nos discussions ont mis en évidence le consensus qui s’est dégagé dans notre assemblée sur le bien-fondé des innovations dans le domaine de l’accueil des jeunes enfants : il manque, dans notre pays, entre 300 000 et 400 000 places d’accueil pour permettre aux familles de faire un véritable choix. Toutefois, je le regrette, ce consensus ne va pas au-delà.

En dépit de l’esprit d’ouverture qui a présidé durant les travaux de la commission et que j’ai évoqué au cours de la discussion générale, notre volonté de maintenir un cadre minimal sécurisant pour offrir un accueil de qualité n’a pas été entendue par nos collègues de la majorité. Il y va pourtant de l’intérêt des enfants eux-mêmes, de leur famille ainsi que des assistants maternels.

Seul importe, semble-t-il, le nombre potentiel de places d’accueil supplémentaires qui pourra être offert. Il est vrai que les engagements – irréalisables ! – pris lors de la campagne pour l’élection présidentielle à propos d’un droit opposable à l’accueil du jeune enfant ont disparu de nos discussions.

Ainsi, la majorité sénatoriale a rejeté l’ensemble de nos amendements visant à réintroduire un minimum de réglementation et, surtout, de garanties indispensables à ce nouveau mode d’accueil collectif qui ne dit pas son nom.

Elle a rejeté la nécessité de fixer une ancienneté professionnelle de cinq ans minimum pour au moins l’un des professionnels qui participeraient à un regroupement.

La convention nationale est devenue optionnelle, sans exigence, en contrepartie, d’un règlement intérieur ou de la mise en place d’un projet éducatif.

La formation préalable à l’accueil des enfants passe de soixante heures à trente heures, ce qui risque de dévaloriser l’image d’une profession en mal de reconnaissance, que nous voulons soutenir et développer.

L’absence d’un référent nous pose également problème, d’autant que la notion d’association fondée sur le statut des associations loi 1901 proposée par voie d’amendement par le rapporteur n’a pas été adoptée par notre commission.

Nous nous refusons à la mise en place d’un mode d’accueil ne permettant pas aux parents de laisser, chaque jour, en toute confiance, leur enfant.

La proposition de loi telle qu’elle résulte de nos travaux ne permet pas de satisfaire aux exigences minimales attendues d’un dispositif d’accueil, qui correspond, dans les faits, à une structure d’accueil collective de seize enfants.

La recherche d’innovation est et sera de plus en plus nécessaire, tout comme l’implication de chacun d’entre nous dans un travail de réflexion sur ces questions. Toutefois, l’innovation ne doit pas se faire au prix de la déréglementation, ni au mépris de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni au mépris des professionnels.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous comprenons bien la volonté des auteurs de cette proposition de loi de permettre aux assistants maternels de se regrouper pour assurer leur activité professionnelle.

Toutefois, nous ne perdons pas de vue que cette proposition de loi s’inscrit dans un vaste mouvement d’économie budgétaire, de rigueur, au niveau tant de l’État que des collectivités territoriales, à l’image des départements.

La création de ces maisons d’assistants maternels relève de l’initiative des assistants maternels eux-mêmes ; elle repose sur leurs capacités de financement, s’ils souhaitent acheter un terrain et un local pour installer leur regroupement, ou sur la participation financière des communes.

Par ailleurs, contrairement aux affirmations du Gouvernement et de la majorité, cette formule nous semble très instable d’un point de vue juridique, notamment au regard de la délégation qui nous semble être en contradiction avec le code du travail – bien que dépendant du code de l’action sociale et des familles, les assistants maternels dépendent également du code du travail –, ainsi que de différents principes constitutionnels, tel le principe « à travail égal salaire égal », et celui de l’égalité devant les charges publiques.

Vous avez avancé l’argument de l’intérêt pour les familles. Cet intérêt est certain, et nous appelons de nos vœux une réflexion d’ampleur avec les partenaires sociaux sur la création d’un grand service public national diversifié – j’ai bien dit « diversifié » ! – de la petite enfance.

Cependant, ces regroupements n’appliquent pas de tarifs proportionnels pour les parents, et les familles les plus modestes assument donc elles-mêmes le désengagement de l’État en matière de politique familiale. C’est un transfert supplémentaire que nous ne pouvons pas accepter.

Enfin, nous craignons que la généralisation de ces regroupements ne se fasse au détriment de l’offre publique de garde.

Pour toutes ces raisons, auxquelles nous pourrions ajouter le manque de formation des professionnels ou l’absence de projets pédagogiques, nous voterons contre cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Juilhard.

M. Jean-Marc Juilhard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au terme de la discussion de cette proposition de loi, je tiens à vous faire part de ma grande attente, pour ne pas dire prématurément, de ma grande satisfaction.

En tant qu’élu local dans une région rurale, je suis évidemment toujours très sensible aux efforts réalisés par les pouvoirs publics pour aider les territoires ruraux à conserver leur richesse et leur dynamisme. À ce titre, je me réjouis tout particulièrement de cette proposition de loi, qui respecte la sécurité, les compétences et les garanties bien sûr attendues en la matière.

En effet, les maisons d’assistants maternels apportent et apporteront une offre de garde à des territoires qui n’en avaient pas jusqu’à présent.

Dans des communes qui disposent d’un faible potentiel fiscal – comme c’est souvent le cas en milieu rural ! –, il est quasiment impossible de construire des crèches. Il fallait donc bien que nous trouvions, que nous inventions, des solutions pour répondre à ces besoins.

Par ailleurs, grâce à cette offre d’accueil, des parents souhaitant avoir des enfants, qui pensaient devoir quitter leur commune rurale, vont pouvoir rester ou, mieux encore, d’autres vont pouvoir venir s’y installer, contribuant ainsi à la socialisation de leurs enfants et à la vie du monde rural.

Au fond, ces maisons d’assistants maternels sont, tout simplement, un instrument d’aménagement du territoire et de lutte contre la désertification rurale.

Les élus locaux disposeront, avec ce texte, d’un outil essentiel de nature à revaloriser leur commune et leur territoire. La possibilité de faire garder un enfant est, en effet, devenue pour les jeunes couples l’un des premiers critères d’installation. Grâce aux regroupements d’assistants maternels, nous allons enfin, nous élus ruraux, avoir le moyen de les retenir ou même, espérons-le, de les attirer sur nos territoires.

Afin de promouvoir les services offerts aux habitants pour défendre l’équilibre et la nécessaire vitalité du monde rural, comme les emplois induits, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que je vote avec grande conviction et allégresse cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, auteur de la proposition de loi.

M. Jean Arthuis. Co-auteur, monsieur le président, puisque celle-ci a été signée par seize sénateurs et sénatrices dont la plupart sont présents ce soir.

Je me réjouis du vote dans quelques instants de notre proposition de loi, qui donnera un cadre et un nom aux regroupements d’assistants maternels. Il s’agit en quelque sorte de l’aboutissement d’un processus de reconnaissance.

Le débat que nous avons eu a été riche, et je tiens à remercier le Gouvernement de son attention bienveillante et de son soutien à l’égard de nos propositions.

Dans ce débat, deux lignes de pensée se sont exprimées, même si l’objectif est le même, à savoir accueillir de jeunes enfants dans les meilleures conditions possibles.

La première option, la voie réglementaire, centralisatrice, consiste à demander au ministre chargé du travail et à la Caisse nationale des allocations familiales de dire par le menu, par voie de circulaire, ou par voie législative en tant que de besoin, ce qui doit être fait. Toutefois, je ne suis pas sûr que cette manière de procéder constitue nécessairement une garantie et nous prémunisse contre certaines pratiques qui sont quelquefois totalement en marge de la légalité, ainsi que l’a souligné tout à l’heure notre collègue Guy Fischer.

La seconde option est fondée sur la responsabilité, la liberté et la confiance accordée aux assistantes maternelles, aux services de la PMI et aux présidents de conseils généraux, qui assumeront, sur le terrain, leurs responsabilités. À mes yeux, c’est la voie d’avenir.

Je veux dire à mes collègues qui ne partagent pas cette option que j’ai la conviction, en votant ce texte, d’assumer pleinement mes responsabilités de législateur et de ne pas mettre en difficulté le président du conseil général de la Mayenne ! (Sourires.) Bien au contraire, je vais lui permettre d’assumer la plénitude de ses responsabilités, car il lui revient de savoir ce qu’il doit faire, de définir les modalités et de rendre possible, dans des conditions financières supportables, l’accueil du plus grand nombre d’enfants de familles dans lesquelles, pour des raisons économiques, la mère et le père sont bien souvent obligés de travailler. Je n’ai pas le sentiment de brader en quelque sorte les conditions d’accueil des enfants, car nous avons les mêmes exigences en termes de qualité et de sécurité. Nous répondons ainsi tout autant à l’attente des parents, des assistantes et assistants maternels qu’à celle des collectivités territoriales.

On a beaucoup dit que ce mode d’accueil pourrait se développer en milieu rural – il constitue en effet une très bonne réponse pour les territoires ruraux (M. Jean-Marc Juilhard opine.)  –, mais je gage qu’il pourra également se développer en milieu urbain.

M. Jean-Marc Juilhard. Tout à fait !

M. Jean Arthuis. Monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, il faudra sans doute imaginer aménager, dans certains quartiers, des appartements dans des immeubles collectifs, afin de faciliter le regroupement d’assistantes maternelles et, donc, l’installation de maisons d’assistants maternels.

Certes, avec ce texte, nous répondons à l’attente des parents, des assistantes maternelles et des collectivités locales, mais nous voulons d’abord, et avant tout, assurer le bien-être des enfants.

Permettez-moi de remercier l’ensemble des membres de la commission, et tout particulièrement vous-mêmes, madame la présidente, monsieur le rapporteur. C’était un vrai bonheur de vous entendre. J’avais imaginé prendre part au débat, mais tout a été si bien exprimé que mon propos eût été superfétatoire.

Je remercie également les services de la commission qui nous ont été d’une aide précieuse pour la préparation et la mise en forme de cette proposition de loi.

Enfin, je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, de nous avoir accompagnés.

Je pense que le Sénat va adopter dans quelques instants cette proposition de loi, qui sert, au surplus, de session de rattrapage pour quelques dispositions que le Conseil constitutionnel a censurées pour des motifs non pas de fond, mais de forme. Vous l’imaginez bien, monsieur le secrétaire d’État, nous attendons avec impatience que cette proposition de loi soit examinée par nos collègues de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur. Je tiens tout d’abord à remercier mes collègues Jean Arthuis et Joseph Kergueris d’avoir élaboré cette proposition de loi et d’avoir mis toute leur énergie pour la faire inscrire à l’ordre du jour de nos travaux. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour demander à Jean Arthuis de transmettre mes remerciements et ceux des personnes qui m’ont accompagné aux services du conseil général de la Mayenne, notamment à la vice-présidente Mme Doineau, qui nous a accueillis, et surtout aux assistantes maternelles que nous avons rencontrées à Laval, à Soulge-sur-Ouette et à Évron, lesquelles nous ont expliqué le fonctionnement de ces maisons d’assistants maternels.

Je tiens également à remercier Jean-Marc Juilhard de son précieux travail, ainsi que Mmes Campion et Pasquet qui nous ont accompagnés dans la Mayenne. Certes, je pensais les avoir presque convaincues, notamment Mme Pasquet. Mais, en dépit de nos divergences de vues, je les remercie du sérieux avec lequel elles ont présenté leur argumentation et approfondi cette question. Du reste, je regrette que Mme Campion pense que nous avons complètement fermé la porte à ses propositions. Si la commission ne les a pas acceptées, c’est pour des raisons non pas politiques, mais techniques. Ces solutions auraient abouti à empêcher que cette expérience ne se poursuive et ne se développe.

Je remercie également Mme la présidente Dini du soutien qu’elle m’a apporté, tous les membres de la commission, ainsi que les administrateurs qui m’ont apporté leur concours.

Malgré nos différences, nous avons fait, les uns et les autres, un bon travail.

Le texte que nous allons adopter est très attendu par les personnes qui travaillent déjà en maison d’assistants maternels. Toutes nous l’ont dit, sans cette loi, leur expérience se terminerait, car elles cesseraient probablement leur activité dans ce domaine.

Le texte est également attendu par les autres assistantes maternelles. Elles estiment en effet que cela donnera un coup de pouce à leur profession, qui rendra un grand service aux parents dont les enfants leur sont confiées.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites que je ne vais pas répéter.

Je m’en tiendrai à mon avis sur ces maisons d’assistants maternels.

D’abord, j’ai bien compris qu’un tel regroupement ne pouvait fonctionner que sur la base du volontariat ; il ne saurait être imposé par les politiques. Il ne suffit pas de décider de son fonctionnement et de s’entendre à cette fin.

Cette expérience, et c’est ce qui résultera de la loi, repose aussi sur un contrat de confiance : confiance entre les assistantes maternelles, confiance en les services de PMI, en les élus des départements qui, eux-mêmes, font confiance à leurs services, et confiance entre les familles et les professionnels, comme c’est déjà le cas entre les salariés et leur employeur.

De plus, sans empiéter sur les projets d’accueil collectif, cette loi permettra un accroissement du nombre des assistants maternels. C’est un point qui n’a pas été souligné au cours de nos débats.

En effet, je connais de nombreuses femmes qui souhaiteraient exercer cette profession, mais qui ne le peuvent pas car leur logement n’est pas adapté à l’accueil d’enfants et elles n’ont pas les moyens de déménager pour trouver plus grand, même malgré les dispositions qui ont été prises grâce à notre ministre du logement.

Par ailleurs, l’acceptation de sa demande au sein d’un regroupement permettra à la candidate au métier d’assistant maternel de suivre une formation alternée et d’ajouter ainsi à sa formation théorique l’expérience acquise en maison d’assistants maternels, grâce au tutorat exercé par des assistantes maternelles expérimentées. Cet aspect très positif, qui n’a pas non plus été souligné, sera décisif pour certaines femmes souhaitant exercer ce métier.

Enfin, je me réjouis de la manière dont s’est déroulé ce débat qui a été extrêmement intéressant et enrichi grâce à l’apport des uns et des autres. C’est un bel exemple d’initiative parlementaire concrétisée dans une proposition discutée, élaborée, réfléchie, que, bien entendu, je souhaite voir adoptée.

J’espère maintenant que l’Assemblée nationale se saisira très vite de ce texte, afin qu’il puisse être appliqué. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Jean-Marc Juilhard et Jean Arthuis applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à mon tour vous remercier, notamment M. le président Arthuis pour son expérimentation en Mayenne, sa traduction législative et sa généralisation qui va nous permettre de développer en France un nouveau mode de garde.

Nous répondons ainsi à l’attente de nos compatriotes, ce pour quoi, les uns et les autres, nous avons été élus, tout en nous souciant, fort légitimement, des finances locales, bien évidemment, mais, plus globalement, des finances publiques.

Au nom du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, M. Xavier Darcos, je souhaitais rendre hommage aux membres de la Haute Assemblée pour la qualité du travail qui a été effectué aujourd’hui et, comme vous, j’espère que l’Assemblée nationale examinera très rapidement cette proposition de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
 

10

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre
Discussion générale (suite)

Délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre

Adoption définitive d’une proposition de loi

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre
Article unique (Texte non modifié par la commission) (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre (proposition n° 125, rapport n° 165, texte de la commission n° 166).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que la culture – les biens ou les services culturels – ne soit pas une marchandise comme les autres, qu’elle ne constitue pas un marché identique aux autres, où il y aurait simplement des vendeurs et des acheteurs, des producteurs et des consommateurs, nous en sommes tous – et je m’en réjouis, bien évidemment – intimement convaincus. Qu’elle soit porteuse de valeurs particulières, et d’intérêt général, qui échappent à la seule logique marchande et participe de la qualité de notre vivre-ensemble, c’est ce qui fonde le champ de cette « exception culturelle » qui fait la force et de notre culture et de notre économie.

Au sein de ce champ culturel, le livre occupe une place spéciale, une place centrale. Chacun voit pourquoi il est exceptionnel, c'est-à-dire en quoi il fait exception. Il est, depuis très longtemps, la propédeutique par excellence de la complexité et de la profondeur. Il implique aussi de prendre en compte une temporalité spécifique, qui est d’abord celle de la lecture : nous sommes non pas dans l’immédiateté du choc ou dans le zapping, mais dans la durée et la patience, et ce temps se reflète dans toute la chaîne du livre.

Vous connaissez ce récit de Borges, Le Livre de sable, emblématique de notre modernité : ce n’est pas un hasard si c’est le même élément qu’on trouve dans le livre et dans le sablier. C’est bien parce que le livre entretient un rapport très particulier au temps. Le livre est fait de l’étoffe du temps ; il est même, d’une certaine façon, le temps lui-même.

Bien sûr, ce régime d’exception culturelle ne signifie nullement, j’y insiste, que la culture soit séparée des logiques de l’économie, et que, retirée dans je ne sais quelle tour d’ivoire ou de Babel, elle fasse exception à la règle économique. Tout nous montre aujourd’hui exactement le contraire, à commencer par la capacité de résistance, face à la crise que nous traversons, des industries et services culturels, qui en apportent avec éloquence la confirmation. Cela signifie que, dans certains domaines, il est de notre responsabilité de recourir à la régulation. Cela signifie qu’il existe une économie propre au livre et à ses rythmes particuliers.

Pour protéger le livre, les valeurs dont il est porteur et le secteur économique qui les soutient, il est nécessaire que l’État intervienne par la régulation. La régulation est notre politique pour le livre, comme elle l’a été pour protéger le droit des auteurs sur internet avec HADOPI et ainsi que nous sommes en train de le faire en élaborant les conditions d’une meilleure offre légale pour les internautes.

Dans le domaine du livre, la politique de régulation n’est pas nouvelle. Elle remonte au moins à l’époque des Lumières, avec la lutte, déjà, pour fonder et défendre le droit des auteurs face aux contrefaçons. Plus récemment, vous le savez, la loi Lang de 1981 relative au prix du livre a été une grande loi de régulation, comme l’a montré le remarquable rapport de la commission présidée par Hervé Gaymard et à laquelle vous avez participé, madame le rapporteur Colette Mélot. Avec le « prix unique », me direz-vous, pas d’exception, c’est la même règle pour tous : soit, mais nous savons bien que c’est non pas pour uniformiser, mais au contraire pour donner libre cours à la diversité des ouvrages et des regards particuliers dont chacun d’eux est porteur.

Le paradoxe – nous en sommes tous d’accord, je crois – n’est bien sûr qu’apparent : cette unité de prix est la meilleure façon d’éviter que les « petits » éditeurs et les « petites » librairies ne soient victimes de la force de frappe des plus puissants : l’exception culturelle passe ici par la même règle pour tous et pour chacun. Dans ce cas, c’est la règle qui confirme l’exception… ou plutôt la régulation qui fonde l’exception culturelle.

Or la loi de modernisation de l’économie, ô combien pertinente – chacun en convient –, risque de mettre en péril, par un effet secondaire involontaire, le secteur du livre, au travers du plafonnement des paiements. De quoi s’agit-il ? Je ne m’étendrai pas longuement sur ce chapitre, mais je souhaite indiquer les grandes lignes du problème induit par la temporalité singulière du livre.

Cette loi de modernisation, adoptée le 23 juillet 2008, a plafonné à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires le délai maximal de paiement entre les entreprises, ce qui a pris effet au 1er janvier 2009. D’ores et déjà, afin de repousser l’échéance, et conformément à la disposition de la loi prévoyant qu’un secteur d’activité peut échelonner jusqu’au 1er janvier 2012 cette réduction des délais de paiement, trois accords interprofessionnels ont été signés pour le livre entre les imprimeurs, les éditeurs, les libraires, les grandes enseignes de distribution et les sites de vente en ligne.

Un décret paru le 26 mai 2009 a validé ces accords et étendu cette mesure dérogatoire à l’ensemble des acteurs du secteur du livre. Toutefois, ces trois accords, indispensables dans un premier temps, ne font que repousser de quelques mois un plafonnement des délais de paiement, qui n’est pas adapté à la respiration du livre. Pour éviter cette sorte d’épée de Damoclès, il était donc nécessaire de modifier durablement la règle.

Le commerce de la librairie se caractérise en effet aujourd’hui par des délais de paiement d’une centaine de jours en moyenne, traduisant une rotation des stocks plus lente que dans les autres secteurs et une exposition plus longue aux yeux du public. Ce chiffre constitue naturellement une moyenne et les délais de paiement négociés entre éditeurs et détaillants peuvent être beaucoup plus importants, supérieurs à 150 jours, voire à 180 jours dans certains cas, qu’il s’agisse notamment de la création ou de la reprise d’une librairie, du développement de nouveaux rayons, de difficultés conjoncturelles de trésorerie ou d’opérations commerciales. L’industrie du livre s’inscrit dans un temps long, avec lequel le plafonnement des délais de paiement est en contradiction structurelle.

Ce temps long a pour corollaire une grande diversité éditoriale, qui constitue une véritable chance. Il faut rappeler que plus de 60 000 nouveautés paraissent chaque année et que près de 600 000 titres différents sont aujourd’hui disponibles. Cette diversité témoigne bien sûr du talent de nos auteurs et du dynamisme des éditeurs, mais elle est également le fruit de l’action constante des pouvoirs publics en matière de régulation de l’économie du livre et de l’édition.

Quels seraient, en effet, les inconvénients de l’application, au secteur du livre, des dispositions relatives aux délais de paiement prévues par la loi de modernisation de l'économie ? Ils seraient, indissociablement, d’ordre économique et culturel.

La réduction des délais de paiement, appliquée au secteur du livre, aurait pour conséquence d’amplifier les difficultés rencontrées par trop de librairies, et de limiter le nombre de créations et de transmissions de ces commerces. Elle conduirait également à réduire la durée de vie des livres en librairie et, par conséquent, à favoriser les titres de grande diffusion au détriment des ouvrages de création. L’exception culturelle est ici, comme souvent, au service de l’excellence.

De plus, cette fragilisation du secteur de la distribution de livres risquerait, par contrecoup, d’introduire un cercle vicieux dans la chaîne du livre et d’affaiblir aussi le secteur de l’édition, et donc d’engendrer un appauvrissement de l’offre éditoriale adressée aux lecteurs.

Toujours d’un point de vue économique, et, par extension, également social, l’application de la loi de modernisation au secteur du livre risquerait également d’entraîner une délocalisation des marchés français de l’impression de livres, puisque les imprimeurs français consentent actuellement aux éditeurs des délais importants, de l’ordre de 125 jours. Les relations commerciales en amont des imprimeurs doivent aussi être prises en compte. À défaut, ceux-ci se trouveraient tiraillés entre les délais très longs qu’ils devraient continuer à consentir à leurs clients, et les délais bien plus courts qui leur seraient imposés par leurs fournisseurs, du fait même de la loi de modernisation de l’économie.

Cette interdépendance des maillons de la chaîne doit donner lieu à une réponse globale et coordonnée, et c’est l’objet de la loi soumise à notre examen. Car la régulation n’est pas une décision autoritaire, elle est au contraire ce qui permet à ces différents maillons de s’entendre et de s’articuler, et consiste bien à offrir les conditions de la liberté, dans la plus pure tradition républicaine. C’est la souplesse de ce mécanisme qui, me semble-t-il, fait sa force et garantit son efficacité.

Ainsi, la mesure proposée aujourd’hui permettra de définir les délais de paiement conventionnellement et librement entre tous les acteurs de la chaîne du livre pour l’ensemble des opérations liées aux achats, aux ventes et aux livraisons, y compris pour celles qui sont rémunérées sous forme de commissions. Cette exception au plafonnement des délais de paiement s’appliquera aussi à l’ensemble des opérations de façon qui concourent à la fabrication de livres, notamment la composition, la photogravure, l’impression, le brochage ou encore la reliure, et concernera également les achats de biens consommables dédiés à une activité d'impression, de brochage, de reliure ou d’édition de livres.

C’est l’intérêt de tous : les auteurs et les éditeurs, qui verront leurs livres exposés plus longtemps ; les libraires, qui pourront accepter davantage de livres, et notamment des livres moins grand public, plus exigeants et de vente plus lente ; enfin, les lecteurs, qui auront un choix plus large et bénéficient de la compétence et des conseils des libraires.

Bien sûr, il n’y a pas seulement la régulation, les règles du jeu. Il y a aussi la mise de fond de l’État, par laquelle il soutient ce secteur clé. Cette volonté de soutien du secteur nous a conduits à mettre en place, en 2009, un label de « Librairie indépendante de référence ».

Dans le même esprit, le budget alloué par le Centre national du livre au secteur de la librairie a également été triplé, et le ministère a mis en place un fonds de soutien spécifique, doté de plusieurs millions d’euros, destiné à la transmission des entreprises de librairie. À travers le développement de structures régionales pour le livre, l’État, au côté des collectivités territoriales, a ainsi accentué son soutien à l’égard de la diffusion du livre.

L’éducation artistique et culturelle représente aussi, à ce titre, un enjeu considérable, et je souhaite que les actions réalisées avec le secteur du livre puissent encore être développées.

Ainsi, cette convergence des différentes actions publiques menées en faveur du livre s’explique par des enjeux considérables. Il y va à la fois de la viabilité économique du secteur, de la pluralité de l’offre et, réciproquement, de l’accès de chacun à cette offre culturelle.

Le secteur du livre constitue désormais la première industrie culturelle en France, avec un chiffre d’affaires de près de cinq milliards d’euros. Cette réussite, tout à fait exemplaire au vu des résultats des autres secteurs comparables, comme le disque ou le DVD, permet au secteur du livre de reposer aujourd’hui sur des bases économiques solides. J’insiste sur ce point, la politique de soutien et de régulation mise en œuvre par les pouvoirs publics a très largement contribué à cette situation favorable. De plus, l’équilibre a également pu être maintenu entre les différents acteurs de ce que l’on appelle communément, et avec raison, la « chaîne du livre ».

Or, à l’heure où ce secteur se trouve confronté à des mutations technologiques historiques et doit répondre, de la meilleure manière possible, à des enjeux majeurs pour son avenir, il serait tout à fait paradoxal qu’une disposition législative insuffisamment adaptée à sa spécificité vienne le fragiliser. Il est au contraire indispensable d’accompagner encore davantage ce secteur à l’aube de sa révolution numérique. Pour cette raison, il est important, comme le Président de la République l’a demandé lors de ses vœux au monde de la culture, d’étendre rapidement au livre numérique les dispositions de la loi de 1981, et d’augmenter les moyens mis en œuvre par le Centre national du livre pour soutenir les éditeurs dans le processus de numérisation des ouvrages de fonds. La mesure d’exemption du plafonnement des délais de paiement, examinée aujourd’hui, vient donc également favoriser le développement, pour le secteur du livre, d’une offre numérique légale.

Vous l’aurez donc compris, je suis absolument favorable à cette proposition de loi, parce qu’elle prend pleinement en compte la spécificité profonde du livre et de son secteur – celle, je le répète, de la longue durée, qui est le sceau de sa temporalité – et l’inscrit dans la logique d’une exception nécessaire et constructive, dans une politique résolue du livre et de la lecture, en parfaite cohérence avec la politique du ministère en la matière. Oui, le livre doit continuer à faire exception à la règle générale des autres échanges économiques dont traite la loi de modernisation.

Je me réjouis du consensus exceptionnel, et remarquable, qui a prévalu parmi vos collègues de l’Assemblée nationale lors du vote unanime du 1er décembre dernier. Cette unanimité a confirmé l’importance de cet enjeu partagé que constituent l’essor du livre, le maintien de sa pluralité et l’accès de chacun à cet extraordinaire sésame de la culture. J’espère que vous voudrez, vous aussi, faire droit à cette nécessaire exception culturelle du livre. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Colette Mélot, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui est aujourd’hui soumise à notre examen a été adoptée à l’unanimité à la fois par l’Assemblée nationale, le 1er décembre 2009, et par notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, le 16 décembre dernier.

Déposé par notre collègue député Hervé Gaymard et plusieurs députés appartenant à différents groupes politiques, ce texte traduit l’une des propositions du rapport du groupe de travail du Conseil du livre, dont notre collègue Serge Lagauche et moi-même étions membres.

Nous ne pouvons donc que nous réjouir de cette initiative et je remercie la commission de m’avoir confié, pour mon baptême du feu en tant que rapporteur, ce dossier qui me tient particulièrement à cœur.

Quel est l’objectif ? Il s’agit de conforter ce que je qualifierais d’« exception livre ». Si l’on parle souvent d’exception culturelle, cette notion recouvre des secteurs très divers.

Par les lois dites « HADOPI », nous avons traité notamment des filières musicale et cinématographique, au travers du double volet que constituent la lutte contre le piratage et le développement de l’offre légale des œuvres sur internet. Aujourd’hui, nous nous préoccupons de la filière du livre. Celle-ci représente un chiffre d'affaires de trois milliards d’euros et près de 70 000 éditions par an. Ce dynamisme concourt fortement à la vitalité de la culture dans notre pays et à la richesse de son patrimoine culturel. On ne peut que partager la conviction de Franklin Roosevelt, pour qui « les livres sont la lumière qui guide la civilisation ».

La présente proposition de loi s’impose en raison de l’application de l’article 21 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie – devenu l’article L. 441-6 du code de commerce – qui plafonne les délais de paiement entre les entreprises à un niveau très inférieur aux usages en cours dans la filière du livre.

En effet, à compter du 1er janvier 2009, ces délais de paiement seront à 45 jours fin de mois ou à 60 jours calendaires à compter de la date de facturation – ou, éventuellement, de la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée. En outre, en l’absence de convention entre les parties, le délai de paiement est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation.

La loi de modernisation de l'économie, dite « loi LME », prévoit la possibilité de reporter au 1er janvier 2012 le raccourcissement des délais de paiement dans le cadre d’accords interprofessionnels au sein d’une branche, à certaines conditions. Les professionnels ont décidé de saisir cette possibilité. Trois accords interprofessionnels ont ainsi été signés par les différentes parties prenantes, à la fin de l’année 2008 et début de 2009. L'Autorité de la concurrence a émis à leur sujet un avis globalement favorable le 9 avril 2009. Ils ont par ailleurs été validés par un décret du 26 mai 2009, qui étend également la mesure dérogatoire à l’ensemble des acteurs du secteur du livre, depuis l’édition et l’imprimerie jusqu’à l’ensemble des réseaux de distribution.

Toutefois, ces accords permettent seulement une application progressive de la réduction des délais de paiement, selon le calendrier suivant : 180 jours fin de mois au 1er janvier 2009, 150 jours fin de mois au 1er janvier 2010, 120 jours fin de mois au 1er janvier 2011 et, enfin, 60 jours fin de mois au 1er janvier 2012.

Or, si les dispositions de la loi LME ont un effet vertueux pour l’ensemble de l’économie, notamment en vue de protéger les petites et moyennes entreprises à l’égard des distributeurs, leur impact pour la filière du livre s’avère, au contraire, inadapté et dangereux.

En effet, dans le secteur du livre, les PME se trouvent plutôt du côté des clients que des fournisseurs, c'est-à-dire des libraires plutôt que des éditeurs. Le rapport de force est donc globalement inversé.

Par ailleurs, ce secteur est régi par une réglementation spécifique, puisque le prix de vente au public est fixe.

En France, la détermination du prix du livre par l’éditeur a toujours été réglementée, sauf durant l’entre-deux-guerres et de 1978 à 1981.

Auditionné par notre commission, Hervé Gaymard a rappelé que, en 1981, tant Jacques Chirac que François Mitterrand, candidats à l’élection présidentielle, avaient pris position en faveur du prix unique et que la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre avait été adoptée à l’unanimité.

Cette loi est toujours pertinente, et notre collègue a, à juste titre, considéré qu’il s’agissait d’une loi de développement durable tout à la fois sur le plan culturel, en ce qu’elle permet la diversité de l’édition française, sur le plan économique, en ce qu’elle favorise le maintien d’un réseau de librairies supérieur au réseau américain, mais aussi sur le plan territorial, compte tenu des enjeux en termes d’aménagement du territoire et de diffusion de la culture pour le plus grand nombre.

Enfin, le commerce de la librairie se caractérise par des délais de paiement particulièrement longs. Ces délais se situent en moyenne, tous circuits confondus – librairies, grandes surfaces, grossistes, librairies en ligne –, à 94 jours.

Cette particularité s’explique par la spécificité de l’économie du secteur du livre, fondée sur une offre extrêmement diversifiée et des cycles d’exploitation très longs, qui permettent aux libraires de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale.

Ainsi, les livres publiés depuis plus d’un an représentent 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié de leur chiffre d’affaires. De même, 40 % des titres vendus sont publiés depuis plus de cinq ans.

Ces délais de paiement peuvent même s’élever jusqu’à 150, voire 180 jours dans certains cas importants : création ou reprise d’une librairie, création ou développement d’un fonds éditorial spécifique, difficultés de trésorerie conjoncturelles ou opérations commerciales sur l’initiative des éditeurs, opérations commerciales de l’éditeur, ouvrages de fonds...

Dans ces conditions, la réduction des délais de paiement appliquée au secteur du livre aurait pour conséquence d’amplifier les difficultés de trésorerie que rencontrent de nombreuses librairies, de réduire leurs achats de nouveautés, ainsi que la durée d’exposition des titres, ce qui favoriserait, à terme, une « best-sellérisation » du marché du livre.

Cette fragilisation du secteur de la distribution des livres risquerait d’affaiblir également celui de l’édition, et donc d’engendrer un appauvrissement de l’offre éditoriale.

Par ailleurs, l’application du plafonnement des délais de paiement aux imprimeurs conduit à placer ces derniers dans un étau : ils sont pris en tenaille entre les longs délais de l’amont de la filière et les courts délais appliqués par leurs propres fournisseurs.

En outre, le risque d’une amplification du phénomène de délocalisation à l’étranger des marchés français de l’impression de livres est réel.

Comme je l’ai indiqué précédemment, la proposition de loi a été adoptée par nos collègues députés à l’unanimité, le 1erdécembre 2009.

Elle a pour objectif d’exempter définitivement la filière du livre du plafonnement des délais de paiement, pour revenir au système conventionnel en vigueur avant l’adoption de la loi LME. Il s’agit de laisser aux acteurs le soin de négocier entre eux, librement et selon les opérations concernées, leurs délais de paiement.

L’Assemblée nationale a modifié la proposition de loi initiale sur trois points.

En premier lieu, elle a jugé inutile de codifier cette dérogation consistant à créer une « exception livre » dont ne sauraient se prévaloir d’autres secteurs d’activité, qui ne connaissent pas les mêmes spécificités.

En deuxième lieu, les opérations de vente par courtage ne concernant que des opérations entre entreprises et particuliers, l’Assemblée nationale a considéré, à juste titre, qu’elles n’avaient pas à figurer dans le périmètre de la proposition de loi, qui ne concerne que le crédit interentreprises.

En troisième lieu, enfin, il est apparu nécessaire d’inclure dans le dispositif le secteur de l’imprimerie pour ce qui concerne ses relations avec le secteur du livre. Je m’en réjouis, car les délais de paiement pratiqués en France par les imprimeurs au profit des éditeurs de livres sont en moyenne de l’ordre de 125 jours, alors que les délais de règlement de ces mêmes imprimeurs à leurs fournisseurs sont de l’ordre de 90 jours sur les achats de consommables, tels que papiers, encres ou colles.

Je crois que nous devons confirmer l’urgente nécessité de revenir au système conventionnel en vigueur en matière de délais de paiement dans le secteur du livre.

Grâce à une politique de soutien de la filière du livre qui ne s’est pas démentie au cours du temps et dont la loi de 1981 sur le prix unique marque une étape importante, notre pays peut s’enorgueillir de la vitalité de sa filière du livre. La création éditoriale est riche et diverse, et le réseau de diffusion du livre très dense.

Cependant, la fragilité économique du secteur est réelle, en particulier s’agissant des librairies indépendantes et des imprimeurs, et il nous faut veiller à ne pas déstabiliser l’équilibre difficilement trouvé par une mesure générale inopportune.

C’est pourquoi, sur ma proposition, la commission a adopté conforme le texte voté par nos collègues députés et a soutenu l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat dans des délais très brefs.

Je tiens à le préciser, je me suis interrogée sur le fait que le texte proposé n’était pas codifié, alors que tel était le cas dans la proposition de loi initiale. Mais l’urgence du sujet pour la filière du livre m’a conduite à écarter cet inconvénient lié à la moindre lisibilité de la loi.

De même ai-je levé, dans mon rapport, ce qui pouvait apparaître comme une légère ambiguïté rédactionnelle.

En tout état de cause, l’exception culturelle justifie un traitement spécifique. Il y va aussi de l’aménagement culturel de notre territoire et de la démocratisation de l’accès à la culture, dans toute sa diversité.

Certes, ce texte ne réglera pas tous les problèmes liés aux relations entre les entreprises du secteur. Aussi paraîtrait-il utile à la commission de réfléchir à la pertinence d’une proposition que nous avions – avec d’autres – avancée, dans notre rapport d’information du 26 septembre 2007 sur le secteur de l’édition, concernant l’éventuelle création d’un médiateur du livre.

Par ailleurs, il est urgent d’adopter des mesures de nature à réduire les mises au pilon, dont le taux, qui se situe entre 22 % et 23 %, est bien trop élevé. (M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, opine.)

Surtout, la commission est convaincue de la nécessité d’anticiper la révolution numérique du livre, car, n’en doutons pas, elle est en route !

Les mutations technologiques sont sans doute plus subreptices et plus lentes que celles qui ont bouleversé le monde de la musique. Pour autant, il ne faudrait pas en sous-estimer les conséquences et il appartient aux professionnels de créer rapidement des plateformes de téléchargement.

La politique publique conduite ces dernières années en faveur du livre prend d’ailleurs en compte ces nouvelles exigences, auxquelles je vous sais, monsieur le ministre, très attaché.

La commission soutient cette politique. Le Sénat a d’ailleurs adopté, sur son initiative, un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2009 tendant à accroître les ressources du Centre national du livre, afin qu’il puisse notamment financer les nouvelles aides en faveur des librairies de référence et les aides à la numérisation des fonds des éditeurs privés.

Monsieur le ministre, je vous rappelle nos préoccupations relatives à la numérisation des œuvres patrimoniales. Nous en avons déjà débattu ensemble dans cet hémicycle et nous formons le vœu d’une intervention ambitieuse de l’État, notamment grâce au grand emprunt. À cet égard, le rapport que vous a remis hier M. Marc Tessier trace des pistes très intéressantes.

Mes chers collègues, je conclurai mon propos en vous invitant à suivre la position de la commission de la culture et à adopter conforme la présente proposition de loi, à l’unanimité des groupes composant notre assemblée.

Enfin, je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous cette citation de Cicéron : « Une pièce sans livres, c’est comme un corps sans âme. » Puissent les citoyens du monde partager cette ambition ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi tend à créer une dérogation à l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie de 2008 pour le secteur du livre.

Je réaffirme d’abord que le bilan global de la LME, effectué mardi par notre assemblée, est très contestable.

À l’heure de la crise financière, la libéralisation à outrance que porte cette loi doit être dénoncée avec vigueur, d’autant qu’elle confond tous les secteurs, sans inscrire les biens culturels dans ce principe indispensable et consacré en France : l’exception culturelle.

Oui, les biens culturels ne peuvent être traités comme des biens marchands. Les biens culturels sont des œuvres de l’esprit, dont la variable d’ajustement principale doit être la qualité.

Le projet de loi d’Hervé Gaymard instaure pour les acteurs du secteur du livre un régime dérogatoire aux délais de paiement fixés à un maximum de 60 jours calendaires.

Cette réduction des délais de paiement est en effet inadaptée aux secteurs dont le cycle économique est long, comme le livre.

Le secteur du livre s’est ainsi empressé de signer deux accords interprofessionnels rendus possibles par la LME jusqu’en 2012 et il entend, avec ses spécificités et son fonctionnement propres, voir pérennisés ces accords.

La loi sur le prix unique du livre de 1981 confère à celui-ci un régime et une place particulière dans notre droit. Elle régule ce secteur par la qualité plutôt que par les prix, en instaurant un prix unique fixé par l’éditeur.

Cela favorise l’égalité d’accès des citoyens au livre, un réseau de diffusion diversifié sur l’ensemble du territoire, avec 3 500 librairies indépendantes, et une vitalité et une diversité du secteur de l’édition, le tout assumant une offre de livres large et variée.

La LME est donc un danger pour le livre, ses acteurs et, de manière plus générale et essentielle, pour la diversité et la qualité de l’offre culturelle française. Elle va à l’encontre de la loi sur le prix unique. Les délais de paiement dans le secteur du livre sont de 100 jours en moyenne, parfois de 180 jours ! Les éditeurs permettent ainsi aux libraires de présenter l’ensemble de la production éditoriale, dont les nouveautés, sans coûts de trésorerie supplémentaires.

Il faut savoir que les livres publiés depuis plus d’un an représentent 83 % des titres vendus en librairie.

La réduction de la durée de paiement aboutirait alors à une réduction de la durée de vie des livres et favoriserait la grande diffusion, les best-sellers, au détriment d’ouvrages plus récents et moins connus. Finalement, l’offre de livres serait très appauvrie.

Les petits libraires indépendants seraient les plus gravement touchés. Déjà en proie à un équilibre économique fragile, ils seraient amenés à fermer en nombre, comme en Angleterre avec la fin du Book Price Agreement. En conséquence, les petits éditeurs spécialisés, qui travaillent avec ces petites librairies dont l’offre est plus « pointue », ne trouveraient plus de distributeurs et seraient également menacés.

En matière de livres, je veux évoquer des thèmes liés à cette proposition de loi qui occupent l’actualité.

Les récents rapports « Création et Internet » et « Numérisation du patrimoine écrit » introduisent une problématique qui, vous le savez, monsieur le ministre, me tient à cœur : le livre numérique et la numérisation.

L’extension du prix unique du livre aux ouvrages numériques, soutenue par tous les acteurs du secteur du livre, est un principe qui a été repris par le rapport « Création et Internet » ainsi que par le Président de la République lors de ses vœux au monde de la culture, le 7 janvier.

Cependant, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis s’opposant à sa mise en œuvre en invoquant une régulation par le marché. C’est réguler ce secteur par les prix, favoriser les grands groupes, imposer des prix plus compétitifs, permettre le quasi-monopole de quelques-uns, voire le monopole d’un seul.

Cette même Autorité de la concurrence va-t-elle agir pareillement à propos de la « taxe Google » ? La question mérite d’être posée…

Nous sommes tous, monsieur le ministre, mes chers collègues, attachés à ne pas faire du livre un simple bien marchand. La proposition de loi dont nous débattons, votée unanimement à l’Assemblée nationale, l’atteste.

Je suis certain qu’aucun d’entre nous ne saurait critiquer la pertinence d’un prix unique du livre numérique. Ce qui est important pour le livre, c’est son contenu, son esprit, son « immatériel », et non son support, même s’il appelle des pratiques et des usages différents.

Quant au rapport Tessier sur la numérisation du patrimoine écrit, il est louable en ce qu’il dote la numérisation du livre de certaines protections nécessaires, à compléter.

Oui, l’initiative publique doit être au cœur de la numérisation des livres et du livre numérique, en Europe comme en France, et Google doit être stoppé dans sa démarche monopolistique qui bafoue le droit d’auteur – il suffit pour s’en convaincre de se référer aux procès qu’il vient de perdre en France comme aux États-Unis ! – et nous dépossède de notre « grenier de la mémoire humaine » par l’exclusivité imposée, consentie et cachée sur les ouvrages numérisés.

Permettez-moi d’exprimer mon sentiment sur certaines réactions consécutives à la publication de ce rapport. L’intérêt de ce document réside dans le fait qu’il conçoit une démarche nationale et européenne à la numérisation des livres, là où Gallica et Europeana, initiatives si heureuses, avaient été – disons-le ! – délaissées. Il favorise, par l’élaboration d’une réponse publique, la sortie de cette situation que l’entreprise privée Google exploitait à son profit.

Le mérite de ce rapport tient à ce qu’il légitime la possibilité de se passer de Google et de ses pratiques hors-la-loi, sans pour autant abandonner un projet de numérisation digne de notre patrimoine. Google n’est ni un acteur inévitable ni le seul acteur viable de la numérisation du livre. Sa force est de parvenir à le faire croire et à l’imposer dans les esprits. Il est temps de cesser de considérer Google comme un monstre sacré de la numérisation et d’ouvrir nos esprits aux autres acteurs, y compris privés, car ils existent !

À ce propos, la grande presse a beaucoup titré sur Google.

Mieux : Google fait du tapage autour des concessions qu’il avait consenties en matière de censure partagée lors de son installation en Chine et ose écrire dans un court communiqué, cité dans Le Monde du 14 janvier : « La proposition du rapport Tessier de partenariat s’inscrit dans une logique de coopération que nous avons toujours promue ». La justice l’a prouvé, il s’agit d’une contre-vérité. Devient désormais insupportable la pratique des autorités. Il en est ainsi, par exemple, de la mise en œuvre ségrégative de la taxe carbone et du tour de passe-passe de Mme Lagarde dans la taxation des bonus bancaires.

J’en reviens plus spécifiquement à notre débat d’aujourd’hui.

Des imperfections du texte méritent d’être soulignées : ce système de convention collective présente l’inconvénient d’accorder, dans les faits, un poids de négociation plus important aux grands groupes qu’aux petits, alors même que l’objectif affiché est de protéger ces derniers, c’est-à-dire les petits libraires... Car ce texte part du principe que les éditeurs sont de grands groupes. Or, sur les 10 000 éditeurs français, seuls 20 publient plus de 5 000 titres annuels chacun, alors que plus de la moitié publient moins de 10 titres annuels ! Les 12 plus grands éditeurs concentrent, certes, 80 % du chiffre d’affaires de l’édition, mais il faut prêter une attention particulière aux éditeurs indépendants, qui représentent un poids économique moindre, mais dont la présence est essentielle à la qualité et la diversité du paysage littéraire de notre pays. C’est une ardente obligation démocratique.

Ces réserves faites, et dans la foulée du rapport présenté par Mme Mélot, dont je me plais à noter la convergence avec vos propos, monsieur le ministre, nous estimons que cette proposition de loi est indispensable, et nous la voterons.

M. Gaymard a fait une proposition constructive et positive, et publié un rapport d’une grande finesse et d’une non moins grande clarté d’esprit ; nous voterons son texte. Nombre de propositions faites par MM. Toubon, Zelnick, Cerutti et Tessier sont intéressantes et constructives, et vous n’y êtes pas étranger, monsieur le ministre. Si elles venaient en discussion, nous les voterions. Mais, de grâce, ne laissez-pas, ne laissons-pas Google polluer, avec ses arguments suaves, mais truqués et souvent violents, le débat culturel autour du livre et pour le livre.

Malraux disait du cinéma qu’il était aussi une industrie. Il faudrait dire aujourd’hui qu’il est d’abord une création, comme l’est le livre.

Robert Darnton, président de la bibliothèque de l’université de Harvard, Américain de grande culture, notamment française, expliquait vendredi dernier, sous les applaudissements du grand auditorium archicomble de la Bibliothèque nationale de France, que la situation monopolistique de Google était incompatible avec la responsabilité publique qu’appellent la création et la culture sous toutes ses formes, depuis le livre papier jusqu’au livre numérique, en passant par le livre numérisé. Je le crois aussi ; j’agis et j’agirai toujours en ce sens avec passion.

Michelet écrivait : « [...] notre siècle par ses grandes machines - l’usine et la caserne - attelant les masses à l’aveugle, a progressé dans la fatalité [...]. » « La merveille du machinisme, ce serait de se passer des hommes », mais l’homme « n’a pas encore été mécanisé assez profondément ».

Je ne me résoudrai jamais à adhérer à ce défi symbolique et à me faire ainsi le compagnon de l’argent-roi.

Le livre et la littérature sont dans le champ de la solidarité. Je dis : pas touche ! Nous votons sincèrement pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le livre n’est pas un produit comme les autres. Vecteur historique du savoir et de la culture, il ne peut être traité en simple marchandise.

Rien d’étonnant, en conséquence, à ce que son secteur soit régi par des règles dérogatoires du droit commun, ce qui est le cas dans notre pays : le marché du livre est en effet régulé, en France, depuis des siècles, sur le fondement d’une logique de qualité et de conseil, et non de prix.

La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, qui fixe un prix unique du livre, n’a fait que retranscrire dans l’arsenal législatif de la Ve République la pratique constante d’un prix du livre administré. Un tel sanctuaire économique est-il toujours justifié ? Oui, à n’en pas douter.

Je ne reviendrai pas longuement sur le bilan extrêmement positif de la loi de 1981, Colette Mélot l’ayant très bien fait. Mais il faut bien constater que, sans cette loi, jamais le secteur de l’édition n’aurait pu conserver la richesse et le dynamisme qui le caractérisent.

C’est à l’aune de ce constat consensuel que doit être regardée la proposition de loi dont nous sommes saisis, un texte, lui aussi, consensuel.

Cette proposition de loi a été déposée par des représentants de trois des quatre groupes composant l’Assemblée nationale. Elle y a été votée à l’unanimité. Et c’est encore à l’unanimité que notre commission de la culture l’a adoptée.

Le présent texte tend à exempter l’ensemble de la filière du livre de la mesure de plafonnement des délais de paiement entre entreprises, instaurée par l’article 21 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite loi LME, pour revenir au système conventionnel antérieurement en vigueur. Autrement dit, il s’agit d’autoriser par la loi le secteur du livre à continuer de définir, de manière conventionnelle, les délais de paiement entre fournisseurs et clients.

L’article 21 de la loi LME, devenu l’article L. 441-6 du code de commerce, auquel il est demandé de déroger, est parfaitement justifié dans le domaine de la grande distribution. Il permet de protéger les fournisseurs face à des demandes de délais de paiement démesurément longues venant de leurs clients, qui sont les grandes enseignes. Cet article protège en l’occurrence les petits, les fournisseurs, contre les gros, les grandes centrales de distribution.

Or, dans le secteur du livre, le rapport entre fournisseurs et points de vente est exactement inverse : le petit est non plus le fournisseur, mais le libraire qui se trouve en bout de chaîne.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : compte tenu de l’extrême étroitesse des marges et des rémunérations en librairie, un tiers des libraires indépendants seraient menacés en cas d’application stricte de la loi LME, alors qu’ils représentent 25 % des ventes et maintiennent un peu d’humanité entre le vendeur et l’acheteur.

De plus, les délais standards fixés par la loi LME ne correspondent absolument pas à ceux qui sont pratiqués dans le secteur du livre, où ils sont, en général, beaucoup plus longs.

C’est la raison pour laquelle toutes les parties prenantes à la chaîne du livre se sont saisies de la possibilité ouverte par l’article 21 de la loi LME de conclure un accord dérogatoire sectoriel. Cet accord a été signé le 18 décembre 2008 et étendu par décret du 26 mai 2009. Il ne s’agit cependant que d’une solution transitoire, puisque le secteur devra progressivement réduire les délais prévus par l’accord, pour entrer dans le cadre de la loi d’ici à 2012.

Dans ces conditions, la seule solution est celle qui est proposée par le présent texte : une mesure d’exemption complète en faveur du secteur du livre. Ainsi, ce secteur, et uniquement celui-ci, compte tenu de sa spécificité, sera-t-il autorisé par la loi à continuer de définir de manière conventionnelle les délais de paiement entre fournisseurs et clients.

C’est donc sans réserve que le groupe de l’Union centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang », a instauré en France le principe d’un prix unique de vente du livre, fixé par l’éditeur ou l’importateur. Votée à l’unanimité par le Parlement, cette loi a été renforcée en 2003 lors de la transposition en droit français de la directive européenne sur le droit de prêt, les rabais consentis aux collectivités ayant notamment été plafonnés.

Or, si la loi sur le prix unique du livre a été consolidée, elle a également fait l’objet d’attaques frontales lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie. Certaines de ces attaques, motivées par les évolutions juridiques, technologiques et concurrentielles récentes, se sont finalement révélées salvatrices.

Elles ont été salvatrices, tout d’abord, car les interrogations suscitées par le dépôt, puis le retrait, par deux de nos collègues députés, de deux amendements tendant à réduire le délai pendant lequel les libraires ne peuvent procéder à des rabais importants sur le prix du livre furent à l’origine de la création, au sein du Conseil du livre, du groupe de travail piloté par notre collègue Hervé Gaymard, et spécifiquement dédié à l’évaluation de la loi sur le prix unique du livre.

Les conclusions de ce groupe de travail, au sein duquel j’ai eu l’honneur, avec notre collègue rapporteur Colette Mélot, de représenter notre assemblée, sont sans appel : la loi du 10 août 1981 instaurant le prix unique du livre reste pertinente, y compris à l’ère de l’Internet.

L’objectif principal de la loi, qui était de permettre l’égalité d’accès des citoyens au livre, a été satisfait, tout en permettant le maintien et le développement d’un réseau de diffusion et de distribution des livres diversifié sur l’ensemble du territoire, avec plus de 3 500 librairies indépendantes. Parallèlement, le marché du livre a connu un dynamisme ininterrompu puisqu’il a progressé de 3 % en moyenne par an, le nombre d’exemplaires vendus ayant progressé de 50 % entre 1986 et 2007.

Enfin, la loi relative au prix unique du livre a clairement soutenu la vitalité et la diversité de l’édition, avec la création de nouvelles entreprises innovantes et réactives, indispensables au paysage éditorial français, tout en permettant une offre de livres large et diversifiée.

En instaurant un marché du livre régulé par la qualité et la compétence des libraires, et non par les prix, la loi sur le prix unique du livre fait aujourd’hui l’objet d’une quasi-unanimité de la part des professionnels du livre, comme nous en avons eu confirmation, au sein de ce groupe de travail.

En évitant d’avoir à se battre sur les prix, les librairies, tous réseaux confondus, ont pu maintenir les ventes d’ouvrages de grande diffusion, les best-sellers, tout en préservant dans leurs stocks la présence d’ouvrages plus difficiles. Dans ces conditions, le vote par la majorité de la loi de modernisation de l’économie fut ressenti par les professionnels du livre comme un véritable coup de semonce.

L’article 21 de la loi LME plafonne en effet, tous secteurs confondus, à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires le délai maximal de paiement entre les fournisseurs, d’un côté, et les distributeurs, de l’autre.

Pour comprendre l’émoi suscité – certes, à rebours –parmi les professionnels du livre par un tel raccourcissement uniforme et unilatéral des délais de paiement entre entreprises, il faut avoir à l’esprit deux caractéristiques essentielles du marché du livre.

Tout d’abord, l’un des objectifs de la loi de modernisation de l’économie, dont le Sénat débattait voilà quarante-huit heures du bilan d’application, était de favoriser le développement des petites et moyennes entreprises.

Or si, dans le secteur de la distribution alimentaire, les PME sont essentiellement du côté des fournisseurs, il en est tout autrement dans le secteur du livre où, à l’inverse, elles se situent principalement du côté des détaillants.

Le premier circuit de diffusion du livre, la librairie, est en effet essentiellement composé de petites entreprises, alors que leurs principaux fournisseurs, les groupes d’édition ou leurs filiales, ont une taille nettement plus importante. Les deux premiers groupes d’édition, Hachette Livre et Éditis, représentent à eux seuls 35 % des ventes de livres. En élargissant le spectre, on se rend compte que les douze premiers groupes de l’édition française réalisent près de 80 % du chiffre d’affaires de l’édition.

La loi de modernisation de l’économie n’était donc pas du tout adaptée au secteur du livre.

Une autre caractéristique essentielle de l’économie du livre, totalement ignorée par l’article 21 de la LME, réside dans la longueur des délais de paiement pratiqués entre les éditeurs et les libraires. Le commerce de librairie se caractérise en effet par des délais de paiement longs, qui permettent aux libraires de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale.

Les livres publiés depuis plus d’un an représentent 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié du chiffre d’affaires des libraires. De même, 40 % des titres vendus sont publiés depuis plus de cinq ans.

Une étude réalisée par le Syndicat national de l’édition auprès des principaux distributeurs démontre in fine que le délai de paiement moyen dans le secteur du livre se situe à 94 jours.

C’est cette lenteur, propre au livre, de son écriture à sa diffusion, qui lui permet, avec l’aide du libraire et de ses conseils avisés, de trouver son lectorat.

Comme je l’indiquais déjà dans le cadre de mon dernier rapport budgétaire sur la création et le cinéma, la réduction des délais de paiement appliquée au secteur du livre aurait pour conséquence d’amplifier les difficultés de trésorerie que rencontrent de nombreuses librairies, de réduire leurs achats de nouveautés, ainsi que la durée d’exposition des titres, favorisant à terme une « best-sellérisation » du marché du livre.

En soumettant la filière du livre au raccourcissement des délais de paiement, on prend le risque de fragiliser le secteur de la distribution de livres, d’affaiblir celui de l’édition et donc d’entraîner un appauvrissement de l’offre éditoriale adressée aux lecteurs.

C’est toute la chaîne du livre, y compris les imprimeurs, qui serait donc menacée si aucun dispositif correcteur n’était appliqué.

Conformément à la disposition de la loi de modernisation de l’économie selon laquelle un secteur d’activité peut échelonner la réduction des délais de paiement jusqu’au 1er janvier 2012, trois accords interprofessionnels ont été signés par les différentes parties prenantes à la fin de l’année 2008 et au début de l’année 2009. Comme nous l’a rappelé notre collègue rapporteur, Mme Collette Mélot, un décret, paru le 26 mai 2009, a validé ces accords et étendu cette mesure dérogatoire à tous les acteurs du secteur du livre, depuis l’édition et l’imprimerie jusqu’à l’ensemble des réseaux de distribution.

Toutefois, ces accords permettent seulement une application progressive de la réduction des délais de paiement, cette dernière devant être ramenée à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires au plus tard le 1er janvier 2012.

Cependant, outre le fait que cette règle demeure structurellement en contradiction avec l’économie du livre en général et de la librairie en particulier, sa mise en œuvre, même progressive, aurait rapidement créé des difficultés.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste du Sénat soutient et votera sans hésitation la présente proposition de loi, déposée par M. Gaymard et cosignée par plusieurs de nos collègues du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, qui, je le rappelle, avaient déposé un texte analogue.

Mes chers collègues, en exemptant définitivement la filière du livre du plafonnement des délais de paiement, nous nous inscrivons dans la continuité de la loi relative au prix unique du livre et nous confortons l’économie, fragile, du livre physique.

Pour l’avenir, il nous faudra rapidement traiter la question de la numérisation du livre. Elle recouvre deux problématiques, certes distinctes, mais cependant liées : la numérisation du patrimoine, dont nous avons débattu dans cette enceinte, et la commercialisation du livre numérique sous droits.

Dans les deux cas se pose le délicat problème des relations avec les opérateurs privés, notamment avec Google, d’autant plus que, sur les 10 millions de livres numérisés par ce dernier, 8 millions sont sous droits. L’intervention publique se pose néanmoins dans des termes différents : elle s’impose dans le premier cas, et le groupe socialiste du Sénat sera particulièrement attentif aux suites qui seront réservées aux conclusions du rapport que vient de remettre M. Tessier sur la numérisation du patrimoine écrit, alors qu’elle ne peut qu’accompagner l’action conduite par les éditeurs dans le second cas. Cet accompagnement, dont est chargé le Centre national du livre, reste cependant essentiel.

Pour l’instant, le marché du livre numérique, en France comme à l’étranger, est très restreint. Aux États-Unis, les ventes ne représentent que 3 % de l’édition américaine, pour un chiffre d’affaires d’environ 120 millions d’euros par an. Cette proportion atteint à peine 1 % en France. Le secteur du livre numérique souffre donc peu du piratage. Il est aujourd’hui davantage préoccupé par la constitution et par le développement de l’offre légale, qui se trouve freinée par la question de l’interopérabilité des matériels et des ouvrages.

Il est toutefois urgent que les acteurs anticipent les évolutions à venir, l’expérience du secteur musical, qui a tardé à s’adapter aux nouveaux modes de consommation rendus possibles par l’explosion des nouvelles technologies, devant servir de leçon.

Nous prenons acte à ce sujet de l’intérêt manifesté par M. Sarkozy pour le rapport de la mission « Création et Internet », dont les propositions viennent d’être publiées. M. Président de la République souhaite étendre aux livres numériques la règle du prix unique. Le récent avis de l’Autorité de la concurrence refusant de donner son aval à la transposition immédiate du prix unique au livre numérique devra être pris en compte.

Le Président de la République a également préconisé, lors de la présentation de ses vœux au monde de la culture, la création d’une plateforme commune à tous les éditeurs et le passage à un taux de TVA à 5,5 %. Nous espérons que cela se traduira rapidement par des décisions concrètes.

En 2008, M. Bruno Patino, dans son rapport sur le livre numérique, préconisait déjà le maintien de la maîtrise de la valorisation du droit d’auteur par les éditeurs, qui sont les titulaires de droits. Cette question est essentielle si l’on veut éviter que le marché ne soit capté par les acteurs multinationaux du secteur.

Il est évident qu’en cas de dumping sur les prix, toute la chaîne française du livre se trouverait fragilisée, des éditeurs jusqu’aux libraires.

C’est pourquoi il est urgent d’agir auprès de la Commission européenne, pour éviter d’opposer les consommateurs et les acteurs des filières économiques.

En des temps bien différents, Montesquieu considérait que « les livres anciens sont pour les auteurs ; les nouveaux, pour les lecteurs ». Il est aujourd’hui indispensable de concilier les intérêts des auteurs et des lecteurs, quels que soient l’œuvre, son ancienneté et son support. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous abordons aujourd’hui un débat important dans la plus grande sérénité. L’examen de la proposition de loi de notre collègue député Hervé Gaymard a recueilli une honorable unanimité des parlementaires, d’abord à l’Assemblée nationale, puis devant la commission de la culture de la Haute Assemblée. Ma voix ne détonnera donc pas dans ce concert.

Cette proposition de loi, en apparence technique et peut-être un peu secondaire, revêt, en réalité, un caractère essentiel, vital même, pour tout un secteur, déjà fragile et pourtant primordial dans la vie de notre nation : celui du livre et, par extension, de la création.

La loi de modernisation de l’économie, en plafonnant les délais de paiement entre les entreprises, affichait un objectif respectable de soutien au développement des PME. Prémunir les fournisseurs contre des demandes de délais de paiement beaucoup trop longues émanant de leurs clients permet le plus souvent de protéger de petits commerçants face à de plus puissantes enseignes. Le secteur de l’alimentation, dans lequel les petites et moyennes entreprises se trouvent essentiellement du côté des fournisseurs, est principalement concerné par cette mesure. Tous les secteurs économiques sont désormais soumis à ces nouvelles conditions de délais.

Ces dispositions sont particulièrement inappropriées pour la filière du livre. Loin de renforcer les entreprises du secteur, elles les fragiliseraient considérablement du fait des délais de paiement très longs traditionnellement prévus pour permettre aux librairies de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale.

Il s’agit, en effet, du premier secteur culturel français, avec 3 milliards de chiffre d’affaires et près de 70 000 éditions par an.

Au-delà de cet aspect économique, il est de notre devoir de protéger le livre, ainsi que les valeurs qu’il transmet. Pour cela, l’État intervient en régulant le secteur. Nous avons déjà légiféré à plusieurs reprises, notamment sur la fixation du prix unique du livre, toujours avec succès et dans un grand consensus politique. La loi du 10 août 1981 relative au prix du livre avait été adoptée à l’unanimité, je le rappelle.

Nous avons tous pris conscience, peut-être un peu tard, des problèmes posés par les délais de paiement. Mais, aujourd’hui, nous mesurons bien l’importance de la mesure que nous allons adopter.

Contraindre les librairies à réduire leurs délais de paiement reviendrait à les pousser à diminuer le nombre de titres qu’elles proposent à leurs clients, en privilégiant uniquement les best-sellers, les succès assurés. Cela annoncerait la fin d’une richesse et d’une diversité qui nous sont chères. De même, cela contribuerait à la fragilisation et à la disparition des librairies indépendantes, qui sont déjà en danger, leur rentabilité étant l’une des plus faibles de l’ensemble des commerces de détail. L’extrême faiblesse des marges et des rémunérations rend ce secteur fragile.

C’est la raison pour laquelle nous devons régler durablement le problème des délais de paiement entre les librairies et les éditeurs.

L’article unique de la proposition de loi que nous allons examiner permettra à l’ensemble de la filière du livre de déroger au nouveau droit commun en matière de délais de paiement des fournisseurs. Ces délais pourront être définis conventionnellement entre les parties.

Cependant, avec les membres de mon groupe, suivant la proposition de notre collègue Anne-Marie Escoffier, nous avons choisi de déposer un amendement. Nous nous sommes inquiétés de la rédaction de l’article issu de l’Assemblée nationale. L’équilibre de la phrase retenue pourrait donner à penser que la vente de livres n’est pas directement visée, alors même qu’il s’agit de l’objet premier de la proposition de loi initiale. Les modifications apportées ont inclus les imprimeurs et les façonniers dans le dispositif. Il en résulte, selon nous, une phrase dans laquelle « la vente de livres » n’est malheureusement plus assez explicitement désignée.

Nous paraissons unanimes sur l’interprétation de l’article, mais il serait bon aujourd’hui de conforter la bonne lecture du texte dès le débat parlementaire. La dérogation s’applique d’abord aux ventes de livres et, par extension, aux autres activités de fabrication et de commercialisation, ce qui correspond au périmètre couvert par la loi de 1981 relative au prix unique du livre.

Bien sûr, nous sommes conscients de l’urgence qu’il y a à légiférer. La situation économique doit être clarifiée au plus vite. L’application d’un statut dérogatoire pour le monde du livre, dès ce début d’année, serait bienvenue.

À l’heure de la révolution numérique et des débats sur la numérisation de notre patrimoine culturel, il est fondamental de ne pas délaisser notre politique du livre. Il y va non seulement de la viabilité économique d’un secteur tout entier, mais aussi du maintien et du développement de l’accès de chacun à la culture sur l’ensemble de notre territoire.

C’est pourquoi le groupe RDSE, dans son ensemble, votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.

M. Jean-François Humbert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, il est difficile d’intervenir en tant qu’avant-dernier orateur – et pour cinq minutes ! -, alors que tout a été dit, et fort bien dit.

Au risque donc de la répétition – mais n’est-elle pas l’outil de la pédagogie ? – je dirai à mon tour combien je suis conscient de la nécessité d’adopter le texte de la commission.

Le marché du livre occupe une place majeure en France. Je n’insisterai pas sur le chiffre d’affaires qu’il génère, ni sur le nombre d’éditions par an. Avec des milliers de points de vente, notre réseau de librairies est l’un des plus denses au monde. Aux côtés des bibliothèques, il permet un accès au livre aisé et constitue un atout important pour l’aménagement du territoire et pour l’animation culturelle et commerciale des centres-villes. Aussi doit-il être protégé.

Non, en effet, le livre n’est pas une marchandise comme une autre. Il présente une singularité : s’il est un bien marchand de consommation, il est également un bien culturel participant grandement à l’édification de la pensée.

Votée à l’unanimité par le Parlement, la loi du 10 août 1981, dont il a déjà beaucoup été question, avait infléchi les règles du marché, en instituant un « prix unique du livre ».

Ainsi, que l’on soit à Paris, dans une grande ville, une petite ville ou une zone rurale, dans une librairie, une grande surface alimentaire ou une station-service, le même livre sera vendu au même prix. On peut parler d’un modèle culturel français, car notre dispositif a été repris en Europe et dans le monde.

Ce système permet d’éviter une guerre des prix sur les best-sellers – pardonnez-moi, monsieur Legendre (M. le président de la commission de la culture sourit) –, une guerre qui ne permettrait ni aux librairies de présenter une offre de titres diversifiée ni aux éditeurs de prendre des risques sur certains ouvrages qui ont besoin de temps et de visibilité dans les librairies pour trouver leur public.

À la règle du prix unique vient s’ajouter le principe de délais de paiement longs.

Les conventions en vigueur dans le secteur du livre prévoient en effet des délais de paiement particulièrement longs – de l’ordre d’une centaine de jours – correspondant, en moyenne, au temps de diffusion du livre. La création littéraire a besoin de temps pour trouver son public. La longueur du délai de paiement garantit, de fait, l’équilibre du secteur.

Je rappellerai à mon tour un certain nombre d’éléments contenus dans la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui est venue contrarier ce principe.

Cette loi visait, à juste titre, à protéger nos PME de délais de paiement trop longs en plafonnant ces derniers à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires.

Mais si, dans le secteur de la distribution alimentaire, les PME sont essentiellement du côté des fournisseurs, il en est tout autrement dans le secteur du livre, où elles sont, à l’inverse, principalement du côté des détaillants.

La réduction des délais de paiement aurait des conséquences très dommageables pour la chaîne de distribution du livre, et à mon tour je citerai le rapport publié en mars dernier à la demande du Gouvernement par Hervé Gaymard, qui conclut que « priver le secteur de délais de paiement suffisamment longs conduirait à réduire la durée de vie des livres en librairie et en grande surface spécialisée et à favoriser les titres à grande diffusion au détriment des ouvrages à tirage plus réduit, soit autant de conséquences qui apparaîtraient comme contraires à l’esprit même de la loi du 10 août 1981 ».

Certes, la loi de modernisation de l’économie donnait la possibilité de déterminer des délais de paiement supérieurs par le biais d’accords interprofessionnels ; l’ensemble de la filière a ainsi pu en bénéficier. Mais ces accords étaient de nature précaire, car leur fin était programmée pour 2012. Ils auront permis d’attendre une initiative législative – nous y sommes - visant à sanctuariser un régime dérogatoire au nom même de l’exception culturelle.

C’est ce que prévoit le présent texte, dont l’objet est d’autoriser le secteur du livre à continuer de définir de manière conventionnelle les délais de paiement entre fournisseurs et clients, contrairement à ce qui prévaut pour les autres secteurs de l’économie. Je tiens à souligner que le texte a été adopté à l’unanimité par nos collègues députés.

Notre rapporteur, notre excellente collègue Colette Mélot, s’est prononcée pour une adoption conforme, avec le maintien des quelques modifications apportées par l’Assemblée nationale.

Je pense qu’à l’heure où le secteur du livre doit relever de nouveaux défis et s’adapter au numérique, il faut s’attacher à protéger la filière.

Le groupe UMP votera bien évidemment un texte qui doit nous rassembler, au-delà de nos clivages politiques, pour marquer notre attachement au livre. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Maryvonne Blondin souhaitait intervenir dans ce débat. Elle est empêchée, je reprends donc le flambeau, mais j’ai bien conscience qu’il me sera difficile de tenir des propos originaux.

Le texte que nous examinons aujourd’hui, similaire, je le rappelle, à la proposition de loi n°1422 déposée par nos collègues députés du groupe SRC, a pour but d’exempter l’ensemble de la filière du livre de la mesure de plafonnement des délais de paiement entre entreprises instaurée par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, et de revenir au système conventionnel qui était antérieurement en vigueur.

En effet, l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie, qui modifie l’article L. 441-6 du code de commerce, plafonne à 45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires le délai maximal de paiement entre les entreprises, et ceux qui y contreviennent s’exposent à des sanctions.

Or tout le monde s’accorde à dire, et nous l’avons entendu maintes fois ce soir, que cette disposition est particulièrement inadaptée au secteur du livre, et qu’il est nécessaire d’aller plus loin que les accords dérogatoires à la loi de modernisation de l’économie, qui n’étaient pas satisfaisants.

La diffusion du livre s’appuie sur des cycles d’exploitation lents, un ouvrage ayant besoin de trouver son public. Les livres parus depuis plus d’un an représentent ainsi 83 % des titres vendus en librairie et plus de la moitié du chiffre d’affaires de ces commerces.

Pour maintenir cette création puis cette diffusion éditoriales, les délais de paiement sont actuellement d’une centaine de jours. Et l’ensemble des acteurs de la filière reconnaissent la nécessité d’un tel délai pour la pérennité de leur activité !

L’application de l’article 21 de la loi de modernisation de l’économie aurait donc des conséquences catastrophiques pour le secteur du livre.

Compte tenu de l’extrême faiblesse des marges et des rémunérations des librairies, on estime que la survie d’au moins d’un tiers d’entre elles serait ainsi menacée.

Cette application provoquerait également un appauvrissement certain de la qualité de l’offre éditoriale, les libraires se trouvant dans l’obligation de favoriser les livres de grande diffusion et autres best-sellers au détriment des petites publications pour pouvoir régler leurs factures à temps.

Cela contreviendrait donc aux objectifs de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, qui a permis de maintenir un réseau de librairies dense et diversifié.

Notre pays peut ainsi se féliciter de compter davantage de points de vente de livres que sur l’ensemble du territoire des États-Unis. Si nous voulons que ce constat perdure, nous devons continuer à nous orienter vers la promotion de la diversité des publications, et ne pas céder au règne de la rentabilité et du « tout-libéral » !

Le prix unique du livre a prouvé son utilité et son efficacité pour la structuration et le développement de la filière, tant et si bien que de nombreux pays ont aujourd’hui mis en place un tel système.

Il est en effet primordial de préserver le livre du diktat économique et de la concurrence à tous crins, car le livre n’est tout simplement pas un produit de consommation comme un autre !

Il nous faut absolument défendre à la fois les petites librairies et les petites maisons d’édition face à la grande distribution culturelle et aux géants de l’édition, qui exercent bien souvent une concurrence impitoyable. Il y va de la survie de la filière et donc de l’intérêt général !

En effet, nous nous devons ici de rappeler toute l’importance du livre en tant que vecteur fondamental d’accès à la culture. Il est du devoir des politiques publiques de favoriser l’accès du plus grand nombre à cet outil indispensable tant à la compréhension du monde qu’à l’évasion.

La démocratisation de la culture et l’accès des plus défavorisés au livre : tels sont, mes chers collègues, les vrais enjeux de notre discussion et de la nouvelle disposition que nous examinons aujourd’hui !

À l’heure des débats autour de la numérisation du livre et du devenir de ce support face aux nouvelles technologies, il s’agit de s’interroger sur les opportunités de diffusion du livre au plus grand nombre. Tout comme la création, par exemple, des collections de poche, qui, par leur coût moins élevé, permettent à un nombre croissant de personnes – en particulier des jeunes – d’accéder à la lecture, Internet a sans conteste un grand rôle à jouer dans la réalisation de cet objectif.

Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler également l’importance du rôle joué par les collectivités territoriales dans la démocratisation de la culture et l’accès du plus grand nombre au livre.

Notre collègue Maryvonne Blondin, élue du Finistère, signale ainsi l’exemple du conseil général du Finistère qui, ayant pour mission d’assurer l’égalité territoriale dans l’accès à la lecture, à l’information et à la documentation, a voté en janvier 2004 un plan de développement de la lecture publique prenant en compte les évolutions des technologies de l’information et de la communication et le développement des intercommunalités. Il préconise une action forte en direction des publics, spécifiquement auprès des jeunes et des personnes défavorisées, et renforce les services et l’offre de proximité de la Bibliothèque du Finistère.

Ce plan a eu un réel impact sur l’ensemble des 220 bibliothèques du réseau représentant 283 communes et 880 000 habitants.

Précisons enfin que le ministère de la culture a choisi pour 2010 la Bibliothèque du Finistère comme l’un des cinq sites pilotes pour la mise en place d’un observatoire de la lecture publique. Un réel maillage territorial est ainsi essentiel pour favoriser l’accès à la lecture pour tous les publics et transmettre le goût de la lecture aux jeunes générations.

Cette proposition de loi permettra donc non seulement de maintenir un réseau de librairies indépendantes dense et décentralisé, mais aussi de soutenir la richesse et la diversité culturelles qui font notre fierté ; c’est là toute son utilité.

Nous pourrons ainsi favoriser la liberté d’expression et de création, tandis que se forgeront des générations de lecteurs éclairés au gré des livres « dévorés ». En effet, la lecture est une expérience culturelle unique et rien ne saurait la remplacer.

Pour conclure, je citerai les mots de l’écrivain québécois Michel Bouthot : « Un livre, c’est un navire dont il faut libérer les amarres. Un livre, c’est un trésor qu’il faut extirper d’un coffre verrouillé. Un livre, c’est une baguette magique dont tu es le maître si tu en saisis les mots. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre
Article unique (Texte non modifié par la commission) (fin)

Article unique

(Non modifié)

Nonobstant les dispositions prévues aux huitième alinéa et suivants de l'article L. 441-6 du code de commerce, pour les opérations d'achat, de vente, de livraison, de commission ou de façon concourant à la fabrication de livres, ainsi que pour la fourniture de papier et autres consommables dédiés à une activité d'impression, de brochage, de reliure ou d'édition de livres, le délai est défini conventionnellement entre les parties.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Escoffier, M. Collin et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

de commission ou de façon concourant à la fabrication de livres

par les mots :

de commission de livres ou de façon concourant à leur fabrication

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. L’amendement proposé est rédactionnel, et ne vise pas à mettre à mal un texte dont, monsieur le ministre, madame le rapporteur, et vous tous, chers collègues, avez dit tout le bien qu’il faut penser.

Le périmètre de la proposition de loi initiale déposée par notre collègue député Hervé Gaymard a été élargi par les travaux de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.

Les ajouts ont notamment permis d’inclure dans la dérogation au nouveau délai de paiement la façon concourant à la fabrication de livres.

Malheureusement, à mon sens, ce nouveau texte n’a pas la clarté d’une œuvre de Boileau, et ressemble bien davantage à l’une de ces longues et belles pages de Proust. (Sourires.) De ce fait, sa rédaction nous préoccupe : elle pourrait laisser penser que le mot « livres » se rapporte non pas aux activités d’achat, de vente, de livraison, de commission, autrement dit à l’ensemble de la chaîne du livre, mais uniquement à la fabrication.

Dès lors cette interprétation ne correspondrait pas du tout à l’intention du législateur, sur laquelle nous sommes tous d’accord. La vente de livres est évidemment au cœur de notre motivation, et devrait être directement visée par le texte sur lequel nous allons nous prononcer.

C’est la raison pour laquelle je propose cette formulation, qui me paraît plus claire et sans équivoque quant au champ d’application de la dérogation ici accordée.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, madame le rapporteur, que vous apaiserez mon inquiétude et celles des professionnels à propos de cette régulation des délais de paiement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Colette Mélot, rapporteur. Madame Escoffier, la commission a examiné votre amendement, qui est tout à fait recevable.

Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, j’avais moi-même envisagé sur ce point une clarification rédactionnelle, car l’ajout de l’Assemblée nationale me semblait superfétatoire.

Toutefois, compte tenu de l’urgente nécessité de sécuriser les pratiques commerciales dans le secteur du livre, notre commission a fait le choix de ne pas modifier la proposition de loi, afin de ne pas susciter de navette pour une question rédactionnelle, et elle a donc émis un avis défavorable.

Par conséquent, je vous demanderai, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, afin, je le répète, de ne pas gêner l’adoption de cette proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame la sénatrice, je suis très impressionné par l’affrontement de Boileau et de Proust que vous convoquez dans notre débat ! (Sourires.)

Toutefois, au-delà de ce conflit de générations entre deux géants de la littérature, mon principal souci est de vous rassurer, puisque vous paraissez inquiète, ce qui est tout à fait votre droit, d'ailleurs.

Si, par définition, une rédaction peut toujours être améliorée, le texte proposé me paraît en réalité tout à fait explicite et la lecture qui doit en être faite sans ambiguïté.

Grâce à la mesure aujourd’hui proposée, les délais de paiement seront définis conventionnellement et librement entre tous les acteurs de la chaîne du livre, pour l’ensemble des opérations liées aux achats, aux ventes et aux livraisons d’ouvrages, y compris celles qui sont rémunérées sous forme de commissions.

Cette mesure s’appliquera également à toutes les opérations de façonnage concourant à la fabrication de livres, notamment la composition, la photogravure, l’impression, le brochage, ou encore la reliure.

Enfin, cette exception au plafonnement des délais de paiement concernera également les achats de consommables dédiés à une activité d’impression, de brochage, de reliure ou d’édition de livres.

L’adoption d’un amendement de clarification rédactionnelle entraînerait un délai supplémentaire dans l’application de ce texte.

Or cette mesure d’exemption doit être votée au plus vite, pour que la chaîne du livre ne soit pas pénalisée plus longtemps. En effet, celle-ci se trouve aujourd’hui, du fait des accords dérogatoires, confrontée à des délais de paiement plafonnés à 150 jours.

Si leur moyenne constatée est de 100 jours environ, ces délais de paiement négociés entre éditeurs et détaillants peuvent être beaucoup plus importants, c'est-à-dire dépasser 150, voire 180 jours, notamment en cas de création ou de reprise de librairie, de développement d’un nouveau fonds éditorial, de publication d’ouvrages de fonds, de difficultés de trésorerie conjoncturelles – nous en avons longuement discuté – ou d’opérations commerciales de l’éditeur.

Enfin, les débats parlementaires à l’Assemblée nationale et, aujourd’hui, au Sénat permettront, le cas échéant, de lever toute ambiguïté quant à l’interprétation de ce texte.

Ainsi, madame la sénatrice, nous quittons Du côté de chez Swann pour rejoindre Le Lutrin, ce qui ne saurait manquer de vous satisfaire, vous qui semblez préférer Boileau à Proust. (Sourires.)

Je vous demande en conséquence de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Madame Escoffier, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, c’est avec des vers de Ronsard que j’aimerais vous répondre ! (Nouveaux sourires.)

J’accepte volontiers de retirer cet amendement, compte tenu des explications, clarifications et précisions que vous avez eu la gentillesse de nous apporter et qui, j’en suis sûre, rassureront aussi pleinement les professionnels ! (M. le président de la commission de la culture applaudit.)

M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.

La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me semble que, ce soir, le Sénat apporte la preuve, comme l’a fait auparavant l’Assemblée nationale, que nous croyons en l’avenir du livre et que nous ne pourrions pas vivre dans un monde qui ne lui ferait pas toute la place qu’il mérite.

À travers les dispositions que nous allons adopter, nous allons montrer, une fois encore, la volonté qui est la nôtre de faire en sorte que jamais dans notre pays le livre ne puisse être menacé, lui qui est au cœur de notre culture. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité des présents.

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je souhaite remercier les membres de la Haute Assemblée et saluer Mme le rapporteur pour l’analyse extrêmement précise et détaillée qu’elle a réalisée à l’occasion de la préparation de notre discussion.

Traduisant les vœux de chacun d’entre vous et revenant sur une préoccupation dont je sais qu’elle est partagée notamment par M. le président de la commission, je voudrais également me faire l’interprète de cette assemblée et saluer avec émotion un pays qui vient d’être ravagé par un séisme épouvantable.

Nous le savons, la poésie, la peinture et les diverses expressions artistiques, transcendant des conditions de vie déplorables, ont assuré le rayonnement de tout un peuple aujourd’hui terriblement éprouvé. Nous ignorons encore dans quelle situation se trouvent les habitants, les artistes, mais aussi dans quel état la catastrophe aura laissé le patrimoine de ce pays.

À l’heure où, par-delà des clivages politiques bien naturels, nous sommes unanimes pour défendre l’un des secteurs les plus importants de notre expression culturelle et artistique, saluer les créateurs éprouvés d’Haïti, c’est aussi, en quelque sorte, faire preuve de solidarité transatlantique, de respect et d’estime pour d’autres créateurs, d’autres artistes et un autre patrimoine. (Applaudissements.)

M. le président. Monsieur le ministre, le Sénat unanime s’associe à vos propos.

Article unique (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre
 

11

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
Article 1er

Accompagnement d'une personne en fin de vie

Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (n° 223 rectifié, 2008-2009, nos 173 et 172).

Dans la discussion des articles, le Sénat a entamé hier l’examen de l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er (suite)

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l’intitulé du livre VIII, après les mots : « Allocation aux adultes handicapés – », sont insérés les mots : « Allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie – » ;

2° Après le titre II du livre VIII, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :

« TITRE II BIS

« ALLOCATION JOURNALIÈRE D’ACCOMPAGNEMENT D’UNE PERSONNE EN FIN DE VIE

« Art. L. 822-1. – Une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée aux personnes qui accompagnent à domicile une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, et qui remplissent les conditions suivantes :

« 1° soit être bénéficiaire du congé de solidarité familiale ou l’avoir transformé en période d’activité à temps partiel comme prévu aux articles L. 3142-16 à L. 3142-21 du code du travail ou du congé prévu au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ou à l’article L. 4138-6 du code de la défense ;

« 2° soit avoir suspendu ou réduit son activité professionnelle et être un ascendant, un descendant, un frère, une sœur, une personne de confiance au sens de l’article L. 1111-6 du code de la santé publique ou partager le même domicile que la personne accompagnée.

« Art. L. 822-2. – (Supprimé)

« Art. L. 822-3. – (Supprimé)

« Art. L. 822-3-1 (nouveau). – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est également versée dans les départements mentionnés à l’article L. 751-1.

« Art. L. 822-4. – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est versée dans la limite d’une durée maximale de trois semaines dans des conditions prévues par décret. Si la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, la période de versement de l’allocation inclut, le cas échéant, les journées d’hospitalisation, sans dépasser la durée maximale de trois semaines.

« Le montant de cette allocation est fixé par décret.

« L’allocation cesse d’être due à compter du jour suivant le décès de la personne accompagnée.

« L’allocation peut être versée à plusieurs bénéficiaires, au titre d’un même patient, dans la limite totale maximale fixée au premier alinéa.

« Art. L. 822-5. – Les documents et les attestations requis pour prétendre au bénéfice de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, ainsi que les procédures de versement de cette allocation, sont définis par décret.

« Art. L. 822-6. – L’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est financée et gérée par le régime d’assurance maladie dont relève l’accompagnant.

[ ]

« Lorsque l’intervention du régime d’assurance maladie se limite aux prestations en nature, l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie est financée et servie par l’organisme compétent, en cas de maladie, pour le service des prestations en espèces ou le maintien de tout ou partie de la rémunération. »

M. le président. Lors de la précédente séance, nous avions commencé l’examen de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune, les amendements nos 13 et 8. Le Gouvernement avait in fine déposé un amendement n° 13 rectifié.

Je suis saisi d’un amendement n° 13 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, qui est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 822-4. - Le nombre maximum d'allocations journalières versées est égal à 21. L'allocation est versée pour chaque jour ouvrable ou non. Lorsque la personne accompagnée à domicile doit être hospitalisée, l'allocation continue d'être servie les jours d'hospitalisation.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous venez d’adopter un texte à l'unanimité. J’espère que le pli est pris et qu’il en ira de même pour cette proposition de loi ! (Sourires.)

M. le président. Nous le pensons, madame la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous vous en souvenez sans doute, la version initiale de cet amendement posait des problèmes rédactionnels, que M. le rapporteur avait très justement relevés.

Nous avons travaillé ensemble sur ces dispositions – M. Godefroy dira si la présente rédaction lui convient – et proposons d’exprimer la durée de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie en nombre d’allocations.

En effet, compte tenu de la diversité des modalités de calcul des rémunérations des travailleurs, selon que ceux-ci appartiennent aux secteurs public et privé ou qu’ils sont indépendants, et afin de respecter une stricte égalité de traitement, il est préférable de fixer un nombre maximal d'allocations.

En outre, cette formulation est compatible avec la modulation du montant et de la durée du versement de l’allocation.

Nous avons donc réalisé un travail en amont qui, me semble-t-il, est de nature à répondre aux observations très justement présentées au début de l’examen de cet article.

M. le président. Pour la clarté du débat, je rappelle que l'amendement n° 8, présenté par M. Godefroy, Mme Schillinger, M. Jeannerot, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12, première phrase

Remplacer les mots :

trois semaines

par les mots :

vingt et un jours

Monsieur Godefroy, qu’en est-il en définitive de cet amendement ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Les dispositions que vient de nous présenter Mme la ministre nous donnent satisfaction.

Toutefois, nous voulons nous assurer que, le nombre maximum d’allocations journalières étant fixé à 21, les travailleurs à temps partiel ne seront pas exclus du bénéfice de l’allocation.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Absolument pas !

M. Jean-Pierre Godefroy. Dans ces conditions, nous voterons l’amendement n° 13 rectifié bis, et je retire l’amendement n° 8.

M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 13 rectifié bis ?

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Gilbert Barbier, rapporteur. Tout d'abord, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser notre rapporteur, M. Gilbert Barbier, qui n’a pu nous rejoindre ce soir et que je vais donc remplacer.

Pour ce qui est de l’amendement n° 13 rectifié bis, j’allais poser la même question que M. Godefroy. Puisqu’il y a été répondu, j’émettrai un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié bis.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque le bénéficiaire a réduit sa quotité de travail et travaille à temps partiel, ce montant est réduit dans des conditions prévues par décret.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il est souhaitable que l'allocation journalière d'accompagnement des personnes en fin de vie ne soit pas en totalité cumulable avec le revenu tiré d'une activité à temps partiel.

En effet, il serait discriminatoire qu'une personne qui interrompt totalement son activité perçoive le même montant que celle qui conserve une rémunération partielle.

Le présent amendement tend donc à fixer par décret les conditions de réduction de l'indemnité en fonction de la durée de l’activité à temps partiel.

M. le président. Le sous-amendement n° 20, présenté par M. Godefroy, Mme Schillinger, M. Jeannerot, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dernier alinéa de l'amendement n° 12

Après les mots :

ce montant

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et la durée de l'allocation sont modulés dans des conditions prévues par décret.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes favorables à l’amendement n° 12 du Gouvernement.

Dès lors que l'allocation journalière d'accompagnement en fin de vie ne serait pas en totalité cumulable avec le revenu tiré d'une activité à temps partiel, il importe, pour les mêmes raisons d'équité, de prévoir que ladite allocation pourra être servie pour une durée supérieure à 21 jours.

En d'autres termes, si nous prenons l'exemple d'une activité à mi-temps, il s'agirait à la fois de réduire de moitié l'allocation et de multiplier par deux la durée de son versement, soit 42 jours.

Si le présent sous-amendement était adopté, les conditions de modulation du montant et de la durée de l'allocation en cas d'activité à temps partiel seraient fixées par décret.

M. le président. Le sous-amendement n° 19, présenté par M. About et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :

Dernier alinéa de l'amendement n° 12

Après les mots :

est réduit

insérer les mots :

et la durée de versement de l'allocation allongée

Ce sous-amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 12 et le sous-amendement n° 20 ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 12 et sur le sous-amendement n° 20.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 20 ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La souplesse que tend à introduire ce sous-amendement est légitime et sert l’objectif du Gouvernement, qui est d’aider ces accompagnants. Toutefois, elle risque de rendre la gestion du dispositif trop complexe et de nuire à son efficacité comme à son développement.

Cette réflexion faite, le Gouvernement s’en remet, par précaution, à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Laissons faire la navette !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 20.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je comprends la position de Mme la ministre. Je fais cependant observer que, dans notre sous-amendement, nous nous en remettons, nous, à la sagesse du Gouvernement, puisque nous renvoyons à un décret ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Que de sagesse ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 20.

(Le sous-amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12, modifié.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Autain, Mme Pasquet, M. Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les conditions de désignation du ou des bénéficiaires sont définies par décret.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 17

1° Remplacer le mot :

gérée

par le mot :

servie

2° Compléter cet alinéa par les mots :

, après accord du régime d'assurance maladie dont relève l'accompagné

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Afin d'éviter que plusieurs personnes ne perçoivent en même temps l'allocation journalière d’accompagnement au titre d'une même personne malade, il est logique de prévoir l'organisation d'un circuit de gestion du droit à cette allocation.

Cet amendement tend donc à placer au cœur de ce circuit le régime d'assurance maladie dont relève l'accompagné. Les modalités de mise en œuvre de ce circuit de gestion du droit seront définies par décret, comme le précise l'article L. 822-5 relatif aux modalités de versement de la prestation.

Il s’agit d’une mesure de précaution qui me paraît légitime.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La commission émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 822-7 - L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie n'est pas cumulable avec :

« 1° L'indemnisation des congés de maternité, de paternité ou d'adoption ;

« 2° L'indemnité d'interruption d'activité ou l'allocation de remplacement pour maternité ou paternité, prévues aux articles L. 613-19 à L. 613-19-2 et L. 722-8 à L. 722-8-3 du présent code, aux articles L. 732-10 à L. 732-12-1 du code rural et à l'article 17 de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines ;

« 3° L'indemnisation des congés de maladie ou d'accident du travail ;

« 4° Les indemnités servies aux demandeurs d'emploi ;

« 5° L'allocation parentale d'éducation ou le complément de libre choix d'activité de la prestation d'accueil du jeune enfant ;

« Toutefois, l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est cumulable en cours de droit avec l'indemnisation mentionnée au 3° perçue au titre de l'activité exercée à temps partiel. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie est due à condition, pour l’accompagnant, d’avoir suspendu tout ou partie de son activité professionnelle. Nous en avons déjà parlé abondamment.

Cet amendement vise à empêcher, par analogie avec l'allocation journalière de présence parentale, que l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie ne puisse être cumulée avec certaines autres prestations ayant également pour objet de compenser la perte de ressources liée à l'absence d'activité professionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La commission émet un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous voterons cet amendement, même si nous regrettons qu’aient été incluses les indemnités liées aux accidents du travail, qui sont versées de façon forfaitaire – 65 % dans les vingt-huit premiers jours et 80 % ensuite – et qui sont, en outre, fiscalisées depuis peu.

Il eût peut-être été préférable de laisser les personnes victimes d’accidents du travail choisir la prestation la plus favorable : l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie ou l’indemnisation de l’accident du travail.

Nous trouvons tout à fait légitime d’empêcher le cumul des allocations, mais, pour l’indemnisation des accidents du travail, cela ne semble guère pertinent au regard de la modicité des sommes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous avons déjà largement débattu de ce point. Dans un souci de parallélisme des formes, nous avons calqué ce dispositif sur celui de l’allocation journalière de présence parentale, qui est également un revenu de remplacement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté à l'unanimité des présents.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
Article 1er bis (Nouveau)

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Godefroy, Mme Schillinger, M. Jeannerot, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin de soulager les proches qui prennent en charge un malade en fin de vie à domicile, une expérimentation visant à développer des structures d'hospitalisation de répit est organisée dans certains départements et au sein de structures de soins volontaires, désignés par arrêté du ministre de la santé.

Cette expérimentation est menée pour une période de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

Le Gouvernement remet au Parlement au plus tard six mois avant la fin de cette période, un rapport d'évaluation de la présente expérimentation.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement est directement inspiré de la proposition n° 16 du rapport d’information de la mission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Les auditions menées par cette mission ont fait apparaître combien il était important de soutenir et de soulager les proches d’une personne en fin de vie.

L’objet de cet amendement est de prévoir une expérimentation visant à développer des structures de répit afin d’apporter des solutions transitoires efficaces face aux risques d’épuisement et d’isolement de ceux qui font le choix de prendre en charge à domicile la fin de vie d’un proche.

Certes, des expériences concernant des centres de répit ou de relais sont déjà en cours dans certains territoires, mais prévoir spécifiquement une expérimentation dans la loi permettrait, non seulement d’analyser les essais déjà menés, mais aussi d’élargir ces pratiques à de plus larges échelles et d’améliorer l’appréhension des besoins.

Ainsi, la restructuration de certains hôpitaux prévue dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires pourrait s’inscrire dans cette perspective : les hôpitaux locaux et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, peuvent par exemple devenir des lieux d’accueil momentané pour les personnes atteintes d’une maladie longue.

Les proches étant souvent les premiers acteurs de l’aide au malade et du maintien à domicile, il est essentiel de ne pas les laisser seuls et livrés à eux-mêmes face à des difficultés de toute nature, difficultés rendues plus criantes du fait des carences en soins palliatifs ou de l’insuffisance des dispositifs d’aides aux aidants.

Sur ces questions, je rappelle au Gouvernement l’urgence de publier le décret prévu à l’article L. 162-1-10 du code de la sécurité sociale, qui devra déterminer les conditions de rémunération des professionnels de santé pratiquant des soins palliatifs à domicile, et l’importance de les rendre incitatives.

Soutenir ceux qui accompagnent les personnes en fin de vie est indispensable si l’on veut à la fois favoriser le maintien à domicile et mettre en place une politique d’accompagnement de la fin de vie aussi efficace qu’humaine.

Tel est l’enjeu de cet amendement important, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’organiser une expérimentation, avec la création de structures d’hospitalisation de répit pour soulager durant un temps les proches d’un malade en fin de vie.

Un projet de ce type existe dans le département dont Gilbert Barbier est élu : s’il avait été présent, il aurait pu l’évoquer plus longuement. Il s’agit de construire des logements permettant l’hébergement, dans un environnement médicalisé, d’un malade et de sa famille pendant une courte durée.

Ces structures peuvent apporter un certain nombre de bienfaits, tant pour le patient que pour sa famille, et permettre à l’assurance maladie de réaliser des économies, si elles permettent de limiter les hospitalisations.

Pour autant, il n’est pas certain qu’une base législative soit indispensable, puisque des projets, soutenus par le Gouvernement, existent d’ores et déjà.

En conséquence, sur cet amendement, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement s’en remet également à la sagesse de la Haute Assemblée.

Je ne vois pas d’inconvénient à inscrire ce genre d’expérimentations dans la loi : en cette matière, il est toujours important de manifester sa volonté d’expérimenter et d’évaluer. Reconnaissez cependant que ce n’est pas du tout de nature législative.

Mme le rapporteur l’a rappelé, des travaux sont en cours et les premières expérimentations, qui se dérouleront en Franche-Comté, en Rhône-Alpes et en Midi-Pyrénées, commenceront au cours du premier trimestre. Le Gouvernement a mobilisé un financement de 500 000 euros par expérimentation et par an.

La preuve de la volonté politique, ce n’est pas l’inscription de l’expérimentation dans la loi, c’est la mobilisation effective de l’argent nécessaire pour sa mise en œuvre. Soyez donc assuré, monsieur Godefroy, de la détermination du Gouvernement !

M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous l’avez compris, madame la ministre, il s’agissait d’un amendement d’appel sur un sujet très important.

Dans ma commune a été ouvert un établissement destiné à accueillir momentanément les personnes souffrant d’Alzheimer. Il est en effet absolument indispensable de soulager les familles.

Fort des assurances de Mme la ministre, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.

L'amendement n° 11, présenté par M. Godefroy, Mme Schillinger, M. Jeannerot, Mme Printz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au parlement avant le 1er février 2012, un rapport sur les modalités d'organisation de formations pour les accompagnants en lien avec les établissements de santé, les professionnels de santé et les associations.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement vise, lui aussi, à favoriser la mise en œuvre d’une politique de soutien et d’accompagnement des aidants, en prévoyant la remise d’un rapport sur les modalités d’organisation de formations pour les accompagnants.

Là encore, l’idée est de ne pas laisser l’accompagnant livré à lui-même face à toutes les difficultés, organisationnelles, administratives, psychologiques.

Pour permettre le maintien à domicile de la personne en fin de vie, il est essentiel de favoriser la collaboration entre tous les acteurs de la chaîne de soins.

Il s’agit non pas de former un proche à être un proche mais de l’aider dans l’accompagnement, car cela ne devrait pas s’improviser. Il est donc important de développer des lieux d’accueil, d’écoute et de réponses identifiés au sein des établissements de santé ou auprès d’associations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement tend à demander au Gouvernement un rapport sur les modalités d’organisation de formations pour les accompagnants.

Je suis un peu perplexe sur des demandes de ce type, souvent peu convaincantes. De plus, la formulation de l’amendement est peu précise sur l’objet de telles formations.

Il s’agit certainement d’un amendement d’appel. C’est pourquoi la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.

Je ne suis pas défavorable, sur le fond, à cet amendement, mais, en réalité, il est satisfait par les dispositions existantes et les travaux correspondants ont débuté, en partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.

Articles additionnels après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
Article 2

Article 1er bis (nouveau)

Après l’article L. 161-9-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-9-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 161-9-3. – Les personnes bénéficiaires du congé prévu à l’article L. 3142-16 du code du travail, au 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, au 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, au 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et à l’article L. 4138-6 du code de la défense conservent leurs droits aux prestations en nature de l’assurance maladie et maternité de leur régime d’origine aussi longtemps qu’elles bénéficient de ce congé.

« Lors de la reprise de leur travail à l’issue du congé, ces personnes retrouvent leurs droits aux prestations en nature et en espèces de l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès pendant une période fixée par décret.

« En cas de non reprise du travail à l’issue du congé, en raison d’une maladie ou d’une maternité, les personnes retrouvent leurs droits aux prestations en nature et en espèces du régime antérieur dont elles relevaient. Ces dispositions s’appliquent pendant la durée de l’arrêt de travail pour cause de maladie ou du congé légal de maternité.

« Lors de la reprise du travail à l’issue du congé de maladie ou de maternité, les personnes retrouvent leurs droits aux prestations pendant une période fixée par décret. »

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Après les mots :

en nature

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et en espèces de l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès de leur régime d'origine aussi longtemps qu'elles bénéficient de ce congé.

II. - Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes ayant bénéficié de ces dispositions, conservent leurs droits aux prestations en nature et en espèces d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès auprès du régime obligatoire dont elles relevaient avant et pendant ce congé, dans les situations suivantes :

« 1° Lors de la reprise de leur travail à l'issue du congé ;

« 2° En cas de non reprise du travail à l'issue du congé, en raison d'une maladie ou d'une maternité ;

« 3° Lors de la reprise du travail à l'issue du congé de maladie ou de maternité.

« Les périodes pendant lesquelles les bénéficiaires conservent leurs droits sont fixées par décret et sont applicables, sans préjudice des dispositions de l'article L. 161-8 du présent code. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement tend à sécuriser la couverture sociale des bénéficiaires du congé de solidarité familiale, objectif visé par la commission des affaires sociales, et à permettre aux personnes bénéficiant d'un tel congé de percevoir les prestations en espèces de l'assurance maladie, maternité, invalidité et décès de leur régime d'origine aussi longtemps qu'elles bénéficient de ce congé, si elles en remplissent les conditions d'ouverture de droit.

Cet amendement a également pour objet de prévoir le régime d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès applicable à l'issue de ce congé dans trois situations : reprise du travail, maladie ou maternité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement du Gouvernement tend à approfondir les dispositions que nous avons introduites. Je tiens à saluer cette initiative, car la commission des affaires sociales avait fait preuve d’une certaine audace sur cette question.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.

(L'article 1er bis est adopté à l'unanimité des présents.)

Article 1er bis (Nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
Article 2 bis (nouveau)

Article 2

I. – Au premier alinéa de l’article L. 3142-16 du code du travail, les mots : « ou une personne partageant son domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital » sont remplacés par les mots : «, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».

bis. – (Supprimé)

II. – À la première phrase du 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, les mots : « ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l’objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : « , un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».

III. – À la première phrase du 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les mots : « ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l’objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : « , un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».

IV. – À la première phrase du 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, les mots : « ou un descendant ou une personne partageant son domicile fait l’objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : « , un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».

V. – À la première phrase de l’article L. 4138-6 du code de la défense, les mots : « ou une personne partageant son domicile fait l’objet de soins palliatifs » sont remplacés par les mots : «, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause ».

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Barbier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

I bis. - Le même article L. 3142-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce droit bénéficie, dans les mêmes conditions, aux salariés ayant été désignés comme personne de confiance au sens de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique. »

II. - Alinéas 3, 4, 5 et 6

Remplacer les mots :

ou une personne partageant le même domicile

par les mots :

, une personne partageant le même domicile ou l'ayant désigné comme sa personne de confiance au sens de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Selon le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales, l'allocation journalière d'accompagnement d’une personne en fin de vie bénéficie également aux personnes de confiance, au sens du code de la santé publique.

Cet amendement tend à tirer les conséquences de cette mesure, en élargissant le droit au congé de solidarité familiale à ces mêmes personnes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Excellent travail parlementaire !

Le Gouvernement émet un avis très favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté à l'unanimité des présents.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
Article 2 ter (nouveau)

Article 2 bis (nouveau)

I. – La deuxième phrase du 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est ainsi rédigée :

« Ce congé non rémunéré est accordé, sur demande écrite du fonctionnaire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. »

II. – La deuxième phrase du 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi rédigée :

« Ce congé non rémunéré est accordé, sur demande écrite du fonctionnaire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. »

III. – La deuxième phrase du 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi rédigée :

« Ce congé non rémunéré est accordé, sur demande écrite du fonctionnaire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. »

IV. – La deuxième phrase de l’article L. 4138-6 du code de la défense est ainsi rédigée :

« Chacun de ces congés est accordé, sur demande écrite du militaire, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois. » – (Adopté à l'unanimité des présents.)

Article 2 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
Article 3

Article 2 ter (nouveau)

I. – L'article L. 3142-17 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Avec l’accord de l’employeur, le congé peut être fractionné, sans pouvoir dépasser la durée maximale prévue au premier alinéa. Dans cette hypothèse, le salarié qui souhaite bénéficier du congé doit avertir son employeur au moins quarante-huit heures avant la date à laquelle il entend prendre chaque période de congé. Les modalités de ce fractionnement, notamment la durée minimale de chaque période de congé, sont fixées par décret. »

II. – Il est inséré, après la deuxième phrase du 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, la phrase suivante : « Il peut être fractionné, dans des conditions fixées par décret. »

III. – Il est inséré, après la deuxième phrase du 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, la phrase suivante : « Il peut être fractionné, dans des conditions fixées par décret. »

IV. – Il est inséré, après la deuxième phrase du 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée, la phrase suivante : « Il peut être fractionné, dans des conditions fixées par décret. »

V. – Il est inséré, après la deuxième phrase de l’article L. 4138-6 du code de la défense, la phrase suivante : « Il peut être fractionné, dans des conditions fixées par décret. » – (Adopté à l'unanimité des présents)

Article 2 ter (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
Article 4

Article 3

I. – Le 9° de l’article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :

1° Les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale » ;

2° (nouveau) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce congé peut être transformé en période d’activité à temps partiel dans des conditions fixées par décret ».

II. – Le 10° de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :

1° Les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale » ;

2° (nouveau) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce congé peut être transformé en période d’activité à temps partiel dans des conditions fixées par décret ».

III. – Le 9° de l’article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi modifié :

1° Les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par deux fois par les mots : « de solidarité familiale » ;

2° (nouveau) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce congé peut être transformé en période d’activité à temps partiel dans des conditions fixées par décret ».

IV. – Au d du 1° et au onzième alinéa de l’article L. 4138-2 du code de la défense, les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par les mots : « de solidarité familiale ».

V. – L’article L. 4138-6 du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « d’accompagnement d’une personne en fin de vie » sont remplacés par les mots : « de solidarité familiale » ;

2° (nouveau) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut être transformé en période d’activité à temps partiel dans des conditions fixées par décret ». – (Adopté à l'unanimité des présents.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
(Non modifié)

Article 4

Article 4
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Article 5

(Non modifié)

Le Gouvernement remet chaque année, avant le 31 décembre, un rapport aux commissions parlementaires compétentes faisant état de la mise en œuvre du versement de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie.

Ce rapport établit aussi un état des lieux de l’application de la politique de développement des soins palliatifs à domicile.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Autain, Mme Pasquet, M. Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

Le Gouvernement remet chaque année, avant le 31 décembre, un rapport aux commissions parlementaires compétentes, faisant état des conditions de la mise en œuvre de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie.

Ce rapport analyse les conséquences d'une augmentation de la durée du versement de cette allocation, ainsi que de son éventuelle extension aux accompagnants des personnes hospitalisées.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté à l'unanimité des présents.)

(Non modifié)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
(Suppression maintenue)

Article 5

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
Explications de vote sur l'ensemble (début)

(Suppression maintenue)

Vote sur l'ensemble

(Suppression maintenue)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous voterons ce texte, tout en regrettant, comme nous l’avons dit dans la discussion générale avec beaucoup d’autres de nos collègues, que le bénéfice de ses dispositions ne soit pas étendu à la fin de vie à l’hôpital. Ce texte constitue néanmoins une avancée très importante pour les personnes en fin de vie à domicile.

Mme la ministre, Mme la présidente de la commission et M. le rapporteur ayant accepté un certain nombre de nos amendements, et nous les en remercions, c’est sans états d’âme que nous voterons cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je tiens à remercier ceux de nos collègues encore présents à cette heure tardive et, au-delà, tous ceux qui, au sein de la commission, notamment notre rapporteur, ont apporté leur contribution à cette discussion en nous présentant des amendements de qualité.

Je me réjouis que nous puissions voter cette proposition de loi à l’unanimité et, de cette façon, contribuer à l’amélioration de la qualité de la fin de vie des personnes qui seront accompagnées.

M. le président. Je précise que le groupe CRC-SPG, comme il l’avait annoncé dès la discussion générale, votera ce texte.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée à l’unanimité des présents.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis qu’un texte aussi important et emblématique ait fait l’unanimité sur vos travées.

Je tiens à remercier la commission et plus précisément son rapporteur et sa présidente du travail effectué. Je sais qu’un empêchement majeur a retenu M. Barbier, mais je compte sur vous, madame la présidente, pour lui transmettre mes compliments et je vous félicite du brio avec lequel vous avez suppléé votre rapporteur. Mais vous ne nous avez pas habitués à moins !

Oui, le travail a été consensuel, mais très approfondi, aussi. Je salue M. Jean Leonetti et d’autres députés de la majorité comme de l’opposition qui ont contribué à enrichir ce texte, comme je salue la commission des affaires sociales, l’ensemble des sénateurs et des sénatrices, sur toutes les travées, pour le travail qui a été fait, en soulignant la qualité des amendements du Sénat, qui sont venus à leur tour enrichir la rédaction de l’Assemblée nationale.

Je ne saurais terminer sans remercier le président de séance de sa hauteur de vues, lui qui devait sans doute souffrir, au fauteuil qu’il occupe, de ne pouvoir joindre son suffrage à celui de ses collègues pour l’adoption de cette proposition de loi. (M. le président le confirme.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait ce soir !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie
 

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 janvier 2010 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À quatorze heures trente :

2. Projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 169, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).

De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :

3. Questions cribles thématiques sur le plan de relance et l’emploi.

À dix-huit heures et le soir :

4. Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 15 janvier 2010, à zéro heure vingt.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART