M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Madame la sénatrice, le multilatéralisme n’est nullement remis en cause. En réalité, se pose un problème d’organisation. En effet, selon la mécanique organisationnelle actuelle, l’ONU délibère par consensus. Ce terme n’est d’ailleurs pas défini. Signifie-t-il unanimité ou large accord ? Cette instance est la seule à n’avoir pas défini juridiquement le consensus. Si l’unanimité est requise, la situation est quasiment bloquée.

La création de l’organisation mondiale de l’environnement a été proposée par la France. Nous y sommes très attachés. Il s’agit de mettre le monde en mouvement. Si la contrainte, par le biais de pénalités, demeure la règle, je ne suis pas sûr que le prochain Sommet de Cancun obtienne de meilleurs résultats que la conférence de Copenhague du mois de décembre dernier. En revanche, il est indispensable que chaque continent sache ce que les autres font et que tous s’engagent sur la même voie, ce qui implique la création de l’organisation mondiale de l’environnement.

Sur l’invitation de la Chine, pays avec lequel notre partenariat est extrêmement efficace, je serai à Pékin lundi matin pour traiter de ce sujet.

Avant-hier, à New Delhi, les quatre grands pays émergents ont adopté une position globale de soutien à Copenhague ; ils ont demandé à la France de participer à une réunion traitant de la mise en place du fast start, c’est-à-dire l’affectation des premiers dix milliards de dollars consacrés aux pays les plus vulnérables.

À un moment donné, l’organisation mondiale de l’environnement devra sinon contrebalancer, du moins agir en parallèle avec l’Organisation mondiale du commerce. Il faudra du temps. Y arriverons-nous d’ici au Sommet de Cancun ? Je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, c’est indispensable.

Une telle évolution du monde est lourde, forcément un peu chaotique. Le plus important, selon moi, est de respecter la culture des autres.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour la réplique.

Mme Évelyne Didier. Nous ne pouvons tous qu’appeler de nos vœux la création d’un tel organisme. Le monde ne pourra pas éternellement s’organiser à partir du commerce sans tenir compte ni de l’environnement, ni des questions sociales.

Pour autant, l’Europe devra bien savoir parler d’une seule voix par le biais d’un représentant. Et, selon moi, ce n’est pas gagné !

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.

M. Christian Gaudin. Monsieur le ministre d’État, la conférence de Copenhague a montré la difficulté de faire accepter aux États-Unis et à la Chine, notamment, des objectifs contraignants en termes de réduction d’émissions des gaz à effet de serre. Les États-Unis ont, en effet, un objectif de réduction de seulement 4 % en 2020, alors qu’il est demandé à l’ensemble des pays de diminuer leurs émissions de moitié. Les négociations diplomatiques habituelles ont échoué à instaurer un ordre international du climat.

En revanche, un pas a été réalisé avec l’adoption du plan « justice climat ». Proposé par la France, ce plan vise à instaurer une solidarité entre les pays du Nord et du Sud. Ainsi, 30 milliards de dollars devraient être débloqués entre 2010 et 2013 au profit des pays en développement ; l’objectif est d’atteindre 100 milliards de dollars en 2020. Si ces montants devraient favoriser l’accès de tous à l’énergie, à l’eau, notamment sur le continent africain, et la lutte contre la déforestation, aucun objectif précis et contraignant n’a été fixé une fois encore.

Bref, le constat aujourd’hui, à l’approche des conférences de Bonn et de Mexico, est le suivant : la communauté internationale semble trop réticente vis-à-vis d’une politique ambitieuse du climat.

Monsieur le ministre d’État, à défaut d’un cadre universel contraignant, l’Union européenne peut-elle être un échelon pertinent pour la mise en œuvre d’une politique climatique et environnementale ambitieuse, contraignante et efficace ?

En outre, pensez-vous que, dans ce cadre européen, la France puisse jouer un rôle de locomotive pour soutenir, voire pour initier, des mesures concrètes en faveur de la lutte contre le réchauffement de la planète ?

Pensez-vous que si l’Union européenne parle d’une voix unique, forte et ferme, elle puisse « sauver » les prochains sommets internationaux de Bonn et de Mexico traitant de cette problématique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Monsieur le sénateur, à la lumière de la conférence de Copenhague, on peut aujourd'hui mesurer à quel point l’accord européen conclu voilà un an, appelé en termes technocratiques le « paquet énergie-climat », par lequel chacun des pays d’Europe s’est engagé à une réduction des gaz à effet de serre vérifiable année par année, pays par pays, secteur par secteur, susceptible de sanctions par la Cour de justice et de pénalités, était une performance extraordinaire.

Pour autant, ce n’est pas parce que l’Union européenne s’est engagée à réduire de 30 % ses émissions de gaz à effet de serre qu’elle doit avoir l’obsession de reproduire à l’échelle mondiale le mode formel qu’elle s’est imposé et de considérer ce dernier comme universel. L’Europe a une culture occidentale du papier, monastique ou notariale, qui n’est pas forcément commune au reste du monde. Par conséquent, elle doit accepter de ne pas imposer au monde entier la forme qu’elle s’est imposée.

Au reste, monsieur le sénateur, comme nous avons pu le constater au moment de la conclusion de l’accord européen, nombre de pays européens acceptent de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais sans contrainte formelle.

Pourquoi la France veut-elle aller plus loin ? Tout simplement parce que l’adoption, par un vote solennel au Parlement, du Grenelle de l’environnement, après concertation avec les industriels, les organisations syndicales, les organisations non gouvernementales, les collectivités et les pouvoirs publics, est allé dans le sens de l’intérêt de la France et des Français. Notre pays avait fait mutation intellectuelle et psychologique, voire sa psychanalyse.

Ainsi, de manière unilatérale, la France se positionnera très au-delà de l’éventuel seuil de 30 % européen. Elle atteindra probablement 35 % ou 36 %.

Cela dit, il est vrai que l’Europe doit parler d’une même voix. N’oubliez pas que plus de la moitié des pays européens n’ont pas respecté le protocole de Kyoto, ce qui rend la situation difficile.

M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin, pour la réplique.

M. Christian Gaudin. Je souhaite que l’Union européenne puisse devenir un leader crédible de la lutte contre le réchauffement climatique, notamment en mettant en œuvre, comme vous l’avez rappelé, un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, afin de pouvoir s’affranchir, au niveau international, de l’immobilisme politique des grandes puissances, et de commencer à œuvrer concrètement dans la lutte contre le réchauffement climatique.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous nous retrouvons plus d’un mois après la fin de la conférence de Copenhague. Si l’intérêt des médias décroît, drame de Haïti oblige, force est de constater que l’urgence climatique demeure d’actualité.

Cette urgence nous impose de ne pas nous abriter derrière l’échec de cette conférence pour rester les bras croisés : si ces négociations ont capoté, c’est surtout parce que le club des pays industrialisés a refusé de reconnaître et d’honorer sa dette écologique à l’égard du reste de la planète. Face à la Chine et aux États-Unis, l’Europe n’a pas su ou voulu assumer le leadership que l’humanité pouvait attendre.

La majeure partie des habitants du monde affichent des émissions encore inférieures à un niveau « soutenable », soit moins de deux tonnes de CO2 par an, tout simplement parce qu’ils sont pauvres.

L’actuel dérèglement climatique, qui entraîne sécheresses, ouragans, notamment, doit donc être inscrit au passif des pays du Nord, qui polluent l’atmosphère depuis plus de 150 ans. Gardons à l’esprit que les gaz que nous avons émis demeurent toujours.

Monsieur le ministre d’État, je souhaite vous poser deux questions.

Tout d’abord, le gouvernement français est-il prêt à reprendre et à défendre lors du prochain Conseil européen, avec toute la volonté politique requise, la résolution adoptée par le Parlement européen le 25 novembre 2009, qui fixe, d’une part, un objectif de réduction des gaz à effet de serre émis par l’Union européenne de 40 % d’ici à 2020 et, d’autre part, des transferts massifs de moyens financiers vers les pays du Sud – 30 milliards d’euros par an – pour les aider à financer des systèmes écologiques plus respectueux de l’environnement ?

Par ailleurs, pour être un tant soit peu crédible vis-à-vis de ses partenaires européens et pour commencer d’honorer sa propre dette écologique, quel effort budgétaire spécifique la France est-elle prête à engager dans le cadre de la prochaine modification budgétaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. J’ai beaucoup de mal à comprendre ce principe de flagellation permanente, contraire à la mobilisation que vous souhaitez. Ce n’est pas parce que vous répéterez dix fois que Copenhague a échoué ou que la position européenne était mauvaise que cela deviendra un début de vérité !

Monsieur Muller, la France, tout d'abord, respecte le protocole de Kyoto, ce que font très peu de pays. Ensuite, elle s’est dotée d’un ensemble législatif et fiscal…

Mme Nicole Bricq. Pas fiscal !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. … qui lui permet d’enregistrer aujourd'hui la plus importante baisse des émissions de gaz à effet de serre en Europe.

Enfin, la France a affirmé qu’elle voulait aller plus loin, et qu’elle en était capable. C’est elle qui a proposé le plan « justice-climat » entre les pays du Nord et ceux du Sud, c'est-à-dire une aide annuelle de dix milliards d'euros, qui sera portée graduellement à cent milliards d'euros en 2020, donc bien au-delà des trente milliards d'euros que vous évoquiez. Qui a imaginé le plan « énergies renouvelables-forêts » au profit des pays africains, du Bangladesh, du Cambodge et du Laos ? C’est la France !

Monsieur Muller, je comprends et respecte parfaitement les mouvements internes à notre pays. Toutefois, j’attire votre attention sur un point : attention à ne pas devenir le porte-parole de « l’à-quoi-bonisme », cette attitude qui consiste à se demander à quoi bon agir puisque les autres ne font pas le nécessaire, ne respectent pas les engagements, ne sont pas conscients de l’enjeu.

Monsieur Muller, je ne mets absolument pas en doute vos intentions : je sais que vous êtes un passionné de cette cause. Mais attention : nous devons conserver à celle-ci un peu de sa magie. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nicole Bricq. Mais il n'y a pas de magicien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sauf nous, peut-être ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour la réplique.

M. Jacques Muller. Monsieur le ministre d’État, je ne veux rien moins que faire de l’autoflagellation ! Si Copenhague a échoué, me semble-t-il, c’est justement parce que, au-delà des discours, nous ne nous sommes pas engagés concrètement, à la hauteur des enjeux.

En matière de dette écologique, je me suis amusé à réaliser un petit calcul. Voilà tout de même quelque cent cinquante ans que nous rejetons des gaz à effet de serre. Toutefois, si nous prenons simplement en compte les émissions produites depuis vingt ans, soit depuis 1990, car c’est à partir de cette date que l’on a commencé à les comptabiliser, il apparaît que la France a rejeté, selon les chiffres officiels, 7,4 milliards de tonnes de carbone, soit environ 370 millions de tonnes par an.

Si nous convertissons ces quantités en euros, en retenant le chiffre de la feue taxe carbone « Sarkozy », c'est-à-dire 17 euros par tonne, nous obtenons, pour la seule France, un total de 126 milliards d'euros en vingt ans, soit 6,3 milliards d'euros par an.

Monsieur le ministre d’État, très concrètement, êtes-vous prêt, à l'occasion du prochain collectif budgétaire, à augmenter de 6,3 milliards d'euros …

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Muller !

M. Jacques Muller. … l’aide publique au développement (Murmures désapprobateurs sur les travées de lUMP et de lUnion centriste), alors que nous ne respectons toujours pas aujourd'hui les objectifs que nous nous sommes fixés en la matière ?

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le ministre d’État, je tiens tout d’abord à saluer l’engagement diplomatique de la France dans la préparation de la conférence de Copenhague. Réunir les représentants de 193 pays, dont 130 chefs d’État, pour maîtriser les conséquences de l’activité humaine sur l’environnement de notre planète constitue, en soi, un événement d’une importance exceptionnelle, qu’il convient de souligner.

J’estime ensuite que ce Sommet doit être appréhendé comme une étape dans un long processus. En effet, le nouvel ordre environnemental mondial que l’Union européenne a voulu mettre en œuvre à travers l’après-Kyoto est une tâche si ardue qu’elle nécessitera d’autres Copenhague, autant de rendez-vous qu’il faudra aborder en considérant que, si les pôles de décisions se sont déplacés, l’Union européenne devra toujours jouer un rôle clef.

N’oublions pas que, si nous n’avons certes pu obtenir un traité, nous avons suscité une prise de conscience planétaire !

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre d’État, que vous puissiez nous préciser quelle part la France entend prendre dans la mise en œuvre de deux dispositions qui me semblent essentielles à l'échelle communautaire.

Premièrement, bien que l’énergie ait joué un rôle moteur dans les débuts de la construction européenne, on déplore encore aujourd’hui trop de différences entre les politiques énergétiques des États membres, et cela malgré les objectifs fixés par le Conseil européen de mars 2007.

Or nous ne pourrons faire longtemps l’économie d’une politique énergétique commune. Quels efforts peuvent donc être entrepris pour obtenir davantage de cohérence et d’harmonisation dans ce domaine ?

Deuxièmement, afin d’éviter à nos entreprises de subir une distorsion de concurrence par rapport aux firmes situées hors de la zone européenne, l’Union européenne ne devrait pas hésiter à recourir, sans pour autant glisser vers une attitude trop protectionniste, aux dispositions de l’article XX du GATT, l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui permettraient à un pays d’instaurer …

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean Bizet. … un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, afin d’inciter l’ensemble de la communauté internationale à s’engager dans une démarche vertueuse au regard de l’environnement.

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Monsieur le sénateur, vous avez abordé deux aspects du problème.

Votre question porte tout d'abord sur la politique énergétique commune. Celle-ci est en marche, même s’il s'agit d’un processus difficile. Toutefois, vous savez que notre pays est attentif à ce que cette démarche ne se fasse pas au détriment du modèle français, qui est relativement intégré.

En effet, je me méfie comme de la peste de l’uniformisation des démantèlements européens ou d’une forme de concurrence qui, vous le savez, susciterait des augmentations de tarifs ou une faiblesse de l’investissement, ou du moins risquerait de le faire.

Je suis donc favorable à la mise en place d’un marché harmonisé et surtout à la création de capacités de transport communes et réversibles entre l’est et l’ouest du continent, mais, de grâce, restons prudents quant aux modalités de ce processus !

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué également le mécanisme d’inclusion carbone. Celui-ci est incontournable. Nous ne pouvons pas, d'une part, attribuer une valeur au carbone, lancer un « signal prix », demander à nos industriels de réduire leurs émissions par l’application de quotas, et, d'autre part, accepter que des mécanismes similaires ne soient pas appliqués dans d’autres parties du monde, parfois aux mêmes entreprises internationales.

Autrement dit, si un grand groupe sidérurgique possède des usines à la fois en occident, où s’appliquent des quotas, et en extrême-orient, où aucun mécanisme semblable n’est en vigueur, ses investissements se dirigeront naturellement vers cette dernière région, et nous observerons ce que nous appelons une « fuite de carbone », c'est-à-dire des délocalisations.

D'ailleurs, comme vous l’aurez noté, monsieur Bizet, de façon étrange – ou, plus exactement, selon une logique subtile –, ceux qui sont opposés à l’inclusion carbone, qui permet au fond une concurrence loyale, …

M. le président. Plus que quelques secondes, monsieur le ministre d’État…

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. … le sont également aux efforts de réduction de gaz à effet de serre, parce qu’un tel mécanisme est précisément ce qui rend possibles ces derniers !

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.

M. Jean Bizet. Monsieur le ministre d’État, je voudrais saluer votre engagement, votre talent et votre perception de ce dossier (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste), car tous nos problèmes en la matière se résument en effet à ces distorsions de concurrence. La transition comportementale, que nous peinons, quelle que soit notre sensibilité politique, à faire comprendre à nos concitoyens devra précisément impliquer l’ensemble des industries du monde.

Je dois dire que les négociations menées sur ce sujet à l’OMC sont très lentes. Or, plus elles avanceront, et plus la cause de l’environnement progressera dans notre pays.

M. le président. Nous avons le temps d’aborder une dernière question. Je donne donc la parole à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le ministre d’État, que l’on considère Copenhague comme un demi-succès ou comme un demi-échec, notre déception est à la hauteur des attentes qu’avait suscitées la préparation de ce Sommet.

Il est temps de tenir un langage de vérité sur l’environnement, me semble-t-il : les négociations internationales sur le climat mettent en jeu des intérêts nationaux, qui peuvent paraître négligeables au regard du temps long et à l’échelle de la planète, mais que les négociateurs ne sont pas prêts à sacrifier à court et à moyen terme.

Si notre pays considère qu’une politique ambitieuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre est incontournable et nécessaire, comme je le crois, il doit cesser de délocaliser ses pollutions et consentir aux efforts de mise en valeur de ses propres ressources.

En dehors de tout accord global et juridiquement contraignant à l’issue de Copenhague, et alors que le marché des quotas de C02 n’est pas sérieusement régulé, que fait la France, en tant qu’acteur important de l’Union européenne, pour s’opposer aux importations de produits fabriqués et acheminés dans des conditions plus défavorables, en termes de bilan carbone, qu’ils ne le seraient en Europe, hormis, je vous l’accorde, monsieur le ministre d’État, défendre les engagements d’aide que vous avez cités ? Et que fait-elle sur son propre territoire ?

Je pense en particulier à l’engagement du Président de la République de tripler le tarif d’achat de l’électricité produite à partir de la biomasse. Cet objectif s’est traduit par un arrêté tarifaire qui pose des conditions si restrictives, notamment une puissance électrique minimale de 5 mégawatts, que, dans la pratique, la plupart des entreprises concernées, qui sont pourtant proches des ressources du terrain et les mieux à même de mettre en œuvre des réseaux de chaleur et d’électricité de proximité favorisant le développement local, perdent le bénéfice de cette annonce, qui est dès lors réservé aux seuls grands groupes des secteurs du papier ou de la chimie !

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Madame la sénatrice, vous avez posé deux questions.

J’aborderai tout d'abord les négociations internationales. Je le répète, Copenhague constitue une étape sur le chemin du post-Kyoto. Le week-end dernier, les représentants des grands pays émergents réunis à New Delhi ont déclaré qu’ils soutiendraient et amplifieraient Copenhague.

Dans trois jours, à Addis-Abeba, cinquante-quatre pays africains, menés, vous le savez, par le Premier ministre éthiopien, M. Meles Zenawi, et le ministre de l’environnement algérien, M. Chérif Rahmani, demanderont, du moins je le pense, que le processus de Copenhague soit confirmé et amplifié.

Ainsi, en quelques semaines, avant le 31 janvier prochain, les pays souhaitant confirmer, soutenir et amplifier Copenhague seront passés de 28 à 130 ou 140 ! Notre problème, à présent, est d’engager des actions concrètes et de mettre en œuvre, notamment, le plan « justice-climat ».

J’en viens à la politique que nous menons dans le cadre national. Je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir évoqué brièvement la biomasse. Vous le savez, nous avons élaboré un plan ambitieux en la matière. La semaine dernière, nous avons d'ailleurs sélectionné, dans le cadre d’un appel d’offres, trente-deux centrales de biomasse.

Le point particulier que vous évoquez fait partie de nos contradictions, et celles-ci sont habituelles en pareille matière : nous devons concilier le développement de la biomasse avec les dispositions du plan « santé-environnement » relatives aux particules.

Vous le savez, les entreprises qui produisent plus de 5 mégawatts, et qui bénéficient donc de tarifs plus élevés, puisque ceux-ci ont été triplés conformément aux engagements, possèdent des filtres à particules. En dessous de ce seuil, elles n’en disposent pas. Or, pour l’instant, nous ne souhaitons pas un développement massif de la biomasse produite sans filtres à particules. Ce point fait partie des difficultés que nous rencontrons, mais j’espère que nous surmonterons bientôt cette contradiction.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour la réplique.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre d’État, nous pourrions en effet considérer que le demi-échec de Copenhague n’empêchera pas d’arriver un jour à un traité global.

Toutefois, ce qui est certain, c’est que l’idée que l’on puisse fixer un prix mondial pour le carbone a reculé à Copenhague. Nous sommes donc au pied du mur, et nous attendons des États, et surtout de l’Union européenne, qu’ils fixent un cadre aux agents économiques privés, qu’il s’agisse des entreprises ou des ménages, pour que ceux-ci s’organisent en vue de la transition énergétique.

Or, depuis les années 1990, l’Union européenne a tout misé sur le marché du carbone, puisqu’elle a refusé en son temps une taxation européenne de ces émissions.

Dès lors, soit nous continuons de privilégier le marché, et alors donnons-nous les moyens de le réguler et de le superviser, soit, et cette idée revient aujourd'hui en force, nous nous dotons d’une fiscalité – je n’évoque pas la taxe aux frontières, qui constitue un mécanisme de protection –, ce qui suppose que les États membres de l’Union européenne soient unanimes, et donc que nous soyons capables de convaincre !

En tout cas, nous devrons accomplir ce travail, d’autant qu’il nous faudra, à partir de 2012, fixer les enchères pour le marché des quotas, car, à 13 euros la tonne, celui-ci ne peut fixer le prix du carbone ni à l'échelle de l’Europe ni à celle du monde !

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles consacrées au thème de l’après-Copenhague.

Monsieur le ministre d’État, je vous remercie des réponses que vous avez apportées au Sénat cet après-midi sur une question dont nous aurons à débattre de nouveau au cours des prochains mois.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Rappel au règlement (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Article 1er (début)

Réforme des collectivités territoriales

Suite de la discussion d'un projet de loi

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l'article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de réforme des collectivités territoriales
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, sur l'article.

M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par exprimer l’étonnement, sinon le regret, que, sur un projet de loi aussi important que celui-ci, qui réforme toute l’organisation territoriale de la République, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ne soit pas présent. Je trouve cette absence pour le moins incongrue. (Exclamations sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Nicolas About. On a le meilleur avec Michel Mercier !

M. Guy Fischer. M. Mercier ne suffit pas !