M. Claude Bérit-Débat. Tant M. Maurey que M. Jacques Blanc semblent découvrir aujourd’hui que la majorité a défendu et voté hier la création des conseillers territoriaux sans rien savoir de leur mode d’élection ni de leur nombre.

Plusieurs de nos collègues, en particulier Claude Domeizel hier soir et, à l’instant, M. Jacques Blanc, ont cherché à savoir combien de conseillers compteraient leur département et leur région si chaque département était assuré de disposer d’un nombre minimum de conseillers, et, dans ce cas, combien de conseillers seraient élus dans les départements les plus importants, notamment dans les Bouches-du-Rhône. On nous maintient dans le flou, voire dans la fumée.

La semaine dernière, lorsque nous avons demandé combien seraient les conseillers territoriaux et quelles dispositions étaient envisagées pour assurer l’égalité entre les territoires et entre les Français, il nous a été répondu que ce n’était pas le sujet et que de telles questions seraient examinées ultérieurement. Et voilà que M. Mercier explique à présent à M. Jacques Blanc que, conformément aux engagements pris par M. Alain Marleix au congrès des élus de la montagne, les conseillers territoriaux seront quinze par département !

M. Bernard Frimat. Il a dit : quinze ou vingt !

M. Claude Bérit-Débat. Nous n’y comprenons plus rien ! Et d’ailleurs, pourquoi quinze ? Pourquoi pas vingt ?

Pour notre part, comme nous en avons déjà formulé la demande auprès de M. Marleix, nous souhaiterions disposer de simulations qui tiennent compte d’un plancher et d’un plafond du nombre possible de conseillers territoriaux.

M. Bernard Frimat. Elles sont déjà faites ! Simplement, on ne nous les montre pas !

M. Claude Bérit-Débat. Il semble que certains sénateurs ou députés aient pu en consulter ; ce n’est pas notre cas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a que le Gouvernement qui les a !

M. Claude Bérit-Débat. Nous ne voterons pas cet amendement tant qu’il n’y aura pas de transparence totale sur les conséquences de la création des conseillers territoriaux, sur les conditions de la mise en œuvre du dispositif sur le terrain et, au-delà, sur les problèmes constitutionnels susceptibles de se poser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, je pense qu’il faudrait tout de même ordonner un peu nos débats.

Je ne comprends pas pourquoi certains continuent d’expliquer leur vote sur l’amendement n° 483 rectifié alors que M. Jacques Blanc vient de le retirer ! Pour l’instant, nous devons nous prononcer sur l’amendement n° 116, qui vise à supprimer les deuxième et troisième alinéas de l’article 1er.

Quarante-huit de nos collègues se sont déjà exprimés sur l’article 1er pour dire tout le mal qu’ils pensaient du conseiller territorial.

M. Bruno Sido. Cinquante et un !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quarante-huit sur les cinquante et un qui s’étaient inscrits, monsieur Sido !

Il ne me paraît plus convenable de retarder à ce point nos travaux ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Veuillez m’excuser, mes chers collègues, mais vous n’avez pas à expliquer votre vote sur un amendement que son auteur vient de retirer ! Sinon, il n’y a plus aucune organisation des débats.

M. Jacques Blanc. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par ailleurs, je suis tout de même quelque peu surpris des arguments que vous utilisez, mes chers collègues.

En effet, le conseiller territorial, dont la majorité sénatoriale accepte le principe, ne pourra exister que si nous tombons d’accord sur le nombre d’élus et le mode d’élection,…

M. Nicolas About. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … c’est-à-dire si, sur ces points, une majorité se dégage au Parlement.

Mme Jacqueline Gourault. C’est bien de le dire !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Aussi, je le dis : si cette condition n’est pas remplie, le conseiller territorial ne pourra pas être institué ! De la même façon, la création des conseillers régionaux, qui a été décidée en 1982, n’aurait jamais pu entrer dans les faits si le Parlement n’avait pas adopté en 1985 une loi fixant leur mode d’élection.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par conséquent, il est inutile de continuer ce débat !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous aurons une telle discussion sur le fond, en reprenant les principes de représentation qui ont été définis – ils sont importants –, lorsque nous examinerons le texte sur le mode d’élection des conseillers territoriaux.

Même si cela amuse certains, il est totalement illogique de poursuivre aujourd’hui le débat sur cette question, puisque, je le répète, sans accord sur les conditions de la mise en œuvre effective des dispositions que nous adoptons, le conseiller territorial ne sera pas institué.

Je comprends fort bien que d’aucuns veuillent faire de l’opposition. Pour notre part, nous sommes favorables à la création du conseiller territorial, qui nous semble de nature à rapprocher les élus des citoyens. Bien entendu, cela suppose une redéfinition des compétences respectives des collectivités territoriales.

M. Jean-François Voguet. Justement ! Nous n’avons aucune information à ce sujet !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Une loi portera spécifiquement sur les compétences des différentes collectivités ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vos propos démontrent l’absurdité du système, monsieur Hyest !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous pouvez choisir de prendre le problème à l’envers, ma chère collègue !

M. Jean-François Voguet. C’est exactement ce que vous faites !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour ma part, je préfère la cohérence.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes totalement incohérent !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! Vous aurez tout le temps de vous exprimer sur le mode de scrutin.

Je le répète, c’est ainsi que le conseiller régional a été institué : le principe de sa création avait été acté dans une loi de 1982, mais il a fallu attendre trois ans pour décider de son mode d’élection, et les premières élections régionales ont eu lieu en 1986.

M. René-Pierre Signé. Mais, à l’époque, le conseiller régional ne se substituait à personne ! Là, vous procédez à une substitution !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce qui était vrai hier doit pouvoir l’être aujourd’hui ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je vous rappelle que le Sénat est amené à se prononcer sur les amendements nos 116 et 119.

La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Je souhaitais expliquer mon vote sur l’amendement n° 483 rectifié, mais, celui-ci ayant été retiré, je m’exprimerai sur l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Sans revenir sur l’amendement n° 483 rectifié, je voudrais souligner un point.

M. Jacques Blanc est un élu avisé, dont les interventions sont généralement pertinentes. (Protestations sur les travées de lUMP.) Aussi, je m’étonne qu’il pose aujourd’hui une question…

M. Bruno Sido. Il ne la pose plus, puisqu’il a retiré son amendement !

M. François Fortassin. … à laquelle la plupart des membres de l’opposition connaissent la réponse depuis quatre mois ! Peut-être voulait-il simplement organiser un débat « lozéro-lozérien », certainement fort utile pour son département ?

Mes chers collègues, cessez de reprocher à l’opposition d’allonger les débats ! (Rires sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Bruno Sido. C’est un peu facile !

M. François Fortassin. Pour en revenir au texte qui nous est soumis, je dois dire que j’en déplore l’incohérence.

Monsieur le ministre, quelque dispositif que vous nous proposiez, une nécessité au moins s’imposera toujours à vous : que puissent fonctionner à la fois les conseils généraux et le conseil régional. Or chaque département, dites-vous, comptera au moins quinze conseillers territoriaux : une commune de 501 habitants a déjà quinze conseillers municipaux, et vous nous proposez le même nombre d’élus pour un département de 200 000 habitants ? Qui plus est, l’assemblée régionale, avec ses 200 ou 250 élus, sera pléthorique ! Comment cela pourrait-il fonctionner ? Ce n’est pas réaliste !

M. François Fortassin. Il existait pourtant une solution relativement simple : il suffisait de décider qu’un tiers des conseillers généraux seraient désignés à la proportionnelle pour aller siéger au conseil régional. Certains sénateurs auraient été d’accord, d’autres non, mais, au moins, le dispositif aurait été cohérent !

En l’occurrence, vous nous servez un mauvais brouet pour faire en sorte que le système ne fonctionne pas. Vous aurez ensuite beau jeu, une fois l’échec du dispositif constaté, de dire qu’il faut supprimer un échelon ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Blanc. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, je ne crois pas que la majorité sénatoriale ait abusé du temps de parole dont elle dispose. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. René-Pierre Signé. Ça commence !

M. Jacques Blanc. Par conséquent, vous me permettrez tout de même de m’exprimer.

Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 36 et 49.

Monsieur Sueur, vous n’avez pas l’habitude d’être aussi méprisant…

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne l’ai pas été !

M. Jacques Blanc. … que vos paroles de tout à l’heure le laissent supposer. Je vous demande donc de retirer ces propos.

Par ailleurs, monsieur Fortassin, il est légitime qu’un élu enraciné dans un territoire de montagne – c’est votre cas, c’est également le mien – demande un certain nombre de précisions. Or le Gouvernement les a apportées ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ayant ainsi retrouvé la sérénité, nous pouvons à présent voter sainement.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre amendement n° 116, qui vise à supprimer les deuxième et troisième alinéas de l’article 1er, est très utile.

Nos débats prennent un tour grotesque ! Chacun vient, en quelque sorte, faire son marché ! D’abord, M. About formule diverses demandes en matière de mode de scrutin.

M. Nicolas About. Selon vous, défendre ses principes, c’est « faire son marché » ? Vouloir garantir le respect de la parité, c’est « faire son marché » ? Quelle honte !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Puis M. Jacques Blanc nous explique qu’il lui faudrait au moins quinze conseillers territoriaux pour sa Lozère. Je pourrais tout aussi bien demander combien il y en aura dans mon département, la Loire, ou en Isère, ou dans l’Allier… Où est l’intérêt général dans ces considérations ?

Monsieur le ministre, nous vous avons interrogé sur le nombre d’élus, puisque nous savons bien qu’il y aura un plafond. Vous envisagez de diviser par deux le nombre d’élus, puisque les conseillers territoriaux seraient 3 000, contre 6 000 conseillers généraux et régionaux aujourd’hui. Si l’on fixe un plancher de quinze conseillers territoriaux pour les départements ruraux, combien y en aura-t-il dans les autres départements ? C’est tout de même une véritable question, monsieur le ministre ! Or vous n’y répondez pas.

Nous devrions voter d’abord et obtenir des réponses ensuite. Excusez-moi, mais il me paraît très difficile de vous accorder un tel blanc-seing ! Aussi, je considère qu’il est essentiel que la création des conseillers territoriaux soit reportée et que l’article 1er soit retiré du présent projet de loi.

M. Nicolas About. Et vous, vous ne faites pas votre marché ? Quand on lit les amendements de votre groupe, ce sont même les quatre-saisons !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous en prie, monsieur Nicolas About ! Les remarques personnelles, ça suffit !

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.

M. Gérard Collomb. Je n’abuserai pas de mon temps de parole. Cependant, nos débats tournent autour d’un sujet extrêmement important, sur lequel, à mon avis, l’attention du Conseil constitutionnel sera inévitablement fortement attirée : il s’agit du rapport entre les territoires et la démographie.

M. Nicolas About. Bien sûr !

M. Gérard Collomb. Ce point central sera le fil rouge du présent projet de loi.

Monsieur le ministre, vous nous invitez à examiner les disparités qui existent entre les cantons. Mais, vous le savez bien, cette situation est le produit d’une longue histoire qui, justement, s’achève avec ce texte.

Nous demandons qu’au sein d’une même région chaque canton compte à peu près la même population. Des disparités, même importantes, entre les cantons du Nord et ceux des Bouches-du-Rhône n’offusqueront personne. En revanche, je ne crois pas que le Conseil constitutionnel accepterait un découpage par lequel un conseiller territorial représenterait dix fois plus d’habitants qu’un autre conseiller territorial de la même région. En d’autres termes, il faudra forcément appliquer en la matière une logique d’échelle, une logique encadrée, d’autant qu’un problème similaire se pose à l’article 3. Il faudra bien que vous nous apportiez des clarifications à cet égard !

M. Nicolas About. Bien sûr !

M. Gérard Collomb. En outre, il vous faudra préciser avant la fin de cette première lecture du projet de loi par le Sénat les modalités d’élection des conseillers territoriaux. S’agira-t-il d’un scrutin à un tour ? à deux tours ?

En cas de saisine du Conseil constitutionnel, les Sages se montreront peut-être magnanimes s’il y a une ambiguïté, ils y seront moins enclins s’il y en a deux, et, au-delà, ils considéreront certainement que le législateur ne sait même pas ce qu’il a voté et retoqueront le texte. Par conséquent, si nous voulons qu’il puisse être validé, nous avons intérêt à clarifier le plus possible le dispositif au cours de nos débats.

Je rappelle que plusieurs dispositions de la loi sur la coopération intercommunale, défendue par M. Jean-Pierre Chevènement, auraient pu être remises en cause ; pourtant, à l’époque, personne n’avait saisi le Conseil constitutionnel. Aujourd’hui, en l’absence de consensus politique qui, au-delà de l’aspect strictement juridique, mettrait en lumière les convergences entre les uns et les autres, le présent projet de loi lui sera probablement soumis.

Il me paraît donc indispensable, monsieur le ministre, que, dans la discussion, vous précisiez ces deux points.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite revenir sur les arguments développés par M. le ministre et par M. le président de la commission des lois.

M. Mercier a rappelé qu’il existait de grandes différences démographiques entre les cantons d’un même département, le Var battant probablement tous les records. Nous souhaitons tous que ce découpage soit revu, d’autant qu’il serait extrêmement simple de parvenir à un meilleur équilibre dans chaque département, voire dans chaque région.

M. Michel Mercier, ministre. Si c’était si simple, ce serait fait depuis longtemps !

M. Pierre-Yves Collombat. Le problème, encore une fois, et vous le savez parfaitement, c’est de réaliser un découpage qui soit équilibré à la fois pour le département et pour la région.

Comment ferez-vous dans une région comme la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ? Y aura-t-il quinze conseillers territoriaux aussi bien pour les Alpes-de-Haute-Provence ou les Hautes-Alpes, ces dernières comptant environ 135 000 habitants, que pour les Bouches-du-Rhône, qui en comptent plus de 1 900 000 ? Le rapport démographique est pourtant de 1 à plus de 14 !

Le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, observe qu’il est déjà arrivé que de tels découpages soient réalisés : en 1981, en 1985…

Je ne doute pas que vous vous accorderez avec les centristes sur un mode de scrutin mixte, à la fois proportionnel et majoritaire. Néanmoins, à ce problème d’arbitrage politique s’ajoute une difficulté technique.

Comment les Alpes-de-Haute-Provence, ou les Hautes-Alpes, pourront-elles être représentées par 15 conseillers territoriaux si vous ne voulez pas que le conseil régional en compte entre 330 et 440 ? Comment justifierez-vous que les Alpes-de-Haute-Provence, ou les Hautes-Alpes, aient 15 conseillers et que le Vaucluse seulement 25  ou 30, alors que ce dernier département est cinq fois plus peuplé que les deux précédents ? Ce n’est pas seulement un problème de choix politique, c’est un vrai problème technique, lié au fait que l’on prévoit d’élire des personnes qui siégeront dans deux assemblées différentes.

Mon cher Jacques Blanc, je suis évidemment tout à fait d’accord avec vous : les territoires ruraux doivent avoir une représentation minimum. Mais comment pouvez-vous être rassuré par de telles dispositions ?

Pour ma part, je crains que les élus ruraux de la majorité ne votent une disposition qui n’est qu’un « bidouillage » et que le Conseil constitutionnel invalidera !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce serait pourtant une grande victoire pour vous !

M. Pierre-Yves Collombat. Le Gouvernement s’abritera ensuite derrière le Conseil constitutionnel pour revenir sur la représentation minimum de 15 conseillers. J’attire l’attention des élus ruraux sur ce point.

Ils sont rassurés maintenant, ils risquent de l’être moins dans quelque temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Nous essayons d’être le plus clairs possible dans nos explications de vote sur les deux amendements déposés par Nicole Borvo Cohen-Seat et son groupe.

Ces amendements portent sur la composition du conseil général et du conseil régional. Le texte dont nous débattons aujourd’hui, Gérard Collomb et Pierre-Yves Collombat viennent de le démontrer, instaure une liaison entre les élus du conseil général et les élus du conseil régional.

Depuis que les projets de loi ont été déposés, nous demandons des explications et des clarifications, que ce soit pendant les auditions publiques, en commission ou, maintenant, à l’occasion de nos débats. Nous ne les avons jamais obtenues.

N’essayez pas, monsieur le ministre, de nous faire croire que vos ordinateurs n’ont pas tourné, que vous ne savez pas où vous allez et que vous créez le conseiller territorial à l’aveuglette ! Ayez un minimum de respect pour la représentation parlementaire et, au-delà d’elle, pour les citoyens !

Bien évidemment, nous souhaitons tous que les départements comptent suffisamment de conseillers généraux pour être bien administrés. Cependant, trouvez-vous cohérent de réduire la représentation départementale – car vous la réduisez dans tous les départements de France ! – alors que vous donnez plus de tâches aux élus des départements ? Espérez-vous sérieusement, en agissant de la sorte, que les départements seront mieux administrés qu’ils ne le sont aujourd’hui ?

Les départements ruraux, demain, auront moins d’élus. Pourtant, ces derniers devront assurer un travail plus important. Est-ce cohérent ?

Par ailleurs, comment réaliserez-vous le raccord ? Comment respecterez-vous le principe d’égalité des suffrages ? Vous savez parfaitement que vous n’y parviendrez pas, et c’est bien pour cette raison que vous ne nous communiquez pas les éléments statistiques qui sont en votre possession !

M. Alain Marleix, dont nous avons eu le loisir d’apprécier l’humour, a affirmé qu’il ne pouvait nous communiquer les chiffres parce que MM. Vaillant et Jospin ont fait réaliser des recensements glissants. Aujourd’hui, nous disposons des chiffres du recensement de 2007. Il va donc falloir trouver une autre explication !

Vos conseillers peuvent bien vous transmettre avec frénésie des petits papiers pour vous aider à démontrer que demain sera bien mieux qu’hier, nous, ce que nous voulons, c’est un minimum de clarté et d’explications !

Si vous n’êtes pas perturbé par la mise en place des conseillers territoriaux, si vous savez où vous allez, pourquoi ne pas nous dire en quoi c’est une mesure intelligente ? Expliquez-nous comment vous comptez vous y prendre dans l’ensemble des régions, notamment en Provence-Alpes-Côte d’Azur ! Dites-nous comment les choses s’organiseront et combien il y aura de conseillers, monsieur Mercier ! Ce n’est pas un domaine où règne le secret-défense ! Or vous nous dévoilez les choses petit bout par petit bout, vous nous demandez de voter d’abord et de comprendre après.

Mme Jacqueline Gourault disait hier qu’elle ne voulait pas se faire avoir à la sortie.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne veut pas se faire avoir !

M. Bernard Frimat. Nous, ce que nous demandons, c’est d’être éclairés à l’entrée !

Monsieur le ministre, où allons-nous ? Quelles sont vos intentions ? Pourquoi un tel silence radio ?

Un plancher sera peut-être créé, mais y aura-t-il un plafond ? Nous ne le savons pas.

Mon collègue l’a souligné, le Conseil constitutionnel ne vous permettra pas de fouler aux pieds le principe fondamental de l’égalité du suffrage dans des circonscriptions que vous continuez d’appeler des cantons, mais qui n’auront rien de commun avec les cantons d’aujourd’hui. Il vous faudra donc trouver une autre dénomination ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Je souhaite, sans agressivité et en toute cordialité, répondre à M. le président de la commission des lois.

L’enjeu de l’article 1er du projet de loi justifie amplement le nombre important des interventions des sénateurs de l’opposition.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ça recommence comme hier !

M. Yves Daudigny. Les dispositions qui sont envisagées ne sont pas anodines, et vous le savez bien, mes chers collègues ! Elles touchent à la vie démocratique de demain dans nos territoires ainsi qu’à la qualité et au volume des services et des équipements publics de nos communes, de nos villes.

Par ailleurs, il est tout de même un peu fort d’accuser l’opposition de nuire à la clarté des débats. Vous nous présentez cet article 1er, qui est un squelette contenant deux fois l’expression « conseillers territoriaux », sans qu’aucune explication nous soit fournie !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous n’avez rien compris, ce n’est pas un squelette, c’est une colonne vertébrale !

M. Yves Daudigny. Cet article 1er est immédiatement suivi du chapitre II, qui traite déjà de l’élection et de la composition des conseils communautaires. C’est donc bien sur un squelette que vous nous demandez de voter, et depuis des semaines vous nous répétez que nous verrons par la suite les détails du costume dont nous l’habillerons.

Or, depuis quelques jours, des amendements sont déposés au hasard des débats, des accords politiques entre tel et tel groupe ou des situations géographiques particulières. Certains de ces amendements sont votés, d’autres ne le sont pas. Certains sont rejetés, d’autres sont retirés. Pourtant, tous portent sur ces détails. C’est totalement incohérent !

La seule solution est donc de suivre l’exemple de notre collègue Philippe Adnot, membre de la majorité présidentielle, qui a affirmé hier qu’il ne votera pas l’article 1er. Nous devons l’entendre et reprendre la discussion sur une base de sagesse et de bon sens afin de dégager des consensus, en particulier sur le redécoupage des cantons, point qui a été évoqué à de nombreuses reprises au cours de nos discussions. Un accord peut être trouvé. N’oublions pas que l’Assemblée des départements de France s’est exprimée plusieurs fois sur la nécessité de revoir les périmètres des cantons si nous voulons conserver un scrutin uninominal.

Suivons ce conseil de modération et de sagesse, et reprenons la discussion. Mes chers collègues, ne votons pas l’article 1er de ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous recherchons la vérité : puisque le Parlement a voté il y a peu une loi « anti-cagoule », il est temps de l’enlever, cette cagoule !

La vérité se situe entre deux chiffres.

Vous voulez que nous votions cet article 1er portant création des conseillers territoriaux sans nous dire quel sera leur nombre et sans nous renseigner sur les futures modalités de leur élection.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous commençons à nous faire une idée du nombre des conseillers territoriaux, puisque vous avez évoqué à différentes reprises un plancher minimum d’une quinzaine d’élus par département. La France comptant une centaine de départements, cela fera 1 500 conseillers. Quant au plafond, vous nous avez indiqué qu’il fallait réduire de moitié le nombre de conseillers généraux et régionaux, ce qui le ramène à 3 000. Je n’étais pas très brillant en arithmétique, mais suffisamment pour savoir que 3 000 – 1 500 = 1 500. Il reste donc 1 500 élus à répartir entre les départements les plus peuplés !

De deux choses l’une : soit vos affirmations sont tout à fait inexactes, et il faudra tout reconsidérer, soit les départements les plus peuplés seront fortement sous-représentés dans les futurs conseils régionaux, ce qui aura des conséquences politiques parfaitement claires.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont vos intentions, quels sont vos projets, puisque vous connaissez les simulations ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

M. Claude Jeannerot. Le débat qui se développe depuis quelques instants est assez symptomatique. D’une certaine façon, il donne toute sa légitimité à l’amendement de notre collègue Jacques Blanc, même s’il a été retiré. Après tout, notre collègue soulevait une question essentielle : celle de la représentativité des territoires. Cette question fondamentale, nous le voyons bien, ne peut être désolidarisée de celle du conseiller territorial.

D’une certaine manière, l’amendement n° 483 rectifié de notre collègue Jacques Blanc apportait une confirmation aux arguments que nous avions développés hier après-midi. Nous dénoncions en effet la logique interne de ce projet de loi, qui nous conduit inéluctablement à signer un chèque en blanc – pardonnez-moi, cher collègue ! – à ce gouvernement, sans connaître les deux éléments majeurs du futur statut du conseiller territorial : son mode de désignation et, plus important encore, ses compétences. Je vous rappelle que nous créons aujourd’hui des conseillers territoriaux sans connaître précisément les compétences qu’exerceront les collectivités auxquelles ils seront rattachés.

Mes chers collègues, je crains que la difficulté que nous rencontrons cet après-midi ne soit que la première d’une longue série qui ponctuera nos débats au cours des prochains jours et dans les semaines à venir. En effet, nous avons laissé dans l’incertitude des questions qui touchent aux règles constitutives du statut du conseiller territorial. D’un certain point de vue, au tout début de ce débat,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous débattons depuis déjà plus d’une semaine !