M. Jean-Louis Carrère. 150 milliards d’euros !

M. Éric Woerth, ministre. Vous n’assumez pas votre bilan, c’est probablement ce qui vous rend furibards !

M. Jean-Louis Carrère. 150 milliards d’euros ! (M. Jean-Louis Carrère brandit un exemplaire du journal Le Monde.)

M. Éric Woerth, ministre. Le dérapage des impôts a financé le dérapage des dépenses.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. C’est pourquoi les conseils régionaux n’ont plus aujourd'hui la capacité d’exercer leurs missions. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Il vous faut conclure à présent, monsieur le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Au-delà du nombre de fonctionnaires qu’ils embauchent sans vergogne, c’est bien parce que les dépenses de fonctionnement ont dérapé que les conseils régionaux n’assument plus aujourd'hui leurs responsabilités ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Il va falloir ajouter cette intervention dans les comptes de campagne !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !

réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne un sujet qui impose un consensus républicain : je veux parler de la réforme des retraites.

Lundi s’est tenu un sommet social, qui a abouti à trois annonces. C’est déjà un début, me direz-vous !

Premièrement, le Président de la République a refusé le recours au passage en force. Nous en prenons acte, mais nous demeurons vigilants. Les réformes ne se font jamais contre les Français, mais avec eux. Plusieurs de vos prédécesseurs, monsieur le Premier ministre, l’ont appris à leurs dépens.

Deuxièmement, une volonté de dialogue a été affichée. Les radicaux de gauche, comme toutes les composantes de mon groupe, y sont disposés. Je le dis sans ambiguïté.

Troisièmement, il a été indiqué qu’un projet de loi serait déposé devant Parlement en septembre. C’est très bien.

Comme à leur habitude, les membres du groupe RDSE prendront toute leur part dans la discussion parlementaire pour parvenir à une solution responsable et équitable. Sur cette question, il n’existe pas de solution miracle et les positions dogmatiques ne sont plus tenables !

Sans entamer l’indispensable concertation qui associera le Gouvernement, les partenaires sociaux, les syndicats, les partis politiques et les parlementaires de tous les groupes, mes collègues du RDSE et moi-même estimons que les principes de réalité et de responsabilité imposent d’explorer toutes les pistes, sans tabou ni préjugé et, surtout, sans arrière-pensée ni petits calculs.

Ces pistes, les voici : sauvegarder le système par répartition, mais recourir à la capitalisation, envisager un recul de l’âge légal de départ à la retraite, indexer la durée de cotisation sur l’allongement de l’espérance de vie, placer la question de la pénibilité et de l’emploi des seniors au cœur du débat, rechercher de nouvelles sources de financement comme l’élargissement de l’assiette des cotisations ou encore l’augmentation des cotisations patronales pour que les salariés ne supportent pas seuls le poids de cette réforme.

M. Guy Fischer. Voilà ce qu’il faut faire !

M. Yvon Collin. Oui, c’est bien parce qu’il s’agit d’un enjeu national que nous sommes disposés au dialogue, dans un esprit responsable et républicain. Nous souhaitons ainsi apporter notre contribution, avant comme après le dépôt d’un projet de loi qui devra être rédigé dans la concertation.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : êtes-vous prêt à créer les conditions d’un dialogue sincère avec toutes les forces syndicales, politiques et parlementaires pour aboutir à un consensus politique sur la réforme des retraites ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je veux d’abord vous remercier de l’esprit dans lequel vous avez posé cette question. Nous avons effectivement besoin d’un consensus national sur cette question des retraites,…

M. Guy Fischer. On en reparlera !

M. François Fillon, Premier ministre. … parce que c’est un sujet qui dépasse très largement nos clivages politiques, qu’il s’inscrit dans une période de temps au cours de laquelle se succéderont sans doute plusieurs majorités, et que la plupart des grands pays modernes sont parvenus, parfois depuis longtemps, à dégager un consensus sur ce point.

Le Président de la République a exposé la méthode et le calendrier aux partenaires sociaux lundi dernier.

Nous entamerons nos travaux à partir du rapport du Conseil d’orientation des retraites, qui sera connu le 15 avril prochain et dont le principe est accepté par tous les partenaires sociaux. Une concertation s’engagera ensuite avec ces derniers.

Le Parlement, qui aura le dernier mot par son vote, sera naturellement associé, et ce dès le départ, à l’élaboration des différentes solutions. Notre objectif est de lui soumettre un texte dans le courant du mois de septembre prochain.

Toutes les pistes sont ouvertes, sauf deux que le Président de la République et moi-même avons écartées.

En premier lieu, nous ne remettrons pas en cause le système de retraite par répartition. Outre le fait que nous y sommes attachés, comme une immense majorité de Français, nous constatons qu’aucun pays n’a jamais réussi à changer radicalement de système. L’envisager relèverait de l’utopie !

En second lieu, nous ne voulons pas que le montant des pensions de retraite serve de variable d’ajustement. Là encore, une immense majorité des Français, à juste titre, ne l’accepterait pas.

Hormis ces deux pistes, nous pourrons discuter de tous les sujets. Cependant, je tiens à le souligner, nous ne devons pas cacher la vérité aux Français : dans le contexte actuel d’allongement de la durée de la vie, il n’existe pas une solution miracle qui permettrait en toute facilité d’assurer la pérennité de nos régimes de retraite.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la France n’est pas seule au monde. Il n’est pas inutile de regarder autour de nous, d’observer les autres pays européens et, sans forcément chercher à copier les solutions qu’ils ont retenues, d’identifier les grandes tendances.

Tel est l’esprit dans lequel le Gouvernement aborde cette question fondamentale de la réforme des retraites. Si nous parvenons à dégager un consensus sur ce sujet, nous aurons fait faire un grand pas à notre démocratie politique ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

avenir des chantiers de l'atlantique

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Les Chantiers de l’Atlantique STX, fleuron de notre savoir-faire industriel et véritable poumon du grand Ouest, connaissent une crise majeure, comme le démontrent les 430 000 heures de chômage technique récemment décidées.

Dans le même temps, la société STX dispose d’énormes capacités pour mettre en œuvre des diversifications pérennes.

Les ingénieurs étudient, en ce moment même, la cotation de plateformes de forage offshore pour un client émirien et développent une plateforme technologique et d’industrialisation des énergies marines renouvelables, et ce alors qu’il n’existe en France, à ce jour, aucune capacité industrielle dédiée à ces nouvelles technologies.

Sachant que le grand emprunt que nous venons de voter a déjà consacré 100 millions d’euros aux navires de demain, je veux vous questionner, monsieur le Premier ministre, sur les emplois d’aujourd’hui.

Le Président de la République, vous-même et Mme Christine Lagarde hier à l’Assemblée nationale avez souligné à de multiples reprises votre attachement à ce chantier exceptionnel, au savoir-faire unique.

Le temps des auditions de commissions ou des rapports n’est pas celui de l’urgence sociale et industrielle à laquelle nous sommes confrontés.

Aussi, pouvez-vous nous confirmer que le commissaire général à l’investissement, chargé de veiller à l’exécution du grand emprunt, M. Ricol, étudiera en priorité les dossiers qui lui seront transmis par la direction des Chantiers de l’Atlantique, concernant les énergies marines renouvelables, la construction de plateformes de forage offshore et la création d’un centre de recherche et de développement permettant d’assurer la transmission et l’enrichissement de ce savoir-faire exceptionnel ? Il est évidemment entendu que l’ensemble formation, emploi et recherche-développement constitue le triptyque gagnant ! Les deux premiers dossiers, monsieur le Premier ministre, peuvent assurer un commencement d’exécution immédiat. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur quelques travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Madame Goulet, le site de Saint-Nazaire est stratégique pour l’industrie française. La société STX, les anciens Chantiers de l’Atlantique, à laquelle sont rattachés de multiples sous-traitants, y est déterminante. On dénombre environ 7 000 emplois liés au site.

Le sujet est si important que M. le Premier ministre s’en préoccupe quotidiennement. Nous suivons de très près une commande stratégique pour le plan de charges de STX, à partir du 25 février, date à laquelle le navire actuellement en construction sera probablement prêt. C’est un dossier qui évolue, dont la négociation avance bien, et pour lequel, à la demande du Premier ministre, nous mobilisons l’ensemble des moyens financiers, notamment sous la forme de garanties de la Coface, la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur.

Mais ce n’est pas le seul volet de l’intérêt qu’a consenti l’État à ce chantier déterminant. Nous avons investi dans la société STX, à hauteur de 33 % du capital, aux côtés de l’investisseur coréen. La France a consacré plus de 100 millions d’euros à cette opération.

Nous sommes allés plus loin, dans le cadre du plan de relance, avec la construction du bâtiment de projection et de commandement, BPC, de type « Mistral », qui a absorbé plus de 400 millions d’euros et permis le maintien de la charge du chantier pendant une période difficile.

Outre la participation au capital et l’effort consenti, par le biais du plan de relance, en faveur du maintien de la charge des Chantiers de l’Atlantique, je tiens à évoquer, comme vous l’avez fait, madame Goulet, le soutien à la diversification par l’étude d’un certain nombre de techniques pouvant utiliser le savoir-faire et l’expertise uniques de ce chantier naval.

Le plan majeur proposé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2010 prévoit une enveloppe particulière de 1 milliard d’euros destinée aux véhicules du futur. Si les véhicules électriques sont concernés, d’autres véhicules le sont également, notamment dans les secteurs ferroviaire et naval.

M. René Ricol, commissaire chargé de l’exécution des stratégies d’avenir pour notre pays, aura à cœur de consacrer non seulement son attention et son énergie, mais probablement aussi des deniers publics à la diversification de STX, anciens Chantiers de l’Atlantique, pour le bien de ce site déterminant pour l’industrie française. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

sécurité dans les lycées

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

La situation à l’éducation nationale est de plus en plus préoccupante. Les récents événements sont révélateurs d’un malaise qui va bien au-delà des actes de violence eux-mêmes. Depuis plusieurs jours, la communauté éducative se mobilise et manifeste.

Monsieur le ministre, vous accusez les régions et les départements de ne pas suffisamment équiper les établissements scolaires en clôtures et en systèmes de vidéosurveillance. Certes, nous sommes en période électorale, mais je souligne que c’est faux ! La région d’Île-de-France, par exemple, consacre chaque année 5 millions d’euros à la sécurisation des lycées. Aujourd’hui, 300 de ses lycées sont équipés de systèmes de vidéosurveillance.

Mais vous savez très bien qu’on ne résoudra pas le problème de la sécurité par ces seuls équipements. Les personnels et les élèves ne demandent pas plus de caméras. Ils réclament plus de surveillants !

La réponse est de votre totale responsabilité : c’est la présence d’adultes auprès des jeunes qui doit être renforcée, tant pour la réussite éducative que pour la prévention et la sécurité. La violence reculera lorsque les élèves seront encadrés par des adultes qualifiés, en nombre suffisant. Il faut des professeurs, des éducateurs, des surveillants, des assistantes sociales, des infirmières, des psychologues. Les équipes mobiles de sécurité ne sont qu’un pis-aller.

Vous avez supprimé 11 200 postes en 2008, 13 500 en 2009 et 16 000 cette année ! Quand donc allez-vous vous arrêter ?

De plus, les professeurs en congé ne sont pas remplacés. Certaines académies se tournent vers Pôle emploi pour engager des volontaires sans qualification.

Et que dire de la réforme de la formation des maîtres ? Demain, les futurs professeurs, après leurs études universitaires, se retrouveront directement dans une classe, sans aucune formation spécifique. Vous avez supprimé l’année de formation professionnelle, simplement pour faire des économies. Or le métier d’enseignant est un métier qui s’apprend.

Vous avez annoncé des états généraux de la sécurité à l’école. Si ce n’est pas l’occasion de prendre des engagements pour renforcer les moyens humains de l’éducation nationale, ce ne sera qu’un coup médiatique de plus.

Quand donc cesserez-vous, monsieur le ministre, de supprimer des postes à l’éducation nationale et quand rétablirez-vous ceux qui font si cruellement défaut dans nos établissements scolaires ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Bodin, la sécurité de nos élèves mérite mieux qu’une polémique politicienne ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Nicolas About. Très bien !

M. Jean-Louis Carrère. Vous commencez mal !

M. Luc Chatel, ministre. Je veux rassurer les parents d’élèves : tous les jours, 13 millions d’élèves se rendent à l’école, au collège ou au lycée, fort heureusement sans difficulté.

M. Simon Sutour. Quel exploit !

M. Luc Chatel, ministre. Mais si les agressions dont nous avons entendu parler ces derniers jours sont rares, voire exceptionnelles, elles sont intolérables et doivent être condamnées avec la plus grande fermeté.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas la question !

M. Luc Chatel, ministre. Si la solution se réduisait à une question de moyens, cela se saurait !

M. David Assouline. Cela se sait !

M. Luc Chatel, ministre. Je rappelle que, depuis 2002, nous sommes passés de 9 500 à 12 000 conseillers principaux d’éducation. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Au printemps dernier, le Premier ministre a créé, pour faire face à la crise, 5 000 postes de médiateurs de réussite scolaire.

À la rentrée dernière, avec Brice Hortefeux, nous avons mis en place les équipes mobiles de sécurité, soit 500 postes nouveaux directement consacrés à la sécurité de nos établissements scolaires et placés auprès des recteurs. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Par conséquent, nous avons mis des moyens, monsieur le sénateur !

M. Jean-Pierre Bel. Parlez-nous de ceux que vous avez supprimés !

M. Luc Chatel, ministre. En réalité, la sécurité est aussi l’affaire de tous !

J’entends dire que, dans un lycée de 1 500 élèves, il n’y aurait que 11 surveillants. Certes, mais 180 adultes sont effectivement présents. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) La sécurité et la responsabilité doivent être partagées par l’ensemble des acteurs de la communauté éducative. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Monsieur le sénateur, je vous rejoins sur un seul point : nous devons agir simultanément dans toutes les directions, en matière aussi bien de prévention, d’éducation à l’école et de dissuasion, que d’accompagnement des personnels. (Mme Janine Rozier approuve.)

C’est précisément ce que nous avons décidé de faire en agissant à la fois sur la dissuasion, en amont, et sur la formation de nos personnels d’encadrement. Ainsi, avant la fin de l’année, les 400 chefs d’établissement les plus sensibles bénéficieront d’une formation à la gestion de crise. Dans l’académie de Créteil, nous avons décidé de mettre en place des stages à la tenue de classe.

Vous le voyez, l’autorité à l’école est aussi une vraie préoccupation, parce que trop d’élèves n’ont pas, en dehors de l’école, une autorité qui leur fait face. Nous sommes donc totalement mobilisés sur cette question.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. En revanche, j’y insiste, la sécurité est l’affaire de tous. Monsieur le sénateur, vous serez le bienvenu aux états généraux de la sécurité à l’école, et nous écouterons vos propositions ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

délivrance des cartes d'identité

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Jean-Louis Carrère. Il n’est pas là !

M. Alain Gournac. Je remercie Mme la ministre d’État, garde des sceaux, d’accepter de me répondre.

Renouveler une pièce d’identité est devenu, pour beaucoup, un parcours du combattant.

M. Simon Sutour. À qui la faute ?

M. Alain Gournac. Pourquoi exige-t-on tant de preuves de notre nationalité française pour renouveler un passeport ?

M. Jean-Louis Carrère. Cela dépend pour qui !

M. Alain Gournac. C’est irritant et vexatoire !

Prenons le cas de cette femme, née en 1950, en Allemagne, où son père et sa mère, tous deux français, étaient en poste. Le père était militaire. Cette femme a dû fournir un extrait d’acte de naissance de sa mère. Comme l’extrait ne mentionnait pas le nom de la commune, laquelle avait pourtant visé le document, la préfecture s’est mise en quête d’un extrait d’acte de naissance du grand-père, né en Charente.

Un second cas concerne une femme née en France en 1954, de parents algériens installés en métropole en 1948. Cette femme a opté pour la nationalité française en 1974, dès que l’âge de la majorité a été abaissé à dix-huit ans.

En décembre 2008, elle demande le renouvellement de son passeport, de celui de son mari et de ses deux enfants. Ces trois derniers passeports sont obtenus en quinze jours.

Quant au sien, plus d’un an après, cette femme ne l’a toujours pas obtenu. Sa demande a été rejetée. Pourquoi ?

Baccalauréat, diplôme d’État d’infirmière de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris – métier qu’elle exerce depuis trente-deux ans –, précédents passeports renouvelés sans problème, cartes d’électrice, rien n’y a fait !

Mme Éliane Assassi. Papiers pour tous !

M. Alain Gournac. Le service des archives de la préfecture du département où elle est née ne retrouvait pas le registre où était noté qu’elle avait opté en 1974 pour la nationalité française.

Le greffe du tribunal de grande instance la convoque alors en avril dernier pour lui signifier qu’elle n’a jamais été française et lui demander d’entreprendre une démarche de naturalisation.

M. le président. Veuillez poser votre question.

M. Alain Gournac. Le service des archives de la préfecture a fini par retrouver, il y a quinze jours, une fiche de l’époque confirmant qu’elle avait opté pour la nationalité française en 1974.

Le ministre de l’intérieur a déclaré que « ces tracasseries étaient inacceptables »,…

M. Simon Sutour. À qui la faute ? Qui a pris le décret ?

M. Alain Gournac. … et je l’approuve. Il a annoncé que des instructions seraient données aux préfectures.

Pouvez-vous, madame la ministre d’État, nous préciser le détail de ces instructions et nous dire dans combien de temps elles seront effectives. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur Gournac, Brice Hortefeux étant en déplacement en Guyane avec le Président de la République,…

MM. Simon Sutour et Jean-Louis Carrère. En campagne !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. … il m’a demandé de vous transmettre ses excuses de ne pouvoir vous répondre directement.

Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison, chaque Français doit pouvoir, sans aucune distinction, renouveler sa carte nationale d’identité ou son passeport sans se trouver confronté à des tracasseries administratives injustifiées, voire injustifiables. Or, il faut bien le constater, vous en avez donné des exemples, dans un certain nombre de cas cela s’est produit dans des préfectures ou dans des mairies. Ces tracasseries sont souvent vécues par les intéressés comme une mise en cause…

M. Alain Gournac. Exactement !

M. Charles Revet. Bien sûr !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. … – qu’ils ne comprennent pas – de leur nationalité. Il est évident qu’il faut réagir.

C’est la raison pour laquelle le ministre de l’intérieur a adressé des instructions aux préfets au mois de décembre dernier afin que puissent être assouplies les démarches administratives…

M. Simon Sutour. Il ne semble pas avoir beaucoup d’autorité !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. … et également pour appeler les agents à davantage de discernement.

M. Guy Fischer. C’est pour la façade !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Ainsi, depuis une semaine, toute personne qui présente une carte nationale d’identité plastifiée ou un passeport, qu’il soit électronique ou biométrique, n’a aucun autre justificatif à fournir pour attester de sa nationalité. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

MM. Alain Gournac et Adrien Gouteyron. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Bien entendu, cela n’empêche pas de vérifier l’authenticité du titre présenté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Il y a quand même parfois des problèmes. S’assurer qu’il ne s’agit pas d’une fausse carte d’identité, c’est la moindre des choses…

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. N’oubliez pas que la lutte contre la fraude à l’identité vise aussi à protéger ceux qui ont été victimes d’usurpation d’identité.

Dans les tout prochains jours, le Conseil d’État va être saisi d’un projet de décret qui permettra d’inscrire ces dispositions dans notre droit.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est déterminé à faire disparaître toute exigence réglementaire ou bureaucratique inutile, ce qui, d’ailleurs, profitera à l’ensemble de nos concitoyens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

renouvellement des papiers d'identité

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Ma question va compléter celle de notre collègue Alain Gournac. Je suis très heureux de constater que ce problème est également évoqué sur les travées de l’UMP et que de nombreux parlementaires s’en soucient. Cela évitera à M. Copé de créer un groupe de travail pour vérifier tous les cas que vous avez cités, cher collègue Gournac. (Sourires sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Catherine Procaccia. Nous sommes au Sénat !

M. François Rebsamen. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. En son absence, j’espère que Mme le garde des sceaux me fera l’honneur de me répondre.

De nombreux Français, ainsi que M. Gournac vient de le souligner, doivent faire face à une situation souvent intolérable et aberrante, en tout cas toujours très pénible, lors du renouvellement de leurs documents d’identité. Ils doivent en effet apporter la preuve à l’administration qu’ils sont réellement français même s’ils sont reconnus citoyens français à part entière,…

Mme Évelyne Didier. Surtout lorsqu’il s’agit de payer les impôts !

M. François Rebsamen. … pour certains depuis des décennies. Sensibilisé à ce problème, le ministre de l’intérieur, avec qui je m’en suis entretenu, a pris en effet une circulaire au mois de décembre pour demander à l’administration de faire preuve de plus de souplesse à l’égard de nos compatriotes qui sont manifestement français.

Mais je le dis clairement, madame le garde des sceaux, cela n’est pas suffisant. Ce que nous voulons, c’est que l’on inverse la charge de la preuve. À la présomption insupportable d’usurpation de nationalité française qui pèse sur des milliers de nos compatriotes, je souhaite, avec les collègues de mon groupe, et plus largement, je l’espère, avec l’ensemble des membres de cette assemblée, que nos compatriotes qui ont déjà eu des cartes d’identité ou des passeports en bonne et due forme délivrés par l’administration française soient considérés a priori comme des Français et non l’inverse, à charge pour l’administration, si nécessaire, d’apporter la preuve contraire.

Rien de plus facile pour l’administration que de vérifier qu’un Français qui a perdu ou s’est fait voler ses papiers – cela arrive – a bien la possession d’état de Français. Il suffit en effet à l’administration préfectorale de cliquer sur le fichier central des cartes d’identité ou sur celui des passeports pour le vérifier.

Ma question est donc la suivante : quand allez-vous prendre un nouveau décret qui simplifierait la démarche administrative de milliers de Français en inversant la charge de la preuve et en leur évitant l’humiliation d’avoir à prouver qu’ils sont français alors qu’ils le sont réellement souvent depuis de très nombreuses années ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.