M. Claude Bérit-Débat. Le texte dont nous allons débattre est important à plus d’un titre. Légiférer sur les paris en ligne, c’est en effet intervenir sur un sujet qui recoupe des problématiques connexes touchant à une multitude de domaines complémentaires.

Ce texte concerne d’abord, bien sûr, la définition du jeu en France, sa légalité et, par là même, notre conception de l’intérêt général. Il nous amène également à nous interroger sur la dimension morale de l’action publique et sur les dispositifs de lutte contre les addictions. Enfin, il nous invite à repenser le financement du sport.

Bref, ce projet de loi soulève des questionnements multiples, qui appellent des réponses soigneusement pesées.

Pourtant, le contexte dans lequel s’inscrit cette discussion est tel que nous avons l’impression que les jeux sont faits et que le résultat est connu d’avance. N’y a-t-il pas déjà près de 5 000 sites illégaux ? Plusieurs millions de Français ne parient-ils pas d’ores et déjà en ligne, en toute illégalité ? Surtout, les paris en ligne représentent un chiffre d’affaires de près de 2 milliards d’euros, une croissance à deux chiffres étant attendue pour les années à venir : il serait tout de même dommage de se priver d’une telle manne…

Puisque nous sommes mis devant le fait accompli, il n’y aurait donc plus qu’à se résoudre à l’inévitable ! Il faudrait ouvrir le secteur des jeux en ligne à la concurrence et tenter, dans la mesure du possible, de le réguler. On a même l’impression que le Parlement est considéré comme un empêcheur de tourner en rond : au fond, puisque tout est prêt, qu’attend-il pour légiférer ?

Au nom du pragmatisme, le Gouvernement nous propose donc de libéraliser les jeux et paris en ligne. Plutôt que de pragmatisme, je parlerais d’ailleurs de renoncement de l’État à exercer ses missions fondamentales, et ce au nom d’intérêts économiques bien connus, dans le domaine des médias notamment. Pis, on nous demande d’agir dans la précipitation, en nous imposant de délibérer d’un texte comportant beaucoup trop de zones d’ombre et d’incertitudes pour qu’il puisse être examiné à la va-vite.

Tout cela amène le groupe socialiste à demander le renvoi à la commission de ce projet de loi.

Officiellement, la précipitation dans laquelle nous débattons est justifiée par le fait que, à l’heure des sociétés en réseau et alors que des millions de Français jouent et parient en ligne, il serait incongru que la France ne se dote pas en urgence d’un dispositif normatif de régulation.

La situation actuelle est effectivement ubuesque : le jeu est interdit, mais les Français peuvent jouer en ligne en toute impunité, dans la plus parfaite illégalité. Cependant, il n’y a là rien de nouveau !

À la vérité, cette précipitation tient plutôt au fait que la perspective de la prochaine Coupe du monde de football aiguise les appétits des opérateurs en ligne, pressés de profiter de l’aubaine, opérateurs qui ont bien de la chance puisque, pour leur permettre de développer leur activité, l’État a décidé de revenir sur un principe historique du droit français !

C’est bien là le plus surprenant : en droit français, le principe était l’interdiction du jeu et son autorisation l’exception ; avec ce texte, ce sera désormais l’inverse, et je ne suis pas sûr que cela constitue vraiment un progrès.

Je trouve d’ailleurs quelque peu surprenant ce discours résigné devant l’évolution des techniques : en promouvant la loi HADOPI, le Gouvernement s’est montré autrement plus volontariste et coercitif ; c’est ce volontarisme qui manque au présent projet de loi. J’en veux pour preuve le fait que la libéralisation des jeux en ligne nous a été présentée comme une exigence européenne, alors que la Cour de justice de l’Union européenne, par une décision récente – le fameux arrêt Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericordia de Lisboa du 8 septembre 2009 –, a seulement rappelé qu’il n’est possible d’instaurer un monopole que de manière proportionnée et non discriminatoire, si des raisons impérieuses d’intérêt général le justifient. Au fond, cela signifie que chaque État a le droit d’adopter la législation qu’il souhaite à condition qu’elle soit cohérente avec les principes invoqués. La Cour de justice de l’Union européenne exige donc non pas qu’il soit mis fin au monopole de la Française des jeux et du PMU, mais que ce monopole soit justifié.

Or, dans le même temps, le Gouvernement affirme lutter contre l’addiction, tandis que l’offre de jeux s’accroît continuellement. Il y a là un décalage entre les mots et les actes qui place la législation française en porte-à-faux.

Vous auriez pu, monsieur le ministre, vous inspirer d’une tout autre philosophie en élaborant votre projet de loi : vous auriez pu considérer que, même en ligne, les monopoles existants pouvaient demeurer. Vous avez fait le choix inverse, celui de la libéralisation.

Ce choix a une conséquence majeure. Comme tout marché qui se crée, celui des jeux est appelé à se développer de façon très importante, ce qui veut dire que, directement ou indirectement, la libéralisation des jeux en ligne encouragera la pratique du jeu. Est-ce bien conforme à l’intérêt général ?

Cette question est fondamentale. Elle est au cœur du débat : s’il est plus facile de jouer grâce à internet, la pratique du jeu est-elle pour autant profitable à la société ? Le présent texte répond à cette question par l’affirmative, de manière dogmatique. Au fond, il serait socialement acceptable d’encourager le jeu, pour autant que l’on dresse quelques garde-fous. Je parle de dogmatisme à dessein, car la libéralisation des jeux et paris en ligne n’offre pas de garanties suffisantes au regard du respect de l’intérêt général.

Ce texte souffre de plusieurs carences, notamment de l’absence d’une véritable étude d’impact. Je me permets d’ailleurs de rappeler que, depuis la révision de juillet 2008 de la Constitution, et selon la loi organique du 15 avril 2009, les projets de loi doivent faire l’objet d’une étude d’impact. À mon sens, l’absence d’une telle étude est révélatrice de la précipitation dans laquelle le texte a été rédigé, quoi que M. le ministre ait pu en dire tout à l’heure.

On ne sait rien des conséquences qu’entraînera l’application du dispositif présenté, si ce n’est qu’elle sera très profitable, sur le plan économique, à certains, et particulièrement désastreuse pour beaucoup d’autres ; on cherche à maximiser les avantages économiques du jeu en ligne, sans s’attaquer à ses inconvénients.

Même en l’absence d’étude d’impact, il nous faut pourtant essayer d’analyser ce projet de loi. Le bilan est très mitigé…

Je commencerai par évoquer la lutte contre l’addiction.

Avec les jeux en ligne, nous allons assister à l’augmentation mécanique et massive du nombre des cas d’addiction. Les dispositifs proposés pour combattre cette dernière sont clairement insuffisants : une fenêtre d’avertissement sur un écran d’ordinateur n’a que peu d’effet sur un joueur « accro ».

De même, à quoi bon limiter le montant des mises si rien n’est prévu contre la répétitivité de l’acte de jeu, qui est aussi un facteur important d’addiction ?

Surtout, les solutions préconisées sont toutes a posteriori. Il aurait été préférable de prévoir de vraies solutions a priori, afin d’éviter que les Français ne tombent dans l’engrenage infernal du jeu.

À ce titre, on peut regretter que des études plus approfondies n’aient pas été réalisées sur la question et que cette dimension de la lutte contre l’addiction soit à ce point délaissée.

Le plafonnement des prélèvements distribués à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé est, à cet égard, révélateur : la somme prévue ne représente qu’une goutte d’eau par rapport aux profits que les jeux en ligne vont engendrer ! Dans le texte, le coût social de la libéralisation du jeu n’est envisagé que de façon marginale. Cela est d’autant plus préjudiciable que le modèle économique des jeux en ligne sera redoutablement efficace pour inciter les Français à jouer. Un triptyque télévision-publicité-jeux en ligne se crée autour d’opérateurs engagés dans les médias, et on peut craindre un véritable conditionnement des esprits.

Le danger est réel ; le Gouvernement prendra peut-être sa mesure lorsqu’il constatera que, comme en Australie, les coûts de l’addiction sont supérieurs aux recettes fiscales !

Le volet fiscal constitue un deuxième aspect particulièrement inquiétant de ce texte.

L’objectif étant surtout de ne pas pénaliser économiquement les opérateurs, la fiscalité prévue pour les jeux en ligne est substantiellement réduite par rapport à celle des jeux en dur. L’essor du jeu sur internet engendrera un effondrement des recettes fiscales liées à ces derniers ; il en résultera, pour l’État, un manque à gagner estimé à près de 2 milliards d’euros. On aboutit donc au paradoxe suivant : pour compenser ces pertes, l’État devra s’en remettre à l’effet volume. Autrement dit, il aura tout intérêt à ce que les Français jouent toujours plus.

C’est un choix discutable, qui mérite pour le moins un examen plus attentif, examen auquel, contrairement à ce qu’a affirmé M. le ministre, il n’a pas été procédé.

J’en viens à l’autorité de régulation des jeux en ligne. Sur ce sujet encore, une réelle impréparation transparaît.

La commission des finances du Sénat a estimé que le coût annuel de fonctionnement de l’ARJEL serait de 10 millions d’euros par an. Or, du fait de la baisse des prélèvements opérés sur la Française des jeux et le PMU, il faudra trouver 5 millions d’euros pour financer ce coût. En d’autres termes, et aussi surréaliste que cela puisse paraître, soit le contribuable sera sollicité, soit on incitera les Français à jouer davantage pour financer le manque à gagner ! Peut-on honnêtement prétendre, après cela, vouloir lutter contre l’addiction ?

La régulation des jeux en ligne se fait donc a minima, comme en témoigne aussi la définition très large des jeux de cercle figurant dans le projet de loi, pourtant censée ne s’appliquer qu’au poker. Est-ce à dire que l’on autorise aujourd’hui le poker en ligne pour mieux autoriser demain toute la gamme des jeux de cercle ? Il est nécessaire d’apporter une précision sur ce point.

Dans tous les cas, on le voit, c’est l’offre de jeux qui est favorisée plutôt que son encadrement.

Le texte devrait également être beaucoup plus précis sur le financement du sport amateur. En effet, le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, est doté d’un budget de 227 millions d’euros pour 2010, 154 millions d’euros provenant d’un prélèvement hors paris sur la Française des jeux. Le basculement du jeu physique vers internet entraînera mécaniquement une baisse correspondant à la moitié de ce montant. Autrement dit, le maintien à niveau constant du financement du sport amateur exigera, lui aussi, un accroissement du nombre de joueurs en ligne, alors que, pour bien fonctionner, le sport amateur doit pouvoir s’appuyer sur une concertation, ainsi que sur des mesures de financement solides et –n’ayons pas peur de le dire – moralement acceptables. Ce n’est pas le cas en l’occurrence.

Le problème de la solidarité dans le sport est donc une nouvelle fois posé. Il y aura une inégalité entre les petits clubs et les gros, doublée d’une inégalité entre petites et grosses fédérations. Cela illustre l’absence de prise en compte des intérêts du mouvement sportif en général, au profit des gros clubs, notamment de football ou de rugby.

Enfin, le texte consacre une pratique tout à fait pernicieuse : celle des crédits extrabudgétaires. Le Centre des monuments nationaux sera ainsi doté du produit d’un prélèvement de 10 millions d’euros sur les jeux et paris. La commission de la culture nous a invités à nous en réjouir. Hier, des crédits extrabudgétaires étaient prévus pour le sport ; aujourd’hui, la culture et le patrimoine en bénéficient : demain, à qui le tour ?

Au total, au vu de tous ces éléments, on comprend mieux pourquoi le Gouvernement souhaite aller vite. Certes, il y a des impératifs, tels que la prochaine Coupe du monde de football. Mais il y a une autre raison : condamné à aller plus vite, le Parlement n’aura pas le temps de corriger tous les défauts et approximations de ce texte.

J’ai commencé cette intervention en disant que le Parlement était en quelque sorte l’empêcheur de tourner en rond des paris en ligne. En tant que législateurs, nous devons surtout agir de manière responsable, après avoir apprécié les implications du texte, qu’elles soient économiques, sociales ou, surtout, relatives à la santé publique.

Le Sénat ne doit pas être mis devant le fait accompli ; il incombe au Gouvernement de prouver le bien-fondé de ses choix. Nous sommes malheureusement encore loin du compte ! C’est pourquoi je demande à la Haute Assemblée, en vertu de l’article 44 du règlement, de décider le renvoi à la commission des finances du projet de loi relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Trucy, rapporteur. Je suis atterré par les propos de M. Bérit-Débat. J’ai bien noté que seule la commission des finances du Sénat aurait mal œuvré : celles des affaires sociales et de la culture ne sont pas mises en cause.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Pourtant, nous avons beaucoup moins travaillé que vous ! (Sourires.)

M. François Trucy, rapporteur. La commission des finances n’a donc pas été à la hauteur de la tâche qu’on lui avait confiée. Je voudrais pourtant apporter la preuve de notre bonne volonté, sinon de notre talent…

Les 136 auditions que j’ai conduites personnellement seraient insuffisantes. Dans l’objet de sa motion, M. Marc va d’ailleurs jusqu’à affirmer que la commission des finances n’a pu procéder à ces auditions. Il faut donc croire que c’est pour rien que nous avons consacré plus de 400 heures à entendre quelque 300 personnes : quel gaspillage ! Les enquêtes et les expertises ont été tout aussi inutiles, les interminables séances de travail avec les ministères n’ont servi à rien. Ridicules et bons pour la poubelle, les deux volumes du rapport de la commission !

Un renvoi du texte à la commission signifierait aussi que, outre l’insuffisance notoire du travail de son rapporteur, la commission des finances n’a pas su défendre son point de vue face au Gouvernement et qu’aucun de ses soixante-cinq amendements n’avait la moindre utilité.

Mais, à ce propos, quel a été le comportement du groupe socialiste ? A-t-il participé au travail de la commission ? En fait, il a refusé de présenter ses amendements devant elle, préférant les réserver à la séance publique. J’entends encore Mme Bricq nous expliquer que, pour l’opposition, présenter des amendements en commission était un piège. Mais de quelle sorte de piège s’agit-il là ? Défendre ses idées en commission, est-ce tomber dans un piège ? Affronter les discussions au sein de l’instance saisie au fond, est-ce un piège ?

En vérité, par son attitude, le groupe socialiste a délibérément gâché une chance d’améliorer le travail en commun.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. C’est pour cela qu’ils veulent retourner en commission ! (Sourires.)

M. François Trucy, rapporteur. Vous n’avez pas voulu participer à la discussion en commission, celle qui compte le plus, parce qu’elle est exempte des effets de manche, des déclarations théâtrales et péremptoires, du formalisme et de l’ennui dans lesquels nos séances publiques s’enlisent trop souvent, il faut bien le dire.

Pis encore, mes chers collègues, la commission n’a pu connaître que trop rarement votre avis sur les dispositions du projet de loi et sur les amendements. Lors de l’examen des cinquante-huit articles du texte par la commission, le groupe socialiste nous a opposé cinquante-huit silences !

Essayons de comprendre cette attitude ; ce n’est pas commode.

Devant la commission, M. Marc, que je cite respectueusement, a tenu les propos suivants : « Il y a dans ce texte, qui était sans doute nécessaire, un certain nombre de dispositions qui sont aujourd’hui nécessaires du fait que l’internet a ouvert complètement le champ. » Il a ensuite ajouté : « Oui pour la protection accrue, pour la sauvegarde apportée en matière de santé publique et de lutte contre l’addiction. » Nous sommes donc d’accord ! Pourquoi ne pas en discuter ? Où est cette libéralisation de l’accès aux jeux que vous dénoncez ? Pensez-vous vraiment que les activités de la Française des jeux et du PMU ne relèvent pas du libéralisme, fût-il éclairé ? En revanche, il est vrai que le projet de loi vise à mettre fin à l’existence de la jungle illégale qui s’est développée en matière de jeux en ligne.

M. Marc craint enfin que les opérateurs ne soient « pas toujours très regardants sur les questions d’ordre public ». Vous avez raison d’être exigeant à l’égard des opérateurs, mon cher collègue, mais si vous examinez le texte avec davantage d’attention, vous constaterez qu’il comporte une multitude de dispositions tendant à encadrer strictement leurs activités.

Au fond, votre attitude est tactique et n’a pas grand-chose à voir avec le texte et les objectifs qui le sous-tendent. Parce qu’elle estime que le travail en amont a été effectué correctement et qu’il est maintenant indispensable de débattre du projet de loi, la commission des finances demande au Sénat de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 32, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

CHAPITRE IER

Dispositions relatives à l’ensemble du secteur des jeux d’argent et de hasard

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
Article additionnel après l'article 1er A

Article 1er A

Les jeux d’argent et de hasard ne sont ni un commerce ordinaire, ni un service ordinaire ; dans le respect du principe de subsidiarité, ils doivent faire l’objet d’un encadrement strict au regard des enjeux d’ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 153 rectifié bis, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les jeux d'argent et de hasard ne sont ni un commerce de droit commun, ni un service de droit commun ; dans le respect du principe de subsidiarité, ils font l'objet d'un encadrement strict au regard des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 49, présenté par MM. Marc, Lozach, Bérit-Débat et Daudigny, Mme Blondin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

service ordinaire

insérer une phrase ainsi rédigée :

. Leur organisation est confiée, par l'État, à des personnes morales titulaires de droits exclusifs en matière d'offre publique de jeux et de paris, conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, de l'article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 et de l'article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Ayant été cité à l’instant par M. le rapporteur, je me permettrai de lui répondre tout à l’heure, en présentant un amendement relatif à l’absence d’étude d’impact, qui nous laisse dans le brouillard.

S’agissant de l’amendement n° 49, je soulignerai que, depuis un siècle, les jeux en dur relèvent d’un monopole et que ce système a constitué la garantie la plus efficace contre toute dérive : blanchiment, corruption, concurrence déloyale…

Récemment, l’arrêt Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericordia de Lisboa de la Cour de justice de l’Union européenne a permis d’éclairer, mais seulement de façon partielle, les États membres sur la possibilité qui pouvait leur être accordée de maintenir, au nom de l’application du principe de subsidiarité, rappelé à l’article 1er A, un monopole pour les jeux et paris, y compris en ligne.

Cette jurisprudence autorise le législateur français à étendre le monopole d’État aux jeux d’argent et de hasard en ligne. À nos yeux, une telle solution présenterait l’avantage de garantir le mieux possible l’intérêt général, la protection des citoyens et les impératifs de santé publique.

Alors que nous n’avons eu de cesse de dénoncer l’existence de sites illégaux, nous nous apprêtons à octroyer à ces derniers une base légale au nom de la libre concurrence, en faisant fi des objectifs d’ordre public que le législateur doit pourtant toujours garder à l’esprit.

Cet amendement a donc pour objet de confier l’organisation des jeux et paris en ligne et en dur aux seules sociétés déjà titulaires d’un droit d’organisation exclusif des jeux et paris en dur, la Française des jeux et le PMU, qui ont fait leurs preuves et détiennent un réel savoir-faire dans ce domaine.

Il est en outre quelque peu surprenant de laisser des sociétés gagner énormément d’argent en exploitant précisément les savoir-faire élaborés au fil des ans par ces deux organismes dotés de droits exclusifs. Un tel phénomène s’apparente à une pratique de concurrence abusive.

Cette argumentation nous semble suffisamment solide. La situation qui prévaut en Europe nous conduit à considérer que tout est possible dans ce domaine, les États européens ayant des pratiques totalement différentes : sept d’entre eux s’appuient sur un monopole public, tandis qu’un autre l’a délégué au secteur privé.

Enfin, M. Barnier, nouveau commissaire européen pour le marché intérieur et les services, a annoncé voilà quelques jours qu’un texte d’orientation européen sur les jeux en ligne serait présenté d’ici à la fin de l’année. Dans ces conditions, il aurait été sans doute souhaitable d’attendre d’avoir connaissance de ces orientations européennes avant de légiférer.

M. le président. L'amendement n° 164, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

doivent faire l'objet

par les mots :

font l'objet

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Trucy, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel : il convient d'employer l'indicatif législatif à valeur impérative. M. Charasse avait déposé un amendement ayant le même objet, mais il n’a pu venir le défendre, étant pris par d’autres occupations… (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par MM. Marc, Lozach, Bérit-Débat et Daudigny, Mme Blondin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

et des mineurs

La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. À défaut d’avoir été entendus quant au bien-fondé de l’octroi de droits d’organisation exclusifs, dispositif qui nous paraît globalement satisfaisant, nous présentons cet amendement de repli visant à rappeler l’une des finalités de l’encadrement des jeux d’argent et de hasard.

L’article 1er A fait référence à des « enjeux d’ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé ». Il nous semble également très important de mentionner la protection des mineurs.

Nous constatons en effet que les jeunes, surtout les garçons, sont très attirés par certains jeux, en particulier le poker. Ces jeux sont pour eux sources d’addiction et de pratiques pathologiques, notamment lorsqu’ils sont livrés à eux-mêmes face à un écran. Ils perdent alors parfois toute notion du temps et du monde réel.

Les mineurs, on le sait, constituent l’une des cibles privilégiées des publicités très agressives pour ce type de jeux. Les opérateurs proposent, en guise de produit d’appel, une première mise gratuite et des bonus dont les effets incitatifs sont prouvés.

Certains représentants d’associations de lutte contre les addictions aux jeux ou de protection de l’enfance face aux nouveaux médias que nous avons rencontrés nous ont indiqué que très souvent les enfants jouaient en ligne dès l’âge de 13 ans, mais que leurs parents ne commençaient à prendre conscience de leur dérive que lorsqu’ils avaient atteint l’âge de 16 ans, c’est-à-dire souvent beaucoup trop tard pour qu’il soit possible de remédier à des années de pratiques nocives. On nous a signalé tout un ensemble de cas absolument tragiques, certains enfants jouant quelquefois jusqu’à dix heures par jour !

Le phénomène est en train de s’amplifier dans une mesure considérable avec le développement d’un jeu comme le poker en ligne, valorisé de surcroît par des people et fondé sur le bluff, pour ne pas dire sur le mensonge !

Une politique d’ouverture à la concurrence doit donc d’abord être inspirée par un souci de protection des mineurs : tout doit être mis en œuvre pour les préserver de ces pratiques. Les casinos leur sont d’ores et déjà interdits ; il est de bon sens de rappeler que la protection des mineurs doit guider le législateur dans l’élaboration de sa politique d’encadrement des jeux.

M. le président. L’amendement n° 112, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En conséquence, un monopole public est chargé de l'exploitation des jeux donnant lieu à des paris d'argent.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. En application du principe de subsidiarité, la France se doit d’appliquer, en matière de jeux d’argent et de hasard, les règles les plus protectrices de l’ordre public, de la sécurité et de la santé publiques qui soient, d’autant que la jurisprudence européenne le permet. Nous ne sommes donc pas contraints, dans ce domaine, de subir sans broncher une ouverture à la concurrence que nous serions tenus de transposer dans notre droit.

Cela est d’autant plus vrai que nous affectons les prélèvements fiscaux et sociaux sur les enjeux au financement d’activités et de services d’intérêt collectif et général : sport de masse, adduction d’eau, promotion de l’élevage équin, sécurité sociale… Réduire les recettes des casinos aboutirait en outre à contraindre les collectivités territoriales concernées à augmenter les impôts locaux, une partie de leurs ressources étant constituée de prélèvements sur le produit brut des jeux.

Notre pays a une longue tradition d’utilisation de la fiscalité pesant sur les jeux pour financer de nombreux services d’intérêt général, qui ne saurait être remise en cause, sauf à remettre en partie en question ces services. Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de réaffirmer le monopole d’exploitation accordé aux opérateurs de jeux existants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Trucy, rapporteur. Les amendements nos 49 et 112 sont tout à fait semblables.

Il est très réconfortant d’entendre dire autant de bien de l’église catholique portugaise : c’est une grande preuve d’ouverture d’esprit de la part de nos collègues ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)

Il est tout aussi surprenant d’entendre dire autant de bien des monopoles. Ou peut-être ai-je vieilli en perdant le contact avec les réalités économiques de notre pays ?

MM. Adrien Gouteyron et Philippe Marini. Mais non ! (Sourires.)

M. François Trucy, rapporteur. Plus sérieusement, ces deux amendements visent non seulement à maintenir les monopoles, mais à leur rattacher les nouveaux jeux, y compris les jeux en ligne, ce qui est en complète contradiction avec l’esprit du projet de loi. La commission émet donc un avis défavorable.

L’amendement n° 50 tend à faire explicitement référence à la protection des mineurs. Pourquoi pas ? Je souhaiterais connaître, sur ce point, la position du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. S’agissant des amendements nos 49 et 112, nous nous sommes également posé la question d’une régulation du secteur des jeux par l’intermédiaire du monopole, et nous avons attentivement étudié les implications juridiques et économiques d’une telle démarche. Toutefois, cette solution ne nous est pas apparue très sûre sur le plan juridique, c’est le moins que l’on puisse dire, en dépit de l’arrêt Departamento de Jogos da Santa Casa da Misericordia de Lisboa de la Cour de justice de l’Union européenne.

D’ailleurs, cet arrêt concerne un cas très particulier, lié au contexte portugais. M. le rapporteur a très bien expliqué qu’il s’agissait, en l’espèce, d’une institution de jeux officielle finançant des œuvres sociales, mais que les deux tiers des jeux en ligne se pratiquent sur des sites illégaux, non régulés. Telle est la réalité.

On ne peut donc ignorer le fait que la puissance des opérateurs et des sites internet rend inopérante une politique de prohibition, reposant sur un monopole. Mieux vaut réguler les jeux en ligne que les interdire : les Allemands, par exemple, ont totalement prohibé les jeux d’argent en ligne ; or ces jeux y sont aussi répandus qu’en France ! Les Italiens, quant à eux, ont régulé le secteur d’une manière assez comparable à celle que nous proposons au travers de ce projet de loi. Dans ce pays, 95 % des jeux en ligne sont aujourd’hui contrôlés : les citoyens jouent sous la protection de la loi et de l’ordre moral, républicain, social.

Défendre purement et simplement le monopole est donc une fausse bonne idée, c’est pourquoi je suis défavorable aux amendements nos 49 et 112.

Je suis favorable, en revanche, à l’amendement n° 164 de la commission, ainsi qu’à l’amendement n° 50, qui vise à faire référence dans la loi à la protection des mineurs.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur l’amendement n° 49.

M. Claude Bérit-Débat. Nous avons obtenu deux réponses quelque peu différentes : si M. le rapporteur a cru bon d’ironiser, M. le ministre a fait preuve d’une plus grande ouverture, avant d’affirmer que nous faisions tout de même fausse route.

Nous considérons qu’une autre voie que la libéralisation est possible pour le secteur des jeux en ligne. Il ne s’agit pas, pour nous, de nous arc-bouter à tout prix sur la défense du monopole et d’opposer l’État aux entreprises. La libre concurrence est une réalité, liée à la mondialisation, et la Commission européenne se chargerait de nous le rappeler si nous étions tentés de l’oublier…

Cela étant, il s’agit en l’espèce d’un cas très particulier : les jeux ne sont pas un secteur économique comme les autres. Je trouve pour le moins curieux que ce qui relevait de l’évidence pour les jeux en dur, notamment pour les casinos, paraisse incongru s’agissant des jeux en ligne. La question est non d’être pour ou contre la libre concurrence, mais de faire respecter au mieux l’ordre public et de veiller aux intérêts de nos concitoyens.

De ce point de vue, on ne peut pas affirmer de manière péremptoire, comme vous le faites, que des opérateurs de jeux surveillés par une autorité sont fondamentalement préférables à un monopole concédé par l’État. Dans un cas, on se conforme à la stricte logique économique, dans l’autre on reconnaît l’existence d’autres obligations et l’on se donne les moyens d’y satisfaire.

On peut toujours écarter, comme vous venez de le faire, monsieur le ministre, la jurisprudence Santa Casa au motif qu’elle concerne un cas très particulier et ne saurait s’appliquer à la situation française, mais cet arrêt signifie bien, néanmoins, que recourir au monopole est possible, à condition que cela soit justifié. Là est toute la question !

Votre position est très cohérente, monsieur le ministre : dès lors que l’État a pour politique de favoriser le développement des jeux pour accroître les rentrées fiscales y afférentes et n’assigne pas d’objectifs précis à la Française des jeux et au PMU en matière de lutte contre l’addiction, il est logique que vous ne défendiez pas le monopole…

On peut pourtant voir plus loin et avoir une autre conception de l’intérêt général, plus soucieuse, par exemple, des conséquences de l’addiction au jeu pour nos concitoyens. On peut refuser la « société casino » qui se dessine. Dans cette optique, le monopole sur les jeux est non plus un dogme, mais un moyen de réaliser d’autres ambitions pour la société.

Si votre ambition est de favoriser la « société casino », il est logique que vous entendiez libéraliser ce secteur. Quant à moi, je m’oppose à cette conception. C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement n° 49.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Nous sommes convaincus, pour notre part, que la France a beaucoup plus à perdre qu’à gagner avec l’ouverture du secteur des jeux à la concurrence.

Monsieur le ministre, votre argument selon lequel il serait illusoire de vouloir poursuivre les contrevenants aux règles et lois applicables aux jeux d’argent et de hasard ne tient guère. Il ne vise en fait qu’à légitimer l’objectif que vous vous êtes fixé : offrir un cadre légal suffisamment souple aux opérateurs de jeux en ligne, en échange d’un complément de recettes fiscales dont vous ferez l’un des instruments de débudgétisation de vos futures lois de finances.

Votre opposition au monopole n’a pas d’autre justification. Vous entendez libéraliser le secteur des jeux, quand bien même l’emploi devrait souffrir dans l’ensemble de la filière hippique ou dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, pour lequel les points-courses ou les guichets de vente de jeux constituent souvent un complément d’activité.

Or les sommes que les Français consacrent au jeu semblant avoir atteint un palier, ce n’est sans doute que par la captation de parts de marché de l’un ou l’autre des opérateurs institutionnels que le développement des jeux en ligne demeure envisageable. L’instauration d’un monopole public des jeux en ligne, si tant est que l’on veuille développer cette pratique, nous semble donc souhaitable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 164.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 112.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er A, modifié.

(L’article 1er A est adopté.)

Article 1er A
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
Article additionnel avant l'article 1er

Article additionnel après l'article 1er A

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est un jeu de hasard un jeu, payant ou gratuit, où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain.

La parole est à M. Nicolas About, rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il est apparu nécessaire à la commission des affaires sociales de définir les jeux d’argent et de hasard en ligne dans le présent projet de loi, afin d’éviter que n’échappent à la régulation les multiples loteries présentées comme des jeux d’intelligence mais qui n’en sont pas.

Cela étant, pour ne pas laisser à penser qu’un encadrement strict est aussi réclamé pour les jeux gratuits, je rectifie cet amendement en supprimant les mots « ou gratuit ».

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est un jeu de hasard un jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain.

Quel est l’avis de la commission ?

M. François Trucy, rapporteur. Il est important de bien définir les termes. C’est pourquoi la commission est tout à fait favorable à l’amendement présenté par M. About.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er A.

Article additionnel après l'article 1er A
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
Discussion générale

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par MM. Marc, Lozach, Bérit-Débat et Daudigny, Mme Blondin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente, dans les plus brefs délais, une étude d'impact du présent projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Les jeux d’argent et de hasard constituent un secteur d’activité très particulier, et modifier son équilibre n’est pas anodin.

L’existence d’un monopole se justifie par d’impérieuses nécessités d’ordre public et social. Par conséquent, les conséquences de l’application du présent texte en matière de protection des joueurs, en particulier mineurs, de prévention, d’addiction au jeu et de lutte contre le blanchiment d’argent devraient être évaluées précisément.

De même, il est nécessaire de connaître aussi exactement que possible les conséquences de l’adoption du dispositif présenté sur les recettes de l’État, des organismes de sécurité sociale et des territoires concernés.

En outre, depuis le 1er septembre 2009, une étude d’impact doit obligatoirement être jointe à tout projet de loi présenté au Parlement. Certes, on nous objectera que celui qui nous est soumis aujourd’hui a été déposé avant cette date, mais si le Gouvernement entend voir s’appliquer les dispositions qu’il a lui-même demandé au Parlement de voter dans le cadre de la réforme constitutionnelle, on peut raisonnablement attendre qu’il ne s’arrête pas à de telles arguties juridiques et qu’il nous présente une étude d’impact.

Aux termes de la Constitution, cette étude doit notamment préciser l’articulation du projet de loi avec le droit européen, l’état d’application du droit, les modalités d’application des dispositions du texte dans le temps, ainsi que leurs conditions d’application aux collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.

L’étude d’impact doit également comporter une évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales de l’application des dispositions envisagées, ainsi que de leurs coûts et bénéfices financiers attendus pour chaque catégorie d’administration publique.

Elle doit enfin contenir une évaluation des conséquences de la mise en œuvre du texte sur l’emploi public, retracer les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’État et inclure la liste prévisionnelle des textes d’application nécessaires.

Je suis au regret de constater que, en l’occurrence, aucune de ces informations n’a été fournie au Parlement.

Je rappelle que, la semaine passée, lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2010, on nous a annoncé que le déficit de l’État serait de l’ordre de 150 milliards d’euros : record battu !  Or, malgré cette situation financière extraordinairement difficile, on nous soumet aujourd’hui un texte qui prévoit de fait une perte de recettes de 2 milliards d’euros, sur les 5,5 milliards d’euros actuellement apportés à l’État par le PMU et la Française des jeux, sans que l’on soit capable de nous dire comment sera compensé ce manque à gagner !

Ce seul élément, qui doit nous inciter à la circonspection, suffirait à légitimer notre demande d’une étude d’impact, dont l’absence constitue une grave lacune.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?