(Non modifié)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
Article 25 (interruption de la discussion)

Article 25

I. – L’Autorité de régulation des jeux en ligne est une autorité administrative indépendante.

Elle veille au respect des objectifs de la politique des jeux et des paris en ligne soumis à agrément sur le fondement des articles 6, 7 et 9.

Elle exerce la surveillance des opérations de jeu ou de pari en ligne et participe à la lutte contre les sites illégaux et contre la fraude.

Elle peut proposer au Gouvernement des clauses de cahiers des charges correspondant à chaque type de jeux ou paris.

Elle rend un avis sur tout projet de texte relatif au secteur des jeux en ligne soumis à agrément que lui transmet le Gouvernement. À la demande du président de l’une des commissions permanentes prévues à l’article 43 de la Constitution, l’avis de l’autorité sur tout projet de loi est rendu public.

Elle peut proposer au Gouvernement les modifications législatives et réglementaires qui lui paraissent nécessaires à la poursuite des objectifs de la politique des jeux d’argent et de hasard mentionnés à l’article 1er.

II. – (Non modifié) L’Autorité de régulation des jeux en ligne instruit les dossiers de demande d’agrément des opérateurs de jeux ou de paris en ligne et délivre les agréments en veillant au respect des objectifs de la politique des jeux d’argent et de hasard mentionnés à l’article 1er.

III. – L’Autorité de régulation des jeux en ligne fixe les caractéristiques techniques des plateformes et des logiciels de jeux et de paris en ligne des opérateurs soumis au régime d’agrément.

Elle homologue les logiciels de jeux et de paris utilisés par les opérateurs.

Elle évalue périodiquement le niveau de sécurité proposé par les plateformes de jeux des opérateurs.

Elle détermine, en tant que de besoin, les paramètres techniques des jeux en ligne pour l’application des décrets prévus aux articles 8 et 9.

L’Autorité de régulation des jeux en ligne s’assure de la qualité des certifications réalisées en application de l’article 17 et peut proposer au Gouvernement la modification de la liste des organismes certificateurs.

IV. – (Non modifié) L’Autorité de régulation des jeux en ligne évalue les résultats des actions menées par les opérateurs agréés en matière de prévention des conduites d’addiction et peut leur adresser des recommandations à ce sujet.

Elle peut, par une décision motivée, limiter les offres commerciales comportant une gratification financière des joueurs.

V. – En vue du contrôle du respect par les opérateurs des dispositions législatives et réglementaires et des clauses du cahier des charges, le président de l’autorité peut conclure au nom de l’Etat des conventions avec les autorités de régulation des jeux d’autres Etats membres de la Communauté européenne ou d’autres Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen pour échanger les résultats des contrôles réalisés par ces autorités et par elle-même à l’égard d’opérateurs de jeux ou de paris en ligne.

VI. – (Non modifié) L’autorité présente chaque année au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement un rapport public rendant compte de l’exécution de sa mission.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Nous abordons l’un des articles pivots du texte, puisque celui-ci porte sur la création de l’autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, autorité administrative indépendante destinée à gérer l’ensemble des procédures d’agrément relatives aux opérations de jeux en ligne.

La création d’une nouvelle autorité indépendante participe d’une démarche assez générale, à laquelle nous ne souscrivons pas, qui consiste à « démembrer » la puissance publique dès lors que l’on se trouve confronté à un champ d’activité donné ouvert à la concurrence par voie de transposition de dispositions communautaires. L’ARJEL va en effet se substituer, sur bien des aspects, à ce qui aurait procédé de la démarche naturelle de certaines de nos administrations, dont l’intervention dans le domaine des jeux d’argent et de hasard est pourtant largement éprouvée.

Nous aurons donc un paysage institutionnel assez surprenant où le ministère des finances, le ministère de l’intérieur et le ministère de l’agriculture seront parties prenantes aux contrôles affectant les opérateurs historiques de jeu – le PMU, la Française des jeux et les casinos des différents groupes opérant sur le territoire – et les jeux en ligne ordonnancés par une autorité indépendante. Cette dernière pourra d’ailleurs avoir affaire aux mêmes opérateurs historiques dès lors que ceux-ci opéreront également sur le marché du jeu en ligne.

Le PMU et la Française des jeux ayant promu une offre de jeux par internet et les plus grands groupes de casinos ayant mis en place des plateformes virtuelles de jeu, ils seront donc également touchés par l’activité de l’ARJEL.

La principale qualité dont on pare l’Autorité de régulation tiendrait à son indépendance. Depuis le temps que l’on nous vante les mérites des autorités indépendantes, cet argument ne cesse de nous agacer, puisque le fondement de l’indépendance des agents de la fonction publique, employés par les ministères que je viens de citer, c’est précisément qu’ils sont fonctionnaires et qu’ils jouissent de l’ensemble des garanties et obligations liées au statut.

Nous pouvions donc fort bien concevoir de confier aux administrations déjà rompues à l’examen des questions relatives aux jeux d’argent et de hasard, en lieu et place d’une autorité de régulation, dont le champ de compétence et la personnalité juridique font débat – mais cela est pour nous assez secondaire –, le soin d’instruire les demandes d’agrément des opérateurs de jeux en ligne.

Au demeurant, si les autorités administratives étaient quelque peu efficaces, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, aurait mis en œuvre les dispositions nécessaires à la fermeture de l’accès de l’espace cybernétique du pays aux publicités vantant les mérites des sites de paris illégaux ou mis en demeure certains fournisseurs d’accès à internet contre la généralisation de la même publicité. Il suffit d’être connecté au réseau du moindre fournisseur d’accès pour voir apparaître, littéralement au premier clic, bannières et messages publicitaires divers nous incitant à tenter notre chance sur l’un des sites, toujours illégaux pour l’heure, qui mettent en œuvre des paris en ligne.

Tout cela pour dire que nous n’accordons donc qu’une vertu limitée au fait de confier à une nouvelle autorité indépendante le soin de réguler un marché qui s’annonce relativement fermé dès son ouverture et surtout quasiment capté par un petit nombre d’opérateurs choisis. Une régulation dont les contours sont suffisamment flous pour que les dix-huit mois qui nous séparent de l’examen de la « clause de retour » ne nous conduisent, en fait, à constater une véritable « épuration » du marché, marquée par la disparition rapide des opérateurs qui n’auront pas les reins assez solides ni surtout la capacité d’obtenir de certaines fédérations sportives le droit d’exploiter les paris découlant des compétitions qu’elles organisent.

Le respect de l’éthique sportive risque donc d’être sérieusement sollicité dans la mise en œuvre de ce projet de loi.

Aussi, tout en manifestant notre grande circonspection devant les pouvoirs réels de régulation de l’ARJEL, à la fois en principe et en pratique, nous ne pouvons qu’exiger de cette autorité qu’elle veille au moins au respect de l’éthique sportive. Si elle ne peut forcément repérer l’argent sale, qu’elle mette au moins en œuvre ce qu’il faut pour que le sport reste propre !

Voilà ce que nous comptions préciser. Cette argumentation vaudra d’ailleurs pour la défense de l’amendement n° 130 que nous avons déposé sur cet article.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. A. Dupont, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Remplacer le mot :

administrative

par le mot :

publique

2° Compléter cet alinéa par les mots :

dotée de la personnalité morale

La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à doter l’ARJEL de la personnalité morale.

Alors que deux opérateurs public ou parapublic, la Française des jeux et le PMU, vont prendre position sur le secteur des jeux en ligne, il apparaît sain et légitime de garantir l’indépendance et l’impartialité de la nouvelle autorité de régulation et de prévenir ainsi toutes les suspicions qui en décrédibiliseraient par avance l’action.

L’octroi de la personnalité morale à l’ARJEL constituerait un geste politique et symbolique fort, par lequel le législateur manifesterait son souci d’assurer une pleine autonomie et une pleine capacité juridique à l’autorité de régulation. Les risques d’addiction, de blanchiment de capitaux et de truquage des compétitions sportives sont bien connus et contribuent à la réputation sulfureuse du secteur des jeux. Dans ce domaine, plus que dans d’autres, il importe que le régulateur soit absolument au-dessus de tout soupçon, même le plus improbable. Il faut que son indépendance soit non seulement constatée a posteriori, mais également montrée et scandée clairement dès sa création par le Parlement.

La personnalité morale permettra notamment à l’ARJEL, sur le modèle de l’Autorité des marchés financiers, de contracter, de posséder un patrimoine propre et d’ester en justice directement, tout en la rendant en retour pleinement responsable de ses décisions. L’indépendance du régulateur et l’accroissement de sa capacité d’action doivent en effet aller de pair avec l’obligation de rendre compte de ses actes.

J’ajoute que cette mesure est conforme à la doctrine élaborée par la commission de la culture depuis quelques années, ce qui l’avait conduite à soutenir l’octroi de la personnalité morale à l’AFLD, l’Agence française de lutte contre le dopage, et à la HADOPI, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Trucy, rapporteur. La personnalité morale conforterait certes l’indépendance de l’ARJEL et lui permettrait d’ester directement en justice, mais l’article 28 prévoit déjà expressément cette faculté pour son président.

L’ARJEL ne dispose cependant pas de l’autonomie financière, son budget étant quasiment en totalité financé par une subvention budgétaire. La personnalité morale lui créerait donc une nouvelle charge de gestion, puisqu’elle devrait a priori contracter une assurance en responsabilité civile.

En outre, les trois-quarts des autorités administratives indépendantes n’ont pas la personnalité morale, sans pour autant que leur indépendance soit contestée.

La commission aimerait donc connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, en tout cas dans un premier temps, pour des raisons de délai. Créer une autorité dotée de la personnalité morale demande en effet beaucoup de temps et, si nous voulons faire les choses correctement, nous risquons d’en manquer.

En outre, cette caractéristique n’est pas nécessaire pour garantir l’indépendance d’une telle instance, point sur lequel vous êtes à juste titre particulièrement vigilant, monsieur le rapporteur pour avis. J’en veux pour preuve que ne bénéficient pas de la personnalité morale des « poids lourds » comme la CNIL, l’Autorité de la concurrence, la HALDE, l’Autorité de contrôle prudentiel – qui regroupe le contrôle des assurances et le contrôle bancaire –, le Médiateur de la République ou l’Autorité de sûreté nucléaire, pour ne citer qu’eux.

Si l’autorité de régulation peut exercer sa mission en toute indépendante, le régulateur reste bien l’État. C’est lui qui fixe les règles. Il n’est donc nul besoin de doter cette autorité d’une personnalité morale.

Si, dans dix-huit mois, à l’occasion du rendez-vous que nous nous sommes fixé, nous nous apercevons que l’octroi de la personnalité morale apporterait plus de poids à cette autorité de régulation, le Gouvernement réexaminera la question. En tout cas, nous ferons le point à ce moment-là.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 15 est-il maintenu ?

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. Je suis partagé : la commission de la culture était très soucieuse de voir doter l’ARJEL de la personnalité morale. Reste que l’argument de la rapidité de sa mise en place me touche.

Fort de l’engagement de M. le ministre, qui n’est pas opposé par principe à l’idée de doter l’ARJEL de la personnalité morale, je prends l’initiative, à titre personnel, de retirer cet amendement.

M. Éric Woerth, ministre. Provisoirement ! (Sourires.)

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. Nous ferons en effet le point, éventuellement sur l’initiative de la commission de la culture, à l’occasion de notre rencontre prévue par la clause de revoyure.

M. le président. L’amendement n° 15 est retiré.

L'amendement n° 179, présenté par M. Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger comme suit cet alinéa :

Elle propose aux ministres compétents le cahier des charges mentionné au deuxième alinéa de l'article 15.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Trucy, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 25 (début)
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Discussion générale

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 24 février 2010 à quatorze heures trente et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne (n° 29, 2009-2010).

Rapport de M. François Trucy, fait au nom de la commission des finances (n° 209, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 210, 2009-2010).

Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 227, 2009-2010).

Avis de M. Ambroise Dupont, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 238, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 24 février 2010, à deux heures.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART