M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.

M. Jacques Muller. Dans l’étude d’impact du projet de loi, et en particulier dans le paragraphe consacré aux effets économiques, il est indiqué que « quatre industriels produisant des matériaux ou composants pouvant entrer dans la composition d’armes à sous-munitions étrangères verront leurs exportations contrôlées plus sévèrement, et le cas échéant, interdite ».

Ce constat m’amène à formuler deux questions, monsieur le ministre.

Première question, pourriez-vous être plus explicite, pour l’information de la représentation nationale, quant à l’identité de ces industriels, la nature des produits fabriqués et l’application des mesures, envisagées dans l’étude d’impact, prises à leur encontre ?

Seconde question, dans l’hypothèse où leurs exportations seraient interdites, comme cela est envisagé dans l’étude d’impact, quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour faciliter la reconversion des activités à vocation militaire des entreprises concernées vers des activités civiles ?

Si une telle reconversion soulève des interrogations en matière de transfert technologique du militaire vers le civil et de financement, elle constitue également un enjeu en termes d’emplois, ce qui ne peut évidemment pas être éludé en période de crise.

Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des précisions que vous voudrez bien apporter à la Haute Assemblée sur ces deux points, dont l’importance ne vous aura pas échappé.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Muller, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Bel, Berthou, Boulaud, Boutant, Carrère, Mazuir, Mermaz, Piras, Reiner, Vantomme, Besson et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après les mots :

d'Oslo

insérer les mots :

y compris les opérations de transit

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement vise à éviter toute ambiguïté d’interprétation du terme « transfert ».

En effet, aujourd’hui, une société privée étrangère qui transiterait par les eaux françaises pour acheminer une cargaison d’armes à sous-munitions vers un État non partie ne serait pas directement concernée par le présent projet de loi.

Certes l’article 2 de la convention d’Oslo, qui définit la notion de transfert, n’interdit pas explicitement le transit des armes à sous-munitions par les États parties, mais rien ne nous empêche d’être plus précis afin d’éviter que les dispositions que nous allons adopter ne soient contournées.

Il nous semble donc nécessaire d’ajouter les mots : « y compris les opérations de transit » afin d’inclure parmi les actes interdits et passibles de sanctions aux termes du présent projet de loi le fait de faire passer des armes interdites d’un bout à l’autre ou au-dessus du territoire national, par tout mode de transport, qu’il soit terrestre, aérien, ferroviaire, maritime ou fluvial.

Tel est le sens de cet amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui nous paraît en contradiction avec le texte de la convention d’Oslo.

En effet, la convention d’Oslo n’inclut pas le simple transit dans la notion de « transfert », qui implique à la fois une « introduction matérielle » des armes interdites et un « transfert du droit de propriété et du contrôle » sur celles-ci.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Morin, ministre. Je souhaite répondre aux deux questions que M. Muller a soulevées tout à l’heure.

Tout d’abord, monsieur le sénateur, vous m’avez interrogé sur l’identité des quatre groupes industriels mentionnés dans l’étude d’impact. En l’occurrence, il s’agit d’entreprises que vous connaissez bien, telle SNPE-Eurenco.

Ensuite, vous m’avez questionné sur les mesures envisagées pour faciliter la reconversion des activités militaires de ces entreprises dans l’hypothèse où leurs exportations seraient interdites. Les activités concernées ne constituant pas une part déterminante de la production desdites entreprises, il ne nous paraît pas indispensable de mettre en place des dispositifs particuliers de reconversion, d’autant que ces entreprises vont être amenées par ailleurs à connaître des réorganisations et des restructurations importantes. Bien entendu, si cela se révélait nécessaire, la direction générale de l’armement examinerait avec elles ce qu’il convient de faire.

Sur l’amendement n° 4, ma position est exactement la même que celle de Mme le rapporteur. J’ajoute que le dispositif proposé serait compliqué à mettre en œuvre en cas de transit aérien et de survol du territoire national, car nous ne pouvons pas être dans l’avion !

En outre, je vous rappelle qu’un certain nombre de pays de l’Union européenne n’ont pas signé la convention.

Mieux vaut donc, me semble-t-il, rester dans le cadre du présent projet de loi et de la convention, l’appliquer dans son intégralité, mais ne pas aller au-delà, faute de quoi nous risquerions de rendre certaines de ses dispositions inapplicables.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le groupe socialiste tient à cet amendement.

En effet, si je suis bien votre raisonnement, monsieur le ministre, il ne faudrait pas prendre de mesures lorsqu’elles posent des difficultés d’application. Dans ce cas, quid des mesures de lutte contre les trafics de stupéfiants ?

M. Hervé Morin, ministre. Cela n’a rien à voir !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il faut bien pouvoir arraisonner un bateau et vérifier sa cargaison !

M. Hervé Morin, ministre. Et comment allez-vous faire pour un avion ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En effet, dans le cas d’un avion, c’est difficile. Encore que…

Toutes les mesures destinées à limiter le transit des armes à sous-munitions rendront leur commerce et leur utilisation de plus en plus difficiles.

Certes, la disposition que nous proposons est difficile à appliquer, mais cela sera possible dans un certain nombre de cas. Nous le savons bien, en matière de guerre et de munitions, certains trouvent toujours un moyen de contourner les embargos, les interdictions et autres restrictions. Tout cela nous incite à la prudence et à la méfiance. Il faut donc être parfaitement clair sur les intentions et sur les principes. Aucune source de confusion ne doit subsister.

Nous comprenons évidemment votre objection, monsieur le ministre. Mais nous estimons que ce n’est pas une raison pour baisser la garde.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, madame le rapporteur, je suis sensible à vos arguments, mais ils me semblent de nature plus juridique que politique.

Pour notre part, nous partageons et soutenons l’esprit du projet de loi. Nous ne ferons donc pas de surenchère et nous ne chercherons pas à nous différencier par esprit de compétition. Telle n’est pas du tout notre intention.

Toutefois, l’argument selon lequel il ne faudrait pas inscrire dans le projet de loi que les transferts comprennent les opérations de transit au motif qu’il serait difficile de contrôler la présence d’armes à sous-munitions dans les avions ne me paraît pas recevable. Nous devons aller de l’avant et marquer notre volonté politique, même si nous savons que certaines vérifications seront très difficiles à effectuer. C’est une question d’état d’esprit, et nous partageons tous le même état d’esprit sur ce texte.

Il serait regrettable de nous priver de cette disposition pour des raisons purement juridiques. En matière d’élimination des armes à sous-munitions, la France se doit d’être à l’avant-garde.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Monsieur le ministre, madame le rapporteur, j’ai écouté avec beaucoup d’attention les observations que vous avez formulées. Permettez-moi de faire deux remarques.

En premier lieu, la liste des moyens de transit n’est pas précisée dans mon amendement. Par exemple, le mot « avion » n’y figure pas.

M. Hervé Morin, ministre. Si ! Vous en avez parlé !

M. Jacques Muller. J’en ai parlé lorsque j’ai présenté mon amendement, monsieur le ministre. En revanche, le texte de l’amendement ne fait pas référence aux avions. Il mentionne les « opérations de transit ». Cela inclut le transit terrestre et maritime, que l’on peut parfaitement contrôler.

M. Jacques Muller. En second lieu – et il s’agit là d’une remarque plus politique –, la France, comme cela a été souligné, ambitionne d’être à l’avant-garde en matière d’élimination des armes à sous-munitions. Nous ne devons donc pas faire une transcription minimaliste de la convention.

M. Jacques Muller. Nous nous devons d’être précis.

Aussi, je maintiens mon amendement, non pas pour faire de la surenchère, mais afin d’empêcher toute possibilité de contournement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Muller, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Bel, Berthou, Besson, Boulaud, Boutant, Carrère, Mazuir, Mermaz, Piras, Reiner, Vantomme et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

le courtage

par les mots :

l'intermédiation

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Le projet de loi ne définit pas la notion de « courtage », qui n'existe pas en droit français.

Certes, un projet de loi portant sur les activités de courtage a bien été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale en 2006, mais il n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour.

Nous souhaitons donc que la notion de « courtage », qui n’est pas définie en droit français, soit remplacée dans le présent projet de loi par celle d’« intermédiation », laquelle est plus large et permet de rendre compte de la réalité de l’ensemble de la chaîne allant du producteur à l'utilisateur final. En effet, interviennent dans celle-ci les courtiers, les transporteurs et les financiers.

Il nous paraît nécessaire d’inclure tous ces acteurs dans le champ d'application de la loi afin de lui permettre d’atteindre les excellents objectifs que nous nous sommes fixés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. Monsieur le sénateur, sur le fond, la commission souscrit totalement à l’objectif que vous cherchez à atteindre avec cet amendement. La notion d’« intermédiation » couvre en effet un champ plus complet que celle de « courtage » au sens strict.

Toutefois, je précise que la notion de « courtage » est définie en droit français dans le code civil et dans le code de commerce, contrairement à la notion d’« intermédiation ». Un projet de loi vise effectivement à définir cette dernière notion, mais il n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour du Parlement.

Par conséquent, même si je reconnais qu’il serait plus pertinent de se référer à l’« intermédiation » – c’est une notion plus large que le « courtage » –, je pense qu’il faudrait d’abord la définir et la consacrer dans la législation.

La commission souhaiterait donc connaître l’avis du Gouvernement sur ce point. Monsieur le ministre, l’inscription à l’ordre du jour du Parlement de ce projet de loi est-elle envisagée ? Par ailleurs, est-il possible de retenir aujourd'hui la notion d’« intermédiation » avant qu’elle ne soit définie dans la loi ?

Compte tenu de ces incertitudes, la commission avait décidé de s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Morin, ministre. Comme vous l’avez souligné, madame le rapporteur, le droit français ne connaît que la notion de « courtage », qui est définie par le code civil et le code de commerce. Certes, un projet de loi a été déposé au mois de juin 2007 sur le bureau de la Haute Assemblée pour définir la notion d’intermédiation, mais, compte tenu de l’état actuel du droit positif, il me semble nécessaire de conserver le terme « courtage ». Faire figurer dans le texte aujourd'hui la notion d’« intermédiation », alors qu’elle n’existe pas en droit français, reviendrait à vider le texte de son sens.

Bien entendu, si le droit positif venait à intégrer le mot « intermédiation », il serait alors possible de s’adapter à une telle évolution.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de conserver la rédaction actuelle du projet de loi, sachant qu’il sera possible de déposer un amendement visant à compléter le dispositif actuel lors de l’examen du projet de loi relatif au régime d’autorisation des opérations d’intermédiation.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. Après les explications qui viennent de nous être apportées par M. le ministre, je suggère à M. Muller de retirer l’amendement n° 5. À défaut, je serais contrainte d’appeler à voter contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. Compte tenu de la bonne volonté exprimée par Mme le rapporteur, des précisions apportées par M. le ministre et de l’engagement qui vient d’être pris que le texte pourra être modifié par voie d’amendement lorsque la notion d’« intermédiation » aura été définie, il serait sage de voter le texte en l’état.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. Très bien !

M. le président. Monsieur Muller, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?

M. Jacques Muller. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Bel, Berthou, Besson, Boutant, Carrère, Mazuir, Mermaz, Muller, Piras, Reiner, Vantomme, Boulaud et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est interdit le financement, direct ou indirect, de toute entreprise de droit français ou de droit étranger dont l'activité comprend les actions interdites susmentionnées.

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La convention d’Oslo interdit déjà d’« employer », de « mettre au point », de « produire », d’« acquérir », de « stocker », de « conserver » ou de « transférer à quiconque » des armes à sous-munitions ; c’est très bien ! Elle prohibe également le fait d’« assister », d’« encourager » ou d’« inciter » quiconque à s’engager dans toute activité interdite en vertu de cette convention ; c’est encore mieux !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous demande de faire encore un effort et de rendre le texte bien plus précis et percutant en interdisant le financement, direct ou indirect, de toute entreprise de droit français ou étranger engagée dans des activités interdites en vertu de la convention.

En effet, de notre point de vue, investir dans une entreprise fabriquant des armes à sous-munitions ou en faisant le commerce constitue une activité déjà prohibée par la convention d’Oslo, qui interdit le fait d’« assister », d’« encourager » ou d’« inciter » quiconque à s’engager dans de telles activités. La meilleure façon d’ « encourager » ou d’ « inciter » est indéniablement d’investir beaucoup d’argent dans ce type d’industrie ou de commerce à but mortifère.

Certains pays européens, comme la Belgique ou le Luxembourg, ont d’ores et déjà interdit de tels financements dans leur loi nationale. Je crois savoir que d’autres pays qui nous sont proches – la Suisse, l’Allemagne et les Pays-Bas – devraient, à moyen terme, adopter des législations interdisant l’investissement direct ou indirect dans ces industries perverses.

Cet amendement vise donc à compléter utilement le dispositif du projet de loi proposé par le Gouvernement et amendé positivement par la commission.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Hue, Mme Demessine et M. Billout, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces interdictions s'appliquent également au financement direct ou indirect et en connaissance de cause, d'une entreprise de droit français et étranger engagée, en tout ou partie, dans une des activités interdites mentionnées à l'alinéa précédent.

La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Mon intervention ira dans le même sens que celle de ma collègue socialiste.

Nous souhaitons que soit clairement inscrite dans la loi l’interdiction de tout financement direct ou indirect d’entreprises engagées dans des activités ayant trait aux armes à sous-munitions. Nous souhaitons ainsi lever une ambiguïté concernant la possibilité de financer des entreprises fabriquant ou faisant le commerce de telles armes.

Les notions d’assistance, d’encouragement ou d’incitation, inscrites au paragraphe 1(c) de l’article 1 de la convention d’Oslo, je le répète, ne sont pas suffisamment explicites.

Certes, ce projet de loi de loi fait consensus aujourd'hui parmi nous, mais il faut savoir que la législation est systématiquement contournée dans ce domaine. Certains groupes s’en sont d’ailleurs fait la spécialité, car des sommes considérables sont en jeu ! C’est pourquoi le texte doit être clair et éviter toute ambiguïté. C’est tout l’objet de cet amendement.

Une telle interdiction traduirait concrètement la ferme volonté de notre pays d’éliminer les armes à sous-munitions. Celui-ci se mettrait ainsi en conformité avec des réalités existant déjà en France et dans d’autres pays. Je l’ai déjà dit dans la discussion générale, plusieurs pays, dont la Belgique, le Luxembourg ou la Nouvelle-Zélande, s’engagent dans cette voie, et d’autres, comme la Suisse, l’Allemagne ou les Pays-Bas, sont en passe de s’y engager. Ils ont interdit dans la loi d’investir dans ces entreprises et de les financer, car ils ont compris quel était l’enjeu.

Ne restons pas en retrait ! Nous allons aujourd'hui franchir une étape importante. Adopter cet amendement serait un geste politique fort. Les ONG l’attendent ; nous aussi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. Ces deux amendements procèdent d’intentions louables. Néanmoins, la commission y est défavorable, car ils présentent au moins deux difficultés.

Tout d’abord, s’ils étaient adoptés, ils interdiraient aux entreprises françaises de nouer tout partenariat avec des groupes étrangers qui seraient concernés, même de manière très marginale ou indirecte, par la fabrication d’armes à sous-munitions ou de certains de leurs composants. Vous le savez, de nombreux pays n’ont pas signé la convention d’Oslo. Pourtant, nous travaillons avec eux.

Les auteurs des amendements ont évoqué le cas de la Belgique ou du Luxembourg.

M. Robert Hue. Et de l’Allemagne !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur. Sans vouloir faire offense à ces pays, les enjeux ne sont pas les mêmes pour eux que pour nous !

Bien évidemment, nous aimerions aller plus loin, mais il nous faut assumer nos responsabilités de parlementaires.

Ensuite, la notion de financement indirect pose une évidente difficulté de contrôle, par exemple, des fonds d’investissement.

Le dispositif proposé serait donc difficilement applicable. Pour cette raison, je réitère l’avis défavorable émis sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Morin, ministre. J’aimerais bien ne pas me trouver dans la situation de l’accusé !

J’ai véritablement incité le ministère de la défense à être un acteur de la convention d’Oslo. Je l’ai poussé à travailler en partenariat avec le Quai d’Orsay afin que la France soit exemplaire et défende les idéaux qui sont les siens.

J’aimerais donc bien que l’on ne me fasse pas passer pour l’affreux de service qui tente de limiter le dispositif simplement parce que j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

Disons le franchement : ce n’est pas insulter la Belgique et le Luxembourg que de considérer que ces pays n’ont pas noué des partenariats industriels importants avec les industries étrangères concernées par les activités dont nous parlons.

Or ces partenariats sont un atout considérable pour notre pays. Sans notre industrie d’armement, nous n’aurions pas pu développer les industries civiles dont la France s’enorgueillit aujourd’hui, et, disant cela, je pense à l’industrie aéronautique ou à l’industrie spatiale.

L’industrie française d’armement emploie de 250 000 à 300 000 personnes. Vous demandez en permanence, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce secteur noue des partenariats européens et que l’on construise une industrie européenne de défense. Or nos partenaires européens ont signé une convention qui ne prévoit pas, je le rappelle, le dispositif que vous proposez. Ne soyez donc pas plus royalistes que le roi !

Aujourd’hui, quarante pays seulement ont ratifié la convention d’Oslo, et aucun des pays de l’Union européenne, à part la Belgique et le Luxembourg, ne prévoit une telle interdiction. Si elle était adoptée, celle-ci rendrait la tâche des entreprises françaises extrêmement compliquée, même lorsque leur activité dans le secteur est totalement marginale. Les difficultés d’application d’un tel dispositif seraient considérables : en effet, comment se renseigner sur tel ou tel grand groupe européen ou américain ?

Par ailleurs, certains pays de l’Union, comme la Pologne, avec lesquels nous essayons de nouer des partenariats industriels, n’ont pas signé la convention d’Oslo. Devons-nous refuser tout accord industriel avec eux ? Vous souhaitez pourtant que nous nouions des relations industrielles avec les pays d’Europe centrale et orientale afin de développer une industrie européenne capable de rivaliser avec l’industrie américaine.

Certes, vos intentions sont louables, madame, monsieur le sénateur, et nous sommes tous d’accord avec vous sur le principe. Mais le dispositif que vous proposez est totalement inapplicable, sauf à lourdement handicaper une industrie dont vous souhaitez, comme en témoignent vos nombreuses interventions et vos multiples courriers, qu’elle se maintienne à niveau pour permettre aux 300 000 salariés français qu’elle emploie de continuer à travailler.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.

M. Jean-Louis Carrère. Je disais tout à l’heure que nous étions tous dans le même état d’esprit, mais ce n’est pas le cas !

Pardonnez-moi de le dire avec une certaine gravité : ce qui est en train de se passer me rappelle ce qui est arrivé avec le Grenelle I. Vous êtes tous favorables à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, mais, dès que l’agriculture ou tout autre secteur rencontre une difficulté, vous renoncez ! Il en va de même pour la lutte contre les armes à sous-munitions.

Certains de vos arguments, monsieur le ministre, sont respectables, compréhensibles, admissibles, mais sommes-nous ici pour mettre fin à la fabrication et à l’utilisation des armes à sous-munitions ou pour prendre en compte toutes sortes de bonnes raisons économiques, industrielles ou autres justifiant de renoncer à l’objet initial du texte qui nous est soumis ?

Vous nous dites, monsieur le ministre, que nos intentions sont louables, que le dispositif que nous proposons est intéressant, mais qu’il n’est pas possible de l’adopter, en tout cas pas encore. Je pense pour ma part que la France doit jouer un rôle de leader dans ce domaine. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas des va-t-en-guerre : nous vous demandons non pas de renoncer à tout contrat, mais simplement de faire preuve de conviction pour faire connaître nos positions et obtenir de nos partenaires qu’ils s’alignent sur elles. Pour l’instant, vous faites le contraire : vous voulez vous aligner sur des positions contraires à celles que nous souhaitons adopter !

Il est très important de montrer à celles et à ceux qui nous ont initiés à ces problèmes, qui ont nourri notre réflexion, qui nous ont aidés à élaborer ce texte et qui nous ont convaincus de son utilité, que notre attachement à l’élimination des armes à sous-munitions est indéfectible et qu’il ne saurait faire l’objet d’un marchandage, fût-il important pour l’avenir de certaines unités de fabrication de notre pays !

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je ne reviendrai pas sur ce que vient de dire mon collègue.

Certes, l’industrie française d’armement emploie 300 000 personnes. Devons-nous pour autant continuer à conclure des accords, à créer des joint-ventures, etc., avec certaines entreprises, en particulier israéliennes ?

M. Hervé Morin, ministre. Mais arrêtez de parler d’Israël !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C’est surtout, et tout à fait normalement, avec Israël que nous collaborons en matière d’armement. Or les industries israéliennes fabriquent des bombes à sous-munitions, car Israël en est un gros utilisateur !

Vous ne voulez pas aller plus loin pour ne pas nuire à ces coopérations !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin, ministre. La question de nos relations industrielles avec Israël est hors sujet ! Très franchement, cette coopération est totalement accessoire.

Vous souhaitez interdire le financement direct et indirect des entreprises engagées dans des activités interdites par la convention d’Oslo. Cela signifie-t-il que vous voulez interdire à une entreprise comme EADS de conclure des accords avec l’industrie américaine et avec ses filiales ? DCNS doit-elle renoncer aux accords qu’elle est en train de conclure avec la Pologne ?

M. Hervé Morin, ministre. Vous m’avez interrogé pendant neuf mois, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le programme de l’Airbus A400M, vous n’avez pas cessé de vous inquiéter de savoir si la France et l’Europe étaient capables de construire un avion de transport militaire.

M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai !

M. Hervé Morin, ministre. Voulez-vous que nous arrêtions ce programme ?

M. Hervé Morin, ministre. Autre exemple : nous avons lancé le programme MUSIS d’observation satellitaire afin de permettre à l’Europe de pouvoir prendre des décisions stratégiques de manière autonome durant certaines crises et de ne pas être dépendante des États-Unis. Devons-nous mettre un terme à ce programme ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce n’est pas ce que nous disons !

M. Hervé Morin, ministre. Mais si !

Interdire le financement direct et indirect, c’est interdire tout programme avec une industrie européenne d’un pays n’ayant pas signé la convention d’Oslo ou ne l’ayant pas ratifiée ou adaptée dans son droit positif. Cela signifie qu’il nous faudrait purement et simplement mettre fin à presque tous nos partenariats industriels !

Par ailleurs, madame Cerisier-ben Guiga, cessez de considérer que le problème, c’est Israël ! Les seuls partenariats que nous ayons avec Israël concernent les drones, et ils sont extrêmement limités. Ce n’est donc vraiment pas le sujet.

Si nous adoptions un tel dispositif, contrairement aux autres pays européens, tous les programmes dans lesquels nous sommes engagés tomberaient sous le coup de ce texte.

Il s’agit non pas d’être des va-t-en-guerre et de soutenir une industrie de défense porteuse de misère et de mort pour l’humanité, mais de rester dans le domaine du possible, c’est tout !