M. François Patriat. L’adoption de cette nouvelle fiscalité à un tarif particulièrement bas déséquilibre totalement la relation entre les collectivités territoriales et les exploitants d’éoliennes, pour lesquels la pression fiscale a été nettement diminuée, au détriment des budgets des collectivités territoriales et tout particulièrement de celui de l’institution régionale.

Ne nous y trompons pas ! Les producteurs ne sont pas les seuls gagnants de ce changement : l’État est lui aussi l’heureux bénéficiaire de cette baisse d’impôt.

À examiner la situation dans le détail, on s’aperçoit que les opérateurs bénéficiaient sous le régime de la taxe professionnelle du plafonnement de leur imposition à 3,5 % de la valeur ajoutée. Le surplus d’imposition était alors à la charge de l’État, ce qui ne sera désormais plus le cas. Vous l’aurez compris, l’État est donc gagnant lui aussi. Par conséquent, le nouveau système protège les ressources de l’État, qui ne sera plus contraint de prendre en charge le surplus d’imposition.

Aussi ce nouveau tarif bénéficie-t-il tout autant aux producteurs qu’à l’État. Une fois encore, seules les collectivités territoriales et les entreprises qui travaillent dans le secteur des énergies renouvelables se trouvent désavantagées.

Par conséquent, la fiscalité ne joue plus ici son rôle, puisqu’elle ne permet plus un juste retour à la collectivité de l’installation sur son territoire de ces équipements. Or ce juste retour est légitime, la collectivité devant faire face à des contraintes environnementales et à des nuisances pour nos concitoyens. Nous savons bien que, dans ce domaine, nous frisons parfois l’irrationnel.

Du point de vue de la répartition, une fois encore, le Gouvernement n’a pas pris en compte les réalités territoriales, notamment les compétences des collectivités locales.

Actuellement et je parle en connaissance de cause, seuls le bloc communal et les départements bénéficient du produit de cet IFER. La région a été ainsi totalement évincée, alors que son rôle a été largement souligné et confirmé par le Grenelle de l’environnement, par exemple avec l’élaboration de schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie.

La région de Bourgogne soutient l’éolien, mais deux départements qui la composent ne le font pas. Or ceux-ci bénéficieront demain des retours sur l’éolien, alors que la région, elle, n’aura rien !

D’aucuns l’ont souligné, nous aurions pu faire le choix d’une véritable réforme fiscale écologique, qui augmenterait le coût des énergies, y compris des énergies renouvelables, en échange de la diminution des charges salariales pour les employeurs et les employés, tout en générant un revenu pour l’État et les collectivités permettant de financer des plans d’énergies renouvelables. Évidemment, il faudrait que l’effet pour les citoyens et l’État soit fiscalement relativement neutre pour être efficace.

Toutefois, en France, la fiscalité est non pas un moyen, mais un but, puisque les charges non financées sont répercutées sur les collectivités. Je vous renvoie au débat sur la réforme des collectivités.

J’en viens à la question du financement des énergies renouvelables.

Un tel débat sur la fiscalité des énergies renouvelables ne peut être dissocié de la question du financement de ces énergies qui repose sur l’aide publique via le rachat de l’électricité produite.

Depuis 2000, les opérateurs bénéficient de subventions publiques importantes grâce à la mise en place de l’obligation de rachat par EDF de l’électricité produite à un tarif avantageux, garanti et nécessaire à leur développement.

Rappelons que ce régime est financé par la contribution au service public de l’énergie acquittée par l’ensemble des consommateurs d’énergie. L’efficacité et le montant de cette aide publique devraient pouvoir faire aujourd’hui l’objet d’un débat devant le Parlement et d’une réflexion générale sur le développement de cette économie administrée.

Pour illustrer mon propos et avant de conclure, je prendrai l’exemple de la région de Bourgogne.

En 2007, le conseil régional a voté un plan énergie-climat de 190 millions d’euros, dont les crédits sont très largement engagés depuis 2007. Il a réorienté ces crédits vers les chaufferies au bois, la biomasse, le solaire et l’éolien.

Cependant, la Bourgogne ne parviendra pas à atteindre l’objectif des 23 % d’énergie renouvelable uniquement avec la biomasse, comme c’est par exemple le cas en Champagne-Ardenne, les chaufferies au bois ou le solaire. Il faudra 400 éoliennes, ce qui permettra de fournir de l’électricité à 820 000 Bourguignons. Rien qu’en Côte-d’Or, il s’agit de doubler le parc éolien pour atteindre le quota de 100 éoliennes.

Nous avons ainsi choisi d’agir en faveur de l’environnement et du développement durable, compétence optionnelle des régions. Au mois de décembre 2009, nous avons lancé le projet « pôle bâtiments de demain » et adopté un premier plan climat-énergie en 2007.

La région a également favorisé l’amorçage des filières des énergies renouvelables. Le nombre de dossiers solaires photovoltaïques déposés par des entreprises, des collectivités et des particuliers a connu un véritable succès : cela représente plus de 15 millions d'euros pour le budget 2010 de la région. Ces aides ont eu un réel effet de levier sur l’essor et le développement de cette filière.

Forts de ce constat que nous avons adapté nos modalités d’intervention en réorientant ces aides vers la professionnalisation de cette filière.

Aujourd’hui, la filière éolienne représente en Bourgogne 1 000 emplois avec des acteurs industriels de premier plan. Cette filière est d’autant plus prometteuse que le cluster bourguignon n’a pas fini de se développer.

Or ce sont les collectivités et les entreprises qui sont les deux perdantes de la réforme de la taxe professionnelle et de la fiscalité. En effet, les entreprises qui se consacrent aujourd'hui à l’éolien dans les quatre départements du territoire bourguignon se verront pénalisées si la demande en éolien se fait plus faible.

À l’Assemblée nationale, les amendements issus des travaux de la mission d’information présidée par Patrick Ollier qui ont été adoptés lors du débat sur le projet de loi Grenelle II menacent le développement de l’éolien, en ajoutant par exemple des critères supplémentaires dans la définition des zones de développement de l’éolien. Un verrou est imposé au développement de l’éolien terrestre au profit de l’éolien off shore. Le seuil des cinq mâts par nouvelle installation entravera son développement et confortera les seuls gros producteurs.

Les éoliennes seront soumises au régime des installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE. Je fais suite au propos de Bruno Sido. J’ai inauguré voilà quinze jours un parc de cinq éoliennes dans une petite commune de cent habitants. Pour établir ces cinq éoliennes construites seulement maintenant, il a fallu sept ans d’enquêtes, de recours, de procédure judiciaire. En 2010, cette commune qui espérait recevoir 40 000 euros par éolienne, ce qui constitue sa seule ressource, ne percevra finalement que 7 000 euros ; le département recevra 5 000 euros et la région n’aura rien ! Madame la secrétaire d'État, dans la clause de revoyure, il faut donc revoir la façon dont seront traitées les collectivités locales.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. François Patriat. Je ne parle pas aujourd'hui de la distance d’éloignement de cinq cents mètres des parcs éoliens des zones habitées applicable sur l’ensemble du territoire national, car cela ne tient nullement compte de la morphologie des lieux. En outre, le ministre de l’écologie peut y pourvoir.

En conclusion, le développement des énergies renouvelables constitue un enjeu industriel et écologique stratégique. Je rappelle qu’un quart de l’objectif des 23 % d’énergies renouvelables en 2020 doit être satisfait par l’éolien. Ce point a fait consensus lors du Grenelle de l’environnement.

Atteindrons-nous les objectifs fixés à l’horizon 2020 ?

Aujourd’hui, j’en doute, la filière en doute. Tant pour les collectivités que les acteurs économiques, l’absence d’une politique volontariste d’autonomisation des territoires en matière de politique d’énergie renouvelable freine la croissance dans un secteur dont les emplois ne sont pourtant pas délocalisables.

Madame la secrétaire d'État, j’ai tenu à intervenir dans ce débat au nom de mon groupe, à la fois pour l’emploi, les territoires et les collectivités, afin que, à l’occasion de la clause de revoyure sur la réforme de la taxe professionnelle, nous puissions prendre en compte cette injustice qui pénalise aujourd'hui des territoires déjà durement frappés par la crise. Je vous rappelle que la Bourgogne a perdu 20 000 emplois en deux ans, dont 8 000 emplois industriels. Or les emplois sur l’éolien sont des emplois industriels récemment créés grâce à l’aide des collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – MM. Claude Belot, Bruno Sido et Jean-Paul Alduy applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert. (MM. Charles Pasqua et Bruno Sido applaudissent.)

M. Alain Houpert. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon propos sera plus général que celui des orateurs qui m’ont précédé, car les énergies alternatives ne concernent pas seulement l’éolien.

Ce débat intervient alors que la France est aujourd’hui confrontée à un double défi, financier et environnemental. Ces deux objectifs sont primordiaux : il y va de l’indépendance de la France. Cependant, – et je reprends là une expression populaire – peut-on courir deux lièvres à la fois ?

Permettez-moi d’abord, mes chers collègues, de préciser les contours du problème, car, suivant la célèbre formule de Boileau, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».

Le premier élément porte sur l’indépendance énergétique de la France.

Il convient de rappeler que le taux d’indépendance énergétique national est proche de 50 %, ce qui signifie que nous consommons deux fois plus d’énergie que nous n’en produisons.

Le choc pétrolier de 1974 a fait apparaître au grand jour une limite évidente de notre modèle de développement, nous conduisant à reconsidérer les axiomes de nos politiques énergétiques. Nous n’avons alors eu de cesse de mettre l’indépendance énergétique de la France au cœur de nos préoccupations. Nous ne devons pas renoncer à cette ambition, qui n’est autre qu’une nécessité. Concrètement, il s’agit de s’assurer que les Français puissent avoir la garantie de jouir d’une énergie en quantité suffisante et à un prix abordable.

Dans ce contexte, la prise de conscience environnementale a été l’occasion d’insuffler une nouvelle dynamique à nos ambitions. Ces dernières ont été matérialisées par le Grenelle de l’environnement, mis en œuvre sur l’initiative de Nicolas Sarkozy. Notre majorité a alors pris le parti d’augmenter la part d’énergie produite sur le territoire national et de diminuer globalement la consommation d’énergie.

Le second élément a trait à l’indépendance financière de la France.

L’indépendance énergétique de notre pays exige cependant un certain nombre de moyens financiers, qu’ils se traduisent soit par une dépense fiscale, soit par un manque à gagner. Or l’actualité la plus brûlante nous démontre que l’indépendance énergétique de la France ne saurait compromettre la nécessité absolue d’indépendance financière du pays.

Il n’est pas question pour le Parlement, à mon sens, de cautionner une politique énergétique dont le coût aurait pour conséquence notable de dégrader la situation financière du pays. Non, l’ambition énergétique, si louable soit-elle, ne doit pas avoir pour effet, direct ou indirect, de laisser quelques prétextes aux spéculateurs pour faire main basse sur l’avenir de la France.

L’exemple de la Grèce nous le rappelle avec insistance. L’indépendance de toute nation peut être gravement remise en cause lorsque la dette d’un État s’emballe. D’ailleurs, nous en subissons déjà indirectement les répercussions : l’affaiblissement de l’euro a pour conséquence immédiate le renchérissement du prix à la pompe du carburant.

Dans ces conditions, il semble difficile de courir deux lièvres à la fois, au risque de s’étouffer.

Néanmoins, les énergies alternatives doivent faire l’objet d’un traitement particulier. En effet, que la spéculation porte sur les taux d’intérêt d’emprunts d’État, comme c’est le cas aujourd’hui, ou qu’elle s’exerce sur le baril de pétrole, ainsi que ce fut le cas en 2008, il faut bien s’employer à éviter la peste comme le choléra.

À ces fins, nous devons afficher une politique volontariste, tout en nous attachant à ne pas élargir plus qu’il ne faut son champ d’application.

Il importe d’afficher une politique volontariste et cohérente, disais-je.

Les énergies alternatives sont aujourd’hui bien connues : la géothermie, le gaz naturel, le gaz de pétrole liquéfié ou GPL, la cogénération, l’énergie photovoltaïque, etc.

Si leurs dispositifs de soutien sont coûteux, la remise en cause de ces derniers enverrait inéluctablement le signal d’un renoncement.

De fait, la loi fiscale prévoit déjà un certain nombre de réductions d’impôt au bénéfice des citoyens qui s’engagent à revoir leur consommation d’énergie. Nous ne listerons pas l’ensemble de ces nombreux dispositifs, qui sont considérés, par certains, comme des niches fiscales. Les dépenses fiscales auxquelles ils donnent lieu doivent-elles être remises en question ? Si leur bien-fondé est évident, leur montant peut néanmoins être discuté. Toutefois, le principe de sécurité juridique ne doit pas nous conduire à remettre en cause des dispositifs auxquels sont attachés des droits acquis en contrepartie d’investissements déjà réalisés, comme l’a précisé François Patriat.

Par ailleurs, les débats relatifs à la mise en place d’une taxe carbone, s’appliquant aux produits polluants, ont fait ressortir les limites de notre cohérence.

Dans une première version, n’était-il pas prévu que les biocarburants soient assujettis à cette taxe ? Les travaux de notre Haute Assemblée avaient heureusement concouru à exonérer les biocarburants du projet de taxe. Ce faisant, la taxe carbone a fait l’objet d’une décision de non-conformité, au motif que le projet prévoyait trop d’exonérations, ce qui avait pour effet de rompre l’égalité devant l’impôt.

Cet exemple met en évidence la difficulté à poursuivre une politique cohérente en matière d’énergies alternatives. La question se pose de savoir dans quelle mesure on peut faire bénéficier ces dernières d’un traitement d’exception.

Peut-être faut-il restreindre le champ des énergies alternatives pour limiter la dépense ?

La poursuite d’une politique volontariste et cohérente n’est possible que dans un cadre limité. La profusion de dispositifs incitatifs accroît la dépense fiscale, tout en diminuant la lisibilité des politiques publiques mises en œuvre.

À mon sens, nos travaux devront désormais s’attacher à fixer des priorités claires en matière d’énergies alternatives soit sur le plan de la production, soit sur le plan de la consommation. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun aura compris les enjeux du débat que nous menons aujourd’hui, portant sur la fiscalité des énergies alternatives.

À l’heure où nos collègues de l’Assemblée nationale se prononcent sur le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, dit Grenelle II, texte censé favoriser en particulier le développement des énergies nouvelles, les orientations données à cette fiscalité et en termes de financement sont stratégiques : nous devons aborder cette question sans tabou.

Je rappelle d’abord que la création de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, est un effet collatéral de la suppression de la taxe professionnelle : en tant qu’élus des collectivités territoriales, nous nous étions déjà fait l’écho dans cet hémicycle des craintes légitimes qui s’exprimaient, et restent toujours très vives, au sein de nos territoires, en termes de retombées pour les finances locales.

Actuellement, il existe deux positions inconciliables.

Pour les uns, en particulier pour le Gouvernement ainsi que pour M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général, le tarif applicable à l’IFER sur les éoliennes doit être égal à celui qui vise les autres modes de production, notamment les centrales nucléaires, les centrales thermiques à flamme et les centrales hydrauliques, soit de 2,913 euros par kilowatt de puissance installée. L’objectif affiché est la « neutralité des modes de production ». C’est la position qui a été tranchée par la commission mixte paritaire.

Pour les autres, qui représentent une majorité au Sénat, il convient d’instituer un tarif fortement majoré – il serait multiplié par plus de 2,7 ! – pour les installations de production d’énergie d’origine éolienne, soit 8 euros par kilowatt de puissance installée. En l’occurrence, l’objectif affiché est la neutralité pour les recettes des collectivités territoriales.

À l’analyse de l’arbitrage rendu par la commission mixte paritaire, il apparaît qu’il n’y a aucune incidence pour les opérateurs des filières de production alternative, que l’État sort financièrement gagnant, tandis que les collectivités territoriales, que nous représentons, sont les grandes perdantes.

Selon le Gouvernement lui-même, le tarif de l’IFER, tel qu’il a été fixé en commission mixte paritaire, laisse augurer pour les collectivités locales des recettes au titre de l’IFER cinq fois plus faibles que celles qui étaient perçues au titre de la taxe professionnelle !

En revanche, le budget de l’État, quant à lui, économise désormais le surplus d’imposition des opérateurs concernés, surplus autrefois à sa charge au titre du plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée.

Nous ne pouvons accepter cet arbitrage, qui traduit une nouvelle fois le désengagement de l’État, pis, une forme de prise en otage financière des collectivités territoriales que nous représentons !

Pour autant, nous ne nous réfugierons pas derrière cet excellent argument pour approuver la discrimination fiscale négative, et par conséquent inacceptable, des producteurs d’énergies alternatives, votée récemment par le Sénat.

Dès lors, que faire ? Il nous faut revenir à deux principes de base qui devraient recueillir un consensus.

Il s’agit, d’abord, de préserver impérativement les ressources des collectivités territoriales, qui subissent depuis trop longtemps les transferts de compétences de l’État sans bénéficier des financements correspondants : à cet égard, les orientations budgétaires annoncées récemment par le Gouvernement ne nous rassurent pas !

Il s’agit, également et tout aussi impérativement, de ne pas pénaliser les filières de production électrique alternatives. Au regard des enjeux climatiques, essentiels quant à notre avenir collectif, je ne peux que souligner le retard de la France en la matière : ainsi, notre filière éolienne pèse entre 7 000 et 10 000 emplois, soit la moitié de celles du Danemark ou de l’Espagne et le quart de celle de l’Allemagne.

Par conséquent, nous ne pouvons en aucun cas infliger à notre filière éolienne un tarif de l’IFER discriminatoire par rapport aux énergies traditionnelles, qu’elles soient fossiles ou d’origine nucléaire !

Nous sommes prêts à accepter une tarification « neutre » de l’IFER, sous réserve que la discrimination positive en faveur des énergies renouvelables, rigoureusement indispensable, soit assurée par d’autres leviers. Je reviendrai sur ce point.

Cela nous paraît plus lisible et plus cohérent : tous les producteurs d’énergie électrique sont usagers du réseau et le paiement d’une indemnité forfaitaire de réseau, identique pour tous, est légitime.

En revanche, la discrimination positive nécessaire doit être confortée par le biais du tarif de rachat, lequel doit évoluer en fonction de ses effets sur le développement des filières alternatives.

À cet égard, si les objectifs en termes de puissance installée à l’horizon 2020 devraient être atteints plus tôt que prévu, il n’y a pas lieu de baisser automatiquement le niveau de la contribution au service public de l'électricité, ou CSPE, il faut maintenir l’effort : on ne fera jamais trop de production énergétique renouvelable !

Or je déplore le recul concernant l’objectif désormais affiché en termes de puissance éolienne, puisque le Gouvernement prévoit, outre les 4 000 mégawatts de puissance installée aujourd'hui, une tranche annuelle de 500 mégawatts, soit un total, en fin de période, de 9 000 mégawatts, ce qui représente un niveau inférieur à la moitié de la puissance du parc éolien actuel en Espagne et à peine supérieur au tiers de la puissance de celui de l’Allemagne, et ce alors même que nous avons la chance de disposer du deuxième potentiel en Europe !

Dès lors, comment compenser les pertes de recettes des collectivités territoriales dans ce domaine ? Si nous écartons toute hausse de l’IFER réservée aux seules énergies alternatives, la compensation par l’État ne nous paraît pas la bonne solution : nous mettrions en place une usine à gaz supplémentaire, de surcroît peu fiable. L’expérience le montre, en effet, non seulement les compensations versées par l’État aux collectivités territoriales sont insuffisantes, mais elles ne sont pas non plus durables !

C’est pourquoi nous proposons que la compensation légitime des recettes pour les collectivités soit assurée par une hausse de l’IFER, applicable indistinctement à tous les modes de production électrique, alternatifs et traditionnels.

D’abord, la « neutralité » du tarif de l’IFER au regard des modes de production électrique, alternatifs ou non, ne pénaliserait pas les énergies renouvelables. Il serait rigoureusement inacceptable qu’elles soient pénalisées.

Ensuite, pour nous écologistes, l’impact à la hausse du prix de l’énergie ne nous gêne pas, bien au contraire, et ce pour les deux raisons suivantes.

Nous avons toujours défendu le principe d’une fiscalité écologique et nous avons soutenu, par conséquent, l’introduction dans la loi Grenelle I du concept de contribution climat-énergie.

Il y va de l’internalisation dans le prix de l’énergie des dégâts causé à l’environnement, notamment en termes de gaz à effet de serre, d’un gaspillage d’énergie inadmissible à tous les niveaux – entreprises, ménages, collectivités territoriales et autres institutions, y compris la nôtre – au regard des enjeux planétaires.

En effet, dans une économie de marché, le signal des prix est essentiel pour orienter les choix des acteurs économiques, quels qu’ils soient. En matière d’énergie, de raréfaction et d’extinction des énergies fossiles, uranium compris, c’est vital au sens propre du terme.

Sur le plan macroéconomique, il ne nous paraît pas aberrant de commencer à refonder la fiscalité qui alimente nos collectivités locales.

À cet égard, asseoir une partie de ces recettes sur la production et, par ricochet, sur la consommation d’énergie notamment électrique est nettement préférable au système actuel en vigueur, qui est neutre sur le plan écologique, alors même qu’il s’agit d’un impératif catégorique, et injuste socialement, la taxe d’habitation frappant indistinctement riches et pauvres, propriétaires et locataires !

En conclusion, s’agissant de l’IFER, nous disons « oui » au maintien indispensable des recettes pour les collectivités territoriales, mais « non » à toute discrimination négative à l’encontre des énergies renouvelables.

Nous disons également « oui » au principe de « neutralité » entre les différentes sources de production énergétique, sous réserve expresse que le tarif de rachat reste un levier incitatif pour dynamiser effectivement le secteur des énergies renouvelables, très en retard dans notre pays.

Enfin, nous disons « oui » à une hausse de l’IFER, quand bien même elle devrait se traduire par une hausse sensible d’un bien rare que nous devons désormais enfin économiser : l’énergie !

Madame la secrétaire d'État, j’ai concentré mon intervention sur l’IFER applicable aux éoliennes, qui est implicitement au cœur du débat demandé par le groupe UMP.

Je souhaite néanmoins formuler à présent quelques observations concernant les autres énergies alternatives aux énergies fossiles.

À cet égard, la défiscalisation constitue un levier indispensable pour nous permettre de rattraper le retard en la matière et de respecter nos engagements internationaux.

Si la production électrique photovoltaïque devrait pouvoir bénéficier de la TVA à 5,5 % et, surtout, cesser d’être freinée par les obstacles réglementaires qui tendent à se multiplier, la production d’électricité à partir de la biomasse, plus précisément la production d’électricité verte par méthanisation, compostage et cogénération, devrait être particulièrement encouragée.

Une telle valorisation de nos biodéchets – plus de 25 % de nos déchets ménagers –, sous la réserve expresse qu’ils soient collectés sélectivement, permet d’obtenir un double dividende.

Le premier est la production d’électricité particulièrement « verte », dont le bilan en termes d’émissions de gaz à effet de serre est remarquable, meilleur que celui de la filière électronucléaire. En effet, on omet toujours à cet égard de prendre en compte le bilan carbone global du nucléaire, de l’exploitation dans les mines d’uranium en Namibie à celui de la gestion, non maîtrisée, des déchets nucléaires.

Le deuxième dividende est le compost de qualité – c’est l’ingénieur agronome qui s’exprime ici –, parfaitement valorisable en agriculture si la production par méthanisation-compostage est réalisée sur des biodéchets faisant l’objet d’une collecte sélective : cela n’a rien à voir, évidemment, avec le compost issu des usines de tri mécano-biologique, que les agriculteurs boudent à juste titre.

M. Daniel Raoul. C’est faux !

M. Jacques Muller. Cerise sur le gâteau, un tel mode de production électrique peut-être parfaitement décentralisé, comme en témoigne son développement extraordinaire en Allemagne.

En revanche, nous contestons radicalement les avantages fiscaux encore accordés à la filière des agrocarburants industriels, qui coûtent aux contribuables plusieurs centaines de millions d’euros par an.

Si le bilan des agrocarburants industriels en termes d’émissions de gaz à effet de serre est toujours controversé, si celui en termes d’impact sur l’environnement, les eaux, les sols reste préoccupant compte tenu des pratiques agricoles dominantes, c’est sur le caractère éthiquement insoutenable que je voudrais insister : nous devons impérativement réserver les terres agricoles à l’alimentation des êtres humains et non à celle des automobiles.

M. Bruno Sido. Quel rapport avec le débat ?

M. Jacques Muller. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, concentrons nos efforts sur les énergies renouvelables alternatives, les vraies : la biomasse, le soleil et, bien entendu, le vent ! (M. Jean-Paul Alduy applaudit.)