M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Je voudrais d’abord féliciter et remercier le président Jean Bizet d’avoir pris l’initiative de cette question, qui donne lieu à un débat tout à fait utile. Une fois de plus, le Sénat contribue à la transparence, et à la communication souhaitée par chacun des orateurs au sujet de cette importante directive.

Je voudrais apporter ma contribution à cet exercice de transparence en complétant le rapport de synthèse sur l’état de la transposition de la directive « Services » que le Gouvernement a présenté au mois de janvier dernier.

Le Gouvernement s’est mobilisé et continue de le faire pour assurer cette transposition le plus rapidement possible, même si, comme Jean Bizet l’a indiqué d’emblée, le délai fixé par la Commission est dépassé et si nous ne parviendrons pas au terme du processus dans les prochaines semaines.

Au cours des trois dernières années, une mission interministérielle dédiée a travaillé sous l’autorité de Christine Lagarde avec les différents ministères concernés et, en particulier, avec le secrétaire général du Gouvernement et le secrétaire général aux affaires européennes.

Il convenait de s’assurer que les dispositions applicables aux différentes professions concernées étaient justifiées et répondaient de façon proportionnée et non discriminatoire aux objectifs de la directive, à savoir : faciliter le libre établissement et la libre circulation des prestations pour assurer au consommateur une haute qualité des services et pour contribuer à l’emploi et à la compétitivité en Europe.

Il ne faut jamais perdre de vue ce dernier objectif. À cet égard, je me permets de rappeler que la France est le quatrième exportateur mondial de services ; elle est donc particulièrement bien placée pour profiter de l’ouverture des marchés européens.

Un certain temps a été nécessaire compte tenu du niveau de réglementation des professions en France, un niveau plus élevé qu’ailleurs à la fois par le nombre de professions réglementées et par le nombre de réglementations en vigueur accumulées au cours des décennies précédentes.

Je voudrais revenir sur les modalités de transposition.

Tout d’abord, je remercie les parlementaires qui ont salué le refus du Gouvernement de légiférer par ordonnance.

Le Gouvernement n’a pas non plus retenu l’option du recours à une loi-cadre, préférant transposer la directive secteur par secteur.

Pour être honnête, le choix était ouvert. Une transposition globale ne correspondait toutefois pas à la tradition juridique française – il n’est pas dans nos habitudes de rédiger un texte en recopiant une directive – et aurait pu, compte tenu du nombre de professions concernées, s’apparenter à un texte « fourre-tout », ce qui n’aurait pas permis de garantir – loin de là ! – la transparence et la qualité du débat.

Le Gouvernement a donc opté pour une autre solution. Il ne s’agissait pas de dissimuler les réformes ; le Parlement a d’ailleurs la place qui lui revient dans le débat sur la transposition. Le choix tenait plutôt à des critères pragmatiques et d’efficacité : nous voulions faire un travail fin, précis et adapté à chacune des professions. Les questions qui ont été posées au sujet de telle ou telle profession n’auraient pas trouvé de réponse au sein d’une transposition globale, trop large pour permettre une discussion point par point.

Le choix du Gouvernement n’a donc pas nui à la transparence, au contraire !

Ainsi, la transposition de la directive « Services » s’est déclinée au travers de différents textes.

Dans les domaines relevant du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, je pense notamment à des textes importants comme la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie et la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.

Ainsi que l’indiquait le rapport rendu public le 20 janvier 2010, et pour répondre à une question posée par M. Aymeri de Montesquiou, un certain nombre de textes sont encore en cours d’examen. Le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services transpose certaines des dispositions de la directive au sein d’articles portant sur les marchés d’intérêt national, les experts-comptables et les agents artistiques, pour ne citer que les principales mesures.

La proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit est, quant à elle, en cours d’examen en commission au Sénat après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale en décembre dernier. Elle assure en particulier la transposition de la directive en matière de libre prestation de services pour l’exercice occasionnel de diverses activités telles que celles d’entrepreneur de spectacle ou d’agence de mannequins.

Je souhaite mentionner également la proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif, adoptée en première lecture par les deux assemblées et transmise pour nouvel examen le 24 mars dernier, ainsi que le projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel, qui tend à fusionner les professions d’avocat et d’avoué. Ce dernier texte a été adopté en première lecture par les deux assemblées et transmis pour nouvel examen le 22 décembre dernier.

Enfin, la proposition de loi tendant à modifier la loi du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques concerne les services rendus par les sociétés de ventes.

J’en viens maintenant au fond.

Je commencerai par quelques éléments concernant l’impact sur les professions réglementées.

L’objectif de la transposition est clair : moderniser les modes d’exercice de certaines professions tout en les adaptant aux mutations économiques et préserver les impératifs d’indépendance et d’impartialité de chacune de ces professions, des impératifs auxquels nous sommes attachés.

Beaucoup de débats ont eu lieu sur ces sujets, en particulier sur l’initiative de diverses professions concernées. Je voudrais donner un coup de projecteur sur un aspect spécifique, qui a porté sur les règles de détention du capital des sociétés d’exercice professionnel ; cela concerne plusieurs métiers.

Le Gouvernement a indiqué à plusieurs reprises sa position : il considère que le maintien d’une règle de détention de la majorité des capitaux dans les professions réglementées qui en comportent n’est pas nécessairement contraire à la directive ; en tout état de cause, il convient d’ouvrir le capital à des professionnels ressortissants d’autres États membres qui disposent des diplômes permettant l’exercice de la profession.

En réponse à ce genre de questions, notamment pour la profession d’architecte, je voudrais apporter quelques précisions à Mme Hermange.

Je tiens à le rappeler ici, il est apparu, après examen, que l’essentiel des dispositions concernant la profession d’architecte est compatible avec la directive « Services ».

L’indépendance, la capacité d’exercice ainsi que la responsabilité des architectes et des sociétés d’architecture ont été préservées, de même qu’ont été maintenues des règles strictes quant à la composition de leur capital et leur forme juridique.

Toutefois, il a paru nécessaire, en conformité avec la directive « Services » et comme je l’ai indiqué à l’instant, d’ouvrir la possibilité d’apport de capital à des professionnels ressortissants d’autres États membres qui disposent des diplômes permettant l’exercice de la profession dans l’Union européenne. Cela sera mis en place avec la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Un autre sujet de fond important a été évoqué par Mmes Hermange et David ainsi que par M. Ries, je veux parler des services sociaux d’intérêt général.

Il faut le redire encore une fois, les services sociaux et médico-sociaux sont exclus, dans leur quasi-totalité, du champ même d’application de la directive. Pour la plupart des régimes déclarés, leur compatibilité avec la directive a été justifiée et aucune modification n’est intervenue et n’interviendra. Mais, lorsque cela était nécessaire, la transposition a donné lieu à des dispositions législatives, comme l’a fait la loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».

Consciente que ces questions des services sociaux d’intérêt général sont souvent sources de malentendus, je voudrais de nouveau confirmer ce qui a été dit à maintes reprises par le Gouvernement et par les parlementaires : la directive « Services » n’a pas plus à voir avec le droit de la concurrence qu’avec les questions des financements publics.

Cela me donne l’occasion, monsieur Ries, de citer un excellent auteur, Mme  la sénatrice Annie Jarraud-Vergnolle. Dans un rapport rédigé voilà moins de deux mois dans le cadre des travaux de la commission des affaires sociales du Sénat, elle précise ceci : « Inclure ou exclure un secteur du champ d’application de la directive ne revient donc pas à le subordonner ou le préserver du droit de concurrence, mais à décider si son régime d’autorisation doit ou non répondre aux critères posés par la directive ». On ne pouvait mieux dire : la directive ne pose pas de règles concernant le droit de la concurrence.

Les financements publics, quant à eux, peuvent donner lieu à débats, mais ce ne sont pas les mêmes, car on est en dehors du champ de la directive. Le régime des aides d’État résulte, en effet, d’un ensemble de normes. Connues sous le nom de « paquet Monti Kroes », du nom de deux commissaires successifs à la concurrence, elles sont dépourvues de tout lien avec la directive « Services ».

Monsieur Ries, vous avez attiré notre attention sur certains débats actuellement animés par les associations concernant la question des gardes d’enfants et des crèches. Là encore, nous sommes typiquement dans une sorte de malentendu. Je voudrais vous rappeler que le régime d’autorisation relatif à l’accueil de la petite enfance ne conduit pas à l’existence d’un mandat entre les collectivités et les crèches. Or, l’examen des critères d’inclusion dans le champ de la directive « Services » ou d’exclusion dudit champ fait apparaître que l’existence d’un tel mandat est nécessaire pour exclure ce régime du champ de la directive. C’est l’article 2 de la directive. Je vous confirme que les crèches et ce type de service sont dans le champ de la directive.

Mais, pour autant, et j’en reviens à l’analyse faite par votre collègue Annie Jarraud-Vergnolle, le fait d’inclure le régime d’autorisation encadrant la création des crèches dans le champ de la transposition n’a entraîné aucune conséquence, toutes choses égales par ailleurs, sur la réglementation existante.

Le projet de décret sur les crèches que vous avez évoqué n’est pas une mesure de transposition de la directive « Services ». Les choses sont claires : le régime des crèches est conforme à la directive. L’autorisation d’exercer vise simplement la conformité des locaux aux règles d’hygiène et de sécurité, ce qui est permis par la directive. Et ce n’est pas dans ce cadre qu’il convient, si vous le souhaitez, de mettre en cause ou d’évoquer la question du décret. Celui-ci n’est pas une conséquence de la transposition de la directive.

Je conclurai enfin sur ce sujet des services d’intérêt général en précisant que le Gouvernement français est en pointe pour défendre ces services. Dans le débat actuel sur ce que l’on appelle parfois « le paquet 20-20 », c’est-à-dire la nouvelle étape de la stratégie dite de Lisbonne, dont l’horizon se situe à 2020, la France souhaite très clairement pouvoir mettre en avant les services d’intérêt général comme l’une des spécificités de la compétitivité européenne et comme l’un des éléments des stratégies que nous devons développer à l’avenir.

Plusieurs intervenants se sont exprimés sur la question du redéploiement du guichet unique. Je ne veux pas revenir sur l’analyse des textes, sur la nécessité de ce guichet unique permettant à la fois la création et l’accès aux différents régimes d’autorisation.

Comme vous le savez, le Gouvernement a choisi de passer par les centres de formalités des entreprises, c’est-à-dire de se mettre du côté de ceux qui favorisent la création d’entreprises plutôt que du côté des différents régimes administratifs. Il a également choisi la gratuité de l’accès à ce guichet unique, ce qui est l’une des spécificités de notre pays par rapport à de nombreux autres États membres.

En décembre 2008, le Premier ministre a décidé de créer un portail Internet unique de création d’entreprises. Il est ouvert. Je vous en confirme l’adresse : www.guichet-entreprises.fr.

Quelques milliers de demandes ont déjà été exprimées auprès de ce guichet unique, tout à fait nouveau puisqu’il date de janvier 2010. Soyons clairs, il n’est pas encore tout à fait complet pour l’ensemble des régimes d’autorisation. Le dispositif se mettra en place petit à petit.

Ce guichet unique a pour fonction d’apporter de l’information sur les formalités à accomplir pour créer et exercer son activité : 92 fiches correspondant à 92  manières d’exercer des activités professionnelles sont accessibles sur le site décrivant les démarches à accomplir. Bien évidemment, nous sommes dans une démarche pas par pas et tout cela devrait progresser assez rapidement.

Parallèlement, des centres physiques de formalités des entreprises fonctionnent actuellement en guichet unique pour 14 activités. Je ne vais pas vous citer l’ensemble des professions visées mais, si vous voulez être coiffeur, boucher, agent immobilier, expert-comptable ou plombier, le centre de formalités des entreprises dont vous dépendez permet d’effectuer les démarches pour créer votre activité et obtenir les autorisations administratives nécessaires pour l’exercer.

Pour terminer mon intervention, j’évoquerai, en me référant là encore aux propos de Mme Hermange, l’importance de l’évaluation mutuelle à l’échelon communautaire. Elle sera faite au niveau des gouvernements. Il est prévu par la directive que les États membres évaluent mutuellement les travaux de transposition réalisés par chacun. Et la mission interministérielle a, pour ce faire, pleine compétence.

Nous souhaitons que les professions réglementées puissent elles-mêmes travailler de façon comparative avec leurs collègues des autres pays. Elles le font. Cette démarche, tout à fait intéressante, pourra nous amener à moderniser notre propre système d’autorisations et d’exercice des professions réglementées.

Nous travaillons, comme les autres États membres, sur les questions d’impact économique de cette directive « Services » et de l’ouverture des marchés.

À cet égard, je voudrais vous citer, à titre d’illustration, les récents travaux de l’ancien commissaire Monti, qui fixe à une fourchette de 0,6 à 1,5 point de PIB l’impact possible de l’ouverture des marchés sur nos économies, sur notre croissance, et donc potentiellement sur nos emplois. Nous y trouvons une indication de l’espoir que nous pouvons placer dans ces transpositions.

La commission permanente de concertation des services mise en place en février dernier par Hervé Novelli aura à cœur de travailler continûment sur l’impact de la transposition de la directive dans l’esprit qui a été indiqué : le processus suivi consiste, certes, à transposer mais au moins autant à dynamiser notre économie grâce au cadre européen.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir, grâce à ce débat, contribué à cette transparence et d’avoir dynamisé les travaux de transposition. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)

M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 18 mai 2010 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À quinze heures et le soir :

2. Projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (Procédure accélérée) (n° 200, 2009-2010).

Rapport de M. Gérard César et M. Charles Revet, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 436, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 437, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART