M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Nous avons déjà eu cette discussion en commission.

Monsieur le ministre, la loi doit énoncer les choses clairement. Or les amendements qui ont été présentés ce soir par M. Pointereau, par M. Le Cam et, à l’instant, par M. Chastan visent à inscrire clairement dans la loi que l’éducation à l’alimentation commence à l’école et se poursuit jusqu’à l’université. C’est un processus évident !

Nous l’avons souligné dans la discussion générale, les étudiants mangent régulièrement dans les fast-foods, sans doute pour des raisons d’ordre culturel, mais aussi par souci d’économie. Toutes les études montrent que, lorsqu’ils veulent prendre leur repas en dehors du lycée ou de l’université, ils vont en majorité dans un fast-food !

Par ailleurs, nous voulons clairement affirmer que les agriculteurs doivent pourvoir vivre de leurs produits et les vendre sur leur territoire.

L’amendement présenté par notre collègue Yves Chastan n’est pas redondant avec l’alinéa 17. Il vise simplement à mettre l’accent sur un certain nombre d’éléments : le terroir, la relocalisation des productions, les circuits courts. Nous aborderons effectivement ce dernier sujet ultérieurement, monsieur le rapporteur.

Cet amendement va dans le bon sens.

Certes, l’écriture du texte s’en trouve quelque peu alourdie. Il n’empêche que si, dès le premier article du projet de loi, vous ne fixez pas clairement les objectifs – nous verrons qu’il en sera de même tout au long du texte –, on est inévitablement conduit à se poser des questions, monsieur le ministre : n’allez-vous pas en rester à de simples déclarations de bonnes intentions ?

Monsieur le ministre, nous approuvons tous très souvent vos explications et nous partageons la volonté que vous affichez. Néanmoins, au-delà de votre bonne foi et de vos louables intentions, la loi doit être claire. Les parlementaires s’en trouveraient rassurés, mais aussi les agriculteurs et l’ensemble de nos concitoyens.

Nous l’avons encore dit ce matin en commission : le consommateur doit absolument être au cœur des discussions. À défaut, nous aurons du mal à promouvoir une politique de l’alimentation.

C'est la raison pour laquelle nous regrettons vos positions au sujet de ces deux amendements visant l’éducation des jeunes. Ils ne sont pas restrictifs, mais ils tendent à mettre l’accent sur certaines actions. L’amendement n° 234 de M. Le Cam a été repoussé, mais le celui de M. Chastan peut encore être adopté par le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Mon explication de vote ira dans le même sens que celle de Didier Guillaume.

Je suis attaché à la notion de produits locaux et de produits du terroir. Le fait que l’alinéa qui traite des circuits courts y fasse référence n’a rien à voir avec ce qui est demandé ici !

Je tiens particulièrement, comme beaucoup de sénateurs, à ce que les produits locaux puissent être mis en valeur.

Dans mon département, où pousse la meilleure fraise de France, la fraise du Périgord (Sourires.),…

M. Gérard César, rapporteur. Celle du Lot-et-Garonne n’est pas mal non plus !

Mme Odette Herviaux. Il y a aussi celle de Plougastel ! (Nouveaux sourires.)

M. Claude Bérit-Débat. … il serait dommage de faire déguster des fraises d’Espagne, même si ces dernières arrivent sur le marché avant les nôtres !

Il en va de même des autres produits locaux, dont il est important d’assurer la promotion dans le cadre de l’initiation au goût.

Il faut informer les consommateurs et apprendre dès le plus jeune âge aux enfants à connaître les produits de leur terroir. De la sorte, ils deviendront demain des consommateurs avertis, soucieux de consommer avant tout des produits locaux.

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. L’alinéa 17 de l’article 1er prend en compte « le respect des terroirs par le développement de filières courtes ». Cela a fait l’objet d’un consensus en commission, monsieur Chastan.

M. Claude Bérit-Débat. Ce n’est pas pareil !

M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement est satisfait, cher collègue !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 520 rectifié, présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Escoffier, MM. Tropeano et de Montesquiou, Mme Laborde et MM. Chevènement, Mézard, Plancade, Milhau, Vall, Baylet, Barbier, Alfonsi, Marsin et Detcheverry, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après les mots :

en matière

insérer les mots :

de goût,

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. L'initiation au goût est, selon le baromètre 2008 du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, la troisième priorité, derrière l'équilibre alimentaire et l'hygiène, assignée par plus de 50 % de Français à l'éducation à l'alimentation.

Comme tous les apprentissages, celui du goût doit commencer très jeune. En effet, c'est au moment où l’alimentation de l’enfant se diversifie qu'il convient de lui faire prendre conscience que les produits ont des saveurs et des caractéristiques très différentes.

L'éducation au goût et au plaisir de bien manger pourrait tenir, dans les programmes scolaires, une place auprès des grands apprentissages, d’autant qu’il y va de la santé des générations futures.

Je ne vous ferai un inventaire à la Prévert des nombreuses maladies qui nous guettent, mais je rappelle les principales : obésité, diabète, cancer. Elles nous incitent à la plus grande vigilance quant à l’éducation des jeunes et des moins jeunes en la matière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. La qualité gustative des aliments est évoquée à l’alinéa 15 de l’article 1er : le texte de la commission prévoit que des actions seront mises en œuvre, notamment dans le domaine de « la qualité gustative et nutritionnelle des produits agricoles et de l’offre alimentaire ».

Votre amendement porte sur un sujet important, madame Laborde, mais il est satisfait par le texte de la commission. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable : le texte de la commission mentionne très clairement que la « qualité gustative » des produits agricoles doit être prise en compte. La « qualité gustative » et le « goût » recouvrent une même réalité.

De la même façon, monsieur Guillaume, l’éducation est mentionnée noir sur blanc à l’alinéa 13 de l’article 1er. Contrairement à ce que vous affirmez, nous n’en restons pas à une simple déclaration de bonnes intentions !

M. le président. Madame Laborde, serait-il de « bon goût » de maintenir l’amendement n° 520 rectifié ? (Sourires.)

Mme Françoise Laborde. C’est votre trait d’humour, monsieur le président, qui m’incite à le retirer, mais je dois dire que la formule « l’éducation et l’information notamment en matière de goût » aurait été plus à mon goût ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. L'amendement n° 520 rectifié est retiré.

L'amendement n° 647, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 13

I. - Remplacer les mots :

et de l'origine

par les mots :

, de l'origine

II. - Après le mot :

production,

insérer le mot :

et

La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Il s’agit d’une clarification rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 647.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 233, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par les mots :

et le bien-être animal

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. L’objet de cet amendement est d’inclure le bien-être animal dans le volet éducatif et informatif du programme national pour l’alimentation.

Mme Jacqueline Panis. C’est insupportable !

M. Gérard Le Cam. Peut-on savoir ce que vous avez contre le bien-être animal ?

Mme Marie-Agnès Labarre. La promotion de pratiques agricoles plus durables, sur le plan de l’environnement comme sur celui du bien-être animal, passera également par l’information et par l’éducation du consommateur.

Certes, l’alinéa 16 prévoit déjà que le programme national pour l’alimentation portera sur les modes de production respectueux de l’environnement. Cependant, la question du bien-être animal est distincte de cette problématique.

Au-delà de leur impact potentiel sur l’environnement, les conséquences des conditions d’élevage sur le bien-être animal sont une préoccupation croissante chez les consommateurs. Il est donc important d’encourager financièrement les agriculteurs à développer une démarche volontaire en faveur du bien-être animal, allant au-delà des normes réglementaires, notamment au travers de la politique de l’alimentation.

En tant que destinataire final de la chaîne de production, un citoyen bien informé peut en effet exercer, par ses choix, une influence importante sur l’évolution de nos modes de production. Outre les éléments déjà indiqués dans l’alinéa, l’information du public doit également porter sur le bien-être des animaux d’élevage.

M. le président. L’amendement n° 592, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par les mots :

et sur le bien-être animal

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement est quasiment identique au précédent. J’estime qu’il a déjà été très bien défendu par Mme Labarre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gérard César, rapporteur. Ces deux amendements sont, en effet, quasiment identiques, mais l’amendement de Mme Laborde…

Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. Il s’agit de Mme Labarre !

M. Gérard César, rapporteur. Excusez-moi, madame Labarre ! Je pensais à Mme Laborde… (Rires et exclamations.) … à cause du foie gras ! En effet, elle est élue d’un département où la production de foie gras est très importante ; or les conditions d’élaboration de ce produit sont parfois contestées au nom du bien-être animal.

Nous avons eu un échange important sur ce sujet en commission. Il ne faudrait pas que certaines productions soient remises en cause au nom du bien-être animal. Les règles dans ce domaine sont fixées au niveau communautaire. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter des dispositions en ce sens dans notre droit national.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Je rappelle que le texte du projet de loi précise que sont prises en compte « les conditions de production » : cette expression inclut le bien-être animal.

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Je partage la préoccupation des auteurs de ces amendements sur le fond, car aucun d’entre nous n’imaginerait que l’on puisse sans raison faire souffrir des animaux, ou les traiter d’une façon qui ne serait pas conforme à ce qu’exigent les directives européennes. Cependant, je pense que nous devons être très prudents lorsqu’il s’agit de déterminer les notions relatives au bien-être animal qui doivent figurer dans les programmes éducatifs destinés aux enfants.

En effet, notre monde souffre d’un anthropomorphisme qui consiste à prêter aux animaux des sentiments qui n’appartiennent qu’aux êtres humains et conduit parfois, malheureusement, à en faire plus pour les animaux que pour les humains.

Mme Marie-Thérèse Hermange et M. René Beaumont. Très bien !

Mme Odette Herviaux. S’agissant de l’élevage, sans vouloir remettre en cause les décisions de Bruxelles, il me semble que nous pouvons parfois nous poser des questions.

M. Charles Revet. C’est vrai !

Mme Odette Herviaux. Quelqu’un qui connaît vraiment le monde de l’élevage – M. le ministre citait tout à l’heure l’élevage porcin – peut mesurer les conséquences que sont susceptibles d’avoir certaines décisions prises prétendument au nom du bien-être animal. Il suffit de constater les conséquences directes sur les animaux eux-mêmes de l’application de règles imposant des enclos plus spacieux ou la libre circulation pour être tout de suite « vacciné », si j’ose dire, contre cette vision angélique de la vie animale, uniquement destinée à nous donner bonne conscience.

En effet, les animaux ont des réactions d’animaux : ils se battent entre eux, ils s’entendent pour attaquer les plus faibles, etc. Lorsque vous installez dans un espace trop vaste des coches avec leurs porcelets, les plus faibles d’entre eux sont systématiquement empêchés par leurs congénères de s’alimenter, subissent des blessures, etc.

Je ne veux pas vous donner de leçons sur ces questions, mais si l’on veut inclure ces sujets dans les programmes éducatifs, il faut veiller à ce qui sera dit et à la manière d’aborder ces problèmes. C’est pourquoi je propose aux collègues de mon groupe de s’abstenir sur ces deux amendements. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. Nous sommes ici un certain nombre à être familiers des questions relatives à l’élevage, notamment l’élevage intensif. Ainsi, comme notre collègue Odette Herviaux, je suis un élu de Bretagne et je connais bien les élevages de porcs.

La notion de bien-être animal est importante et ne doit pas être manipulée n’importe comment. Sa prise en compte peut, dans certains cas, représenter un handicap en termes de productivité. Pour autant, ce concept mérite d’être utilisé avec toute la science nécessaire.

Dans les élevages intensifs, les animaux sont rarement soignés par le propriétaire, ils le sont le plus souvent par des salariés agricoles. Or j’ai lu récemment une étude qui montre que ces salariés souffrent psychologiquement de devoir soigner des animaux qui, eux-mêmes, souffrent.

Mme Jacqueline Panis. Qu’est-ce que ça doit être dans les hôpitaux !

M. Gérard Le Cam. Il y a un lien de souffrance entre les animaux et leurs soigneurs, il faut bien en prendre conscience ! On peut mépriser le monde animal, ce n’est pas mon cas : j’estime qu’il faut le respecter, en trouvant un équilibre pour garantir une compétitivité suffisante des élevages.

Dans certains cas de figure, comme l’élevage de volailles, la prise en compte du bien-être animal a une incidence assez faible ; pour l’élevage porcin, elle est sûrement plus importante. Il faut voir, espèce par espèce, élevage par élevage, comment améliorer progressivement la situation, d’autant que les retombées ne concernent pas uniquement les animaux.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. L’amendement n° 591 visait à intégrer dans le programme national pour l’alimentation « les actions à mettre en œuvre dans le domaine du bien-être animal ». J’avais bien volontiers accepté de retirer cet amendement dans la mesure où l’on m’avait fait observer que cette préoccupation relevait de programmes déjà prévus par la réglementation européenne.

M. Gérard César, rapporteur. C’est vrai !

M. Jacques Muller. Mon amendement n° 592, je le maintiens parce qu’il touche à une autre problématique, qui relève de l’information et de l’éducation. Tout en admettant qu’il faut rester vigilant quant au contenu du message transmis, j’estime que l’information et l’éducation dans ce domaine jouent un rôle important.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit que notre préoccupation était satisfaite par les termes du projet de loi. Or celui-ci évoque non pas les « conditions de production », mais les « modes de production », ce qui n’est pas la même chose. L’expression « conditions de production » englobe l’aspect qualitatif, alors que la référence aux « modes de production » est beaucoup plus neutre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 233.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 592.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 120 rectifié, présenté par M. Chatillon, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Après les mots :

d’équilibre et de diversité alimentaires,

 Insérer les mots :

de besoins spécifiques à certaines populations,

Cet amendement n’est pas soutenu.

M. Gérard César, rapporteur. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 120 rectifié bis, présenté par M. Gérard César, au nom de la commission de l’économie, et dont le libellé est identique à celui de l’amendement n° 120 rectifié.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Je me dois d’abord de présenter les excuses de notre collègue Alain Chatillon, empêché d’’être présent à la suite du décès d’un très proche parent.

Cet amendement tend à préciser que le programme national pour l’alimentation doit s’adresser au grand public d’une manière indifférenciée par des campagnes généralistes, mais doit également viser des publics éprouvant des besoins particuliers en raison de leur situation : handicap, maladie, mode de vie spécifique, etc. Cette précision me paraît utile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est très favorable. En effet, on ne saurait trop insister sur les difficultés liées, pour certaines catégories de population, aux problèmes d’allergie, par exemple. Ainsi, les allergies au gluten, au lait ou à l’œuf se multiplient, notamment chez les enfants. Ce problème social est important et il me paraît essentiel que le programme national pour l’alimentation s’en préoccupe.

Par ailleurs, nous rencontrons une deuxième série de difficultés tout aussi importantes avec les personnes dénutries, notamment dans les hôpitaux ou dans les établissements de soins pour personnes âgées.

Cet amendement me paraît donc utile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous demander une explication complémentaire. Cet amendement va effectivement dans le bons sens, mais tout le problème est de savoir s’il sera applicable : une telle information est-elle réalisable et, dans l’affirmative, sur quels types de support, en fonction des publics concernés ?

Mon observation n’appelle pas un vote négatif sur cet amendement ; elle vise simplement à rappeler que les modalités pratiques d’application de cette disposition poseront des difficultés. J’aurais donc aimé connaître la position de M. le ministre et de M. le rapporteur sur cet aspect de la question.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, votre interrogation est tout à fait légitime. Cependant, la réponse qu’elle appelle relève non du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Nous y serons évidemment très attentifs. Pour tout vous dire, je suis très directement concerné par ce problème : il s’agit donc d’un sujet que je connais bien.

Lorsque les parlementaires ont adopté, il y a quelques années, l’obligation d’étiquetage sur les traces d’œuf ou de lait dans les produits alimentaires, ils ont accompli un très grand progrès. En effet, quand un enfant de cinq ou six ans souffre d’une allergie à l’œuf, par exemple, une simple trace d’œuf dans un produit agroalimentaire suffit à lui créer de sérieuses difficultés.

De la même façon, je pense qu’il est important que l’étiquetage d’un produit alimentaire indique si ce produit a été réalisé dans une usine ou une exploitation qui produit également des aliments à base de blé ou d’œuf, car il pourrait contenir, par contamination, des traces de gluten ou d’œuf, alors même que ces éléments ne sont pas censés entrer dans sa composition.

Je m’engage donc à ce que les règlements imposent ces précisions, qui seront apportées soit par voie d’étiquetage, soit par tout autre moyen nécessaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 120 rectifié bis.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L’amendement n° 235, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

notamment à travers la mention obligatoire des produits génétiquement modifiés ou nourris avec des produits génétiquement modifiés

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Aujourd’hui, la réglementation distingue deux catégories de denrées : celles qui sont élaborées volontairement avec des matières premières ou ingrédients génétiquement modifiés, pour lesquels l’étiquetage des denrées destinées au consommateur final est obligatoire, quelle que soit la quantité d’OGM présente dans le produit ; celles qui sont élaborées avec des matières premières ou ingrédients conventionnels, mais qui peuvent contenir accidentellement des traces d’OGM. Dans ce dernier cas, la présence d’OGM n’a pas à être mentionnée tant qu’elle se situe en dessous du seuil de 0,9 % dans la composition du produit.

Bien sûr, l’obligation d’étiquetage s’applique également dès lors que la matière première principalement utilisée au cours de la fabrication d’un produit est génétiquement modifiée, comme dans le cas de certaines huiles et de certains sirops.

En revanche, les produits alimentaires issus d’animaux conventionnels nourris avec des aliments à base d’OGM ne sont pas soumis à cet étiquetage. Le lait, les œufs, la viande, le poisson, la crème, le beurre, etc. sont des exemples d’aliments très courants pour lesquels le consommateur ne dispose d’aucun moyen de savoir s’ils sont issus d’une filière ayant recours à des OGM puisqu’ils ne présentent aucune caractéristique physique différente qui permette de les identifier.

Or nous ne sommes pas certains aujourd’hui que la consommation à haute dose, voire exclusive, d’OGM par du poisson, du bétail ou de la volaille d’élevage soit dénuée d’effets pour ceux qui se trouvent à l’extrémité de la chaîne alimentaire, c’est-à-dire les consommateurs. Depuis l’introduction, en 1996, de produits agricoles transgéniques dans l’environnement et dans la chaîne alimentaire, les risques liés restent encore très largement inconnus, car très peu observés, faute d’études indépendantes réalisées sur une période suffisamment longue.

L’application du principe de précaution, qui a pourtant valeur constitutionnelle depuis l’adoption de la Charte de l’environnement, en 2005, semble donc illusoire dans ce domaine, alors que les incertitudes scientifiques qui demeurent devraient justement le placer au cœur du processus d’évaluation et de décision politique.

Tant que cette incertitude demeure, le minimum nous paraît être de permettre une traçabilité de la consommation d’organismes transgéniques dans les produits, afin que le consommateur puisse exercer son choix en son âme et conscience. Ce choix porte sur ce qu’il est en droit de percevoir comme un risque potentiel pour sa santé, mais il dépasse également ce seul aspect, car le débat sur les OGM dépasse largement la question sanitaire : il soulève d’autres interrogations, d’autres appréhensions peut-être, concernant la protection de l’environnement, la biodiversité et, plus largement encore, notre modèle de société.

Pour ces raisons, nous vous invitons, chers collègues, à voter cet amendement, qui tend à rendre obligatoire la mention de produits issus d’organismes nourris avec des produits génétiquement modifiés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Gérard Le Cam pose le problème des OGM, qui n’entre pas tout à fait dans le champ de ce projet de loi de modernisation de l’agriculture.

Il a rappelé que la réglementation communautaire prévoyait une obligation d’étiquetage à partir d’un taux de présence de 0,9 %, comme le précise également l’article 8 de la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés. Dès lors, il ne paraît pas utile de prévoir une disposition spécifique dans le cadre du programme national pour alimentation.

C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis, monsieur le président.

Ce débat sur les traces d’OGM, notamment dans l’alimentation animale, est extrêmement approfondi et animé au sein de l’Union européenne puisque c’est dans le cadre de la réglementation communautaire que sont définies ces règles de traçabilité.

M. le président. Monsieur Le Cam, l’amendement n° 235 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 235 est retiré.

L'amendement n° 236, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

notamment à travers la mention obligatoire et systématique de l'origine des denrées alimentaires par voie d'étiquetage ou d'affichage

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à rendre la mention de l’origine d’une denrée alimentaire systématique et obligatoire, contrairement à ce qu’il en est dans la réglementation actuelle.

En effet, il s’agit non pas d’interdire les importations de ces produits frais, mais de permettre au consommateur de faire son choix en connaissance de cause, et cela par rapport à plusieurs objectifs essentiels de cette nouvelle politique alimentaire.

Tout d’abord, cet amendement s’inscrit dans la promotion d’une alimentation durable, qui permet de ne pas oublier la notion de saison et les productions locales.

Ainsi, s’il est devenu normal pour le consommateur de trouver des poires et des pommes des quatre coins du monde en été et à Noël, ainsi que des fraises d’Israël, des cerises d’Argentine ou des myrtilles du Chili, un étiquetage adéquat permettrait de prendre la mesure de l’impact écologique des choix alimentaires de chacun, et aussi de les modifier.

En liaison avec un tel enjeu environnemental se pose ensuite la question de la responsabilité sociale des citoyens, des consommateurs. Les problématiques de commerce équitable prennent une place croissante dans les préoccupations des Français, qui ne veulent plus faire l’impasse sur les conséquences sociales de leur consommation. En témoignent les succès de documentaires, tel Le Cauchemar de Darwin, qui analyse, entre autres, l’effet sur l’économie locale de la pêche intensive de la perche dans le lac Victoria.

Enfin, un tel étiquetage permet de contribuer à certains enjeux de santé publique. Ces dernières années, nous avons assisté à la multiplication de risques alimentaires locaux pouvant prendre rapidement des dimensions globales. Je pense notamment à la vache folle, au bœuf aux hormones, ou aux OGM.

L’État se doit de garantir le droit à l’information sur les produits alimentaires pour permettre au citoyen de décider par lui-même des choix alimentaires qu’il va effectuer.

L’accès à l’information en matière alimentaire est lié à la réalité économique et sociale du consommateur. C’est pourquoi une politique volontariste doit favoriser l’information et le choix éclairé de tous. C’est la base de toute action en faveur de l’éducation au goût et à une consommation responsable.