Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, autant le dire d’emblée, c’est avec satisfaction et espoir que je m’engage avec vous dans cette deuxième lecture d’une proposition de loi qui me tient à cœur.

Satisfaction et espoir, parce que ce texte, bien que modeste dans ses enjeux, me semble révélateur de trois évolutions essentielles de notre vie politique.

D’abord, il apporte la preuve que le Parlement ne se contente pas d’enregistrer ou d’amender la volonté de l’exécutif, mais qu’il peut, lui aussi, prendre l’initiative de changements ou d’améliorations auxquels le Gouvernement n’aurait peut-être pas songé, ou qu’il trouverait trop audacieux.

Même si ce texte est sur le point d’aboutir grâce à votre engagement, monsieur le ministre, et à celui d’Éric Woerth, tout le monde se souvient ici de la difficulté – et c’est peu dire ! – que nous avons eue au départ à convaincre le Gouvernement du bien-fondé de notre initiative. Peut-être faut-il y voir l’application trop rigoureuse du principe constitutionnel de précaution. (M. le secrétaire d’État sourit.)

Il faut le souligner, à force de réflexions, d’auditions et de discussions, le Parlement a su convaincre, atténuer les nombreuses réticences initiales et mener son projet à terme. Mais il faut également savoir gré au Gouvernement de nous avoir entendus et, finalement, d’avoir repris à son compte un dispositif qu’il souhaite désormais voir rapidement entrer en vigueur. Merci, monsieur le ministre !

Retenons donc que la volonté parlementaire conjuguée à l’écoute gouvernementale peut aussi déboucher sur des avancées législatives et politiques pour le plus grand bénéfice de nos concitoyens.

Le deuxième sujet de satisfaction de cette proposition de loi, c’est l’évolution des rapports entre l’État et la société qu’elle révèle.

Nous n’avons pas décrété par le haut, de manière technocratique, comment les assistantes maternelles et les parents devaient s’organiser. Nous avons choisi de faire confiance aux intéressés eux-mêmes.

Nous n’avons pas voulu emprunter cette attitude de commandement qui caractérise trop souvent les décideurs de notre pays. Au contraire, nous sommes allés sur le terrain observer des initiatives de la société, qui nous ont semblé riches et utiles. Ce texte ne vient au fond que leur donner un socle législatif adapté.

C’est en fait le sens premier de cette proposition de loi : consacrer et sécuriser les initiatives d’assistantes maternelles et de parents qui ont eu l’intelligence et le courage d’inventer, hors des sentiers battus et des habitudes, une nouvelle manière d’accueillir les jeunes enfants.

Nous avons peut-être ici un exemple de la petite révolution qui est demandée aujourd’hui aux autorités publiques. Notre pays ne pourra prospérer et nos territoires ne pourront se développer que si ces autorités, locales ou nationales, préfèrent à la fonction confortable d’administration pointilleuse et tatillonne sur le respect de la norme, celle plus risquée mais plus utile de stimulateur d’initiatives, de centre de conseils et d’expériences au service des porteurs de projets. Faciliter et encadrer plutôt que contrôler et surveiller, c’est exactement ce que cette proposition de loi tente de faire. Sachons, mes chers collègues, innover en matière de réponse administrative aux attentes de nos concitoyens !

Enfin, les maisons d’assistants maternels sont aussi adaptées, à leur modeste niveau, bien sûr, à la situation dramatique de nos finances publiques. On le sait, il manque en France entre 300 000 et 400 000 places d’accueil, alors même que notre pays consacre déjà 3,8 % de son produit intérieur brut à la politique familiale et que le déficit structurel de la sécurité sociale atteint des niveaux jamais connus jusqu’à présent.

Se contenter de dépenser encore plus pour répondre aux besoins des familles, et endetter ainsi nos enfants et petits-enfants, serait donc irresponsable. Il est préférable d’innover et d’inventer de nouvelles solutions qui prennent en compte la réalité des coûts.

Or, tous financeurs confondus, la garde à domicile est le mode de garde le plus onéreux, avec 2 318 euros par mois, devant les crèches, 1 366 euros, et les assistantes maternelles, 895 euros.

Si l’on veut, de manière crédible et soutenable, apporter des solutions de garde aux parents, c’est donc avant tout sur les assistantes maternelles qu’il faut investir, comme le propose depuis déjà un an la commission des affaires sociales.

Ce texte s’inscrit bien dans cette stratégie qui consiste à créer des places d’accueil pour les enfants en offrant de nouvelles opportunités de travail et de carrière aux assistantes maternelles.

Là aussi, ne croyons pas que dépenser plus c’est nécessairement garder mieux. Faisons confiance au professionnalisme des assistantes maternelles et aux exigences des parents, qui ont prouvé, depuis une dizaine d’années maintenant, que la qualité de l’accueil est la première priorité des maisons d’assistantes maternelles.

Osons abandonner notre addiction normative, qui nous pousse à édicter les règles dans le moindre détail. Certes, celles-ci apaisent nos consciences, mais leur coût est insupportable pour notre société.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, il me semble qu’après plus de six mois de réflexion et de discussion ce texte est désormais mûr, solide et opérationnel. Je veux remercier mes collègues qui se sont associés à cette initiative, en particulier Jean-Marc Juilhard, qui est venu en Mayenne dans le cadre de sa mission d’information sur l’accueil des jeunes enfants en milieu rural, André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales, qui a fait montre d’une grande opiniâtreté pour faire avancer et enrichir cette proposition de loi, Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je remercie également nos collègues députés et le rapporteur de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Yvan Lachaud, qui ont accueilli de façon constructive cette proposition de loi.

Je tiens aussi à remercier les assistantes maternelles qui, en 2005, m’ont sollicité au conseil général de la Mayenne pour être autorisées à travailler autrement, hors de leur domicile, en se regroupant. Ce sont elles qui ont jeté les bases de ces nouveaux établissements, qui ont conçu et construit avant l’heure la première maison d’assistants maternels.

Avec mes collègues du groupe de l’Union centriste, je souhaite donc que, pour répondre à la grande attente des parents, des assistants maternels et des collectivités, nous adoptions ce texte en l’état aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture la proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels. Ce texte nous revient en un temps record, puisque quelque six mois seulement nous séparent de la discussion en première lecture par notre assemblée. Ce fait est suffisamment exceptionnel pour être souligné.

Mes chers collègues, la navette parlementaire a permis de modifier de façon parfois sensible certaines dispositions du texte sur lesquelles nous avions attiré votre attention en première lecture. L’Assemblée nationale a ainsi souhaité qu’un rapport d’évaluation soit remis au Parlement dans les trois ans suivant la promulgation de la loi.

Nous avions, pour notre part, souhaité voir l’expérimentation prolongée et étendue. En effet, les échecs de regroupement – ils existent – n’ont fait l’objet d’aucune analyse ni par la commission des affaires sociales du Sénat ni par celle de l’Assemblée nationale. Aussi, la généralisation de ce regroupement, qui se fonde uniquement sur les succès – que l’on met en avant, cela va de soi – semble quelque peu prématurée. D’autant que le succès des expériences rapportées repose essentiellement, je le rappelle, sur le volontarisme, la motivation et la personnalité des assistantes maternelles, combinés à l’écoute des professionnels et des politiques. Vous conviendrez que ce n’est pas transposable en tant que tel dans d’autres départements.

De plus, je l’avais signalé lors de la première lecture, au-delà même de cette indispensable volonté initiale, la proposition de loi n’intègre pas toutes les conditions qui sont réunies dans le cas de la Mayenne. En effet, les regroupements dans ce département bénéficient d’un encadrement assuré par l’action de l’Association nationale des regroupements d’associations de maisons d’assistantes maternelles, l’ANRAMAM, dont le siège est à Laval et dont la présidente est particulièrement déterminée, et c’est tout à son honneur.

Je pense que le rapport d’évaluation nous permettra au moins de dresser un bilan.

L’Assemblée nationale est également revenue sur la délégation d’accueil entre les assistants maternels, qui constitue le cœur du dispositif. Le principe consiste à permettre à un assistant maternel de déléguer si nécessaire l’accueil de l’enfant dont il a la charge à un autre assistant maternel. Ce dispositif soulève de nombreuses questions, notamment celle de la responsabilité civile et pénale en cas d’accident ou celle du risque de requalification du contrat de travail.

Des précisions ont été apportées sur ce dernier point. Je ne ferai que les rappeler.

Les parents et les assistants maternels devront accepter explicitement la délégation d’accueil, qui figurera dans le contrat de travail avec, en annexe, les noms des assistants maternels auxquels celle-ci est accordée. Elle n’est pas rémunérée et ne peut aboutir à ce qu’un assistant maternel effectue un nombre d’heures plus important que celui qui figure dans son contrat.

À mon sens, la question assurantielle demeure. Quelle sera la position des compagnies d’assurances lorsqu’elles seront par exemple confrontées à un accident survenu dans le cadre d’une délégation d’accueil confiée à un autre assistant maternel ?

Une autre question, qui a donné lieu à de longs débats au Sénat comme à l’Assemblée nationale, demeure, je veux parler de la convention.

À l'Assemblée nationale, tant le rapporteur Yvan Lachaud que les députés qui ont pris part à la discussion générale ont reconnu la nécessité de proposer un document type formalisant les relations juridiques au sein des maisons d’assistants maternels. M. Lachaud reconnaît que, sans un encadrement minimal, « aucune maison n’ouvrira ses portes ». Il ajoute : « Il est nécessaire que les caisses d’allocations familiales continuent de proposer un document type. » Cependant, les discours n’ont pas été suivis d’effet et je regrette que le recours à la convention reste optionnel.

Même si je reconnais bien volontiers qu’elle était lourde et complexe, la convention proposée par la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, avait le mérite de préciser un grand nombre de points et de poser le cadre de fonctionnement de ce qui sera, de fait, une collectivité d’enfants. La précision, le détail de la première version de la convention type de la CNAF, validé par le cabinet de Mme Morano,...

Mme Claire-Lise Campion. ... prouve à tout le moins la multiplicité de questions que pose nécessairement tout type d’accueil collectif. Qui planifie les horaires d’accueil ? Qui prépare les repas ? Qui assure l’entretien des locaux ?

Quoi que l’on en dise, les maisons d’assistants maternels sont bien des structures d’accueil de type collectif. Et, à ce titre, nous retrouvons tous les enjeux liés à la socialisation des tout-petits : taux d’encadrement, qualification des professionnels, disponibilité pour les très jeunes enfants. Il s’agit donc bien d’un accueil collectif, qui doit par conséquent être envisagé sur un plan collectif.

La convention type, présentée par la CNAF, est rendue facultative par la proposition de loi. Or elle seule définit un projet d’établissement permettant de garantir des critères de qualité pour la mise en place d’un tel mode d’accueil et ainsi de développer la cohésion des membres de l’équipe en les associant à la poursuite d’objectifs communs. Ce projet d’établissement nous paraît indispensable pour mettre en place les maisons d’assistants maternels.

Telle qu’elle nous est présentée, la proposition de loi ne permet pas de satisfaire aux exigences minimales d’un dispositif correspondant, dans les faits, à une structure d’accueil collectif de seize jeunes enfants.

Je regrette une fois encore que la suggestion du président de la CNAF – travailler à une version simplifiée de la convention type – n’ait pas été retenue. Rappelons que, à partir d’un document dense et complexe de plus de douze pages, nous sommes parvenus à une version allégée susceptible de trouver son application dans nos départements. Aussi, je m’interroge encore sur les raisons qui poussent mes collègues à légiférer dans la précipitation, sans prendre en compte la proposition de la CNAF.

J’en viens maintenant à la formation, sujet qui a connu une évolution positive à la suite des travaux de l’Assemblée nationale.

Le Sénat avait réduit le temps de formation initiale à un quart du temps global de formation, soit 30 heures sur les 120 heures, au lieu des 60 heures initialement requises.

Mes collègues socialistes et moi-même avions insisté sur les effets négatifs d’une telle disposition : dévalorisation de la profession, retour sur un acquis récent, désorganisation des départements, impact financier pour les conseils généraux tenus de financer l’accueil des enfants durant le temps de formation des assistants maternels, difficultés supplémentaires pour les familles elles-mêmes.

Fort heureusement, l’Assemblée nationale est revenue à la situation initiale, tout en apportant une précision qui ne manque ni d’intérêt ni de piquant – je me plais à le souligner –, à savoir une initiation aux spécificités de l’organisation de l’accueil collectif des mineurs. Dans ces conditions, qui peut encore prétendre que les maisons d’assistants maternels ne sont pas des accueils collectifs ?

Mme Claire-Lise Campion. Nos remarques ont manifestement porté leurs fruits. Mais une initiation à ce mode d’accueil sera-t-elle suffisante ? Permettez-moi d’en douter.

Accueillir des enfants à leur domicile demande aux assistants maternels des qualités relationnelles, de l’organisation et certaines connaissances sur le développement de l’enfant. La motivation, aussi grande soit-elle, ne suffit pas.

Travailler en accueil de type collectif requiert d’autres compétences et, surtout, des connaissances, notamment celles qui concernent l’animation et la gestion d’un groupe – lequel peut atteindre un effectif de seize enfants d’âges différents –, les relations avec de nombreux parents, l’attitude à adopter dans des situations de conflit professionnel et le recours à un dispositif de régulation.

Je regrette profondément qu’il ne soit toujours pas prévu d’accompagnement ni de coordination de ces professionnels. Cela revient à les mettre en difficulté. Nous vous proposerons donc à nouveau des amendements en ce sens.

Cette proposition de loi qui tente de répondre au déficit de l’offre d’accueil des jeunes enfants est indissociable de la problématique générale de l’accueil et de la scolarisation de la petite enfance.

Le Gouvernement a ainsi assoupli les règles relatives aux modes d’accueil tant individuels que collectifs de la petite enfance. Ainsi la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a-t-elle mis en place l’expérimentation des jardins d’éveil pour les enfants de deux à trois ans avec un taux d’encadrement pouvant aller jusqu’à douze enfants par adulte, au lieu de huit actuellement pour la même tranche d’âge en crèche collective. Elle a par ailleurs augmenté la capacité d’accueil des assistants maternels de trois à quatre enfants.

La déréglementation est donc bien ce qui se cache derrière cette proposition de loi. Monsieur Arthuis, vous ne vous en êtes d’ailleurs pas caché lors de la table ronde sur la situation financière des départements organisée par la commission des finances le 5 mai dernier. Il va de soi que, sur ce sujet, je suis animée du même souci que vous.

Mme Claire-Lise Campion. Ainsi, vous avez pris comme exemple votre proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels afin de démontrer « que l’on peut se dégager de réglementations et de procédures inutilement contraignantes…

Mme Claire-Lise Campion. … et inventer des solutions adaptées et innovantes ».

M. André Lardeux, rapporteur, et M. Jean-Claude Carle. Il a raison !

Mme Claire-Lise Campion. Innover, oui, je suis d’accord. Assouplir, oui, je fais mien cet objectif. Mais, si je suis favorable à l’innovation, je suis en revanche convaincue que celle-ci ne peut se faire au prix de la déréglementation, qui ne permet pas de garantir la qualité de l’accueil des enfants. Les parents attendent un nombre plus important de places d’accueil, nous partageons leur préoccupation, mais pas aux dépens de la qualité.

L’accueil du jeune enfant est, à nos yeux, spécifique. Ce n’est pas un service comme un autre ; ce n’est pas un simple service à la personne, comme on veut nous le faire croire. C’est le moment où commence l’éducation de l’enfant à la société dans laquelle il va grandir.

Or les innovations proposées par le Gouvernement ou sa majorité, sous couvert d’ouvrir en nombre de nouvelles places d’accueil, tendent en réalité à durcir les conditions de travail des professionnels et à baisser la qualité de l’accueil des jeunes enfants.

M. Jean-Claude Carle. C’est l’inverse !

Mme Claire-Lise Campion. Je prendrai un seul exemple pour illustrer mon propos.

L’alinéa 3 de l’article 5 de la proposition de loi prévoit un agrément initial pour deux enfants, sauf si les conditions d’accueil ne le permettent pas. Certes, il s’agit d’empêcher certains départements de limiter la première demande d’agrément à un seul enfant, ce qui a notamment pour effet négatif de ne pas permettre à certains professionnels de valider des droits à retraite pour cette première année, mais il s’agit surtout d’afficher davantage de places.

La rédaction qui nous est proposée ne règle en rien la situation des départements que je qualifierai d’« excessivement prudents ». En effet, sur quoi se fondent les services de la PMI pour décider du nombre d’enfants qu’un assistant maternel peut accueillir, sinon sur ses compétences, la configuration de son logement, ses capacités d’adaptation ? Et, s’il est fréquent de proposer une montée progressive du nombre d’enfants, dans un grand nombre de départements, certains professionnels sont agréés directement pour trois enfants.

Rien n’empêchera donc les services de PMI ou des conseils généraux de ces départements excessivement prudents de continuer à refuser un agrément pour deux enfants, en motivant leur décision sur l’absence de conditions d’accueil suffisantes.

Enfin, la Direction générale de l’action sociale a produit un référentiel de l’agrément des assistants maternels à l’usage des PMI, afin d’harmoniser les pratiques sur le territoire national. Donnons-lui le temps de produire ses effets !

Une fois encore, il s’agit, sur ce sujet important, non pas d’afficher des chiffres, mais de répondre au mieux aux besoins des familles dans un souci de qualité pour l’accueil de leurs enfants.

M. Jean Arthuis. Absolument !

Mme Claire-Lise Campion. C’est pourquoi nous vous proposerons, dans le même esprit, de revenir sur le nombre maximal de quatre enfants fixé par l’agrément et de le ramener à trois. Nous souhaitons ainsi un retour au système antérieur, qui fonctionnait très bien dans nos départements : limitation de l’agrément à trois enfants, avec une possibilité de dérogation pour l’accueil d’un quatrième enfant.

De plus, lors de notre déplacement en Mayenne, nous avions pu constater qu’en pratique les assistants maternels accueillaient trois enfants. Nombre de nos collègues députés ont également observé cet état de fait.

Pour conclure, si la navette a permis certaines avancées, ce texte, comme je l’ai démontré, n’est satisfaisant ni pour les familles ni pour les professionnels. Leur forte mobilisation autour du collectif « Pas de bébés à la consigne » en est l’illustration.

M. Jean Arthuis. Caricatural !

Mme Claire-Lise Campion. L’accueil de la petite enfance, question majeure pour les jeunes parents de notre pays, mérite beaucoup mieux.

Nous regrettons qu’une fois encore le Sénat s’apprête à rejeter, sous le prétexte d’aller vite, nos propositions d’amélioration, garantes de la qualité de l’accueil et de conditions de travail sécurisées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si j’ai cosigné cette proposition de loi créant les maisons d’assistants maternels, c’est parce que, malgré tous les efforts de notre pays en la matière, il manque encore aujourd’hui 350 000 places d’accueil pour les jeunes enfants.

Comme l’indique le rapport de la commission, la France consacre aux aides et aux services de garde d’enfants entre 1 % et 1,5 % de son PIB, soit un niveau proche de ceux de la Suède et du Danemark, pays qui font figure de modèles en la matière. Le nombre de places en crèches a augmenté de 27 % entre 2000 et 2007.

Le Président de la République a pris des engagements forts, en fixant pour objectif une augmentation de 200 000 places à l’horizon 2012, réparties entre 100 000 places en accueil collectif et 100 000 places en accueil individuel.

Pourtant, les modes de garde actuels ne peuvent pas répondre à toutes les situations. Il faut donc non seulement accroître l’offre, mais aussi, et peut-être surtout, la diversifier pour l’adapter aux besoins de la population.

Dans les zones rurales, par exemple, notamment en montagne, M. le rapporteur l’a rappelé, les petites communes ne disposent pas des fonds nécessaires pour créer des crèches et les assistantes maternelles hésitent à établir leur domicile dans une zone isolée. Jusqu’à présent, aucune solution n’a été apportée à ces familles. L’utilité et le caractère novateur de cette proposition de loi sont là : créer des maisons d’assistants maternels, c’est-à-dire un nouveau mode de garde pour répondre à des besoins qu’aucun dispositif existant n’a réussi à satisfaire.

La municipalité d’Evron, en Mayenne, a calculé que le coût de fonctionnement d’une crèche était sept fois plus élevé pour la municipalité que le coût d’une maison d’assistants maternels. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

M. Jean-Claude Carle. Étant payées par les parents, les assistantes maternelles ne sont pas financièrement à la charge des communes. Le plus souvent, la commune participe à la création de la maison en fournissant les locaux, mais l’aide qu’elle apporte, en espèces ou en nature, reste toujours inférieure au coût de fonctionnement d’une crèche.

Ce n’est donc pas un mode de garde sélectif, comme le craint Mme Gonthier-Maurin. D’ailleurs, M. Arthuis a cité des chiffres comparatifs très explicites.

Ainsi que l’a souligné notre collègue Jean-Marc Juilhard dans son rapport d’information sur l’accueil des jeunes enfants en milieu rural, les maisons d’assistants maternels constituent, en fait, un outil de lutte contre la désertification rurale et de promotion des territoires jusque-là trop isolés.

L’autre atout des maisons d’assistants maternels est de proposer une souplesse unique dans les horaires de garde des enfants. En effet, une délégation d’accueil permet à l’assistante maternelle de confier, avec l’accord des parents, l’accueil temporaire de l’un des enfants dont elle a la garde à une autre assistante maternelle travaillant dans le même regroupement.

Grâce au roulement effectué par les assistantes maternelles, les enfants peuvent être gardés en dehors des horaires habituels d’ouverture des établissements d’accueil des jeunes enfants. Or de plus en plus de parents travaillent à temps partiel ou selon des horaires « atypiques », pour reprendre le terme utilisé par M. le rapporteur. Pour ces parents, l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle étant plus que malaisée, ce mode de garde est particulièrement bien adapté ! Là aussi, les maisons d’assistants maternels constituent une solution novatrice, opérationnelle et très attendue par les parents.

Vous le comprendrez, mes chers collègues, un autre aspect des maisons d’assistants maternels me tient particulièrement à cœur : il s’agit, par le biais de la formation professionnelle, de la promotion sociale des assistantes maternelles.

Songez que les maisons représentent une évolution de carrière possible pour 270 000 assistantes maternelles qui, après avoir accueilli les enfants chez elles, souhaitent travailler directement avec d’autres collègues, accueillir d’autres enfants, enrichir leur expérience et – pourquoi pas ? – pour les plus motivées d’entre elles, devenir ensuite puéricultrices ou éducatrices de jeunes enfants.

Si elles répondent aux besoins des parents et des communes, les maisons d’assistants maternels constituent bien, également, un moyen de promotion sociale et professionnelle pour près de 300 000 de nos compatriotes, ce qui explique aussi la grande attente qu’elles suscitent dans la profession.

Avant de conclure, j’ajouterai que des interrogations ont été soulevées au sein de conseils généraux sur le contenu de la convention précisant les modalités de fonctionnement des maisons, convention qui devrait être signée entre la caisse d’allocations familiales, ou CAF, le conseil général et les assistantes maternelles.

En effet, la caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, avait élaboré une convention type qui a été jugée inapplicable par de nombreux présidents de conseils généraux, quel que soit leur bord politique.

Je me réjouis que cette convention devienne facultative, dans un souci de souplesse. Les conseils généraux qui le souhaitent pourront utiliser la convention type des caisses d’allocations familiales. Ceux qui préfèrent formaliser différemment les règles de fonctionnement des maisons d’assistants maternels pourront le faire dans le respect de la loi, donc en toute sécurité juridique.

M. Jean Arthuis. Très bien !

M. Jean-Claude Carle. Le présent texte est l’aboutissement d’un long processus. Il tire son origine d’une expérience en cours depuis plus de quatre ans dans plusieurs départements, notamment en Mayenne.

Comme l’a souligné Jean Arthuis, lors de la première lecture de ce texte, « c’est le rôle du législateur que d’inscrire dans la loi les initiatives courageuses et convaincantes de la société ». Le groupe UMP partage cette conviction. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en un siècle, le mode de garde des enfants est devenu l’une des principales préoccupations pour beaucoup de familles. Le nombre de places d’accueil est insuffisant et ne répond pas au besoin d’activité des femmes, qui, de plus en plus, et c’est tant mieux, continuent de travailler après la naissance de leur premier enfant.

D’une manière générale, l’offre ne couvre pas la moitié des besoins. On estime entre 300 000 et 400 000 le nombre de places, inégalement réparties sur le territoire, qui font défaut.

La liberté de choix du mode de garde n’est donc pas véritablement assurée, ce qui contraint l’un des deux parents, souvent la mère, à mettre entre parenthèses son activité professionnelle. Si l’accueil des enfants de plus de trois ans par l’école maternelle est exemplaire en France, il reste encore des efforts à accomplir en ce qui concerne l’accueil des plus jeunes.

La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui constitue un progrès, puisqu’elle tend à doter d’un cadre juridique spécifique la mise en place des regroupements d’assistants maternels.

Elle s’inscrit dans une démarche volontariste qui consiste à trouver de nouveaux modes de garde permettant aux familles de concilier vie privée et vie professionnelle. Le succès des expérimentations, menées depuis quelques années, en atteste. (M. Jean Arthuis opine.)

Les avantages de ces structures sont, en effet, incontestables pour les assistants maternels, les enfants et leurs parents.

Les professionnels peuvent exercer le même métier qu’à domicile, mais ils le pratiquent ensemble, dans un local commun. Cela permet de rompre leur isolement, de faire évoluer leur profession et, donc, de la valoriser.

Par ailleurs, ces structures rendent aussi possible l’accès à la profession de personnes dont le logement n’est pas conforme aux critères requis par la PMI.

Pour les parents, la proposition de loi apporte une certaine sécurité du fait du regroupement. Certains d’entre eux sont inquiets à l’idée de laisser leur enfant avec une seule assistante maternelle, qui peut accueillir jusqu’à quatre enfants. Il est, en effet, plus rassurant de le savoir au sein d’une structure collective.

La maison d’assistants maternels constitue également une solution aux disparités territoriales massives, une réponse à une demande sociale en évolution, particulièrement en zone rurale. La hausse démographique constatée dans ces territoires a eu pour conséquence de modifier les attentes de la population. Les familles se heurtent à de réels obstacles pour bénéficier de services d’accueil destinés à la petite enfance. Et cette réalité concerne aussi bien les territoires périurbains que les zones enclavées et isolées.

Au manque de places et de diversité, dans les formules proposées, s’ajoute un manque de souplesse des modes de garde existants et, de ce fait, l’impossibilité, parfois, de concilier sereinement vie familiale et vie professionnelle.

Les besoins des parents sont aujourd’hui très loin d’être satisfaits. Développer l’offre d’accueil des jeunes enfants, en milieu rural, peut constituer une dynamique réelle pour les campagnes et la mise en place des maisons d’assistants maternels devrait y contribuer.

En effet, elles offrent une souplesse dans les horaires d’accueil qu’aucun autre mode de garde n’est en mesure de proposer. En outre, elles apportent une solution à l’incapacité financière de certaines communes à subvenir aux frais de fonctionnement d’un établissement d’accueil collectif. Enfin, pour les enfants, ce mode d’accueil est propice à l’apprentissage de la vie en collectivité et facilite l’acquisition de l’autonomie.

En première lecture, je vous avais fait part de mes craintes, monsieur le secrétaire d’État. Aujourd’hui, je me réjouis que certaines d’entre elles aient été apaisées par les modifications qui ont été apportées par les députés.

Je pense principalement à la proposition du rapporteur de l’Assemblée nationale de ramener à soixante heures la formation initiale préalable à l’exercice de la profession.

Cependant, je continue de croire, par ailleurs, que les cent vingt heures de formation obligatoire sont toujours très insuffisantes au regard des compétences requises pour s’engager dans un regroupement avec plusieurs autres assistants maternels.

L’obligation d’assurance des assistants maternels travaillant en regroupement et le versement d’une indemnité majorée, en cas de licenciement à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, marquent également un progrès.

Enfin, j’avais souligné l’importance de prévoir un premier bilan de l’application de ce texte, afin d’évaluer clairement l’ensemble des problèmes constatés.

C’est chose faite, puisque le Gouvernement, dans les trois ans suivant la promulgation de la loi, devra remettre au Parlement un rapport sur la mise en place des maisons d’assistants maternels.

Vous pouvez compter sur les sénateurs du groupe RDSE pour étudier de très près les conclusions de ce rapport.

J’insiste, à nouveau, comme je l’ai fait en première lecture, sur le fait que les collectivités locales devraient continuer à privilégier, lorsqu’elles le peuvent, la construction de crèches collectives.

Ayant rappelé cette réserve, mes chers collègues, l’ensemble des sénateurs du groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de lUnion centriste et de lUMP.)