Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour cette discussion précise, témoignant du travail approfondi que vous avez mené les uns et les autres, ce qui n’est pas surprenant.

À titre personnel, et sans répéter les propos que j’ai tenus tout à l'heure, je tiens à dire combien je suis sensible à la présente proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, parce qu’elle est tirée d’une expérience pratique menée sur le terrain. C’est ainsi que nous aboutissons à des processus qui sont, si j’ose dire, vivables et ajustables. À cet égard, je reprends volontiers l’argument que vous avez développé, monsieur le rapporteur, selon lequel il importe de bien observer le fonctionnement des expérimentations afin de pouvoir en tirer des dispositifs qui soient simples. En l’occurrence, il s’agit bien de cela, et c’est très bien ainsi.

Ensuite, parce que, comme vous l’avez rappelé, monsieur Arthuis, il s’agit d’un texte d’initiative parlementaire, qui enrichi un dispositif. Le député que je suis encore dans l’âme est sensible à vos propos sur ce point.

Enfin, parce que, vous l’avez indiqué, madame Laborde, cette initiative sera évaluée. Pour ma part, je le redis, je suis convaincu que, dans ce domaine comme dans bien d’autres, notre pratique globale manque d’évaluation. Il me paraît donc excellent d’avoir intégré un tel processus d’évaluation dans le dispositif.

Madame Campion, je voudrais répondre à quelques-uns de vos arguments.

Comme l’a très justement rappelé M. le rapporteur, le dispositif envisagé répond bien, à mon sens, au besoin exprimé d’un mode de garde supplémentaire. M. Arthuis l’a dit, l’objectif gouvernemental est réaliste : nous souhaitons atteindre 200 000 places supplémentaires d’ici à 2012, soit 100 000 places en accueil collectif et 100 000 places chez les assistants maternels.

Les maisons d’assistants maternels constituent évidemment un outil de plus. Le besoin est recensé, un outil nouveau, qui est simple et pratique, est mis en place, et cela me paraît aller dans la bonne direction.

Les maisons d’assistants maternels poseraient-elles problème en faisant concurrence aux crèches ? La réponse est non. Ces structures ne répondent pas au même besoin. Les maisons viennent combler un besoin parfaitement identifié, notamment dans les zones rurales, comme l’a excellemment dit M. le rapporteur. Elles apportent donc une solution par le biais d’un dispositif souple. Il me semble que c’est ainsi qu’il faut voir les choses.

J’en viens à la convention. Je suis très favorable à tous les dispositifs qui laissent de la souplesse et permettent de s’extraire d’un cadre trop rigide. La convention devient facultative, chaque conseil général étant libre de la décider.

Il aurait effectivement été inutile, et même contre-productif, d’imposer à ce sujet une nouvelle étape administrative. Nous sommes tous d’accord, dans cette assemblée comme au Palais-Bourbon, sur le fait que nous souffrons sans doute d’un excès de réglementation. Tomber dans la non-réglementation aurait été évidemment préjudiciable, mais créer des étapes supplémentaires sur un dispositif dont la qualité principale est la souplesse aurait été tout à fait contre-productif.

Le dispositif envisagé est évidemment accessible aux familles modestes, puisque les ménages faisant appel à un assistant maternel dans ce cadre sont « solvabilisés » par le complément de libre choix du mode de garde. La logique est donc celle de l’accessibilité pour tous.

J’ai d’ailleurs été très sensible aux arguments financiers que vous avez mis en avant, monsieur Arthuis. Il est tout à fait vrai que lorsque l’on compare le coût par enfant des différents modes de garde, les chiffres sont extrêmement parlants. Vous les avez cités, permettez-moi de le faire à mon tour : pour l’assistante maternelle, le coût global est de 895 euros en 2009 ; pour la garde partagée, il est de 1 204 euros ; pour les crèches, établissements d’accueil du jeune enfant, il est de 1 366 euros, tandis que la garde à domicile coûte 2 318 euros.

Sur le plan financier, le dispositif répond à une logique qui contribue à la tenue ou à la retenue – je ne sais quel terme employer – de nos comptes publics, objectif constituant à mon sens une de nos priorités.

Je souhaite également dire quelques mots sur la délégation d’accueil.

Madame Claire-Lise Campion, vous avez rappelé – et vous avez bien fait – que de nombreux aménagements ont été apportés pour sécuriser le dispositif : au Sénat, la disposition par laquelle les parents doivent donner leur accord à la délégation, l’absence de rémunération entre les assistants maternels et l’impossibilité pour ces derniers de travailler au-delà de ce qui est convenu dans leur contrat de travail ; à l’Assemblée nationale, l’obligation pour chaque assistant maternel de donner son accord écrit annexé au contrat, chaque assistant maternel ayant copie des contrats. On le voit, sur ce point, le dispositif est assez bien bouclé.

Je terminerai en disant que cette proposition de loi me semble aller dans au moins trois bonnes directions.

À cet égard, les priorités sont de pouvoir introduire de la souplesse là où nous souffrons d’un excès de rigidité, de répondre à des besoins parfaitement identifiés tant en termes de population qu’en termes de territoire et, enfin, de s’inscrire dans une logique permettant un accès au dispositif pour les personnes aux revenus relativement modestes. Contribuer à mettre en place des outils nouveaux qui ne viennent pas grever lourdement nos comptes sociaux constitue également une priorité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle qu’aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5 du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création des maisons d'assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels
Article 1er bis

Article 1er

(Non modifié)

Après le chapitre III du titre II du livre IV du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Maisons d’assistants maternels

« Art. L. 424-1. – Par dérogation à l'article L. 421-1, l’assistant maternel peut accueillir des mineurs au sein d'une maison d’assistants maternels.

« Le nombre d’assistants maternels pouvant exercer dans une même maison ne peut excéder quatre.

« Art. L. 424-2. – Chaque parent peut autoriser l’assistant maternel qui accueille son enfant à déléguer cet accueil à un ou plusieurs assistants maternels exerçant dans la même maison.

« L’autorisation figure dans le contrat de travail de l’assistant maternel. L’accord de chaque assistant maternel auquel l’accueil peut être délégué est joint en annexe au contrat de travail de l'assistant maternel délégant. L’assistant maternel délégataire reçoit copie du contrat de travail de l’assistant maternel délégant.

« La délégation d’accueil ne fait l’objet d’aucune rémunération.

« Art. L. 424-3. – La délégation d’accueil prévue à l’article L. 424-2 ne peut aboutir à ce qu’un assistant maternel accueille un nombre d’enfants supérieur à celui prévu par son agrément, ni à ce qu’il n’assure pas le nombre d’heures d’accueil mensuel prévu par son ou ses contrats de travail.

« Art. L. 424-4. – Les assistants maternels qui bénéficient de la délégation d’accueil s’assurent pour tous les dommages, y compris ceux survenant au cours d’une période où l’accueil est délégué, que les enfants pourraient provoquer et pour ceux dont ils pourraient être victimes. Cette obligation fait l’objet d’un engagement écrit des intéressés lorsque la demande d’agrément est formulée auprès du président du conseil général dans les conditions prévues à l’article L. 424-5.

« Art. L. 424-5. – Lorsqu’une personne souhaite exercer la profession d’assistant maternel dans une maison d’assistants maternels et ne dispose pas encore de l’agrément défini à l’article L. 421-3, elle en fait la demande auprès du président du conseil général du département dans lequel est située la maison. S’il lui est accordé, cet agrément fixe le nombre et l’âge des mineurs qu’elle est autorisée à accueillir simultanément dans la maison d’assistants maternels. Ce nombre ne peut être supérieur à quatre. L’assistant maternel qui souhaite, après avoir exercé en maison, accueillir des mineurs à son domicile et ne dispose pas de l’agrément nécessaire à cet effet en fait la demande au président du conseil général du département où il réside.

« L’assistant maternel déjà agréé qui souhaite exercer dans une maison d’assistants maternels demande au président du conseil général du département dans lequel est située la maison la modification de son agrément en précisant le nombre de mineurs qu’il prévoit d’y accueillir. Si les conditions d’accueil de la maison garantissent la sécurité et la santé des mineurs, l’agrément modifié est accordé et précise le nombre et l’âge des mineurs que l’assistant maternel peut accueillir simultanément. Ce nombre ne peut être supérieur à quatre. L’assistant maternel peut, après avoir exercé en maison, accueillir des mineurs à son domicile s’il dispose déjà de l’agrément nécessaire. 

« À défaut de réponse à la demande d’agrément ou de modification d’agrément dans un délai de trois mois après réception de la demande, celle-ci est réputée acquise.

« La délivrance de l’agrément ou de l’agrément modifié ne peut être conditionnée à la signature d’une convention entre le président du conseil général, l’organisme mentionné à l’article L. 212-2 du code de la sécurité sociale et les assistants maternels.

« Art. L. 424-6. – Le ménage ou la personne qui emploie un assistant maternel assurant l’accueil d’un mineur dans une maison d’assistants maternels perçoit le complément de libre choix du mode de garde dans les conditions prévues à l’article L. 531-5 du code de la sécurité sociale.

« Art. L. 424-7. – Les assistants maternels accueillant des enfants dans une maison d’assistants maternels et les particuliers qui les emploient bénéficient des mêmes droits et avantages et ont les mêmes obligations que ceux prévus par les dispositions légales et conventionnelles applicables aux assistants maternels accueillant des enfants à leur domicile. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme vous le savez, la majorité des organisations syndicales dénonce cette proposition de loi.

Ces organisations se sont d’ailleurs regroupées au sein du collectif « Pas de bébés à la consigne » pour exiger des législateurs que nous sommes de veiller à ce que notre action ait toujours pour objectif la qualité de l’accueil des jeunes enfants.

Récemment encore, les membres de ce collectif ont jeté des biberons dans la Seine (M. Jean Arthuis s’exclame.), véritables signaux d’alerte à l’adresse des parlementaires et du Gouvernement ; sans doute ne sont-ils pas tous arrivés à bon port.

Chers collègues de la majorité, il n’en demeure pas moins que cette proposition de loi, sous couvert d’apporter des solutions aux parents qui en ont besoin, s’inscrit dans un contexte plus large de dérégulation du secteur de la petite enfance.

Nous sommes d’ailleurs les premiers à dire qu’il faut rénover le service public de la petite enfance, notamment en permettant l’accueil des enfants à des horaires décalés.

Or vous prenez précisément prétexte des difficultés que rencontre ce secteur, en particulier en raison des manques de moyens financiers, pour le déréguler.

Comment analyser autrement les différentes dispositions adoptées, telles que le passage de trois à quatre enfants, le regroupement des assistants maternels pour leur permettre de garder jusqu’à seize enfants, et ce sans projet éducatif – quoi que vous en disiez –, avec des contraintes de sécurité limitées et une formation réduite au minimum.

M. Jean Arthuis. C’est insupportable !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À cela, il convient d’ajouter à votre projet la volonté d’extension des jardins d’éveil concomitante de la remise en cause de l’ouverture du droit d’accueil des jeunes enfants en maternelle dès deux ans.

Surtout, cette proposition de loi renvoie directement au débat perpétuel que nous avons sur l’application de la directive « Services ».

En effet, les services de la petite enfance, comme tous les services publics à la française, déplaisent aux commissaires européens et aux défenseurs d’une Europe où la concurrence, rappelez-vous, serait libre et non faussée. Nous en payons les pots cassés en ce moment.

Dans ce cadre, les crèches publiques et leur réglementation constituent des entraves à la concurrence et à la loi des marchés.

Mes chers collègues, tout cela donne l’impression que, pour répondre aux besoins légitimes de certaines familles, il faudrait faire primer le quantitatif sur le qualitatif.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pourtant, en la matière, la qualité de l’accueil est naturellement déterminante.

Pour reprendre les termes de l’appel du collectif « Pas de bébés à la consigne »…

M. Jean-Claude Carle. C’est insultant pour les enfants !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … qui a été publié dans le journal l’Humanité : « Du côté des bébés, les apports de la psychologie et de la psychanalyse d’enfant ont révélé la spécificité des repères relationnels des jeunes enfants. »

Derrière la notion d’accueil de qualité, on le voit, c’est bien l’enjeu fondamental de la formation des professionnels qui fait débat.

D’ailleurs, toutes les études internationales convergent sur la définition de certains critères de qualité des modes de garde, au premier rang desquels figurent le niveau de qualification professionnelle, le taux d’encadrement, la taille restreinte des groupes d’enfants, le temps et la disponibilité accordés à l’enfant et à sa famille, ou encore les temps de réflexion sur les pratiques professionnelles, qui favorisent des relations individualisées.

Nous, les membres du groupe CRC-SPG, tenons à rappeler que nous respectons le choix de certaines familles pour un mode de garde individualisé reposant sur une assistante maternelle. Nous considérons néanmoins que, même si ce choix peut se comprendre au plan individuel, il n’est pas souhaitable qu’il soit généralisé au plan collectif, particulièrement dans le contexte que je viens de rappeler.

Pour toutes ces raisons, nous demeurons opposés à cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur. Je répondrai rapidement à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, car il est certains propos que l’on ne peut pas laisser dire.

Pour commencer, « Pas de bébés à la consigne », nom du mouvement qu’elle a évoqué, c’est un peu insultant pour les bébés en question.

M. Jean-Claude Carle. Exactement ! Très bien !

M. André Lardeux, rapporteur. Les assistantes maternelles sont tout de même des personnes responsables et dignes, tout à fait compétentes pour accueillir les enfants.

Les membres de ce collectif ont jeté des biberons dans la Seine,…

M. Jean Arthuis. C’est intelligent !

M. André Lardeux., rapporteur. … tant mieux, si c’était du bisphénol A ! (Sourires.)

M. Yves Daudigny. Et tant pis pour les poissons ?

M. André Lardeux, rapporteur. Les poissons ne sont pas concernés parce que l’eau de la Seine n’est pas très chaude !

M. Jean Arthuis. Et le Grenelle ?

M. André Lardeux, rapporteur. Toute plaisanterie mise à part, les familles qui bénéficient éventuellement de ce mode de garde dans les maisons d’assistants maternels en sont très satisfaites. Il répond à leurs attentes et à leur besoin. On ne peut donc pas dire que le service rendu par les assistantes maternelles dans ce cadre est de mauvaise qualité, bien au contraire !

Je l’ai constaté en Mayenne et en Loire-Atlantique. Je cite volontairement ces deux départements : non seulement ce sont les deux voisins géographiques du département dont je suis l’élu, mais ils ont aussi la particularité d’être dirigés par des majorités opposées, Union centriste-UMP en Mayenne et PS-communistes en Loire-Atlantique. On ne peut donc pas dire que ce sont des questions de politique politicienne qui déterminent le choix ; ce sont au contraire des raisons pragmatiques et d’efficacité qui ont guidé les élus de ces départements.

J’ajouterai que, pour les familles, le coût des assistantes maternelles n’est pas plus important que celui de la garde à domicile.

En outre, ce premier mode de garde est plus sécurisant pour elles. Le fait que plusieurs assistantes maternelles travaillent ensemble et qu’elles aient la charge de plusieurs enfants constitue une sécurité dans un domaine où l’opinion est extrêmement sensible en ce moment ; en dehors des accidents domestiques éventuels, nous avons tous à l’esprit ces affaires regrettables de pédophilie. L’association de plusieurs assistantes maternelles qui, tout simplement, s’autostimulent et s’autosurveillent me paraît un bon moyen pour éviter que ne surviennent de telles situations, car aucun tiers extérieur aux assistantes maternelles n’entre alors en contact avec l’enfant.

En outre, j’ai posé la question aux assistantes maternelles mayennaises que j’ai rencontrées : si la loi évoluait pour empêcher ce genre de regroupement, aucune d’elles ne souhaiterait reprendre la garde personnelle à domicile, car leur famille est aussi gagnante dans cette affaire. Les enfants sont par exemple très satisfaits de ne pas voir de jeune enfant dans leur chambre, notamment en journée, ce qui les empêchait auparavant de profiter de cet espace.

Le système que nous proposons n’est qu’une possibilité : les assistantes maternelles se regrouperont si elles le désirent et les collectivités les accompagneront si elles le souhaitent.

Par ailleurs, j’ai constaté pour ma part en Mayenne que le travail de qualité effectué par les assistantes maternelles reposait sur l’engagement des services de PMI et que, grâce à la présence de ces derniers auprès de ces institutions nouvelles, le système fonctionnait très bien.

Si d’autres conseils généraux décident de mettre en place ces dispositifs, il n’y a donc aucune raison pour qu’ils ne fonctionnent pas aussi bien qu’en Mayenne ou en Loire-Atlantique. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn et Jeannerot, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer le mot :

quatre

par le mot :

trois

La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. La proposition de loi entend autoriser l’exercice d’un métier d’accueil de la petite enfance de type collectif aux professionnels que sont les assistants maternels, qui exerceront ainsi leur activité dans des conditions quasi identiques à celles qui prévalent dans un petit établissement d’accueil du jeune enfant.

Cette disposition est, selon nous, complètement emblématique d’une sous-estimation de la nécessaire professionnalisation de l’accueil collectif dans le domaine de la petite enfance.

C’est pourquoi nous vous demandons de limiter les regroupements à trois assistants maternels afin de réduire la taille de la future structure et, par voie de conséquence, le nombre d’enfants, de manière à garantir un accueil de meilleure qualité.

Je tiens à rappeler que notre collègue député Michèle Tabarot, dans la discussion qui a eu lieu il y a quelque temps sur ce texte à l’Assemblée nationale, s’est elle-même interrogée sur la pertinence d’accueillir au sein de ces structures jusqu’à seize enfants, nombre qui, à ses yeux comme aux nôtres, semble trop important.

Je vous invite à entendre l’appel que nous lançons au travers de cet amendement, même si la commission et son rapporteur nous ont proposé un vote conforme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Lardeux, rapporteur. Mme Campion a presque donné la réponse. Je me suis cependant engagé ce matin en commission à lui répondre sur le fond et à ne pas me contenter d’invoquer la volonté du Sénat de voter conforme le texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale.

Je tiens à saluer la constance et l’implication de Mme Campion sur ce dossier.

Je lui ferai simplement remarquer que cet amendement apparaît comme un demi-assentiment au système, parce que ce qu’elle conteste, ce n’est pas le principe de la maison d’assistants maternels, mais le nombre de professionnels pouvant se regrouper, l’amendement visant à faire passer ce nombre de quatre à trois.

Mme Claire-Lise Campion. C’est pour l’améliorer !

M. André Lardeux, rapporteur. Dans votre esprit, il s’agit de l’améliorer. Je n’en suis pas certain. Quatre – qui est le maximum possible –, c’est une bonne référence.

En Mayenne, j’ai vu certaines maisons qui ont trois assistantes maternelles et d’autres où elles sont quatre. En Loire-Atlantique, le chiffre varie entre deux, trois ou quatre. Le texte laisse donc la souplesse nécessaire. Rien n’oblige un président de conseil général à donner un agrément pour quatre assistants maternels. Si un président de conseil général estime, soit pour des raisons propres à sa collectivité, soit pour des raisons de principe comme celles que vous défendez, que le nombre d’assistants maternels autorisés à exercer dans une même maison ne peut excéder trois, il fera des agréments pour trois assistantes maternelles.

La présence de seize enfants est vraiment très exceptionnelle puisque ces maisons ont pour vocation de fonctionner sur une amplitude horaire très grande. Les enfants qui sont là à huit heures le matin ne sont pas ceux qui sont présents à dix-huit heures. En effet, le système est conçu pour répondre à la demande de parents qui travaillent soit tôt le matin, soit tard le soir. Et ce ne sont bien évidemment pas les mêmes familles, fort heureusement, d’ailleurs.

C’est la raison pour laquelle la commission confirme l’avis défavorable émis lors de la première lecture. (MM. Jean Arthuis et Jean-Claude Carle applaudissent.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable, pour des raisons similaires, que je résume en trois phrases très simples.

D’abord, les expérimentations menées en Mayenne et ailleurs ont montré que le dispositif fonctionnait sans difficulté avec quatre professionnels.

Ensuite, et je rejoins M. le rapporteur, nous sommes dans une logique de souplesse : le chiffre de quatre étant un maximum, il laisse, par définition, la possibilité de rester en dessous de quatre.

Enfin, comme vient de le souligner M. le rapporteur, il y aura nécessairement des plages où les enfants seront plus nombreux et des plages où ils le seront moins, ce qui correspond exactement ce que je décrivais voilà quelques instants, à savoir un besoin de souplesse et de diversification des modes de garde.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis. Madame Gonthier-Maurin, j’ai été franchement étonné par vos propos, qui sont à la limite de la blessure pour les personnes concernées ! Je pense aux assistants maternels.

En revanche, je rends hommage à votre sens de la formule : « pas de bébés à la consigne », « jeter les biberons dans la Seine », c’est vraiment formidable ! Je vous dis combien je suis impressionné, mais c’est tellement caricatural qu’on dénature nos propres débats. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin proteste.)

Madame Campion, je ne voterai pas cet amendement, pas plus que les six autres, pour des raisons que vous imaginez.

Contrairement à ce que vous avez dit, on ne déréglemente pas ! Les crèches sont soumises à des normes : un adulte assistant maternel encadre cinq enfants qui ne marchent pas encore ou huit enfants qui marchent. Vous ne contestez pas l’intérêt que représente l’accueil par les assistants maternels. Mais vous considérez que le fait de les regrouper altère la qualité de l’accueil qui, jusque-là, se faisait individuellement, au domicile de chaque assistant maternel.

M. Ladislas Poniatowski. C’est une sécurité !

M. Jean Arthuis. Vous aurez du mal à le démontrer, car je pense que quatre assistants maternels, ou trois, ou deux, exercent entre eux ou entre elles une sorte d’autodiscipline, d’autosurveillance et d’autoresponsabilité. Au domicile personnel peuvent parfois survenir des complications dans la relation avec l’environnement familial. Ce risque est complètement écarté dans le cas particulier du regroupement.

Je voudrais vous amener à ne voir dans cette réponse rien d’autre qu’une adaptation de l’accueil par les assistantes maternelles. Je le répète, vous aurez du mal à démontrer que le regroupement constitue une altération de l’accueil par rapport à l’accueil individuel au domicile de chaque assistante maternelle.

C’est la raison pour laquelle je comprends mal vos hésitations. Il appartient aux présidents de conseils généraux d’assumer pleinement leurs responsabilités. S’ils pensent que ce n’est pas jouable, ils ne le feront pas.

À quoi bon décentraliser si les actions d’aide sociale doivent être exactement les mêmes, décrites par le menu, pour tous les départements français, dans des circulaires administratives, des décrets ou des instructions ministérielles ?

Chacun doit assumer ses responsabilités par rapport à un objectif. Et l’objectif, c’est l’accueil de la petite enfance. Jouons le jeu de la confiance et demandons à nos services de PMI d’exercer les diligences nécessaires pour vérifier que les conditions sont réunies et irréprochables sur le plan de la santé et de la sécurité des enfants.

Faisons confiance aux parents qui doivent, eux aussi, assumer leurs responsabilités lorsqu’ils confient leurs enfants à un assistant maternel au domicile de celui-ci ou bien dans un lieu de regroupement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

(M. Roger Romani remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)