M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.

Mme Marie-Christine Blandin. Les métropoles incarnent le décalage entre les intentions affichées par le Gouvernement et la complexité de l’édifice que prévoit ce texte.

On dit vouloir simplifier et on crée un étage supplémentaire.

On dit vouloir respecter la diversité des territoires, mais on donne aux métropoles le pouvoir de se mêler de l’administration des autres collectivités par le biais de leurs conseillers territoriaux.

Prenons un exemple : à Marseille, il y aura des conseillers territoriaux qui voteront les stratégies d’aide à l’élevage des chèvres dans le haut pays niçois, tandis que la région pourrait ne plus avoir la main sur la cohérence des transports et que le département cédera sa compétence en matière de déchets.

Au fond, les métropoles seront aux territoires ce que les trous noirs sont à l’univers (Sourires), de fortes masses qui avalent tout ce qui passe à leur portée : ressources des communes, compétences de toutes les collectivités, voire personnel et budget des services concernés.

C’est sur ce dernier point que je voudrais attirer votre attention : les alinéas 53 et 59 de la section II disposent que des conventions peuvent prévoir que des parties de service sont mises à disposition de la métropole par le département ou la région en cas de transfert de compétences. Les alinéas 75 et 79 pressent le pas : « dans un délai de six mois ». Enfin, les alinéas 77 et 80 donnent le ton : « À défaut de convention passée dans le délai précité », le préfet propose un projet de convention et, si celui-ci n’est pas signé par les élus dans un délai d’un mois, le ministre des collectivités territoriales établit la convention par arrêté !

Ce qui est facile à écrire sur le papier peut être beaucoup plus complexe et douloureux à accomplir dans la réalité.

Prenons l’exemple de la compétence construction et entretien des lycées ou des collèges. Dans l’équipe d’un service ingénierie, chacun joue un rôle : le service achats, le service pilotage des EMOP, ou équipes mobiles d’ouvriers professionnels, les ressources techniques sur l’énergie des lycées, la Haute qualité environnementale ou HQE, le contentieux, le suivi des plans – 3 millions de mètres carrés dans le Nord-Pas-de-Calais –, la gestion des logements de fonction – plus de 1 000 dans le Nord-Pas-de-Calais –, la veille patrimoniale, la sécurité et la conduite de travaux.

En dehors des agents TOS, les agents techniciens, ouvriers, et de service, et éventuellement d’une antenne décentralisée avec conduite de travaux et sécurité, quel personnel allez-vous donc transférer à la métropole ? Dans cet écosystème fonctionnel de ressources humaines, à quoi correspond la partie de service correspondant aux missions prises par la métropole ?

Il n’y a pas, dans les services d’une région, un « monsieur lycée de la ville X » qui ferait tout à la fois les appels d’offres, la sécurité, la construction, le suivi et la gestion du bâti ! Ce sont des fonctions transversales qui s’exercent dans tous les lycées, et les recréer induira une dépense supplémentaire.

Alors, vous avez envisagé une telle possibilité et, pour l’empêcher, vous écrivez à l’alinéa 88 : « Aucun emploi territorial permanent […] ne peut être créé dans les trois ans suivant les transferts de services ou parties de services […] en remplacement des agents transférés à la métropole […] ». Ne restera donc plus que la solution du démantèlement, de l’appauvrissement de l’équipe et du changement de fonction des hommes.

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, je vous alerte solennellement sur les tensions que vous allez inévitablement engendrer au sein du personnel des collectivités par la déstabilisation que provoqueront ces mouvements s’ils ne sont pas élaborés avec les salariés concernés, qui sont les mieux à même de mettre en évidence ce qui est logique et faisable et ce qui ne l’est pas, ainsi que le montre l’exemple que je viens de vous décrire.

À cet égard, l’avis des comités techniques compétents sera nécessaire, mais non suffisant.

La souffrance au travail, c’est avant tout l’empêchement de bien faire son travail, notamment par le parachutage de règles identifiées par le salarié comme non opérationnelles et nuisibles à la mission qu’il remplit. Gardez-vous donc, en jouant au bonneteau avec les compétences, de malmener ceux qui les rendent possibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Cet article, qui procède à la création des métropoles, illustre la volonté du Gouvernement de voir disparaître communes et départements. C’est principalement la raison pour laquelle nous refusons de voir émerger cette structure telle qu’elle apparaît dans le projet de loi.

Je serai claire : nous ne sommes pas opposés par principe aux métropoles, de même que nous ne sommes pas opposés aux différentes formes d’intercommunalité ou d’interterritorialité. Mais nous n’adhérons à ces structures qu’à condition qu’il s’agisse d’outils de coopération volontaire, sur la base de l’égalité entre les communes membres. Or, ce n’est pas du tout ce qui est envisagé ici.

Contrairement à l’objectif affiché de simplifier et de clarifier le paysage institutionnel, notamment au moyen de la création des métropoles, cette réforme ne simplifiera rien et ne clarifiera rien, au contraire ! Les métropoles viendront en effet se surajouter aux communes, départements et régions, avec des compétences et donc des pouvoirs très importants.

Les compétences transférables de plein droit ou par convention correspondent à l’essentiel des dépenses actuelles des départements. Qu’adviendra-t-il à l’avenir de ces derniers, puisque la réforme aura pour conséquence littéralement de les dépecer et que, par suite, ils ne pèseront plus rien face à la métropole ? Le constat est le même pour les communes membres, qui seront vidées de leur raison d’être.

À cela s’ajoute la suppression de la taxe professionnelle pour les communes et, plus généralement, la diminution des moyens financiers des collectivités. Celles-ci deviendront donc des « coquilles vides » destinées à disparaître.

Pour ces raisons, et parce que la démocratie est en jeu, nous sommes opposés aux transferts de compétences de plein droit vers la métropole. Le principe de volontariat doit, selon nous, prévaloir en toute circonstance.

Le Gouvernement avait même pour objectif de permettre aux métropoles de capter l’essentiel des contributions fiscales sur leur territoire. Le Sénat, conscient du danger, n’a pas adopté ces dispositions lors de la première lecture et a prévu notamment l’accord unanime des conseils municipaux pour autoriser le transfert de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, des communes à la métropole.

L’Assemblée nationale s’est, quant à elle, attachée à accroître le rôle des métropoles. Je citerai quelques exemples.

Elle a élargi les compétences exercées de plein droit en lieu et place des trois niveaux de collectivités. Elle a supprimé la consultation des communes sur le projet de PLU, ou plan local d’urbanisme, et remplacé la majorité des deux tiers requise pour déterminer l’intérêt métropolitain par une majorité simple. Elle a également permis le transfert de la DGF à une majorité qualifiée et réinstauré la dotation de reversement de la métropole aux communes, dotation que notre assemblée avait supprimée.

Autrement dit, l’Assemblée nationale s’est largement pliée à la volonté du Gouvernement de réduire les prérogatives des membres des métropoles, mettant en cause le minimum de démocratie.

La commission des lois de notre assemblée propose, à juste titre, de revenir sur certaines dispositions votées à l’Assemblée nationale. Elle a notamment supprimé le transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties et rétabli la condition d’unanimité pour le transfert de la DGF.

Certes, ces amendements vont dans le bon sens, mais ils ne règlent pas la question de fond. Les métropoles illustrent en effet en elles-mêmes les choix du Gouvernement en matière de politique territoriale – je dirais même en matière de politique, tout simplement – puisqu’elles sont prévues comme des espaces de compétitivité censés rivaliser avec les grandes métropoles européennes.

Nous ne partageons pas ce choix qui ne peut que conduire à affaiblir les services publics et, par conséquent, la réponse aux besoins des habitants. Il aura également pour effet le transfert au secteur privé de toutes les activités pouvant être rentables.

Le choix que nous faisons est celui de l’égalité et de la solidarité des citoyens et des territoires. Il s’agit par conséquent d’une tout autre démarche que celle qui est inscrite dans le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 99 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et Beaufils, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 485 rectifié est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Vera, pour défendre l’amendement n° 99.

M. Bernard Vera. Monsieur le secrétaire d’État, avec cet article 5, nous franchissons une nouvelle étape dans la complexification qui accompagne votre réforme territoriale.

En effet, cet article institue une nouvelle catégorie d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre : la métropole. Comme le note notre collègue Courtois à la page 53 de son rapport, cette nouvelle catégorie est « la plus intégrée de toutes ».

Il est aussi précisé dans ces pages qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle collectivité territoriale de plein exercice, puisque les communes qui la composent ne perdent pas tout pouvoir de lever l’impôt.

Certes, les maires garderont leurs compétences en matière d’autorisations d’urbanisme, ce qui est loin d’être négligeable. En revanche, la diversification des transferts des départements et, surtout, la subordination des compétences communales à la reconnaissance d’un intérêt métropolitain nous incitent plus encore à penser que l’autonomie communale sera irrémédiablement mise à mal.

Tous ces éléments ne peuvent que renforcer l’opinion que nous nous faisions des métropoles lors de la première lecture du projet de loi. Ces dernières seront bien un échelon supplémentaire aux contours et aux compétences assez floues.

Si le Gouvernement avait réellement voulu simplifier le « mille-feuille », il aurait pu faire mieux. En effet, nous sommes passés de quatre échelons – les communes, les EPCI, les départements et les régions – à dix échelons – communes, communes nouvelles, intercommunalités, cantons, territoires, départements, métropoles, pôles métropolitains, régions et, enfin, nouvelles collectivités, avec la fusion des départements et des régions et l’interrégion.

La création de cette nouvelle structure rend plus complexe le paysage institutionnel local. Elle réduit considérablement les pouvoirs des communes qui la composent et porte gravement atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Enfin, les métropoles que vous nous proposez apparaissent de plus en plus comme de futures concurrentes des régions et portent en elles la disparition de certains départements.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, nous souhaitons que l’article 5 soit supprimé.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 485 rectifié.

M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 5.

Notre collègue Jean-Pierre Chevènement a rappelé, à juste titre, l’attachement du groupe RDSE aux trois échelons que sont le bloc communal, le département et la région.

Avec la création de la métropole telle qu’elle ressort de ce texte, vous confirmez la volonté d’une France à deux vitesses. Vous accélérez la distorsion entre les territoires. Pourquoi procéder ainsi ?

Nous n’étions pas fondamentalement opposés au principe de la création de métropoles, mais à la condition qu’un certain équilibre soit conservé. Or vous n’êtes pas parvenus à maintenir un équilibre général.

Manifestement, la commune nouvelle était le pendant de la métropole pour les territoires qui n’étaient pas inclus dans le périmètre de cette dernière. Dans ses termes actuels, c’est-à-dire tel qu’il risque d’être voté, le texte ne permettra sans doute pas de créer de telles communes nouvelles, ou très peu, tant les dispositions qui encadrent celles-ci s’apparentent à une véritable « usine à gaz ».

Les métropoles bénéficieront par conséquent de transferts importants de pouvoirs, et les territoires périphériques seront aspirés. On a parlé de « trou noir », je n’irai pas jusque-là. Mais, si la puissance d’aspiration des métropoles n’atteind pas un tel degré, elle risque néanmoins de freiner le développement des territoires situés autour de ces pôles.

En premier lieu, donc, vous complexifiez un peu plus le millefeuille, car les métropoles représentent bien une couche supplémentaire. En second lieu, vous jetez une pierre dans le jardin de la commune et du département. À cet égard, on peut se demander quelle place occupera le département à côté de ce nouveau mastodonte censé absorber le dynamisme économique et démographique local.

Prenons un exemple : que deviendra la Haute-Garonne autour de Saint-Gaudens face à la métropole formée par Toulouse et sa proche banlieue ? Si ce n’est pas une France à deux vitesses avec des territoires laissés pour compte que vous nous préparez, qu’est-ce que c’est ?

Nous ne pouvons accepter le principe des métropoles tel qu’il ressort du projet de loi que vous nous proposez. Que deviendra le principe d’égalité devant les services publics ? Ces dispositions induisent selon nous non seulement un processus de complexification, mais, surtout, un déséquilibre profond entre les territoires. Il faut en outre ajouter à cela, comme nous le verrons dans la suite de nos discussions, le risque que la constitution de métropoles soit fonction du bon vouloir de telle ou telle grande ville, du bon plaisir de tel ou tel président d’exécutif…

Pour notre part, nous n’avons pas vocation à servir de béquille à ce type d’article. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les amendements nos 99 et 485 rectifié ont pour but de supprimer l’article 5. Or celui-ci a justement pour objet de créer les métropoles.

Pour notre part, nous souhaitons que soient instituées de grandes métropoles sur le territoire français. Dans ces conditions, la commission des lois ne peut accepter ces deux amendements, puisque, par définition, ils annuleraient toute possibilité de discussion sur l’amélioration des statuts.

M. Jacques Mézard. Cela ne m’a pas échappé !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Vous êtes donc d’accord avec moi, monsieur Mézard !

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 99 et 485 rectifié.

Si vous souhaitez poursuivre la discussion sur ce point, monsieur Mézard, il serait sans doute plus judicieux de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet naturellement le même avis que la commission sur ces deux amendements identiques. Non, les métropoles ne sont pas de nouvelles collectivités territoriales. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat conteste.). Elles constituent simplement un nouveau type d’EPCI.

Du reste, pourquoi vouloir empêcher leur création alors que celle-ci est reconnue comme nécessaire ? La France a d’ailleurs pris beaucoup de retard en la matière par rapport à ses grands voisins européens.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chacun a des modes de développement différents ! On n’est pas obligé de faire comme son voisin !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Nombreuses sont les métropoles qui se sont développées depuis des années ; je pense à Barcelone, Francfort ou Milan.

En tout cas, si nous ne faisons rien, nous finirons par le payer très cher en termes d’aménagement du territoire !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. La métropole, telle qu’elle est prévue dans le texte, est un objet administratif transgénique, qui possède tout à la fois des gènes communaux, régionaux et départementaux.

On nous dit que c’est un EPCI. Que je sache, ce sigle signifie « établissement public de coopération intercommunale ». Où y trouve-t-on les compétences qui viennent du département et de la région ? (M. Philippe Dallier s’exclame.) Rassurez-vous, mon cher collègue, on parlera tout à l’heure de la région parisienne, à laquelle il aurait peut-être d’ailleurs mieux valu s’intéresser de plus près ! Pour l’instant, laissons de côté le cas de la région parisienne, que je connais trop mal pour avoir une position arrêtée.

L’objectif initial était de tenir compte du fait métropolitain dans notre organisation territoriale.

S’il s’agissait de créer un EPCI particulièrement intégré, auquel se seraient associées les communes qui le désirent, je n’y aurais pas vu d’inconvénient. Nous avons d’ailleurs déposé un certain nombre d’amendements allant dans ce sens.

Tout le problème vient du fait que les compétences absorbées par la métropole ne sont pas simplement des compétences communales.

Une telle démarche a peut-être sa logique pour la région parisienne, ne serait-ce que parce que Paris exerce déjà des compétences départementales. Pour la province, en tout cas, comme l’a dit Jacques Mézard tout à l’heure, cela n’a aucun sens. Ce qui est absolument sûr, c’est que nous allons assister à la vampirisation des départements.

J’ai fait un petit calcul s’agissant du Var : les compétences transférables représentent 40 % à 50 % des recettes réelles de fonctionnement du département. Que lui restera-t-il ? Je vous le demande !

D’aucuns ne manqueront pas de me rétorquer que la répartition des compétences sera décidée par convention. Je vois bien le président du conseil général du Var disputer à Hubert Falco, maire de Toulon, président de la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée et membre du Gouvernement, les compétences qu’il aurait envie de se voir transférer : quand bien même il y aurait discussion, cela risque d’aboutir à de sérieux affrontements, à une mini-guerre civile au niveau local, ce qui n’est vraiment pas souhaitable !

Et que dire de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, quand des compétences aussi décisives que le développement économique vont lui échapper pour ce qui concerne Marseille, Toulon et Nice ? Point n’est besoin de faire un grand dessin pour comprendre !

D’autres questions restent en suspens.

Pour justifier la création du conseiller territorial, vous avez avancé comme principal argument le fait que ce nouvel élu permettrait – chose extraordinaire ! – d’assurer une coordination optimale entre les politiques régionales et départementales. Sauf que, avec la métropole, une bonne partie des compétences dévolues à la région et au département va désormais leur échapper !

Il était donc à nos yeux absolument nécessaire de mettre en place un organe de coordination spécifique, d’où notre proposition, qui était peut-être, je l’admets, un peu bricolée, mais qui avait le mérite de soulever le problème : il faut créer une structure spécifique – le « pôle métropolitain » en l’occurrence, mais appelons-la autrement si vous préférez – propre à assurer une coordination entre l’ensemble des acteurs intervenant sur des compétences aussi stratégiques que le développement économique, l’aménagement local, l’emploi, la recherche, l’enseignement supérieur – grand absent de la réforme –, ainsi que la gouvernance des grands réseaux.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà ce que la loi aurait dû prévoir.

Autant, encore une fois, on peut être d’accord avec l’idée d’envisager une forme un peu plus intégrée d’EPCI, pour tenir compte de l’urbanisation très forte à certains endroits, autant la création de cette espèce d’être nouveau – pour le coup, totalement inédit dans notre droit – va nous conduire à des difficultés dont on commence juste à percevoir l’importance.

En son temps, Madame Roland s’était écriée : « Ô liberté, que de crimes on commet en ton nom ! » Aujourd'hui, je vous dirai : « Modernité, que de bêtises on risque de commettre en ton nom ! » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Chacun l’a bien compris, l’idée qui a présidé, au départ, à la création des métropoles est loin d’être mauvaise. M. le secrétaire d’État vient de le rappeler, il s’agissait de concurrencer les grands pôles métropolitains, notamment européens. Pour moi qui suis originaire de l’Aquitaine, je pense tout particulièrement à Bilbao.

Pourtant, à l’arrivée, que constatons-nous ?

La métropole récupère plusieurs compétences : celles de la communauté urbaine, auxquelles s’ajoutent trois compétences du département que sont les transports scolaires, la voirie départementale et le développement économique. Nul doute que la réforme va plus affaiblir le département qu’enrichir la métropole.

Quoique de toute façon résiduelle, la compétence économique du département est sans doute nécessaire, notamment pour le milieu rural. Il faudrait garder ce lien entre l'économie et la ruralité, même si, désormais, seul le territoire de la métropole sera concerné.

La métropole se voit également transférer la compétence économique de la région. Il est tout de même surprenant de constater que les régions, qui sont déjà, je le disais hier, les « naines » de l’Europe, vont rapetisser encore davantage. Heureusement qu’il est précisé que les aides aux entreprises ne sont pas concernées ! Il n’empêche, il y aura deux dispositifs d’aide au développement économique sur le territoire départemental ou régional.

À l’arrivée, la métropole ressemble à une communauté urbaine alourdie. Je ne suis pas sûr que, dans ces conditions, il y en ait beaucoup qui se crée. À un moment donné, il avait même été envisagé de transférer également le foncier bâti des communes ; mais on a fait marche arrière, car cela posait encore d’autres problèmes, avec notamment le risque évident de porter atteinte à l’identité communale.

Telle qu’elle se présente aujourd'hui, la notion de métropole n’est attractive pour personne. Au fond, elle a été créée sur deux hypothèses erronées.

Premièrement, il est faux de croire que le développement économique et la croissance sont tirés par la ville et par la métropole. (M. le rapporteur s’exclame.) En l’absence d’une étude d’impact, les quelques travaux publiés sur la question méritent d’être étudiés de près, car ils montrent qu’il n’y a pas, en général, de lien avéré entre le fait urbain et le développement économique.

En France, par exemple, la Vendée est l’un des départements qui se développent le plus, alors qu’il ne compte aucun ensemble urbain majeur.

Deuxièmement, il est faux de croire que c’est par le droit que l’on résout des problèmes économiques. Il peut certes y avoir une corrélation, mais c’est une erreur profonde que de raisonner ainsi.

Il est tout de même frappant de constater que, d’une certaine façon, notre pays en est toujours resté aux années soixante : il y a Paris, et le désert français. (M. Philippe Dallier s’exclame.)

Si l’on veut vraiment des métropoles puissantes, il convient d’inciter les grandes entreprises à installer leur siège social et pas seulement leurs succursales en dehors de Paris. Or, nous le savons bien, les uns et les autres, c’est rarement le cas aujourd'hui.

Il y a une difficulté. Il faut la résoudre, et les moyens octroyés aux métropoles n’y suffiront pas. Les régions doivent elles aussi être renforcées, pour soutenir l’enseignement supérieur et la recherche.

Sans doute convient-il également de développer les axes de communication, notamment transversaux. Tant que ceux-ci ne seront pas en nombre suffisant, les métropoles ne pourront pas jouer le rôle que vous voulez leur confier, non sans raison d’ailleurs.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ne vous trompez pas de débat, car il n’est pas juridique, il est économique. Sur ce plan, la création des métropoles n’apporte strictement aucun progrès. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Autant je comprends que l’on puisse débattre du niveau d’intégration souhaitable pour les métropoles, autant j’ai vraiment du mal à entendre certains des arguments avancés.

Déjà, en première lecture, on avait passé, si j’ai bonne mémoire, tout un mardi après-midi sur ce sujet. Et la discussion s’était achevée par l’intervention d’un de nos collègues invoquant la peur prétendument ressentie par certains présidents d’association devant cette novation juridique, tout perturbés qu’ils seraient pour l’obtention de leurs subventions.

Franchement, je crois que l’enjeu est d’une tout autre nature. On ne peut pas dire tout et n’importe quoi pour s’opposer à l’idée même de métropole.

Comment notre collègue du groupe CRC-SPG peut-il nous affirmer que l’on va passer de quatre à dix couches administratives ? Arrêtons de proférer de telles contre-vérités ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

La métropole n’est pas une couche supplémentaire qui viendrait se superposer aux structures existantes. Elle remplacera, ou pas, la communauté urbaine.

Mme Éliane Assassi. Avec des coûts supplémentaires.

M. Philippe Dallier. Ce sera une communauté urbaine plus intégrée.

Nous pouvons, certes, discuter du niveau d’intégration le plus approprié, mais pas du fait de savoir si ce sera la neuvième ou la dixième couche : ce n’est vraiment pas sérieux !

M. Mézard a quant à lui avancé un autre argument qui, là encore, me laisse assez pantois. On nous reproche de vouloir nous écarter du modèle formé par les communes, les départements et les régions, les intercommunalités étant à peine été évoquées. Ça y est, nous voilà repartis en décembre 1789, fidèles au modèle traditionnel !

Mon cher collègue, vous avez été, comme moi, membre de la mission Belot. Qu’avons-nous préconisé à la fin de nos travaux, si ce n’est la nécessité d’inventer un nouveau modèle qui puisse s’adapter à chaque territoire et à leurs spécificités propres ?

Nous avons vécu pendant deux siècles avec un modèle uniforme qui organisait Paris et sa banlieue comme le Limousin. Là est le problème aujourd’hui. Vouloir créer des métropoles puissantes – et j’attends qu’il y en ait une pour la région parisienne –, c’est justement vouloir adapter notre organisation institutionnelle à la diversité de nos territoires, sans pour cela, bien évidemment, tourner le dos aux espaces géographiquement proches. L’idée, c’est de trouver le moyen d’être le plus efficace possible.

Nous pouvons toujours, je le répète, discuter pour savoir s’il faut plus ou moins d’intégration. Mais, de grâce ! ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, en restant complètement scotchés sur une organisation qui a bientôt deux siècles ! Nous sommes au xxie siècle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)