Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous proposons la suppression de l’article 35 bis, introduit par l’Assemblée nationale. Sous couvert de mutualisation, il vise à conforter l’un des objectifs affichés de cette réforme, à savoir l’ « évaporation » des départements, annoncée par M. Balladur.

Avec cet article, on se dirige résolument vers la mort programmée des départements, même si personne, au sein de la majorité, ne veut l’avouer. Mais, comme l’a fait observer M. Sueur, il se rattache à l’ancien dispositif de l’article 35, que nous avons abrogé tout à l’heure. Il n’a donc plus aucune raison d’être.

M. Michel Teston et Mme Marie-Christine Blandin. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 460.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, les choses sont maintenant extrêmement claires, tout au moins pour ce qui est de la procédure… Pour le reste, naturellement, l’adjectif ne convient pas ! (Sourires.)

Le texte de l’amendement n° 558 qui a été adopté à une immense majorité par le Sénat s’est substitué à l’ensemble des dispositions figurant antérieurement à l’article 35. Or, comme les dispositions des articles 35 bis, 35 ter, 35 quater et 35 quinquies s’inscrivent dans le droit fil de l’ancienne rédaction de l’article 35, il va de soi que ces articles sont devenus sans objet.

M. Gérard Longuet. Pas du tout !

M. Éric Doligé. Nous ne sommes pas d’accord !

M. Jean-Pierre Sueur. Dès lors, la seule chose qui puisse encore nous occuper quelque temps, si toutefois vous persistez à défendre les quelques lambeaux qui restent de votre texte, monsieur le ministre Mercier, c’est la question du mode de scrutin. Nous pencher sans attendre sur celle-ci nous permettra de gagner beaucoup de temps et de faire progresser la clarté cartésienne.

M. le président. L’amendement n° 535 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l'amendement n° 555.

M. Nicolas About. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec celui que nous venons d’adopter à l’article 35.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour présenter l'amendement n° 568.

M. Philippe Adnot. La teneur de cet article, qui prévoit que le président du conseil régional et les présidents des conseils généraux peuvent élaborer conjointement un projet de schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services, me surprend. Cela signifie-t-il que les autorités visées doivent élaborer un tel projet ? En effet, s’il s’agit d’une simple faculté, il n’est même pas utile de le préciser. On peut s’interroger sur ce point, d’autant qu’il est spécifié, à l’alinéa 6, que « ce schéma porte au moins sur les compétences relatives au développement économique, […] à la construction, à l’équipement et à l’entretien des collèges et des lycées ». Il y a des compétences bien définies, qui ne sont pas jusqu’à présent remises en cause, mais il apparaît soudain qu’une collectivité pourra intervenir dans des domaines qui ne relèvent pas des siennes ! Je trouve cela extraordinaire !

C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de cet article tout à fait incohérent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission avait émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Cependant, compte tenu du vote qui est intervenu à l’article 35, je considère, à titre personnel, que les articles 35 bis à 35 quinquies n’ont plus d’objet. Je suis par conséquent favorable aux amendements de suppression de ces articles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En bonne logique, je ferai la même analyse.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote. (Protestations sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, je dispose de cinq minutes pour expliquer mon vote, et je compte bien les utiliser ! Après tout, M. Sueur n’est pas le seul à avoir le droit de parler dans cet hémicycle, même s’il s’exprime très bien ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

L’amendement de M. About me pose un problème. Il prévoit de renvoyer, dans un délai de douze mois, à une loi sur la répartition des compétences. Sous couvert de se donner le temps de la réflexion, de la maturation, cela signifie concrètement que l’on laissera l’Assemblée nationale décider de l’organisation des collectivités locales. L’opinion retiendra que le Sénat n’a pas assumé ses responsabilités sur un sujet difficile. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Mais ce n’est pas grave, ce n’est pas la première fois…

J’en reviens à des considérations extrêmement pratiques, mes chers collègues. Des compétences existent aujourd’hui, ne serait-ce que celles héritées des lois de 1982. Je n’invoquerai pas devant vous les mânes de Gaston Defferre, mais il a mis en place des institutions que nous avons fait vivre, les uns et les autres, alternativement et parfois simultanément, sur l’ensemble du territoire. Ces compétences disparaissent-elles ? La réponse est assurément non, à cet instant ! Nous allons donc continuer.

Pour répondre à mon excellent ami Philippe Adnot, il est vrai que les départements sont chargés des collèges et les régions des lycées. Nul ne songe à contester cette répartition, mais pourquoi diable interdirait-on aux présidents de région et de département d’organiser, par un accord librement consenti, une fonctionnalité des services qui soit adaptée au terrain ?

Je regrette que l’on veuille supprimer l’article 35 bis, car je ne suis pas opposé à un tel travail collectif, qui permette de tenir compte de la diversité des régions. Le bidépartementalisme alsacien ou haut-normand n’est pas la multiplicité des départements de la région Midi-Pyrénées, qui vont de la Croix des trois évêques, aux limites de l’Aubrac, jusqu’aux frontières espagnoles : on pourrait imaginer des organisations différentes selon les régions.

L’article 35 bis vise à permettre cette mutualisation. M. Masson nous a dit brièvement tout à l’heure qu’il était contre la mutualisation. Je regrette qu’il ait déjà quitté l’hémicycle : nous aurions pu engager un dialogue, mais M. Masson est un collègue éphémère, un sénateur intermittent d’un spectacle dont on se passe d'ailleurs très bien. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Certains départements comptent des cités scolaires qui associent collèges et lycées. Il arrive, en Île-de-France, que des collèges et des lycées soient gérés par les conseils généraux. Pourquoi empêcher des institutions libres et responsables de s’entendre pour mutualiser des services ?

Alors, faut-il attendre douze mois ? Mes chers collègues, la France des régions et des départements va continuer d’exister. La répartition des responsabilités entre les niveaux continue de fonctionner. Il est proposé, au travers de l’amendement de M. About, de réexaminer ce qui pose problème, mais pourquoi empêcherions-nous certains de s’organiser différemment si c’est dans l’intérêt de leurs territoires ?

Je conclus de nos débats, à titre personnel, que le travail de commission doit se faire en commission. Nous souffrons, en cet instant, de réaliser un tel travail en séance plénière.

M. Gérard Longuet. Les amendements que nous avons examinés étaient tous pertinents. S’ils avaient fait l’objet d’un travail approfondi en commission, nous aurions pu ensuite gagner du temps, en allégeant nos débats dans l’hémicycle de ces contradictions qui ne sont souvent qu’apparentes mais qui donnent le sentiment d’une assemblée hésitante, alors qu’elle devrait être au contraire mûre, réfléchie, responsable, nourrie de son expérience et de sa sagesse !

Voilà les raisons pour lesquelles je propose que le travail de commission l’emporte sur le travail de séance. On pourrait même imaginer que le travail de réflexion de la majorité soit mené en amont de la séance ; nous rendrions ainsi service à notre assemblée tout entière ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Daniel Raoul. C’est quoi, la majorité ?

M. le président. Ça va, ça vient ! (Sourires.)

La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Nous voulons supprimer un article qui crée une obligation.

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas une obligation !

M. Philippe Adnot. Si ! Cet article crée une obligation, puisqu’il comporte une liste minimale des compétences devant être concernées par le projet de schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services que les présidents du conseil régional et les présidents des conseils généraux « peuvent » élaborer…

Le fait que nous contestions l’instauration d’une telle obligation ne signifie pas que nous entendions interdire la coopération, cher Gérard Longuet. La coopération existe déjà ! Dans mon département, des collèges et des lycées sont gérés en commun. Nous n’avons pas attendu ce texte pour le faire ! Pourquoi diable veut-on nous faire voter des dispositions qui ne sont pas nécessaires ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. J’avoue que cette discussion ne manque pas d’intérêt. Pour débattre, il est préférable que la majorité s’exprime. Je me réjouis donc que ce soit le cas aujourd'hui, et que la majorité soit sortie des longues périodes de silence qu’elle s’est infligée les jours précédents, …

M. Gérard Longuet. C’est parce qu’elle débat en commission, mon cher collègue !

M. Bernard Frimat. … sans doute par mortification ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Félicitons les rédacteurs de l’article 35 bis de leur ingéniosité et de leur sens de l’humour.

Le deuxième alinéa de cet article prévoit que, « afin de faciliter la clarification des interventions publiques sur le territoire de la région et de rationaliser l’organisation des services des départements et des régions en encourageant leur mutualisation, les présidents du conseil régional et les présidents des conseils généraux de la région peuvent élaborer conjointement, dans les six mois qui suivent l’élection des conseillers territoriaux, un projet de schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services ».

Mes chers collègues, nous avons donc du temps devant nous, puisque l’élection des conseillers territoriaux, dont on ne sait pas encore comment elle s’organisera – je ne doute pas que nous le saurons dans quelques années ! –, aura lieu, si ces conseillers existent toujours, en mars 2014. L’élaboration du schéma en question pourra intervenir dans les six mois suivant leur élection, ce qui nous mène en septembre 2014. D’ici là, le texte prévu dans la nouvelle rédaction de l’article 35 permettra de clarifier un certain nombre de points.

M. Gérard Longuet. C’est une raison de plus pour voter l’article 35 bis !

M. Bernard Frimat. Défendre la clause de compétence générale, c’est défendre le droit, pour les collectivités territoriales, de continuer à intervenir dans les domaines présentant un intérêt de service public. C’est cela, la clause de compétence générale ! Il ne s’agit pas, pour les régions, de revendiquer le financement du RSA, ni, pour les départements, de demander à financer la construction des lycées.

Avec un luxe de détails, l’article 35 bis définit très précisément le champ minimal de compétences sur lequel portera le schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services. Ce dispositif est très compliqué !

Prenons le temps de réfléchir à l’amélioration de la répartition des compétences : que certaines restent exclusives, que d’autres soient partagées, que les départements et les régions conservent la liberté de travailler ensemble, comme elles le font actuellement. L’exemple des cités mixtes, abritant à la fois des collèges et des lycées, qui relèvent donc simultanément de la région et du département, a été rappelé. Cela fait aujourd'hui plus de vingt-cinq ans que les régions et les départements collaborent dans ce domaine, sans le secours de l’article 35 bis. Pensez-vous réellement qu’ils ont besoin de cette béquille pour être contraints de faire ce qu’ils font librement aujourd’hui ?

Ce texte mal parti risque fort de mal arriver… Vous pensez, monsieur Longuet, que l’Assemblée nationale va considérer que le Sénat s’est désintéressé de la question. Vous m’étonnez ! Après un vote quasiment unanime du Sénat, il me semble que, en tant que président du groupe le plus important, vous avez un rôle particulier à jouer auprès du président du groupe UMP de l’Assemblée nationale pour le convaincre que la seule position raisonnable est de vous rejoindre.

M. Gérard Longuet. Je ne suis pas sûr d’avoir assez d’autorité ! (Sourires.)

M. Bernard Frimat. Vous avez voulu en quelque sorte vous constituer le messager du Sénat auprès du président du groupe UMP de l’Assemblée nationale. Je vous souhaite bon courage dans cette tâche, mon cher collègue, et je forme le vœu que nous ne soyons pas amenés à dire, à votre propos : « Courage, fuyons ! » (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.

M. Nicolas About. Monsieur Longuet, je ne pense pas du tout que la position que nous prenons soit de nature à retarder la mise en œuvre du dispositif, dans la mesure où le texte prévoit qu’il ne prendra effet que dans les six mois suivant l’élection des conseillers territoriaux, en 2014.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale serait à mon avis très mal inspirée de vouloir régler le problème en passant outre les prérogatives constitutionnelles du Sénat. Il nous revient en effet de discuter de ce sujet avant elle ; nous le ferons dans le délai d’un an que le Sénat vient de fixer.

Je souhaite que le Gouvernement et le Parlement fassent en sorte que le texte sur la répartition des compétences puisse être examiné dans les meilleurs délais, certes, mais à l’issue d’une réflexion approfondie. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bel. Chacun sait les difficultés que traverse notre pays, chacun mesure la crise de confiance de nos concitoyens à l’égard des politiques.

Il me paraît donc essentiel que le présent débat sur l’avenir des collectivités territoriales soit exemplaire et permette de traiter les problèmes au fond.

Prenons un peu de recul, examinons la façon dont se déroulent nos discussions : y a-t-il un pilote au Gouvernement ? Y a-t-il un pilote dans la majorité ? La majorité sénatoriale vient de voter, à la quasi-unanimité, un amendement important contre l’avis du Gouvernement ! En outre, on constate un manque de cohérence entre elle et la majorité de l’Assemblée nationale. Le sujet qui nous occupe mérite mieux ! N’est-il pas temps de réexaminer les motivations qui ont conduit à la présentation de ce texte et de se poser quelques questions ? Disant cela, il ne s’agit pas, pour moi, de me livrer à des manœuvres politiciennes.

La détermination du mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux a été renvoyée à plus tard, de même que le débat sur la clause de compétence générale et la répartition des compétences. Quel est le sens politique du travail que nous effectuons ici ? Permettez-moi de vous inviter en toute modestie, chers collègues de la majorité, à vous ressaisir. Il est de votre responsabilité de nous indiquer le sens de ce texte, qui ne me semble avoir ni queue ni tête. Je demanderai une suspension de séance après que nous aurons achevé l’examen de l’article 35 quinquies. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il y a six mois, au terme de la première lecture de ce texte, nous avions mis en garde à la fois le Gouvernement et la majorité contre les risques qu’ils prenaient en disjoignant les dispositions relatives au mode d’élection des conseillers territoriaux et, surtout, celles qui concernent la répartition des compétences. Aujourd'hui, la démonstration est faite que cet avertissement n’était pas vain ; au fil du débat, la confusion s’ajoute à la confusion.

À l’instar de Bernard Frimat et de Jean-Pierre Bel, je pense qu’il serait bon que nous marquions une pause et que le Sénat, représentant privilégié de l’ensemble des collectivités territoriales, se donne les moyens de reprendre la main dans un débat qui porte sur leur avenir.

Parler du principe de libre administration des collectivités territoriales, de la clause générale de compétence, de l’égalité et de l’équité républicaines pour les individus et pour les territoires, ce n’est pas rien ! Il importe de réaffirmer ces principes, or force est de constater que la majorité patauge. Peut-être même est-elle victime de l’empressement de l’Assemblée nationale qui, en confondant vitesse et précipitation, a véritablement dénaturé la portée républicaine de ce texte.

Le Gouvernement et la majorité doivent se ressaisir, car nous sommes dans une situation surréaliste. Tout ce que demande le groupe socialiste, c’est que l’on en revienne à un minimum de réalisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je pense, monsieur le président du groupe UMP, que vous avez tort d’ironiser et d’affirmer que nous faisons en séance plénière un travail de commission.

Je remarque que, pour une fois, nos collègues de la majorité sont présents en nombre dans l’hémicycle… (Exclamations sur les travées de lUMP.) Cela montre que nous sommes tous très attachés aux élus locaux, dont nous sommes les représentants.

Lorsque vous dites, monsieur Longuet, que nous effectuons un travail de commission, vous sous-entendez que nous perdons notre temps. Mais le travail parlementaire se fait dans l’hémicycle. Les parlementaires sont libres, ils font ce qu’ils veulent, et s’ils souhaitent débattre dans le détail des heures durant d’un sujet qui leur tient à cœur, ils en ont le droit ! Vous n’êtes pas encore arrivés à empêcher cela !

Sans aucun doute, nous avons, les uns et les autres, des conceptions très différentes de l’organisation territoriale : certains privilégient un fonctionnement décentralisé, plus démocratique, d’autres préfèrent un pilotage par l’État ; certains veulent des élus de proximité, d’autres souhaitent les remplacer par des élus plus éloignés du terrain ; certains veulent des pôles de compétitivité, d’autres préfèrent une organisation harmonieuse du territoire…

Mais de quoi parlons-nous et qui est concerné ? Là est le problème ! Il n’y a pas d’urgence à voter ce texte, car il ne sera de toute façon pas applicable avant 2014. Nous pouvons donc nous permettre de prendre le temps de la réflexion.

Au fur et à mesure que les élus locaux prennent conscience de la teneur de ce texte, ils le rejettent. Ils sont inquiets, mécontents et se demandent où nous allons. Vous devriez les écouter, chers collègues, car ils ont beaucoup à dire, y compris ceux qui sont de votre sensibilité politique.

Quant aux citoyens, ils constatent que, les collectivités territoriales étant étranglées financièrement, les services qu’elles leur rendent se réduisent de plus en plus, du fait de votre politique, alors même qu’ils en ont de plus en plus besoin. On leur a annoncé une clarification des compétences, une simplification du millefeuille territorial, or vous rajoutez des échelons, vous complexifiez les choses ! Croyez-vous qu’ils ne le voient pas ? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’adhèrent pas à votre réforme, dont vous aviez pourtant fait un enjeu de la campagne pour les élections régionales : cela ne vous a pas réussi ! Votre projet est si complexe que nos concitoyens n’y comprennent absolument rien !

La seule chose qui soit claire, c’est que vous avez rajouté des échelons et réduit les ressources des collectivités territoriales. Cela, nos concitoyens le voient bien, car les services que leur rendent les collectivités territoriales en pâtissent !

De grâce, laissez-nous travailler, laissez-nous nous exprimer, et essayez d’entendre ce que vous disent les élus qui vous élisent ! L’examen de ce texte ne pourra aller à son terme dans les conditions souhaitées par le Gouvernement. Celui-ci a certes pu passer en force à l’Assemblée nationale, laquelle a pris le contre-pied des positions du Sénat, mais il a finalement échoué. Tirez-en donc les conséquences ! Remettez l’ouvrage sur le métier : nous sommes tous ici ouverts à la discussion. Peut-être pourriez-vous même envisager de consulter la population sur l’organisation territoriale de notre pays (Exclamations sur les travées de lUMP), car après tout, c’est son affaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. L’article 35 bis me va très bien, puisqu’il vise à rationaliser le travail des départements et des régions. En 2004, j’avais d’ailleurs fait adopter un amendement tendant à créer une conférence des exécutifs des départements, de la région et des communautés d’agglomération.

Je voudrais montrer que ce texte est important et qu’il est nécessaire de préciser les choses dans la loi, car, contrairement à ce que certains ont prétendu, la coopération entre exécutifs n’est pas forcément naturelle…

En ma qualité de président de conseil général, j’ai reçu, voilà quinze jours, une lettre du président du conseil régional m’invitant à participer à la conférence annuelle des exécutifs prévue par la loi de 2004. J’y ai assisté brièvement, lundi dernier : il y avait quarante-trois personnes autour de la table, trois exécutifs seulement, d’ailleurs pas forcément de gauche, étant représentés… Rien n’est sorti de cette réunion !

J’estime que les collectivités territoriales doivent parvenir à travailler ensemble. Sinon, ce sont nos concitoyens qui sont pénalisés. La loi doit contribuer à la bonne organisation de ce travail commun, qui doit permettre une simplification du traitement des dossiers. M. Sueur en est conscient, qui est aussi présent dans notre département qu’au Sénat… (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. J’essaie de faire les deux, mais c’est difficile ! (Nouveaux sourires.)

M. Gérard Longuet. C’est le premier de la classe !

M. Éric Doligé. Tous les jours, dans la presse locale, je peux prendre connaissance de son opinion sur le département, qui varie d’ailleurs au fil du temps et des circonstances… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Pour l’heure, sur le terrain, on constate des choses tout à fait anormales. Ainsi, voilà trois jours, j’inaugurais une maison d’accueil rurale pour personnes âgées, une MARPA.

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne pouvais pas venir, j’étais ici !

M. Éric Doligé. Cela relève de la compétence du département, mais le représentant de l’exécutif régional qui m’accompagnait, très intéressé par cette réalisation, a aussitôt envisagé une contribution régionale au financement des MARPA, alors que tout est déjà financé ! Cet exemple montre bien qu’il faut clarifier les choses.

M. Frimat a affirmé tout à l’heure qu’il n’est pas nécessaire d’organiser la coopération entre les collectivités territoriales. Je ne suis pas d’accord : il revient au président de la région d’organiser la conférence des exécutifs, sans que cela implique une supériorité de la région sur les autres collectivités. Le président de la région est reconnu comme le chef de file, et si le chef de file ne prend pas d’initiative, il ne se passe rien.

J’estime qu’un dispositif tel que celui de l’article 35 bis permettra de clarifier et d’ordonner quelque peu la coopération entre collectivités, qui ne va pas forcément de soi. Peut-être en est-il ainsi chez vous, mes chers collègues, mais tout le monde ne peut pas prétendre à votre degré d’excellence ! C’est pourquoi je pense que cet article est indispensable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà un excellent président de région !

M. François Patriat. Mes chers collègues, pensez-vous qu’il faille ajouter, avec ces débats quelque peu surréalistes, au climat économique et social délétère qui règne dans notre pays ? Je vous renvoie à la presse d’aujourd’hui, qui fait état de perspectives des plus sombres, notamment en matière d’emploi.

Le 8 octobre 2008, à l’occasion de ma première intervention dans cet hémicycle, j’ai interrogé le ministre de l’intérieur de l’époque sur les intentions du Gouvernement : souhaitait-il clarifier, simplifier, faire des économies ou, tout simplement, créer un conseiller territorial afin de regagner des pouvoirs locaux et d’affaiblir les collectivités territoriales ?

Après deux débats dans cet hémicycle, on s’aperçoit en fin de compte que le seul objectif du Gouvernement était bien de créer un conseiller territorial – innovation plébiscitée, paraît-il, par l’ensemble des Français et réclamée par tout le monde – dont on ne connaît ni les attributions ni le mode d’élection. Quelle confusion !

Une seule chose est claire : le Gouvernement veut à tout prix créer un conseiller territorial, élu selon un mode de scrutin à sa main, ne respectant ni la parité ni la diversité. Nous arrivons en définitive à un texte bâtard, au regard duquel on ne sait plus très bien où se situent la majorité et l’opposition. Pour notre part, nous sommes partisans de la clarification, au bénéfice des citoyens que les collectivités territoriales représentent.

Tout à l’heure, M. Hyest a accusé les collectivités, notamment les régions, de dépenser à tort et à travers.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certaines seulement !

M. François Patriat. La région Bourgogne n’a pas envoyé de délégation à Shanghai, ni en Afrique du Sud ! Son exécutif ne voyage jamais, ne fume pas des cigares chaque jour ! (Protestations sur les travées du groupe UMP.) La Bourgogne, comme l’ensemble des autres régions françaises, consacre 95 % de son budget à l’investissement, à l’emploi, à la formation et aux transports. J’ai bien dit 95 % !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il reste donc 5 %...

M. François Patriat. De surcroît, elle affecte chaque année 94 % du budget voté à l’investissement, pour venir en aide aux collectivités. Elle subit les financements croisés. Ses seules dépenses superfétatoires, monsieur Hyest, sont la conséquence de la réforme des retraites mise en place naguère par M. Fillon : les régions doivent participer, au titre de leurs dépenses de fonctionnement, au financement des retraites des agents de la SNCF, que l’État ne veut pas assumer !

Voilà où nous en sommes arrivés ! J’ai entendu M. le président du Sénat dire que, sur ce texte, on allait voir ce qu’on allait voir, que le Sénat s’en saisirait le premier, qu’on parlerait des collectivités locales et de leurs compétences. En fin de compte, aujourd’hui, nous dissertons dans le vide sur le mode d’élection et le rôle du conseiller territorial…

Tout à l’heure, M. Longuet nous a reproché de mener en séance publique un débat de commission. Est-ce de l’hypocrisie ? Avec la nouvelle organisation issue de la révision constitutionnelle, il n’y a jamais de débat au fond sur les amendements en commission ! Un avis favorable ou défavorable est donné, mais il n’y a jamais de débat ! Le président de la commission refuse même de décompter les voix… Ne nous renvoyez donc pas aujourd’hui à un débat en commission, parce qu’il n’y en a pas ! Nous voulons que le débat ait lieu dans l’hémicycle, pour que chaque Français comprenne bien que ce texte est voué à l’échec et que nous ferions mieux de mettre un terme dès maintenant à son examen, pour essayer d’en élaborer un meilleur ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)