M. Guy Fischer. Ce ne sont que des effets d’aubaine !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je sais que vous aurez à cœur d’examiner la pertinence de ce mécanisme. Je vous rappellerai simplement que de nombreuses décisions de localisation en France des centres de recherche ont résulté, notamment, du régime particulièrement favorable que nous leur avons destiné, toutes entreprises confondues.

Nous avons mis en place des politiques favorables à la concurrence, au service des consommateurs. J’en veux pour preuve le dispositif adopté dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie : nous avons pu observer que celui-ci améliorait les rapports entre les distributeurs et les fournisseurs et qu’il permettait de gagner 0,3 % de croissance par an pendant les cinq années suivant sa mise en œuvre.

Troisièmement, enfin, nous agissons sur le secteur bancaire et financier.

La crise a rappelé combien la régulation bancaire et financière était importante pour favoriser une accumulation régulière et équilibrée du capital.

On le sait, la crise a détruit beaucoup de capital dans le monde entier. À en juger par les études menées sous l’égide de l’OCDE, cela représente, en moyenne, une perte d’environ 0,4 point par an de croissance potentielle sur la période 2009-2013, due, pour les deux tiers, au sous-investissement résultant de la difficulté de financement des entreprises dans notre pays.

Voilà pourquoi la France, sous l’autorité du Président de la République, se bat au sein de toutes les instances internationales – en particulier le G20 et le G8 – et européennes, pour permettre une meilleure régulation, un encadrement plus efficace et le respect de la discipline. Je pense aux dispositions issues des accords de Bâle 3, à celles qui sont prévues au sein du Conseil de stabilité financière, à la réglementation des fonds alternatifs, aux CDS, les credit default swaps, à la mise en place d’une taxe bancaire pour répondre aux risques systémiques, aux réformes des normes comptables pour parvenir à des principes de convergence indispensables ou aux mesures prises en faveur de la compétitivité de la Place de Paris, notamment avec la création de marchés obligataires pour les émissions primaires et secondaires, pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire.

Toutes ces mesures ne sont pas prises pour le plaisir d’enserrer, de réguler, d’encadrer et de contraindre tel ou tel secteur d’activité. Elles visent à favoriser l’accumulation de capital au service de l’économie réelle et de nos entreprises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en 2011, les efforts seront concentrés sur la dépense, y compris la dépense fiscale ; je sais que vous aurez à cœur de faciliter ce travail. L’enjeu, c’est la création de valeur et la création d’emplois dans l’économie française. Ne l’oublions pas : ces deux objectifs prioritaires tendent à préserver notre modèle économique et notre modèle social, qui, autrement, seraient menacés.

Je conclurai avec l’Europe. Si la Commission européenne et les partenaires de l’Union européenne ont décidé, dans le cadre du Conseil Ecofin, de lever la procédure pour déficit excessif à l’égard de la France – nous le ferons probablement mardi prochain à l’occasion du prochain Conseil Ecofin –, ...

M. Guy Fischer. Oui ! Pour satisfaire les marchés et les agences de notation !

Mme Christine Lagarde, ministre. ... c’est parce que la France a pris un certain nombre de mesures dont nos partenaires et la Commission européenne ont considéré qu’elles étaient suffisantes dans un premier temps. Toutefois, soyons assurés qu’ils feront preuve de vigilance, à l’instar de ceux qui nous observent et apprécient le « risque France » pour investir dans notre pays, acheter et refinancer la dette française. Tous seront extrêmement attentifs au sérieux avec lequel nous menons cette politique dont l’objectif est double : le redressement des finances publiques, la création de valeur et d’emplois. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps de parole qui m’est imparti, je serai obligé d’être schématique et je ne pourrai pas trop faire dans la nuance.

M. Guy Fischer. Comme d’habitude ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je vous prie de ne pas m’en vouloir. Je vous renvoie aux développements du rapport écrit de la commission des finances, qui, sur plus de deux cents pages, propose une véritable analyse économique, ...

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. ... y compris sur des sujets que nous avons été contraints de reconstituer, parce que l’information du Gouvernement n’était pas arrivée en temps et en heure.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et toc ! (Nouveaux sourires.)

Mme Nicole Bricq. Information pour le moins lacunaire !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je partirai du titre que j’ai suggéré pour ce document : En finir avec le double langage.

Nous connaissons depuis plus de dix ans, c'est-à-dire depuis la création de l’euro, des programmes de stabilité et de croissance. Aucun d’entre eux n’a été élaboré pour être mis en œuvre, car le décalage avec la réalité était toujours très important.

Même si les rapports établis par la commission des finances du Sénat ne connaissent pas une très large diffusion, on y trouve, chaque année, le même tableau, qui se transpose. Désormais, permettez-moi de le souligner, ce n’est plus possible, pour les raisons que vous avez remarquablement développées, madame le ministre : cette année, notre crédibilité est en jeu. Ce n’est plus une affaire de discours : l’ajustement budgétaire est une réalité et une nécessité.

Pour le niveau du déficit, nous connaissons le point de départ – 8 % –, le point d’arrivée – 3 %, c’est l’hypothèse du Gouvernement – et l’échéance : 2013.

En chiffres, cela signifie qu’il faut procéder à un ajustement 100 milliards d'euros environ. Pour y parvenir, le Gouvernement envisage – et avec raison –, pour 60 %, des mesures structurelles en recettes et en dépenses. Nous pouvons en discuter, en particulier de la plausibilité du taux de croissance normatif de la dépense. J’y reviendrai dans un instant. Les 40 % restants seront des améliorations constatées, c'est-à-dire non volontaires, qui ne reflètent aucun effort particulier.

Mme Nicole Bricq. Qui vivra verra !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elles seront par exemple constatées à partir de la fin du plan de relance – il va de soi qu’un tel plan n’est pas fait pour s’inscrire dans la durée – et à partir des espérances de recettes supplémentaires issues de la croissance, estimées à 30 milliards d'euros.

Les remarques que la commission des finances a formulées portent sur la proportionnalité entre les mesures annoncées et l’objectif visé. C’est presque une analyse juridique. Par ailleurs, elle exprime des doutes, comme c’est son devoir de le faire, sur deux points.

Le premier concerne le taux de croissance.

Nous sommes heureux de constater des signes encourageants dans l’économie. Ainsi, le taux de croissance trimestriel annoncé par l’INSEE est plutôt une bonne nouvelle. Nous aimerions bien croire à 100 % ce que vous avez dit, madame le ministre.

Cependant, observant les plans d’ajustement des différents États de la zone euro, nous constatons que le plan français est celui qui repose sur l’hypothèse de croissance la plus éloignée du taux de croissance potentielle de l’économie, avant la crise, qui est, nous dit-on, de 2 %. Avec 0,5 point d’écart, nous en sommes relativement éloignés.

Bien des économistes formulent des prévisions qui sont inférieures au taux de croissance potentielle. Nous qui sommes des conservateurs, du moins au sens économique (Sourires), nous considérons qu’il est préférable de prendre une hypothèse neutre, le taux de croissance potentielle à 2 %. Nous ne portons aucun jugement sur la vigueur plus ou moins forte du rebond ; il va de soi que nous souhaitons qu’elle soit considérable.

Il y a d’ailleurs un sujet, que vous-même avez évoqué, madame le ministre, et à propos duquel nous tirerions grand avantage à documenter, car cela peut être très positif : il s’agit de l’impact de la parité de l’euro sur la croissance. Pour ma part, je m’étonne qu’il n’ait pas fait l’objet de plus d’analyses de la part des spécialistes, ...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. ... à commencer par les services du Gouvernement, par tous les économistes qui travaillent pour le Gouvernement ou qui sont rémunérés directement ou indirectement par lui, c’est-à-dire une grande majorité des économistes français. (Sourires.)

Apparemment, ce sujet n’est pas encore mûr pour que l’on puisse élaborer une réflexion approfondie, documenter et publier.

Le second point sur lequel je me dois également d’exprimer les doutes de la commission des finances concerne la prévision d’évolution des dépenses publiques.

Il y a trois sous-ensembles à considérer : l’État, la sécurité sociale, les collectivités territoriales.

Pour l’État, quelles que soient les difficultés de sa tâche, le ministre du budget tient les manettes. Faire des économies sur les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’intervention n’est pas simple ; nous avons pu l’observer en auditionnant les ministres dépensiers. Néanmoins, il est tout à fait vraisemblable que c’est cette dépense-là qui sera la mieux maîtrisée, en dépit des légères dérives auxquelles on peut s’attendre.

La sécurité sociale, c’est une autre affaire ! L’ONDAM n’est qu’une prévision. Certes, une procédure d’alerte existe, et c’est tant mieux. Mais elle ne se déclenche actuellement qu’en cas de dépassement de l’ONDAM de 0,75 %, seuil qui devrait être abaissé à 0,5 %. Il importe donc de tenir compte de ce dépassement minimum de 0,75 % avant le déclenchement de la procédure d’alerte et de l’intégrer dans l’évolution prévisionnelle des dépenses d’assurance maladie.

De la même façon, pour l’assurance chômage, il convient de prendre une hypothèse économique cohérente avec une hypothèse de croissance vraisemblable.

Mme Nicole Bricq. Exactement !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. À ce sujet, pardonnez-moi de le dire, la commission est assez sceptique !

Il reste les dépenses des collectivités territoriales, qui, elles, ne sont pas décidées par le Gouvernement. Elles dépendent bien entendu des transferts. Nous avons compris que ces derniers seraient constants en valeur, mais nous voudrions avoir l’assurance que la réforme de la taxe professionnelle ne se traduira pas par des compensations qui deviendront des variables d’ajustement. Car il est évident que cette réforme coûtera en déficit structurel 5 milliards d’euros par an, en année pleine, à partir de l’année prochaine. C’est une certitude. Cette réforme est d’une extrême complexité et nous y travaillerons au mieux avec le Gouvernement dans les mois qui viennent. Mais la compensation, c’est la compensation : ce n’est pas une variable d’ajustement.

J’en viens maintenant aux objectifs.

Madame le ministre, monsieur le ministre, s’il s’agit vraiment atteindre 3 % en 2013, il faut faire davantage que ce que vous avez annoncé. Par rapport à vos prévisions, il faudrait une cinquantaine de milliards d’euros tirés d’augmentations de recettes ou de diminutions de dépenses supplémentaires. Ou alors, ne faites pas figurer l’objectif de 3 % en 2013.

En termes de crédibilité, peut-être est-il préférable d’annoncer des mesures que le Gouvernement s’engagerait à tenir scrupuleusement, plutôt que d’annoncer des objectifs que l’on sait hors d’atteinte et être ensuite jugé par l’écart entre les annonces et la réalité. Une fausse évidence arithmétique ne crée pas forcément, en tout cas pas longtemps, les conditions de la confiance.

C'est la raison pour laquelle la commission des finances a formulé plusieurs propositions, exposées dans son rapport. Bien entendu, nous soutiendrons de façon déterminée toute action sur les dépenses permettant à l’État de mieux assurer ses missions, mais nous pensons que, en matière de fonctionnement, les économies issues de la gestion des effectifs ne suffiront pas.

Tout d’abord, nous souhaitons que soient mieux utilisés les indicateurs de performance des programmes et des missions, pour dimensionner les efforts à réaliser au sein des enveloppes de dépenses de l’État.

Ensuite, il faut s’attacher à réduire la réduction de la dépense fiscale. Comme vous le savez, c’est notre combat, et nous souhaitons qu’il soit mené à la manière d’un artisan énergique, maniant son rabot avec détermination sur la surface la plus large possible. Il ne doit pas se limiter à raboter l’impôt sur le revenu. Il faut aussi s’attaquer aux niches de l’impôt sur les sociétés et, sans hésiter non plus, aux niches de l’impôt de solidarité sur la fortune. C’est un effort qui, pour être admis, doit s’appliquer à tous équitablement, selon un calcul arithmétique, et il ne doit pas être trop intelligent ! (Sourires.) Il importe de parvenir au résultat, il en va de notre crédibilité.

Enfin, nous avons le sentiment que de vrais ajustements ne pourront pas ne pas utiliser le meilleur outil, qui est la TVA. Nous avons formulé la proposition d’un relèvement du taux minoré de 5,5 % à 8 %, dans un contexte d’absence d’inflation, ou de quasi-déflation.

Sincèrement, cette mesure ne serait-elle pas presque indolore, avec un rendement annuel, dès le 1er janvier prochain si nous le voulons, de 7 milliards d'euros ? Elle compenserait presque la totalité de ce que nous avons sacrifié avec la réforme de la taxe professionnelle et la baisse récente du taux de TVA appliquée au seul secteur de l’hôtellerie et de la restauration.

M. Bernard Angels. Ce ne sont pas les mêmes qui paient !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On le voit, beaucoup d’efforts sont à faire, et la commission des finances sera toujours déterminée pour appuyer le Gouvernement en ce sens.

Il est clair que l’enjeu de notre crédibilité est le coût de notre dette. Les économies de dépenses que nous ne voudrions pas faire aujourd'hui risqueraient de nous être imposées, et dans une proportion bien supérieure, en fonction des réactions de ceux qui nous financent.

Madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, est-on un État indépendant quand on est financé par les autres ? Quand tel est le cas, comment faire pour ne pas être contraint par la loi des autres, c'est-à-dire par la loi des marchés, par celle des opérateurs, par des emportements et des enchaînements psychologiques impossibles à maîtriser ? Quand on est sous une telle emprise, l’indépendance est en péril ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur général.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du peu de temps qui m’est imparti, je vais m’efforcer de traduire fidèlement le sentiment exprimé par la commission des affaires sociales du Sénat sur la situation particulièrement grave dans laquelle nous nous trouvons en raison du niveau des déficits constatés et de la dette.

J’ai entendu, à l’instant, M. le ministre François Baroin et Mme la ministre Christine Lagarde, ainsi que M. le rapporteur général de la commission des finances présenter, chacun, leur point de vue.

Il était plus que temps que nous prenions des dispositions pour essayer d’apporter une réponse à cette situation très préoccupante. Il est vrai que le Gouvernement n’a pas été aidé avec la crise qui nous est venue des États-Unis et que nous avons subie de plein fouet.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles : ainsi, une série de propositions nous ont été présentées qui vont dans ce sens.

La situation actuelle nous rappelle celle que nous avions connue au début des années deux mille. En 2002, le déficit du régime général de la sécurité sociale était limité à 3,5 milliards d’euros : le ralentissement économique que nous avons alors subi a porté ce déficit à 10 milliards d’euros environ, niveau auquel il s’est stabilisé entre 2003 et 2008.

Ce qui nous menace aujourd’hui, c’est une nouvelle stabilisation du déficit de la sécurité sociale, mais cette fois à hauteur de 20 ou 25 milliards d’euros, soit plus du double. Une telle perspective, particulièrement préoccupante, conduirait tout simplement à la fin de notre système de protection sociale. Je ne pense pas que nos citoyens ou le Gouvernement y soient prêts.

En 2009, le déficit du régime général a atteint 20,3 milliards d’euros. En 2010, il s’élèvera à plus de 30 milliards d’euros, si l’on y ajoute celui du fonds de solidarité vieillesse, le FSV.

Nous devons donc engager très rapidement les actions nécessaires pour redresser le cap. Quelques économies ou quelques coupes ici et là n’y suffiront pas. Aussi, il importe de mettre en place une stratégie globale de retour à l’équilibre.

Notre prochain rendez-vous cet automne sera décisif à cet égard. Nous devons, en effet, engager trois chantiers essentiels, sur lesquels je souhaite insister aujourd’hui : la dette sociale, les retraites, l’assurance maladie.

En premier lieu, s’agissant de la dette sociale, vous nous avez livré, monsieur le ministre, la recette que le Gouvernement entendait mettre en œuvre.

L’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, les commissions des affaires sociales et des finances – notre collègue Jean-Jacques Jégou n’est pas là, mais M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances pourront infirmer ou confirmer mes propos – avaient proposé une hausse modérée, de 0,15 point, de la CRDS, pour transférer à la CADES environ 20 milliards d’euros.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On aurait bien voulu le faire l’année dernière !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement s’y était alors vigoureusement opposé, au motif qu’une telle augmentation affecterait de manière sensible la compétitivité de nos entreprises, notre économie et le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Selon les calculs que nous avons effectués nous-mêmes, la mesure aurait représenté, pour un smicard, une dépense supplémentaire d’environ un euro par mois. Je ne suis pas persuadé que cette somme aurait eu l’impact évoqué sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

En tout état de cause, reporter à plus tard l’effort rendra ce dernier d’autant plus douloureux

La preuve en est que, au lieu d’avoir à transférer 20 milliards d’euros, les déficits cumulés du régime général et du FSV atteindront 55 milliards d’euros, voire 87 milliards d’euros si l’on y ajoute les prévisions négatives pour 2011, que vous avez rappelées, monsieur le ministre. C’est là un montant que l’on n’a jamais connu et qui fait peur, s’agissant de la dette qui se sera constituée sur trois exercices pour l’ensemble des branches. Il n’est donc plus possible de différer la reprise de la dette.

Bien entendu, le Gouvernement n’avait pas eu d’autre solution que d’augmenter le plafond de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, qui est passé de 30 à 65 milliards d’euros. Dieu merci, il se situera à environ une dizaine de milliards d’euros au-dessous des besoins.

Mais l’ACOSS a-t-elle vocation à supporter la dette d’année en année ? N’a-t-elle pas uniquement pour objet d’assurer la trésorerie des branches et de jouer sur les fluctuations des entrées et des sorties, dans la limite, déjà relativement élevée, de 30 milliards d’euros ?

La Cour des comptes a émis une proposition, qui a été développée devant la commission des affaires sociales, afin que nous présentions une disposition, peut-être d’ordre organique, par laquelle le Gouvernement se verrait contraint de fixer un plafond annuel de 30 milliards d’euros à la dette de l’ACOSS pour ne pas la laisser filer, et d’en confier la gestion à l’Agence.

Je laisse ce point à votre réflexion, mes chers collègues. Pour ma part, je l’étudierai très sérieusement de façon à vous faire des propositions, peut-être dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, nous nous posons une série de questions.

Quel sera le montant de la reprise de la dette ? J’ai cru comprendre qu’il concernerait seulement les déficits de 2009 et 2010. Quid de 2011 ?

Quel sera l’allongement de la durée de vie de la CADES ? Vous avez indiqué un report de quatre ans de son terme. Nous ne pourrons apprécier la crédibilité de cette durée que lorsque nous connaîtrons les conditions exactes de la reprise.

Quelles ressources affectera-t-on à la CADES ? J’ai noté que vous envisagiez de transférer des recettes de l’ordre d’environ 3,2 milliards d’euros, niches sociales ou fiscales incluses. Pourquoi pas ?

Cependant, je tiens à attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que c’est de la nature des recettes transférées à la CADES que dépendra la crédibilité de la Caisse au regard du marché. Soyons donc vigilants de ce point de vue. Autant la CSG et la CRDS sont des recettes sûres, autant les niches sociales que vous voulez transférer ne présentent pas pour l’instant de garanties suffisantes à cet égard. Je ne les connais pas aujourd'hui et vous-même n’avez pas été en mesure de nous en donner le détail. Nous verrons cela à l’automne. En tout état de cause, assurons-nous qu’elles sont suffisamment crédibles pour que la CADES ne rencontre pas de difficultés sur les marchés qui lui imposeraient des coûts supérieurs à ceux d’aujourd'hui.

Mes chers collègues, si l’on décidait de ne pas allonger la durée de vie de la CADES, il faudrait, pour qu’elle reprenne les déficits du régime général et du FSV des seules années 2009 et 2010, attribuer à la CADES 0,47 point de CRDS, et donc porter le taux de cette dernière de 0,5 % à 0,97 %. Y ajouter les déficits de 2011 impliquerait de le fixer à 1,24 %.

Plus nous retardons la prise en compte des déficits, plus nous nous rapprochons de la fin de durée de vie de la CADES et plus le montant progresse d’année en année ; de ce fait, plus l’effort que nous demanderons à nos concitoyens sera élevé.

Telle est la raison pour laquelle nous avions demandé d’amorcer déjà cette opération l’année dernière.

Mais ne parlons pas d’augmentation de la CRDS, puisque le Gouvernement n’en veut pas.

Cela étant, j’imagine difficilement que nous n’ayons pas à y procéder un jour ou l’autre, parce que, si nous sommes en voie de régler le problème concernant une partie de la dette, celle de la branche vieillesse, qui devrait parvenir à l’équilibre en 2018, le reste de la dette va continuer à courir. Il s’agit, je le rappelle, de celle de la branche maladie, de la branche famille et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Il faudra donc bien que nous trouvions une solution également pour cette dette.

Pour que nous puissions apprécier avec pertinence les propositions que vous nous ferez, il est donc essentiel qu’au moment où nous examinerons la loi organique nous ayons connaissance des trois textes, en particulier le projet de loi portant réforme des retraites et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

En effet, comment pourrions-nous fixer la durée de vie de la CADES et nous déterminer sur la viabilité de ce que vous nous proposez si nous n’avons pas toutes les données pour ce faire ?

En deuxième lieu, j’aborderai, brièvement, le chantier des retraites.

Notre mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, a travaillé pendant plusieurs mois à la préparation du rendez-vous de 2010. Elle a présenté un rapport, après avoir procédé à une quarantaine d’auditions.

Nous avons pris note du fait que le Gouvernement souhaitait jouer sur les paramètres, sans s’engager pour le moment dans une réforme structurelle.

La commission des affaires sociales considère, pour sa part, que, outre le problème de la pénibilité et la question de l’emploi des seniors, on ne peut évacuer la nécessité de se pencher sur une éventuelle réforme structurelle du système de retraites. Plusieurs pistes doivent être explorées : l’harmonisation progressive des paramètres et des règles de calcul entre régimes, le rapprochement des gouvernances, le renforcement du droit à l’information des assurés, ainsi que l’organisation d’un large débat national. Ce dernier permettrait d’envisager le passage progressif à un système par points, dans lequel d’autres pays de l’Union européenne, comme la Suède et l’Allemagne, se sont engagés.

Pourquoi la France ne mènerait-elle pas une réflexion afin de rechercher une formule susceptible de convenir à l’ensemble de nos concitoyens ?

En troisième lieu, j’évoquerai le chantier de l’assurance maladie.

Une réflexion a été menée sur l’ONDAM. Dans le rapport qu’il a établi à la suite d’une demande du Président de la République formulée lors de la première Conférence nationale des finances publiques, en vue de trouver des solutions permettant de mieux contenir les dépenses de l’assurance maladie, M. Briet a livré plusieurs propositions intéressantes.

Elles sont d’ailleurs mises en œuvre dès cet exercice 2010, puisque, en 2009, les dépenses relevant de l’ONDAM ont progressé de 3,7 %, alors que l’objectif fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale était de 3,3 %. Pour 2010, le comité d’alerte a déjà identifié un risque de dépassement de 600 millions d’euros. Le déficit de la branche, supérieur à 10 milliards d’euros en 2009, sera de l’ordre de 13 milliards d’euros en 2010. Il va donc falloir prendre des dispositions pour essayer de contenir l’ONDAM dans les années futures.

L’idée a été avancée de revoir le seuil d’alerte – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre –, en l’abaissant à 0,5 % de l’ONDAM, contre 0,75 % actuellement, et de faire appel à des experts afin de déterminer si les hypothèses présentées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 étaient crédibles.

Il a été également prévu de mettre en réserve, en début d’année, des dotations s’apparentant à des crédits budgétaires. C’est ce qui a été déjà proposé dans ce même projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Toutefois, pensez-vous, monsieur le ministre, que ces trois mesures proposées dans le rapport Briet seront suffisantes pour contenir l’évolution des dépenses d’assurance maladie ?

Un autre dossier important a été abordé, celui de l’hôpital, avec la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », dite loi HPST, et la création des agences régionales de santé, les ARS.

On le voit bien, la mise en route et le fonctionnement de ces dernières sont laborieux. Les missions qui leur ont été confiées sont si nombreuses et leur champ d’intervention si large qu’elles auront du mal, me semble-t-il, à faire face à ces compétences et à traduire en résultat concret les économies de dépenses que nous attendons au travers de la gestion du risque pour ce qui concerne l’assurance maladie.