M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour ma part, j’avais adopté une position assez frileuse quant à ce transfert d’une partie de la gestion du risque aux ARS. La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, était déjà relativement impliquée, sans doute pas suffisamment à notre goût. Il nous appartenait peut-être, par des mesures législatives ou réglementaires, de booster encore un peu plus les choses. Je crains très fortement que nous ayons à attendre encore quelque temps avant d’obtenir des résultats.

Il faudra donc que nous essayions de « pousser un peu les feux » sur ce sujet. On peut en effet, comme le propose la Cour des comptes, agir sur le prix du médicament, sur les factures de radiologie et de biologie médicale, sur le volume des prescriptions et le ticket modérateur. Ce sont des leviers sur lesquels nous avons déjà agi plusieurs fois, mais les résultats obtenus ne sont pas du tout à la hauteur des déficits constatés.

Nous devrons nous investir davantage dans la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures. Il faudra surtout que nous nous penchions bien sur le cas de l’hôpital ; M. Jean-Pierre Fourcade, qui mène un travail d’expertise sur la mise en œuvre des ARS et le fonctionnement des hôpitaux, pourra nous faire part de son sentiment à cet égard.

Je tiens à insister sur la nécessité pour tous les établissements hospitaliers de bénéficier d’une véritable comptabilité analytique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est un outil qui nous manque, que nous ne possédons pas, et sans lequel nous aurons toujours du mal à maîtriser l’évolution des dépenses de santé et à savoir où il convient d’agir.

Enfin, il serait souhaitable de ne pas retarder davantage la mise en œuvre de la convergence des tarifs entre hôpitaux publics et hôpitaux privés.

Mes chers collègues, j’espère que vous avez pris conscience les uns et les autres que, si nous n’agissons pas rapidement sur les dépenses structurelles, l’avenir de notre système de protection sociale pourrait bien être menacé. Or personne ne souhaite que celui-ci soit détruit ; bien au contraire, nous voulons tous qu’il soit conforté.

Je suis persuadé qu’ensemble, Gouvernement, Sénat et Assemblée nationale, nous parviendrons à trouver les réponses à l'ensemble des questions qui se posent ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Bravo ! Vous êtes optimiste !

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France, comme la plupart des pays de la zone euro, est confrontée à un grave déficit de ses finances publiques. La situation catastrophique de l’économie grecque, révélée il y a quelques mois, a sonné l’alerte, puis donné le tempo : celui de la rigueur.

Ce mot de « rigueur », que le Gouvernement a pudiquement, ou plutôt tactiquement, évité de prononcer dans un premier temps, est devenu de plus en plus concret au fil des annonces de Bercy. Aujourd’hui, les ministres nous parlent d’un budget responsable, et nous nous réjouissons de ce réalisme salutaire.

Il est vrai que le tableau de nos finances publiques est sombre : le déficit public dépasse 8 % du PIB, du jamais vu depuis 1945 ; la dette publique avoisine 80 % du PIB, ce qui est un processus, comme chacun l’imagine, éminemment dangereux ; le déficit de l’État atteint 140 milliards d’euros, peut-être davantage ; et celui de la sécurité sociale sera de 27 milliards d’euros en 2010.

Mes chers collègues, comment en sommes-nous arrivés là ?

Vous le savez, la Cour des comptes a souligné deux causes essentielles du déficit budgétaire colossal de notre pays. Pour un tiers, il provient de la crise ; pour les deux tiers restants, ce sont bien les cadeaux fiscaux qui ont ponctionné les recettes de l’État et qui l’ont ainsi appauvri, je dirais même siphonné.

En dix ans, ces recettes auront reculé de 4,2 points de PIB. Le manque à gagner est estimé à plus de 80 milliards d’euros, alors que l’on attend toujours – impatiemment, d’ailleurs – les bénéfices de cette politique.

Aujourd’hui, malheureusement, l’heure est non plus au constat, mais plutôt au combat. La lutte contre les déficits nous est instamment demandée par la Cour des comptes, mais aussi, bien entendu, par nos partenaires européens et par le FMI.

Dans cette perspective, nous devrons agir à la fois sur les plans structurel et conjoncturel. C’est la figure imposée de la « ri-lance » – ce joli mot de votre invention, madame la ministre –, un exercice périlleux qui consiste, si j’ai bien compris, à appuyer à la fois sur l’accélérateur et sur le frein, au risque de déraper et de faire une embardée… (Sourires.) Je pense que l’expert en la matière serait Sébastien Loeb ! Même si je ne doute pas de vos qualités, l’exercice me semble difficile.

Il est en effet important de réduire et de supprimer les déficits structurels, estimés à plus de 5 % du PIB. Pour autant, peser sur la dépense ne nous exonérera pas de rechercher des recettes supplémentaires, avec, cette fois-ci, le double souci de l’équité et de l’efficacité économique.

La crise que nous connaissons depuis deux ans nous rappelle l’urgence d’établir une fiscalité progressive et juste sur le plan national.

Madame la ministre, monsieur le ministre, en ce qui concerne les correctifs budgétaires à apporter immédiatement, l’abrogation du bouclier fiscal doit être une priorité. Outre le fait que ce dernier symbolise l’injustice de la politique du Gouvernement, il restreint également – et je suis sûr que vous le regrettez tout les deux – la capacité d’action de l’État.

Tout d’abord, aux yeux des ménages les plus fragilisés par la crise, ce dispositif est de plus en plus insupportable. Le bouclier fiscal a été instauré en écho à l’ISF, et l’actualité nous démontre, non sans susciter d’effroi, les sommes indécentes que certains contribuables récupèrent à ce titre.

Ensuite, dans le contexte d’une crise dont on ne voit pas la fin, l’État doit pouvoir mobiliser des recettes. Or, depuis 2002, l’habitude a été prise de multiplier les niches fiscales. Et il aura fallu que nos finances publiques soient au bord du gouffre pour que le Gouvernement songe, enfin, à remettre en cause certaines d’entre elles ; mieux vaut tard que jamais, me direz-vous…

Actuellement, on en compte plus de quatre cents, pour un coût total d’environ 73 milliards d’euros. Une fois encore, nous savons que ces niches profitent aux contribuables disposant de patrimoine ou d’une forte épargne. La plupart de nos concitoyens ne sont donc pas, hélas ! en mesure d’en bénéficier.

Bien sûr, je vous l’accorde, la récupération des recettes passe aussi par la reprise économique. À cet égard, compte tenu de l’interdépendance des économies, des actions vigoureuses doivent être entreprises sur la scène internationale.

Je note que, lors des derniers sommets du G20, les gouvernements des principaux pays industriels se sont emparés du dossier complexe des paradis fiscaux pour mettre fin aux pratiques douteuses ayant cours dans ce domaine, et en particulier à l’opacité dont peuvent bénéficier individus et entreprises dans certains territoires non coopératifs.

Toutefois, pour être efficace, cet effort mérite d’être poursuivi – et amplifié – dans le temps avec une grande fermeté. Sur ce registre, la France doit bien entendu se donner les moyens de lutter plus efficacement contre l’évasion fiscale. Sans une volonté politique à long terme, il est vain d’espérer démanteler avec succès un système dont beaucoup – beaucoup trop ! – se sont arrangés par le passé et qui met en jeu les intérêts vitaux de certains États. Il est temps de mettre fin à ces ports de l’économie souterraine, ces havres de la spéculation ou ces blanchisseries d’argent sale !

L’action du G20 ne doit cependant pas s’arrêter à ce seul volet. Les réflexions sur la taxe bancaire sont en cours, et c’est aussi une bonne chose. Je regrette toutefois le sort réservé par notre assemblée à la proposition de loi déposée par l’ensemble des membres du groupe RDSE tendant à taxer les transactions financières. S’appuyant sur une réalité que nous condamnons tous – la prédominance des marchés et le règne de la spéculation –, cette proposition visait à remédier à cette situation par l’instauration d’une taxe « intelligente », dans l’esprit de la taxe Tobin, ayant pour objet la régulation des marchés et l’abondement des finances publiques.

J’ai cru comprendre que le Président de la République reprendrait peut-être à son compte cette idée lors du prochain G20. Elle deviendra alors immédiatement excellente, j’en suis persuadé. (Sourires.)

Madame la ministre, monsieur le ministre, le redressement des finances publiques suppose non seulement des mesures fortes, mais elle repose également sur la confiance de nos concitoyens. S’agissant des mesures fortes, nous les attendons, en particulier sur le plan national. Quant à la confiance des Français, elle semble vous échapper, hélas ! chaque jour un peu plus.

Aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins : un autre système est à construire, un système économique efficace, juste et régulé.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Yvon Collin. Tant que nous n’irons pas clairement dans cette voie, les radicaux de gauche et la majorité des membres du groupe RDSE ne pourront pas approuver la déclaration du Gouvernement sur les orientations des finances publiques pour 2011. (Mme Nicole Bricq applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la ministre, ainsi donc serait venu, selon votre propre mot, le temps de la « ri-lance », qui risque malheureusement d’aboutir à la « re-crise ».

La droite ne manque pas d’imagination dès lors qu’il s’agit de présenter la situation dans un sens qui arrange ses commanditaires, et nombreux sont les docteurs sentencieux à nous expliquer qu’aucune autre voie que celle de la réduction des niches fiscales et, surtout, des dépenses publiques n’est possible pour redresser les comptes publics.

La crise obligataire, réplique obligatoire des colossaux plans de sauvetage des banques menés par les États à l’automne 2008, a entraîné dans tous les pays de la zone euro, et même dans ceux qui ne sont pas encore partie prenante de la monnaie unique, une véritable épidémie d’austérité !

Nous avons dénoncé cette dernière lors de la discussion des deux textes par lesquels les États de la zone euro ont décidé, en accord avec le FMI, d’intervenir de nouveau pour sauver non pas la Grèce ou l’Espagne, mais plutôt les banques et les compagnies d’assurance créancières de titres de dettes publiques souveraines, inquiètes en effet de conserver dans leur portefeuille des créances douteuses.

Le doute est désormais levé : alors même que le Gouvernement n’est pas prêt à trouver 7 à 10 milliards d’euros pour équilibrer les comptes de l’assurance vieillesse, il s’est engagé à en débloquer 120, voire 130, pour opérer le sauvetage des banquiers et organismes financiers dont la rentabilité est fondée sur la détention de dette publique.

Le Gouvernement et le Président de la République manquent d’originalité dans l’examen concret de ce qui constitue la matrice essentielle du déficit structurel des comptes de l’État, et que beaucoup, à droite, s’emploient évidemment à masquer.

Plusieurs années de moins-disant sur les plans social et fiscal ont profondément entamé les recettes de l’État, sans pour autant que les baisses d’impôt successives aient eu le moindre impact réel et prouvé sur l’activité économique ou la croissance.

Permettez-moi de rappeler deux vérités simples.

Premièrement, les dépenses publiques de l’État n’ont pas profondément évolué depuis de longues années ; rapportées au PIB, elles ont même tendance à diminuer.

Deuxièmement, on a procédé, dans le même temps, à la réduction de nombreux impôts et à la baisse des cotisations sociales, provoquant un « effet ciseaux » qui a creusé structurellement le déficit des comptes publics.

Au final, la croissance moyenne de la dernière période s’est révélée plus faible que celle des périodes précédentes et les recettes fiscales qu’elle a engendrées n’ont aucunement compensé les pertes de départ !

Les inégalités sociales se sont accrues, les écarts de patrimoine ont atteint un niveau inégalé dans notre République, le chômage et le sous-emploi se sont généralisés et, pour faire bonne mesure, le commerce extérieur du pays continue de présenter un caractère déficitaire récurrent.

Faudrait-il en conclure que l’argent rendu aux contribuables – entreprises et particuliers – n’a pas été optimisé quant à son affectation ?

Faudrait-il aussi en conclure – sur ce point, je sais pertinemment que nous sommes dans l’hérésie – que « plus il y a de dépenses publiques directes, plus il y a de croissance » ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On devrait avoir beaucoup de croissance, alors !

M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, 100 000 postes de fonctionnaires de moins – c’est ce que vous semblez avoir prévu pour 2011 –, c’est 100 000 jeunes diplômés, mères de famille ou demandeurs d’emploi qui se voient fermer une porte parmi d’autres sur le marché du travail !

Qu’est ce qui coûte vraiment le plus cher ? Avec le gel du salaire des agents du secteur public, ne risque-t-on pas de freiner la consommation populaire, puisque 20 % des salariés de ce pays travaillent précisément dans le secteur public ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Où sont produits les biens qu’ils achètent ?

M. Thierry Foucaud. Pour faire bonne mesure, les collectivités locales seront également mises à contribution.

À leur corps défendant, après la suppression de la taxe professionnelle, elles subiront en outre le gel des dotations, la remise en cause de la péréquation, le report de la clause de revoyure et l’extinction programmée des dotations de solidarité.

La semaine qui se termine a d’ailleurs été difficile pour le Gouvernement au regard des modifications apportées au projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Cela ne saurait cependant nous faire oublier que l’année 2011 s’annonce comme celle du régime sec et de la participation obligée des élus locaux à la réduction de déficits publics dont ils ne sont nullement responsables, bien au contraire !

M. Guy Fischer. Et ce n’est que le début !

M. Thierry Foucaud. Encore heureux qu’il reste des élus locaux suffisamment inconscients pour investir, pour équiper leur territoire, pour rendre des services à leur population !

Sinon, la récession serait au rendez-vous. Quand l’État n’investit plus et que seules les collectivités font l’effort d’équiper la nation des infrastructures nécessaires à son développement, brider les moyens de ces collectivités devient tout simplement suicidaire du point de vue de la croissance économique et du développement social.

Bien entendu, un volet important de la programmation des finances publiques porte sur la mise en question de la dépense fiscale, devenue, au fil du temps, le véritable premier poste budgétaire.

Bien entendu, l’attention de nos concitoyens est polarisée, avec force déclarations, doctes discours et articles de presse sentencieux, sur l’impôt sur le revenu et la floraison continue de « niches fiscales ».

Il est vrai qu’un impôt qui ne rapporte que 60 milliards d’euros quand il devrait rapporter 40 milliards d’euros de mieux « fait désordre »…

Cependant, lorsque l’on braque le projecteur sur l’impôt sur le revenu – jusqu’à remettre en cause l’aide aux emplois à domicile, ce qui signifie que les choses vont vraiment mal –, on laisse dans l’ombre quelques perles de la dépense fiscale touchant les autres impositions.

Pas touche au report en arrière des déficits, pas touche au régime du bénéfice mondial consolidé, pas touche au régime d’imposition séparé des plus-values, pas touche au mode d’imposition des dividendes distribués, pas touche au régime d’imposition des groupes !

Si l’on concède qu’il faut quelque peu « recentrer le crédit d’impôt recherche », c’est que l’on a sans doute dépassé les limites admises avec la réforme mise en œuvre voilà peu et que nous avons d’ailleurs contestée.

Monsieur le ministre du budget, L’Oréal ne va tout de même pas pouvoir continuer à présenter comme dépenses de recherche des dépenses qui n’ont pour objet que de modifier l’emballage de ses crèmes amincissantes ou de ses parfums, comme Sanofi-Aventis ne va pas tirer plus longuement parti du crédit d’impôt recherche pour mettre vingt pilules dans une boîte de médicaments au lieu de vingt-cinq !

M. Guy Fischer. Sanofi-Aventis a supprimé 4 000 emplois !

M. Thierry Foucaud. Cependant, mes chers collègues, ce ne sont pas les seules réductions de l’impôt sur le revenu que vous devez révisées.

D’ailleurs, entre la fiscalisation des accidents du travail, la mise en cause de la demi-part supplémentaire pour les veuves et les divorcés ainsi que la réduction de la prime pour l’emploi, vous avez déjà su réduire les niches fiscales.

C’est l’ensemble de la dépense fiscale et des mesures décrites par le menu dans l’évaluation des voies et moyens de la loi de finances qu’il faut passer au révélateur du ratio coût-efficacité !

Seulement, si vous vous engagez dans cette voie, c’est du côté de l’impôt sur les sociétés, du côté de l’impôt de solidarité sur la fortune, du côté de ce qui reste de la taxe professionnelle qu’il va vous falloir aller voir ! Or, cela, vous ne le voulez pas, parce que vous ne le pouvez pas.

Plus libres que jamais, nous sommes, nous, prêts à mener l’exercice : oui à la hausse des impôts, bien sûr dans la justice et l’équité ; oui à la progression de la dépense publique, pour répondre aux attentes et aux besoins des populations ; non, une fois, dix fois, cent fois non aux orientations budgétaires et financières que le Gouvernement, avec cette déclaration, entend nous faire avaliser, en préemptant d’ailleurs le débat sur le projet de loi de finances pour 2011 ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d’orientation budgétaire intervient plusieurs mois après que le Gouvernement a transmis à la Commission européenne le plan de stabilité qu’il entend conduire d’ici à 2013.

Il est temps que le Parlement débatte de ce plan de stabilité, même s’il le fait dans le cadre d’une procédure hybride, qui se clôturera, certes par un vote, mais sur un document encore lacunaire, dans lequel ce qui n’est pas dit est plus important que ce qui l’est.

Contre toute logique, nous ne devrions donc débattre ni des hausses d’impôts qui interviendront fatalement, ni des choix précis du Gouvernement s’agissant de la compression des dépenses.

Force est de constater que le Gouvernement utilise la même méthode de communication que pour les recettes : tous les jours, la lecture de la presse nous apprend que telle ou telle mesure pourrait être envisagée. Bref, on lance des formules et on les teste !

Heureusement, le rapporteur général nous a éclairés sur quelques-unes de ces formules et nous a fait des propositions, que nous ne pouvons bien sûr pas accepter ; mais au moins nous a-t-il présenté avec franchise une « boîte à outils ».

Certes, nous ne sommes pas accoutumés à le voir jouer le rôle de mécanicien ou de plombier,…

Mme Nicole Bricq. … mais nous avons constaté qu’il avait pu parfois être utile au Gouvernement quand celui-ci était en difficulté, par exemple à propos de la suppression de la taxe professionnelle lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010.

M. Guy Fischer. Notre rapporteur général est très inventif !

Mme Nicole Bricq. Nous ne sommes pas favorables, loin s’en faut, à toutes ses inventions,…

M. Guy Fischer. C’est certain !

Mme Nicole Bricq. …mais au moins a-t-il le mérite d’être inventif.

Mme la ministre a commencé son plaidoyer en faveur de ses orientations budgétaires par l’Europe, et j’estime que c’était avec raison, car, depuis le début de l’année, les inquiétudes des marchés se sont focalisées sur l’Europe, en mal de gouvernance et défaillante jusque dans son cœur, ainsi que sur la zone euro et sa promptitude à assurer la solidarité entre ses pays membres.

À cet égard, force est de reconnaître que le délai entre le 11 février et le 9 mai nous a coûté très cher et que tout n’est pas imputable à la dette publique.

La crise grecque a été le détonateur, alors que la dette publique mondiale atteignait son niveau le plus élevé en temps de paix.

C’est dans ce contexte qu’il nous faut apprécier la « trajectoire » des finances publiques.

Les perspectives en Europe sont très sombres. Il est question de revenir, en trois exercices, à 3 % du déficit, sachant que l’on part de 8 %.

Si l’on regarde dans le passé proche, on constate que les ajustements budgétaires qui ont réussi – je pense au Canada et à la Suède, assez souvent cités – reposaient sur une différence énorme : ils bénéficiaient d’un contexte macroéconomique favorable, contexte qui semble peu probable en Europe et en France, où le Gouvernement raisonne en fonction d’un taux de croissance encore estimé à 2,5 % en 2011, taux qui n’est pas crédible.

Le rapporteur général a raisonné sur une hypothèse proche de la croissance potentielle, qu’il estime à 2 % tout en reconnaissant que certains économistes sont plus pessimistes, le taux de 1,7 % étant évoqué.

La crise actuelle, en effet, n’est pas une crise ordinaire, et elle n’est notamment pas comparable à celle de 1993 : la destruction de richesses qu’entraîne une crise d’une telle profondeur ne sera jamais intégralement rattrapable.

Il faut prendre appui sur les leçons du passé, et en particulier se souvenir que le resserrement trop précoce de la politique économique aux États-Unis dans les années trente a entraîné une rechute de l’activité.

Les questions de calendrier et de rythme sont donc essentielles. Trop court et trop brutal, ils se révéleront dangereux.

Madame la ministre, je vous ai entendue : gardons-nous de tout miser sur la baisse de l’euro !

Celle-ci peut compenser une petite partie de la restriction budgétaire en 2011, mais, au-delà, les prévisions du pacte de stabilité n’étant qu’à trois ans, l’incertitude est totale.

Si en parlant de « ri-lance », vous avez voulu dire qu’il fallait réduire les déficits tout en assurant la croissance, cela pourrait signifier que vous avez conscience du danger qu’il y a à pratiquer avec zèle l’austérité aussi bien que de la nécessité d’une conduite de nos finances habile et menée dans un temps raisonnable.

Cependant, s’il ne s’agit que d’une astuce de communication pour « habiller » la réalité sans jamais l’assumer, c’est une bien mauvaise action !

Je vous le dis solennellement, agir ainsi vous condamne à achever de ruiner la confiance. Or la crise, la tourmente, le bouleversement du monde que nous traversons est d’abord marqué par la défiance.

Pour être efficace, une communication doit être crédible, pour les Français comme pour les marchés.

Ces derniers demeurent dubitatifs sur les chances de la reprise : il n’est que de voir leur réaction à l’annonce des mauvais chiffres aux États-Unis et du ralentissement du rythme de croissance en Chine.

Notre pays, du fait de sa moindre exposition à la baisse du commerce mondial et de ses stabilisateurs automatiques, a peut-être mieux traversé le choc brutal des deux années passées, mais ses finances sont structurellement atteintes.

J’ai bien entendu le ministre du budget : ce que vous refusiez d’admettre hier, quand le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, vous disait que le déficit structurel était de loin supérieur au déficit dû à la crise, vous l’admettez aujourd'hui.

C’est justement ce déficit structurel, supérieur à celui de l’Allemagne, qui nous vaut un écart de taux d’intérêt de 46 points de base avec ce pays.

Pour l’immense majorité des Français, la crédibilité est corrélée à la justice qui devrait marquer l’effort que l’on attend d’eux.

Or, porter un regard attentif sur les dernières années – et, n’étant pas sectaire, je parle là des dix dernières années – nous oblige à voir la réalité en face : ce sont 100 milliards d’euros de manque à gagner pour l’État qui ont été accumulés.

Avons-nous obtenu un regain de croissance pour autant ? Non !

Avons-nous « musclé » notre appareil productif ? Non !

Les baisses d’impôts, le bouclier fiscal, le paquet fiscal de 2007, la baisse des droits de succession – je m’arrête là… – ont-ils fait revenir les exilés fiscaux ? Non !

Vous n’avez pas sanctuarisé les recettes et, malgré une croissance supérieure à 2 % par an entre 2004 et 2007, les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas réduit la dette, alors qu’ils auraient pu le faire.

Comme le sujet d’une hausse générale des impôts est tabou, on multiplie les annonces ciblées côté recettes, et l’on fait grand bruit sur la chasse aux chiens qui sommeillent dans les niches, celles qui mitent l’impôt sur le revenu comme l’impôt sur les sociétés.

Je tiens à dire que la méthode du rabot n’est pas équitable, car elle exonère de l’effort ceux qui bénéficient du bouclier fiscal. C’est inévitable.

Quant à nous, nous avons toujours souhaité qu’une révision générale des dépenses fiscales ait lieu au regard de deux critères : l’efficacité économique et l’utilité sociale.

Ainsi, quand, en 2008, M. Woerth, alors ministre du budget, a proposé la suppression progressive de la demi-part supplémentaire essentiellement dévolue aux femmes seules ayant élevé un enfant, qu’il considérait comme une niche, nous nous sommes battus – hélas ! sans succès – pour qu’elle ne soit pas mise en œuvre.

À l’inverse, vous ne considérez pas l’exonération qui touche la plus-value de cession des titres de participation, pourtant connue sous le nom de « niche Copé », comme une niche. Nous, si, d’autant que sa suppression permettrait de trouver assez facilement quelques milliards d’euros.

Mme Nicole Bricq. Quant à la baisse à 5,5 % du taux de TVA dans l’hôtellerie et la restauration, de gauche à droite, elle est jugée improductive et excessivement onéreuse, mais c’est une promesse du Président…

Côté dépenses, des annonces ont été faites. Je n’en citerai que deux, au hasard, car nous aurons le temps de revenir sur chacune d’elles.

Vous voulez réduire de 10 % les dépenses d’intervention et remettre en cause, alternativement, ou l’aide personnalisée au logement ou la demi-part supplémentaire pour enfant à charge.

C’est injuste socialement et inefficace économiquement,…

M. Guy Fischer. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq. … car c’est tout de même un moteur de la consommation qui compte.

Vous n’augmenteriez pas l’allocation aux adultes handicapés, ses bénéficiaires seraient contents d’échapper au rabot, mais, là, je le répète, ce n’est ni juste socialement ni efficace pour soutenir la consommation.

J’en viens aux crédits des ministères.

J’ai entendu, monsieur le ministre du budget, que vous procédiez à une réduction sans précédent des effectifs de votre ministère. Dès lors, qu’il me soit permis de douter que les efforts annoncés dans la loi de finances rectificative pour 2009 en matière de contrôles fiscaux et de respect des conventions fiscales à la suite des G20 de Pittsburgh et de Londres reçoivent une traduction concrète.

De même, l’examen des crédits du ministère du travail nous conduit à vous mettre en garde : la baisse des emplois aidés empêchera la réduction du chômage. Si l’on se réfère aux chiffres les plus récents de l’OCDE, le taux de chômage s’établirait en France à 9,4 % en 2011-2012, ce qui rend vos propos peu crédibles. D’autant que, dans le cadre de la réforme des retraites, vous tablez sur un retour assez rapide à un taux de 4,7 %, soit le taux du chômage structurel, afin d’éponger le déficit des retraites grâce à un éventuel surplus de l’assurance chômage. Non seulement ce n’est pas crédible, mais c’est aussi fallacieux !

Autre exemple : le ministère du logement devrait considérablement diminuer les aides à la pierre. Pour compenser cette baisse, on nous annonce une taxe sur les organismes HLM. C’est tout de même extraordinaire !