M. Guy Fischer. C’est un comble ! Ce sont les plus démunis qui vont payer.

Mme Nicole Bricq. Cela signifie que l’on va substituer à la solidarité nationale la solidarité entre les ménages logés en HLM. Cela mérite d’être souligné !

M. Guy Fischer. C’est honteux !

Mme Nicole Bricq. Dans le domaine de la dette sociale, vous prolongez la durée de vie de la CADES en lui transférant les déficits de 2009 et de 2010, voire ceux de 2011. À cet égard, j’ai bien entendu M. Vasselle tout à l’heure. Autrement dit, vous reportez la charge de la dette sur les générations futures. Or vous ne pouvez ignorer que de tels transferts doivent être compensés par des recettes, à savoir par une augmentation de la CRDS, laquelle constituerait bien une hausse générale des prélèvements obligatoires.

M. Guy Fischer. Eh oui !

Mme Nicole Bricq. Par ailleurs, l’amélioration du déficit des collectivités territoriales en 2009 ne suffit pas à masquer la dégradation continue de leur situation financière, accentuée l’année prochaine par l’imprévisible rendement des nouveaux impôts se substituant à la taxe professionnelle et par le « dynamisme des dépenses sociales » des départements. Si l’on y ajoute l’incertitude qui pèse encore sur la répartition des compétences des collectivités locales, il est fort probable que l’année 2011 verra faiblir l’investissement local, investissement dont la diminution, je le rappelle, a déjà été constatée en 2009. Or il s’agit d’un moteur essentiel de l’économie.

Le moratoire sur les normes réglementaires ne permettra pas de compenser le gel en valeur des dotations de l’État. En effet, la circulaire du Premier ministre signée avant-hier, le 6 juillet, confirme que ce moratoire exclut les normes issues des règles internationales et européennes ou d’application des lois. Ce qui reste, c’est donc vraiment la portion congrue !

Sur la révision promise des bases, il a été dit au Comité des finances locales que, pour les locaux commerciaux, elle s’étalerait sur dix-huit mois, soit jusqu’en 2012, et que, pour les ménages, elle ne commencerait qu’à partir de 2013. Encore une fois, ce n’est ni juste ni crédible.

Pour conclure, il me faut dire un mot de la gouvernance des finances publiques. Le groupe Camdessus, qui a remis ses propositions au Premier ministre, suggère de modifier la Constitution et d’y inscrire une loi de programmation pluriannuelle sur trois ans qui s’imposerait aux lois de finances annuelles.

D’une part, aucune digue ne tient quand survient une crise systémique. Les Allemands, qui disposaient d’une règle constitutionnelle, l’ont appris à leurs dépens. D’autre part, une certaine flexibilité est nécessaire pour mener des politiques économiques contracycliques. Dans ce domaine – j’insiste sur ce point –, le passé ne plaide vraiment pas en votre faveur ! En effet, le Gouvernement s’est affranchi de la loi de programmation des finances publiques de 2009 dès qu’elle a été votée. Un transfert de déficit à la CADES sans apport de recettes exige une loi organique qui défera celle que vous aviez votée en 2005.

Madame la ministre, monsieur le ministre, ni crédibles, ni aptes à mobiliser le pays, vos orientations budgétaires sont à rejeter. Il n’y aura pas de redressement durable de nos finances publiques sans une profonde réforme fiscale. Nous en sommes convaincus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

10

Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi

M. le président. J’informe le Sénat que, par lettre en date du jeudi 8 juillet, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC-SPG, a demandé le retour à la procédure normale pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas, relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale.

Acte est donné de cette demande, qui est communiquée immédiatement au Gouvernement.

11

Orientations des finances publiques pour 2011

Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. Nous reprenons le débat sur la déclaration du Gouvernement sur les orientations des finances publiques pour 2011, qui sera suivi d’un vote sur cette déclaration.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Madame le ministre, monsieur le ministre, je commencerai tout d’abord par mettre fin à un suspens insoutenable : le groupe UMP votera vos orientations budgétaires, avec détermination et confiance.

M. Guy Fischer. Ouf ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Néanmoins, cela ne nous empêchera pas de vous faire part de notre analyse.

Ensuite, je tiens à vous présenter les excuses du groupe UMP, qui, s’il est bien représenté qualitativement, est un peu faible en termes d’effectifs aujourd'hui. Cela s’explique par le fait que le projet de loi de réforme des collectivités territoriales a nécessité une mobilisation intense de notre part depuis le début de la session extraordinaire et qu’il nous a retenus tard dans la nuit hier. Je serai d’ailleurs amené à évoquer ce sujet au cours de mon intervention.

Sachez toutefois que le groupe UMP est très attentif à votre action et qu’il la soutient.

Le groupe UMP souscrit en outre à l’analyse de MM. les rapporteurs généraux, Philippe Marini et Alain Vasselle. Cher Philippe Marini, je tiens à vous dire que, dans sa majorité, le groupe UMP partage vos interrogations sur les taux de croissance.

Nous avons bien compris votre réponse, madame le ministre, mais nous sommes très soucieux de voir tracer un cheminement de la croissance qui soit le plus rassurant possible pour l’opinion française et qui soit fondé sur les perspectives les plus crédibles. Vous nous avez rassurés pour 2010. Les prévisions pour 2011 semblent réalisables. Plus nous parviendrons à équilibrer notre budget grâce à nos propres efforts avant de compter sur la conjoncture internationale, plus nous sécuriserons nos objectifs.

Je ferai deux observations de nature politique au cours de mon intervention.

La première, c’est que la crise économique qui a démarré à l’automne 2008 n’est financière qu’en apparence – la réalité est, hélas ! autre –, même si les protagonistes sont des banquiers un peu irresponsables et des États sécurisants. Sans doute y a-t-il eu des comportements aberrants – l’économie de marché en a toujours suscité –, mais, pour l’essentiel, c’est la perte de compétitivité et de parts de marché des économies traditionnelles, en particulier, de l’Europe de l’Ouest et des États-Unis, qui, par l’accumulation des déficits, a conduit à la situation d’aujourd’hui et sur laquelle il convient de rendre des comptes.

Un second événement, plus récent, illustre bien la gravité de la crise, en particulier en Europe de l’Ouest. Les États qui se sont mobilisés très pertinemment à l’automne 2008, madame le ministre, afin de sauver le système bancaire ont rapidement montré, pour certains d’entre eux, les limites de leurs capacités d’intervention. D’une certaine façon, les difficultés de la Grèce et la solidarité européenne nous rappellent que les États ne peuvent pas, à long terme, s’exonérer d’un devoir de discipline.

Ainsi la solidarité européenne – elle a fonctionné en particulier grâce aux initiatives et à l’énergie du Président de la République et du gouvernement français – implique-t-elle, en contrepartie, un devoir de discipline autour de l’euro et une confiance mutuelle, fondée sur des chiffres et des comportements vertueux. C’est une affaire de gouvernement, de responsabilité et de finances publiques.

C’est la raison pour laquelle, et ce sera ma deuxième observation politique, le débat d’orientation budgétaire peut porter sur les hypothèses économiques qui soutiennent les grands agrégats que vous nous proposez.

En vérité, la crédibilité de notre pays repose bien plus sur le courage dont il fait preuve pour affronter les faiblesses économiques et structurelles qui sont notoirement les siennes depuis plus d’une génération, en tout cas depuis le dernier vote d’un budget à l’équilibre. C’était, me semble-t-il – je parle sous le contrôle de Jean-Pierre Fourcade –, en 1981…

M. Jean-Pierre Fourcade. En 1974, pour l’année 1975 !

M. Gérard Longuet. Eh bien, c’est pire encore ! (Sourires.) J’ai la mémoire qui flanche…

Les orientations structurelles que vous nous présentez, madame le ministre, monsieur le ministre, sont décisives. Le courage politique est certainement le meilleur investissement à court terme pour consolider, comme l’évoquait Philippe Marini, notre indépendance à l’égard des pays prêteurs. En effet, si nous sommes courageux, nous inspirons confiance. Et si nous inspirons confiance, nous pouvons emprunter, et à bon compte.

J’évoquerai maintenant très rapidement quatre réformes.

Première réforme : celle des dépenses publiques de l’État. Il faut savoir – je m’exprime sur un sujet dont j’ai la responsabilité et qui est exemplaire des difficultés de l’État – que le « 1 sur 2 » dans la fonction publique implique aujourd'hui des réformes structurelles. On ne peut pas indéfiniment diminuer les effectifs sans se poser la question de la finalité d’un certain nombre de services publics. Ainsi, je n’imagine pas que l’on puisse poursuivre cet effort dans l’éducation nationale sans se poser la question de l’offre scolaire dans notre pays.

En ce sens, la théorie du rabot évoquée – cet outil est à la mode ! – n’est intéressante que parce qu’elle nous oblige à réfléchir à une réforme structurelle et à l’engager.

Deuxième réforme, dans le domaine de la dépense sociale : celle du régime des retraites. Le projet qui devrait être présenté en conseil des ministres le 13 juillet prochain est très intéressant, car il prévoit un effort équilibré entre travail, d’une part, et impôt ou cotisation, d’autre part. Grosso modo, le rapport sera le suivant : 70 % du financement sera assuré par l’allongement de la durée de cotisation, 30 % par une hausse des prélèvements.

Je trouve cette réforme extrêmement vertueuse dans son esprit. Elle est de nature à sécuriser les observateurs extérieurs de la France et à leur donner confiance en nous, car le véritable réservoir de notre pays, c’est non pas l’impôt, mais la mobilisation des capacités de travail, trop longtemps sous-utilisées.

Troisième réforme : le coût du travail. Il nous faut désormais commencer à réfléchir sérieusement à la sortie, non pas réglementaire – elle a été assurée –, mais financière des 35 heures.

Avec la réforme des retraites, nous allons franchir un premier pas, si naturellement le Parlement suit les propositions du Gouvernement, qui est prêt à satisfaire une vieille revendication, messieurs les rapporteurs généraux, tant de la commission des finances que de la commission des affaires sociales, à savoir l’annualisation du calcul des allégements généraux de charges sociales patronales sur les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC.

Au fond, nous faisons figure de promoteur de projets nouveaux, de puissance innovante…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes un laboratoire !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. De précurseur !

M. Gérard Longuet. … de précurseur, en effet !

Nous nous réjouissons que, contrairement à ce qui est dit parfois, le Parlement fasse preuve d’une grande créativité, et sa majorité d’une grande liberté face à l’exécutif. Alors que cette dernière propose depuis longtemps une telle annualisation, son obstination est aujourd'hui récompensée.

Il est intéressant que le chantier du coût relatif du travail soit enfin ouvert dans notre pays.

En matière d’orientation budgétaire, les mesures préconisées apportent une sécurité sans doute comparable, voire supérieure, aux prévisions statistiques ou à des agrégats projetés dans l’avenir parce qu’elles sont assurément vertueuses et parfaitement tangibles.

À cet égard, madame le ministre, j’attire votre attention sur le problème du financement de l’économie privée, en particulier des entreprises – cela relève directement de votre responsabilité –, financement qui, dans notre pays, repose très largement sur le crédit bancaire.

Vous avez pris des initiatives à l’échelon international afin de réguler les activités bancaires, de les « normer », voire de les taxer. C’est parfait, mais je tiens à souligner que, en France, les entreprises n’ont pas de fonds propres, en tout cas pas suffisamment, et qu’elles vivent très largement grâce au crédit bancaire. L’application stricte des recommandations de Bâle 3 nous inquiète, comme elle inquiète toutes les entreprises qui vivent du crédit bancaire. Si les banques sont amenées à renforcer leurs fonds propres et à devoir respecter des ratios plus contraignants, elles risquent de conduire les banques à prêter moins facilement.

Il est compréhensible d’exiger des banques qu’elles participent à l’effort de solidarité. Je rappelle, comme vous l’avez fait vous-même avec beaucoup d’autorité, qu’elles ont remboursé le prêt que l’État leur avait accordé afin de passer le cap difficile de l’automne 2008. Si les banques venaient à être taxées davantage, cela se traduirait par une moindre constitution de fonds propres et, par effet de levier, par une offre de crédit plus faible. C’est là une menace qu’il convient de ne pas négliger.

Nous évoquons, dans le cadre de ce débat d’orientation budgétaire, des idées quelque peu éloignées des agrégats que vous présentez et que Philippe Marini a parfaitement analysés. Mais ces réformes courageuses vaudront au Gouvernement le soutien du groupe UMP. Ces initiatives sont en effet à même, au travers du jugement que des professionnels extérieurs portent sur la France, de rassurer les Français sur la capacité de leur économie à surmonter ces difficultés.

Votre proposition est précise – les chiffres ont été évoqués, je n’y reviendrai pas – et cohérente. Elle s’appuie en effet pour l’essentiel sur une diminution de la dépense publique, ce qui est assurément la façon la plus courageuse de redresser les finances publiques.

Je voudrais aborder une quatrième réforme, avant de proposer, en guise de conclusion, une réflexion européenne. Il s’agit de celle qui concerne les collectivités locales, évoquées d’ailleurs par Philippe Marini.

Vous vous trouvez en effet, madame le ministre, au sein d’une assemblée particulièrement attentive aux collectivités locales ! Nous vous remercions d’avoir indiqué que l’article 76 de la loi de finances initiale pour 2010 prévoyant une clause de revoyure donnerait lieu à un rendez-vous particulier et distinct dès l’automne prochain.

Nous avons besoin de savoir de quelle façon le Gouvernement entend gérer l’équilibre entre le gel des aides et celui des normes et des transferts. Je le dis avec beaucoup de conviction et sans effet de manches, il serait insupportable pour les responsables des collectivités locales de voir leurs ressources stagner – ce qui, après tout, n’est pas anormal, l’effort de solidarité nationale doit peser sur les ministères comme sur les collectivités –, tout en continuant à devoir dépenser plus encore du fait de normes nouvelles ou de transferts que je qualifierais de « sournois » ! En effet, si les transferts officiels sont compensés, les transferts sournois ne le sont pas…

Nous attendons notamment du Gouvernement qu’il engage, dans les plus brefs délais, un débat sur la dépendance, car ce sujet commande l'équilibre des finances départementales, lesquelles influent sur le niveau de solidarité envers les petites communes sur l'ensemble du territoire national.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je suis bien de cet avis !

M. Gérard Longuet. Je souhaiterais enfin que votre intervention de l’automne prochain, à l’occasion de l’application de l’article 76 de la loi de finances pour 2010, fasse état du problème soulevé par la péréquation, au niveau tant national, entre les départements, que local, entre les communes. C’est manifestement le point faible du dispositif de contribution économique territoriale que nous avons adopté.

Madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu’attaché à l’indépendance de mon pays – ou, plutôt, parce que j’y suis attaché –, j’estime qu’il est parfaitement normal d’assurer une coopération budgétaire étroite avec l’Union européenne. Nous avons trop bénéficié de l’euro pour ne pas en accepter la discipline. Nous avons trop souvent la tentation de donner des leçons à l’ensemble des autres pays de l’Europe pour ne pas être nous-mêmes exemplaires. Je suis convaincu qu’une telle coopération nous permettra de nous exprimer plus librement encore ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame le ministre, monsieur le ministre, je commencerai par exprimer un regret : celui de constater que le Gouvernement n’a pas amorcé le redressement de nos finances publiques dès le budget 2010. J’avais fait des propositions en ce sens, comme vous vous en souvenez, portant à la fois sur les niches sociales et fiscales. J’avais formulé un certain nombre d’observations sur les actions entreprises par nos partenaires européens, notamment l’Allemagne. Nous avons en effet surpassé cette année notre voisin allemand en matière d’emprunts.

Mais je constate avec plaisir que le programme triennal que vous nous proposez comporte des orientations extrêmement nettes concernant la reprise en main de l'ensemble du secteur financier. La décision est moins aisée en matière de finances sociales. Cela est cependant parfaitement clair en ce qui concerne le budget général.

Comme l’a souligné le président Longuet, la majorité vous soutient dans l’effort courageux que vous allez mener. Votre action sera sans nul doute critiquée. D’aucuns vous accuseront vraisemblablement, si vous touchez à telle niche ou à tel crédit budgétaire, d’affaiblir la place de la France dans le monde ou de porter atteinte à des éléments fondamentaux de son développement.

Tout en approuvant l’ensemble de vos propos, je souhaiterais formuler deux observations.

La première porte sur l’objectif réel qui doit être visé par la reprise en main des finances publiques : il s’agit de la stabilisation de l’endettement, puis de sa réduction. Afin d’y parvenir, il faudra renouer dans les plus brefs délais non pas avec les 3 % de déficit public, seuil fatidique et mythique, mais avec l’équilibre du solde primaire entre les dépenses et les recettes de l’État. Il conviendra de n’avoir comme déficit que la charge de la dette.

Personne, ici, n’ignore que nous bénéficions à l’heure actuelle de taux d’intérêt extrêmement faibles. Si nous étions parvenus à l’équilibre du solde primaire en 2010, notre déficit budgétaire serait égal à 2 % du PIB, soit 40 milliards d’euros seulement. Mais nous devons nous préparer à l’augmentation inéluctable des taux d’intérêt dans les trois prochaines années.

C'est la raison pour laquelle l’objectif que nous devons rechercher est bien celui de l’équilibre du solde primaire, qui correspond à l’équilibre entre les dépenses et les recettes de l’État. Les mesures proposées au travers des lettres de cadrage budgétaire devraient permettre de remplir partiellement cet objectif. Monsieur le ministre du budget, s’il vous sera possible, la première année, de diminuer le déficit public puisque les mesures de relance arriveront à leur terme, cette option ne vous sera plus ouverte la deuxième année. Il vous faudra alors, pour passer de 6 % à 4,6 % de déficit, vous attaquer à l’ensemble des niches et au noyau dur des dépenses.

Vous avez dit, dans votre discours, que vous étiez prêt à cibler aussi bien les missions des ministères que les dépenses des opérateurs de l’État. Je me réjouis de ces propos, car ces dernières représentent, à mon avis, des sources d’économies importantes.

Madame le ministre, je regrette autant que vous que nous devions recourir de façon massive, compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt, aux bons du Trésor. J’entends que les taux des bons du Trésor à trois mois, six mois et un an sont, aujourd’hui encore, extrêmement faibles et qu’il serait absurde de se priver d’une telle ressource. Cela est vrai.

Cependant, il ne fait aucun doute qu’une augmentation de ces taux aura des conséquences directes et immédiates sur les bons du Trésor. Souvenons-nous qu’en 2008 le taux moyen des bons du Trésor à un an était de 3,65 % ; il est descendu aujourd’hui à 0,56 % ou 0,57 % seulement. Tant mieux ! Cela constitue néanmoins un risque budgétaire extrêmement important à l’égard duquel il nous faudra être très vigilants.

C’est pourquoi il convient d’envisager la création d’instruments d’épargne longue. Car ce qui nous distingue de nos partenaires britanniques, allemands et italiens, c’est la faiblesse de nos instruments en la matière et l’importance de l’épargne liquide. Il importe d’œuvrer au durcissement de l’épargne, en vue d’une affectation optimale.

À l’heure actuelle, d’après les indications fournies, quand nous empruntons sur les marchés à moyen et long termes, le financement provient pour un tiers, des résidents, pour un tiers, des particuliers, des banques et des entreprises de la zone euro, et enfin, pour un tiers, du reste du monde, dont l’Angleterre fait partie. Ce sont ainsi les deux tiers de notre dette qui se trouvent détenus par des non-résidents ! Cette dépendance constitue un risque non négligeable pour notre souveraineté comme pour l’équilibre de nos comptes, comme l’a souligné très justement M. Marini tout à l’heure.

Nous devons avoir pour objectif le rétablissement de l’équilibre budgétaire, le déficit ne devant être constitué que de la charge de la dette. Cela devrait nous permettre de stabiliser la dette dès 2013 et de la réduire à partir de 2014. Monsieur le ministre, ne suivez pas, je vous en prie, l’exemple de vos prédécesseurs qui ont prétendu consacrer en 2009 et 2010 5 milliards d’euros à la réduction de la dette via le compte d’affectation spéciale des participations financières de l’État ! Cela s’est réduit à peau de chagrin en 2009, et encore plus en 2010 ! Je souhaiterais par conséquent que vous nous présentiez des propositions honorables et cessiez d’entretenir ce mythe du remboursement de la dette au rythme de 5 milliards par an, que nous sommes bien incapables d’assumer !

Ma seconde observation sera nettement plus politique.

Nous sommes tous, ici, environnés de contribuables qui s’inquiètent de la réduction des niches fiscales. Il est clair que votre théorie du rabot, que je comprends parfaitement puisque je l’ai autrefois expérimentée, agite un certain nombre de personnes qui ont trouvé un moyen commode de diminuer leur contribution à l’impôt sur le revenu et reçoivent des conseils avisés et intéressés afin de réduire leur charge fiscale.

Le débat sur l’application du rabot et la désignation des niches s’annonce extrêmement difficile. La réforme concernera tant les emplois à domicile que les aides au logement, mais également l’outre-mer, littéralement suspendue à l’issue de ce débat, et certaines niches sociales. On entendra probablement, comme c’est le cas depuis dix ans, que la réduction des niches sociales entraînera nécessairement la montée du chômage et la baisse de l’emploi.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Fourcade. Cela fait dix ans que l’on entend cet argument. Or, à y regarder de plus près, les allégements de charges bénéficient bien plus aux entreprises commerciales, en particulier aux supermarchés, qu’aux entreprises industrielles. Il conviendra donc d’éclaircir ce point en précisant l’identité des bénéficiaires.

Je note cependant que vous entamez la procédure. Vous êtes sur le point de nous proposer, tant dans le budget que dans la loi de financement de la sécurité sociale, certaines opérations permettant de dégager quelques milliards d’euros de recettes supplémentaires en réduisant les niches sociales. Il est toutefois regrettable qu’aucun rapport sérieux permettant de connaître précisément les bénéficiaires de ces 30 milliards d’allégements de charges n’ait été publié. Or, il semble que les niches sociales bénéficient surtout au secteur protégé de l’économie française, au détriment du secteur exposé.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il faudra y regarder de beaucoup plus près, afin d’anticiper correctement les bénéfices que nous pouvons attendre d’une telle mesure.

En conclusion, je voudrais souligner avec force qu’il sera impossible – je pèse mes mots – d’exiger des contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu qu’ils participent à la réduction de ces niches sans suspendre, en parallèle, l’application du bouclier fiscal.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Catherine Dumas. Pourquoi maintenir l’ISF ?

M. Jean-Pierre Fourcade. Je connais l’attachement du Président de la République au bouclier fiscal. Le concept d’un plafonnement de l’imposition me paraît par ailleurs tout à fait raisonnable. Je considère cependant qu’il n’est pas opportun d’engager un retour à l’équilibre de nos finances publiques sans suspendre – je dis bien « suspendre » – le bouclier fiscal.

M. Guy Fischer. Il faut même le supprimer !

M. Jean-Pierre Fourcade. Il convient d’opérer cette suspension jusqu’au rétablissement de l’équilibre entre les dépenses et les recettes. Je déposerai, au moment de l’examen de loi de finances, un amendement pour en demander la suspension. J’ai bon espoir que la majorité et l’opposition parviennent à un accord sur le sujet. En tout cas, il me semble politiquement et socialement impossible de demander de tels efforts aux Français sans suspendre l’application du bouclier fiscal.

Mme Raymonde Le Texier. C’est l’évidence même !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La trilogie, sinon rien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La tétralogie, même !

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est ce message que je tenais à délivrer. Je pense que cette idée ralliera beaucoup de sympathisants d’ici à la discussion du budget.

M. Guy Fischer. La majorité s’insurge enfin !

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est là le corollaire absolu de la reprise en main de l’impôt sur le revenu et des dépenses publiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l’ensemble des ministères sont actuellement en train de recevoir leurs lettres de cadrage budgétaire, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2011, et que le Gouvernement prépare un véritable plan de « super-austérité » en matière sociale, ce débat est, pour moi et, au-delà, pour l’ensemble des membres de notre groupe, l’occasion de réaffirmer notre opposition aux mesures antisociales qui sont en cours d’élaboration et, pour certaines, déjà à l’œuvre.

Disant cela, je pense en particulier à la réforme des retraites, vouée à être à la fois injuste et inefficace, à la réforme de l’assurance maladie, qui s’applique déjà, ou encore à la réforme de la prise en charge de la dépendance.

Toutes ces mesures sont ou seront marquées du double sceau de la rigueur, une rigueur à l’application aveugle, et de l’injustice sociale. Comme toujours, vous préférez réduire les droits et les mesures de protection des plus faibles plutôt que de rechercher les moyens de trouver des ressources supplémentaires, notamment du côté des plus riches.

À ce titre, votre projet en matière de retraites est exemplaire. Comme vous constatez qu’il devrait manquer 100 milliards d’euros à l’horizon de 2050 pour financer les retraites, vos principales solutions résident en une importante réduction des droits, qui ferait de notre régime le plus rétrograde de l’Union européenne.

En fait, le report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et à 67 ans à taux plein est une mesure immédiate qui vous permettra d’économiser pas moins de 7 milliards d’euros, au détriment des salariés ayant commencé à travailler tôt. Et l’augmentation progressive des annuités exigées pour constituer une carrière complète en est une autre, à long terme cette fois-ci, pour repousser la période d’ouverture de droits. Il en va de même des mesures prises à l’encontre des fonctionnaires ou de celles qui tendent à réduire les effets de ce qu’il est convenu d’appeler les « avantages familiaux ».

Avec les mesures drastiques d’économie imposées à l’assurance maladie, on ne sait que trop quelles seront les orientations retenues ! Il s’agira, comme hier, de la hausse des forfaits et autres franchises médicales, et de la multiplication des déremboursements d’actes et de médicaments.

Et vous vous attaquerez naturellement au mécanisme particulier mis en place pour les patients atteints d’affections de longue durée – en général, ce sont des personnes âgées –, comme le diabète, le cancer, des problèmes cardiaques ou le sida, qui nécessitent des soins et des prises en charge médicales longues, voire permanentes.

Pour les 7 millions de personnes actuellement concernées, vous entendez, comme le préconise la Haute Autorité de santé, sortir de la logique du remboursement à 100 % pour instaurer un système dans lequel les dépenses de santé ne seraient intégralement prises en charge que dans la limite d’un plafond défini en fonction des revenus de chaque famille.

En d’autres termes, cela constituerait une rupture sans précédent avec le principe issu du Conseil national de la Résistance, selon lequel « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».

De la même manière, l’annonce faite lundi dernier, dans un grand quotidien de la presse économique, de revaloriser l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, non pas de 4,5 % comme s’y était engagé le Président de la République, mais de 3 % seulement, ce qui repousse à un an de plus la revalorisation globale de 25 % prévue pour cette allocation, est une nouvelle démonstration de cette politique de rigueur que nous n’avons de cesse de dénoncer.

Une fois de plus, ce sont les personnes les plus en difficulté qui auront à supporter les effets de votre politique. D’ailleurs, nos concitoyens en situation de handicap seront, eux aussi, sévèrement frappées par la réforme des retraites, puisqu’ils auront, à l’évidence, bien des difficultés à accéder à 62 ans à la retraite à taux plein, compte tenu du faible taux d’emploi des personnes handicapées.

Toutes ces mesures sont prises au nom d’une approche particulièrement cynique de la situation. Puisque vous refusez de trouver les ressources supplémentaires nécessaires au bon fonctionnement des comptes sociaux, par exemple en taxant le capital, en organisant une modulation de cotisations sociales sanctionnant les entreprises qui favorisent la spéculation, en supprimant les exonérations inefficaces et les exemptions de cotisations sociales ou fiscales qui grèvent l’emploi et les salaires, vous faites pression sur les dépenses sociales, et ce au moment même où la crise économique et financière qu’ont provoquée les spéculateurs appelle précisément au renforcement de nos solidarités.

Par ailleurs, vos annonces relatives aux exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, notamment celles qui concernent les emplois à la personne, nous laissent pour le moins dubitatifs.

Pour notre part, nous sommes depuis toujours défavorables à de telles exonérations, qui, selon la Cour des comptes, n’ont que peu d’effets sur le niveau d’emploi, si ce n’est la création de trappes à bas salaires et la précarisation du salariat. Or vous ne cessez de les justifier, projet de loi de financement de la sécurité sociale après projet de loi de financement de la sécurité sociale, par leurs effets positifs sur l’emploi.

C’est d’ailleurs très simple. Les exonérations constituent désormais votre seule et unique politique en matière d’emplois ; c’est l’alpha et l’oméga de votre action. Il faut dire que vous avez renoncé à toute politique industrielle. Pour satisfaire aux exigences du MEDEF, vous vous refusez à sanctionner les pratiques scandaleuses que constituent les licenciements spéculatifs ou financiers.

Mais si vous revenez, même partiellement, sur ces exonérations de cotisations sociales, nous sommes en droit de nous demander ce qu’il restera demain de la politique du Gouvernement en faveur de l’emploi.

En outre, comment ne pas aborder la question de l’augmentation de la CSG et de la CRDS ?

Ces deux contributions sont principalement supportées par les familles. Elles participent, pour une part non négligeable, au financement de notre système de protection sociale, à tel point que celui-ci apparaît de plus en plus fiscalisé et, par voie de conséquence, de plus en plus supporté par les foyers, en lieu et place d’un financement issu du travail.

Au sein du groupe CRC-SPG, nous sommes opposés à une telle augmentation.

D'une part, son application serait injuste. Les contribuables les plus riches, ceux que le Gouvernement protège grâce au bouclier fiscal, ne seront mécaniquement pas concernés par une telle hausse. C’est pourquoi nous réaffirmons, comme nous l’avons déjà fait à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, la nécessité d’exclure la CSG et la CRDS du bouclier fiscal, qu’il faut en fait supprimer.

D'autre part, elle serait insupportable lorsque l’on sait que la part patronale de cotisations sociales n’a pas augmenté depuis près de trente ans. Elle ne ferait qu’amplifier le transfert de financement des entreprises vers les particuliers.

Madame le ministre, monsieur le ministre, tel est votre projet, comme l’atteste par ailleurs votre volonté de faire financer par des contrats de type assurantiel la prise en charge de la dépendance.

Après avoir asséché les comptes sociaux, vous entamez la seconde phase : la réduction des dépenses sociales, afin de discréditer notre modèle solidaire. Voilà votre objectif ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)