PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la première des libertés, c’est la sécurité. C’est dans ce domaine que s’exprime la plus forte attente de nos concitoyens.

Face à la criminalité organisée, au terrorisme ou au trafic de drogue, il est indispensable de renforcer les moyens juridiques et matériels des forces de sécurité. Tel est l’objet de ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Ce texte précise les objectifs et les moyens de la police et de la gendarmerie, ainsi que de la sécurité civile, sur la période 2009-2013.

Ce texte contient également un important volet normatif, qui porte notamment sur le développement de la vidéoprotection, l’adaptation du cadre légal des fichiers ou encore le renforcement des mesures en matière de lutte contre l’insécurité routière.

Si la commission des lois a été saisie au fond de ce projet de loi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souhaité se saisir pour avis des seules dispositions qui intéressent directement ses attributions : d’une part, les moyens consacrés à la gendarmerie nationale, qui, bien que rattachée au ministre de l’intérieur, demeure une force armée, comme le rappelle la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur au Sénat ; d’autre part, les dispositions relatives à la protection des intérêts fondamentaux de la nation, qui touchent à des enjeux de défense et de sécurité, et qui résultent notamment des recommandations du Libre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Je présenterai successivement ces deux aspects dans mon intervention.

Le premier volet porte sur les moyens de la gendarmerie nationale.

La LOPSI 1 s’était traduite par un renforcement substantiel des moyens et des effectifs de la police et de la gendarmerie.

Entre 2003 et 2007, ont été créés 6 200 nouveaux emplois dans la police et 6 050 postes dans la gendarmerie sur les 7 000 prévus.

En matière d’équipements, la police a bénéficié de 1,3 milliard d’euros de crédits supplémentaires et la gendarmerie de 1 milliard d’euros. Ces crédits ont permis une revalorisation du traitement et des carrières des policiers et des gendarmes, grâce à la réforme des corps et carrières de la police nationale et au plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées dans la gendarmerie. Ils ont également permis de réaliser un important effort d’équipement, avec, par exemple, l’acquisition de nouveaux gilets pare-balles et d’une nouvelle arme de service.

Cette augmentation des effectifs et des moyens de la police et de la gendarmerie s’est traduite par des résultats significatifs en matière de lutte contre l’insécurité.

Alors que la délinquance avait augmenté de 17,75 % entre 1997 et 2002, elle a baissé de 14,4 % entre 2002 et 2008.

Nous pouvons tenter d’interpréter ces chiffres, qui peuvent susciter l’interrogation.

Je pense, à l’instar de M. Alain Bauer, président de l’Observatoire de la délinquance, que l’application dès 1998 de la loi sur les 35 heures, y compris au sein des forces de police, a finalement conduit à une baisse des effectifs de 10 %, et, par conséquent, à une présence plus faible sur le terrain.

Dès 2003, nous avons appliqué la LOPSI 1 en augmentant les forces de police dans les proportions que j’ai indiquées à l’instant.

Si la LOPPSI 2 s’inscrit dans le prolongement de la LOPSI 1, elle se caractérise toutefois, comme l’illustre son intitulé, par l’accent mis sur la performance.

Dans un contexte budgétaire tendu, elle vise à moderniser les forces de police et de gendarmerie à effort financier constant.

D’après le rapport annexé, à moyens constants, le renforcement des synergies et de la coopération entre la police et la gendarmerie, le recours accru aux nouvelles technologies et une gestion rénovée des ressources humaines doivent permettre de poursuivre la baisse de la délinquance.

La première priorité de la LOPPSI 2 porte ainsi sur le recours accru aux nouvelles technologies.

Entre 2009 et 2013, 270 millions d’euros en crédits de paiement devraient être consacrés au déploiement de terminaux informatiques embarqués, de la vidéosurveillance, du dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation, à l’acquisition d’armes à létalité réduite – les fameux pistolets électriques – ou encore à l’amélioration des relations avec le public.

La deuxième priorité concerne le renforcement de la coopération entre la police et la gendarmerie.

La LOPPSI 2 devrait permettre de franchir une nouvelle étape dans le renforcement des mutualisations, des synergies, mais aussi de la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie, dans le respect des spécificités des deux forces.

Je rappelle que la mise sous autorité commune des forces de police et de gendarmerie devrait faciliter cette coordination.

Ces mutualisations concernent notamment le soutien logistique comme l’automobile, les matériels et les équipements, ou encore la passation de marchés communs, par exemple en matière d’armement.

La LOPPSI 2 prévoit également de renforcer la coopération opérationnelle entre les deux forces, afin de réduire les doublons et les redondances, dans les différents domaines d’activité, comme le renseignement, la sécurité générale, l’ordre public, la police judiciaire ou la coopération internationale.

Il s’agit, selon les cas, de désigner une direction pilote, de mettre en place une structure d’action commune, d’élaborer un protocole de coopération ou de dégager des doctrines d’emploi ou des règles d’action communes. D’ores et déjà, des protocoles de coopération entre la police et la gendarmerie ont été publiés le 11 février dernier. Des structures communes seront mises en place en matière de renseignement, de sécurité routière et de coopération internationale. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions concernant ces structures communes. Il est très important, à mes yeux, qu’elles préservent l’identité et l’équilibre entre les deux forces.

Je me réjouis en particulier que la gendarmerie nationale préserve toutes ses attributions dans le domaine de la police judiciaire. Comme le rappelle la loi du 3 août 2009, la police judiciaire est, en effet, une mission essentielle de la gendarmerie nationale.

Enfin, sans remettre en cause le maillage territorial assuré par les brigades territoriales, la LOPPSI 2 prévoit la poursuite de redéploiements de zones de compétence entre la police et la gendarmerie.

La police doit s’inscrire dans le cadre de la police d’agglomération, alors que la gendarmerie devrait s’inscrire dans une logique de police des territoires.

Toutefois, et vous pourrez sans doute nous le confirmer, aucun plan global de suppression des brigades territoriales n’est prévu.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis. La troisième priorité porte sur la gestion des ressources humaines.

La première force de la police et de la gendarmerie tient aux hommes et aux femmes qui les composent.

Contrairement à la LOPSI 1, la LOPPSI 2 ne prévoit pas d’augmenter les effectifs de la police et de la gendarmerie.

La police et la gendarmerie devraient continuer de connaître des réductions d’effectifs au titre de la révision générale des politiques publiques et de la règle du non- remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Ainsi, la gendarmerie devrait perdre 3 500 postes entre 2009 et 2011.

Ces réductions d’effectifs devraient toutefois porter en priorité sur les fonctions de soutien et les tâches indues afin de préserver la capacité opérationnelle de la gendarmerie et sa présence sur le terrain.

Je pense en particulier aux transfèrements et aux extractions judiciaires, qui mobilisent une proportion importante du temps des gendarmes et des policiers. À cet égard, je rappelle que, s’agissant de la gendarmerie, nous avions estimé en commission le nombre d’emplois consacrés à ces tâches indues à plus de 2 000 par an.

Enfin, la poursuite du Plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées ainsi que la mise en œuvre des nouvelles grilles indiciaires des militaires devraient permettre d’atteindre une parité globale de traitement et de carrière entre gendarmes et policiers, conformément à l’engagement pris par le Président de la République.

Le deuxième volet de notre saisine concerne les dispositions relatives aux services de renseignement.

Le projet de loi comporte un chapitre IV relatif à la « protection des intérêts fondamentaux de la nation ».

Ces dispositions intéressent directement notre commission, car elles touchent à des enjeux de défense et de sécurité, notamment à la politique du renseignement, et, pour certaines, elles traduisent des engagements qui avaient été pris dans le cadre du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Il en va ainsi des dispositions relatives à la protection des installations d’importance vitale, des agents des services de renseignement ou encore à l’encadrement des activités privées d’intelligence économique.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale avait ainsi souligné la nécessité d’améliorer le cadre juridique d’exercice des activités des services de renseignement.

La loi de programmation militaire a ainsi clarifié les règles applicables en cas de perquisition touchant au secret de la défense nationale.

Le présent projet de loi vise, quant à lui, à renforcer la protection des agents des services de renseignement de deux manières.

Premièrement, il consacre la possibilité, pour les agents des services de renseignement, d’user d’une identité d’emprunt ou d’une fausse qualité.

Cette pratique est non seulement courante, mais elle est même indispensable pour réaliser des opérations de recueil de renseignement.

Or elle n’est actuellement pas explicitement encadrée par un texte législatif, sauf dans le cas très spécifique des infiltrations réalisées par des agents des services dans le cadre de la lutte antiterroriste.

L’absence d’une base juridique solide est de nature à fragiliser l’action des services.

Il paraît nécessaire de combler cette lacune, d’autant plus que plusieurs pays européens, comme le Royaume-Uni ou l’Espagne, ont établi un cadre juridique clair à cet égard.

Le projet de loi comporte aussi une série de dispositions visant à protéger l’anonymat des agents des services de renseignement, mais également de leurs sources.

La révélation de l’identité des agents ou des sources, comme de leur appartenance à un service de renseignement ou de leur lien avec tel ou tel service, peut gravement compromettre l’accomplissement des missions.

Elle peut également mettre en péril la sécurité des agents et de leur famille.

Le projet de loi prévoit donc des sanctions pénales à l’encontre de la divulgation, en connaissance de cause, d’informations tendant à permettre l’identification des agents ou des sources.

Ces sanctions seront aggravées si les révélations ont des incidences sur l’intégrité physique des agents ou d’un membre de leur famille.

Il est également prévu de modifier le code de procédure pénale afin de permettre aux agents des services de renseignement de témoigner dans une procédure judiciaire sans que leur identité soit révélée. Il s’agit ici de s’inspirer de procédures qui existent déjà pour certains cas spécifiques dans le but de protéger les témoins.

L’Assemblée nationale a opportunément étendu aux services de renseignement relevant du ministère de la défense la possibilité de consulter les données collectées par les transporteurs aériens. Cette disposition renforcera l’efficacité de la lutte contre le terrorisme, à laquelle ces services participent au même titre que les services du ministère de l’intérieur qui avaient déjà accès à ces données.

Enfin, le projet de loi met en place un régime d’encadrement des activités privées d’intelligence économique, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les agences de sécurité ou les détectives privés.

Ce régime répond à un besoin de moralisation du secteur, manifesté par les entreprises d’intelligence économique elles-mêmes. Leur fédération professionnelle, qui regroupe 120 entreprises, réclame en effet un agrément pour éviter l’amalgame entre l’intelligence économique – qui suppose la collecte et la protection des informations essentielles pour les entreprises selon des procédés légaux – et l’espionnage industriel, lequel s’exerce en contravention avec la loi.

Pour conclure, la LOPPSI 2 représente un instrument important en matière de lutte contre la délinquance et l’insécurité. Elle permettra de renforcer les moyens juridiques et techniques de la police et de la gendarmerie, et d’améliorer ainsi la sécurité des Français. Aussi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. François Zocchetto applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, première des libertés, comme l’a rappelé le rapporteur pour avis M. Jean Faure, la sécurité demeure aussi la préoccupation première de tous.

Ne nous perdons pas dans de vaines querelles sémantiques qui dégénèrent en querelles politiciennes, mais gardons à l’esprit l’objectif unanimement partagé : nous devons faire reculer la délinquance, sous toutes ses formes, par une performance accrue de nos forces de sécurité intérieure. Le projet de loi soumis aujourd’hui à notre assemblée doit y contribuer.

Ce projet de loi constitue le deuxième grand texte de programmation en matière de sécurité depuis 2002. Il s’inscrit en effet dans la suite de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI 1, du 29 août 2002.

La LOPPSI 2 présente toutefois des différences significatives avec le précédent texte. Elle tend à définir les objectifs et les moyens budgétaires et juridiques de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile jusqu’en 2013. Ainsi, alors que la LOPSI 1 n’intégrait pas la sécurité civile dans son champ de programmation, la LOPPSI 2 traite pleinement ce volet.

Loin d’être de pure forme, ce changement traduit une évolution notable dans l’approche des questions de sécurité nationale. Il prend en compte les conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui a conforté la responsabilité du ministère de l’intérieur dans la préparation et l’exécution des politiques de sécurité intérieure et de sécurité civile.

Par ailleurs, alors que la LOPSI 1 était centrée sur une problématique de moyens, la LOPPSI 2 associe à cette préoccupation une logique de performance. À cet égard, elle ne peut être dissociée de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Avec un système d’évaluation, l’état 4001, qui n’a pas changé depuis les années soixante-dix, et qui reste donc le même quelle que soit la couleur du gouvernement, la lutte contre la délinquance a enregistré de réels succès depuis 2002. Je le rappelle après mes collègues, car le résultat illustre le bien-fondé des mesures précédentes : entre 2002 et 2009, la délinquance générale a reculé de 14,4 %, la délinquance de proximité de 35 % et les atteintes aux biens de 27,2 %. Cependant, les résultats sont contrastés en 2009, notamment s’agissant des atteintes volontaires à l’intégrité physique, qui ont crû de 2,7 %. Cela nous amène à redoubler de vigilance et à améliorer l’efficacité de l’organisation des forces de sécurité.

À cet égard, mes chers collègues, je voudrais insister sur un point essentiel. Au cours des dernières années, dans tous les pays, la délinquance s’est adaptée aux systèmes de sécurité et a évolué, en tirant notamment profit du développement des nouvelles technologies. La sécurité intérieure en France ne peut plus, dès lors, ni commencer ni s’achever aux frontières de la métropole et des territoires ultramarins. Il existe au contraire une véritable continuité entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure, et nul ne peut désormais s’en abstraire. En un mot, l’horizon de la sécurité intérieure a été insensiblement repoussé au profit d’un concept véritablement global. Enfin, le contexte économique de crise n’est pas sans incidence sur certains comportements délictueux, en particulier les atteintes aux biens.

Devant cette nouvelle donne, la LOPPSI 2 se fixe pour ambition d’apporter une réponse, efficace et justement calibrée, aux formes les plus usuelles de délinquance comme aux plus modernes.

Ce texte permet également de mettre un terme à une « incongruité législative », que j’avais soulignée en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Sécurité », lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. En effet, en 2009 comme en 2010, le budget de la mission « Sécurité » était adossé à la LOPPSI 2, alors même que le Parlement n’avait pas encore été amené à se prononcer ! Un tel montage, inacceptable, ne pouvait perdurer dans la mesure où il contribuait à brouiller la bonne lisibilité de l’évolution des budgets des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».

L’article 1er de la LOPPSI 2 renvoie à un rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l’horizon 2013.

La programmation financière contenue dans ce rapport présente la spécificité de distinguer les crédits de paiement uniquement par mission, et non par programme, ce qui lui confère davantage de souplesse.

Entre 2009 et 2013, les crédits de la mission « Sécurité » devraient ainsi augmenter de 310 millions d’euros, soit 2,7 %, pour atteindre 11,7 milliards d’euros.

Cette progression peut être qualifiée de modeste, car elle demeure inférieure à l’inflation attendue sur la période. Il faut voir là la contribution de la mission « Sécurité » à l’effort de diminution des dépenses publiques dans le cadre de la RGPP.

L’augmentation envisagée des crédits pour la mission « Sécurité civile », qui sera dotée de 436 millions d’euros, est beaucoup plus substantielle : elle se monte à 55 millions d’euros, soit une progression de 14,5 %. Elle doit toutefois être relativisée dans la mesure où elle s’explique par le désengagement outre-mer du ministère de la défense. Certaines des missions de ce ministère seront ainsi prises en charge par la sécurité civile, qui doit dans ce cadre acquérir de nouveaux hélicoptères.

Au total, en passant de 11,8 milliards d’euros en 2009 à 12,2 milliards d’euros en 2013, les crédits consacrés à la sécurité intérieure progresseront donc, sur la période, de 365 millions d’euros, soit 3,1 %.

Au regard des perspectives de hausse des crédits tracées par la LOPPSI 2, on ne peut toutefois manquer de s’interroger sur la conformité de cette évolution avec l’intention exprimée par le Gouvernement de stabiliser les crédits des missions budgétaires en 2011. Ainsi un gel des dépenses de l’État, en valeur, de 2011 à 2013, hors pensions et charge de la dette, a-t-il été annoncé. Le Premier ministre a par ailleurs précisé que « les dépenses de fonctionnement courant [...] diminueront de 10 % en trois ans, avec une baisse de 5 % dès 2011 ».

Plus encore, la programmation triennale sur la période 2011-2013 présentée par le Gouvernement au Sénat à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques, le 8 juillet dernier, ne reprend pas la trajectoire budgétaire fixée dans la LOPPSI 2. S’agissant des missions « Sécurité » et « Sécurité civile », elle se montre en effet plus restrictive que la programmation proposée dans le présent projet de loi.

Les différences entre la programmation triennale et la LOPPSI 2 appellent donc inévitablement une remise en cohérence de la part du Gouvernement. L’incertitude actuelle est en effet grandement préjudiciable à la bonne lisibilité des crédits consacrés à la sécurité intérieure au cours des trois prochaines années.

Sous cette réserve d’importance, le rapport annexé au présent projet de loi distingue les crédits qui seront destinés à financer spécifiquement les priorités de la LOPPSI 2.

Les dépenses de personnel – titre 2 – ainsi « ciblées » doivent permettre de financer les mesures relatives à la situation des personnels, prévues par le protocole relatif aux corps et aux carrières dans la police nationale, ainsi qu’à celle des personnels de la gendarmerie nationale, prévues dans le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, le PAGRE. Elles se montent à 766 millions d’euros sur la période 2009-2013.

S’agissant de la problématique de la dépense de personnel et de l’évolution des effectifs, on ne peut rester sourd aux craintes récemment exprimées au sujet des suppressions de postes engagées dans le cadre de la RGPP. Il faut néanmoins rappeler que la densité des forces de sécurité intérieure dans notre pays est supérieure à celle de nombre de nos voisins européens. À titre de comparaison, le ratio des effectifs de police rapporté à la population totale s’établit à un policier pour 248 personnes en France, mais à un policier pour 278 personnes au Royaume-Uni, et à un pour 326 en Allemagne. Une telle remise en perspective est indispensable.

Les autres crédits de la LOPPSI 2, c’est-à-dire les crédits de fonctionnement et d’investissement, s’élèvent à 1,7 milliard d’euros. Ils visent à couvrir les grands programmes destinés à mettre en œuvre les orientations déclinées dans le rapport annexé.

Au total, 69,8 % des crédits « ciblés » dans le cadre de la LOPPSI 2 sont consacrés à des dépenses de fonctionnement et d’investissement.

Selon les informations communiquées par le Gouvernement, pour la police nationale, ce sont 878 millions d’euros en crédits de paiement et 1,2 milliard d’euros en autorisations d’engagement qui sont « fléchés » par la LOPPSI 2 entre 2009 et 2013.

Au titre de la modernisation technologique, 456 millions d’euros permettront notamment de financer des programmes tels que la modernisation des systèmes d’information et de communication, pour 46 millions d’euros, ou encore le développement des moyens d’investigation et la lutte contre la cybercriminalité, pour 22 millions d’euros.

Pour la gendarmerie nationale, 764 millions d’euros en crédits de paiement et 1,1 milliard d’euros en autorisations d’engagement devraient être dédiés, entre 2009 et 2013, à quelques grands programmes tels que le développement des capacités d’investigation technologique, avec un budget prévisionnel de 56 millions d’euros, ou la diffusion de la biométrie au service de la gendarmerie, pour 14 millions d’euros.

Au total, du point de vue budgétaire, la LOPPSI 2 fournit donc un cadre législatif attendu. Mais ne nous leurrons pas. Il n’a jamais existé, et il n’existera jamais de société parfaitement sûre, même dans les régimes qualifiés de policiers : le concept d’une sécurité totale, absolue, reste une vue de l’esprit, quels que soient les moyens engagés.

De même, les stériles querelles sémantiques ou politiciennes que j’évoquais en préambule de mon propos doivent être écartées. Ainsi, la police de proximité, sujet hautement polémique, a trop longtemps versé dans l’accompagnement social, alors que la politique de sécurité doit avant tout s’appuyer sur les deux piliers cardinaux que sont la prévention et la sanction. Dans ce domaine, comme dans d’autres, seul le pragmatisme est gage de résultats.

Dans le même esprit, comment ne pas s’interroger sur les préventions de certains à l’égard de la vidéoprotection ? Les résultats probants obtenus grâce aux caméras de surveillance, en matière de lutte contre la délinquance et de prévention de la délinquance, doivent bien au contraire nous inciter au développement le plus large possible de cette technologie au service de la sécurité de nos concitoyens.

En 2002, j’écrivais dans mon rapport sur la LOPSI 1 qu’« aujourd’hui, l’insécurité est devenue un véritable défi pour l’État ». En dépit des progrès réalisés, cette conclusion demeure valable.

Face à ce constat, le jugement pouvant être porté sur la LOPPSI 2 repose au moins autant sur la trajectoire budgétaire qu’elle fixe à nos forces de sécurité que sur la stricte application de cette feuille de route dans les années à venir. La réussite, ou l’échec, de cette loi d’orientation relèvera donc d’un double défi : à la fois la volonté politique ferme de maintenir le cap, mais aussi notre capacité financière à soutenir la dépense.

Le cap est donc fixé, il faut désormais le tenir.

En conclusion, la commission des finances donne un avis favorable à l’adoption de l’article 1er du projet de loi, ainsi que du rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l’horizon 2013, sous réserve des précisions que le Gouvernement devra apporter sur l’articulation et la compatibilité entre la programmation prévue par ce texte et la mise en œuvre des engagements pris par la France dans le programme de stabilité 2010-2013 transmis au Conseil et à la Commission européenne. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.