M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, les entreprises de sécurité sont devenues des acteurs à part entière de la sécurité intérieure. La demande est de plus en plus forte et de plus en plus diversifiée.

Ces sociétés jouent effectivement – j’ai pu le constater en un an – un rôle croissant au côté des pouvoirs publics. En remplissant de telles fonctions, elles participent à l’évidence à la création de richesses en termes d’emplois et de métiers.

Je le rappelle, les entreprises privées de sécurité représentent aujourd'hui environ 190 000 salariés, dont plus de 120 000 exercent des fonctions de gardiennage. Le rythme d’augmentation des emplois est très impressionnant, de l’ordre de 10 000 par an.

Certaines compétences en matière de sécurité sont d’ores et déjà partagées, voire déléguées. Je pense notamment à la sécurité des stades, des aéroports, des transports de fonds et parfois même de personnes, à la surveillance de certains bâtiments, et cette liste n’est pas exhaustive.

Bien évidemment, l’État est tenu à une obligation forte d’encadrement. Il doit s’attacher à définir, en concertation avec les entreprises concernées, un partenariat opérationnel entre les représentants des forces de sécurité intérieure, d’un côté, et les représentants du secteur privé, de l’autre. Il faut aussi que ces activités s’exercent dans le respect de la réglementation.

Certes, les métiers de la sécurité sont déjà réglementés par de nombreux textes. Mais les professionnels avec lesquels nous dialoguons réclament eux-mêmes une amélioration qualitative de leur activité via un contrôle plus efficace encore de l’État. Selon eux, la puissance publique doit pouvoir sanctionner ceux qui s’affranchiraient des règles, afin de garantir la qualité professionnelle des entreprises.

Il faut donc renforcer les contrôles et doter la profession d’une véritable déontologie. Cela signifie également qu’il faut améliorer la formation professionnelle des salariés. Il y a une vraie marge de progression en la matière.

Nous proposons donc la création d’un Conseil national des activités privées de sécurité, qui deviendrait l’autorité unique et indépendante chargée, sous réserve des attributions de l’État, d’assurer la coordination.

Concrètement, une telle autorité jouerait le rôle que jouent aujourd'hui les préfectures. Elle prendrait en charge l’instruction, la délivrance, le retrait des différents agréments, les autorisations et les cartes professionnelles. Tout cela est prévu par la loi adoptée en 1983.

Le Conseil serait administré par un collège au sein duquel l’État serait majoritaire. Il serait financé par les cotisations des membres de la profession. Cela permettra le développement de cette activité, mais dans un cadre déontologique plus contrôlé.

Je vous le précise, c’est à la demande des entreprises elles-mêmes que nous formulons cette proposition, qui va, me semble-t-il, dans le bon sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le présent amendement du Gouvernement propose d’insérer un nouveau titre portant création d’un Conseil national des activités privées de sécurité au sein de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité.

Une telle instance était attendue depuis longtemps, et je souhaite remercier le Gouvernement de prendre aujourd'hui l’initiative de sa création.

Cet organisme aura un rôle d’assistance, de conseil, de contrôle et de discipline pour la profession. Il pourra délivrer des agréments et il contrôlera l’action des différentes institutions et créera des commissions régionales. Il sera administré par un collège composé de représentants de l’État et de magistrats des ordres administratifs et judiciaires, ainsi que de personnes issues des métiers de la sécurité privée et de personnalités qualifiées.

Par ailleurs, cette structure permettra de contribuer à la modernisation et à la moralisation d’une profession qui rassemble plus de 150 000 salariés et, accessoirement, de soulager les préfectures, qui – vous l’avez souligné, monsieur le ministre – éprouvent aujourd'hui de grandes difficultés à traiter les demandes d’agrément et d’autorisation.

La commission émet un avis très favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 387 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20 bis.

Articles additionnels après l’article 20 bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Demande de réserve

Article 21

(Non modifié)

La loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article 20 est complété par les mots : « à l’exclusion des activités régies par le titre III » ;

2° Les titres III et IV deviennent respectivement les titres IV et V ;

3° Après le titre II, il est rétabli un titre III ainsi rédigé :

« TITRE III

« DE L’ACTIVITÉ PRIVÉE D’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE

« Art. 33-1. – Pour la sauvegarde de l’ordre public, en particulier de la sécurité économique de la Nation et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique, sont soumises au présent titre les activités privées de sécurité consistant dans la recherche et le traitement d’informations sur l’environnement économique, commercial, industriel ou financier d’une ou plusieurs personnes physiques ou morales, destinées soit à leur permettre de se protéger des risques pouvant menacer leur activité économique, leur patrimoine, leurs actifs immatériels ou leur réputation, soit à favoriser leur activité en influant sur l’évolution des affaires ou les décisions de personnes publiques ou privées.

« Ne relèvent pas du présent titre les activités d’officier public ou ministériel, d’auxiliaire de justice et d’entreprise de presse.

« Art. 33-2. – Nul ne peut exercer à titre individuel, ni diriger, gérer ou être l’associé d’une personne morale exerçant une activité visée à l’article 33-1 s’il n’est titulaire d’un agrément délivré par le ministre de l’intérieur.

« L’agrément est délivré aux personnes qui satisfont aux conditions suivantes :

« 1° Être de nationalité française ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen ;

« 2° Ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l’exercice des fonctions.

« L’agrément ne peut être délivré s’il résulte d’une enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification, que le comportement ou les agissements du demandeur sont contraires à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État et sont incompatibles avec l’exercice des fonctions susmentionnées.

« Si l’une de ces conditions cesse d’être remplie, l’agrément est retiré au terme d’une procédure respectant le principe du contradictoire, sauf urgence ou nécessité tenant à l’ordre public.

« Art. 33-3. – L’exercice d’une activité mentionnée à l’article 33-1 est subordonné à une autorisation délivrée par le ministre de l’intérieur.

« La demande d’autorisation est examinée au vu de :

« 1° La liste des personnes employées par la personne morale et chacun de ses établissements pour exercer les activités mentionnées à l’article 33-1. Cette liste est mise à jour par la personne morale une fois par an ;

« 2° L’avis d’une commission consultative nationale chargée d’apprécier la compétence professionnelle et la déontologie de la personne physique ou morale ;

« 3° La mention du numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ou à un registre équivalent pour les personnes établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen.

« Le ministre de l’intérieur peut retirer ou suspendre l’autorisation susmentionnée en cas de retrait de l’agrément prévu à l’article 33-2, d’insuffisance de la compétence professionnelle ou de manquement à la déontologie. Sauf urgence ou nécessité tenant à l’ordre public, la suspension ou le retrait intervient au terme d’une procédure contradictoire.

« Art. 33-4. – Il est interdit aux fonctionnaires de la police nationale, aux officiers ou sous-officiers de la gendarmerie nationale ainsi qu’aux militaires et agents travaillant dans les services de renseignement visés à l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires d’exercer l’activité mentionnée à l’article 33-1 de la présente loi durant les trois années suivant la date à laquelle ils ont cessé définitivement ou temporairement leurs fonctions sauf s’ils ont obtenu, au préalable, l’autorisation écrite, selon le cas, du ministre de l’intérieur, du ministre de la défense, du ministre de l’économie ou du ministre du budget, après avis de la commission visée à l’article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Les officiers ou sous-officiers n’appartenant pas à la gendarmerie nationale qui étaient affectés dans l’un des services mentionnés par arrêté du ministre de la défense sont soumis aux mêmes règles.

« Art. 33-5. – (Suppression maintenue)

« Art. 33-6. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende :

« 1° Le fait d’exercer à titre individuel, de diriger, de gérer ou d’être l’associé d’une personne morale exerçant pour autrui, à titre professionnel, une activité visée à l’article 33-1 sans être immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou à un registre équivalent pour les personnes établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre des États parties à l’accord sur l’Espace économique européen ;

« 2° Le fait d’exercer à titre individuel, de diriger, de gérer ou d’être l’associé d’une personne morale exerçant une activité visée à l’article 33-1 sans être titulaire de l’agrément prévu à l’article 33-2 ou de continuer à exercer l’une de ces activités alors que l’agrément est suspendu ou retiré ;

« 3° Le fait d’exercer l’une des activités mentionnées à l’article 33-1 alors que l’autorisation prévue à l’article 33-3 n’a pas été délivrée ou de continuer à exercer l’une de ces activités alors que cette autorisation est suspendue ou retirée.

« Est puni de six mois d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait, pour la personne titulaire de l’agrément prévu à l’article 33-2, de ne pas transmettre la liste mise à jour annuellement des salariés dans les conditions prévues à l’article 33-3.

« Les personnes physiques déclarées coupables de l’une des infractions aux dispositions du présent titre encourent les peines complémentaires suivantes :

« 1° La fermeture, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, du ou des établissements exerçant une activité définie à l’article 33-1 qu’elles dirigent ou qu’elles gèrent ;

« 2° L’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer l’une des activités définies à l’article 33-1. »

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. L’article 21 vise à donner un régime juridique aux activités privées de renseignement économique. Il illustre une nouvelle fois la propension du Gouvernement à abandonner certaines de ses missions régaliennes en matière de sécurité et à confondre la défense d’intérêts privés avec celle de l’intérêt général.

Cet article met également en œuvre les conceptions du Président de la République, qui a souvent affirmé vouloir « une coproduction public-privé de la sécurité » et un partage des responsabilités entre l’État, les collectivités locales et les acteurs privés.

C’est une nouvelle doctrine des politiques publiques de sécurité qui risque ainsi d’être appliquée. Celle-ci ne cesse de réduire la place et les pouvoirs de l’État. C’est pour cette raison, par exemple, que l’État transfère des compétences et de plus en plus de responsabilités aux communes, surtout quand il s’agit de partager les dépenses, en donnant de nouveaux outils juridiques aux maires ou bien en attribuant de nouvelles missions et de nouveaux pouvoirs aux polices municipales.

C’est aussi la raison du développement de ce que je persiste à appeler la « vidéosurveillance », qui vise à compenser la réduction des missions de surveillance de la police nationale et à pallier l’absence de policiers sur le terrain.

En outre, vous prévoyez d’étendre aux entreprises privées le droit de filmer la voie publique.

C’est également parce que vous voulez réduire la place et le rôle de l’État que les entreprises privées de sécurité sont appelées à jouer un rôle encore plus important. L’objet de l’article 21, sous prétexte de moralisation et de sécurisation juridique d’activités privées de renseignement économique, est précisément de les légitimer, de les légaliser et d’accorder de nouveaux pouvoirs aux entreprises qui exercent ce type d’activité.

Le développement des entreprises privées de sécurité et la place qu’elles tiennent désormais inquiète et irrite un certain nombre de responsables policiers et d’organisations syndicales, d’abord pour des raisons de principe, car ils considèrent que l’ordre et la sécurité publics étant avant tout une responsabilité de l’État, ils doivent à ce titre rester un service public. Ils observent aussi que la tendance à la privatisation de la sécurité peut donner lieu à de graves dérives et qu’elle s’opère sur fond de diminution des effectifs de policiers et de gendarmes. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, qui ont suffisamment été évoqués.

Ainsi, si le secteur privé de la sécurité tient ses promesses de recrutement, comme il s’y est engagé l’an dernier dans une convention signée avec le secrétaire d’État chargé de l’emploi, ses effectifs – environ 190 000 salariés aujourd'hui – devraient dans quelques années être supérieurs aux 220 000 policiers et gendarmes.

Enfin, l’article 21, qui est placé dans un chapitre traitant de la protection des intérêts fondamentaux de la nation, crée un amalgame entre la protection et le développement des intérêts économiques de notre pays et l’activité de sociétés privées chargées de la défense et de la protection d’intérêts privés. Cet amalgame est d’autant plus inacceptable qu’il existe déjà dans ce domaine un délégué interministériel et des services spécialisés chargés de mettre en œuvre une politique publique du renseignement économique.

Il est tout aussi inacceptable qu’au nom du respect de la législation européenne cet article prévoie que ces activités, parce qu’elles entrent dans la catégorie des services, puissent être exercées sur le territoire national par des sociétés étrangères.

Nous attirons donc l’attention sur les dangers que représente, pour l’équilibre de nos institutions républicaines, la part croissante prise par les entreprises privées de sécurité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite dire à mon tour quelques mots sur les sociétés dites d’intelligence économique et poser la question, monsieur le ministre, de ce que l’on entend en l’espèce par le terme d’intelligence.

Reconnaissez-le, il s’agit d’une drôle de dénomination. On pourrait supposer que l’intelligence économique est l’effort partagé par tous les entrepreneurs et tous les salariés pour contribuer au développement de l’activité. Or, en réalité, on appelle intelligence économique toute une série d’activités qui, parfois, monsieur le ministre, s’apparentent à de l’espionnage économique. Disant cela, je ne pense pas trahir de secret.

Une personnalité éminente de ce pays m’a dit que nous étions condamnés à ce qu’il y eût une « zone grise », qu’il fallait faire preuve de réalisme.

Il est utile, monsieur le ministre, que la législation se penche sur ce sujet extrêmement sensible, je le dis sans naïveté, afin d’éviter un certain nombre de dérives dont l’histoire récente a montré qu’elles pouvaient avoir des conséquences non négligeables.

Il est très important de clarifier les choses. Qu’il y ait des sociétés qui se donnent pour tâche de trouver de l’information, c’est tout à fait naturel ; mais que ces sociétés puissent franchir les lignes et utiliser des méthodes qui sont contraires à la loi, ce n’est pas acceptable. Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales que vous êtes ne nous dira certainement pas le contraire. Par conséquent, nous devons faire preuve d’une grande vigilance à cet égard.

C’est dans cet esprit que nous abordons, pour notre part, ce débat.

M. le président. L'amendement n° 329 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Au début de cet alinéa, remplacer le mot :

Pour

par les mots :

En vue de

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement important, qui fera date dans l’histoire de ce texte puisqu’il vise à remplacer, à l’alinéa 7 de l’article 21, le mot « pour » par les mots « en vue de ».

J’ai cru comprendre que la commission était favorable à cette modification rédactionnelle essentielle. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. M. Mézard ayant souligné avec gravité l’intérêt de cet amendement, la commission ne peut qu’émettre un avis très favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je souhaite réagir à l’intervention de M. Sueur.

Nous avons assisté, dans un passé qui n’est pas si lointain, aux dérives de ce que l’on appelait jadis les « officines ». Le recours à des méthodes d’investigation pour le moins douteuses a conduit à des atteintes au droit individuel, au droit intellectuel, etc., et ce pour une raison simple : les activités d’intelligence économique ne font l’objet aujourd’hui d’aucune réglementation.

Il est vrai que l’article 21 du projet de loi tend à remédier à cette situation puisque toute atteinte au patrimoine d’une entreprise peut menacer son activité.

Les activités de renseignement économique seront ainsi réglementées au titre des activités privées de sécurité dans le cadre de la loi de 1983. En clair, il s’agira de la même réglementation que celle qui s’applique déjà aux détectives.

Cela signifie que ces personnes devront pouvoir justifier d’un agrément délivré par le ministère de l’intérieur, après enquête administrative et vérification des antécédents judiciaires. Disant cela, je ne peux m’empêcher de me tourner vers Mme Boumediene-Thiery que je sais être, par principe, assez réticente à l’égard des fichiers.

Les entreprises, monsieur Sueur, devront donc disposer d’une autorisation délivrée après avis d’une commission chargée d’apprécier la compétence professionnelle et les garanties idéologiques de l’entreprise. Je précise d’ailleurs que les anciens fonctionnaires de police, les officiers et sous-officiers de gendarmerie, ainsi que les militaires et les agents des services de renseignements ne pourront exercer ce type d’activité moins de trois ans après la cessation de leurs fonctions. Des sanctions pénales sont prévues en cas d’exercice illégal de la profession.

Je partage votre avis, monsieur Sueur, il faut moraliser ce secteur d’activité qui concerne, ce n’est pas rien, 11 000 entreprises, y compris dans le secteur de la recherche.

Quant à l’amendement n° 329 rectifié, je me tourne vers M. Mézard pour souligner, à l’instar de M. le rapporteur, qu’il constitue un petit pas pour l’histoire. Le Gouvernement est donc heureux d’émettre un avis favorable. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 329 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 330 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots :

l'environnement économique,

insérer le mot :

social,

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. L’article 21 aborde un sujet important, et il est heureux que le législateur se penche davantage sur l’encadrement de l’activité privée d’intelligence économique.

L’évolution de la géopolitique mondiale depuis la fin de la guerre froide a conduit à redéfinir les intérêts fondamentaux de la nation. Le Livre blanc sur la défense de 2008 a pris acte de ces profondes mutations en y intégrant la préservation des intérêts économiques, pris au sens large, de notre pays.

Aujourd'hui, la puissance d’un État ne se mesure plus simplement au nombre de régiments qu’il peut aligner, mais s’évalue par rapport à sa capacité d’influer sur l’économie mondiale. Cet état de fait n’est pas non plus nouveau : Napoléon avait bien compris l’usage que l’on pouvait faire de l’économie lorsqu’il décidait d’instaurer des blocus !

Le renseignement économique revêt ainsi une dimension fondamentale. Il est donc tout à fait opportun que le législateur encadre ces activités lorsqu’elles sont exercées par une personne privée.

L’histoire récente de la République regorge d’exemples d’officines, de cabinets noirs ou de structures occultes de diplomatie parallèle où se mêlaient allégrement la raison d’État et des prétentions bien plus sonnantes et trébuchantes, qui n’avaient plus rien à voir avec l’intérêt général. Ce sont autant de pratiques que nous réprouvons tant nous sommes attachés à prévenir toute forme de conflits d’intérêts.

C’est donc dans cet état d’esprit que nous abordons l’article 21.

Le présent amendement vise à enrichir le texte en ajoutant l’environnement social à la liste des domaines faisant l’objet de recherches et de traitements d’information dans le cadre d’une activité privée d’intelligence économique. Dans le contexte de crise économique et sociale auquel notre pays doit faire face, le facteur social est plus que jamais un élément de compréhension, d’explication et d’anticipation de l’évolution du comportement des agents économiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que l’intelligence économique s’intéresse également à l’environnement social des entreprises. Celui-ci peut effectivement constituer un élément d’appréciation pertinent de la situation de ces entreprises.

La commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je m’apprêtais à émettre un avis défavorable, mais après avoir entendu M. Mézard défendre l’amendement et pris connaissance de l’avis de la commission, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 330 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 331 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots :

soit à favoriser leur activité

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement de clarification vise à supprimer l'ambiguïté pouvant laisser accroire que le législateur encourage les personnes privées exerçant une activité d'intelligence économique à influencer des personnes publiques. Il pourrait d’ailleurs en résulter pour celles-ci la commission du délit de trafic d'influence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le présent amendement tend à supprimer les éléments de la définition de l’intelligence économiques relatifs à l’exercice d’une influence sur l’évolution des affaires, ainsi que sur les décisions de personnes publiques ou privées.

L’existence d’une telle finalité est un fait avéré, de sorte qu’il convient au contraire de la mentionner afin qu’elle bénéficie aussi de l’encadrement prévu par cet article.

Je suis au regret d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 331 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 105, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après les mots :

du casier judiciaire

insérer les mots :

, en particulier la consultation illégale de fichiers et la divulgation des informations qui y figurent,

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. L’article 21 vise à moraliser le secteur des activités privées de renseignement économique en lui donnant un cadre légal. Les entreprises qui exercent ces activités en ont bien besoin, car de récentes affaires ont braqué les projecteurs de l’actualité sur certaines de leurs pratiques douteuses, qui s’apparentent à l’espionnage industriel ou à l’intimidation de concurrents. Je pense notamment à une grande entreprise publique, EDF, qui a eu recours à l’une de ces officines pour exercer des pressions sur l’organisation écologiste Greenpeace.

La fédération des professionnels de ce secteur pratique auprès des pouvoirs publics un habile travail de persuasion pour redorer le blason de ce qu’il est convenu d’appeler, d’un anglicisme à la mode, « l’intelligence économique ». L’article 21 témoigne de l’efficacité de ce travail.

Cet organisme professionnel explique en effet sans pudeur que, selon lui, l’intelligence économique englobe à la fois le renseignement « ouvert » – portant sur la conclusion des contrats ou le prix des matières premières – mais aussi le renseignement industriel – relatif aux procédés de fabrication ou aux projets de recherche – ou bien encore la protection des entreprises contre les tentatives de pénétration extérieure, publiques ou privées.

Ceux qui connaissent un peu ces milieux savent bien que toutes ces activités peuvent se pratiquer dans les deux sens ! Je pense donc qu’il est effectivement nécessaire de les encadrer, mais il faudrait que cet encadrement soit renforcé et, en particulier, que les critères exigés pour obtenir l’agrément délivré par le ministère de l’intérieur soient plus stricts.

C’est pourquoi notre amendement tend à faire figurer parmi les motifs de refus d’agrément toute condamnation à une peine correctionnelle ou criminelle pour consultation illégale de fichiers et divulgation des informations qui y figurent. Cette précision nous paraît nécessaire, car la consultation de fichiers informatiques fait partie des pratiques les plus courantes de ce secteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le présent amendement tend à modifier les circonstances qui peuvent justifier le refus de l’agrément nécessaire à l’exercice d’une activité d’intelligence économique.

Cependant, les conditions posées par le projet de loi couvrent déjà l’hypothèse évoquée par cet amendement, à savoir la condamnation à une peine correctionnelle, qui peut notamment sanctionner la consultation illégale de fichiers et de la divulgation des informations qui y figurent, en vertu de la loi dite « Informatique et libertés ». Cet amendement est donc satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 105.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 332 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Detcheverry et Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les motifs de fait et de droit ayant conduit au refus de délivrance de l’agrément sont notifiés au demandeur.

La parole est à M. Jacques Mézard.