compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Godefroy,

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

projet d'aménagement des voies sur berges à Paris

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 962, transmise à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, représenté aujourd’hui par Mme la ministre chargée de l’outre-mer.

Madame la ministre, le 14 avril 2010, le maire de Paris a présenté son projet pour le réaménagement des voies sur berges.

En installant des feux tricolores et en fermant les « quais bas » de la rive gauche, il prétend notamment pouvoir réduire la vitesse et le volume de la circulation dans la capitale.

Toutefois, la fermeture de ces voies, fréquentées aujourd’hui par plus de 2 000 véhicules par heure en période de pointe, risque d’entraîner une augmentation du trafic sur les axes de report, tels que les « quais hauts », le boulevard Saint-Germain, la rue de Rivoli, mais aussi le boulevard périphérique, et d’entraîner des encombrements. On peut donc, in fine, redouter une congestion de tout le cœur de Paris.

Au-delà de ces problèmes de circulation, la faisabilité de ce projet doit aussi être appréciée d’un point de vue juridique. En effet, les voies sur berges font l’objet d’une superposition de gestion, donnée par l’État à la ville de Paris dans les années soixante-dix, et sont spécifiquement destinées à une utilisation en tant que voies express.

Si la ville de Paris supprime la circulation sur ces voies, ces dernières retomberont de facto dans le domaine public de l’État et de nouvelles conventions devront alors être établies avec la ville.

Je souhaiterais, madame la ministre, que vous me précisiez la position de l’État sur ce dossier.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame le sénateur, vous avez attiré l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur le projet d’aménagement des voies sur berges à Paris.

Présenté le 14 avril 2010, le projet de réaménagement des voies express envisagé par la ville de Paris vise à modifier profondément le dispositif existant dans une optique de reconquête des berges de la Seine au bénéfice d’usages principalement piétonniers et cyclistes et d’activités de loisirs.

Ce projet distingue les deux rives concernées : d’une part, l’autoroute urbaine de la rive droite serait réaménagée en boulevard urbain ponctué de feux de signalisation ; d’autre part, la voie rapide de la rive gauche serait fermée au trafic automobile entre Solférino et le Pont de l’Alma.

Les espaces de 4,5 hectares ainsi libérés seraient affectés à différentes activités récréatives, de sport et de culture.

Ce projet, dont la réalisation est envisagée pour 2012, ne peut bien évidemment être conçu que dans le cadre d’une discussion approfondie avec l’État. (Mme Catherine Dumas acquiesce.) Situées sur le domaine public fluvial de l’État et de ses établissements publics, les voies sur berges voient leurs conditions de circulation relever du préfet de police.

C’est dans le cadre de ce partenariat étroit avec l’État que devront être évalués les effets de ce projet. La nécessité d’une concertation approfondie avec les habitants et les collectivités locales voisines a été réaffirmée et les différents services de l’État impliqués seront consultés officiellement sur le projet.

Au cours de la dernière séance du Conseil de Paris, le préfet de police est intervenu pour souligner que ce projet devait être abordé avec ouverture d’esprit, méthode et prudence. Il conviendra, en particulier sur le plan de la circulation, de veiller à préserver des axes de communication suffisamment fluides, de garantir la cohérence du projet avec les politiques de déplacement franciliennes, d’effectuer des tests de réalité et, enfin, de maintenir des délais réduits d’acheminement des secours en cas d’urgence.

De même, dès lors qu’est en cause l’utilisation du domaine public de l’État, il conviendra de réexaminer le dispositif existant de superposition d’affectation et de préserver les intérêts de l’État et de ses établissements publics dans le cadre de nouvelles conventions conclues en application des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques, le CG3P.

L’évolution éventuelle de l’occupation des berges devrait, enfin, être cohérente avec les objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas.

Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, j’ai pris bonne note de votre réponse.

Mes collègues du groupe UMP au Conseil de Paris et moi-même allons bien sûr rester très attentifs à ce sujet important, qui peut modifier durablement le visage de la capitale et, surtout, avoir des conséquences au quotidien sur la vie des Parisiens.

Nous pensons, en effet, que le projet actuel du maire de Paris est d’ores et déjà dépassé par rapport aux réalités de la ville et, surtout, indigne des défis qui sont les nôtres pour les prochaines années, notamment dans le cadre de l’ambitieux projet d’aménagement du Grand Paris.

On ne peut pas se contenter de bannir la voiture de Paris. Les élus du groupe UMP au Conseil de Paris, emmenés par leur président Jean-François Lamour, opposent un projet beaucoup plus ambitieux de réaménagement global de tous les espaces des bords de Seine, pariant sur la diversité des modes de déplacement – cela nous semble tout à fait important – et se révélant compatible avec le développement économique, culturel et surtout touristique de la capitale.

perspectives financières des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud, auteur de la question n° 966, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Marcel Rainaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, et des collectivités territoriales

Madame la ministre, les collectivités territoriales sont, grâce à leurs investissements, des éléments moteurs de la dynamique économique de notre pays. Elles sont soumises à des règles strictes puisqu’elles sont dans l’obligation de présenter des budgets en équilibre. Le recours à l’emprunt ne leur est autorisé que pour financer les investissements.

Malgré ces règles contraignantes et les différents transferts de charges auxquels elles ont dû faire face, à l’origine d’une augmentation mécanique de leurs coûts de fonctionnement, leurs investissements sont des éléments importants du dynamisme de notre économie. En effet, plus de 70 % de l’investissement public annuel est porté par les collectivités locales. Cela représente près de 800 000 emplois directs.

Au moment où la commande privée est au ralenti, il est particulièrement important de permettre à la commande publique de se maintenir à un bon niveau.

Le Gouvernement l’a compris lorsqu’il a instauré le dispositif de remboursement anticipé de la TVA pour les collectivités qui s’engageaient à produire des efforts supplémentaires en matière d’investissement. Cette mesure semblait indiquer la reconnaissance de l’importance du rôle des collectivités dans la dynamique économique et le maintien des emplois dans le secteur privé.

Malheureusement, la réforme de la fiscalité et l’annonce du gel des dotations aux collectivités locales ont mis un coup d’arrêt à cette dynamique.

Contraindre les finances des collectivités locales est un mauvais calcul économique. Les carnets de commandes des professionnels des secteurs du bâtiment et des travaux publics se sont vidés et les mesures de prudence prises par les exécutifs locaux amplifient les effets de la crise économique sur leur activité.

Ces entreprises se voient contraintes de se séparer d’une partie de leurs personnels : ce sont autant de personnes qui vont se retrouver en situation de précarité, ce qui fera encore gonfler les chiffres du chômage, puis, à terme, se traduira par une augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA.

Cela ne sera pas sans conséquences sur les finances publiques, qui devront faire face à cette augmentation du nombre de bénéficiaires d’indemnités chômage et de minima sociaux.

Pour protéger l’emploi et nos entreprises, il faut donner une meilleure visibilité aux collectivités sur l’évolution de leurs ressources et, tout d’abord, sur celle des dotations de l’État. L’annonce du gel de celles-ci, si elle est confirmée, renforcera les restrictions budgétaires des collectivités. Elle réduira leur rythme et leur niveau d’investissement.

Avant de mettre en œuvre une telle mesure, il serait donc important qu’une étude d’impact soit menée afin de mieux appréhender ses effets.

Les petites économies faites aujourd’hui sur le dos des collectivités locales engendreront, demain, de plus importantes dépenses dans le domaine du social et de l’insertion.

Les collectivités territoriales ont aussi besoin d’être rassurées sur la dynamique de leurs ressources. La suppression de la taxe professionnelle et la nouvelle architecture de la fiscalité ne sont pas sans conséquences pour elles.

Le Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, fait partie des principaux sujets de préoccupation. Ce fonds a vocation à compenser les pertes de recettes des collectivités induites par la réforme de la fiscalité.

Deux questions se posent alors.

La première concerne l’évolution du fonds : les élus locaux demandent que le montant de ce dernier leur soit pour le moins garanti et que sa pérennité soit assurée.

La seconde porte sur la dynamique des ressources nouvelles. Certains territoires ont choisi de mettre le développement économique au cœur de leur projet pour créer de nouveaux emplois et élargir l’assiette fiscale grâce aux recettes engendrées sur leur territoire par les entreprises qu’elles y installent.

Dès lors, les élus ont des craintes quant au devenir de ces ressources nouvelles. Ils affirment leur volonté forte de voir les ressources nouvelles créées sur leurs zones économiques abonder leurs budgets.

Les élus locaux ont besoin de réponses à ces questions. Les professionnels du secteur des travaux publics et du bâtiment, comme leurs salariés, sont également en attente.

Pouvez-vous, madame la ministre, prendre un engagement quant à la pérennité du Fonds national de garantie individuelle des ressources ? Pouvez-vous assurer aux collectivités locales qu’elles tireront profit de leurs efforts consentis en faveur du développement économique en leur garantissant qu’elles bénéficieront de l’intégralité des nouvelles recettes ainsi générées sur leurs territoires ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l’attention du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur la pérennité du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, et le maintien de la dynamique des ressources des collectivités.

La suppression de la taxe professionnelle a permis d’alléger les charges des entreprises de presque 9 milliards d’euros dès 2010, contribuant ainsi à l’amélioration de leur situation financière. Dans le cadre de cette réforme de la fiscalité locale, le Gouvernement s’est engagé à compenser, pour l’ensemble des collectivités locales, les éventuelles pertes engendrées par cette suppression.

Cette compensation prendra la forme, d’une part, d’une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, la DCRTP, d’autre part, d’un Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, pour chacun des niveaux de collectivité territoriale – communes et intercommunalité, départements et régions.

Ainsi que le Gouvernement l’a précisé à plusieurs reprises, aucune collectivité ne doit voir ses ressources fiscales baisser à la suite de la suppression de la taxe professionnelle.

Le FNGIR est financé par les gains des collectivités qui se retrouveraient gagnantes après la réforme, c’est-à-dire de celles dont les ressources fiscales en 2010 seraient supérieures à ces mêmes ressources constatées en 2009. Ce fonds est pérenne et les collectivités locales connaîtront vraisemblablement en juillet 2011 le montant exact des sommes ainsi redistribuées.

Quant à la dynamique des ressources des collectivités territoriales, les nouvelles impositions créées à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, notamment la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, permettront de l’assurer puisqu’elles sont directement assises sur l’activité économique.

En effet, les simulations effectuées dans le cadre du rapport présenté en juin 2010 par le Gouvernement montrent qu’à l’horizon 2015 la croissance annuelle des nouvelles ressources devrait être comprise entre 3,3 % et 3,9 % selon les collectivités, ce qui ferait passer les ressources fiscales de 72,8 milliards d’euros en 2010 à 87,8 milliards d’euros en 2015.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud.

M. Marcel Rainaud. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse. Celle-ci n’est cependant pas satisfaisante, car elle n’apporte pas aux élus les données concrètes qui leur permettraient d’organiser une gestion pluriannuelle de leur collectivité.

Je vous demande donc de prendre véritablement en compte l’incidence des investissements publics sur le dynamisme de notre économie et sur l’emploi. Il faut donner aux exécutifs locaux des signaux suffisamment rassurants pour qu’ils relancent la commande publique.

renforcement des mécanismes de péréquation financière

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 927, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Claude Biwer. Ma question, madame le ministre, est dans le prolongement de la précédente, et peut-être m’avez-vous déjà répondu par avance. Vous me permettrez néanmoins d’évoquer, à mon tour, les problèmes liés à la péréquation.

Au cours de la présente année, deux documents sont venus conforter mon inlassable combat en faveur de la mise en œuvre d’une plus grande péréquation financière pour les collectivités territoriales les plus pauvres, qu’il s’agisse de communes, de groupements de communes, ou encore de départements.

Tout d’abord, dans son rapport sur la fiscalité locale présenté le 6 mai dernier, le Conseil des prélèvements obligatoires estime que l’équité entre contribuables et celle entre collectivités ne sont plus assurées. Il ajoute que les écarts de richesse entre collectivités territoriales sont trop grands. Ainsi, le potentiel fiscal par habitant varie du simple au double entre régions, du simple au quadruple entre départements, et de un à mille entre les communes, ce qui est considérable. Il s’agirait donc, en l’occurrence, non pas de donner plus, mais de donner autrement et mieux.

Par ailleurs, les mécanismes actuels de péréquation ne corrigent qu’à peine la moitié de ces disparités. Ainsi, la part de péréquation de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, n’atteint que 16 % de son montant.

Je l’ai souvent affirmé, et je le répète, le mode de calcul de la DGF privilégie certaines grandes villes riches, au détriment des communes rurales pauvres. Ce phénomène est dû à des raisons à la fois historiques – on se souvient que la DGF est l’héritière du versement représentatif de la taxe sur les salaires... – et législatives : le fait que, dans les grandes villes, 1 habitant compte pour 2,5 est forcément contre-péréquateur.

Le Conseil des prélèvements obligatoires propose d’accélérer, pour chaque échelon territorial, l’augmentation de la part relative des dotations péréquatrices de la DGF en ralentissant la hausse des dotations forfaitaires, et de renforcer les mécanismes de péréquation fiscale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, qui doit être mise en place en 2011. Il suggère également de mieux cibler les efforts de péréquation en faveur des collectivités qui sont véritablement les plus éloignées de la moyenne.

Le second document date du 12 mai 2010 et émane de l’Association des maires de France, l’AMF, et de son groupe de travail sur la dépense locale. Lui aussi met en évidence la nécessité d’un renforcement de la péréquation et l’effet jusqu’ici insuffisamment péréquateur des dotations versées par l’État, notamment de la DGF.

L’AMF propose, notamment, une réduction progressive des inégalités dans les dotations d’intercommunalité : la dotation par habitant entre intercommunalités varie, en effet, du simple au double ; cela n’est pas normal.

Madame le ministre, consacrer une plus grande part de la DGF à la péréquation, concentrer notre effort de péréquation sur les communes et les départements qui, comme la Meuse, en ont le plus besoin, faire en sorte que toutes les intercommunalités perçoivent la même dotation par habitant – nous sommes loin du compte ! –, voilà de saines pistes de travail dont le Gouvernement devrait s’inspirer pour la préparation du projet de loi de finances pour 2011 !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Monsieur le sénateur, vous appelez l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur le renforcement des mécanismes de péréquation financière.

La péréquation, qui consiste à atténuer les disparités entre les collectivités locales, a fait l’objet d’un effort soutenu au cours de la dernière décennie et a été érigé en objectif à valeur constitutionnelle par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.

Ainsi, chaque niveau de collectivités locales bénéficie de dispositifs de péréquation : la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU, la dotation de solidarité rurale, la DSR, et la dotation nationale de péréquation, la DNP, pour les communes ; la dotation de péréquation urbaine, la DPU, et la dotation de fonctionnement minimale, la DFM, pour les départements ; enfin, la dotation de péréquation régionale.

Entre 2004 et 2010, la part de dotation globale de fonctionnement consacrée à la péréquation a augmenté de 2,3 milliards d’euros et s’élève aujourd’hui à 6,8 milliards. Pour 2011, le Gouvernement entend poursuivre cet effort en consacrant des montants conséquents à la péréquation.

Outre la péréquation dite verticale, c’est-à-dire de l’État vers les collectivités territoriales, il est nécessaire de renforcer la péréquation horizontale, soit entre les collectivités d’une même catégorie.

Dans leur rapport, MM. Carrez et Thénault se sont d’ailleurs accordés sur l’importance de prélever davantage les collectivités présentant un potentiel financier plus élevé, afin de reverser aux collectivités moins riches de la même catégorie. Leurs conclusions constituent autant de pistes pour le renforcement de la péréquation.

Les auteurs de ce rapport préconisent d’utiliser progressivement une partie des montants versés au titre du complément de garantie des communes et des départements comme un mécanisme de péréquation. L’écrêtement du montant touché par chaque collectivité pourrait, à cet effet, dépendre du potentiel fiscal, et non plus d’un montant uniforme.

Ils préconisent, ensuite, de calculer le potentiel fiscal en tenant compte du potentiel par habitant de l’ensemble intégré commune-intercommunalité.

Ils proposent, enfin, d’alimenter la péréquation par des dotations compensatrices.

Ces réflexions, monsieur le sénateur, seront naturellement prises en compte dans le cadre des différents rendez-vous législatifs qui seront l’occasion d’adapter les outils disponibles à la suppression de la taxe professionnelle, comme au nouveau cadre d’évolution des dotations de l’État.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Madame le ministre, je vous remercie de ces précisions qui vont, me semble-t-il, dans le bon sens. Néanmoins, depuis quelques années, s’agissant de ces accompagnements financiers, nous avons souvent observé une différence de taux entre la DGF urbaine et la DGF rurale, et ce toujours dans le mauvais sens. Lorsqu’on examine l’aspect du potentiel fiscal, on retrouve un certain équilibre.

Je constate, pour ma part, que ma commune reçoit au titre de la DGF seulement 10 % de ce que perçoit Paris par habitant. Je veux bien admettre que je vis aussi à l’ombre de la capitale, mais j’aimerais ne pas y mourir... Quoi qu’il en soit, je tiens à vous remercier pour les efforts accomplis.

utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les dom et à la réunion

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 887, transmise à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je souhaite aborder la question de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les DOM, en particulier à la Réunion.

Le 13 janvier 2009, les députés européens ont adopté les deux textes qui constituent la future législation européenne sur les pesticides. Après le compromis trouvé en décembre 2008 entre le Parlement européen et le Conseil, les députés se sont prononcés à une large majorité en faveur d’un règlement sur la production et l’autorisation des pesticides, et d’une directive relative à l’utilisation durable de ces produits.

Ainsi, la nouvelle législation prévoit l’interdiction d’une liste de vingt-deux substances chimiques toxiques au niveau de l’Union européenne, qui servira de base à l’autorisation de pesticides au niveau national. La directive fixe, pour la première fois au niveau communautaire, des règles tendant à rendre l’utilisation des pesticides plus sûre et à encourager le recours à la lutte intégrée et aux alternatives non chimiques. Dans les faits, l’épandage aérien sera progressivement interdit dans la sylviculture et la viticulture. Quant aux pesticides, ils seront également interdits dans les parcs, les jardins publics, les terrains de sport, les cours de récréation et les terrains de jeux. La directive devrait être mise en œuvre par les États membres au début de l’année 2011.

Les pesticides sont décriés depuis des années à cause de leur incidence sur la santé humaine. En décembre 2008, une étude mettait en exergue les effets toxiques du Roundup, l’un des herbicides les plus utilisés au monde, sur les cellules humaines ainsi que sur les OGM alimentaires. En février 2010, une étude du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy, le CIML, a prouvé qu’il existait un lien de causalité entre l’exposition des agriculteurs aux pesticides et certains cancers du sang. Je tiens à rappeler que la France est le premier utilisateur de pesticides en Europe, et le troisième au niveau mondial.

L’exposition aux pesticides en milieu agricole est considérée depuis longtemps comme un facteur de risque accru de lymphomes. Le lymphome folliculaire est ainsi en augmentation de 3 % à 4 % par an depuis une trentaine d’années. Ce type de cancer du sang incurable représente la cinquième cause de mortalité par cancer au niveau national.

Les agriculteurs sont plus souvent victimes de cancers que les autres professionnels. Les chercheurs ont mis en évidence des biomarqueurs qui témoignent d’un lien moléculaire entre l’exposition des agriculteurs aux pesticides, l’anomalie génétique et la prolifération de ces cellules, qui sont des précurseurs de cancers. Ils ont aussi constaté que, par rapport au reste de la population, les agriculteurs exposés aux pesticides développaient dans leur génome de 100 à 1 000 fois plus de cellules anormales.

Afin de connaître les liens entre les facteurs professionnels et la survenue de problèmes de santé, l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, a lancé le 8 février 2010, en partenariat avec la Mutualité sociale agricole, la MSA, une grande étude permettant de décrire et de surveiller l’état de santé de la population au travail dans le monde agricole. La première phase de cette étude a débuté dans cinq départements. Sont concernés les Bouches-du-Rhône, le Finistère, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-Atlantiques et la Saône-et-Loire. Je regrette qu’elle ne soit menée dans aucun département d’outre-mer.

À la Réunion, la prise en compte du risque professionnel lié aux produits phytosanitaires n’est que récente. Les agriculteurs réunionnais n’utilisent pas de produits moins dangereux qu’en métropole ; au contraire, ils seraient même moins regardants sur leur dangerosité et sur la protection qu’ils devraient mettre en œuvre. Force est de constater que le climat chaud et humide n’incite guère à revêtir gants, masque et combinaison pour se protéger des produits traitants.

La chambre d’agriculture de la Réunion organise régulièrement des stages de prévention et de sensibilisation sur le sujet, mais aucune étude sérieuse n’a été menée localement car, dans les départements d’outre-mer, contrairement à la métropole, il n’existe pas de mutuelle sociale agricole pour collecter les cas. C’est dans le secteur du maraîchage qu’on observe le plus de problèmes.

Madame le ministre, la question de l’utilisation des pesticides n’est pas cloisonnée aux seuls départements agricoles et viticoles, ou à un territoire ultramarin en particulier. Elle nous concerne tous puisque, dans tous les aliments et boissons, on retrouve des traces de produits phytopharmaceutiques.

Vous connaissez mon attachement tant aux problématiques de santé qu’à l’équité de traitement entre la métropole et les territoires ultramarins. Je plaide pour que soit mise en place, très prochainement, une véritable enquête sur l’état de santé des agriculteurs réunionnais, et plus généralement ultramarins.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Madame la sénatrice, vous avez interrogé Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les départements d’outre-mer, et en particulier à la Réunion.

Cette question constitue une réelle préoccupation pour le Gouvernement.

À la Réunion, depuis 2005, la médecine du travail collabore avec les professionnels agricoles et les services sanitaires pour sensibiliser la profession agricole aux risques phytosanitaires. Dans ce cadre, le service de la prévention des risques professionnels de la Caisse générale de sécurité sociale réalise des actions de formation auprès des agriculteurs, en partenariat avec la Direction de l’agriculture et de la forêt, sur les risques liés au stockage et à la manipulation des produits phytosanitaires.

Ainsi, afin de faciliter l’observation d’effets indésirables des produits phytosanitaires sur la santé des manipulateurs, un numéro vert gratuit est à la disposition de toute personne utilisant des produits professionnels, en métropole comme à la Réunion. Ce numéro vert est celui du réseau Phyt’attitude, qui recense spécifiquement et analyse les intoxications liées aux produits phytosanitaires.

Depuis 2006, parallèlement à la Caisse centrale de la MSA, qui recense ces données, la cellule interrégionale d’épidémiologie Réunion-Mayotte de l’agence régionale de santé a mis en œuvre un dispositif de toxicovigilance comparable. Enfin, s’agissant de la surveillance épidémiologique, un registre des cancers est en cours de constitution à Saint-Denis de la Réunion. La consolidation de ce registre permettra de parfaire la surveillance des pathologies tumorales et de faciliter les travaux de recherche.

Par ailleurs, l’étude conduite par l’Institut national de veille sanitaire que vous évoquez n’est, à ce stade, qu’une étude de faisabilité réalisée dans cinq départements métropolitains, en relation étroite avec la Mutualité sociale agricole.

L’extension de ce protocole aux DROM nécessitera des conditions spécifiques, en raison notamment du régime de sécurité sociale des agriculteurs d’outre-mer, qui est différent de celui de la MSA.

Ce protocole devra en particulier être adapté aux circuits d’information propres à ce régime de sécurité sociale.

Comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, le Gouvernement prend très au sérieux la question de la surveillance de la santé des agriculteurs liée à la manipulation des produits phytopharmaceutiques.