M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, chaque année, lorsque nous examinons le projet de loi de finances, nous étudions un certain nombre de rapports. Il en est un bien spécifique, présenté depuis plusieurs années par Mme Gonthier-Maurin, qui porte sur l’enseignement professionnel. Cela prouve que mettre le projecteur sur l’enseignement professionnel est une nécessité.

Vouloir étudier la question de l’absentéisme globalement, pour l’ensemble des formations, est sans doute intéressant, mais se focaliser sur l’enseignement professionnel est une obligation.

Chat échaudé craint l’eau froide, monsieur le ministre : en refusant cet amendement, vous venez de perdre toute crédibilité et de montrer que vous n’avez pas la volonté de traiter sérieusement la question de l’orientation dans l’enseignement professionnel, ce que je regrette.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article additionnel après l'article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, tout au long de vos interventions, vous avez consciencieusement passé sous silence la période 2004-2006, qui a vu disparaître le dispositif de suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire.

Pour quelles raisons ? Tout simplement parce que cette mesure était inefficace et injuste, et ce dans son principe même. Modifier ses modalités d’application n’y changera rien.

Dans vos interventions, monsieur le ministre, vous avez usé de mots ou d’expressions comme « contradictoire », « droit de la défense ». Cet emprunt au vocabulaire judiciaire constitue un aveu : la suspension ou la suppression des allocations familiales sont bien des peines, et l’inspection académique se trouve, ainsi, transformée en tribunal !

Il n’est donc pas étonnant que les intervenants dans ce débat aient été les mêmes que lors de l’examen récent du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, puisque les deux textes procèdent de la même logique.

Vous vous êtes voulu rassurant, monsieur le ministre, en évoquant la clairvoyance et le discernement des inspecteurs d’académie, mais c’est oublier l’automaticité de la suspension des allocations familiales inscrite dans cette proposition de loi.

Nous ne croyons pas au dialogue sous la contrainte, encore moins à l’arme de dissuasion massive. Nos points de vue sont aujourd’hui irréconciliables, parce que nous n’avons pas la même conception de la responsabilisation.

Concernant l’amalgame entre absentéisme scolaire et délinquance, permettez-moi de citer le discours tenu, le 20 avril dernier, à Bobigny, par M. le Président de la République : « Il y a des mineurs très jeunes qui ne vont pas à l’école sans même que les parents le signalent. Dans ce cas-là, les allocations familiales seront suspendues. Que font ces mineurs la nuit dans les rues ? Que font ces mineurs à être utilisés par des trafiquants pour faire les guetteurs ou pour lancer des pierres sur les bus ? ».

Vous pouvez persister à le nier, mais force est de constater que les paroles du Président de la République étaient claires et relevaient bien de l’amalgame.

Nous l’avons dit, les causes de l’absentéisme scolaire sont d’abord internes au système scolaire : orientation subie, difficulté scolaire, ennui à l’école... Mais la réponse que vous apportez lui est, elle, totalement étrangère. Pourquoi ? Parce que cette proposition de loi est un texte de commande, d’annonce politique : il s’agit d’adresser un signal à votre électorat. Cette proposition de loi s’inscrit donc dans la logique sécuritaire actuelle.

Je terminerai mon explication de vote en exprimant un sentiment d’amertume. Monsieur le ministre, dans votre dernière intervention, vous avez bien dit que cette mesure pénalisante devrait également s’appliquer aux familles bénéficiaires des minima sociaux ou de l’allocation de parent isolé. Or nous parlons de l’école, de l’avenir des enfants : nous nous devons d’être ambitieux et positifs, au lieu de chercher à stigmatiser et à punir ceux qui n’ont déjà rien, en leur enlevant le peu qui leur reste.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux exprimer à nouveau notre forte opposition à cette proposition de loi qui nous inspire une grande inquiétude et rappeler brièvement les raisons qui motivent notre rejet.

Cette proposition de loi repose tout d’abord sur un amalgame dangereux entre absentéisme scolaire et délinquance. Elle s’inscrit en ce sens dans un arsenal de mesures dangereuses, répressives et sécuritaires, qui ne résoudront en rien le problème de l’absentéisme, pas plus qu’elles n’amélioreront la relation de l’élève à l’école.

Cette proposition de loi est inefficace, en ce qu’elle fait porter la responsabilité d’un phénomène global, l’absentéisme scolaire, sur la seule sphère privée, les parents de l’enfant, alors considérés comme démissionnaires et n’exerçant pas leur autorité. Elle tend en cela à nier la responsabilité de l’État dans le domaine de l’éducation nationale, alors même que les décisions du Gouvernement ont lourdement contribué à la dégradation de la situation, avec l’application de la révision générale des politiques publiques et la suppression de postes d’enseignants, de conseillers d’éducation, de psychologues scolaires, d’assistants sociaux, de tous les personnels investis dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED.

D’une manière générale, tous ceux et toutes celles qui pourraient contribuer à la prévention et à l’encadrement sont touchés.

Je tiens également à rappeler que les allocations familiales ont pour objet non de récompenser les bons parents, mais de compenser la charge induite par la naissance d’un nouvel enfant.

La mesure introduite par cette proposition de loi s’appliquera de manière inégale aux citoyens, puisque seuls les bénéficiaires des allocations familiales seront sanctionnés ; par ailleurs, le montant de la sanction sera variable en fonction du nombre d’enfants. Elle sanctionnera une faute individuelle, l’absence d’un enfant, par une mesure collective, la suppression des allocations familiales, qui sera supportée par toute une fratrie.

Ce dispositif injuste sera donc inefficace : c’est d’ailleurs pour cette raison qu’un dispositif analogue a déjà été abrogé, comme l’ont rappelé certains de nos collègues.

Pour conclure, j’exprimerai ma très grande inquiétude : cette proposition de loi produira de nouvelles inégalités…

M. Roland Courteau. Et de l’injustice !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … et aggravera la situation d’hommes et de femmes qui rencontrent déjà chaque mois les plus grandes difficultés à boucler leur budget. Je déplore donc le vote qui me semble malheureusement prévisible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en sommes les uns et les autres convaincus, il est absolument nécessaire que tous les enfants puissent bénéficier pleinement de l’école, car rien n’est pire pour un jeune que de ne pas pouvoir recevoir, à l’école, l’éducation et la formation dont il a besoin.

Voilà pourquoi la situation des jeunes absents de l’école, les élèves « décrocheurs », pose un vrai problème, dont je comprends qu’il puisse susciter quelques passions entre nous, parce qu’il est au cœur de notre ambition pour tous les jeunes.

Monsieur le ministre, j’aurais pu m’alarmer moi aussi, si j’avais eu le sentiment que cette proposition de loi visait prioritairement à supprimer les allocations familiales, plutôt que de chercher à maintenir tous les jeunes à l’école avec profit. Mais je suis persuadé que telle n’est évidemment pas l’intention du Gouvernement, ni de sa majorité.

Nous en avons d’ailleurs eu la démonstration pendant le débat. Ainsi, M. Bodin s’est inquiété de la difficulté à mettre en œuvre le dispositif retenu, de ses lenteurs, des mois qu’il faudrait pour en arriver éventuellement à suspendre le versement des allocations familiales. Or, contrairement à vous, mon cher collègue, ces longueurs et ce temps laissé au temps me rassurent. En effet, nous ne souhaitons pas supprimer le versement des allocations familiales : je voudrais même exprimer devant vous l’espoir que nous n’ayons à déplorer aucune suppression à l’issue de l’application de cette loi ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.) Nous voulons que l’effort convergent des familles, de l’école, des conseils généraux et de tous les responsables aboutisse à la disparition du phénomène de « décrochage ».

Vous avez apporté la preuve, mon cher collègue, que ce dispositif est long à mettre en œuvre et qu’il laisse donc le temps de rattraper l’enfant, avec le concours des familles et des pouvoirs publics, avant qu’il ne faille procéder à la suppression des allocations familiales.

Je le répète donc, ce dispositif étant gradué, il faut espérer que la dérive, la sortie de l’enfant du système scolaire, sera prévenue avant toute sanction. Nous jugerons de l’efficacité du système au vu du fonctionnement de ces procédures.

Rappelons-nous, mes chers collègues, que notre objectif n’est pas de supprimer le versement d’un certain nombre d’aides sociales à ceux qui ont peu : ce n’est la volonté de personne ! Au contraire, nous voulons donner à leurs enfants la possibilité de se former, de s’épanouir et d’avoir un avenir parce qu’ils auront pu, eux aussi, réussir grâce à l’école ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est définitivement adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire
 

5

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, déposé ce jour sur le bureau de l’Assemblée nationale.

6

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 16 septembre 2010, à neuf heures trente et, éventuellement, à quatorze heures trente :

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques (n° 563, 2009-2010).

Rapport de M. Serge Lagauche, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 604, 2009 2010).

Texte de la commission (n° 605, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART